Couverture de BALZ_011

Article de revue

L'illusion de l'art

« Über das Marionettentheater », « Sarrasine »

Pages 291 à 312

Notes

  • [1]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1544, var. b de la p. 1043. Cette épigraphe, apparue dès la publication du texte dans la Revue de Paris en novembre 1830 (t. XX, p. 150), disparaît dans l’édition Furne de la nouvelle en 1844.
  • [2]
    Voir Pierre Brunel, « Orientations européennes dans Sarrasine », AB 1992, p. 80.
  • [3]
    Journal, 22 pluviôse an XII.
  • [4]
    Essai sur les marionnettes, traduit par Flora Klee-Palyi et Fernand Marc. Paris, glm, 1937. Le texte a été réédité en 1947, puis en 1972, sous le titre Les Marionnettes. Les traductions ont fleuri depuis cette date : Sur le théâtre de marionnettes. La Mendiante de Locarno. Traduction de Gilbert Socard. 87-Mortemart, Rougerie, 1968 ; Les Marionnettes, traduit de l’allemand par Robert Valançay. Paris, G. Visart, 1969 ; Sur le théâtre de marionnettes, traduit de l’allemand et présenté par Roger Munier, Paris, éditions Traversière, 1982 ; Sur le théâtre de marionnettes ; De l’élaboration progressive des pensées dans le discours, édition bilingue, traduction de Jean-Claude Schneider (précédé de L’Art de devenir un écrivain en trois jours, par Ludwig Börne, préface de Hervé Lenormant). Nantes, le Passeur-Cecofop, 1989 ; cette traduction de J.-C. Schneider a été rééditée en 1991 (Rezé, Séquences) ; Sur le théâtre de marionnettes, traduit de l’allemand par Jacques Outin. Paris, éd. Mille et une nuits, 1993.
  • [5]
    Il s’agit de la traduction par A.-J. et J. Cherbuliez, en 3 vol., chez Cherbuliez, de Michel Kohlhaas, La Marquise d’O, Le Tremblement de terre du Chili, La Fête-Dieu ou Le Pouvoir de la musique, et L’Enfant trouvé. Éditée en 1830, cette traduction sera réimprimée dès 1832. Voir Liselotte Bihl et Karl Epting, Bibliographie französischer Übersetzungen aus dem Deutschen. 1487-1944, Bd. 1, Tübingen, Niemeyer, 1987, p. 202 et 274.
  • [6]
    Voir Elisabeth Teichmann, La Fortune d’ Hoffmann en France, Paris, Droz, 1961.
  • [7]
    P.-G. Castex a montré de façon convaincante qu’Hoffmann et Scott ont représenté les deux voies françaises du romantisme. Voir Horizons romantiques, Paris, José Corti, 1983, notamment p. 31. Leur vogue a ainsi été exclusive de toute une série d’œuvres introduisant des modèles différents du romantisme.
  • [8]
    Voir Pierre Brunel, art. cit., p. 78.
  • [9]
    Ibid., p. 76.
  • [10]
    Ibid., p. 77.
  • [11]
    Ibid., p. 78.
  • [12]
    « Interprétation de Sarrasine », AB 1972, p. 82.
  • [13]
    P. Brunel, art. cit., p. 81.
  • [14]
    Sur cette polémique, voir Edmond Eggli, Schiller et le romantisme français, Paris, J. Gamber, 1927 ; Genève, Slatkine Reprints, 1970, t. I, p. 346-347. C’est en 1805 que Schiller publie sa traduction en vers de la Phèdre de Racine sous le titre : Phädra. Trauerspiel von Racine, Tübingen, J. G. Cotta.
  • [15]
    Bernhild Boie, L’Homme et ses simulacres. Essai sur le romantisme allemand, Paris, José Corti, 1979, p. 173 et 174.
  • [16]
    Ibid., p. 165.
  • [17]
    Cours de littérature dramatique, trad. Mme Necker de Saussure (1814), Paris, Slatkine Reprints, 1970, 2 vol., t. II, quatorzième leçon, p. 209-210. Eduard Böcking (ed.), August Wilhelm Schlegels sämmtliche Werke, Hildesheim, New York, G. Olms, 1971, t. VI, p. 233 : « Ihr heftigster Zorn löst sich in eine gutmütige Neckerey auf, ihre Leidenschaften, von allem irdischen Stoff entkleidet, sind bloß ein idealischer Traum. »
  • [18]
    Ludwig Tieck, Kritische Schriften, Leipzig, F. A. Brockhaus, 1848, t. I, p. 43 (« Shakespeare’s Behandlung des Wunderbaren ») : « Der Sturm und der Sommernachtstraum lassen sich vielleicht mit heitern Träumen vergleichen: in dem letztern Stück hat Shakespeare sogar den Zweck, seine Zuschauer gänzlich in die Empfindung eines Träumenden einzuwiegen, und ich kenne kein anderes Stück, das, seiner ganzen Anlage nach, diesem Endzweck so sehr entspräche. » Ce texte, p. 37-74, composé en 1793, n’a été publié qu’en 1796 comme préface à l’adaptation de La Tempête par Tieck.
  • [19]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1047.
  • [20]
    Ibid., p. 1045.
  • [21]
    Ibid., p. 1050.
  • [22]
    Ibid.. Sur l’opposition entre Zambinella et sa petite-nièce Marianina qui représente celle entre la mort et la vie, voir notamment p. 1053 et p. 1548, var. b de cette page : « C’était bien la mort et la vie, ma pensée, une arabesque imaginaire, une chimère moitié hideuse, moitié suave… ». La phrase fait écho à l’allusion aux deux tableaux, la « danse des vivants » et la « danse des morts », sur laquelle s’ouvre la nouvelle.
  • [23]
    Sur le théâtre de marionnettes, tr. R. Munier, éd. cit., p. 26 ; « einen Begriff des Schönen im Tanz » (éd. Helmut Sembner, dans : Kleists Aufsatz über das Marionettentheater. Studien und Interpretationen, Berlin, Erich Schmidt, 1967, p. 10).
  • [24]
    Ibid., p. 26 ; pour le texte original, voir l’éd. citée (H. Sembner), p. 10.
  • [25]
    Jeanne Danos, La Poupée mythe vivant, Paris, Gonthier, 1966, p. 250. Voir plus généralement le chapitre intitulé « De l’hallucination au rêve nocturne », p. 244-254.
  • [26]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1052.
  • [27]
    C’est par ces mots que s’achève le texte de Sarrasine dans son édition originale (Romans et contes philosophiques, seconde éd., Gosselin, 1831, t. II, p. 321). Voir Pl., t. VI, p. 1075, et p. 1554 la var. a de la p. 1076.
  • [28]
    Ibid., p. 1054. Balzac insiste sur l’écart entre le modèle et le Beau idéal de l’œuvre : le cardinal Cicognara fait exécuter en marbre la statue de Sarrasine. La famille Lanty la trouve en 1791 au musée Albani, et prie Girodet, devenu Vien en 1844 seulement dans l’édition Furne, d’en faire un portrait (ibid., p. 1075 et var. c).
  • [29]
    Ibid., p. 286.
  • [30]
    Voir Annie Becq, « Esthétique et politique sous le Consulat et l’Empire : la notion de Beau idéal », Romantisme, n° 51, premier trimestre 1986, p. 23-37.
  • [31]
    Archives littéraires de l’Europe, t. VI et VII, 1805.
  • [32]
    Annie Becq, art. cit., p. 24. Voici par ailleurs comment Quatremère de Quincy définit sa conception d’un Beau idéal : « Selon le sens particulier que la théorie des beaux-arts donne au mot idéal, ce mot est l’expression superlative de ce qui nous semble, non pas hors de la nature, mais supérieur en qualité à ce que la nature nous montre le plus ordinairement, et partiellement considéré dans ses œuvres » (Essai sur l’idéal dans ses applications pratiques aux œuvres de l’imitation propre des arts du dessin, Paris, Librairie d’Adrien Le Clere et Cie, 1937, p. 3).
  • [33]
    N. Ponce, Dissertation sur le Beau idéal considéré sous le rapport des arts de dessin, 1806, lue à l’Institut le 26 avril et publiée dans le Moniteur universel le 26 juillet, puis dans les Nouvelles des arts (t. V) ; et Chaussard, dans son compte rendu du Salon de 1806, publié sous le titre de Pausanias français.
  • [34]
    Dans son mémoire Recherches sur l’art statuaire considéré chez les Anciens et les Modernes, publié en 1805, après qu’il eut gagné le prix d’un concours ouvert en 1801 par l’Institut sur le sujet : « Quelles ont été les causes de la perfection de la sculpture antique et quels seraient les moyens d’y atteindre ? »
  • [35]
    Sur l’idéal dans les arts du dessin, op. cit., p. 110. Voir Annie Becq, art. cit., p. 26.
  • [36]
    Discours sur les caractères du beau et du sublime dans les arts d’imitation, prononcé en 1810 devant l’Académie de Marseille.
  • [37]
    « Voyez la nature, épiez ses beautés, surprenez-en la finesse, atteignez-en la grâce, mais n’imaginez pas qu’il puisse exister quelque chose de plus beau qu’elle », déclare-t-il en 1801 dans L’Année littéraire.
  • [38]
    De l’Allemagne (1813), troisième partie, chapitre IX, « Influence de la nouvelle philosophie allemande sur la littérature et les arts », Paris, Garnier-Flammarion, 1968, t. II, p. 161-162.
  • [39]
    Recherches sur les lois et la nature de l’imagination, Genève, J.-J. Paschoud, 1807, p. 329.
  • [40]
    Toussaint-Bernard Emeric-David, Recherches sur l’art statuaire considéré chez les Anciens et les Modernes, Paris, 1805, p. 29.
  • [41]
    Cabanis, Lettre à Thurot sur les poèmes d’Homère, dans Œuvres complètes, 1823-1825, t. V, p. 310-311. Voir Annie Becq, art. cit., p. 35.
  • [42]
    Sismondi, De la littérature du Midi de l’Europe, Paris, Treuttel et Würtz, 1813, t. II, p. 158-159.
  • [43]
    Friedrich Schlegel, 1794-1802 ; seine prosaische Jugendschriften, éd. J. Minor, Wien, Verlagsbuchhandlung C. Konegen, 1906, 2 vol. in 1, t. II, p. 186.
  • [44]
    Ibid., p. 244 : « Goethe‘s rein poetische Poesie ist die vollständigste Poesie der Poesie. »
  • [45]
    Ibid., Kritische Fragmente, n° 117 : « Poesie kann nur durch Poesie kritisiert werden. »
  • [46]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1061.
  • [47]
    Sur le théâtre de marionettes, op. cit., p. 46 ; « streifen, und den Schwung der Gleider […] neu zu beleben », « ruhen, und uns von der Anstrengung des Tanzes zu erholen: ein Moment, der offenbar selber kein Tanz ist » (éd. H. Sembner, p. 12).
  • [48]
    Simone Weil, La Pesanteur et la grâce, Paris, Plon, 1988 (1947), p. 7.
  • [49]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1062.
  • [50]
    Ibid., p. 1072-1073.
  • [51]
    Ibid., p. 1070. Avant l’édition Béchet des Études de mœurs au xixe siècle (1835), où Sarrasine figure au t. XII, dans le quatrième volume des Scènes de la vie parisienne, la dernière phrase citée s’achevait avec les mots « vous ne me verrez plus » (voir ibid. p. 1552, la var. c de la p. 1070).
  • [52]
    Ibid., p. 1074.
  • [53]
    Ibid., p. 1073.
  • [54]
    Ibid., p. 1075. Rappelons (voir ci-dessus la note 24) que jusqu’en l’édition Furne, l’auteur du portrait commandé par la famille Lanty était Girodet lui-même, qui s’en serait donc directement servi pour son Endymion.
  • [55]
    Ibid., p. 1047.
  • [56]
    Ibid.
  • [57]
    Ibid., p. 1046.
  • [58]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 20-21 : « Dagegen wäre diese Linie wieder, von einer andern Seite, etwas sehr Geheimnisvolles. Denn sie wäre nichts anders, als der Weg der Seele des Tänzers » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [59]
    Ibid., p. 24 : « Er setzte hinzu […], daß oft, auf eine bloße zufällige Weise erschüttert, das Ganze schon in eine Art von rhythmische Bewegung käme, die dem Tanz ähnlich wäre. » (éd. H. Sembner, p. 9-10).
  • [60]
    Sarrasine, Pl. t. VI, p. 1553, var. h de la p. 1075.
  • [61]
    Voir Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 32 ; « Etwa wie Zahlen zu ihren Logarithmen oder die Asymptote zur Hyperbel » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [62]
    Ibid., p. 32 ; « daß ihr Tanz […] vermittelst einer Kurbel, so wie ich es mir gedacht, hervorgebracht werden könne. » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [63]
    Ibid., p. 44 ; « Zudem […] haben diese Puppen den Vortheil, daß sie antigrav sind » (éd. H. Sembner, p. 12).
  • [64]
    Bien sûr, on peut également expliquer cette dimension spirituelle de la marionnette par l’action du marionnettiste, présence supérieure, de nature divine, qui abolit les contingences du monde physique. La marionnette serait alors l’incarnation d’un caldéronisme revisité par le romantisme allemand.
  • [65]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p 55 ; « Eine unsichtbare und unbegreifliche Gewalt schien sich, wie ein eisernes Netz, um das freie Spiel seiner Gebährden zu legen » (éd. H. Sembner, p. 14).
  • [66]
    Ibid., p. 24 ; « in einer graden Linie », « Courven » (éd. H. Sembner, p. 9).
  • [67]
    Ibid., p. 30 ; « Dagegen wäre diese Linie […] etwas sehr Geheimnisvolles », « der Weg der Seele des Tänzers » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [68]
    Ibid., p. 23 ; « ohne Myriaden von Fäden an den Fingern zu haben », « Jede Bewegung […] hätte einen Schwerpunct », « in dem Innern der Figur » (éd. H. Sembner, p. 9).
  • [69]
    Ibid., p. 38 ; « Wenn sich die Seele (vis motrix) in irgend einem andern Puncte befindet, als in dem Schwerpunct der Bewegung » (éd. H. Sembner, p. 11-12).
  • [70]
    Herder, Herders Sämtliche Werke, hrsg. v. Bernhard Suphan, t. VIII, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1892, p. 106 (« Bemerkungen bei Winkelmann’s Gedanken über die Nachahmung der griechischen Werke ») : « Zu viel Handlung: die Seele ist wie außer ihrem Schwerpunkt: sie stützt sich, wie der Seiltänzer, auf einen zu seinem Punkt, als daß er natürlich, faßlich, annehmlich sei. »
  • [71]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 37-38 ; « eine naturgemäßere Anordnung der Schwerpuncte » (éd. H. Sembner, p. 11).
  • [72]
    Bernhild Boie, L’Homme et ses simulacres, op. cit., p. 168-169.
  • [73]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 41 et p. 43 ; « In den Wirbeln des Kreuzes », « die Seele sitzt ihm gar […] im Ellenbogen » (éd. H. Sembner, p. 12)
  • [74]
    Op. cit., p. 337.
  • [75]
    L’Âme romantique et le rêve, op. cit., p. 319.
  • [76]
    De l’Allemagne, op. cit., t. II, p. 121.
  • [77]
    Les implications esthétiques de cette représentation du monde sont le sujet de la seconde partie de la Critique du jugement de Kant. Par ailleurs, Auguste Viatte montre la signification métaphysique et esthétique de ces correspondances chez Saint-Martin, philosophe tourangeau qui constitue comme on sait une référence de Balzac, pour qui « tout est symbole » (Les Sources occultes du romantisme, II – La génération de l’Empire, Paris, Champion, 1979, 2 vol., t. I, p. 276).
  • [78]
    Génie du christianisme (1802), Paris, Garnier-Flammarion, 1966, 2 vol., t. I, p. 190.
  • [79]
    « Réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand », dans Wallstein, édition critique de Jean-René Derré, Paris, « Les Belles Lettres », 1965, p. 63.
English version

