Couverture de BALZ_020

Article de revue

Conception versus réception

La remise en cause balzacienne d’une homologie transnationale

Pages 271 à 287

Notes

  • [1]
    Fernand Baldensperger, Orientations étrangères chez Honoré de Balzac, Honoré Champion, 1927.
  • [2]
    Franco Moretti, Atlas of the European Novel, 1800-1900, London, Verso, 1998, p. 35 et p. 45.
  • [3]
    Jérôme David, « Et la littérature devient mondiale », in Patrick Boucheron (éd.), Histoire mondiale de la France, Éditions du Seuil, 2017, p. 478.
  • [4]
    Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales. Europe xviiie-xxe siècles, Éditions du Seuil, 1999 ; Matthieu Letourneux, « La mondialisation à l’ère de la culture sérielle », Romantisme, 2014, no 163, pp. 79-88.
  • [5]
    Margaret Cohen and Carolyn Dever, « Introduction » à The Literary Channel. The Inter-National Invention of the Novel, Princeton, Presses Universitaires de Princeton, 2002, p. 2.
  • [6]
    Michael Tilby, « Honoré de Balzac », in Olive Classe (ed.), Encyclopedia of Literary Translation into English : A-L, London, Taylor & Francis, 2000, pp. 98-102 ; Clarence R. Decker, « Balzac’s literary reputation in Victorian society », PMLA, 1932, no 47, pp. 1150-1157 ; Sylvère Monod, « La fortune de Balzac en Angleterre », Revue de littérature comparée, 1950, no 24, pp. 181-210.
  • [7]
    John Wilson Croker, « French Novels », Quarterly Review, 1836, no 56, pp. 65-131.
  • [8]
    Charles-Augustin Sainte-Beuve, Le Cahier vert, Gallimard, 1973, p. 215.
  • [9]
    Id., « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger », Revue des Deux Mondes, 15 juin 1836, p. 751.
  • [10]
    Par exemple, un article en 1833 publié dans Edinburgh Review fait un lien entre sa soi-disant « labored apology for debauch » [laborieuse apologie de la débauche] et des apologies analogues de Jules Janin et Victor Hugo ; un article de 1859 dans Bentleys Miscellany l’appelle un « arch-teacher » [grand enseignant] mais surtout pour une « school » [école] plus générale qui prédomine dans le milieu littéraire français (Edinburgh Review, 1833, vol. 116, no 57, pp. 330-357 ; « Honoré de Balzac », Bentley’s Miscellany, 1859, no 46, p. 157).
  • [11]
    Moretti, op. cit., pp. 151-153.
  • [12]
    Ibid., p. 180.
  • [13]
    Henry H. Remak, « The German Reception of French Realism », PMLA, 1954, vol. 69, no 3, pp. 415-416.
  • [14]
    Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Éditions du Seuil, 1999, p. 334.
  • [15]
    Si on accepte les déclarations de Moretti, il est nécessaire de prendre la plupart des articles cités par Decker comme anecdotiques et non représentatifs, par exemple celui écrit en 1840 dans Monhtly Review qui fait l’éloge de Balzac en tant qu’observateur affûté du monde, ou ceux écrits en 1853 dans Westminster Review et en 1878 dans Blackwood’s Magazine qui pardonnent son manque de moralité à cause de son penchant pour la précision mimétique (voir Decker, op. cit., p. 1151 et p. 1153).
  • [16]
    Voir Pierre Martino, Le Roman réaliste sous le Second Empire, Hachette, 1913, p. 107.
  • [17]
    Charles du Bos, par exemple, a appelé Bourget « l’inventeur » de Stendhal (Approximations [1922-1929], Fayard, 1965, p. 250).
  • [18]
    Voir Martyn Lyons, Reading Culture and Writing Practices in Nineteenth-Century France, Toronto, Presses Universitaires de Toronto, 2008, p. 33.
  • [19]
    Balzac, dans ses doléances, a certainement surestimé sa présence dans les imprimeries belges, mais chaque contrefaçon a produit un tirage de 3 000 exemplaires, ce qui inclut quatre éditions du Père Goriot et d’Eugénie Grandet. Stendhal, de l’autre côté, a écrit que Rome et lui n’ont connu la littérature française qu’à travers les éditions belges, mais ses quatre ouvrages publiés à Bruxelles (Promenades dans Rome, Le Rouge et le Noir, Mémoires d’un Touriste et La Chartreuse de Parme) n’ont paru que dans une seule édition. Voir Marie-Ève Thérenty, « Honoré de Balzac », in Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal : histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle, Nouveau Monde Éditions, 2001, pp. 1117-1123. Il est assez révélateur que dans les mille cinq cents pages de ce volume collectif, il n’y ait aucun article sur Stendhal.
  • [20]
    Moretti, op. cit., pp. 156-157.
  • [21]
    Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie, Tallandier, 2006.
  • [22]
    Jacques Dubois, Les Romanciers du réel, de Balzac à Simenon, Éditions du Seuil, 2000, p. 181.
  • [23]
    Cohen et Denver, op. cit., p. 23.
  • [24]
    Mikhaïl Bakhtine, « Du discours romanesque » [1935], trad. fr. Daria Olivier, Ésthetique et théorie du roman, Gallimard, 1987, p. 112.
  • [25]
    Ibid., p. 144
  • [26]
    Illusions perdues, CH, t. V, p. 201.
  • [27]
    Ibid., p. 157.
  • [28]
    Nicole Mozet, Balzac au pluriel, Puf, 1990, p. 296.
  • [29]
    David, op. cit., p. 478.
  • [30]
    Georg Lukács, Balzac und der französische Realismus, Berlin, Aufbau-Verlag [1952] ; trad. fr. Paul Laveau, Balzac et le réalisme français, La Découverte, 1999, p. 55.
  • [31]
    Mikhaïl Bakhtine, Problems of Dostoevsky’s Poetics [1929], trad. angl. R. William Rotsel, Ann Arbor, Ardis, 1963, p. 34.
  • [32]
    Michael Tilby, « Introduction » à Balzac, London et New York, Routledge, 2014, p. 13.
  • [33]
    Ibid., p. 18.
  • [34]
    The Athenaeum, no 3642, 1897, pp. 219-221.
  • [35]
    Id.
  • [36]
    Voir Susi Pietri, « L’art du paradoxe. Oscar Wilde relit Balzac », AB 2015, pp. 67-86.
  • [37]
    Oscar Wilde, « Balzac in English », Pall Mall Gazette, 1886, republié dans The Artist as Critic : Critical Writings of Oscar Wilde, ed. R. Ellmann, Chicago, Presses Universitaires de Chicago, 1969, p. 30.
  • [38]
    Oscar Wilde, Decay of Lying, republié ibid., p. 300.
  • [39]
    Illusions perdues, CH, t. V, p. 666.
  • [40]
    Cohen and Dever, op. cit., p. 6.

