Notes
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[1]
Voir à ce sujet Jacqueline Beck, « Balzac et Goethe », AB 1970, pp. 33-43.
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[2]
Nous citons ce passage en conclusion.
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[3]
D’autres éléments, comme les relations entre personnages dans Torquato Tasso ou la présence de poèmes chantés dans Wilhelm Meister, sont repris et adaptés par Balzac dans Modeste Mignon. Voir à ce propos : Christine Planté, « “Le Dieu peut avoir la pituite.” Petitesses du masculin dans Modeste Mignon de Balzac », in Masculinité et Révolution de Rousseau à Balzac, sous la direction de Daniele Maira et Jean-Marie Roulin, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2013, en particulier p. 266 ; Mireille Labouret, « Romanesque et romantique dans le roman balzacien », AB 2000, p. 55 ; Terrence Cave, « Modeste and Mignon : Balzac rewrites Goethe », French Studies, July 2005, pp. 311-325.
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[4]
Voir à ce sujet Bernd Kortländer / Hans T. Siepe, « Balzac und Deutschland – Deutschland und Balzac. Ein Überblick als Einleitung », in Balzac und Deutschland – Deutschland und Balzac, par les mêmes, Tübingen, Narr Verlag, 2012, pp. 7-24.
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[5]
Voir Georges Gusdorf, Fondements du savoir romantique, Payot, 1982, p. 397.
-
[6]
Dans Ästhetische und politische Schriften, « Über Goethes Meister », première éd. Athenäum, Berlin, 1798, Kritische Friedrich Schlegel-Ausgabe. Erste Abteilung, Neuausgabe, Band 2, München / Zürich, 1967, p. 147.
-
[7]
Cité par Sabine Brandenburg-Frank, Mignon und Meret. Schwellenkinder Goethes und Gottfried Kellers, Königshausen und Neumann, 2002, p. 9.
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[8]
Voir Terence Cave, Mignon’s Afterlives. Crossing Cultures from Goethe to the Twenty-First Century, Oxford University Press, 2011.
-
[9]
On consultera à ce sujet les remarquables pages d’Ernst Robert Curtius, Balzac, Genève, Éditions des Syrtes, 1999.
-
[10]
Voir à ce sujet Achim Aurnhammer, Androgynie. Studien zu einem Motiv in der europäischen Literatur, Cologne/Vienne, Böhlau, 1986, p. 168 et Marie Delcourt, « Deux interprétations du mythe de l’androgyne. Mignon et Séraphîta », Revue des langues vivantes, 1972 / 3, en particulier pp. 228-233.
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[11]
Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister, traduction par Blaise Briod, in Goethe, Romans, Bibliothèque de la Pléiade, 1954, p. 850.
-
[12]
Lettre de Paul aux Galates, 3, 28, dans La Bible, nouvelle traduction, Bayard, 2001, p. 2557. Le parallélisme a été relevé, entre autres, par Archim Aurnhammer, op. cit., p. 171. Marie Delcourt, dans l’art. cit., p. 239, note : « La troisième strophe du poème de l’ange correspond mot pour mot à une parole de Jésus consignée dans un Évangile aux Égyptiens perdu, qui fut fréquemment utilisé par les gnostiques […] : “Le royaume viendra lorsque vous aurez foulé aux pieds le vêtement de la honte, et que le mâle avec la femelle ne seront plus ni mâle ni femelle” ».
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[13]
Sabine Brandenburg-Frank écrit à ce propos : « La descente de Mignon par divers paliers de la souffrance amoureuse sur terre se fait parallèlement et contrairement à l’apprentissage de Wilhelm, dont le point d’aboutissement visé est la transition de l’auto-contemplation à la vie active au sein de la société » (nous traduisons), in op. cit., p. 15.
-
[14]
Sur ce jeu corporel de Mignon et la tradition de la Commedia dell arte, voir Bernhard Greiner, Eine Art Wahnsinn. Dichtung im Horizont Kants : Studien zu Goethe und Kleist, Berlin, Erich Schmidt Verlag, 1994, pp. 31-33.
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[15]
Op. cit., p. 111 (nous traduisons).
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[16]
Voir Rüdiger Safranski, Goethe, München, Carl Hanser, 2013, pp. 72-73.
-
[17]
Ibid., pp. 172-177 ; pp. 275-283.
-
[18]
Rüdiger Safranski écrit à ce sujet : « Schelling et Hegel en particulier cherchent des formules de synthèse qui permettent de comprendre la nature comme esprit inconscient et l’esprit comme nature consciente. Goethe de même appartient à ce magnifique mouvement visant à concilier les oppositions entre esprit et nature » (op. cit., p. 296).
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[19]
Sur Goethe et l’impact de la Révolution, voir Anton Reiniger, Wilhelm Meister: Eine ‘schöne menschliche Natur’ oder ‘ein armer Hund’?, Udine, Forum, 2008, pp. 19-38.
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[20]
Voir Rüdiger Safranski, op. cit., p. 369.
-
[21]
Voir ibid., p. 411 et pp. 578-579.
-
[22]
Dans Goethe: der Dichter in seiner Zeit, Band 2, Munich, Beck, 1999, p. 476 (nous traduisons). Première édition sous le titre Goethe: The Poet and the Age, Oxford, Oxford University Press, p. 1999.
-
[23]
Il écrit à Schiller : « Il est évident que les résultats apparents que j’ai formulés sont bien plus modestement significatifs que le contenu de l’œuvre » (cité par Rüdiger Safranski, op. cit., p. 411).
-
[24]
On notera que Marguerite, contrairement à Mignon, revient après sa mort pour sauver par son amour Faust de l’enfer. Celui-ci peut entamer alors son ascension céleste, motif que Goethe emprunte peut-être à l’univers de Swedenborg.
