Notes
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[1]
« Conclusion » des Français peints par eux-mêmes, encyclopédie morale du XIXe siècle, Paris, Curmer, 1840-1842, huit volumes (quatre pour Paris, trois pour la province, et un volume supplémentaire distribué en prime aux souscripteurs, Le Prisme), t. VIII (Province, t. III), 1842, p. 458.
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[2]
Voir Corr., t. IV, no 1698, p. 33-37. Cette lettre a été exposée à la Maison de Balzac dans l’exposition Souscrivez à « La Comédie humaine » ! Œuvres complètes de M. de Balzac. Édition de luxe et à bon marché, Paris, Paris-Musées, 2002 (catalogue sous la dir. d’Yves Gagneux).
-
[3]
Les Travaux et les jours d’Honoré de Balzac, Préface de Roger Pierrot, Paris et Montréal, Presses Universitaires de Vincennes, Presses du CNRS, Presses de l’Université de Montréal, 1992 (voir notamment « Construction d’une cathédrale de papier », p. 15-41).
-
[4]
Sur cet exemplaire conservé dans le fonds Lovenjoul de la Bibliothèque de l’Institut, voir, de Roger Pierrot, Honoré de Balzac, Paris, Fayard, 1994, p. 430, et, ici même, « Les enseignements du “Furne corrigé” revisités », p. 57 s.
-
[5]
« [...] la fécondité merveilleuse de M. J. Janin étonnerait l’imagination ; nous dirions, par exemple, comment son secrétaire, entrant chez lui sans jour désigné, passe huit heures à écrire, sous sa dictée, sur un sujet donné sans une seule rature et à travers les conversations les plus entraînantes » (Léon Curmer, « Conclusion », FFPEM, t. VIII [Province, t. III], 1842, p. 458).
-
[6]
C’est moi qui souligne.
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[7]
Léon Curmer, « Conclusion », FFPEM, loc. cit., p. 458.
-
[8]
Voir Stéphane Vachon, op. cit., et Balzac. Œuvres complètes. Le « moment » de « La Comédie humaine », études réunies et présentées par Claude Duchet et Isabelle Tournier, Presses Universitaires de Vincennes, 1993.
-
[9]
La Comédie humaine, coéditée par Furne, J.-J. Dubochet et Cie, J. Hetzel et Paulin, parut de 1842 à 1848 en dix-sept volumes illustrés ; les trois premiers tomes furent publiés en 1842, les tomes V à IX en 1843, X et XI en 1844, IV, XIII, XIV et XV en 1845, XII et XVI en 1846, et XVII en 1848, d’abord sans gravures, puis illustrés. Outre le portrait de Balzac, cent seize gravures sur bois de bout hors-texte ornaient les seize premiers volumes, et cinq gravures furent réalisées pour le volume XVII. Aucun volume ne parut sous la Seconde République, et la mort de Balzac, survenue le 18 août 1850, mit un terme à l’édition originale de l’œuvre. Toutefois, en 1855, l’année où l’Exposition universelle attirait à Paris une foule cosmopolite de visiteurs, l’éditeur Houssiaux réimprima l’ensemble de ces œuvres romanesques qui présentaient aux lecteurs de nombreux aperçus de Paris, de la province et des mœurs privées et publiques des Français ; s’ajoutaient à l’ensemble précédent les tomes XVIII à XX avec trente-deux gravures complémentaires : vingt-cinq pour les trois nouveaux volumes, six gravures pour le tome XIII (primitivement dénué d’illustrations), et un titre-frontispice. Le dernier tome était consacré aux Contes drolatiques (dont Doré donna, la même année, une édition illustrée de quatre cent vingt-cinq dessins publiée « aux bureaux de la Société générale de librairie »). Le total général s’élève donc à cent cinquante-quatre gravures. Voir Léon Carteret, Le Trésor du bibliophile romantique et moderne, 1801-1875, Paris, Carteret, 1924-1928, 3 vol. et 1 vol. de tables, t. III (sur l’édition illustrée au XIXe siècle), p. 56 ; Gordon Nicholas Ray, The Art of the French Illustrated Book, 1700 to 1914, New York, Pierpont Morgan Library, Cornell, 1982, t. II, no 230 ; Affiches romantiques illustrées accompagnées de quelques livres romantiques, catalogue de vente, Maggs Bros, no 13, 1939, no 67 [ci-après abrégé en : Maggs] ; Jules Brivois, Bibliographie des ouvrages illustrés du XIXe siècle, principalement des livres à gravures sur bois, Paris, Rouquette, 1883, p. 17-30 ; Georges Vicaire, Manuel de l’amateur des Livres du XIXe siècle, Breuil-en-Vexin, Éditions du Vexin français, 1974 (7 vol. et un vol. de tables), t. I, col. 239 et s. ; Ségolène Le Men, « L’édition illustrée de La Comédie humaine », in catalogue de l’exposition Une comédie inachevée : Balzac et l’illustration, Tours, Bibliothèque municipale, 1999, p. 4-16 ; catalogue de l’exposition Souscrivez à « La Comédie humaine » ! Œuvres complètes de M. de Balzac, op. cit. (avec un index des graveurs et illustrateurs) ; Yves Gagneux, « Les personnages de La Comédie humaine entre représentation et illustration » et Martine Contensou, « Anthroporama », in catalogue de l’exposition « La Comédie humaine ». Le regard de Serge Kantorowicz (Maison de Balzac), Paris, Paris-Musées, 2000.
-
[10]
Cette nature morte est placée au premier plan de l’affiche de Bertall pour la souscription à La Comédie humaine ; on retrouve la composition de Bertall sur les couvertures des livraisons, et dans les publicités insérées dans les journaux ; voir reproductions dans Souscrivez [...], op. cit., p. 7 et p. 11.
-
[11]
Voir mon article « Balzac et les débuts du livre illustré romantique en France », in Balzac imprimeur et défenseur du livre, Paris-Musées / Éditions des Cendres, 1995, p. 69-79 (exposition de la Maison de Balzac, présentée en 1996 au Musée de l’Imprimerie de Lyon).
-
[12]
Voir Roland Chollet, Balzac journaliste. Le tournant de 1830, Paris, Klincksieck, 1983, et Martine Contensou, catalogue de l’exposition Balzac & Philipon Associés. Grands fabricants de caricatures en tous genres, Paris, Paris-Musées, 2001 (Maison de Balzac, 26 juin - 23 septembre 2001).
-
[13]
Voir Ségolène Le Men, « La vignette romantique dans L’Artiste en 1832 », Cuadernos de filología francesa, Cáceres, 1992.
-
[14]
Voir Ségolène Le Men, « Balzac et les illustrateurs », in catalogue de l’exposition Balzac et la peinture, Tours, musée des Beaux-Arts, 1999, p. 107-118.
-
[15]
Balzac illustré. La Peau de chagrin. Études sociales, H. Delloye, Victor Lecou, 1838, vendu en cinquante-cinq livraisons à 50 centimes (d’après le texte de l’affiche). L’ouvrage était illustré de vignettes gravées sur acier d’après Janet-Lange ; c’est peut-être le choix de cette technique qui fit l’échec du projet : en effet l’illustration sur acier, gravée en creux, n’est pas, à la différence du bois, « typocompatible », et l’inclusion des vignettes supposait un deuxième tirage, assorti d’un repérage d’emplacements, ce qui était compliqué et onéreux. Pour l’édition des Contes du temps passé, en 1843, Curmer allait opter pour la gravure sur acier, mais en faisant graver toute la page, image et texte. Voir Carteret, op. cit., t. III, p. 41 ( « un des plus rares et des plus estimés livres illustrés du XIXe siècle » ) ; Ray, op. cit., t. II, n° 225 ; Maggs, n° 66 ; Brivois, op. cit., p. 15 (« 25 livraisons à 60 centimes, 15 F, rare en bonne condition. Affiche, prospectus ») ; exposition Balzac, 1950, no 217. Ce livre s’est mal vendu et une partie de l’édition fut cédée aux libraires Houdaille, Ledoux et Martinon, qui firent imprimer des titres à leur nom... En 1843, Martinon mettait l’ouvrage en souscription en cinquante-cinq livraisons à 20 centimes (affiche). Ledoux vendait ses exemplaires brochés 10 F en 1844 et 8 F en 1845. En 1848, Ledoux, devenu propriétaire des aciers, offrait de les vendre sous le titre Balzac illustré, et une nouvelle couverture gris vert, à 10 F (Carteret). « Plus tard, une partie (soixante) devint la propriété du libraire Barraud, qui en fit tirer quelques collections, mais les épreuves sont médiocres » (Brivois). Carteret décrit l’exemplaire de Paul Gallimard.
-
[16]
LHB, t. I, p. 531, et p. 534. Ces deux lettres sont citées dans le catalogue Souscrivez [...], op. cit., p. 38. D’autres lettres suivent dans le même ton le 2 mars 1843, le 13 juin 1843 (« j’ai [...] recorrigé [le volume] de David », LHB, t. I, p. 697), le 1er juillet 1843, le 17 juillet 1846 : Balzac se place dans la situation de lecteur de maison d’édition face à son œuvre, et plus précisément, il adopte le rôle du « correcteur », ce qui prouve que les feuilles d’imprimerie tiennent pour La Comédie humaine lieu du manuscrit qui prévalait dans l’étape antérieure, celle des « fragments » des romans publiés séparément ou par petits groupes ; c’est ce qui donne lieu à la situation génétique étendue qui lui est particulière.
-
[17]
Les Petites misères de la vie conjugale (voir ci-dessous, n. 27).
-
[18]
No 16, notice 1972 : « La Comédie humaine. Œuvres complètes de M. H. de Balzac. Édition de luxe à bon marché. 1re livraison in-8° de 3 feuilles plus une vignette. L’ouvrage sera publié en 12 volumes. Chaque volume, orné de huit gravures, se composera de huit livraisons. »
-
[19]
Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme (Francfort-sur-le-Main, 1955), préface et traduction de Jean Lacoste, Paris, Payot, 1982, p. 55.
-
[20]
La lettre des affiches et des pages de titre signifie bien la hiérarchie des rôles entre ces différents partenaires. Tous les graveurs de l’époque collaborent à ces volumes, ainsi Brevière, Coquard, Caqué, Andrew, Best et Leloir, Tamisier, Porret, Rouget, Guibaut pour les Scènes de la vie privée et publique des animaux.
-
[21]
Voir Ségolène Le Men et Luce Abélès, catalogue de l’exposition « Les Français peints par eux-mêmes ». Panorama social du XIXe siècle, Paris, Réunion des Musées nationaux, 1993.
-
[22]
Hetzel et Paulin, 2 vol., 1841-1842. Études de mœurs contemporaines publiées sous la direction de P.-J. Stahl avec la collaboration de MM. de Balzac, L. Baude, E. de La Bédollière, P. Bernard, J. Janin, Éd. Lemoine, Charles Nodier, George Sand. Cent livraisons à 30 centimes (ou 60 centimes sur chine) annoncées par deux affiches d’après Grandville. Onze auteurs.