1 Une incohérence simple mais fondamentale existe dans la relation entre Honoré de Balzac et l’Angleterre : la conception et la réception de son œuvre. Depuis la parution de l’ouvrage Orientations étrangères de Fernand Baldensperger, il va de soi que La Comédie humaine dialogue profondément avec les écrivains d’outre-Manche [1]. En revanche, l’œuvre balzacienne a trouvé le voyage de retour assez pénible. Eugénie Grandet et Le Père Goriot n’ont pas paru en anglais avant vingt-six ans, et le premier grand effort de traduction de ce cycle-roman n’eut pas lieu avant la fin du siècle. Des témoignages individuels servent, comme toujours, d’exceptions. Mais du point de vue numérique, en Angleterre, Balzac semble avoir été moins traduit et moins lu que ses contemporains français.

2 Cet article prendra comme point de départ ce principe concernant la réception britannique médiocre de l’œuvre balzacienne. On remettra en cause par la suite trois hypothèses qui sont fréquemment posées pour l’expliquer : la première, que ses ouvrages construisent un espace romanesque explicitement national ; la deuxième, que leur dépravation morale fut peu appétissante pour les convenances victoriennes ; la troisième, qu’ils appartiennent au genre du « réalisme ». On invoquera ensuite le concept de Mikhaïl Bakhtine de l’hétéroglossie afin de poser une quatrième hypothèse : le pluralisme linguistique qui a permis à une grande diversité de lecteurs français de s’identifier avec les romans aurait empêché les lecteurs britanniques d’en faire autant. En conclusion, on examinera le tournant dans la réception britannique de La Comédie humaine à la fin du siècle. On proposera l’idée que ce tournant a finalement dépendu d’une simplification, voire d’une réduction, de cette hétéroglossie à une seule voix.

3 Tout d’abord, il convient de clarifier les méthodes avec lesquelles on traitera cet objet incertain de la « réception ». On peut diviser les corpus des études effectuées jusqu’à aujourd’hui en trois approches principales : la réception qualitative et critique, la réception qualitative et populaire, enfin la réception quantitative.

4 La réception qualitative et critique fait référence à un corpus composé de témoignages individuels écrits par des membres du milieu littéraire. On trouve à la fois les articles signés de noms reconnaissables comme ceux de Charles Augustin Sainte-Beuve et Oscar Wilde, ainsi que d’autres articles, anonymes, publiés dans les quotidiens et les revues littéraires. Les travaux de Susi Pietri, Clarence Decker, Sylvère Monod et Michael Tilby examinent tous ce type de source.

5 La réception qualitative et populaire contient aussi un corpus de témoignages individuels, mais les textes en question sont produits hors du milieu littéraire. Le modèle d’une étude scolaire dans ce cas serait La Lecture et la vie de Judith Lyon-Caen, qui ausculte les lettres envoyées par certains lecteurs à Balzac ainsi qu’à Eugène Sue. Malheureusement, il n’y a pas, en ce moment, d’étude équivalente pour les lecteurs balzaciens à l’étranger.

6 La réception quantitative désavoue quant à elle le témoignage individuel. Les études de ce type réunissent les données des bibliographies nationales, des bibliothèques ambulantes, et des cabinets de lecture. Martin Lyons a fait un travail exceptionnel en la matière pour le champ français, alors que Franco Moretti l’a poursuivi pour le champ transnational.

Hypothèse I : « La Comédie humaine » est « nationale »

7 Le premier chapitre de l’Atlas of the European Novel de Moretti offre un bon point de départ pour interroger la première hypothèse concernant la réception médiocre de Balzac en Angleterre : le roman est un genre littéraire fortement lié à et encodé par l’émergence du concept d’État-Nation au xixe siècle. Tout en développant le concept de « l’imaginaire national » de Benedict Anderson, Moretti avoue que les romans européens de la fin du xviiie et du début du xixe siècle ont cessé de représenter des espaces allégoriques et internationaux afin de se concentrer sur les espaces nationaux. Ils ont fourni, selon lui, ce qu’Ernest Gellner appelle une « single intellectuel currency » [une seule monnaie intellectuelle] : une image partagée et communicable de la nation [2]. À propos de Balzac, Moretti prend Les Chouans et Illusions perdues comme des incarnations de ce changement radical, et il n’est pas le seul à défendre cette thèse. Jérôme David fait remarquer dans son article écrit pour l’Histoire mondiale de la France : « L’œuvre de Balzac assume ce programme fixé à la littérature d’assembler ou de réassembler une nation [3]. »