-
[25]
« C’est une œuvre excellente dans le genre le plus nouveau, qui se distingue cependant par le fait de se mouvoir avec élégance et force entre l’impossible et l’insupportable et de savoir utiliser le moyen du merveilleux, à côté des attitudes et phénomènes les plus étranges, création dans laquelle maint détail serait à relever positivement » (nous traduisons en suivant le texte de Sämtliche Werke. Briefe, Tagebücher und Gespräche, éd. de Hendrik Birns [u.a.], 40 Bde, Francfort, 1987-1999, Abt. 2, Bd. 11, pp. 474-475.)
-
[26]
Voir Max Andréoli, Le Système balzacien : essai de description synchronique, 2 vol., Lille, Aux amateurs de livres, 1984.
-
[27]
CH, t. XI, pp. 745-746.
-
[28]
Ibid., p. 794.
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Ibid., p. 745.
-
[31]
Ibid., p. 797.
-
[32]
Ibid., p. 858.
-
[33]
Op. cit., p. 859. Comme l’a montré Henri Gauthier, ce texte suit librement un passage de L’Homme de désir de Saint-Martin. Voir CH, t. XI, p. 1712, note 1.
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[34]
Ibid., pp. 858-859.
-
[35]
Henri Gauthier a bien montré les liens entre cette conception et celle, gnostique, des sphères à traverser au cours d’une expérience d’élévation : « L’homme transite de sphère en sphère, du monde naturel au monde spirituel et au monde divin par des métamorphoses de son être intérieur. » (L’Image de l’homme intérieur chez Balzac, Droz, 1984, p. 16). À consulter aussi Max Andréoli, op. cit.
-
[36]
Op. cit., p. 478. Mireille Labouret note justement que Bettina « expie ses fautes par une cécité symbolique ». (art. cit., p. 61).
-
[37]
Ibid., p. 472. Voir à ce sujet le commentaire de Christine Planté dans l’art. cit., p. 268.
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[38]
Ibid., p. 478.
-
[39]
Ibid., respectivement p. 637 et p. 472.
-
[40]
Ibid., p. 472.
-
[41]
Ibid., p. 567.
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[42]
Ibid., p. 683. Christine Planté écrit à ce propos : « Modeste Mignon met en œuvre à sa façon un processus de démocratisation des personnages : non par le choix des origines sociales, car les principaux personnages masculins – le père et les prétendants de Modeste – sont des aristocrates ; mais par le statut qui leur est donné au sein du personnel romanesque. Hommes d’action, d’affaires, de plume ou de politique – et hommes de calcul –, tous, même le poète et le père, se révèlent tributaires de relations avec d’autres hommes plus humbles, indispensables à la réalisation de leurs visées comme au bon fonctionnement de l’intrigue » (art. cit., p. 264).
-
[43]
Op. cit., p. 481.
-
[44]
Ibid.
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[45]
Cette série de références se trouve in ibid., pp. 481-482.
-
[46]
Ce dont la jeune femme convient parfaitement. Voir ibid., p. 583.
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[47]
Ibid., p. 507.
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[48]
Ibid., pp. 543-544.
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[49]
Ibid., p. 581.
-
[50]
Ibid., p. 602.
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[51]
Ibid., p. 608.
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[52]
Situation que Modeste compare à celle du poète piégé dans Torquato Tasso.
-
[53]
Ibid., p. 712.
-
[54]
Voir à ce sujet Christine Planté, art. cit., pp. 276-277. Voir aussi CH, t. I, pp. 1432 sq.
-
[55]
Op. cit., p. 584.
-
[56]
Voir le projet d’article de Balzac sur Goethe et Bettina von Arnim dans CH, t. I, « Document », p. 1335. Bettina, la sœur de Clemens Brentano, épousa Achim von Arnim. Elle publia en 1835 sa correspondance avec Goethe sous le titre Échange de lettres avec un enfant. Les originaux de ces lettres, découvertes après la mort de leurs auteurs, révèlent que Bettina avait arrangé les réponses assez formelles de son destinataire afin de leur donner une allure plus romantique. Maurice Regard, dans son introduction à Modeste Mignon, montre que l’idée de l’intrigue a été inspirée à Balzac par un projet de roman esquissé par Mme Hanska, sur la base de sa propre expérience avec l’écrivain, et par la traduction française de la correspondance de Bettina avec Goethe, parue en 1843 (voir CH, t. I, pp. 447-451).
-
[57]
Ibid., pp. 543-544. Cette fleur peut se rapporter à celle découverte par Minna sur les pentes du Falberg (voir CH, t. XI, p. 739).
1 La Comédie humaine contient de multiples références à Goethe, l’œuvre de celui-ci lui fournissant un certain nombre de thèmes et de situations romanesques [1]. Parmi ces rappels, tantôt explicites, tantôt implicites, on n’en relève cependant qu’un seul qui s’inscrive dans le titre d’un roman. Modeste Mignon, personnage éponyme, signale en effet, par une allusion sans équivoque [2], qu’elle croit pouvoir rattacher, outre son nom, tout un aspect de son destin à celui de Mignon dans Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister [3].
2 Cela dit, Modeste n’évoque que de manière partielle et indirecte son pendant goethéen. Elle cherche certes à trouver son bonheur, comme Mignon, en se dévouant à l’épanouissement de l’homme adoré. Mais l’héroïne balzacienne présente un portrait physique et moral, de même qu’une courbe d’action, qui la distinguent fortement de sa devancière. À comparer les caractéristiques de la première aux attributs de la seconde, on en viendra à opposer le savoir livresque à l’inculture, l’exubérance précieuse à la passion naïve, la beauté lumineuse d’une jeune femme au charme ténébreux d’une adolescente androgyne, l’apprentissage de la vie au dépérissement de l’existence.
3 À première vue, la relation intertextuelle entre les récits de Balzac et de Goethe semble donc marquée d’étranges inadéquations, voire contradictions. Et, compte tenu des sarcasmes dont certains personnages de La Comédie humaine accablent une sensiblerie jugée typiquement allemande [4], il pourrait paraître séduisant de taxer le renvoi balzacien à Wilhelm Meister de simple clin d’œil sans autre pertinence.