1Dès l’épigraphe de la première partie de sa nouvelle Sarrasine, Balzac revendique l’héritage du romantisme allemand : « Croyez-vous que l’Allemagne ait seule le privilège d’être absurde et fantastique ? » [1] La nouvelle s’ouvre, d’une façon à la fois sinistre et burlesque, sur une opposition entre la danse des vivants représentée par le bal auquel participe le narrateur, et la danse des morts qu’offre la nature hivernale, opposition entre l’intérieur et l’extérieur, la nature et la civilisation. Ce faisant, l’écrivain souligne tout le caractère factice de la société décrite, mais il inscrit aussi son intrigue dans un climat fantastique, rendant hommage sans doute à Hoffmann, dans sa Vision sur le champ de bataille de Dresden[2], mais aussi à Goethe, auteur d’une ballade intitulée « La Danse des morts » (« Der Totentanz ») en 1797, l’année des ballades, celle où Goethe cherche à s’illustrer dans les formes populaires de la littérature. Sur le ton à la fois macabre et ironique que reprendra Balzac, Goethe avait mis en scène un cliquetis de squelettes qu’il séparait fondamentalement, lui aussi, du monde des vivants. Dans la France de 1830, au moment de la composition de Sarrasine, Goethe est bien sûr célèbre pour son Werther, en particulier depuis la critique qu’en proposa Chateaubriand dans René, mais surtout, de façon plus négative, pour son Faust, à qui Zambinella est d’ailleurs comparé, et que Benjamin Constant avait appelé « une dérision de l’espèce humaine » [3]. C’est de ce « privilège d’être absurde et fantastique » que se réclame Balzac avec Sarrasine, selon la mode allemande, mais une mode qui n’inclut pas Heinrich von Kleist.

