Couverture de BALZ_002

Article de revue

Balzac et le théâtre romantique

Pages 7 à 30

Notes

  • [1]
    Voir OD, II, p. 677-690, et P. B., « Le spectateur balzacien », AB 2000, p. 279.
  • [2]
    8 avril 1842, LH, t. II, p. 60 ; LHB, t. I, p. 566. Ambiguïté parce que Balzac a bien cherché cette bataille par la maladresse avec laquelle il a organisé l’occupation de la salle le jour de la première (voir la récapitulation de René Guise, BO, t. XXII, p. 765-767).
  • [3]
    Le Théâtre inédit d’Honoré de Balzac, édition critique d’après les manuscrits de Chantilly, publiée par Douchan Z. Milatchitch, Hachette, 1930. Avant cette édition avaient été révélés L’École des ménages (éd. Spoelberch de Lovenjoul, Carteret, 1907) et Cromwell (éd. de W. S. Hastings, Cité des Livres, 1925).
  • [4]
    Travaux, hélas, d’accès inégalement aisé. On peut consulter facilement sa longue étude « Un grand homme du roman à la scène ou les illusions reparaissantes de Balzac », publiée dans L’Année balzacienne de 1966 à 1969, et qui constitue à elle seule l’équivalent d’un livre (cent cinquante pages de la revue) ; mais sa magistrale édition critique du théâtre, dont les notes truffées de savoir et d’intelligence ont largement nourri le présent article, n’existe, on le sait, que dans l’ensemble inachevé et hors-commerce des Œuvres complètes de Balzac dirigées par Jean Ducourneau (BO, t. XXI à XXIII, 1969-1971). Cela peut expliquer la rareté des références à René Guise dans un livre aussi remarquable que le récent essai de Linzy Dickinson, Theatre in Balzac’s « La Comédie humaine » (Amsterdam & Atlanta, Rodopi, 2000 ; voir mon compte rendu, RHLF, juillet-août 2001, p. 1307).
  • [5]
    « Le premier Vautrin de Balzac (1839) et son texte inédit », RHLF, janvier-mars 1930, p. 1-22.
  • [6]
    BO, t. XXII, p. 3-4.
  • [7]
    Ibid., p. 647, n. 1.
  • [8]
    Ibid., p. 135-136.
  • [9]
    Ibid., p. 4-5.
  • [10]
    Ibid., p. 136-137.
  • [11]
    Ibid., p. 667, n. 7.
  • [12]
    Voir ce « Répertoire » dans BO, t. XXIII, p. 523-574.
  • [13]
    Michel Lévy Frères, 1848. Fac-similé de cette page de titre, BO, t. XXIII, face à la p. 54.
  • [14]
    Lov. A 128, fo 1. Voir BO, t. XXIII, p. 402.
  • [15]
    Voir le « Répertoire », ibid., p. 571 ; il ne reste rien d’un éventuel début de rédaction.
  • [16]
    BO, t. XXI, p. 203-207.
  • [17]
    Pensées, sujets, fragmens, Lov. A 182, fo 50, et « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 528.
  • [18]
    Sic, avec les traits d’union (BO, t. XXI, p. 271-275).
  • [19]
    À Mme Hanska, 16 avril 1848 (LH, t. IV, p. 314 ; LHB, t. II, p. 805).
  • [20]
    Balzac la voit « accompagnée d’un luxe effrayant de costumes et de décors » (à Mme Hanska, loc. cit.).
  • [21]
    Voir « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 563-565 et 567-569. Il ne nous reste rien d’aucune des deux pièces.
  • [22]
    BO, t. XXI, p. 223-227. Un autre roman de Cooper, L’Espion, dont Balzac s’était déjà inspiré pour certaines pages des Chouans, lui donna en novembre 1843 l’envie d’écrire pour Frédérick Lemaître un drame qu’il aurait intitulé Le Héros ignoré, mais, suite au refus de l’acteur, rien n’en fut écrit (voir « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 549-550).
  • [23]
    Ibid., p. 277-322 ; et voir p. 586-590 l’importante note par laquelle René Guise, contre l’opinion de Milatchitch qui attribuait ces pages au seul Grammont, en rend la paternité à Balzac. Marie Touchet (1549-1638) fut la maîtresse de Charles IX.
  • [24]
    BO, t. XXI, p. 89-91.
  • [25]
    Voir « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 552-553 et 539-540. Ces deux titres font partie d’une liste de six projets de mélodrames figurant avec d’autres titres sur un feuillet de [février ?] 1822 intitulé « Ordre du jour » (Lov. A 202, fo 28, et BO, t. XXIII, p. 594-595).
  • [26]
    BO, t. XXI, p. 191-202.
  • [27]
    La note du comité figure dans Corr., t. I, p. 217 et est reproduite dans BO, t. XXI, p. 538.
  • [28]