4 Que tel n’est pas le cas, notre contribution tentera de le démontrer. La démarche engagée à cet effet ne pourra cependant se contenter de juxtaposer, en vue d’une analyse comparative, les récits déjà mentionnés de Goethe et de Balzac. Il nous faudra considérablement élargir le champ d’étude, quitte à l’ouvrir à des considérations d’histoire culturelle dans lesquelles des thèmes comme la maladie et le mal du siècle pourront prendre place.
5 On retiendra tout d’abord que Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister, achevé en 1796, a joué un rôle majeur dans l’éclosion du premier romantisme allemand. Ainsi Friedrich Schlegel, qui propose, sur fond de polyvalence du discours romanesque, une « poésie universelle », représentative de tous les genres, érige-t-il à cette occasion Wilhelm Meister en prototype exemplaire [5]. Le personnage de Mignon, destiné à se sublimer dans son cheminement vers une mort inéluctable, apparaît à Schlegel comme la plus belle incarnation de magie et de musicalité romantiques [6]. Goethe lui-même semble vouloir doter sa Mignon d’une aura toute particulière puisqu’il affirme, dans une lettre datée de 1814, avoir écrit l’ensemble de Wilhelm Meister « en raison de ce caractère [7] ». À quoi on peut ajouter que de tous les personnages de Goethe, Mignon a connu, après Faust, les réemplois les plus nombreux dans divers domaines de l’art [8].
6 Balzac, quant à lui, s’est senti fortement attiré par le romantisme allemand, ce qui se traduit aussi par le fait qu’il qualifie de romantiques toutes les œuvres de Goethe portées à sa connaissance, indépendamment du moment de leur création [9]. Aussi pouvons-nous constater que plusieurs des préoccupations majeures des romantiques allemands, comme la recherche du merveilleux et du fantastique ou la quête mystique d’un infini céleste, sont partagées par l’auteur de La Comédie humaine.
7 C’est précisément dans un tel contexte thématique et philosophique que la figure de l’intercesseur entre l’homme et Dieu avance au premier plan. Séraphîta en est l’illustration la plus explicite et la plus achevée. Cet être tantôt masculin, tantôt féminin, franchit des étapes de souffrance au cours de son existence terrestre, avant de quitter sa dépouille humaine et de se muer en ange frappant à la porte du Ciel. Or, certains aspects de l’évolution de Séraphîta ne sont pas sans évoquer le destin de Mignon. Le personnage de Goethe, au moment de sa rencontre avec Wilhelm, souffre de blessures morales dues au mystère de ses origines et à la précarité de son existence ultérieure. Après avoir été rachetée par Wilhelm à ses premiers maîtres, Mignon sert fidèlement son nouveau protecteur, tout en lui vouant un amour grandissant. Mais la passion n’étant pas réciproque, elle se consume en crises de chagrin, au point de tomber sans vie quand elle croit que Wilhelm s’apprête au mariage avec une rivale.
8 Si l’histoire, à sa base, ne rappelle guère celle de Séraphîta, elle comporte néanmoins des ingrédients qui autorisent un rapprochement. Mignon, en effet, ne partage aucun des traits propres aux femmes convoitées par Wilhelm. Sa caractérisation oscille entre les connotations masculines et féminines, l’indétermination sexuelle s’exprimant aussi à travers le choix de désignations neutres du personnage et, à la fin de son parcours, par une hésitation entre les pronoms il et elle [10]. On notera enfin que Mignon, dans la dernière phase de sa vie, porte une robe blanche sur laquelle sont fixées des ailes d’ange. C’est dans cette tenue qu’elle se prépare à sa descente imminente dans le tombeau où elle espère laisser sa dépouille terrestre pour se transfigurer en ange asexué : « Et je quitterai cette blanche tunique, / Et la ceinture et la couronne. // Et ces créatures célestes / Ne demandent pas si on est homme ou femme, / Et aucun vêtement et nulle duperie / n’enveloppent le corps purifié [11]. » Ce chant d’adieu de Mignon reprend vraisemblablement l’annonce par Paul de l’union des fidèles, en dehors de toute distinction, dans le royaume du Christ : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni mâle ni femelle, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus [12]. » Goethe fait ainsi transparaître l’aspiration de son personnage, une fois traversées les souffrances de la vie matérielle, à une sphère supérieure de plénitude spirituelle. Et, sans doute, ce cheminement douloureux vers la mort est-il une condition nécessaire à la maturité sociale de Wilhelm Meister [13], comme d’ailleurs l’élévation céleste de Séraphîta est le garant de la vaillance future de Minna et de Wilfrid au cours de leur existence terrestre.
9 Il est certain que le rôle et l’image de Mignon attestent la volonté de son créateur d’inscrire dans son œuvre une dynamique de la transgression. Dès Wilhelm Meisters theatralische Sendung [La Vocation théâtrale de Wilhelm Meister], première mouture des Années d’apprentissage, que Goethe avait commencée en 1775, puis abandonnée en 1786, Mignon oppose sa nature archaïque aux mœurs civilisées de son entourage. Ainsi résiste-t-elle à l’exigence de maîtrise complète de la langue allemande, compétence pourtant particulièrement prisée dans le milieu de comédiens où elle évolue. Elle est inversement capable d’envoûter son public par ses créations musicales, en particulier par de sublimes poésies chantées, de même qu’elle fait preuve d’un don divinatoire semblable à la voyance propre à certains personnages balzaciens.