2Dans son essai consacré au théâtre de marionnettes (Über das Marionettentheater), achevé en décembre 1810, celui-ci est sans doute pourtant plus proche encore des théories esthétiques esquissées par Balzac dans Sarrasine. Nulle dette directe, assurément, de la part de Balzac, mais plutôt une simple convergence, car l’essai très bref mais très fameux de Kleist n’a suscité en France qu’un intérêt très tardif, sa première traduction ne datant que de 1937 [4]. Au moment où Balzac rédigeait sa nouvelle, en novembre 1830, Kleist n’était en fait guère lu, et encore moins joué en France puisque seuls quelques-uns de ses contes venaient d’être traduits, avec, il est vrai, un certain succès [5]. La génération romantique française, c’est bien connu [6], a préféré les contes d’Hoffmann à l’œuvre d’un auteur dont la francophobie trop affirmée a sans doute heurté le sentiment national [7]. Pierre Brunel a du reste insisté sur le contexte hoffmannien de la parution de Sarrasine dans la Revue de Paris, qui venait de faire paraître, l’année précédente, en 1829, plusieurs textes d’Hoffmann dans une traduction de Loève-Veimars [8]. Selon lui, Balzac propose d’abord une parodie des romans d’Ann Radcliff, dont le merveilleux est considéré en France comme « mécanique » parce qu’un mécanisme intervenait à la fin pour expliquer les mystères [9]. Mais surtout, et plus essentiellement, il répond au fantastique à la Hoffmann qui réside dans « la radicale impossibilité où se trouve le héros de décider et de donner à ses interrogations une réponse satisfaisante ». En réponse, Balzac proposerait donc un « fantastique à la française » [10], évitant le « risque d’absurdité » [11] d’Hoffmann : Pierre Citron note comme un fait « rare chez Balzac » que « la logique et la vraisemblance n’existent pas », et que le narrateur « n’explique rien » [12]. En faisant écho à plusieurs contes, en particulier L’Église des jésuites[13], Sarrasine semble donc mettre, même sous une forme critique, Hoffmann à l’honneur, comme le faisait une bonne partie du public français.

3Le nom de Kleist, pour sa part, n’est connu que par l’atteinte qu’il porte aux lettres françaises, et en 1807 le Journal de Paris s’indigne par exemple que des critiques allemands aient trouvé l’Amphitryon de Kleist supérieur à celui de Molière, tout comme il s’était offusqué l’année précédente que l’éditeur allemand de la Phèdre de Schiller ait pu en trouver le texte supérieur à celui de Racine [14]. L’écho que reçoivent pourtant en France les théories esquissées dans l’essai sur le théâtre de marionnettes permet d’y définir, par contraste, un romantisme allemand : Kleist, s’il n’appartient pas au cercle d’Iéna, reste sur plusieurs points proche des conceptions développées quelques années plus tôt par les frères Schlegel.

4Sa réflexion sur le théâtre de marionnettes s’articule sur une intrigue assez banale : la rencontre, un soir d’hiver, dans un jardin public, entre le narrateur et un danseur d’opéra. La conversation qui s’engage porte immédiatement sur un spectacle de théâtre de marionnettes, au cours duquel le narrateur a noté avec surprise l’enthousiasme du danseur. Ces données de départ sont déjà significatives : sa propre présence à cette représentation et en même temps le recul ironique qu’il observe à l’égard de l’intérêt du danseur font du narrateur une projection du lecteur, normalement réservé sur la valeur artistique d’un genre décrié, mais sujet lui-même au charme inexplicable de ce type de spectacle. Elles annoncent également le débat qui va suivre et son issue. Le théâtre de marionnettes devient l’objet d’une réflexion plus générale sur la grâce, dont les enjeux sont à la fois esthétiques et métaphysiques. Le narrateur, bientôt persuadé, illustre la théorie du danseur par une anecdote sur un adolescent qui, à peine conscient de sa grâce, la perd aussitôt en cèdant à la vanité. C’est la seconde partie du texte, celle où les voix cessent de diverger pour envisager les prolongements de cette thèse sur la grâce. À son tour, le danseur propose une anecdote sur un singulier combat d’escrime contre un ours, où l’instinct brut de ce dernier a raison de la technique affinée du danseur. Dans les deux anecdotes comme dans le cas du théâtre de marionnettes, la grâce, qui réside dans le mouvement, se trouve opposée à la conscience imparfaite de l’homme.

5Dans le cadre d’une approche d’histoire littéraire, cette célébration du théâtre de marionnettes semble s’inscrire dans l’ancienne tradition du Puppenspiel que Herder, avant le premier romantisme allemand, avait mise à l’honneur au même titre que l’ensemble du Volkstheater. Le romantisme allemand a sur ce point fait écho au jugement de Herder. « Toute l’esthétique du romantisme est peuplée de poupées », constate plus précisément Bernhild Boie. Cependant, entre l’automate de Jean-Paul et la marionnette de Kleist s’opère le « passage d’un symbole négatif à un symbole positif » dans la création littéraire [15]. Choisir comme « figure esthétique par excellence » une « figure qui appartient au domaine de l’enfance », comme le remarque à nouveau Bernhild Boie, n’a certes rien de gratuit, et vise à associer, selon un schéma traditionnel, l’art à l’innocence [16]. Le genre même du théâtre de marionnettes joue un rôle fondamental pour toute cette génération : Tieck lui doit en partie l’une de ses productions les plus originales avec sa Genoveva. De même, Goethe insiste sur le rôle qu’il a joué dans sa formation littéraire. Dès le premier livre de Poésie et Vérité, il évoque le théâtre de marionnettes offert par sa grand-mère à l’occasion d’un Noël. Il rappelle ailleurs que l’idée même de Faust est issue du théâtre de marionnettes familial de son enfance, dont Faust et Méphistophélès formaient deux des figures marquantes.

6La figure de la marionnette est plus généralement représentative d’un Beau idéal lié au merveilleux et au rêve attachés à une littérature pour enfants. Schlegel commente dans ces termes les fées du Songe d’une nuit d’été : « leurs passions, dépouillées de tout alliage terrestre, ne sont qu’un rêve idéal » [17]. Attirant à son tour l’attention sur le merveilleux contenu dans la représentation d’un monde de fées, Tieck, qui compare cette pièce et La Tempête à « des rêves radieux », assigne pour but à Shakespeare de « bercer le spectateur dans la perception d’un rêveur », lecture qui nous rapproche aussi bien de ce que se propose Kleist dans Le Prince de Hombourg que du théâtre de marionnettes [18].