8 On est tenté, par conséquent, d’avancer que les romans balzaciens ont suscité une réception britannique modérée parce que la « seule monnaie intellectuelle » qu’ils fournissaient fut incommunicable aux lecteurs hors de la nation. Pourtant cette thèse est facilement réfutable pour deux raisons. Jérôme David lui-même, tout comme Anne Marie-Thiesse et Matthieu Letourneux, ont démontré que la représentation d’un espace national dans un ouvrage littéraire encourage très souvent une réception féconde à l’étranger [4]. En outre, l’espace romanesque balzacien est beaucoup moins national que Moretti ne l’affirme, surtout lorsqu’on étend la définition d’espace, en auscultant non seulement l’espace géographique mais aussi l’espace symbolique.

9 On prendra précisément comme étude de ce cas un des romans choisis par Moretti lui-même : Illusions perdues. La première scène parle amplement des origines britanniques de la presse d’imprimerie, et on apprend très tôt que Lucien et David ont été élevés au bon régime international des ouvrages de Friedrich Schiller, Johann Wolfgang von Goethe, Lord Byron, et surtout Walter Scott. C’est Scott, en effet, qui va dominer dans le roman les discussions sur la littérature contemporaine. Car il joue, pour prendre le terme de Herold Bloom, le rôle de l’angoisse de l’influence, contre laquelle Lucien aura besoin de positionner son propre ouvrage L’Archer de Charles IX. Bien que Lucien ne circule physiquement qu’entre Paris et Angoulême, ses entreprises d’auteur sont, en matière esthétique et aussi matérielle, redevables à l’Angleterre. Après tout, il s’agit d’une mise en abyme de la relation que Balzac lui-même avait avec le spectre de Scott.

10 En conséquence, la « conception » britannique de l’œuvre balzacienne contredit directement l’affirmation que ses codes aboutissent, pour utiliser encore une fois le terme de Gellner, à une « seule monnaie intellectuelle ». L’émergence récente des études transnationales sur le roman a carrément montré que cette qualité n’est pas spécifique à La Comédie humaine. Dans l’introduction à l’ouvrage collectif The Literary Channel, Margaret Cohen et Carolyn Dever, par exemple, se positionnent contre les héritiers d’Anderson. Selon elles, le genre du roman moderne européen fut, en effet, conçu dans une « zone » interstitielle entre l’Angleterre et la France [5]. Mais alors, l’écart entre la conception et la réception de La Comédie humaine pose-t-il un défi à ce modèle ? Pourquoi est-ce qu’un roman né dans un espace « trans-Manche » n’a pas réussi sur un de ces deux rivages ?

Hypothèse II : « La Comédie humaine » est immorale

11 La réponse donnée le plus souvent à cette question concerne le fait que les romans de Balzac furent jugés peu scrupuleux au regard des convenances victoriennes. Michael Tilby propose un argument de ce type dans son article écrit pour l’Encylopedia of Literary Translation into English, où il cite quelques études-clefs faites sur la réception qualitative et critique, telles que les travaux de Sylvère Monod et Clarence R. Decker [6]. Decker offre une téléologie assez linéaire par rapport à la réception britannique de Balzac, selon laquelle son image a évolué d’un vaurien immoral au « father of French realism » [père du réalisme français], culminant dans une consécration à la fin de siècle, sous les plumes d’Oscar Wilde et d’Arthur Symons entre autres. On rebondira plus tard sur cette réponse de la génération « Yellow Book », mais d’abord on remettra en cause l’interprétation fournie par Decker à propos des décennies précédentes. Car un argument basé sur la moralité ne semble pas suffisant pour expliquer la différence entre la réception balzacienne et celle des autres écrivains français.

12 Decker et Tilby, tous les deux, citent au début de leurs articles un texte écrit en 1836 par John Wilson Croker dans la Quarterly Review, qui note : « a baser, meaner, filthier scoundrel never polluted society than M. de Balzac’s standard of “public morals[7]” » [il n’est pas de vaurien plus bas, plus méchant, plus sale qui ait jamais pollué la société plus que les principes de « morale publique » de M. de Balzac]. Bien que ces expressions présentent l’écriture de Balzac comme particulièrement odieuse, les cibles de son anathème sont beaucoup plus vastes. Intitulé « French Novels » [Les romans français], l’article condamne toute une génération, dont la tradition maudite, explique-t-il, peut être retracée jusqu’à ses racines, Jean-Jacques Rousseau et Denis Diderot. On peut confirmer l’idée que la critique de Croker ne touche pas spécifiquement Balzac, en notant que son article a inspiré une plaidoirie écrite dans la Revue de Deux Mondes par Sainte-Beuve – celui-là même qui jettera l’opprobre contre la littérature industrielle et qui, avec un air suffisant, appelle Balzac son « gibier favori [8] » –, où il défend les écrivains censurés par Croker, tout en l’accusant d’une « mesure d’hygiène morale, je dirai presque de police locale [9] ».