10 Mignon révèle par ailleurs la faculté de réduire son existence à une mécanique corporelle, comme en témoigne sa présentation de la danse des œufs. À ce moment, elle rappelle son ancienne errance en compagnie de saltimbanques, exprimant la mélancolie d’un Pierrot lunaire [14]. De manière tout à fait contraire, il lui arrive cependant aussi de se défouler dans une extase furieuse, à façon des Ménades. Enfin, par son rattachement aux quatre éléments de la nature – la terre, l’eau, l’air et le feu – dont l’un des principes unificateurs réside dans son statut androgynique, Mignon réinvestit le mythe de la quête alchimique. Elle confirme ainsi la place tout à fait singulière qu’elle occupe dans l’œuvre de son créateur, particularité justement soulignée par Sabine Brandenburg-Frank : « Aucune autre figure que Mignon ne possède autant de facettes codées qui reflètent la conception goethéenne de la nature et de la poésie sur un mode élémentaire et quasi alchimique [15]. » Il est vrai que Goethe, atteint d’une tumeur tuberculeuse en 1769, a bénéficié de soins prodigués par des amis piétistes qui lui ont fait découvrir à cette époque tout un savoir mystico-alchimique. C’est là qu’il apprend à connaître Böhme, Paracelse, Basile Valentin ou Swedenborg, et qu’il commence à élaborer le thème faustien [16]. Plus tard, il entretint une intense relation amicale avec Lavater, jusqu’au moment où l’exaltation religieuse du prophète zurichois lui apparut comme une inacceptable dérive ésotérique [17].
11 On remarque donc que l’écrivain, tout en observant ses distances à l’égard des appels à la foi, demeure redevable à la pensée mystique comme à une ressource capable d’alimenter sa réflexion sur la dialectique entre nature et connaissance de celle-ci [18]. Cette tension, omniprésente chez Goethe, prend dans Faust la forme de l’autodestruction par une soif démesurée de connaissance. Mignon, au contraire, est la victime de sa propre nature instinctive, incompatible avec l’esprit de rationalité moderne. En raison de son altérité monstrueuse, elle ne peut rejoindre l’idéal d’épanouissement harmonieux que Goethe fait poursuivre à Wilhelm.
12 Or, ce constat prend d’autant plus de relief que Les Années d’apprentissage, où se précise et s’achève le destin de Mignon, ont été rédigées entre 1794 et 1796. Depuis le moment de la Theatralische Sendung, interrompue en 1786, s’est produit le séisme révolutionnaire [19]. Pris à Valmy sous le feu de l’artillerie française et témoin du retrait de son armée dans des conditions innommables, Goethe éprouve un profond malaise face à la puissance déstabilisatrice du volcan parisien. Plus que jamais, il demande à la contemplation de la nature et à la médiation culturelle de faire écran à la pression immédiate de l’agitation sociale [20]. Il en va de même de la formation de Wilhelm, tenu par ses protecteurs de la Turmgesellschaft de se perfectionner dans un ensemble de domaines imperméables à la politique. Quant à Mignon, si étrangement inquiétante et à la fois attirante par les forces primitives qui l’habitent, elle n’aura plus de place aux côtés d’un Wilhelm champion de l’utilité sociale.
13 Face à ce problème, Goethe ménage à sa créature d’exception une sortie extraordinairement ambiguë. Dès que celle-ci a rendu son dernier soupir, un médecin s’empare de son cadavre dans le but de l’embaumer. Le corps ainsi préparé est ensuite placé dans un sarcophage, alors que se déroule un cérémonial funèbre de tradition franc-maçonne. Grâce au récit d’un voyageur italien, on finit par connaître les antécédents de Mignon : celle-ci est le fruit de l’union incestueuse entre le moine Augustin et sa sœur Sperata – le religieux se révélant être le compagnon harpiste de Wilhelm. Les obsèques et le récit des origines de Mignon ont été ressentis par bien des commentateurs comme un reniement de l’idéal romantique. Novalis y perçoit une trahison de la poésie [21]. Nicholas Boyle, plus récemment, parle d’un « exorcisme rationaliste infligé à l’esprit poétique qui avait plané au-dessus de l’expérience théâtrale de Wilhelm [22] ». Que le charme mystérieux d’un être humain ait pu s’effacer en faveur d’une explication par l’étrange et le pathologique, Goethe n’a pas voulu l’admettre sous cette forme prononcée [23]. Il n’en reste pas moins qu’il laisse à la fin de Lernjahre s’affaiblir l’un des pôles qui constituent l’opposition fondatrice de l’œuvre [24].
14 Si nous revenons ici à La Comédie humaine, c’est pour montrer que Balzac, s’il investit une figure dialectique comparable à celle de Goethe, ne souhaite pas pour autant la désamorcer comme son prédécesseur. Dès La Peau de chagrin, il joue avec subtilité sur la relation oscillante entre le merveilleux et l’étrange, prouesse d’ailleurs louée par Goethe [25]. À cela s’ajoute que Balzac varie la pertinence de ce genre de dynamique selon le niveau qu’il vise dans le système sous-jacent à son œuvre [26].
15 Si La Peau de chagrin ou Melmoth réconcilié se nourrissent de la confrontation entre le merveilleux et l’étrange, les textes du Livre mystique sont détachés d’une telle problématique. Séraphîta, en particulier, se présente comme un récit proche de l’exposé philosophique, situé dans un cadre propice à la méditation. Séraphîta, androgyne en voie d’angélisation, est la seule figure de La Comédie humaine à voir sa tentative d’élévation couronnée par sa propre transfiguration en être céleste. Sur terre, elle apparaît aux regards et désirs de ses compagnons masculin et féminin comme incarnation du sexe opposé. Sans posséder un savoir livresque ou une expérience mondaine, elle se fait reconnaître comme un modèle à suivre par ses disciples. À ceux-ci elle montre la vanité de l’amour, de la science et de l’art humains, à moins que de telles passions ne s’augmentent d’une quête du divin. Ainsi prévient-elle son adoratrice contre les présomptions de son enthousiasme immature [27], alors qu’elle détourne son admirateur de ses ambitions de « forçat de la gloire [28] ».