    Titres figurant dans l’ « Ordre du jour » déjà cité, BO, t. XXIII, p. 594.
  • [29]
    Voir ce plan dans BO, t. XXI, p. 1-6 et le commentaire fouillé de René Guise, ibid., p. 509-511.
  • [30]
    Lov. A 182, fo 53. Voir les hypothèses de René Guise, « Répertoire », p. 551.
  • [31]
    Voir ibid., p. 553. Sur le même feuillet, publié ibid., p. 602, on relève entre autres le projet d’une adaptation théâtrale des Marana, peut-être destinée à Marie Dorval.
  • [32]
    BO, t. XXI, p. 268 (seul Dubois semble venir plutôt des Fausses Confidences).
  • [33]
    Ibid., p. 209-213. Il faut peut-être identifier cette ébauche au projet intitulé Garrick dans la liste de 1822 (voir ci-dessus et la n. 28).
  • [34]
    BO, t. XXIII, p. 19-44.
  • [35]
    Voir la lettre du 28 mai 1848 (LH, t. IV, p. 367 ; LHB, t. II, p. 849). Tout ce qui subsiste effectivement (une liste de personnages calligraphiée et une quinzaine de lignes de notes) figure dans BO, t. XXIII, p. 206-207.
  • [36]
    LH, t. I, p. 272 ; LHB, t. I, p. 206 ; et, pour le « Bulletin », Lov. A 202, fo 14, reproduit dans BO, t. XXIII, p. 600.
  • [37]
    Titres figurant dans une liste de l’album Pensées, sujets, fragmens (Lov. A 182, fo 51, reproduite dans BO, t. XXIII, p. 598).
  • [38]
    Sur ces projets durables, mais tous avortés, voir la parfaite « notice d’ensemble » de René Guise dans le « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 532-539.
  • [39]
    BO, t. XXI, p. 247-249 (L’Élixir a été publié dans la Revue de Paris du 24 octobre de la même année).
  • [40]
    Voir BO, même volume, p. 215-217, et le commentaire p. 559.
  • [41]
    Illusions perdues, Pl., t. V, p. 337.
  • [42]
    Cromwell, III, 1, BO, t. XXI, p. 42.
  • [43]
    Corr., t. I, p. 65.
  • [44]
    À sa sœur Laure, 30 octobre 1819 (Corr., t. I, p. 50) ; cf. déjà, à la même, le 6 septembre : « [...] je ne dois pas travailler pour le goût actuel, mais comme ont fait les Racine, les Boileau [...] » (ibid., p. 36).
  • [45]
    Voir BO, t. XXI, p. 552.
  • [46]
    À Mme Hanska, 31 mai 1848 (LH, t. IV, p. 372 ; LHB, t. II, p. 853).
  • [47]
    René Guise, BO, t. XXII, p. 772.
  • [48]
    « Note pour les Costumes du prologue », BO, t. XXII, p. 776.
  • [49]
    Voir Le Faiseur, IV, 3, BO, t. XXIII, p. 340. Plus haut dans la même pièce, Sganarelle était déjà évoqué par Mercadet lui-même dans un aparté où, par ailleurs, il traite son valet Justin de « demi-Frontin » (ibid., II, 1, p. 259).
  • [50]
    Corr., t. I, p. 63. Balzac, qui plus tard demanda avec tant d’insistance à ce qu’on imprimât toujours « mademoiselle » en toutes lettres, écrit bien « Mlle » en abrégé.
  • [51]
    Ce nom est bien imprimé partout avec un accent grave.
  • [52]
    Paméla Giraud, I, 5, BO, t. XXII, p. 315-316 (et Horace, III, 6, v. 1021).
  • [53]
    Ibid., IV, 2, p. 356 (et Le Cid, III, 4, v. 963).
  • [54]
    Le Nègre, I, 1, BO, t. XXI, p. 95-96.
  • [55]
    C’est Philippe-le-Réservé dont j’ai parlé plus haut.
  • [56]
    Vautrin, I, 5, BO, t. XXII, p. 141.
  • [57]
    L’École des ménages, III, 8, BO, t. XXI, p. 437.
  • [58]
    L’œuvre de Donizetti, créée au théâtre San Carlo de Naples le 16 septembre 1835, fut donnée pour la première fois au Théâtre-Italien le 12 décembre 1837.
  • [59]
    Ruy Blas, IV, 8, v. 2016, et Vautrin (première version), III, 3, BO, t. XXII, p. 43.
  • [60]
    Vautrin (deuxième version), III, 2, BO, t. XXII, p. 191.
  • [61]
    C’est le quatrième, qui a lieu « dans la salle des séances du Parlement », les autres ayant pour cadre l’entrée des tombeaux des rois, à Westminster (BO, t. XXI, p. 8).
  • [62]
    Ibid., p. 324.
  • [63]
    Certes, les actes I, II et V ont bien lieu tous les trois à l’hôtel de Montsorel ; mais le dernier se déroule explicitement dans un autre salon que les deux premiers (voir BO, t. XXII, p. 135, 155, 249).
  • [64]
    Voir son suggestif essai, Faire jouer l’espace dans le théâtre romantique européen, Champion, 1999, et notamment ses remarques sur « L’exploitation de l’espace invisible » (p. 264-280).