-
[23]
Hetzel, 2 vol., 1845-1846. Sous-titre du tome I : « Paris et les Parisiens. Mœurs et coutumes, caractères et portraits des habitants de Paris, tableau complet de leur vie privée, publique, politique, artistique, littéraire, industrielle, etc. Texte par MM. [sic] George Sand, P.-J. Stahl, Léon Gozlan, P. Pascal, Frédéric Soulié, Charles Nodier, Eugène Briffault, S. Lavalette, de Balzac, Taxile Delord, Alphonse Karr, Méry, A. Juncetis, Gérard de Nerval, Arsène Houssaye, Albert Aubert, Théophile Gautier, Octave Feuillet, Alfred de Musset, Frédéric Bérat. Précédé d’une histoire de Paris par Théophile Lavallée. Illustrations : Les gens de Paris, séries de gravures avec légendes, par Gavarni ; Paris comique, vignetttes par Bertall. Vues, monuments, édifices particuliers, lieux célèbres et principaux aspects de Paris par Champin, Bertrand, d’Aubigny [sic], Français. » Vingt auteurs. Vente par livraisons, affiche en deux formats d’après Gavarni.
-
[24]
La Grande Ville. Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophique, par H. de Balzac, Alex. Dumas, Frédéric Soulié, Eugène Briffault, Eugène de Mirecourt, Édouard Ourliac, Marc Fournier, L. Couailhac, Albert Cler, etc. Illustrations de Gavarni, Victor Adam, Daumier, d’Aubigny [sic], H. Émy, Traviès et Henri Monnier, Paris, au Bureau central des publications nouvelles, 1843 (Ray II, no 229 ; Carteret III, p. 278-281 ; Brivois, p. 184 ; Lachèvre, p. 192 ; et affiche : Maggs, no 136). Cinquante-deux livraisons à 40 centimes annoncées par l’affiche. Onze auteurs. Le sous-titre de « nouveau tableau de Paris » renvoie autant à Mercier qu’à la suite lithographique de Marlet publiée en 1825. Dans ce livre, Balzac publie la Monographie de la presse parisienne.
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[25]
Paris marié (Hetzel, 1846) fait partie d’un ensemble de quatre petits livres annoncés au dos de la couverture imprimée du Diable à Paris. Ce livre a pour sous-titre « Philosophie de la vie conjugale, par H. de Balzac, commentée par Gavarni ». Il paraît en vingt livraisons à 50 centimes, annoncé par une affiche de Gavarni.
-
[26]
« Illustrée de scènes, croquis, charges, caricatures, portraits et grandes vignettes hors-texte, avec un tableau synoptique de l’ordre gendelettre ; extrait de La Grande Ville, nouveau tableau de Paris », Bureau central des publications nouvelles, 1842. Cet opuscule de quatre-vingts pages n’a pas été vendu par livraisons et n’a donc pas fait l’objet d’une affiche de librairie.
-
[27]
Petites misères de la vie conjugale par H. de Balzac, illustrées par Bertall, Paris, Chlendowski, 1845, un volume à 15 F ou cinquante livraisons à 30 centimes annoncées par une affiche de Bertall. Sur la genèse et l’histoire de ce texte dont les premiers avatars remontent aux articles pour La Caricature, voir Ségolène Le Men, « Balzac, Gavarni, Bertall et les Petites misères de la vie conjugale », Romantisme, no 43, 1984, p. 28-44.
-
[28]
LHB, t. II, p. 35.
-
[29]
Les physiologies illustrées, qui ne seront pas abordées ici, sont un secteur familier aux balzaciens, notamment grâce aux travaux de Nathalie Preiss. Voir Andrée Lhéritier, Jean Prinet, Claude Pichois, Antoinette Huon, Dimitri Stremooukhoff, Les Physiologies, Études de presse, nouvelle série, vol. IX, no 17, 4e trim. 1957 ; James Cuno, « Philipon et Desloges éditeurs des physiologies », Presse et Caricature, Cahiers de l’Institut d’Histoire de la Presse et de l’Opinion, Université de Tours, no 6, 1983, p. 137-160 ; Nathalie Preiss-Basset, « Les physiologies au XIXe siècle et la mode », AB 1984, p. 157-172 ; Richard Sieburth, « Une idéologie du lisible : le phénomène des physiologies », Romantisme, no 47, 1985, p. 39-60 ; Nathalie Preiss-Basset, Les Physiologies en France au XIXe siècle. Étude littéraire et stylistique, thèse dactylographiée (dir. Madeleine Ambrière-Fargeaud, Université Paris-IV) dont l’essentiel est repris en deux volumes : Les Physiologies en France au XIXe siècle. Étude historique, littéraire et stylistique, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1999 ; et De la poire au parapluie. Physiologies politiques, Paris, Champion, 1999.
-
[30]
Dans le cas des Français peints par eux-mêmes, le prospectus est conservé, relié à l’intérieur de certains exemplaires, et les couvertures de livraisons portent un précieux document qui nous renseigne sur la réception immédiate du livre qu’exploite à des fins publicitaires l’éditeur : la « correspondance » des Français, passionnant « courrier des lecteurs » auquel l’éditeur répond régulièrement.
-
[31]
Certaines sont conservées dans des collections particulières, à la réserve du Département des Estampes et de la photographie de la BNF, et à la Maison de Balzac. Voir les catalogues des expositions citées ci-dessus aux notes 2 et 9.
-
[32]
Voir mon essai dans le catalogue de l’exposition « Les Français peints par eux-mêmes » [...], op. cit., Paris, RMN, 1993.
-
[33]
Pl., t. I, p. 8.
-
[34]
Cette fonction, prise en compte dans l’équipe de rédaction du journal depuis les années 1830, ne le sera dans le livre illustré de façon explicite que plus tard, avec Philippe Burty, qui joue ce rôle d’abord dans Paris-guide en 1867, puis en 1868 dans Sonnets et eaux-fortes, livre où la dédicace lui sert à se mettre en avant, comme l’a fait Curmer dans Les Français.
-
[35]
On retrouve cette dédicace, mise à jour bien sûr, en tête de chacun des tomes.
-
[36]
Avec la livraison sur « L’éditeur » d’Élias Régnault, publiée au tome IV.
-
[37]
Cet engagement apparaît aussi dans les carnets de l’éditeur, où il dresse des listes d’auteurs et d’adresses.
-
[38]
Jules Janin, « Introduction », FPPEM, t. I, p. XIV.
-
[39]
Ibid., p. VI-VII.
-
[40]
Ibid., p. VII.
-
[41]
« Nos pères nous ont transmis, avec la connaissance de leurs personnes, celles de leurs habits, de leurs coiffures, de leurs armes offensives et défensives et des autres ornements qu’ils ont aimés pendant leur vie. Nous ne saurions reconnaître cette série de bienfaits qu’en traitant de même nos descendants » (« De la mode », Les Caractères, chap. XIII). Cette citation clôt le texte de Janin, loc. cit., p. XVI.
-
[42]
Ibid., p. IV-V.
-
[43]
Ibid., p. XV.
-
[44]
Léon Curmer, « Conclusion », FPPEM, t. VIII, p. 457. On notera dans la dernière phrase de cette citation une étonnante similitude d’expression avec ces mots de l’Avant-propos de La Comédie humaine, en 1842 : « Ce n’était pas une petite tâche que de peindre les deux ou trois mille figures saillantes d’une époque [...] » (Pl., t. 1, p. 18).
-
[45]
Ibid., p. 460.
-
[46]
Voir la citation donnée ci-dessus en épigraphe.
-
[47]
Outre la Physiologie du rentier citée dans le tableau qui précède, Balzac publie la Physiologie de l’employé, Lavigne, 1841 (Bibliographie de la France, 21 août 1841 ; Études de presse, no 45), illustrations de Trimolet.
-
[48]
Mais Balzac revient à cette formule dans son titre « Monographie de la presse parisienne » pour La Grande Ville, de 1843.
-
[49]
Respectivement pour « La portière », p. 83, et « Les amateurs de livres », p. 201.
-
[50]
Le rythme de publication ne répondit pas toujours à l’ordonnance des parties distinguant les Études de mœurs (I-XIII, XVII) des Études philosophiques (XIV-XVII), les premières elles-mêmes classées en Scènes de la vie privée (I-IV), Scènes de la vie de province (V-VIII), Scènes de la vie parisienne (IX-XI), Scènes de la vie parisienne et politique (XII), Scènes de la vie militaire et de la vie de campagne (XIII). Sur le parallèle de structure entre l’œuvre de Daumier et La Comédie humaine de Balzac, voir mon étude publiée dans le catalogue Balzac et la peinture, Tours, op. cit. Voir également le catalogue de l’exposition Daumier [Ottawa, Paris, Washington, 1999-2000], Paris, Réunion des musées nationaux.
-
[51]
« Nous tenons pour la classification du grand Linné contre celle de Cuvier ; le mot anthropomorphe est une expression de génie et convient évidemment aux mille espèces créées par l’état social » (note de Balzac).
-
[52]
FFPEM, t. III, p. 1.
-
[53]
Les Physiologies en France [...], op. cit.
-
[54]
« L’épicier », FPPEM, t. I, p. 6.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Voir Balzac et le style, Paris, SEDES, collection du bicentenaire dirigée par Nicole Mozet, 1998 (notamment les articles de Jacques Neefs et d’Anne Pierrot-Herschberg).
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[57]
FFPEM, t. I, p. 25.