16 « Spécialiste », Séraphîta réfléchit en termes de « causes » [29], mais ne se préoccupe pas des effets : « Je suis arrivé au dégoût de toutes choses, car j’ai reçu le don de vision [30]. » C’est pourtant à une commune existence terrestre qu’elle destine Wilfrid et Minna. Ces deux êtres sont appelés à unir leurs forces pour se consacrer aux maux de l’humanité. Leur mission, comme celle des Frères de la consolation, est de faire valoir l’envers de la société visible : « Il est en nous de longues luttes dont le terme se trouve être une de nos actions, et qui font comme un envers à l’humanité. Cet envers est à Dieu, l’endroit est à l’homme [31]. »
17 Une telle mission impose à l’homme et à la femme un effort solidaire dans l’espoir d’une élévation future vers les sphères spirituelle et céleste. Wilfrid et Minna, parfaitement complémentaires et investis d’un même idéal, forment un couple viable, prêt à affronter « la poussière des mondes inférieurs [32] », parce que la lumière entrevue des mondes supérieurs éclaire leurs âmes. Ils sont donc loin, malgré l’étonnante proximité de leurs noms avec ceux de Wilhelm et de Mignon, de se lancer sur le chemin emprunté par ces compagnons mal assortis. Le couple balzacien, contrairement à celui de Goethe, accède à la transcendance après avoir assisté à l’ultime combat de Séraphîta contre les tentations, au dépérissement de son enveloppe humaine et à l’épanouissement de son existence angélique. Wilfrid et Minna retirent de cette expérience la faculté de voyance, auparavant réservée à l’androgyne, et découvrent alors sous les habits des puissants de la terre la monstruosité de ce qu’ils voilent : « Par un mouvement unanime, tous entrouvrirent leurs robes et laissèrent voir des corps desséchés, rongés par des vers, corrompus, pulvérisés, travaillés par d’horribles maladies [33]. »
18 Cette disharmonie est certes propre aux sociétés humaines depuis leurs formations primitives, car le spectacle offert à Wilfrid et Minna est « celui qui frappa jadis les yeux intérieurs des Prophètes [34] ». Dans le contexte historique de Balzac cependant, les combats de la Révolution et leurs conséquences sont envisagés comme une défaillance du principe même de lien social. Né un demi-siècle après Goethe, Balzac, comme tous ses contemporains, atteint l’âge adulte avec le sentiment aigu d’une société entièrement gagnée par le mal du siècle. Conscient de vivre dans un monde de tensions insolubles, il en propose une représentation dont le déploiement multiforme suppose de pouvoir s’organiser en un système de sphères hiérarchisées. La Comédie humaine, on le sait, souhaite exposer les effets, les causes et les principes [35], se concentrant parfois sur un seul de ces étages, mais offrant le plus souvent une matière qui implique la combinaison des trois niveaux.
19 Cela est le cas notamment des Études de mœurs et donc d’une œuvre comme Modeste Mignon à laquelle nous retournons à présent. Ce roman, avant de prendre en 1845 son intitulé définitif pour l’édition Furne de La Comédie humaine, paraît en 1844 chez Chlendowski sous une variante de titre qui ajoute aux noms de l’héroïne le complément « ou les trois amoureux ». L’œuvre partage donc avec bien des récits antérieurs, comme par exemple Le Colonel Chabert, Ferragus ou La Fille aux yeux d’or, un dispositif triangulaire de passions diversement colorées entre homme(s) et femme(s). Appartenant à la production tardive des années 1840, elle dénonce avec un cynisme particulier les déceptions qui guettent l’engagement amoureux sur fond de gangrène postrévolutionnaire.
20 Il suffit d’observer à ce propos le statut ambigu de tous les personnages qui forment le contexte familial et social de Modeste. À commencer par les détenteurs supposés de l’autorité parentale : Charles Mignon, en digne fils d’un comte provençal exécuté après le 9 Thermidor pour avoir pratiqué la terreur par opportunisme, choisit sans état d’âme, mais avec une fortune changeante, les chances de prospérité qui s’offrent sous Napoléon et ensuite sous la monarchie restaurée. En compagnie de son ami Dumay, descendu lui aussi d’un exécuteur guillotiné à son tour, il passe de Marengo à Waterloo, non sans avoir connu la captivité dans un camp tsariste, puis embrasse une carrière de spéculateur maritime au Havre. Tout au long de ce parcours, il vise à retrouver in fine sa terre et son titre de La Bastie, comme s’il n’y avait mission plus urgente à accomplir que de revêtir les habits d’une noblesse multiplement trahie auparavant. Quant à Bettina Wallenrod, épouse Mignon, elle fait preuve à l’égard de ses filles d’une complicité affective que Balzac juge si veule qu’il lui fait perdre la vue sous la « taie jaune produite par la cataracte [36] ».
21 Il n’en va guère mieux des soutiens havrais de la famille Mignon pendant la période où l’on attend le retour du père flibustier parti se renflouer aux Indes. Ce petit pandémonium comporte l’inquiétant Dumay, capable de tuer un adversaire par un simple coup de poing ; la tribu des Latournelle dont le chef, notaire pourtant qualifié d’honnête, offre tous les symptômes de la pourriture morale, au point que Balzac y voit un exemple de « contresens physiognomique [37] » ; le jeune financier Gobenheim, traité de « catéchumène du veau d’or [38] ».