13 Le fait que tellement de ces articles sermonneurs font de Balzac le simple exemple d’une tendance beaucoup plus vaste témoigne de l’inconvénient principal des études sur la réception qualitative critique. Il est difficile de distinguer entre une variable commune et un facteur différenciant [10]. La valeur, dans ce cas, des données quantitatives se fait jour. Dans le deuxième chapitre d’Atlas of the European Novel, Moretti propose une variable nette et claire, ce qu’il appelle la « saturation ». L’Angleterre, selon lui, est devenue à cette époque une « île » métaphorique, autrement dit un champ littéraire isolé de l’importation de littérature étrangère. Le pourcentage de littérature étrangère publiée, dit-il, a diminué de 20% en 1750 à 5% en 1850. Selon Moretti, ce phénomène fut causé d’abord par une hostilité envers la France après la révolution de 1789 et ensuite par un marché gonflé avec la littérature victorienne [11]. Après la « saturation », c’est le facteur différenciant qui entre en jeu, ce que Moretti appelle la « sélection ». Étant donné l’espace disponible dans un marché national, les ouvrages étrangers qui se conforment mieux aux conditions du marché seront ceux qui l’infiltrent [12].

14 La moralité victorienne, dans ce cas, pourrait être responsable de la saturation mais non de la sélection. Une comparaison de la réception en Angleterre avec celle d’autres pays européens soutient cette thèse. En Allemagne on a tendance à déclarer que La Comédie humaine a connu une réception très féconde. Les travaux d’Henry Remak, par exemple, citent le témoignage de Goethe à côté de l’observation que 104 volumes de Balzac ont paru entre 1830 et 1848 [13]. Pourtant ces nombres font pâle figure à côté de ceux de ses contemporains. Dans la même période, l’Allemagne a vu la parution de 127 volumes de Paul de Kock et de 2 000 d’Alexandre Dumas ; en 1844, il y avait 81 traductions et adaptations des œuvres d’Eugène Sue. Le cadre conceptuel de Moretti permet ainsi de nuancer l’analyse faite par Remak. Car une extraordinaire explosion de la traduction allemande dans les années 1830, qui a notamment débouché sur quelques décennies sans activité, n’indique pas une « sélection » en faveur de Balzac, mais tout simplement un manque total de « saturation » du marché. Pascale Casanova appelle ce phénomène « intraduction » : quand un champ national stagnant, ayant besoin d’inspiration, importe de façon active les littératures étrangères [14].

15 Malheureusement, les cartes de Moretti excluent l’Allemagne et elles n’examinent que les pourcentages de traduction, sans donner le nombre de volumes. En conséquence, il est difficile d’évaluer de façon numérique « combien » un écrivain bien traduit comme Sue a réussi dans plusieurs pays. Pourtant, dans certains cas, comme ceux du Danemark et de l’Italie, on voit des indices que les taux de traduction des ouvrages balzaciens grandissent de façon proportionnelle à ceux des autres écrivains français. Ainsi la « sélection » contre lui semble presque universelle, et simplement ajustée à la « saturation » relative de chaque marché national. Les sensibilités victoriennes, par conséquent, pourraient bien expliquer l’insignifiance des taux généraux de traduction en Angleterre par rapport à ceux de l’Allemagne, l’Italie, ou du Danemark. Mais elles n’expliquent guère pourquoi, dans tous ces contextes, Dumas et Sue ont vendu plus de volumes que Balzac.

Hypothèse III : « La Comédie humaine » est réaliste

16 Où pourrait-on trouver alors le facteur de sélection ? Selon Moretti, la réponse ne concerne guère le contenu de La Comédie humaine mais plutôt son genre. Dumas et Sue, allègue-t-il, écrivent dans la forme de la « melodramatique imagination » [l’imagination mélodramatique], tandis que Balzac, tout comme Stendhal, est « réaliste ». Le réalisme, dans cette logique, est un genre qui résiste à la circulation internationale, non seulement en Angleterre mais partout.

17 D’abord il faut noter que cette assertion de Moretti remet en cause la thèse de Decker selon laquelle la réception de Balzac s’est améliorée lorsqu’il fut considéré comme un écrivain réaliste [15]. Pourtant deux problèmes notables émergent par rapport à l’usage que Moretti fait du terme « réalisme » en tant que facteur de sélection : l’anachronisme et le parallèle construit entre Stendhal et Balzac. Comme Pierre Martino l’a démontré, le terme « réalisme » n’est pas entré dans le vocabulaire critique avant les années 1850, au moment où la génération de Champfleury faisait une fixation sur les dimensions sociologiques de l’œuvre balzacienne [16]. Martino soutient que la corrélation établie entre Balzac et Stendhal découle de deux essais canoniques écrits par Hippolyte Taine en 1858 et en 1864. D’autres datent sa reconnaissance à un moment plus tardif, lorsque les Essais de psychologie contemporaine furent publiés par Paul Bourget en 1883 [17]. Pourtant, même si on accepte ce couplage entre Balzac et Stendhal après 1860, leurs réceptions quantitatives initiales respectives les séparent de façon radicale.

18 Les données rassemblées par Martyn Lyons démontrent très clairement cette disparité : Balzac n’était guère un « best-seller » entre 1830 et 1850, mais le tirage estimé à 20 000 volumes a néanmoins inclus huit éditions de La Peau de chagrin et sept éditions de la Physiologie du mariage. Aucun roman de Stendhal n’a dépassé deux éditions [18]. Cette disparité s’agrandit lorsqu’on incorpore deux statistiques que les sources de Lyon ne notent pas : les volumes publiés à travers la contrefaçon belge et dans le format du roman-feuilleton, forme sous laquelle Balzac a écrit trente-trois romans, Stendhal aucun [19].