  • [65]
    BO, t. XXII, p. 448, 464, 468.
  • [66]
    Ibid., successivement p. 477, 536, 569, 580, 597. Balzac n’a pas osé, cependant, montrer au spectateur le bateau de Fontanarès, qui n’ « existe » que par le regard de Faustine accoudée à la terrasse (p. 597) et dont la destruction n’est figurée que par « un grand bruit », hors scène (p. 604).
  • [67]
    BO, t. XXIII, p. 47.
  • [68]
    Scène 9, ibid., p. 107.
  • [69]
    Scène 11, ibid., p. 112.
  • [70]
    Même volume, p. 210.
  • [71]
    Voir le dossier établi par René Guise dans BO, t. XXII, p. 738-749.
  • [72]
    Voir essentiellement ibid., p. 636-640, 703, 772-773. René Guise pense de même que Le Faiseur a pu tirer certains de ses éléments des Deux Amis (voir t. XXIII, p. 475). Et pour un exemple, entre autres, de l’admiration que Balzac vouait à Beaumarchais, voir la lettre à Mme Hanska du 7 novembre 1837 sur les décourageantes « difficultés » qui s’opposent à l’écriture d’une comédie (LH, t. I, p. 559-560 ; LHB, t. I, p. 424).
  • [73]
    BO, t. XXI, p. 603.
  • [74]
    Nouvelle Revue française, 1er mai 1910, p. 681, cité ibid.
  • [75]
    Acte V, scène 10, BO, t. XXIII, p. 201.
  • [76]
    L’Opinion nationale, 12 septembre 1859, cité dans BO, t. XXIII, p. 421. Le dossier de presse détaillé de la pièce, en 1848 et en 1859, figure dans AB 1967, p. 269 et s.
  • [77]
    Corr., t. I, p. 39.
  • [78]
    Voir à ce sujet les remarques convaincantes de René Guise, BO, t. XXI, p. 589.
  • [79]
    « Molière est mort trop tôt, il nous aurait montré le désespoir d’Orgon [...] » (Pl., t. IX, p. 131).
  • [80]
    Il s’agit du projet de roman qui deviendra Les Petits Bourgeois (17 décembre 1843, LH, t. II, p. 309 ; LHB, t. I, p. 754) ; quinze jours plus tard Balzac parle à nouveau de réussir « le Tartufe de n[otre] temps » (1er janvier 1844, LH, t. II, p. 328 ; LHB, t. I, p. 768).
  • [81]
    L’expression se trouve dans une lettre à Mme Hanska (12 février 1837) où est par ailleurs perceptible la filiation entre ce projet de pièce « d’une extrême violence » et le drame familial exposé en 1830 dans La Maison du chat-qui-pelote (voir LH, t. I, p. 486 ; LHB, t. I, p. 367 ; et BO, t. XXI, p. 595).
  • [82]
    À Mme Hanska, 17 septembre 1838 (LH, t. I, p. 614 ; LHB, t. I, p. 464). Cet « Othello retourné » (ibid.) aurait été un drame en cinq actes ; le 12 février 1839, Balzac compte encore l’écrire, mais rien n’est resté d’un éventuel commencement de rédaction.
  • [83]
    BO, t. XXI, p. 211.
  • [84]
    Ibid., p. 213.
  • [85]
    Voir l’article fondateur de Madeleine Fargeaud, AB 1962, p. 51-66.
  • [86]
    Voir BO, t. XXI, p. 573-575, et t. XXII, p. 741-742.
  • [87]
    Voir ibid., p. 600, où René Guise réinterprète de façon suggestive les indications données par Pierre Laubriet dans son édition du roman (Classiques Garnier, 1964).
  • [88]
    Vautrin, III, 3, BO, t. XXII, p. 200.
  • [89]
    Le Lazaroni, I, 1, BO, t. XXI, p. 195.
  • [90]
    Voir BO, t. XXII, p. 773-774.
  • [91]
    À Laure, lettre citée, Corr., t. I, p. 63.
  • [92]
    Pour plus de détails, voir BO, t. XXI, p. 549-550.
  • [93]
    BO, t. XXI, p. 415-416.
  • [94]
    Voir la série des articles de L’Année balzacienne, passim, et l’ « Introduction » au théâtre de Balzac dans BO, t. XXI, notamment p. XVII-XXXI.
  • [95]
    Corr., t. III, p. 483.
  • [96]
    À Mme Hanska, 3 juin 1837 (LH, t. I, p. 512 ; LHB, t. I, p. 388).
  • [97]
    À la même, 7 novembre 1837 (LH, t. I, p. 553-554 ; LHB, t. I, p. 419).
  • [98]
    Même lettre (LH, t. I, p. 559 ; LHB, t. I, p. 423-424).
  • [99]
    Le Temps, 8 octobre 1917, cité dans BO, t. XXII, p. 632.
  • [100]
    Le Constitutionnel, 8 août 1848, cité ibid., p. 458. La majuscule s’explique si l’on prolonge la citation – ce qui en amoindrit un peu la portée ! – : « Il est temps qu’il en fasse pour le Théâtre de la République qui en a si grand besoin. »
  • [101]
    L’Opinion nationale, 5 avril 1869, cité dans BO, t. XXII, p. 632.
English version