« Assurément, l’histoire de ce livre enfanterait le plus beau livre de cette époque, et elle ne serait pas la page la moins glorieuse dans les fastes de notre nationalité ! [...] Chaque classe de la société a trouvé son peintre. »
1Baudelaire a été féroce à l’encontre de Balzac, lorsqu’il décrivit la contribution de l’écrivain au recueil collectif illustré Les Français peints par eux-mêmes, en parlant de la façon dont un grand écrivain paie ses dettes... Au tournant des années 1840, ce livre demeure pourtant l’un des chefs-d’œuvre du livre illustré romantique, dont l’éditeur, Curmer, s’était déjà fait connaître par l’édition illustrée de Paul et Virginie, qui, parue en 1838, avait été un grand succès. Le recueil lancé en quatre cent vingt-deux livraisons à partir de 1839 réunissait, en huit volumes publiés de 1840 à 1842 – quatre pour Paris, et trois pour la province, outre Le Prisme distribué en prime aux souscripteurs –, un vaste tableau de la société et des mœurs contemporaines, représenté conjointement par le texte et par l’image, avec l’apport de tout un aréopage de grands et petits auteurs et illustrateurs. Balzac fut l’un des protagonistes essentiels de cet ambitieux projet, auquel il participa en rédigeant cinq textes. Réduire cette participation à une affaire financière, même si la question de la rémunération était pour lui un réel enjeu, revient à minimiser l’importance d’un livre qui, dans l’élaboration mentale de La Comédie humaine, apparaît comme un moment important. Depuis ses débuts littéraires, Balzac n’avait cessé de frayer avec le monde de l’édition pittoresque, et avec le milieu des gens du livre et de la presse satirique auxquels la participation des dessinateurs et des caricaturistes apportait une verve originale. Ce que l’on pourrait appeler le « concept » de La Comédie humaine a mûri lentement et s’exprime pour la première fois dans la lettre à un éditeur datée de janvier 1840 conservée à la Maison de Balzac [2] : c’était un projet qui devait permettre de rassembler en un seul monument littéraire l’œuvre complet de l’écrivain, « cathédrale de papier » selon la formule appropriée de Stéphane Vachon [3]. Responsable de la façon dont ses romans allaient s’intégrer à l’ensemble, l’auteur assumait pleinement un rôle d’éditeur (dans le sens médiéval de l’auctor, ou anglais de l’editor). Je voudrais ici suggérer que le moment où ce projet aboutit, sous la forme d’une édition illustrée, s’opère en parfaite synchronie avec l’édition des Français peints par eux-mêmes, vendus aux souscripteurs par livraisons dès 1839, puis repris en volumes en 1840-1842 : l’on pourrait envisager la phase d’aboutissement de la conception de La Comédie humaine, dont le premier tome est publié en juin 1842, dans une interaction avec l’élaboration de ce livre illustré romantique auquel Balzac a participé – tâche que je laisserai à des balzaciens plus chevronnés qu’à une spécialiste de l’illustration. Défendre un tel point de vue présuppose une définition élargie de la notion de genèse, qui du manuscrit s’étend pour Balzac jusqu’à la mise en livre, et même en livre illustré. Après quelques remarques préliminaires et méthodologiques à ce sujet, il s’agira de présenter la conception éditoriale des Français peints par eux-mêmes, puis de rappeler comment Balzac lui-même à pris part au livre.
I. POUR UNE DÉFINITION ÉLARGIE DE LA GENÈSE, DANS LE CAS DE « LA COMÉDIE HUMAINE »
2L’approche génétique en littérature s’est développée à partir de l’étude des manuscrits et des brouillons, pour définir les états successifs des œuvres littéraires, depuis leur première idée jusqu’à leur mise en forme définitive, reconnue et signée par l’auteur. Pareille étude de la mise en texte exclut du champ des études génétiques celle de la mise en livre, qui relève de l’édition et de l’histoire du livre. Dans le cas de Balzac, cette distinction si tranchée s’estompe au profit de constants empiétements de la mise en texte vers la mise en livre : c’est une particularité d’auteur que Balzac doit probablement à son passé d’imprimeur et à son intérêt permanent pour le monde du livre et de la typographie. Il intervient sur les placards d’imprimeur qu’il traite comme des états de son texte ; il recycle dans son œuvre des textes édités sous sa plume de journaliste ; dans le cas de La Comédie humaine, la seule édition définitive est celle du « Furne corrigé », où les annotations manuscrites s’intercalent dans les pages composées et déjà publiées, et elle a été éditée en fac-similé tant son importance était grande pour l’histoire de ce livre [4]. Dans la conclusion des Français peints par eux-mêmes, l’éditeur Curmer, passant en revue ses principaux auteurs, commence par Balzac ; il l’oppose à Janin, écrivain à la plume alerte [5], et, reprenant le topos du portrait en froc de moine peint par Boulanger, il en souligne le travail de « bénédictin » qui remet toujours en chantier son ouvrage, faisant probablement allusion à la façon dont Balzac remanie ses textes jusqu’au dernier moment, « quand on – c’est-à-dire l’éditeur – croit tout terminé » :
« Si nous voulions entrer dans les détails d’exécution, il nous serait facile de dire avec quelle patience de bénédictin M. de Balzac cisèle ses portraits, combien de fois il remet sur le chantier son travail, et combien de fois aussi, quand on croit tout terminé, il reprend encore son œuvre [6] pour lui faire subir les épreuves du laminoir le plus strict, ne livrant ainsi sa pensée à la lumière du jour que lorsqu’il la trouve complète et irréprochable. » [7]
3Cette pratique balzacienne nous autorise à étendre la notion de genèse jusqu’au « bon à tirer » et même, avec le « Furne corrigé », bien au-delà.
« La Comédie humaine » et le concept de livre illustré romantique. L’auteur-éditeur
4Pour La Comédie humaine, cette définition étendue a d’autant plus de sens que l’œuvre consiste en l’élaboration d’un ensemble qui regroupe et ordonne les romans précédemment publiés de l’auteur et prévoit d’y intégrer les titres à venir [8]. Pareil agencement est un travail d’auteur-éditeur, et se veut d’emblée, par la volonté des éditeurs qu’accepte Balzac, un projet où l’image a un rôle à jouer : le concept de livre illustré romantique fait partie de la genèse de La Comédie humaine [9] ; il est le « luxe » de cette édition « à bon marché » que vanteront des affiches où une liste des illustrateurs est présente, et où, au premier plan, une nature morte réunit les masques de théâtre à la palette du peintre, au portefeuille d’estampes et au cadre d’un tableau mis à l’envers [10] (PLANCHE I, fig. 1). Cette attitude est propre à Balzac et ne se retrouve chez aucun des grands écrivains contemporains, pour lesquels l’édition illustrée, qui reste du ressort de l’éditeur, n’intervient guère au stade de l’édition originale, mais uniquement pour des rééditions. Ici encore l’attrait de la présence conjointe du texte et de l’image et de leur élucidation mutuelle remonte loin chez Balzac : éditeur, il a joué un rôle dans l’introduction du bois de bout dans l’édition illustrée, et a même personnellement contribué à la naissance du livre illustré romantique [11]. Membre de l’équipe de La Silhouette, et mêlé à la naissance et à l’histoire du journal La Caricature [12], il a personnellement été impliqué dans l’aventure du livre illustré romantique, sous la forme initiale du livre à vignette de titre qui prévaut jusqu’en 1835 avec un « pic » en 1832 [13], puis sous celle du livre à illustrations multiples, du « musée d’images » inventé par l’éditeur Dubochet et le peintre Gigoux en 1835 à l’occasion d’un Gil Blas vendu par livraisons illustrées [14]. La conception de La Comédie humaine procède directement de cette forme éditoriale, qu’avait annoncée la tentative avortée d’un Balzac illustré dont le seul titre publié, en 1838, fut La Peau de chagrin [15], comme l’indiquent le texte du contrat qui lie Balzac à ses éditeurs Hetzel, Paulin, Dubochet et Furne, tous quatre spécialisés dans l’édition « pittoresque », en 1841, et sa correspondance : « d’ici à un mois, écrit-il par exemple le 1er juin 1841, n[ous] publierons mon œuvre, sous le titre de La Comédie humaine, par livraisons, et il faudra que je corrige au moins trois fois 500 feuilles d’impression compactes ». Une autre lettre, le 16 juillet, revient sur l’énormité de la tâche, définit les ouvrages précédents a posteriori comme des « fragments » de la totalité aboutie qu’est La Comédie humaine, et mentionne les vignettes comme une décision des éditeurs, dont Balzac a pris son parti :
« Vous raconter ma vie, chère, c’est vous raconter, vous énumérer mes travaux, et quels travaux ! L’édition de La Comédie humaine (tel est le titre de l’ouvrage complet dont les fragments ont composé jusqu’à présent les ouvrages que j’ai donnés) va prendre deux ans et contient 500 feuilles d’impression compactes [...] à lire, et mes travaux habituels n’en doivent pas souffrir. Mes libraires ont décidé de joindre à chaque livraison une vignette. Cette révision générale de mes œuvres, leur classement, l’achèvement des diverses portions de l’édifice me donnent un surcroît de travail que moi seul connais et qui est écrasant. » [16]
5Accablé par sa tâche de relecture et de correction, Balzac semble se glisser dans le rôle de l’éditeur, qui lit de la copie, environné de piles de manuscrits et de ballots de livres, tel que le présente le bandeau de la livraison sur l’ « éditeur » dans Les Français peints par eux-mêmes (PLANCHE II, fig. 2). Il ne s’est pas désintéressé pour autant des noms d’illustrateurs qui auraient pu intervenir dans l’illustration de ses romans, même si les éditeurs n’ont pas en général donné suite à ses propositions. C’est lui qui a trouvé le pseudonyme d’Albert d’Arnoux dit Bertall (1820-1882), futur illustrateur d’un de ses livres chez Chlendowski [17], et qui a lancé ce dessinateur en l’associant de façon privilégiée à l’illustration de La Comédie humaine dont celui-ci compose aussi l’affiche (PLANCHE I, fig. 1).
6Ainsi convient-il de rapprocher l’édition de La Comédie humaine, d’emblée programmée comme illustrée – comme le rappelle, le 23 avril 1842, l’annonce du feuilleton du Journal de la librairie [18], qui précède l’édition du premier volume, le 25 juin – des autres livres illustrés auxquels Balzac a participé d’une part, et d’autre part de toute la vogue contemporaine de la littérature « physiologique », un secteur que Benjamin a défini comme « littérature panoramique » :
« [...] quand l’écrivain s’était rendu au marché, il regardait autour de lui comme dans un panorama. Un genre littéraire particulier a conservé ses premières tentatives pour s’orienter. C’est une littérature panoramique. Ce n’est pas un hasard si le Livre des Cent-et-un, Les Français peints par eux-mêmes, Le Diable à Paris, La Grande Ville jouissent des faveurs de la capitale en même temps que les panoramas. Ces livres sont faits d’une série d’esquisses dont le revêtement anecdotique correspond aux figures plastiques situées au premier plan des panoramas, tandis que la richesse de leur information joue pour ainsi dire le rôle de la vaste perspective qui se déploie à l’arrière-plan. » [19]
7Balzac contribue abondamment à cette littérature panoramique illustrée, où la position de l’auteur est, au mieux, équivalente à celle de l’illustrateur, et, plus généralement, éclipsée par celle de l’éditeur et de l’illustrateur [20] : outre Les Français peints par eux-mêmes (1840-1842) [21], et les physiologies dont il est l’auteur (1841), il contribue aux Scènes de la vie privée et publique des animaux [22], au Diable à Paris [23], au second volume de La Grande Ville [24]. Textes et illustrations, dans ces ouvrages, sont susceptibles d’être tirés à part par l’éditeur, soit après la sortie en volume comme Paris marié [25], soit avant, comme la Monographie de la presse parisienne [26]. Selon une habitude familière à son œuvre de journaliste, Balzac saisit alors l’occasion pour retravailler un texte, le développer et en tirer un nouveau livre illustré : tel est le cas pour les Petites misères de la vie conjugale [27], texte repris dans Paris marié puis dans Le Diable à Paris. Il traite comme une « affaire » ce livre dont la maquette est conservée : « L’affaire de l’illustration des Petites misères est terminée, et j’empoche environ 7 000 F », écrit-il à Mme Hanska le 10 mars 1845 [28].