19 Cette disparité mérite d’être mise en avant, puisqu’elle discrédite la légitimité du « réalisme » en tant que facteur de sélection pour expliquer la réception médiocre de Balzac en Angleterre. Sur ce point, Moretti semble, sans le faire exprès, miner sa propre base de données. Afin de susciter une réaction de choc à propos de la nature isolée de cette « île » britannique, il énumère les délais de traduction de vingt-six ans pour Eugènie Grandet et Le Père Goriot, et ensuite il cite les délais qui dépassent soixante ans pour La Chartreuse de Parme et Le Rouge et le Noir[20]. Cet écart de quarante ans démontre, paradoxalement, qu’il est peu logique de grouper les chiffres dans une tendance.

20 Deux chemins existent, semble-t-il, pour s’éloigner du terme « réalisme ». Le premier poursuit une définition plus précise des qualités internes de ces ouvrages, comme Jacques Dubois l’a fait dans son ouvrage Les Romanciers du réel. Le deuxième utilise la méthode de la réception qualitative populaire pour étudier les façons dont les lecteurs en chair et en os ont répondu aux ouvrages. On fera appel, ici, à l’étude mentionnée ci-dessus, La Lecture et la vie de Judith Lyon-Caen, qui retrace précisément ces pratiques dans les lettres écrites par les lecteurs contemporains à Balzac et à Sue [21]. Lorsqu’on s’habitue à la pensée de Moretti, ce couple semble choquant. Balzac et Sue ? Le réaliste national et le mélodramatiste international ?

21 Les lettres étudiées par Judith Lyon-Caen indiquent, cependant, que les lecteurs français ont employé Les Mystères de Paris et La Comédie humaine à une seule fin : comme des outils de « déchiffrement » ou de décodage, afin d’élucider leurs positions sociales dans ce qu’on décrit souvent comme la période opaque et chaotique dans le sillage des Trois Glorieuses. Dubois fait allusion à ce point lorsqu’il appelle La Comédie humaine, un peu effrontément, « Les Mystères de France[22] ».

22 Étudier la réception populaire de Balzac en France offre alors un critère plus nuancé que ceux de « réalisme » ou de « mélodrame » : un critère consistant à se demander si ou non un lecteur pourrait employer un roman en tant qu’outil de « déchiffrement ».

23 Puisque Balzac et Sue ont suscité des pratiques d’identification similaires avec leurs lecteurs français, d’où vient le décalage à l’étranger ? Encore une fois, on se trouve en désaccord avec le modèle trans-Manche proposé par Cohen et Dever. Selon elles, le succès de Sue vient du fait qu’à cette époque-là, la métropole est devenue « a new international common denominator[23] » [un nouveau dénominateur commun international]. Au moment où l’identification d’un lecteur est faite avec un tel dénominateur commun, on pourrait supposer que tout roman qui sert d’outil de « déchiffrement » pour Paris doit être susceptible de jouer le même rôle pour Londres.

Hypothèse IV : « La Comédie humaine » est hétéroglossique

24 La question se pose alors : pourquoi est-ce que le Paris balzacien ne sert pas de dénominateur commun international ? La réponse que l’on propose se cache dans une qualité notée à la fois dans des lettres de lecteurs, dans l’opprobre de Sainte-Beuve, et dans l’éloge de Taine : la fidélité, obsessionnelle et monstrueuse, que Balzac a maintenue au langage. Par fidélité, il fait référence autant à l’usage de l’argot mercantile pour décrire l’antiquaire dans La Peau de chagrin qu’à la maîtrise du champ lexical de la botanique dans Le Lys dans la vallée. Son rejet du français classique de Voltaire n’est guère un simple « réalisme ». Il incarne, en effet, ce que Mikhaïl Bakhtine a appelé « l’hétéroglossie » : la représentation linguistique de « la coexistence incarnée des contradictions socio-idéologiques entre présent et passé, entre différentes époques du temps passé, différents groupes socio-idéologiques du temps présent, entre courants, écoles, cercles, etc. [24] ». Dans le roman c’est « le discours d’autrui dans le langage d’autrui, servant à réfracter l’expression des intentions de l’auteur [25] ».

25 Comme étude de cas de ces réfractions, il convient de revenir à Illusions perdues. Les « différents groupes socio-idéologiques du temps présent » apparaissent dans les débats concernant la façon dont les factions politiques s’allient avec les organes de presse. La variation géographique dans les « courants » se fait jour au moment où le mot « vers » suscite la parenthèse « (en province on prononce verse[26]) ». Les « contradictions socio-idéologiques entre présent et passé » font surface dans l’adoption par Mme de Bargeton « des tartines dans l’argot du journalisme [27] » et des néologismes : « Typiser, individualiser, synthétiser, dramatiser, supérioriser, analyser, poétiser, prosaïser, colossifier, angéliser, néologiser et tragiquer », énumère le narrateur. Ces phrases incarnent l’hétéroglossie.

26 Le fait que l’hétéroglossie de Balzac a établi une nouvelle relation entre texte et lecteur n’est guère une déclaration innovante. Selon Nicole Mozet, La Comédie humaine est « une œuvre à entrées multiples parmi lesquelles le lecteur est libre de choisir celle qui lui convient le mieux [28] ». Jérôme David fait remarquer qu’elle « invite ses lecteurs à se reconnaître dans l’un ou l’autre des “types” dont il peuple la France postrévolutionnaire [29] ». Et Georg Lukács a prononcé : « Cette diversité dans l’unité est le trait particulier de la grandeur littéraire de Balzac [30]. » Bien que ces critiques ne parlent que des lecteurs théoriques, l’analyse de Judith Lyon-Caen ajoute des preuves essentielles en ce qui concerne les lecteurs en chair et en os.