1N’est-il pas nécessaire de parler du théâtre dans cet examen que nous tentons ensemble du romantisme de Balzac ? L’entreprise balzacienne s’inscrit en effet dans une époque où il est bien connu que le mot « romantisme » et les polémiques qui l’entourent concernent largement le théâtre.

2Pour autant, le titre « Balzac et le théâtre romantique » ne signifie pas qu’il sera ici question de l’attitude critique de l’écrivain envers la production théâtrale de ses confrères. Non que cette attitude soit dénuée d’intérêt, au contraire ; elle est en effet, on le sait, plutôt hostile, voire assez méprisante à l’égard de Victor Hugo notamment, et j’ai rappelé récemment la sévérité du jugement que Balzac porta sur Hernani dans le Feuilleton des journaux politiques [1]. Mais cette sévérité est peut-être bien aussi celle d’un jaloux, comme le suggère plus tard l’ambiguïté de cette déclaration faite à Mme Hanska : « Quinola a été l’objet d’une bataille mémorable, semblable à celle d’Hernani. » [2] Dans la délicate étude des relations entre Balzac et Hugo, il reste sans doute bien des nuances à établir, sur ce point-là entre autres : ce n’est pas mon sujet pour le moment.

3Je crois plus fructueux en effet, s’il s’agit, comme nous le souhaitons, de situer Balzac par rapport à la notion de romantisme, de considérer son œuvre théâtrale elle-même, dont, malgré des avancées pionnières parmi lesquelles celle de Milatchitch est la plus notable [3], l’importance n’a enfin été peu à peu admise que grâce aux travaux décisifs de René Guise [4]. Autrement dit : Balzac est-il un dramaturge romantique ? La question n’est pas innocente, on s’en doute ; en voici pour commencer un signe anecdotique, mais révélateur, à propos des deux versions de Vautrin publiées par René Guise dans son édition.