7Balzac, sur un mode très différent, reprend dans Sarrasine la réflexion des romantiques allemands sur le Beau idéal. Comme Kleist, il suggère l’opposition, probablement héritée de Mme de Staël dans De l’Allemagne, entre l’artifice parisien et l’authenticité allemande : « il se rencontrait çà et là des Allemands qui prenaient pour des réalités ces railleries ingénieuses de la médisance parisienne » [19]. Par le biais de la recherche de la vérité dans l’art, le motif du Beau idéal est introduit dès le début à travers le personnage de Marianina, comparé à la fille du sultan dans le conte de La Lampe merveilleuse, et qui « savait unir au même degré la pureté du son, la sensibilité, la justesse du mouvement et des intonations, l’âme et la science » [20]. La référence à l’âme établit le rapport entre esthétique et métaphysique, qui se trouve au centre du texte de Kleist. Mais, plus proche encore de l’imaginaire de Kleist, Balzac confond, par l’intermédiaire du narrateur, l’idéal et le réel : « Par un des plus rares caprices de la nature, la pensée en demi-deuil qui se roulait dans ma cervelle en était sortie, elle se trouvait devant moi, personnifiée, vivante, elle avait jailli comme Minerve de la tête de Jupiter […] » [21]. Comme chez Kleist enfin, la réflexion sur le Beau idéal prend assise sur le modèle du théâtre de marionnettes : le vieillard, qui, par contraste avec la vitalité de Marianina, incarne la mort, « semblait être sorti de dessous terre, poussé par quelque mécanisme de théâtre » [22]. Chez Kleist en effet, le mouvement de la marionnette produit, en éliminant les contingences physiques, « une idée du beau dans la danse » [23] ; il représente, plus précisément, le Beau idéal, illustré par la simplicité de la ligne droite ou courbe [24], qui se trouve au centre de l’esthétique romantique. La comparaison entre le théâtre de marionnettes et la danse prend ici une signification nouvelle. Le mouvement de la marionnette, élevé à l’harmonie de la danse, représente le Beau idéal en matière de théâtralité. Soumis à la gravitation, le danseur lui-même ne peut l’approcher qu’imparfaitement.

8L’image du mécanisme de théâtre chez Balzac est proche d’une telle position. À un premier niveau de lecture, la matérialité brute de la marionnette représente la mort. Dans son interprétation psychanalytique de la poupée, Jeanne Danos remarque qu’en donnant l’image d’un monde réifié, celle-ci a par contraste rapport à l’idéal, en tant que matérialisation d’une idée. C’est le sens qu’elle attribue à l’entreprise surréaliste, qui illustre bien cette conception de la poupée comme projection d’un fantasme : « L’expérience ultime de leur tentative réside dans l’automatisme, graphique, plastique ou verbal, mais aussi dans la création d’objets oniriques, véritables “désirs solidifiés”. » [25]

9Enfin, comme pour la marionnette, c’est « l’apparence d’une création artificielle » [26] qui, dans le vieillard de Balzac, rapproche le réel de l’idéal. La fin de la nouvelle revient sur cette idée d’artifice, attachée cette fois à la figure de l’eunuque : « Il n’y a plus de ces malheureuses créatures… » [27] Dès la fin de la première partie, intitulée « Les deux portraits », la réflexion sur le Beau idéal s’attache plus clairement à ce personnage : « Il est trop beau pour être un homme ! » déclare l’accompagnatrice du narrateur devant l’Adonis peint qu’elle découvre dans le boudoir où elle s’est réfugiée ; il s’agit, lui explique ce dernier, d’un portrait, réalisé « d’après une statue de femme » [28]. La beauté est d’autant plus idéale que l’œuvre est moins référentielle : dans le portrait, l’œuvre prend son modèle dans l’art, non dans le réel. Toute la nouvelle joue sur ce va-et-vient, car dès le début de la seconde partie, le Beau idéal est de nouveau rattaché au réel à travers le regard de Sarrasine, qui observe Zambinella dans sa jeunesse :

10

« Il admirait en ce moment la beauté idéale de laquelle il avait jusqu’alors cherché çà et là les perfections dans la nature, en demandant à un modèle, souvent ignoble, les rondeurs d’une jambe accomplie ; à tel autre, les contours du sein ; à celui-là, ses blanches épaules ; prenant enfin le cou d’une jeune fille, et les mains de cette femme, et les genoux polis de cet enfant, sans rencontrer jamais sous le ciel froid de Paris les riches et suaves créations de la Grèce antique. » [29]

11En filigrane, Balzac revient sur un débat qui avait agité la critique d’art du tournant du siècle, débat où les choix esthétiques ont en large part recoupé les clivages politiques. Il a opposé les tenants du Beau idéal, héritiers de Winckelmann et précurseurs du romantisme et les représentants du régime napoléonien, défenseurs au contraire de la conception mimétique de l’art. Tandis que les uns tirent leurs positions de la distinction platonicienne entre l’idée et le réel, les autres partent du postulat d’une beauté indépassable de la nature. Or, Balzac présente ici la beauté idéale comme un dépassement du « beau de réunion », notion qui, comme l’a montré Annie Becq, a été formée pour donner satisfaction à la conception mimétique de l’art tout en évitant les objections des défenseurs du Beau idéal [30].

12C’est essentiellement sous le Consulat et l’Empire que s’était développé ce débat. Quatremère de Quincy qui, dans son essai Sur l’idéal dans les arts du dessin[31], se faisait, selon l’expression d’Annie Becq, « le champion du Beau idéal » [32], était en particulier contesté par Ponce et Chaussard [33], qui lui opposaient l’idée de « belle nature ». Quatremère de Quincy faisait l’éloge des arts d’imitation ; mais l’imitation devait selon lui se rapprocher de l’idée, non de la réalité matérielle et contingente de la nature. Une telle justification platonicienne des thèses de Winckelmann répondait à l’objection soulevée par Emeric David, selon qui l’artiste ne saurait surpasser la nature [34]. De même, selon Chaussard, se passer de l’imitation de la nature conduirait « à rien moins qu’à perdre l’art » [35]. Permon en concluait que « c’est la nature, mais la belle nature, que les grands artistes se sont proposée pour modèle » [36]. Il se voyait appuyé par l’ensemble de la critique néoclassique, en particulier par Geoffroy [37], alors que Mme de Staël, au contraire, rejetait les arts d’imitation, considérant que l’« impression qu’on reçoit par les beaux-arts n’a pas le moindre rapport avec le plaisir que fait éprouver une imitation quelconque ; l’homme a dans son âme des sentiments innés que les objets réels ne satisferont jamais, et c’est à ces sentiments que l’imagination des peintres et des poètes sait donner une forme et une vie » [38]. Ainsi en allait-il pour Bonstetten : « Le véritable génie des arts ne veut rien copier » ; « L’imitation n’est que le moyen et nullement le but des beaux arts. » [39] Or, la notion de « beau de réunion » était étroitement liée à la conception mimétique de l’art et Emeric-David en illustrait le fondement à travers l’exemple, demeuré célèbre, du peintre Zeuxis. Celui-ci, affirme-t-il, « trouvait ce beau dans la nature, il savait le reconnaître, il en réunissait les traits qu’il voyait répandus en différents modèles ; il n’était donc qu’imitateur » [40].

13À travers l’idée de belle nature idéale, Cabanis rattachait le contingent à l’universel, mais son idée du beau ne résidait que dans des rapprochements que la nature n’opère pas, et non dans la recherche de l’idée. C’est pour lui le fonctionnement même de l’imagination que d’établir « ces rapprochements qui de traits épars dans la nature forment un ensemble régulier ». Mais le contemplateur de l’œuvre ne peut se satisfaire de « ces généralités artificielles ; il lui faut ou tel homme, ou tel être déterminé, ou telle particularité dans les images qui lui sont offertes, pour que son émotion, se joignant à l’admiration de l’esprit, en fixe le souvenir par des empreintes ineffaçables » [41].