8Les grands illustrés romantiques ont en commun leur mode de publication fractionnée, celui de la vente par livraisons qui permet une sorte de continuum de la presse au livre, et qui rappelle aussi la récente invention du feuilleton, puis ils sont repris en volume pour les étrennes avec frontispice et table des matières (et, souvent, une liste des gravures pour le relieur). Ils sont liés à la vogue de la collection, qui permet de décliner et de répéter une seule et même formule, et d’intégrer en un seul ensemble le fonds d’éditeur, par un effet d’emboîtement du processus éditorial, de livraisons en tomaisons, et d’éditions en plusieurs volumes ou de collections en un réseau de livres qui renvoient les uns aux autres. Intertextualité et intericonicité fondent la cohérence éditoriale de la librairie pittoresque même si chaque élément vise à se démarquer des autres : Les Français peints par eux-mêmes constituent vers 1840 le pivot éditorial et le point de départ de ce genre de la « littérature panoramique » autour duquel gravitent d’innombrables physiologies illustrées [29]. Dans La Comédie humaine, Balzac, avec ses éditeurs, s’approprie le concept éditorial et commercial du livre illustré romantique qui combine presse et livre dans un projet illustré, et qui, nous le verrons, est fondé sur la promotion et l’extension du rôle de l’éditeur, pour en tirer l’œuvre d’un écrivain.
« Les Français peints par eux-mêmes », « La Comédie humaine », les « Scènes de la vie privée et publique des animaux » : une genèse en réseau
9Le propos de critique génétique est donc ici d’étudier la genèse de l’œuvre-livre, et même de l’œuvre-livre illustré. La méthode consiste à étendre la notion d’intertextualité à l’interrelation des images entre elles, et des livres illustrés entre eux. L’analyse matérielle de l’édition devrait ici être utilisée à des fins d’étude comparée, avec le recours habituel aux éléments de « paratexte » que compte l’ouvrage lui-même (les préfaces, les tables des matières, les titres et couvertures illustrées, les frontispices), et qui interviennent pour le lancement et les étapes du processus éditorial (affiches de librairie, prospectus illustrés, annonces, couvertures de livraisons) [30].
10La comparaison des éditions met en évidence au premier coup d’œil tout ce que La Comédie humaine doit, dans sa formule éditoriale, aux Français peints par eux-mêmes. Bien que Les Français soient d’un format légèrement plus grand que La Comédie humaine, les plaques des gravures sur bois hors-texte utilisés pour les « types » des deux ouvrage sont exactement de même dimension [31] ; les graveurs et un certain nombre de dessinateurs sont communs aux deux livres, même si Bertall, jeune dessinateur moins célèbre, est destiné à être mis en avant par Balzac ; surtout, la mise en page du « type », qui se dresse en pied, isolé, avec une légère ombre portée au sol qui suggère un espace de référence dans la page blanche dotée parfois de quelque élément de décor, est exactement identique dans les deux cas [32]. Cette disposition caractéristique, dont Curmer, aidé par Gavarni, est l’inventeur dans Les Français et qu’il reproduit en minuscules vignettes dans les tables de matières en images de ses volumes (PLANCHE I, fig. 3), se retrouve immédiatement parodiée dans les « types » animaux plantés par Grandville dans les Scènes de la vie privée et publique des animaux : illustrateur du « rentier » dans Les Français (PLANCHE IV, fig. 8), il joue avec sa propre composition pour élaborer un « monsieur Vautour » dans les Animaux... Le propos général des Français peints par eux-mêmes est d’offrir à la nation française une sorte d’autoportrait collectif où se succèdent « Paris » et « la province », et où chaque groupe pourra, dans une livraison ou une autre, se reconnaître. C’est un vaste déploiement de types sociaux, professionnels ou régionaux dont l’allure est rendue par l’image, et dont les particularités sont décrites par les auteurs de chaque livraison. La structure de l’ouvrage est fondée sur un principe itératif, ce que souligne la reprise d’une mise en pages stable reproduite de livraison en livraison, avec un bandeau liminaire qui présente le « type » dans son milieu, une « lettrine » à l’initiale du texte, qui est souvent une nature morte d’attributs ou un jeu d’image évocateur du « type », une planche en hors-texte consacrée au « type », et enfin un cul-de-lampe souvent ornemental ou allusif. On y reconnaît des catégories, comme le « débutant littéraire » ou l’ « employé » qui apparaissent également chez Balzac, mais le romancier a opéré un glissement du « type » général selon Les Français vers le personnage de roman, désigné par un nom propre et individualisé par une physionomie même s’il est là pour représenter un « type ». La mise en pages adoptée pour La Comédie humaine à partir de 1842 reprend le principe sériel de la planche en hors-texte des Français (premières livraisons en 1839, premiers tomes en 1840, fin du livre en 1841), en y ajoutant quelques scènes, mais simplifie et allège le dispositif illustratif : la fréquence des planches s’atténue, les volumes passant ; l’environnement ornemental des vignettes, têtes de pages, lettrines et culs-de-lampe, est abandonné.
11Bientôt la publication d’un troisième livre illustré confirme le lien de parenté entre Les Français et La Comédie humaine : les deux ouvrages sont pastichés par les Scènes de la vie privée et publique des animaux, de Grandville, un livre illustré publié par Hetzel et Paulin, deux des coéditeurs de La Comédie humaine ; pour cet ouvrage collectif d’abord publié par livraisons, puis achevé en 1842, qui prend place à son tour dans le réseau éditorial de la « littérature panoramique » et qui animalise les « types », Balzac donne les célèbres Peines de cœur d’une chatte anglaise. Le seul énoncé du titre, Scènes de la vie privée et publique, indique la référence à Balzac et aux sections introduites dans La Comédie humaine : Balzac intervient ainsi non seulement comme l’un des contributeurs de l’ouvrage, mais il constitue aussi l’horizon de référence du livre entier qui transpose la « comédie humaine » en une « comédie animale » conforme au goût de Grandville pour le bestiaire anthropomorphe. L’ouvrage joue avec l’idée naturaliste qui se trouve au cœur de la pensée sociale de Balzac, lequel rapproche les « espèces sociales » des animaux classés par l’histoire naturelle, comme il le rappelle dans l’ « Avant-propos » de La Comédie humaine, auquel Hetzel a probablement participé :
12« Il n’y a qu’un animal. Le créateur ne s’est servi que d’un seul et même patron pour tous les êtres organisés. L’animal est un principe qui prend sa forme extérieure, ou, pour parler plus exactement, les différences de sa forme, dans les milieux où il est appelé à se développer. Les Espèces zoologiques résultent de ces différences. [...]
« Pénétré de ce système [...], je vis que, sous ce rapport, la Société ressemblait à la Nature. La Société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? Les différences entre un soldat, un ouvrier, un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d’État, un commerçant, un marin, un poète, un pauvre, un prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le lion, l’âne, le corbeau, le requin, le veau marin, la brebis, etc. Il a donc existé, il existera donc de tout temps des Espèces sociales comme il y a des Espèces zoologiques. » [33]
13Le frontispice, par l’illustrateur Français, des Scènes de la vie privée et publique des animaux met en scène ces similitudes de l’homme à l’animal, et de Balzac à Grandville (PLANCHE I, fig. 4) : il montre Grandville dessinant ses auteurs, Balzac, Sand et Janin, qui sont mis en cabanes au Jardin des Plantes. Dans sa seconde édition, ce livre illustré par Grandville prendra un nouveau titre, Les Animaux peints par eux-mêmes, ce qui fait ressortir un autre élément de parodie éditoriale avec Les Français peints par eux-mêmes : ce propos existait dès la première édition du livre illustré par Grandville, exprimé par le frontispice agrandi dans l’affiche de librairie : on y voit un chien colleur d’affiches en train de placarder le titre au mur (PLANCHE I, fig. 5), ce qui fait écho visuellement à l’affiche pour Les Français peints par eux-mêmes (PLANCHE II, fig. 6), tirée du frontispice du livre par Gavarni, qui montre un afficheur, dans la tradition de mise en abyme des frontispices pour les « cris de Paris », collant son affiche en pleine rue, devant une rangée de badauds et de flâneurs. Ainsi, en réaction immédiate au lancement simultané des Français peints par eux-mêmes et du premier tome de La Comédie humaine, un troisième livre illustré romantique met en rapport les deux titres par le jeu de la métamorphose animale propre au bestiaire anthropomorphe de Grandville.
II. LE DISPOSITIF DES FRANÇAIS PEINTS PAR EUX-MÊMES COMME ŒUVRE ET COMME LIVRE ILLUSTRÉ
14Œuvre collective, Les Français peints par eux-mêmes adoptent l’autoportrait comme une fiction énoncée par le titre « peints par eux-mêmes ». L’éditeur s’explique là-dessus dans la « correspondance des Français » qu’il imprime sur les couvertures des livraisons : il n’est pas possible de trouver des auteurs issus de tous les groupes et professions présentés. Il s’agit donc de faire appel à des auteurs et à des illustrateurs bien sélectionnés en fonction des « types » qu’ils auront à dépeindre ; le livre s’avère alors une entreprise conduite par le commanditaire des textes et des images et orientée par le dialogue entre l’éditeur et ses lecteurs que publie la « correspondance des Français ” ; l’éditeur tient le rôle du directeur artistique et littéraire de la publication [34], comme l’indique, au fronton du livre, la longue dédicace du tome I remerciant trois auteurs femmes, trente-sept auteurs hommes et deux illustrateurs, Gavarni et Henri Monnier, et qui est signée l’ « éditeur reconnaissant » [35]. Outre le fait qu’il entre lui-même dans le livre comme l’un de ses personnages [36], cet engagement personnel de l’éditeur dans la genèse du livre dont il se présente comme le véritable protagoniste se manifeste aussi au terme de l’ouvrage dans la « conclusion » où il prend lui-même la parole pour clore « son » œuvre [37]. Bien que la page de titre de chaque tome ne donne pas de nom d’auteur, le livre met ainsi en perspective deux façons de concevoir l’auteur, celle des nombreux enquêteurs, par la plume et le crayon, qui sont les signataires de chaque livraison, et celle du directeur de l’ensemble, signataire de la conclusion qui est aussi l’éditeur du livre : prendre conscience de la différenciation de ces deux rôles et adopter le second, n’est-ce pas la position même que l’on retrouve chez Balzac au moment de la conception de La Comédie humaine ?
15L’introduction confiée par Curmer à Jules Janin situe le projet global de l’ouvrage comme un « tableau » de la société contemporaine appelé à servir à l’histoire des mœurs, ce qui renforce encore les rapprochements avec le dessein balzacien.