22 La palme des ambivalences revient cependant au nain bossu Butscha, personnage qui, en raison de cette dualité précisément, constitue une des plus étonnantes inventions de Balzac. Issu des bas-fonds de la société, rendu inépousable par sa disgrâce physique, il possède pourtant des facultés intellectuelles, émotives et spirituelles qui le font toucher à la sphère de la voyance. Que d’autres personnages, mieux lotis par la nature, la naissance ou la fortune, le réduisent à l’état d’objet ou le renvoient « dans sa cabane de boue [39] », il sait toujours les dominer grâce à l’intensité de ses énergies intérieures. Se surnommant volontiers « le clerc obscur [40]», il sait envisager sa bosse comme « l’étui de [ses] ailes [41] » à déployer au-dessus de Modeste – comme il peut y puiser les plus sinistres farces pour mystifier ses adversaires. Tous les acteurs du roman, chercheurs de gloire, d’argent, de pouvoir ou d’amour, quelle que soit la nature de leurs motifs, dépendent donc du bon vouloir du plus déshérité d’entre eux. Aussi le « nain mystérieux », quand il instruit Modeste, se sait-il parfaitement doté d’un potentiel propre à renverser la hiérarchie sociale voulue par la Restauration : « Dans six mois, le peuple, mademoiselle, qui se compose d’une infinité de Butscha méchants, peut souffler sur toutes ces grandeurs [42]. »
23 On ne s’étonnera pas que l’héroïne du roman, en dépit de son aura de supériorité, soit tributaire du contexte social et politique si pertinemment résumé par Butscha. Le portrait de Modeste révèle, en effet, sous l’apparente homogénéité physique et morale d’une « blonde céleste [43] », toutes sortes de particularités propres à nuancer et compliquer cette impression globale. De père provençal et de mère francfortoise, la jeune femme se révèle un amalgame indéniablement réussi par son aspect esthétique, mais incapable de faire oublier l’ambiguïté de plusieurs de ses composantes. Balzac, dès les premières phrases de sa caractérisation de Modeste, cherche visiblement à éviter les valeurs pleines en faveur des notations en demi-teinte :
Modeste offre, comme autrefois sa mère, une coquette expression de cette grâce peu comprise en France, où nous l’appelons sensiblerie, mais qui, chez les Allemandes, est la poésie de cœur arrivée à la surface de l’être et s’épanchant en minauderies chez les sottes, en divines manières chez les filles spirituelles [44].
25 On constatera que la suite du tableau descriptif obéit à la même démarche de relativisation. Ainsi Modeste présente des cheveux « couleur d’or pâle », des yeux « d’un bleu tirant sur le gris », un visage et un cou dignes des chefs-d’œuvre de la peinture italienne, mais des taches de rousseur qui en font « une fille de la terre, et non l’une de ces créations rêvées en Italie par l’École Angélique ». Sa physionomie est marquée d’une expression simultanément mystique et voluptueuse, candide et moqueuse, curieuse et pudique, le tout évoquant « la vierge de l’Espagne plutôt que celle de Raphaël [45] ». Cette multivalence s’adjoint la maîtrise, à côté de la langue française, de l’allemand et de l’anglais et de vastes connaissances littéraires, ouvertures sur la civilisation moderne que les protecteurs de Modeste semblent juger compatibles avec le sévère contrôle de mœurs qu’ils lui imposent en même temps.
26 Modeste, comme son portrait l’annonce, n’est pas destinée à la carrière des anges balzaciens dont la grandeur d’âme se magnifie à mesure que leur cœur souffre. Calculatrice, dominatrice et donc tout à fait immodeste [46], elle nourrit le rêve précieux d’un amour intellectualisé. Pour satisfaire au plus vite cette ambition, elle n’hésite pas à rabaisser l’autorité divine au niveau de ses objectifs immédiats [47], comme elle se déclare prête à renoncer aux embarras de la maternité pour mieux joindre son instrument à la harpe du poète adoré [48]. Enfin, quand elle croit son but atteint, elle va jusqu’à se comparer au séraphin en voie de transfiguration : « En un moment j’ai senti que ma pesante enveloppe me quittait ! Mon âme a brisé le cristal qui la retenait captive, elle a circulé dans mes veines [49] ! »
27 Modeste se voit certes punie de son « amour de tête » que son père, en l’occurrence porte-voix de l’auteur, appelle « le vice le plus affreux de la Française » [50]. Mais la souffrance qu’elle éprouve au moment de retomber d’une « Alpe » « au fond de la boue » [51] ne sera que de courte durée. Même si Modeste se contentera d’un mari moins prestigieux et envisagera la vie d’une mère de famille, elle continuera à jouer des ressorts de son intelligence dominatrice. Elle illustrera en effet la persistance de son savoir faire en humiliant avec une dextérité diabolique l’objet de son idéalisation passée [52], juste avant d’évoquer en compagnie de la bien placée Diane de Maufrigneuse les vertus polyvalentes d’une cravache d’amazone [53].
28 Nous sommes bien loin ici de la douceur sereine qui emplit par exemple Camille Maupin une fois qu’elle s’est détachée de ses ambitions de « femme de tête ». C’est pourquoi Modeste est vouée à une carrière de futures souffrances : châtiment en même temps qu’expiation que Balzac destine aux orgueilleuses, et plus largement à tous ceux qui, comme le clan Mignon, s’agitent dans l’histoire contemporaine sans vouloir ou pouvoir en apprécier l’envers. Dans une suite abandonnée du roman, il était prévu, en effet, de faire mourir le fils aîné de Modeste à l’instant même où son habillement devait le faire passer de l’apparence hermaphrodite à celle de petit garçon [54]. Par cette précision tant subtile que révélatrice s’annonce non seulement un drame familial, mais aussi l’effacement d’un symbole d’élévation spirituelle, jugé mort né dans le milieu d’une noblesse embourgeoisée.
29 On comprend mieux dès lors que Balzac empêche son héroïne de s’engager sur une authentique voie ascensionnelle, mais la maintienne au contraire dans un statut d’ambiguïté et de porte-à-faux. Modeste, comme son prénom si inadéquat à son tempérament le signale déjà, est condamnée à se méprendre sur la signification profonde de son « début dans la vie ». Aussi le malentendu est-il à son comble quand elle propose au vrai-faux destinataire de ses missives de le suivre en humble servante : « Va, poète chéri, je serai ta Mignon ; mais une Mignon plus heureuse que celle de Goethe, car tu me laisseras dans ma patrie, n’est-ce pas ? dans ton cœur [55]. » Que la pauvre errante de Goethe, contrainte par ses origines et sa nature à libérer la scène romanesque au profit de la maturation sociale de Wilhelm, ne puisse guère servir de modèle à Modeste paraît évident. Que, par ailleurs, le bonheur amoureux se conçoive comme l’aboutissement direct d’un échange de lettres entre l’écrivain et l’une de ses admiratrices, Balzac l’envisage avec les plus grandes réserves : « Qui dit amour, dit souffrances », affirme-t-il dans un commentaire moqueur sur les lettres enflammées que Bettina Brentano a envoyées à Goethe [56].