14Au contraire, Sismondi répliquait à Emeric-David pour rejeter le Beau de réunion comme toute forme d’imitation de la nature. Son commentaire de la Vénus d’Apelle est demeuré lui aussi bien connu : « Il n’est pas vrai que la Vénus d’Apelle ne fût que la réunion de ce que le peintre avait trouvé de plus beau dans les plus belles femmes : son image existait dans le cerveau d’Apelle antérieurement à cette réunion ; c’est d’après cette image qu’il choisissait ses modèles pour les différentes parties. » [42] Suggérant le dépassement du « beau de réunion » par le Beau idéal, il illustrait en fait ce qui a formé chez Balzac l’évolution artistique de Sarrasine. Car plus généralement, Zambinella est l’objet chez Balzac d’une série de réflexions sur l’art qui confèrent à la nouvelle une dimension critique. De même le dialogue de Kleist est-il, par sa dimension dramatique, réécriture du genre qui est son objet, le théâtre ; par l’aspect narratif des deux anecdotes qu’il inclut, il s’érige en critique poétique, selon l’idéal de Friedrich Schlegel pour qui le récit littéraire est la forme accomplie et moderne du dialogue philosophique [43]. De même que, pour Friedrich Schlegel, le Wilhelm Meister de Goethe, lorsqu’il commente Hamlet au cinquième livre, est « poésie de la poésie », Kleist rejoint ici l’idéal d’une critique poétique, où la narration serait un dépassement de la représentation dramatique [44]. « La poésie ne peut être critiquée que par la poésie », déclare F. Schlegel [45]. Conformément à cet idéal d’une critique qui intègre son objet et le dépasse à la fois, le dialogue philosophique prend pour point de départ de la discussion le théâtre folklorique. Essai par sa forme de fiction littéraire assumant en même temps une fonction critique, le texte de Kleist rejoint également l’ancienne tradition du dialogue.

15Le Beau artistique, selon Balzac, apparaît comme une illusion, celle de Sarrasine devant l’apparente féminité de Zambinella : « C’était plus qu’une femme, c’était un chef-d’œuvre ! » [46] Comme chez Kleist, c’est par le mouvement, ou du moins sa suggestion, qu’elle rejoint l’art. Tel était en effet le paradoxe kleistien : emblème de matérialité brute, la figure de la marionnette était un défi aux lois physiques et dégageait l’art de ses contingences matérielles pour le ramener à la spiritualité épurée qui en constitue la véritable essence. L’argument se fondait sur la gravité, à laquelle est soumis le danseur seul : pour désigner le mouvement vers le sol, le texte oppose deux verbes en italique, « effleurer », pour la marionnette, et « reposer », pour le danseur [47]. Lorsque le danseur retombe, c’est au contraire « pour se remettre des efforts de la danse », moment « qui, manifestement, n’est pas de la danse ». La danse du danseur, contrairement à la dynamique immatérielle de la marionnette, fait alterner des instants qui relèvent de l’art et d’autres où apparaît le support physique. Simone Weil, dans son essai intitulé La Pesanteur et la Grâce, prolonge sur ce point les réflexions de Kleist en soulignant l’implication morale de l’image kleistienne de la gravitation : « Tous les mouvements naturels de l’âme sont régis par des lois analogues à celle de la pesanteur matérielle. La grâce seule fait exception. » [48] Cette superposition du plan physique et du plan métaphysique formait le fondement même de l’idéalisme esthétique de Kleist.

16Balzac rejoint Kleist en situant dans l’expression du mouvement, c’est-à-dire dans la grâce, la recherche artistique du Beau idéal dans le réel : « Sarrasine crayonna sa maîtresse dans toutes les poses. » [49] La pose forme bien un arrêt du mouvement, mais en tant que, comme dans la statuaire, il le suggère et l’exprime. Balzac se sépare ici de Kleist, pour qui la grâce désigne une essence, en présentant l’art comme le lieu de l’illusion. En même temps que l’illusion se dissipe et que la féminité de Zambinella s’efface du regard de Sarrasine, l’art du chanteur se dissipe aussi : « sa voix céleste s’altéra ». Comme la grâce, l’art est donc associé à l’illusion ; la conscience le dissipe et produit l’affectation : « […] Zambinella, s’étant remis, recommença le morceau qu’il avait interrompu si capricieusement ; mais il l’exécuta mal […] » [50].

17Toute la nouvelle se construit autour de cette relation équivoque entre l’art et le monde, l’œuvre et son modèle. D’une part, la vie semble se confondre avec l’art à travers le personnage de Zambinella : « Le théâtre sur lequel vous m’avez vue, ces applaudissements, cette musique, cette gloire, à laquelle on m’a condamnée, voilà ma vie, je n’en ai pas d’autre. Dans quelques heures vous ne me verrez plus des mêmes yeux, la femme que vous aimez sera morte. » [51] La féminité idéale de Zambinella est créée par l’artifice du théâtre, et Balzac propose une variation du motif caldéronien de la confusion entre illusion et réalité. Mais la faute de Sarrasine est justement d’avoir commis cette confusion et l’art se distingue de la réalité en tant qu’illusion : « c’est une illusion ! » s’exclame Sarrasine, avant de mourir, en contemplant la statue qu’il a forgée [52]. L’illusion réside alors dans la transfiguration du réel par l’art : « Le chanteur […] demeura sur une chaise, sans oser regarder une statue de femme, dans laquelle il reconnut ses traits » [53].

18L’art cependant peut être également vecteur de vérité, et dépasser les apparences trompeuses du réel : c’est le cas du portrait, établi à partir de la statue, et qui restitue l’eunuque à sa virilité. Dans un sens ou dans l’autre, l’art se détache finalement du réel, comme le montre la structure de la nouvelle : chacune de ses deux parties, « Les deux portraits » et « Une passion d’artiste », s’achève sur le rapprochement entre la beauté idéale du portrait et la hideur du vieillard. Mais la relation qui les attache, par-delà leur apparente opposition, n’est explicitée qu’à la fin de la nouvelle, où le narrateur évoque « ce portrait qui vous a montré Zambinella à vingt ans un instant après l’avoir vu centenaire ». La transfiguration dans l’art se prolonge, et le portrait a servi « plus tard pour l’Endymion de Girodet, vous avez pu en reconnaître le type dans l’Adonis » [54].

19La nouvelle, qui débute par l’évocation de deux tableaux – la danse des vivants et la danse des morts –, s’achève également sur deux transfigurations esthétiques, car le vieillard lui-même ne relève plus du réel. Sa première apparition l’avait rapproché de la fiction romantique : « Sans être précisément un vampire, une goule, un homme artificiel, une espèce de Faust ou de Robin des bois […] » [55]. Cette structure circulaire de la nouvelle se généralise. Comme chez Kleist, elle implique un rapport au temps conçu comme mouvement vers une vérité originelle : il s’agit du temps du mythe, de l’éternel retour. Zambinella est présenté au début dans sa virilité, sous la forme d’un vieillard : « C’était un homme », affirme le narrateur, sans plus de précision [56]. Tout au long de la seconde partie de la nouvelle, il n’est évoqué que comme une jeune femme, et ne redevient un vieillard qu’à la fin.

20Le mouvement même de l’œuvre de Balzac imite l’illusion qu’elle présente, en appuyant l’opposition entre les deux parties. Alors que la première présente la vérité de Zambinella, elle le rattache systématiquement à la fiction littéraire, et l’histoire de la maison Lanty dans son ensemble est comparée à l’univers « des romans d’Anne Radcliffe » ou encore à « un poëme de lord Byron » [57]. Le narrateur est pourtant protagoniste de cette intrigue, ce qui produit une illusion référentielle. Au contraire, la seconde partie est consacrée au récit du narrateur et la situation d’énonciation insiste donc sur la mise en fiction, sur le glissement vers un autre espace littéraire. Elle présente Zambinella sous le jour de l’artifice et de l’illusion. Pourtant, par un curieux retournement, elle s’inscrit dans un cadre historique – la Rome du temps de Louis XV – présenté avec insistance, et les personnages historiques – Diderot, Rousseau – sont systématiquement mêlés aux personnages de fiction comme Sarrasine ou Zambinella.

21Le jeu de Balzac avec l’illusion est peut-être une façon d’inscrire sa propre création dans l’illusion : l’esthétisation littéraire, à laquelle procède la seconde partie, reproduit ou prolonge la transfiguration accomplie par la statue, puis par le portrait. Le réel s’oppose alors à l’art, comme le suggère le personnage de Marianina, incarnation d’une féminité authentique, qui est également une projection du vieillard. La fin de la première partie met en scène le vieillard en face du tableau qui représente sa virilité, mais aussi au bras de Marianina, qui est son alter ego féminin. Le contraste entre le tableau et le vieillard est alors redoublé par celui entre Marianina et le tableau. En même temps, Marianina, qui est chanteuse, est elle-même une production de l’art et redouble l’opposition entre la réalité du vieillard, rattachée à la mort, et sa transfiguration dans l’art, éternelle.