27 Les lettres en question soutiennent la thèse que l’hétéroglossie balzacienne a permis à un lectorat divers et pluriel d’utiliser ses romans en tant qu’outils de déchiffrement. Pourtant elles exigent une révision notable : un manque de clôture, d’effet fédérateur. Mozet, David, et Lukács allèguent tous que les actes d’identification ont, au bout du compte, servi à rassembler cette pluralité de lecteurs dans un ensemble. Bakhtine, notamment, ne considérait pas Balzac comme un véritable écrivain polyphonique, puisqu’il n’a jamais transcendé ni la dimension objective de ses personnages, ni la finalisation monologique de son monde [31]. Les travaux effectués par Judith Lyon-Caen, cependant, concluent le contraire : les vrais lecteurs de La Comédie humaine ne l’ont jamais utilisée afin de projeter un collectif, mais plutôt afin de s’individualiser. Ainsi chaque acte de déchiffrement n’est effectué qu’avec un seul langage bakhtinien : que ce soit avec les métaphores florales de Félix, que ce soit avec les tartines journalistiques de Mme de Bargeton, sans recours, peut-être même sans compréhension des autres.

28 Dans l’introduction à son Balzac, Michael Tilby présente ce manque de clôture comme proprement balzacien. Tout en faisant appel aux cadres théoriques de Gérard Genette et de Roland Barthes, il diagnostique un effet non attendu de l’adhésion balzacienne à l’entreprise descriptive. Le récit se trouve submergé par le discours ; le texte lisible finit par devenir scriptable [32]. Selon cette interprétation, l’œuvre balzacienne ne contient ni une finalisation monologique du monde ni un langage collectif. « The narrative discourse itself, écrit Tilby, is a self-conscious activity that consistently draws attention to language, highlighting lexical specificity, explaining technical, regional, and archaic items with which the Parisian reader is unlikely to be familiar[33] » [Le discours narratif lui-même est une activité auto-consciente qui attire l’attention sur le langage, soulignant la spécificité lexicale, élucidant les termes techniques, régionaux, et archaïques avec lesquels le lecteur parisien ne serait pas nécessairement familiarisé].

29 Et un lecteur londonien ? On arrive, ici, à la quatrième hypothèse recherchée : la même hétéroglossie, le même engagement conscient avec la spécificité lexicale qui a permis à La Comédie humaine de servir d’outil de « déchiffrement » pour un lectorat pluriel et contemporain est l’exact facteur de sélection qui l’a empêché d’entrer dans un champ littéraire britannique saturé. Car même les lecteurs français n’ont compris que certains des dialectes ou courants dans cette hétéroglossie. Leur combinaison, par conséquent, serait incapable de servir de langage d’un « dénominateur commun cosmopolite ».

Épilogue : « La Comédie humaine » devient un bordeaux

30 Si l’hétéroglossie balzacienne est, pour employer le terme de Moretti, le facteur de « sélection » pour une réception médiocre en Angleterre, comment explique-t-on le tournant à la fin du siècle ? Car on a vu une première consécration par la génération du « Yellow Book », suivie par une deuxième encore plus vaste signalée par la publication en 1886 et en 1895 des traductions de Routledge et de Dent. On serait tenté de conclure, comme l’a fait Wilkie Collins, que Balzac fut peu lu pour la simple raison qu’il fut peu traduit, et que ses œuvres auraient pu circuler si elles avaient reçu plus d’attention des traducteurs. Une autre interprétation, cependant, est possible : afin de la rendre un dénominateur commun international, l’hétéroglossie balzacienne n’était pas « traduite » à la fin du siècle mais plutôt réduite et transmutée. En guise de conclusion, on donnera deux exemples de ce processus.

31 Le premier concerne une note dans The Athenaeum écrite en réponse à la traduction de Dent. Après avoir averti ses lecteurs à propos de « la difficulté de présenter Balzac à un public purement anglais », l’écrivain essaie de soulager les angoisses tout en notant que Balzac « paints your life not in isolated fragments, but in the mass[34] » [peint votre vie non par morceaux isolés mais plutôt en masse]. Les lecteurs britanniques sont, par conséquent, invités à ignorer l’hétéroglossie des morceaux et à prendre La Comédie humaine comme une seule masse. Cette idée est élaborée à travers la métaphore d’un vin de Bordeaux :

32

Macaulay once compared a bad translation to champagne in decanters ; we might almost say that the ideal rendering of Balzac should be to an English reader like the artistic transfusion of an old claret, which leaves all its sediment behind it in the bottle[35].
[Macaulay a, une fois, comparé une mauvaise traduction à un champagne dans une carafe à décanter ; on pourrait presque dire que la traduction idéale de Balzac doit être pour un lecteur anglais l’équivalent de la transfusion artistique d’un bordeaux ancien, qui laisse tout son dépôt au fond de la bouteille.]