Le tableau et la comédie des mœurs contemporaines
16Cette introduction place le livre dans la tradition littéraire des moralistes et cite Théophraste, La Bruyère et Molière en s’inscrivant dans leur postérité : « [...] acceptons donc toutes les méthodes dont nos devanciers se sont servis pour écrire les Caractères de leur époque. » [38] Mais les écrivains du XVIIe siècle n’ont connu que la Cour et la Ville, il reste à actualiser leur « tableau » en montrant les types de la ville moderne, depuis le « gamin de Paris » jusqu’aux employés de ministères, en passant par l’artiste et par l’écrivain :
« [...] dans ce tableau sérieux, la grisette parisienne, le gamin de Paris, la comédienne [...] n’obtiennent pas même un regard du moraliste. On ne s’occupe ni de l’employé des différents ministères, ni de l’officier à la retraite, ni du savant perdu dans ses livres [...]. » [39]
17Il s’agit, grâce à la description, de montrer l’importance de la bourgeoisie. Après un long développement sur La Bruyère et sur Les Caractères, l’autre référence développée par Janin renvoie à la sphère théâtrale de la comédie et recourt à la métaphore de la scène du monde, en utilisant le terme de « tableau » qui permet de jouer avec le champ artistique, tout en rappelant la tradition des « tableaux de Paris » :
« À voir ce tableau [...], vous découvrirez que si le théâtre est à peu près le même, les acteurs de la scène ont changé : ce qui explique la nécessité de refaire de temps à autre ces mêmes tableaux dont le coloris s’en va si vite, aquarelles brillantes qui n’auront jamais l’éternité d’un tableau à l’huile ; et véritablement pour les scènes changeantes qu’elles représentent, c’est tant mieux. » [40]
18Une telle combinaison entre mœurs, tableaux et comédie, si elle résume toute une veine littéraire diffusée dans le journal illustré depuis la fin des années 1820, ne peut qu’être mise en rapport aussi avec l’élaboration exactement contemporaine du projet balzacien de La Comédie humaine. Un autre point mis en évidence par Janin entre en résonance avec l’avant-propos de La Comédie humaine : c’est la conception du journaliste comme témoin, et comme historien par anticipation de la vie privée d’un peuple que Janin défend en citant en conclusion un extrait du texte de La Bruyère « De la mode » [41] et en s’exprimant ainsi : « [...] nous voulons seulement rechercher de quelle façon il faut nous y prendre pour laisser quelque peu, après nous, de cette chose qu’on appelle la vie privée d’un peuple ; car malgré nous, nous qui vivons aujourd’hui, nous serons un jour la postérité. » [42] Mais c’est surtout la comédie dont le modèle s’impose en fin de compte au texte et à l’image, réunis dans le livre illustré :
« [...] de nos jours, cette science de la comédie, trop négligée au théâtre, s’est portée partout où elle a pu se porter, dans les histoires, dans les romans, dans les chansons, dans les tableaux surtout. Le peintre et le dessinateur sont devenus, à toute force, de véritables moralistes, qui surprenaient sur le fait toute cette nation si vivante, et qui la forçaient de poser devant eux ; ils n’avaient pas encore songé l’un l’autre à se réunir, afin de mettre en commun leur observation, leur ironie, leur sang-froid et leur malice. À la fin cependant, et quand chacun d’eux eut obéi à sa vocation d’observateur, ils consentirent d’un commun accord à cette grande tâche. » [43]
L’éditeur en position d’auteur
19La conclusion où Curmer reprend la plume mérite d’être longuement citée : elle se glorifie de l’aboutissement d’une lourde tâche, et reprend le procédé de la dédicace reconnaissante qui met en évidence l’énonciateur principal, l’éditeur lui-même qui a fait le livre et qui remercie tous les autres acteurs du livre, le public, les auteurs, et les illustrateurs :
« La publication des Français est terminée. Après trois années d’un travail opiniâtre, l’éditeur se trouve heureux de pouvoir adresser ses remerciments au public bienveillant qui, pendant cette longue et pénible tâche, l’a si obligeamment soutenu, encouragé, aidé de toute manière ; aux littérateurs qui ont contribué à cette œuvre avec un empressement et une supériorité de talent que la France seule peut produire ; aux artistes, dessinateurs et graveurs qui ont enrichi le texte de leurs charmantes et consciencieuses productions.
« Si la publication des Français s’est timidement annoncée en quarante-huit livraisons devant faire un volume, il faut s’en prendre à la variation des événements, aux chances des opérations de cette nature, à notre temps enfin où l’on bâtit trop souvent sur le sable, et où l’on n’ose songer à édifier quoi que ce soit de durable, dans l’incertitude du lendemain. Le public a approuvé l’idée, a favorisé l’exécution ; l’éditeur a élargi son cadre, et au lieu de laisser quelques portraits fugaces se perdre dans l’immense tourbillon quotidien qui engloutit toutes choses, il a cherché à réunir les physionomies les plus saillantes de cette époque, pour en faire un portrait des mœurs contemporaines, amusant pour le présent, instructif pour l’avenir. » [44]
20Le texte se poursuit en rappelant la genèse du livre et le mode d’intervention et de travail de ses principaux contributeurs, Balzac en tête des écrivains, puis Gavarni, Charlet et bien d’autres pour les illustrateurs, sans oublier les nombreux et anonymes contributeurs que furent les correspondants :
« Dirons-nous enfin le chiffre énorme des manuscrits qui nous ont été envoyés, et nous croirait-on, si nous portions à trois mille le nombre de textes lus et examinés, et parmi lesquels ont été triés les quatre cents qui composent ce livre ; ce serait l’exacte vérité. » [45]
21L’éditeur, après avoir rêvé d’un autre livre qui aurait pu être l’histoire de ce livre, le récit de sa genèse [46], se flatte enfin du succès de sa publication en citant toutes les traductions et imitations dont elle a fait l’objet, y compris Les Animaux peints par eux-mêmes et « ces éphémères physiologies ».
22L’introduction et la conclusion des Français montrent bien que l’ouvrage achevé, chef-d’œuvre de la littérature panoramique, prend son sens sous le seul point de vue qui intègre le kaléidoscope de tous les autres : celui de l’éditeur qui assemble son encyclopédie de types, à partir d’une juxtaposition de portraits fondée sur l’effet de collection de façon à élargir le plus possible son cadre. Curmer a souhaité endosser le rôle de l’auteur-éditeur dans un grand livre illustré. Exactement au même moment, Balzac mûrit le dessein de penser lui-même l’ensemble de ses livres et d’organiser le tout en une seule œuvre, La Comédie humaine, au lieu de laisser à un quelconque éditeur la tâche de rassembler post mortem en édition compacte ses œuvres complètes, comme il l’a fait lui-même, jeune éditeur, pour La Fontaine et pour Molière. Par un mouvement exactement parallèle et opposé à celui de la série de types de Curmer, un grand écrivain devient l’architecte-éditeur de sa propre œuvre. Ces deux livres contemporains, qui se rejoignent par la recherche commune menée par Balzac et par Curmer de la fonction d’auteur-éditeur, représentent néanmoins deux pôles structurellement opposés de l’édition illustrée romantique : d’un côté, l’immense monument littéraire, qui se compose d’un seul bloc aux nombreux éléments (et auquel peut se comparer l’œuvre de Hugo, tout particulièrement Notre-Dame de Paris, le livre-cathédrale dont la grande édition illustrée romantique, celle de Perrotin, paraît en 1844) ; de l’autre, l’énumération sans fin de la collection, et le parcours offert à la flânerie du spectateur-lecteur d’une longue galerie de types sociaux. Il est probable qu’il y eut entre les deux entreprises une sorte d’affrontement et de prise en considération réciproque, qu’une chronologie croisée permettrait de mettre au jour : un indice en est peut-être le sous-titre « Encyclopédie morale du XIXe siècle », qui n’apparaît qu’à partir du tome IV des Français, en 1841, comme pour revendiquer le modèle encyclopédique et pour échapper à l’objection de l’énumération interminable et du défaut d’unité. Ne peut-on imaginer ce sous-titre ambitieux comme une réponse au défi balzacien de La Comédie humaine ? Le rapport à l’architecture se trouve posé de façon intéressante dans le frontispice qui annonce le contenu du même tome IV où prennent place deux ensembles sur « Les détenus » et sur les « Cris de Paris », outre une livraison sur « Les enfants à Paris » (PLANCHE III, fig. 7) : une fillette est assise sur un socle de livres, entre lesquels se trouvent des barreaux de prison ; lointain clin d’œil à Chardin, la scène montre l’enfant occupée à faire tenir le fragile équilibre d’un château de cartes, en utilisant des gravures de cris de la ville, qui apparaissent comme une réduction du tableau de chevalet du peintre, présenté en arrière-plan. Le livre ne se pense pas seulement comme un jeu de cartes disposées sur une table à la manière d’une série reproduisant toujours le même schéma, mais aussi comme une architecture instable avec laquelle le lecteur peut jouer en édifiant lui-même un éphémère château de cartes : tel est le message du frontispice, centré sur l’idée de la mise en images des types, sur le thème de la manipulation des cartes à jouer, enfin sur le jeu de construction toujours recomposé. Balzac au contraire garde le contrôle de l’édifice dont il est l’architecte, et cet édifice est avant tout littéraire, même s’il admet la présence de la vignette d’illustration, et même si son style visuel est imprégné du souvenir des caricatures de Gavarni et de Grandville, de Monnier ou de Charlet.
III. LA PARTICIPATION DE BALZAC AUX FRANÇAIS PEINTS PAR EUX-MÊMES
23La contribution de Balzac au livre illustré romantique, et particulièrement aux Français peints par eux-mêmes l’exerce à une écriture de peintre, au voisinage des grands illustrateurs contemporains et selon le vœu de l’éditeur. Après l’introduction de Janin, c’est la livraison de Balzac sur « L’épicier » qui lance la galerie des « types » des Français et qui vient en premier lieu illustrer – j’emploie à dessein ce mot dans le sens d’exemple démonstratif – le projet de Curmer. En effet, le rôle de Balzac dans ce livre est déterminant ; il est mis en évidence dans les tables des matières, et il apparaît dans les textes rédigés par l’écrivain, tout particulièrement la « Monographie du rentier » qui peut se lire comme un hommage indirect à Daumier, et « La femme comme il faut », où l’hommage s’adresse davantage à Gavarni. Dans tous ces textes qui le conduisent à réfléchir à la notion de « type » mise en évidence par Curmer, Balzac s’interroge sur son propre projet, défini dans l’ « Avant-propos » de La Comédie humaine.
Tables et classifications
24Pour compenser la structure énumérative et disparate de l’ouvrage, l’éditeur l’assortit d’une série de tables des matières publiées à la fin du tome VIII, qui lui permettent de mieux fonctionner comme une encyclopédie, et qui, par les entrées choisies pour l’indexation, constituent un riche matériau pour l’historien. C’est ainsi que six tables se succèdent, sur soixante pages paginées séparément, placées à la suite de la table des matières en images du dernier tome, sous le titre général de « tables des matières des Français » et précédées par un « ordre des tables » qui en donne la liste : « 1o Table des articles selon leur ordre dans chaque volume. 2o Table alphabétique des noms des auteurs. 3o Table alphabétique des sujets traités dans la publication. 4o Table des articles classés selon leur nature. 5o Table alphabétique des noms des dessinateurs. [6o] Table des livraisons dans l’ordre des publications. » Il suffit d’aller à la deuxième table pour retrouver la liste des contributions de Balzac à l’ensemble, et de confronter cette liste au système de renvois de la table des sujets pour avoir une idée de la façon dont Balzac se situe parmi les auteurs des Français.