22Comme Kleist, Balzac associe le motif de la marionnette au Beau idéal dans l’art, mais cet art repose pour lui sur une illusion, alors que, pour Kleist, art et illusion se confondent. L’atmosphère onirique liée à l’improbable rencontre formant l’intrigue de Über das Marionettentheater, et confortée par un flou suggestif dans les indications de temps et de lieu, n’est qu’une manifestation discrète de cette confusion. L’illusion est par ailleurs le lieu de l’apprentissage pour le narrateur, qui est l’initié chez Kleist, alors qu’il est significativement celui qui enseigne chez Balzac.

23Cette présence de l’illusion est ce qui confère à l’art sa dimension métaphysique. Ainsi chez Kleist, la ligne décrite par le mouvement de la marionnette est « profondément mystérieuse », car elle n’est « rien d’autre que le chemin de l’âme du danseur » [58]. Telle est l’interprétation du mystère du mouvement des marionnettes, mouvement qui ne peut se réduire à sa dimension mécanique : même agitée « de manière purement fortuite », la marionnette « adoptait une sorte de mouvement qui ressemblait à la danse » [59]. De sorte que l’innocence absolue de la marionnette rejoint la conscience illimitée du Dieu, tout comme se rencontrent, dans une vision circulaire, la matérialité brute et la pure transcendance : le point de rencontre est la grâce, notion mystérieuse, à l’articulation de l’esthétique et du métaphysique.

24Ces implications métaphysiques s’enracinent chez Kleist sur une interrogation sur le lieu de l’âme : le mouvement de la marionnette, manipulée par des ficelles comme l’homme par un Dieu invisible, permettait selon lui de définir l’emplacement de l’âme dans le corps, et renvoyait à l’héritage de la pensée caldéronienne sur les rapports entre liberté humaine et destinée. De même, la réflexion de Balzac sur l’illusion dépasse le cadre esthétique pour envisager une métaphysique qui le rapproche de l’héritage caldéronien du romantisme : « Quand l’avenir du chrétien serait encore une illusion, au moins elle ne se détruit qu’après la mort. » [60]

25Balzac rejoint ici l’ensemble de la pensée romantique allemande, où l’esthétique se trouve au cœur d’une réflexion métaphysique plus générale. Chez Kleist, cette perspective apparaît déjà dans la volonté insistante du danseur de rapporter la grâce aux lois physiques. Celle-ci se manifeste tout d’abord dans l’énumération des figures géométriques décrivant le déplacement du centre de gravité de la marionnette au cours de son mouvement : ligne droite, courbe, du premier ou du second degré, ellipse. De même, c’est en termes géométriques qu’est décrite la relation entre le machiniste et la marionnette : le rapport de leurs mouvements est comparé à celui des nombres et de leurs logarithmes ou à celui de l’asymptote et de l’hyperbole [61]. C’est, bien sûr, une façon de suggérer la nécessité, c’est-à-dire l’absence de contingence du mouvement idéal de la marionnette, mais aussi l’absence de liberté de la marionnette, qui contraste ainsi avec l’homme, libre depuis la chute originelle. L’idée rappelle la conversion au catholicisme de plusieurs des figures allemandes du romantisme.

26Cette dernière hypothèse de lecture se trouve néanmoins remise en cause par la conclusion que le danseur tire de l’aspect mécanique du mouvement de la marionnette : la possible élimination du machiniste, dont l’action, rapporte le narrateur, « pourrait être obtenue au moyen d’une manivelle, comme je l’avais pensé » [62]. L’accord des personnages sur ce point masque une divergence plus profonde, car d’une observation commune (la simplicité de la tâche du machiniste), ils tirent des conclusions opposées : elle conduit pour le narrateur à songer au caractère rudimentaire du théâtre de marionnettes ; pour le danseur au contraire, à la transcendance de la marionnette, qui ne tire pas son âme du machiniste. Cette conclusion, toujours implicite dans le texte, se rattache d’une part à l’indépendance de l’œuvre à l’égard de son créateur, mais d’autre part et surtout à l’opposition si chère à Kleist entre apparence et réalité, en l’occurrence ici entre les domaines physique et métaphysique, entre le mouvement et l’être de la marionnette. De là découle l’ambivalence de la marionnette, instrument complètement mécanisé, mais qui échappe en définitive à la matière. Dépourvu de toute contingence et de toute liberté, le mouvement de la marionnette, par un curieux retournement, échappe en effet aux lois physiques. Les marionnettes, qui ont « l’avantage d’échapper à la pesanteur » et qui « ne savent rien de l’inertie de la matière » [63], relèvent du domaine uniquement spirituel incarné par la danse, et révèlent le rapport du corps et de l’âme [64]. Paradoxalement, c’est au contraire l’homme qui, par l’affectation, perd la liberté de son mouvement : « Une force invisible et inexplicable semblait contraindre, comme un filet de fer, le libre jeu de ses gestes. » [65] À cette affectation s’oppose « la grâce charmante » : l’adjectif souligne l’aspect sensuel, mais surtout irrationnel d’un état irréductible aux lois physiques. En réalité, le passage du mouvement mécanique de la marionnette à la transcendance de la figure est suggéré dès le début du texte, dans la corrélation, appuyée par l’italique, entre les mots « droite » ou « courbes »[66], et l’expression qui, un peu plus loin, donne sens à cette « ligne mystérieuse : « le chemin de l’âme du danseur » [67].

27Ainsi la notion esthétique de grâce se trouve-t-elle rattachée à la question de l’âme. La dialectique du mécanique et du transcendant, du physique et du spirituel est esquissée dès le début du dialogue à travers l’opposition, dans l’explication du mouvement de la marionnette, entre l’extérieur et l’intérieur. Le premier, lieu d’une pluralité de déterminations physiques (« myriades de fils »), s’oppose à l’unité du « centre de gravité » qui situe le mouvement « à l’intérieur de la figure » [68]. L’âme, évoquée ici dans son sens premier, comme ce qui produit le mouvement de l’intérieur (elle est appelée « vis motrix »), s’oppose aux déterminations extérieures. Le mouvement, dès lors, révèle la présence de l’âme par la grâce. Par contraste, l’affectation se manifeste « lorsque l’âme se trouve en tout point autre que le centre de gravité du mouvement » [69]. C’est souvent cette idée que l’on retient du texte de Kleist ; pourtant, elle lui vient peut-être de Herder, qui avait commenté le groupe de Laokoon en regrettant que « l’âme se trouve en quelque sorte hors de son centre de gravité » [70]. Au contraire, la grâce se définit chez Kleist comme adéquation avec la nature, plus précisément comme une « répartition des centres de gravité qui soit plus conforme à la nature » [71].

28Dans cette « harmonie entre sentiment et forme », Bernhild Boie montre l’attachement de l’esthétique kleistienne aux « critères classiques » [72]. Mais la grâce s’intègre surtout dans une définition qui associe le physique, à travers la notion de centre de gravité, et le spirituel, en désignant la présence de l’âme. Les exemples cités sont significatifs : l’âme peut se situer « dans les vertèbres des reins » ou encore « dans le coude » du danseur [73]. Plus clairement que dans le premier exemple, la synecdoque est significative dans le second, car c’est le geste (tendre la pomme) qui désigne toute l’expression du danseur. Le centre de gravité a alors un sens moral plus que physique. Comme le note Roger Ayrault, la grâce des marionnettes, loin de ne désigner qu’« un état tout extérieur », est alors « transposée entièrement en réalité morale » [74]. C’est sans doute à tort qu’Albert Béguin voit dans ce passage « l’abîme qui sépare Kleist des romantiques » : « La notion de grâce donne évidemment à cette philosophie une orientation esthétique que n’a pas la magie de Novalis » [75]. Ce survol un peu rapide passe sous silence le lien affirmé par la pensée de l’époque, dépassant le seul romantisme allemand, entre esthétique et métaphysique, à travers l’idée de l’« analogie entre le monde physique et le monde moral », évoquée par Mme de Staël qui témoigne ainsi du rayonnement de la pensée allemande en France [76].