33 Comme Susi Pietri l’a démontré, Oscar Wilde s’est précisément livré à cette manœuvre de filtrage de l’œuvre balzacienne. En effet, il l’a fait deux fois, premièrement dans son article caustique « Balzac in English », une réponse à la traduction Routledge, et deuxièmement dans son dialogue socratique Decay of Lying, où il fait un acte d’auto-plagiat [36]. Dans les deux ouvrages, Wilde loue La Comédie humaine, mais il s’agit d’une Comédie humaine relue afin de se conformer aux principes esthétiques proprement wildiens. À la place de types qui déchiffrent la société contemporaine, les personnages de Balzac « reduc[e] our living friends to shadows, and our acquaintances to the shadows of shades […] They dominate us, and defy skepticism[37] » [réduisent nos amis vivants à des ombres, et nos connaissances à des ombres de fantômes […] Ils nous dominent et défient tout scepticisme]. Sa porte-parole Vivian avoue que si un sujet « is a vital part of the environment in which we live, it is outside the proper sphere of art. To art’s subject-matter we should be more or less indifferent[38] » [est un élément vital du milieu dans lequel nous habitons, il est hors de la sphère légitime de l’art. À ce qui fait la matière, le sujet de l’art, nous devons être à peu près indifférents]. Susi Pietri considère ces déclarations de Wilde comme des sortes de réécritures créatives. Mais elles ont l’air, pour employer la métaphore de Macaulay, plutôt de transfusions d’un bordeaux ancien. La raison pour laquelle La Comédie humaine fut détestée mais finalement consacrée, employée comme manuel par ses lecteurs français, reposait sur son engagement radical avec les mœurs de son époque, avec l’hétéroglossie linguistique tout comme avec la politique contemporaine. Aucun lecteur ne fut laissé « indifférent ».

34 Des lectures parallèles pourraient être fournies par rapport aux panégyriques des autres membres de la génération de « Yellow Book », tels qu’Arthur Symons et Aubrey Beardsley. En outre, plusieurs centaines de kilomètres plus loin, dans un pays qui n’avait pas vu une traduction d’un ouvrage de Balzac depuis plusieurs décennies, Marx et Engels étaient en train d’applaudir La Comédie humaine. Tout comme Wilde, ils ne se sont pas arrêtés aux langages individuels de son hétéroglossie ; ils ont pris de la distance afin de se les approprier dans leur « masse », à leurs propres fins.

35 Ces relectures effectuées au tournant de la réception britannique de Balzac à la fin du siècle mènent à deux points conclusifs, le premier méthodologique, le deuxième théorique. Par rapport à la méthode, il faut souligner la valeur durable des études sur la réception qualitative même dans un champ académique de plus en plus orienté vers le quantitatif. Car lorsqu’on s’attache aux mots élogieux de Wilde, on met précisément en cause les tendances qu’on a construites en utilisant les taux de traductions, de même que ces taux contextualisent le langage moralisateur de John Wilson Croker. Très souvent, ces méthodes proposent des chronologies et des définitions de genres contradictoires. En les croisant dans cet article, on a cherché à explorer trois hypothèses concernant un cas de réception médiocre et, dans un dernier temps, à proposer une nouvelle hypothèse provisoire.

36 Dans une perspective plus théorique, il convient de rebondir sur cet espace soi-disant « national » du roman. Il pourrait sembler que la quatrième hypothèse fait tout simplement retour à la première, sauf que quand Moretti parle de la « seule monnaie intellectuelle », il fait référence à l’homogénéité. Pourtant, si La Comédie humaine définit un espace national, il dépend entièrement de l’hétérogénéité : les langages des différences temporelles, sociales, et géographiques. De plus, ce modèle prend en compte la haute importance des écrivains britanniques dans la conception de l’œuvre, leurs voix n’étant pas rejetées, mais réfractées. Au moment où il entre dans Illusions perdues, Walter Scott devient lui-même hétéroglossique : une partie de la discussion érudite à propos de la distinction entre littérature idéée et littérature imagée tout comme une partie du débat mercantile concernant l’attrait commercial de l’imprimerie. Et tout culmine dans cette parodie proprement balzacienne quand un faux article appelle L’Archer de Charles IX « l’unique roman historique fait en France sans imitation du genre de Walter Scott, et dont la préface est un événement littéraire [39] ». Au lieu de servir de vecteur trans-Manche, Scott devient dans ce roman un aspect du discours qui déborde le récit.

37 Le défi posé par La Comédie humaine au modèle de la zone romanesque trans-Manche peut, finalement être repensé comme une révision. Cohen et Dever avouent que l’hétéroglossie est une qualité constitutive du roman puisqu’elle démontre la façon dont les langages sont « interanimated » [s’entrecroisent] à travers la zone [40]. Mais pour Balzac, le langage trans-Manche fut déjà réfracté dans un français pluralisé. Résultat : une espèce d’hyper-hétéroglossie qui a empêché le Paris balzacien de devenir un dénominateur commun international… jusqu’à ce qu’il soit transmuté en bordeaux.