25Ce que ce tableau met en évidence, c’est la position clé occupée par les textes de Balzac, puisque « L’épicier » est la livraison liminaire du premier tome, dont un second texte, « La femme comme il faut », lui est également confié, et puisque « La femme de province » occupe la même situation inaugurale pour la « Province ». « Monographie du rentier » apparaît en tête du troisième volume. Seul « Le notaire » n’est pas placé en évidence. Pour les auteurs, il occupe une position aussi importante que Gavarni, dessinateur parisien à la mode, qui est l’illustrateur majeur du livre, même si beaucoup d’autres artistes interviennent, et qui met en images quatre des cinq contributions balzaciennes. Parmi les cinq « types », dont certains sont également traités en physiologies [47], on peut noter de plus la multiplicité des renvois pour deux d’entre eux, « La femme comme il faut » et le « Rentier », bien intégrés à l’intratextualité de l’ouvrage, tandis que deux autres ne sont assortis d’aucun renvoi. La liste des titres fait ressortir une particularité dans le titre de la « Monographie du rentier », où Balzac a souligné le caractère de pastiche scientifique de sa contribution par le terme « monographie » qui n’apparaît dans aucun autre titre du livre [48]. La lecture de la table des auteurs permet de situer Balzac parmi les auteurs du volume. Avec cinq livraisons bien placées, il est le contributeur le plus éminent de ceux qui ont écrit plusieurs notices, et le seul qui relève du champ littéraire par rapport aux treize autres écrivains-journalistes et feuilletonistes qui ont écrit des notices plus nombreuses : Achard (onze), Bernard (sept), Debord (sept), Couailhac (huit), Guichardet (quinze, dont toute l’enquête sur les détenus), Janin (sept), La Bédollière (dix-huit, dont beaucoup de types de province), La Landelle (onze, dont gens de mer et colonies), Legoyt (six), Mainzer (dix-sept, dont les petits métiers de Paris et les cris de la ville), Roux (seize, dont beaucoup de textes dans Le Prisme), Soulié (six), Wey (cinq). Quelques autres écrivains ont été sollicités, mais s’en sont tenus à une contribution : l’écrivain-dessinateur Monnier et Nodier au tome III [49], et Nerval, dans Le Prisme. La table des articles classés selon leur nature est hiérarchisée en grandes rubriques, qui se trouvent ensuite décomposées en différents sujets : tout autant que les séries lithographiques de Daumier et de Gavarni publiées dans Le Charivari, elle est très intéressante à comparer à l’organisation de la structure de La Comédie humaine [50], et propose un parcours alphabétique qui commence par « Aspect de Paris » et se termine par « Voyages », en passant par « Beaux-arts », « Caractères divers », « Éducation, mœurs universitaires », « Marine », « Médecine, hôpitaux », « Paupérisme », « Police », « Professions diverses » (fourre-tout sur trois longues colonnes, où se trouve « L’épicier »), « Provinces et mœurs de provinces » (où se trouve « La femme de province »), « Théâtre » et « Tribunaux ». Entre « médecine » et « paupérisme » prennent place sept rubriques de « Mœurs » : administratives, coloniales, littéraires, parisiennes (dont « Le notaire »), politiques, populaires, sociales... Ces tentatives assez malhabiles de classement n’en rappellent pas moins les subdivisions de Balzac, particulièrement dans la série sur les mœurs qui sont « administratives », « parisiennes », « politiques » et « de province »...
Les « types », exercice de style et d’écriture pittoresque
26Les textes de Balzac pour Les Français prouvent son aptitude à transposer en mots les images des dessinateurs qu’il apprécie.
27La « Monographie du rentier » entretient avec l’écriture savante de l’histoire naturelle un jeu qui correspond à l’illustration de Grandville, première contribution de celui-ci au volume : la lettrine, une huître ouverte où apparaît un rentier en bonnet de coton, est suivie d’une définition du rentier par une parodie d’écriture naturaliste particulièrement savoureuse (PLANCHE V, fig. 9) :
« Rentier. Anthropomorphe selon Linné [51]. Mammifère selon Cuvier, Genre de l’Ordre des Parisiens, Famille des Actionnaires, Tribu des Ganaches, le civis inermis des anciens, découvert par l’abbé Terray, observé par Silhouette, maintenu par Turgot et Necker, définitivement établi aux dépens de producteurs de Saint-Simon par le Grand-Livre. » [52]
28Le texte sur « L’épicier », où l’on trouve cette formule : « l’épicier, l’épicier, toujours l’épicier », est illustré par un Gavarni moins inspiré que par les types féminins, et peut se lire en pensant, plus qu’à cette illustration, aux caricatures de Daumier et particulièrement à la série des Bons Bourgeois, avec un coup de patte au passage aux admirateurs de Delaroche qui plaît tant au goût des contemporains ( « Empêchez-le de se porter en foule au tableau de Jeanne Gray » ). Le procédé de la caricature écrite qu’a mis en évidence Nathalie Preiss [53] est ici mis en œuvre, et Balzac fait bon profit de l’exercice littéraire de l’explication de caricatures qu’il a pratiqué comme rédacteur du journal La Caricature :
« Aussi, toujours fier de sa victoire, l’épicier conduisant sa femme par la ville a-t-il je ne sais quoi de fastueux qui le signale au caricaturiste. Il sent si bien le bonheur de quitter sa boutique, son épouse fait si rarement des toilettes, ses robes sont si bouffantes, qu’un épicier orné de son épouse tient plus de place sur la voie publique que tout autre couple. » [54]
29Un peu plus loin, cette phrase : « Parfois, le dimanche, il se hasarde à faire une promenade champêtre, il s’assied à l’endroit le plus poudreux des bois de Romainville, de Vincennes ou d’Auteuil, et s’extasie de la pureté de l’air. » [55] Outre La Promenade à Romainville, une des premières lithographies de Daumier, cette évocation champêtre rappelle l’une des planches du même artiste (PLANCHE VI, fig. 10). Puis le recours aux tirets, qui accélèrent la transcription d’un dialogue rendu avec la trivialité de ses intonations, rejoint l’écriture des légendes de lithographies et le trait savoureux de celles, rares, que Daumier compose lui-même, telle cette maxime comique digne du Dictionnaire des idées reçues : « Le choléra, c’est une maladie dont on meurt. » Enfin le style de Balzac [56] rejoint celui de Daumier par son aptitude à attirer l’attention sur un détail corporel et à camper une sorte de civilité (ou plutôt d’incivilité) du bourgeois qui perturbe les conventions de la bienséance, par exemple par sa façon de se moucher : « [...] il met un coin de son mouchoir entre ses lèvres, le relève au centre par un mouvement de balançoire, s’empoigne magistralement le nez et sonne une fanfare à rendre jaloux un cornet à piston. » Chez Daumier, le motif du personnage qui se mouche est apparu dès les caricatures politiques (PLANCHE VII, fig. 11) et se poursuit par la suite. La conclusion du texte préconise d’être indulgent pour les épiciers, et tout le texte est un merveilleux exercice de style sur le cliché, la métaphore stéréotypée et les expressions toutes faites. Par le recours aux images de Daumier verbalement transposées, Balzac travaille son style ; le réalisme littéraire se forge en relation avec le réalisme du caricaturiste, dont certains traits, comme la quête du petit détail d’expression, intéresseront des écrivains naturalistes comme Flaubert ou les Goncourt.
30« La femme comme il faut » peut à son tour se lire comme un exercice de style, lié à l’art de Gavarni, et commence par la métaphore du botaniste social qui flâne sur le pavé parisien : « Artistes, poètes, savants, flânez et admirez cette fleur de beauté si bien cachée. » [57] Passent ensuite dans le texte des silhouettes féminines fugitives proches de celles qui émaillent les pages du livre :
« [...] doit-elle à un ange ou à un diable cette ondulation gracieuse qui joue dans la longue chape de soie noire, en agite la dentelle au bord, répand un baume ancien, et que je nommerais volontiers la brise de la parisienne ? Vous reconnaîtrez sur les bras, à la taille, autour du col, une science des plis qui drape la plus rétive étoffe, de manière à vous rappeler la Mnémosyne antique. Ah, comme elle entend, passez-moi cette expression, la coupe de la démarche. Examinez cette façon d’avancer le pied en moulant la robe avec une si décente précision qu’elle excite chez le passant l’admiration, mêlée de désir, mais comprimée par un profond respect. »
31Ici, l’effet est celui d’une vignette, d’un rapide croquis glissé dans une physiologie, et par exemple dans la Physiologie de la parisienne (PLANCHE II, fig. 12). La référence picturale reprend avec l’ébauche d’un profil perdu à la manière d’une aquarelle ou d’un lavis. Balzac dépeint
« ce magique effet de profil perdu, tant affectionné par les grands peintres, qui attire la lumière sur la joue, dessine le nez par une ligne nette, illumine le rose des narines, coupe le front à vive arête, laisse au regard sa paillette de feu, mais dirigée dans l’espace, et pique d’un trait de lumière la blanche rondeur du menton ».
32Il est difficile d’être plus proche des aquarelles de Gavarni préparatoires aux illustrations des Français (PLANCHE VIII, fig. 13).
33Livre de peintre fondé sur la figure de l’autoportrait collectif et social, comme l’indique le titre, Les Français peints par eux-mêmes ont incité Balzac à approfondir quelques exercices de style pour une écriture d’artiste, pour une écriture d’observateur dont le modèle est l’illustration et la caricature des dessinateurs qu’il admire tels Daumier et Gavarni. La fabrique de ce livre eut lieu au moment où se forgeait l’idée de La Comédie humaine, et les projets d’ensemble des deux ouvrages méritent d’être comparés. Dans la discussion qui a suivi cet exposé à la Maison de Balzac, Roger Pierrot se demandait si la lettre de Balzac « à un éditeur », qui contient la première mention de « la comédie humaine » en 1840, n’aurait pas été adressée à Curmer. On ne le saura jamais ; pourtant la question pourrait être posée au terme de cette première enquête, que les spécialistes de Balzac pourront prolonger par l’étude de la genèse croisée des Français peints par eux-mêmes et de La Comédie humaine.
34Table des illustrations
35 Fig. 1. Bertall, affiche pour La Comédie humaine sur papier gris-bleu, 46 x 30 cm, lith. Lemercier (Paris, Maison de Balzac).
36 Fig. 2. D’après Gavarni, tête de page de « l’éditeur » d’Elias Regnault, Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841, t. IV, p. 322, gravure sur bois de bout de Louis (collection particulière).
37 Fig. 3. Table des matières en images et tête de page d’après Pauquet, Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1840, t. II, gravure sur bois de bout de Stypulkowski (collection particulière).
38 Fig. 4. Français, frontispice des Scènes de la vie privée et publique des animaux, par Grandville, Paris, Hetzel, 1841, t. I (Paris, Maison de Balzac).