4La première reproduit le texte du manuscrit conservé aux Archives nationales, retrouvé en 1929 par Henri de Curzon qui en prit une copie (conservée au fonds Lovenjoul) et le commenta dans un article de la Revue d’histoire littéraire de la France [5]. Dans ce premier état, la scène initiale entre la duchesse de Montsorel et sa tante, Mlle de Vaudrey, est déjà, pour l’essentiel, ce qu’elle est dans la version définitive (l’édition de juillet 1840). La duchesse, convaincue que son fils Fernand est vivant, croit l’avoir vu la veille et s’enflamme à l’idée de retrouvailles. Le texte met en lumière l’opposition entre la sagesse un peu désabusée et la prudence de la tante et la violence « exaltée », selon le mot même de Balzac, des répliques de la mère souffrante. Voici le début du texte :

« MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Qu’avez-vous ma nièce ? depuis douze ans que nous pleurons ensemble voici le premier moment où je vous vois joyeuse, et, quand on vous connaît, votre joie est un sujet d’effroi.
LA DUCHESSE. — Vous n’êtes pas la mère d’un enfant abandonné ! Vous ne comprendrez jamais le délire que cause une lueur d’espérance !
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Vous m’épouvantez ! quel événement a pu vous troubler ainsi !...
LA DUCHESSE, exaltée. — Un enfant mort a une tombe dans le cœur de sa mère, mais l’enfant qu’on nous a dérobé, il y existe, ma tante, et sa vie y a de l’écho !...
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Parlez moins haut ma nièce.
LA DUCHESSE. — Ah ! je vais me soustraire à l’isolement et à la contrainte dans laquelle je traîne mes jours. Dès ce moment je vais résister à la tyrannie de M. de Montsorel et j’aurai la victoire.
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Et pourquoi ce réveil d’un amour et d’une haine que la religion non moins que le temps devaient avoir assouvis [etc.]. » [6]

5Au mot « assouvis », René Guise accroche l’appel d’une note, dont voici le texte : « “Le romantisme de certains mots a été écarté”, constate H. [de] Curzon comparant ce texte à la version définitive. » [7] Lisons donc, pour le même début, la version définitive :

« LA DUCHESSE. — Ah ! vous m’avez attendue, combien vous êtes bonne !
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Qu’avez-vous, Louise ? Depuis douze ans que nous pleurons ensemble, voici le premier moment où je vous vois joyeuse : et pour qui vous connaît, il y a de quoi trembler.
LA DUCHESSE. — Il faut que cette joie s’épanche, et vous, qui avez épousé mes angoisses, pouvez seule comprendre le délire que me cause une lueur d’espérance.
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Seriez-vous sur les traces de votre fils ?
LA DUCHESSE. — Retrouvé !
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Impossible ! Et s’il n’existe plus, à quelle horrible torture vous êtes-vous condamnée ?
LA DUCHESSE. — Un enfant mort a une tombe dans le cœur de sa mère ; mais l’enfant qu’on nous a dérobé, il y existe, ma tante.
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Si l’on vous entendait ?
LA DUCHESSE. — Eh ! que m’importe ! je commence une nouvelle vie et me sens pleine de force pour résister à la tyrannie de M. de Montsorel.
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Après vingt-deux années de larmes, sur quel événement peut se fonder cette espérance ? [etc.]. » [8]

6Ne commentons pas, pour le moment. Un peu plus loin au cours de la même scène, Balzac écrit dans la première version :

« LA DUCHESSE. — À son aspect il m’a passé comme une flamme devant les yeux, sa voix m’a émue à me briser le cœur [...]
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Vous vous serez perdue ma nièce ?
LA DUCHESSE. — Ah ! vous me faites frémir, oui, l’on a dû me remarquer, je suis devenue coquette, il a été forcé de me parler, je lui ai demandé son âge, il a vingt-trois ans, l’âge de mon Fernand ! [ etc.]. » [9]

7Même passage dans la version définitive :

« LA DUCHESSE. — À son aspect, il m’a passé comme une flamme devant les yeux, ses regards ont ranimé ma vie, et je me suis sentie heureuse [...]
MADEMOISELLE DE VAUDREY. — Vous vous serez perdue !
LA DUCHESSE. — Oui, peut-être ! On a dû nous observer : une force irrésistible m’entraînait, je ne voyais que lui, je voulais qu’il me parlât, et il m’a parlé, et j’ai su son âge : il a vingt-trois ans, l’âge de Fernand ! [etc.]. » [10]