Date de mise en ligne : 12/11/2019

https://doi.org/10.3917/balz.020.0271

Notes

  • [1]
    Fernand Baldensperger, Orientations étrangères chez Honoré de Balzac, Honoré Champion, 1927.
  • [2]
    Franco Moretti, Atlas of the European Novel, 1800-1900, London, Verso, 1998, p. 35 et p. 45.
  • [3]
    Jérôme David, « Et la littérature devient mondiale », in Patrick Boucheron (éd.), Histoire mondiale de la France, Éditions du Seuil, 2017, p. 478.
  • [4]
    Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales. Europe xviiie-xxe siècles, Éditions du Seuil, 1999 ; Matthieu Letourneux, « La mondialisation à l’ère de la culture sérielle », Romantisme, 2014, no 163, pp. 79-88.
  • [5]
    Margaret Cohen and Carolyn Dever, « Introduction » à The Literary Channel. The Inter-National Invention of the Novel, Princeton, Presses Universitaires de Princeton, 2002, p. 2.
  • [6]
    Michael Tilby, « Honoré de Balzac », in Olive Classe (ed.), Encyclopedia of Literary Translation into English : A-L, London, Taylor & Francis, 2000, pp. 98-102 ; Clarence R. Decker, « Balzac’s literary reputation in Victorian society », PMLA, 1932, no 47, pp. 1150-1157 ; Sylvère Monod, « La fortune de Balzac en Angleterre », Revue de littérature comparée, 1950, no 24, pp. 181-210.
  • [7]
    John Wilson Croker, « French Novels », Quarterly Review, 1836, no 56, pp. 65-131.
  • [8]
    Charles-Augustin Sainte-Beuve, Le Cahier vert, Gallimard, 1973, p. 215.
  • [9]
    Id., « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger », Revue des Deux Mondes, 15 juin 1836, p. 751.
  • [10]
    Par exemple, un article en 1833 publié dans Edinburgh Review fait un lien entre sa soi-disant « labored apology for debauch » [laborieuse apologie de la débauche] et des apologies analogues de Jules Janin et Victor Hugo ; un article de 1859 dans Bentleys Miscellany l’appelle un « arch-teacher » [grand enseignant] mais surtout pour une « school » [école] plus générale qui prédomine dans le milieu littéraire français (Edinburgh Review, 1833, vol. 116, no 57, pp. 330-357 ; « Honoré de Balzac », Bentley’s Miscellany, 1859, no 46, p. 157).
  • [11]
    Moretti, op. cit., pp. 151-153.
  • [12]
    Ibid., p. 180.
  • [13]
    Henry H. Remak, « The German Reception of French Realism », PMLA, 1954, vol. 69, no 3, pp. 415-416.
  • [14]
    Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Éditions du Seuil, 1999, p. 334.
  • [15]
    Si on accepte les déclarations de Moretti, il est nécessaire de prendre la plupart des articles cités par Decker comme anecdotiques et non représentatifs, par exemple celui écrit en 1840 dans Monhtly Review qui fait l’éloge de Balzac en tant qu’observateur affûté du monde, ou ceux écrits en 1853 dans Westminster Review et en 1878 dans Blackwood’s Magazine qui pardonnent son manque de moralité à cause de son penchant pour la précision mimétique (voir Decker, op. cit., p. 1151 et p. 1153).
  • [16]
    Voir Pierre Martino, Le Roman réaliste sous le Second Empire, Hachette, 1913, p. 107.
  • [17]
    Charles du Bos, par exemple, a appelé Bourget « l’inventeur » de Stendhal (Approximations [1922-1929], Fayard, 1965, p. 250).
  • [18]
    Voir Martyn Lyons, Reading Culture and Writing Practices in Nineteenth-Century France, Toronto, Presses Universitaires de Toronto, 2008, p. 33.
  • [19]
    Balzac, dans ses doléances, a certainement surestimé sa présence dans les imprimeries belges, mais chaque contrefaçon a produit un tirage de 3 000 exemplaires, ce qui inclut quatre éditions du Père Goriot et d’Eugénie Grandet. Stendhal, de l’autre côté, a écrit que Rome et lui n’ont connu la littérature française qu’à travers les éditions belges, mais ses quatre ouvrages publiés à Bruxelles (Promenades dans Rome, Le Rouge et le Noir, Mémoires d’un Touriste et La Chartreuse de Parme) n’ont paru que dans une seule édition. Voir Marie-Ève Thérenty, « Honoré de Balzac », in Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal : histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle, Nouveau Monde Éditions, 2001, pp. 1117-1123. Il est assez révélateur que dans les mille cinq cents pages de ce volume collectif, il n’y ait aucun article sur Stendhal.
  • [20]
    Moretti, op. cit., pp. 156-157.
  • [21]
    Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie, Tallandier, 2006.
  • [22]
    Jacques Dubois, Les Romanciers du réel, de Balzac à Simenon, Éditions du Seuil, 2000, p. 181.
  • [23]
    Cohen et Denver, op. cit., p. 23.
  • [24]
    Mikhaïl Bakhtine, « Du discours romanesque » [1935], trad. fr. Daria Olivier, Ésthetique et théorie du roman, Gallimard, 1987, p. 112.
  • [25]
    Ibid., p. 144
  • [26]
    Illusions perdues, CH, t. V, p. 201.
  • [27]
    Ibid., p. 157.
  • [28]
    Nicole Mozet, Balzac au pluriel, Puf, 1990, p. 296.
  • [29]
    David, op. cit., p. 478.
  • [30]
    Georg Lukács, Balzac und der französische Realismus, Berlin, Aufbau-Verlag [1952] ; trad. fr. Paul Laveau, Balzac et le réalisme français, La Découverte, 1999, p. 55.
  • [31]
    Mikhaïl Bakhtine, Problems of Dostoevsky’s Poetics [1929], trad. angl. R. William Rotsel, Ann Arbor, Ardis, 1963, p. 34.
  • [32]
    Michael Tilby, « Introduction » à Balzac, London et New York, Routledge, 2014, p. 13.
  • [33]
    Ibid., p. 18.
  • [34]
    The Athenaeum, no 3642, 1897, pp. 219-221.
  • [35]
    Id.
  • [36]
    Voir Susi Pietri, « L’art du paradoxe. Oscar Wilde relit Balzac », AB 2015, pp. 67-86.
  • [37]
    Oscar Wilde, « Balzac in English », Pall Mall Gazette, 1886, republié dans The Artist as Critic : Critical Writings of Oscar Wilde, ed. R. Ellmann, Chicago, Presses Universitaires de Chicago, 1969, p. 30.
  • [38]
    Oscar Wilde, Decay of Lying, republié ibid., p. 300.
  • [39]
    Illusions perdues, CH, t. V, p. 666.
  • [40]
    Cohen and Dever, op. cit., p. 6.

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