39 Fig. 5. Affiche d’après Grandville pour Les Animaux peints par eux-mêmes, lithographie (Paris, Musée de la publicité).
40 Fig. 6. Affiche d’après Gavarni pour Les Français peints par eux-mêmes, lithographie à la plume (collection particulière).
41 Fig. 7. Pauquet, frontispice pour Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841, t. IV, gravure sur bois de bout de Guillemot (collection particulière).
42 Fig. 8. Grandville, type pour la « Monographie du rentier » de Balzac, Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841, t. III, hors-texte, gravure sur bois de bout (collection particulière).
43 Fig. 9. Grandville, bandeau et lettrine de la « Monographie du rentier » de Balzac, Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841, t. III, p. 1, gravure sur bois de bout de Gérard (collection particulière).
44Fig. 10. Daumier, Quand il y a trente degrés de chaleur, heureux le bourgeois lorsqu’il va dormir dans la forêt de St-Germain, en compagnie de sa femme et de plusieurs lézards, planche 27 de la série Les Bons Bourgeois, Le Charivari, 22 avril 1847 (LD 1503, D 102).
45Fig. 11. Daumier, Harlé père, La Caricature, n°135, 6 juin 1833 (LD 55).
46Fig. 12. D’après Alophe, Le Bout de pied de la Parisienne, vignette pour la Physiologie de la vie parisienne, Paris, Aubert et Cie, Lavigne, s. d. (1841).
47Fig. 13. Gavarni, dessin préparatoire pour « La Femme sans nom », Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1840, t. I (collection particulière).
Notes
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[1]
« Conclusion » des Français peints par eux-mêmes, encyclopédie morale du XIXe siècle, Paris, Curmer, 1840-1842, huit volumes (quatre pour Paris, trois pour la province, et un volume supplémentaire distribué en prime aux souscripteurs, Le Prisme), t. VIII (Province, t. III), 1842, p. 458.
-
[2]
Voir Corr., t. IV, no 1698, p. 33-37. Cette lettre a été exposée à la Maison de Balzac dans l’exposition Souscrivez à « La Comédie humaine » ! Œuvres complètes de M. de Balzac. Édition de luxe et à bon marché, Paris, Paris-Musées, 2002 (catalogue sous la dir. d’Yves Gagneux).
-
[3]
Les Travaux et les jours d’Honoré de Balzac, Préface de Roger Pierrot, Paris et Montréal, Presses Universitaires de Vincennes, Presses du CNRS, Presses de l’Université de Montréal, 1992 (voir notamment « Construction d’une cathédrale de papier », p. 15-41).
-
[4]
Sur cet exemplaire conservé dans le fonds Lovenjoul de la Bibliothèque de l’Institut, voir, de Roger Pierrot, Honoré de Balzac, Paris, Fayard, 1994, p. 430, et, ici même, « Les enseignements du “Furne corrigé” revisités », p. 57 s.
-
[5]
« [...] la fécondité merveilleuse de M. J. Janin étonnerait l’imagination ; nous dirions, par exemple, comment son secrétaire, entrant chez lui sans jour désigné, passe huit heures à écrire, sous sa dictée, sur un sujet donné sans une seule rature et à travers les conversations les plus entraînantes » (Léon Curmer, « Conclusion », FFPEM, t. VIII [Province, t. III], 1842, p. 458).
-
[6]
C’est moi qui souligne.
-
[7]
Léon Curmer, « Conclusion », FFPEM, loc. cit., p. 458.
-
[8]
Voir Stéphane Vachon, op. cit., et Balzac. Œuvres complètes. Le « moment » de « La Comédie humaine », études réunies et présentées par Claude Duchet et Isabelle Tournier, Presses Universitaires de Vincennes, 1993.
-
[9]
La Comédie humaine, coéditée par Furne, J.-J. Dubochet et Cie, J. Hetzel et Paulin, parut de 1842 à 1848 en dix-sept volumes illustrés ; les trois premiers tomes furent publiés en 1842, les tomes V à IX en 1843, X et XI en 1844, IV, XIII, XIV et XV en 1845, XII et XVI en 1846, et XVII en 1848, d’abord sans gravures, puis illustrés. Outre le portrait de Balzac, cent seize gravures sur bois de bout hors-texte ornaient les seize premiers volumes, et cinq gravures furent réalisées pour le volume XVII. Aucun volume ne parut sous la Seconde République, et la mort de Balzac, survenue le 18 août 1850, mit un terme à l’édition originale de l’œuvre. Toutefois, en 1855, l’année où l’Exposition universelle attirait à Paris une foule cosmopolite de visiteurs, l’éditeur Houssiaux réimprima l’ensemble de ces œuvres romanesques qui présentaient aux lecteurs de nombreux aperçus de Paris, de la province et des mœurs privées et publiques des Français ; s’ajoutaient à l’ensemble précédent les tomes XVIII à XX avec trente-deux gravures complémentaires : vingt-cinq pour les trois nouveaux volumes, six gravures pour le tome XIII (primitivement dénué d’illustrations), et un titre-frontispice. Le dernier tome était consacré aux Contes drolatiques (dont Doré donna, la même année, une édition illustrée de quatre cent vingt-cinq dessins publiée « aux bureaux de la Société générale de librairie »). Le total général s’élève donc à cent cinquante-quatre gravures. Voir Léon Carteret, Le Trésor du bibliophile romantique et moderne, 1801-1875, Paris, Carteret, 1924-1928, 3 vol. et 1 vol. de tables, t. III (sur l’édition illustrée au XIXe siècle), p. 56 ; Gordon Nicholas Ray, The Art of the French Illustrated Book, 1700 to 1914, New York, Pierpont Morgan Library, Cornell, 1982, t. II, no 230 ; Affiches romantiques illustrées accompagnées de quelques livres romantiques, catalogue de vente, Maggs Bros, no 13, 1939, no 67 [ci-après abrégé en : Maggs] ; Jules Brivois, Bibliographie des ouvrages illustrés du XIXe siècle, principalement des livres à gravures sur bois, Paris, Rouquette, 1883, p. 17-30 ; Georges Vicaire, Manuel de l’amateur des Livres du XIXe siècle, Breuil-en-Vexin, Éditions du Vexin français, 1974 (7 vol. et un vol. de tables), t. I, col. 239 et s. ; Ségolène Le Men, « L’édition illustrée de La Comédie humaine », in catalogue de l’exposition Une comédie inachevée : Balzac et l’illustration, Tours, Bibliothèque municipale, 1999, p. 4-16 ; catalogue de l’exposition Souscrivez à « La Comédie humaine » ! Œuvres complètes de M. de Balzac, op. cit. (avec un index des graveurs et illustrateurs) ; Yves Gagneux, « Les personnages de La Comédie humaine entre représentation et illustration » et Martine Contensou, « Anthroporama », in catalogue de l’exposition « La Comédie humaine ». Le regard de Serge Kantorowicz (Maison de Balzac), Paris, Paris-Musées, 2000.
-
[10]
Cette nature morte est placée au premier plan de l’affiche de Bertall pour la souscription à La Comédie humaine ; on retrouve la composition de Bertall sur les couvertures des livraisons, et dans les publicités insérées dans les journaux ; voir reproductions dans Souscrivez [...], op. cit., p. 7 et p. 11.
-
[11]
Voir mon article « Balzac et les débuts du livre illustré romantique en France », in Balzac imprimeur et défenseur du livre, Paris-Musées / Éditions des Cendres, 1995, p. 69-79 (exposition de la Maison de Balzac, présentée en 1996 au Musée de l’Imprimerie de Lyon).
-
[12]
Voir Roland Chollet, Balzac journaliste. Le tournant de 1830, Paris, Klincksieck, 1983, et Martine Contensou, catalogue de l’exposition Balzac & Philipon Associés. Grands fabricants de caricatures en tous genres, Paris, Paris-Musées, 2001 (Maison de Balzac, 26 juin - 23 septembre 2001).
-
[13]
Voir Ségolène Le Men, « La vignette romantique dans L’Artiste en 1832 », Cuadernos de filología francesa, Cáceres, 1992.
-
[14]
Voir Ségolène Le Men, « Balzac et les illustrateurs », in catalogue de l’exposition Balzac et la peinture, Tours, musée des Beaux-Arts, 1999, p. 107-118.
-
[15]
Balzac illustré. La Peau de chagrin. Études sociales, H. Delloye, Victor Lecou, 1838, vendu en cinquante-cinq livraisons à 50 centimes (d’après le texte de l’affiche). L’ouvrage était illustré de vignettes gravées sur acier d’après Janet-Lange ; c’est peut-être le choix de cette technique qui fit l’échec du projet : en effet l’illustration sur acier, gravée en creux, n’est pas, à la différence du bois, « typocompatible », et l’inclusion des vignettes supposait un deuxième tirage, assorti d’un repérage d’emplacements, ce qui était compliqué et onéreux. Pour l’édition des Contes du temps passé, en 1843, Curmer allait opter pour la gravure sur acier, mais en faisant graver toute la page, image et texte. Voir Carteret, op. cit., t. III, p. 41 ( « un des plus rares et des plus estimés livres illustrés du XIXe siècle » ) ; Ray, op. cit., t. II, n° 225 ; Maggs, n° 66 ; Brivois, op. cit., p. 15 (« 25 livraisons à 60 centimes, 15 F, rare en bonne condition. Affiche, prospectus ») ; exposition Balzac, 1950, no 217. Ce livre s’est mal vendu et une partie de l’édition fut cédée aux libraires Houdaille, Ledoux et Martinon, qui firent imprimer des titres à leur nom... En 1843, Martinon mettait l’ouvrage en souscription en cinquante-cinq livraisons à 20 centimes (affiche). Ledoux vendait ses exemplaires brochés 10 F en 1844 et 8 F en 1845. En 1848, Ledoux, devenu propriétaire des aciers, offrait de les vendre sous le titre Balzac illustré, et une nouvelle couverture gris vert, à 10 F (Carteret). « Plus tard, une partie (soixante) devint la propriété du libraire Barraud, qui en fit tirer quelques collections, mais les épreuves sont médiocres » (Brivois). Carteret décrit l’exemplaire de Paul Gallimard.
-
[16]
LHB, t. I, p. 531, et p. 534. Ces deux lettres sont citées dans le catalogue Souscrivez [...], op. cit., p. 38. D’autres lettres suivent dans le même ton le 2 mars 1843, le 13 juin 1843 (« j’ai [...] recorrigé [le volume] de David », LHB, t. I, p. 697), le 1er juillet 1843, le 17 juillet 1846 : Balzac se place dans la situation de lecteur de maison d’édition face à son œuvre, et plus précisément, il adopte le rôle du « correcteur », ce qui prouve que les feuilles d’imprimerie tiennent pour La Comédie humaine lieu du manuscrit qui prévalait dans l’étape antérieure, celle des « fragments » des romans publiés séparément ou par petits groupes ; c’est ce qui donne lieu à la situation génétique étendue qui lui est particulière.