8Et cette fois, c’est dans le texte de cette version de 1840 que René Guise insère un appel de note, après les mots « qu’il me parlât », note ainsi rédigée : « Peut-on vraiment penser, avec H. de Curzon, que le romantisme de cette scène a été atténué d’une version à l’autre ? » [11]

9Il est clair que, sous la plume de Curzon comme de René Guise, le commentaire sur le romantisme concerne ce que l’on appellera, pour aller vite, le fond et la forme : exaltation des sentiments, registre du vocabulaire, intensité stylistique. Or, l’interrogation sur le romantisme ou non d’un auteur de théâtre touche à d’autres domaines. C’est toute l’ambiguïté connue d’un terme à la fois historique (un moment littéraire), polémique (à l’époque, sinon aujourd’hui) et soumis à la subjectivité (une catégorie critique hautement « impressionniste »). Je ne prétends pas mieux qu’un autre venir à bout des difficultés inextricables posées par cette polysémie, mais il convenait au moins d’en rappeler le poids avant de passer à un examen plus complet de ce théâtre de Balzac : je souhaiterais montrer que si ce corpus étendu et varié est marqué de fortes alternances stylistiques et génériques, ce n’est pas au détriment d’une unité qui lui vient, nul ne s’en étonnera, à vrai dire, de la puissante personnalité littéraire de son auteur.

10Commençons par cette évidence : le théâtre de Balzac ne se limite pas au Faiseur, sa seule pièce jouée de nos jours, encore moins au Faiseur mutilé et défiguré par le malencontreux Dennery, et rendons à cet univers sa richesse et son étendue.

11Étendue chronologique, tout d’abord : l’ébauche du Corsaire date de mai 1819, et la mise au point du Faiseur de septembre 1848. C’est dire que les préoccupations dramaturgiques de Balzac s’étendent tout au long de sa carrière, accompagnent presque sans cesse l’élaboration de son œuvre romanesque, et outrepassent en amont et en aval les limites de la période habituellement retenue comme celle du drame romantique.

12Importance numérique, ensuite : l’édition critique de René Guise ne comprend pas moins de vingt-sept œuvres, retenues parce qu’il en existe au moins le plan, et qui se répartissent en neuf pièces achevées et dix-huit fragmentaires, voire réduites à des canevas. Mais l’étonnant « Répertoire du théâtre de Balzac », établi par le même René Guise, dépasse, quant à lui, cent cinquante titres, recouvrant au moins cent projets différents [12]...

13Richesse et variété générique, enfin et surtout. Si nous considérons d’abord les œuvres terminées, nous constatons qu’elles se répartissent en deux tragédies en cinq actes, l’une en vers : Cromwell (1819-1820), l’autre en prose : L’École des ménages (1838-1839) ; deux mélodrames, l’un en trois actes : Le Nègre (1822), l’autre en un seul : Le Corse (1847) ; deux drames en cinq actes : Vautrin (1840) et La Marâtre (1848) ; deux comédies en cinq actes : Les Ressources de Quinola (1842) et Le Faiseur (1848) ; enfin, une « pièce en quatre actes et un prologue » : Paméla Giraud (1840-1843). Cette répartition se trouve modifiée si l’on classe La Marâtre non selon la page de titre de l’édition ( « drame intime en cinq actes et huit tableaux » ) [13], mais d’après celle du manuscrit qui qualifie cette pièce, comme auparavant L’École des ménages, de « tragédie bourgeoise en cinq actes » [14].

14Si nous élargissons l’examen à l’ensemble des œuvres dont il reste au moins une trace intentionnelle, l’éventail générique s’ouvre encore davantage. Je ne peux donner ici que l’essentiel. Du côté de la tragédie classique en vers, Cromwell est précédé en 1819 du projet et/ou du début de rédaction d’un Sylla [15], et suivi en 1823 d’une Alceste à sujet grec, dont il reste une esquisse de scénario et quelques essais de versification [16]. Parmi les projets de tragédies, on relève en 1830 ou 1831 une Béatrix Cenci [17] : on ne sait si elle eût été en prose ou en vers ; vers 1834-1835, Balzac établit la liste des personnages et écrit quelques bribes de répliques d’une tragédie en prose sur Philippe II, Philippe-le-Réservé [18].