30 C’est avec d’autant plus de scepticisme qu’il nous invite à considérer les envolées pseudo-séraphiques de son héroïne, convaincue de pouvoir mêler une spiritualité digne des androgynes – elle se qualifie de « plante hybride née au sommet [des] Alpes [57] » - à celle supposée tout aussi sublime de son destinataire. Envisagée dans cette perspective, la volubile héroïne de Balzac se réduit à la minceur des feuilles de papier sur lesquelles elle étale ses illusions, alors que la taciturne figure de Goethe se rend pathétique par la grandeur de son destin romanesque.
31 Face à cette différence de caractère et de rôle, on reste quelque peu désorienté au regard de l’étrange combinaison du prénom et du patronyme qui servent à baptiser la protagoniste et à intituler le roman de Balzac. Et ceci d’autant plus que les deux éléments de nomination ne semblent pas initier un développement du personnage conforme au programme qu’ils annoncent. À moins que Balzac n’ait voulu indiquer non pas seulement une contradiction propre aux éléments éponymes de son œuvre, mais aussi une disproportion entre la figure goethéenne et sa propre créature. On peut se demander, en effet, s’il vise, entre autres, à nous gratifier d’une Mignon mise au diapason de 1844 : une modeste Mignon, après tout.
Notes
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[1]
Voir à ce sujet Jacqueline Beck, « Balzac et Goethe », AB 1970, pp. 33-43.
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[2]
Nous citons ce passage en conclusion.
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[3]
D’autres éléments, comme les relations entre personnages dans Torquato Tasso ou la présence de poèmes chantés dans Wilhelm Meister, sont repris et adaptés par Balzac dans Modeste Mignon. Voir à ce propos : Christine Planté, « “Le Dieu peut avoir la pituite.” Petitesses du masculin dans Modeste Mignon de Balzac », in Masculinité et Révolution de Rousseau à Balzac, sous la direction de Daniele Maira et Jean-Marie Roulin, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2013, en particulier p. 266 ; Mireille Labouret, « Romanesque et romantique dans le roman balzacien », AB 2000, p. 55 ; Terrence Cave, « Modeste and Mignon : Balzac rewrites Goethe », French Studies, July 2005, pp. 311-325.
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[4]
Voir à ce sujet Bernd Kortländer / Hans T. Siepe, « Balzac und Deutschland – Deutschland und Balzac. Ein Überblick als Einleitung », in Balzac und Deutschland – Deutschland und Balzac, par les mêmes, Tübingen, Narr Verlag, 2012, pp. 7-24.
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[5]
Voir Georges Gusdorf, Fondements du savoir romantique, Payot, 1982, p. 397.
-
[6]
Dans Ästhetische und politische Schriften, « Über Goethes Meister », première éd. Athenäum, Berlin, 1798, Kritische Friedrich Schlegel-Ausgabe. Erste Abteilung, Neuausgabe, Band 2, München / Zürich, 1967, p. 147.
-
[7]
Cité par Sabine Brandenburg-Frank, Mignon und Meret. Schwellenkinder Goethes und Gottfried Kellers, Königshausen und Neumann, 2002, p. 9.
-
[8]
Voir Terence Cave, Mignon’s Afterlives. Crossing Cultures from Goethe to the Twenty-First Century, Oxford University Press, 2011.
-
[9]
On consultera à ce sujet les remarquables pages d’Ernst Robert Curtius, Balzac, Genève, Éditions des Syrtes, 1999.
-
[10]
Voir à ce sujet Achim Aurnhammer, Androgynie. Studien zu einem Motiv in der europäischen Literatur, Cologne/Vienne, Böhlau, 1986, p. 168 et Marie Delcourt, « Deux interprétations du mythe de l’androgyne. Mignon et Séraphîta », Revue des langues vivantes, 1972 / 3, en particulier pp. 228-233.
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[11]
Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister, traduction par Blaise Briod, in Goethe, Romans, Bibliothèque de la Pléiade, 1954, p. 850.
-
[12]
Lettre de Paul aux Galates, 3, 28, dans La Bible, nouvelle traduction, Bayard, 2001, p. 2557. Le parallélisme a été relevé, entre autres, par Archim Aurnhammer, op. cit., p. 171. Marie Delcourt, dans l’art. cit., p. 239, note : « La troisième strophe du poème de l’ange correspond mot pour mot à une parole de Jésus consignée dans un Évangile aux Égyptiens perdu, qui fut fréquemment utilisé par les gnostiques […] : “Le royaume viendra lorsque vous aurez foulé aux pieds le vêtement de la honte, et que le mâle avec la femelle ne seront plus ni mâle ni femelle” ».
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[13]
Sabine Brandenburg-Frank écrit à ce propos : « La descente de Mignon par divers paliers de la souffrance amoureuse sur terre se fait parallèlement et contrairement à l’apprentissage de Wilhelm, dont le point d’aboutissement visé est la transition de l’auto-contemplation à la vie active au sein de la société » (nous traduisons), in op. cit., p. 15.
-
[14]
Sur ce jeu corporel de Mignon et la tradition de la Commedia dell arte, voir Bernhard Greiner, Eine Art Wahnsinn. Dichtung im Horizont Kants : Studien zu Goethe und Kleist, Berlin, Erich Schmidt Verlag, 1994, pp. 31-33.
-
[15]
Op. cit., p. 111 (nous traduisons).
-
[16]
Voir Rüdiger Safranski, Goethe, München, Carl Hanser, 2013, pp. 72-73.
-
[17]
Ibid., pp. 172-177 ; pp. 275-283.