29Il est difficile d’identifier ses sources : Mme de Staël avait probablement puisé cette idée dans l’essai de Schiller Über naive und sentimentalische Dichtung. Mais c’est surtout la philosophie de Schelling qui l’a systématisée, et Schelling lui-même évoque le système des monades de Leibniz [77]. L’idée se retrouve chez Chateaubriand, pour qui « les lois physiques et morales de l’univers se tiennent par une chaîne admirable » [78], ou encore chez Benjamin Constant, qui évoque « la grande correspondance […] entre tous les êtres moraux et physiques » [79]. Or, dans cette unité du monde sensible et du monde moral, c’est à l’art d’établir cette correspondance entre métaphysique et esthétique : « Le poète, dit encore Mme de Staël, sait rétablir l’unité du monde physique et du monde moral ; son imagination forme un lien entre l’un et l’autre. »

Notes

  • [1]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1544, var. b de la p. 1043. Cette épigraphe, apparue dès la publication du texte dans la Revue de Paris en novembre 1830 (t. XX, p. 150), disparaît dans l’édition Furne de la nouvelle en 1844.
  • [2]
    Voir Pierre Brunel, « Orientations européennes dans Sarrasine », AB 1992, p. 80.
  • [3]
    Journal, 22 pluviôse an XII.
  • [4]
    Essai sur les marionnettes, traduit par Flora Klee-Palyi et Fernand Marc. Paris, glm, 1937. Le texte a été réédité en 1947, puis en 1972, sous le titre Les Marionnettes. Les traductions ont fleuri depuis cette date : Sur le théâtre de marionnettes. La Mendiante de Locarno. Traduction de Gilbert Socard. 87-Mortemart, Rougerie, 1968 ; Les Marionnettes, traduit de l’allemand par Robert Valançay. Paris, G. Visart, 1969 ; Sur le théâtre de marionnettes, traduit de l’allemand et présenté par Roger Munier, Paris, éditions Traversière, 1982 ; Sur le théâtre de marionnettes ; De l’élaboration progressive des pensées dans le discours, édition bilingue, traduction de Jean-Claude Schneider (précédé de L’Art de devenir un écrivain en trois jours, par Ludwig Börne, préface de Hervé Lenormant). Nantes, le Passeur-Cecofop, 1989 ; cette traduction de J.-C. Schneider a été rééditée en 1991 (Rezé, Séquences) ; Sur le théâtre de marionnettes, traduit de l’allemand par Jacques Outin. Paris, éd. Mille et une nuits, 1993.
  • [5]
    Il s’agit de la traduction par A.-J. et J. Cherbuliez, en 3 vol., chez Cherbuliez, de Michel Kohlhaas, La Marquise d’O, Le Tremblement de terre du Chili, La Fête-Dieu ou Le Pouvoir de la musique, et L’Enfant trouvé. Éditée en 1830, cette traduction sera réimprimée dès 1832. Voir Liselotte Bihl et Karl Epting, Bibliographie französischer Übersetzungen aus dem Deutschen. 1487-1944, Bd. 1, Tübingen, Niemeyer, 1987, p. 202 et 274.
  • [6]
    Voir Elisabeth Teichmann, La Fortune d’ Hoffmann en France, Paris, Droz, 1961.
  • [7]
    P.-G. Castex a montré de façon convaincante qu’Hoffmann et Scott ont représenté les deux voies françaises du romantisme. Voir Horizons romantiques, Paris, José Corti, 1983, notamment p. 31. Leur vogue a ainsi été exclusive de toute une série d’œuvres introduisant des modèles différents du romantisme.
  • [8]
    Voir Pierre Brunel, art. cit., p. 78.
  • [9]
    Ibid., p. 76.
  • [10]
    Ibid., p. 77.
  • [11]
    Ibid., p. 78.
  • [12]
    « Interprétation de Sarrasine », AB 1972, p. 82.
  • [13]
    P. Brunel, art. cit., p. 81.
  • [14]
    Sur cette polémique, voir Edmond Eggli, Schiller et le romantisme français, Paris, J. Gamber, 1927 ; Genève, Slatkine Reprints, 1970, t. I, p. 346-347. C’est en 1805 que Schiller publie sa traduction en vers de la Phèdre de Racine sous le titre : Phädra. Trauerspiel von Racine, Tübingen, J. G. Cotta.
  • [15]
    Bernhild Boie, L’Homme et ses simulacres. Essai sur le romantisme allemand, Paris, José Corti, 1979, p. 173 et 174.
  • [16]
    Ibid., p. 165.
  • [17]
    Cours de littérature dramatique, trad. Mme Necker de Saussure (1814), Paris, Slatkine Reprints, 1970, 2 vol., t. II, quatorzième leçon, p. 209-210. Eduard Böcking (ed.), August Wilhelm Schlegels sämmtliche Werke, Hildesheim, New York, G. Olms, 1971, t. VI, p. 233 : « Ihr heftigster Zorn löst sich in eine gutmütige Neckerey auf, ihre Leidenschaften, von allem irdischen Stoff entkleidet, sind bloß ein idealischer Traum. »
  • [18]
    Ludwig Tieck, Kritische Schriften, Leipzig, F. A. Brockhaus, 1848, t. I, p. 43 (« Shakespeare’s Behandlung des Wunderbaren ») : « Der Sturm und der Sommernachtstraum lassen sich vielleicht mit heitern Träumen vergleichen: in dem letztern Stück hat Shakespeare sogar den Zweck, seine Zuschauer gänzlich in die Empfindung eines Träumenden einzuwiegen, und ich kenne kein anderes Stück, das, seiner ganzen Anlage nach, diesem Endzweck so sehr entspräche. » Ce texte, p. 37-74, composé en 1793, n’a été publié qu’en 1796 comme préface à l’adaptation de La Tempête par Tieck.
  • [19]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1047.
  • [20]
    Ibid., p. 1045.
  • [21]
    Ibid., p. 1050.
  • [22]
    Ibid.. Sur l’opposition entre Zambinella et sa petite-nièce Marianina qui représente celle entre la mort et la vie, voir notamment p. 1053 et p. 1548, var. b de cette page : « C’était bien la mort et la vie, ma pensée, une arabesque imaginaire, une chimère moitié hideuse, moitié suave… ». La phrase fait écho à l’allusion aux deux tableaux, la « danse des vivants » et la « danse des morts », sur laquelle s’ouvre la nouvelle.
  • [23]
    Sur le théâtre de marionnettes, tr. R. Munier, éd. cit., p. 26 ; « einen Begriff des Schönen im Tanz » (éd. Helmut Sembner, dans : Kleists Aufsatz über das Marionettentheater. Studien und Interpretationen, Berlin, Erich Schmidt, 1967, p. 10).
  • [24]
    Ibid., p. 26 ; pour le texte original, voir l’éd. citée (H. Sembner), p. 10.
  • [25]
    Jeanne Danos, La Poupée mythe vivant, Paris, Gonthier, 1966, p. 250. Voir plus généralement le chapitre intitulé « De l’hallucination au rêve nocturne », p. 244-254.
  • [26]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1052.
  • [27]
    C’est par ces mots que s’achève le texte de Sarrasine dans son édition originale (Romans et contes philosophiques, seconde éd., Gosselin, 1831, t. II, p. 321). Voir Pl., t. VI, p. 1075, et p. 1554 la var. a de la p. 1076.
  • [28]
    Ibid., p. 1054. Balzac insiste sur l’écart entre le modèle et le Beau idéal de l’œuvre : le cardinal Cicognara fait exécuter en marbre la statue de Sarrasine. La famille Lanty la trouve en 1791 au musée Albani, et prie Girodet, devenu Vien en 1844 seulement dans l’édition Furne, d’en faire un portrait (ibid., p. 1075 et var. c).
  • [29]
    Ibid., p. 286.
  • [30]
    Voir Annie Becq, « Esthétique et politique sous le Consulat et l’Empire : la notion de Beau idéal », Romantisme, n° 51, premier trimestre 1986, p. 23-37.
  • [31]
    Archives littéraires de l’Europe, t. VI et VII, 1805.
  • [32]
    Annie Becq, art. cit., p. 24. Voici par ailleurs comment Quatremère de Quincy définit sa conception d’un Beau idéal : « Selon le sens particulier que la théorie des beaux-arts donne au mot idéal, ce mot est l’expression superlative de ce qui nous semble, non pas hors de la nature, mais supérieur en qualité à ce que la nature nous montre le plus ordinairement, et partiellement considéré dans ses œuvres » (Essai sur l’idéal dans ses applications pratiques aux œuvres de l’imitation propre des arts du dessin, Paris, Librairie d’Adrien Le Clere et Cie, 1937, p. 3).