-
[17]
Les Petites misères de la vie conjugale (voir ci-dessous, n. 27).
-
[18]
No 16, notice 1972 : « La Comédie humaine. Œuvres complètes de M. H. de Balzac. Édition de luxe à bon marché. 1re livraison in-8° de 3 feuilles plus une vignette. L’ouvrage sera publié en 12 volumes. Chaque volume, orné de huit gravures, se composera de huit livraisons. »
-
[19]
Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme (Francfort-sur-le-Main, 1955), préface et traduction de Jean Lacoste, Paris, Payot, 1982, p. 55.
-
[20]
La lettre des affiches et des pages de titre signifie bien la hiérarchie des rôles entre ces différents partenaires. Tous les graveurs de l’époque collaborent à ces volumes, ainsi Brevière, Coquard, Caqué, Andrew, Best et Leloir, Tamisier, Porret, Rouget, Guibaut pour les Scènes de la vie privée et publique des animaux.
-
[21]
Voir Ségolène Le Men et Luce Abélès, catalogue de l’exposition « Les Français peints par eux-mêmes ». Panorama social du XIXe siècle, Paris, Réunion des Musées nationaux, 1993.
-
[22]
Hetzel et Paulin, 2 vol., 1841-1842. Études de mœurs contemporaines publiées sous la direction de P.-J. Stahl avec la collaboration de MM. de Balzac, L. Baude, E. de La Bédollière, P. Bernard, J. Janin, Éd. Lemoine, Charles Nodier, George Sand. Cent livraisons à 30 centimes (ou 60 centimes sur chine) annoncées par deux affiches d’après Grandville. Onze auteurs.
-
[23]
Hetzel, 2 vol., 1845-1846. Sous-titre du tome I : « Paris et les Parisiens. Mœurs et coutumes, caractères et portraits des habitants de Paris, tableau complet de leur vie privée, publique, politique, artistique, littéraire, industrielle, etc. Texte par MM. [sic] George Sand, P.-J. Stahl, Léon Gozlan, P. Pascal, Frédéric Soulié, Charles Nodier, Eugène Briffault, S. Lavalette, de Balzac, Taxile Delord, Alphonse Karr, Méry, A. Juncetis, Gérard de Nerval, Arsène Houssaye, Albert Aubert, Théophile Gautier, Octave Feuillet, Alfred de Musset, Frédéric Bérat. Précédé d’une histoire de Paris par Théophile Lavallée. Illustrations : Les gens de Paris, séries de gravures avec légendes, par Gavarni ; Paris comique, vignetttes par Bertall. Vues, monuments, édifices particuliers, lieux célèbres et principaux aspects de Paris par Champin, Bertrand, d’Aubigny [sic], Français. » Vingt auteurs. Vente par livraisons, affiche en deux formats d’après Gavarni.
-
[24]
La Grande Ville. Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophique, par H. de Balzac, Alex. Dumas, Frédéric Soulié, Eugène Briffault, Eugène de Mirecourt, Édouard Ourliac, Marc Fournier, L. Couailhac, Albert Cler, etc. Illustrations de Gavarni, Victor Adam, Daumier, d’Aubigny [sic], H. Émy, Traviès et Henri Monnier, Paris, au Bureau central des publications nouvelles, 1843 (Ray II, no 229 ; Carteret III, p. 278-281 ; Brivois, p. 184 ; Lachèvre, p. 192 ; et affiche : Maggs, no 136). Cinquante-deux livraisons à 40 centimes annoncées par l’affiche. Onze auteurs. Le sous-titre de « nouveau tableau de Paris » renvoie autant à Mercier qu’à la suite lithographique de Marlet publiée en 1825. Dans ce livre, Balzac publie la Monographie de la presse parisienne.
-
[25]
Paris marié (Hetzel, 1846) fait partie d’un ensemble de quatre petits livres annoncés au dos de la couverture imprimée du Diable à Paris. Ce livre a pour sous-titre « Philosophie de la vie conjugale, par H. de Balzac, commentée par Gavarni ». Il paraît en vingt livraisons à 50 centimes, annoncé par une affiche de Gavarni.
-
[26]
« Illustrée de scènes, croquis, charges, caricatures, portraits et grandes vignettes hors-texte, avec un tableau synoptique de l’ordre gendelettre ; extrait de La Grande Ville, nouveau tableau de Paris », Bureau central des publications nouvelles, 1842. Cet opuscule de quatre-vingts pages n’a pas été vendu par livraisons et n’a donc pas fait l’objet d’une affiche de librairie.
-
[27]
Petites misères de la vie conjugale par H. de Balzac, illustrées par Bertall, Paris, Chlendowski, 1845, un volume à 15 F ou cinquante livraisons à 30 centimes annoncées par une affiche de Bertall. Sur la genèse et l’histoire de ce texte dont les premiers avatars remontent aux articles pour La Caricature, voir Ségolène Le Men, « Balzac, Gavarni, Bertall et les Petites misères de la vie conjugale », Romantisme, no 43, 1984, p. 28-44.
-
[28]
LHB, t. II, p. 35.
-
[29]
Les physiologies illustrées, qui ne seront pas abordées ici, sont un secteur familier aux balzaciens, notamment grâce aux travaux de Nathalie Preiss. Voir Andrée Lhéritier, Jean Prinet, Claude Pichois, Antoinette Huon, Dimitri Stremooukhoff, Les Physiologies, Études de presse, nouvelle série, vol. IX, no 17, 4e trim. 1957 ; James Cuno, « Philipon et Desloges éditeurs des physiologies », Presse et Caricature, Cahiers de l’Institut d’Histoire de la Presse et de l’Opinion, Université de Tours, no 6, 1983, p. 137-160 ; Nathalie Preiss-Basset, « Les physiologies au XIXe siècle et la mode », AB 1984, p. 157-172 ; Richard Sieburth, « Une idéologie du lisible : le phénomène des physiologies », Romantisme, no 47, 1985, p. 39-60 ; Nathalie Preiss-Basset, Les Physiologies en France au XIXe siècle. Étude littéraire et stylistique, thèse dactylographiée (dir. Madeleine Ambrière-Fargeaud, Université Paris-IV) dont l’essentiel est repris en deux volumes : Les Physiologies en France au XIXe siècle. Étude historique, littéraire et stylistique, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1999 ; et De la poire au parapluie. Physiologies politiques, Paris, Champion, 1999.
-
[30]
Dans le cas des Français peints par eux-mêmes, le prospectus est conservé, relié à l’intérieur de certains exemplaires, et les couvertures de livraisons portent un précieux document qui nous renseigne sur la réception immédiate du livre qu’exploite à des fins publicitaires l’éditeur : la « correspondance » des Français, passionnant « courrier des lecteurs » auquel l’éditeur répond régulièrement.
-
[31]
Certaines sont conservées dans des collections particulières, à la réserve du Département des Estampes et de la photographie de la BNF, et à la Maison de Balzac. Voir les catalogues des expositions citées ci-dessus aux notes 2 et 9.
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[32]
Voir mon essai dans le catalogue de l’exposition « Les Français peints par eux-mêmes » [...], op. cit., Paris, RMN, 1993.
-
[33]
Pl., t. I, p. 8.
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[34]
Cette fonction, prise en compte dans l’équipe de rédaction du journal depuis les années 1830, ne le sera dans le livre illustré de façon explicite que plus tard, avec Philippe Burty, qui joue ce rôle d’abord dans Paris-guide en 1867, puis en 1868 dans Sonnets et eaux-fortes, livre où la dédicace lui sert à se mettre en avant, comme l’a fait Curmer dans Les Français.
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[35]
On retrouve cette dédicace, mise à jour bien sûr, en tête de chacun des tomes.
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[36]
Avec la livraison sur « L’éditeur » d’Élias Régnault, publiée au tome IV.
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[37]
Cet engagement apparaît aussi dans les carnets de l’éditeur, où il dresse des listes d’auteurs et d’adresses.
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[38]
Jules Janin, « Introduction », FPPEM, t. I, p. XIV.
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[39]
Ibid., p. VI-VII.
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[40]
Ibid., p. VII.
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[41]
« Nos pères nous ont transmis, avec la connaissance de leurs personnes, celles de leurs habits, de leurs coiffures, de leurs armes offensives et défensives et des autres ornements qu’ils ont aimés pendant leur vie. Nous ne saurions reconnaître cette série de bienfaits qu’en traitant de même nos descendants » (« De la mode », Les Caractères, chap. XIII). Cette citation clôt le texte de Janin, loc. cit., p. XVI.
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[42]
Ibid., p. IV-V.
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[43]
Ibid., p. XV.
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[44]
Léon Curmer, « Conclusion », FPPEM, t. VIII, p. 457. On notera dans la dernière phrase de cette citation une étonnante similitude d’expression avec ces mots de l’Avant-propos de La Comédie humaine, en 1842 : « Ce n’était pas une petite tâche que de peindre les deux ou trois mille figures saillantes d’une époque [...] » (Pl., t. 1, p. 18).
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[45]
Ibid., p. 460.
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[46]
Voir la citation donnée ci-dessus en épigraphe.
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[47]
Outre la Physiologie du rentier citée dans le tableau qui précède, Balzac publie la Physiologie de l’employé, Lavigne, 1841 (Bibliographie de la France, 21 août 1841 ; Études de presse, no 45), illustrations de Trimolet.
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[48]
Mais Balzac revient à cette formule dans son titre « Monographie de la presse parisienne » pour La Grande Ville, de 1843.
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[49]
Respectivement pour « La portière », p. 83, et « Les amateurs de livres », p. 201.
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[50]
Le rythme de publication ne répondit pas toujours à l’ordonnance des parties distinguant les Études de mœurs (I-XIII, XVII) des Études philosophiques (XIV-XVII), les premières elles-mêmes classées en Scènes de la vie privée (I-IV), Scènes de la vie de province (V-VIII), Scènes de la vie parisienne (IX-XI), Scènes de la vie parisienne et politique (XII), Scènes de la vie militaire et de la vie de campagne (XIII). Sur le parallèle de structure entre l’œuvre de Daumier et La Comédie humaine de Balzac, voir mon étude publiée dans le catalogue Balzac et la peinture, Tours, op. cit. Voir également le catalogue de l’exposition Daumier [Ottawa, Paris, Washington, 1999-2000], Paris, Réunion des musées nationaux.
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[51]
« Nous tenons pour la classification du grand Linné contre celle de Cuvier ; le mot anthropomorphe est une expression de génie et convient évidemment aux mille espèces créées par l’état social » (note de Balzac).
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[52]
FFPEM, t. III, p. 1.
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[53]
Les Physiologies en France [...], op. cit.
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[54]
« L’épicier », FPPEM, t. I, p. 6.
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[55]
Ibid.
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[56]
Voir Balzac et le style, Paris, SEDES, collection du bicentenaire dirigée par Nicole Mozet, 1998 (notamment les articles de Jacques Neefs et d’Anne Pierrot-Herschberg).
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[57]
FFPEM, t. I, p. 25.