-
[18]
Rüdiger Safranski écrit à ce sujet : « Schelling et Hegel en particulier cherchent des formules de synthèse qui permettent de comprendre la nature comme esprit inconscient et l’esprit comme nature consciente. Goethe de même appartient à ce magnifique mouvement visant à concilier les oppositions entre esprit et nature » (op. cit., p. 296).
-
[19]
Sur Goethe et l’impact de la Révolution, voir Anton Reiniger, Wilhelm Meister: Eine ‘schöne menschliche Natur’ oder ‘ein armer Hund’?, Udine, Forum, 2008, pp. 19-38.
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[20]
Voir Rüdiger Safranski, op. cit., p. 369.
-
[21]
Voir ibid., p. 411 et pp. 578-579.
-
[22]
Dans Goethe: der Dichter in seiner Zeit, Band 2, Munich, Beck, 1999, p. 476 (nous traduisons). Première édition sous le titre Goethe: The Poet and the Age, Oxford, Oxford University Press, p. 1999.
-
[23]
Il écrit à Schiller : « Il est évident que les résultats apparents que j’ai formulés sont bien plus modestement significatifs que le contenu de l’œuvre » (cité par Rüdiger Safranski, op. cit., p. 411).
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[24]
On notera que Marguerite, contrairement à Mignon, revient après sa mort pour sauver par son amour Faust de l’enfer. Celui-ci peut entamer alors son ascension céleste, motif que Goethe emprunte peut-être à l’univers de Swedenborg.
-
[25]
« C’est une œuvre excellente dans le genre le plus nouveau, qui se distingue cependant par le fait de se mouvoir avec élégance et force entre l’impossible et l’insupportable et de savoir utiliser le moyen du merveilleux, à côté des attitudes et phénomènes les plus étranges, création dans laquelle maint détail serait à relever positivement » (nous traduisons en suivant le texte de Sämtliche Werke. Briefe, Tagebücher und Gespräche, éd. de Hendrik Birns [u.a.], 40 Bde, Francfort, 1987-1999, Abt. 2, Bd. 11, pp. 474-475.)
-
[26]
Voir Max Andréoli, Le Système balzacien : essai de description synchronique, 2 vol., Lille, Aux amateurs de livres, 1984.
-
[27]
CH, t. XI, pp. 745-746.
-
[28]
Ibid., p. 794.
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Ibid., p. 745.
-
[31]
Ibid., p. 797.
-
[32]
Ibid., p. 858.
-
[33]
Op. cit., p. 859. Comme l’a montré Henri Gauthier, ce texte suit librement un passage de L’Homme de désir de Saint-Martin. Voir CH, t. XI, p. 1712, note 1.
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[34]
Ibid., pp. 858-859.
-
[35]
Henri Gauthier a bien montré les liens entre cette conception et celle, gnostique, des sphères à traverser au cours d’une expérience d’élévation : « L’homme transite de sphère en sphère, du monde naturel au monde spirituel et au monde divin par des métamorphoses de son être intérieur. » (L’Image de l’homme intérieur chez Balzac, Droz, 1984, p. 16). À consulter aussi Max Andréoli, op. cit.
-
[36]
Op. cit., p. 478. Mireille Labouret note justement que Bettina « expie ses fautes par une cécité symbolique ». (art. cit., p. 61).
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[37]
Ibid., p. 472. Voir à ce sujet le commentaire de Christine Planté dans l’art. cit., p. 268.
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[38]
Ibid., p. 478.
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[39]
Ibid., respectivement p. 637 et p. 472.
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[40]
Ibid., p. 472.
-
[41]
Ibid., p. 567.
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[42]
Ibid., p. 683. Christine Planté écrit à ce propos : « Modeste Mignon met en œuvre à sa façon un processus de démocratisation des personnages : non par le choix des origines sociales, car les principaux personnages masculins – le père et les prétendants de Modeste – sont des aristocrates ; mais par le statut qui leur est donné au sein du personnel romanesque. Hommes d’action, d’affaires, de plume ou de politique – et hommes de calcul –, tous, même le poète et le père, se révèlent tributaires de relations avec d’autres hommes plus humbles, indispensables à la réalisation de leurs visées comme au bon fonctionnement de l’intrigue » (art. cit., p. 264).
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[43]
Op. cit., p. 481.
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[44]
Ibid.
-
[45]
Cette série de références se trouve in ibid., pp. 481-482.
-
[46]
Ce dont la jeune femme convient parfaitement. Voir ibid., p. 583.
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[47]
Ibid., p. 507.
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[48]
Ibid., pp. 543-544.
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[49]
Ibid., p. 581.
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[50]
Ibid., p. 602.
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[51]
Ibid., p. 608.
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[52]
Situation que Modeste compare à celle du poète piégé dans Torquato Tasso.
-
[53]
Ibid., p. 712.
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[54]
Voir à ce sujet Christine Planté, art. cit., pp. 276-277. Voir aussi CH, t. I, pp. 1432 sq.
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[55]
Op. cit., p. 584.
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[56]
Voir le projet d’article de Balzac sur Goethe et Bettina von Arnim dans CH, t. I, « Document », p. 1335. Bettina, la sœur de Clemens Brentano, épousa Achim von Arnim. Elle publia en 1835 sa correspondance avec Goethe sous le titre Échange de lettres avec un enfant. Les originaux de ces lettres, découvertes après la mort de leurs auteurs, révèlent que Bettina avait arrangé les réponses assez formelles de son destinataire afin de leur donner une allure plus romantique. Maurice Regard, dans son introduction à Modeste Mignon, montre que l’idée de l’intrigue a été inspirée à Balzac par un projet de roman esquissé par Mme Hanska, sur la base de sa propre expérience avec l’écrivain, et par la traduction française de la correspondance de Bettina avec Goethe, parue en 1843 (voir CH, t. I, pp. 447-451).
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[57]
Ibid., pp. 543-544. Cette fleur peut se rapporter à celle découverte par Minna sur les pentes du Falberg (voir CH, t. XI, p. 739).