  • [33]
    N. Ponce, Dissertation sur le Beau idéal considéré sous le rapport des arts de dessin, 1806, lue à l’Institut le 26 avril et publiée dans le Moniteur universel le 26 juillet, puis dans les Nouvelles des arts (t. V) ; et Chaussard, dans son compte rendu du Salon de 1806, publié sous le titre de Pausanias français.
  • [34]
    Dans son mémoire Recherches sur l’art statuaire considéré chez les Anciens et les Modernes, publié en 1805, après qu’il eut gagné le prix d’un concours ouvert en 1801 par l’Institut sur le sujet : « Quelles ont été les causes de la perfection de la sculpture antique et quels seraient les moyens d’y atteindre ? »
  • [35]
    Sur l’idéal dans les arts du dessin, op. cit., p. 110. Voir Annie Becq, art. cit., p. 26.
  • [36]
    Discours sur les caractères du beau et du sublime dans les arts d’imitation, prononcé en 1810 devant l’Académie de Marseille.
  • [37]
    « Voyez la nature, épiez ses beautés, surprenez-en la finesse, atteignez-en la grâce, mais n’imaginez pas qu’il puisse exister quelque chose de plus beau qu’elle », déclare-t-il en 1801 dans L’Année littéraire.
  • [38]
    De l’Allemagne (1813), troisième partie, chapitre IX, « Influence de la nouvelle philosophie allemande sur la littérature et les arts », Paris, Garnier-Flammarion, 1968, t. II, p. 161-162.
  • [39]
    Recherches sur les lois et la nature de l’imagination, Genève, J.-J. Paschoud, 1807, p. 329.
  • [40]
    Toussaint-Bernard Emeric-David, Recherches sur l’art statuaire considéré chez les Anciens et les Modernes, Paris, 1805, p. 29.
  • [41]
    Cabanis, Lettre à Thurot sur les poèmes d’Homère, dans Œuvres complètes, 1823-1825, t. V, p. 310-311. Voir Annie Becq, art. cit., p. 35.
  • [42]
    Sismondi, De la littérature du Midi de l’Europe, Paris, Treuttel et Würtz, 1813, t. II, p. 158-159.
  • [43]
    Friedrich Schlegel, 1794-1802 ; seine prosaische Jugendschriften, éd. J. Minor, Wien, Verlagsbuchhandlung C. Konegen, 1906, 2 vol. in 1, t. II, p. 186.
  • [44]
    Ibid., p. 244 : « Goethe‘s rein poetische Poesie ist die vollständigste Poesie der Poesie. »
  • [45]
    Ibid., Kritische Fragmente, n° 117 : « Poesie kann nur durch Poesie kritisiert werden. »
  • [46]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1061.
  • [47]
    Sur le théâtre de marionettes, op. cit., p. 46 ; « streifen, und den Schwung der Gleider […] neu zu beleben », « ruhen, und uns von der Anstrengung des Tanzes zu erholen: ein Moment, der offenbar selber kein Tanz ist » (éd. H. Sembner, p. 12).
  • [48]
    Simone Weil, La Pesanteur et la grâce, Paris, Plon, 1988 (1947), p. 7.
  • [49]
    Sarrasine, Pl., t. VI, p. 1062.
  • [50]
    Ibid., p. 1072-1073.
  • [51]
    Ibid., p. 1070. Avant l’édition Béchet des Études de mœurs au xixe siècle (1835), où Sarrasine figure au t. XII, dans le quatrième volume des Scènes de la vie parisienne, la dernière phrase citée s’achevait avec les mots « vous ne me verrez plus » (voir ibid. p. 1552, la var. c de la p. 1070).
  • [52]
    Ibid., p. 1074.
  • [53]
    Ibid., p. 1073.
  • [54]
    Ibid., p. 1075. Rappelons (voir ci-dessus la note 24) que jusqu’en l’édition Furne, l’auteur du portrait commandé par la famille Lanty était Girodet lui-même, qui s’en serait donc directement servi pour son Endymion.
  • [55]
    Ibid., p. 1047.
  • [56]
    Ibid.
  • [57]
    Ibid., p. 1046.
  • [58]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 20-21 : « Dagegen wäre diese Linie wieder, von einer andern Seite, etwas sehr Geheimnisvolles. Denn sie wäre nichts anders, als der Weg der Seele des Tänzers » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [59]
    Ibid., p. 24 : « Er setzte hinzu […], daß oft, auf eine bloße zufällige Weise erschüttert, das Ganze schon in eine Art von rhythmische Bewegung käme, die dem Tanz ähnlich wäre. » (éd. H. Sembner, p. 9-10).
  • [60]
    Sarrasine, Pl. t. VI, p. 1553, var. h de la p. 1075.
  • [61]
    Voir Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 32 ; « Etwa wie Zahlen zu ihren Logarithmen oder die Asymptote zur Hyperbel » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [62]
    Ibid., p. 32 ; « daß ihr Tanz […] vermittelst einer Kurbel, so wie ich es mir gedacht, hervorgebracht werden könne. » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [63]
    Ibid., p. 44 ; « Zudem […] haben diese Puppen den Vortheil, daß sie antigrav sind » (éd. H. Sembner, p. 12).
  • [64]
    Bien sûr, on peut également expliquer cette dimension spirituelle de la marionnette par l’action du marionnettiste, présence supérieure, de nature divine, qui abolit les contingences du monde physique. La marionnette serait alors l’incarnation d’un caldéronisme revisité par le romantisme allemand.
  • [65]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p 55 ; « Eine unsichtbare und unbegreifliche Gewalt schien sich, wie ein eisernes Netz, um das freie Spiel seiner Gebährden zu legen » (éd. H. Sembner, p. 14).
  • [66]
    Ibid., p. 24 ; « in einer graden Linie », « Courven » (éd. H. Sembner, p. 9).
  • [67]
    Ibid., p. 30 ; « Dagegen wäre diese Linie […] etwas sehr Geheimnisvolles », « der Weg der Seele des Tänzers » (éd. H. Sembner, p. 10).
  • [68]
    Ibid., p. 23 ; « ohne Myriaden von Fäden an den Fingern zu haben », « Jede Bewegung […] hätte einen Schwerpunct », « in dem Innern der Figur » (éd. H. Sembner, p. 9).
  • [69]
    Ibid., p. 38 ; « Wenn sich die Seele (vis motrix) in irgend einem andern Puncte befindet, als in dem Schwerpunct der Bewegung » (éd. H. Sembner, p. 11-12).
  • [70]
    Herder, Herders Sämtliche Werke, hrsg. v. Bernhard Suphan, t. VIII, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1892, p. 106 (« Bemerkungen bei Winkelmann’s Gedanken über die Nachahmung der griechischen Werke ») : « Zu viel Handlung: die Seele ist wie außer ihrem Schwerpunkt: sie stützt sich, wie der Seiltänzer, auf einen zu seinem Punkt, als daß er natürlich, faßlich, annehmlich sei. »
  • [71]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 37-38 ; « eine naturgemäßere Anordnung der Schwerpuncte » (éd. H. Sembner, p. 11).
  • [72]
    Bernhild Boie, L’Homme et ses simulacres, op. cit., p. 168-169.
  • [73]
    Sur le théâtre de marionnettes, éd. cit., p. 41 et p. 43 ; « In den Wirbeln des Kreuzes », « die Seele sitzt ihm gar […] im Ellenbogen » (éd. H. Sembner, p. 12)
  • [74]
    Op. cit., p. 337.
  • [75]
    L’Âme romantique et le rêve, op. cit., p. 319.
  • [76]
    De l’Allemagne, op. cit., t. II, p. 121.
  • [77]
    Les implications esthétiques de cette représentation du monde sont le sujet de la seconde partie de la Critique du jugement de Kant. Par ailleurs, Auguste Viatte montre la signification métaphysique et esthétique de ces correspondances chez Saint-Martin, philosophe tourangeau qui constitue comme on sait une référence de Balzac, pour qui « tout est symbole » (Les Sources occultes du romantisme, II – La génération de l’Empire, Paris, Champion, 1979, 2 vol., t. I, p. 276).
  • [78]
    Génie du christianisme (1802), Paris, Garnier-Flammarion, 1966, 2 vol., t. I, p. 190.
  • [79]
    « Réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand », dans Wallstein, édition critique de Jean-René Derré, Paris, « Les Belles Lettres », 1965, p. 63.
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