15Beaucoup plus tard, Balzac envisage durant tout le printemps de 1848 d’écrire sur Pierre le Grand « une grande œuvre à la Shakespeare » [19], mais ce Pierre et Catherine qu’il destinait au Théâtre historique de Dumas (en espérant que la fermeture provoquée par la révolution de février serait provisoire), se serait probablement apparenté au drame ou même à la pièce à grand spectacle [20] plutôt qu’à la tragédie, de même que Le Roi des mendiants, drame historique situé sous le règne de Louis XIII, et auquel il travaille en août de la même année, en pensant au même théâtre [21]. Du côté du drame, encore, deux esquisses, bien différentes l’une de l’autre : Le Corsaire rouge (1828), tiré du roman homonyme de Fenimore Cooper, se limite à trois courtes scènes [22] ; de Marie Touchet, en revanche, projet de la fin de 1835 sur la Saint-Barthélemy, nous avons tout le premier acte [23].

16Il faut remonter à la jeunesse de l’auteur, et précisément à une brève période qui va de la fin de 1821 à la fin de 1822, pour trouver des œuvres, des ébauches ou des idées placées sous la rubrique « mélodrame ». À l’automne 1821, Balzac avait jeté sur le papier le plan, fort vague, d’un mélodrame qui se fût intitulé Le Mendiant [24] ; on sait qu’en 1822 il en envisageait d’autres, comme Lara, tiré de Byron, ou Les Deux Frères, peut-être d’après Maturin [25]. Durant l’été ou l’automne de la même année, il écrit le premier des trois actes du Lazaroni [sic] [26], en même temps, sans doute, qu’il commence et mène à bien Le Nègre, refusé le 24 janvier 1823 par le comité de lecture du théâtre de la Gaîté [27]. Toujours en 1822, époque buissonnante de désirs, le jeune ambitieux envisage le vaudeville (Les Deux Mahomets, Garrick), et même l’opéra, avec un Belphégor dont nous ne connaissons également que le titre [28]. Il est peu d’époques de la vie de Balzac où nous ne le voyions penser à la scène : dès 1819, je l’ai dit, il écrit le plan des trois actes du livret d’un opéra-comique d’après Le Corsaire de Byron, qu’il n’a sans doute pas lu [29] ; en 1834, l’album Pensées, sujets, fragmens porte la trace d’un projet d’opéra intitulé, selon la lecture la plus probable, Jude, et dont on ne sait rien [30] ; et en septembre 1836 c’est de sa propre nouvelle, Maître Cornélius, qu’il envisage de tirer, à nouveau, un opéra-comique [31].

17Enfin, étant donné l’admiration de Balzac pour Molière, nous ne pouvons nous étonner de voir la comédie occuper une place importante dans ses rêveries ou ses essais dramaturgiques. René Guise donne d’ailleurs très naturellement le titre d’Esquisse à la Molière aux quelques lignes jusqu’alors inédites conservées dans le fonds Lovenjoul sur le même feuillet qu’une liste de personnages (vers 1830 ?) dont presque tous les noms sont en effet moliéresques : Valère, Argante, Angélique, Oronte, Dorine [32]... On peut dater de 1823 ou 1824 trois courtes scènes en prose mettant face à face Garrick et Lekain, et qui sont tout ce qui subsiste du projet d’une « comédie en trois actes et en vers », Les Trois Manières [33]. Ce désir de mener à bien une grande comédie en vers est toujours vif à la fin de la vie de l’écrivain, puisque c’est en juillet 1847 qu’après avoir écrit, en prose, le premier acte d’un Orgon (vieux projet d’une suite de Tartuffe), il le donne à rimer à Amédée Pommier [34] ; et en juin-juillet 1848 encore, il tente en vain d’écrire, probablement sur la lancée du roman de même titre laissé inachevé en 1846, des Petits Bourgeois qui, dans la première annonce du projet à Mme Hanska, devaient être, eux aussi, « une comédie en cinq actes et en vers » – pour laquelle, cette fois, c’est la collaboration de Méry, autre versificateur expérimenté, qui était espérée [35].

18Du côté des projets de comédie en prose, la matière abonde aussi. Certains, il est vrai, changent de genre selon les mentions qu’en fait Balzac : ainsi, le 22 novembre 1834, il affirme à Mme Hanska avoir commencé à écrire avec Jules Sandeau « une grande comédie » sur Lauzun intitulée La Grande Mademoiselle, mais, dans le « Bulletin de travail pour le théâtre » qu’il établit au même moment, cette œuvre est qualifiée de « drame en cinq actes pour la Porte Saint-Martin » [36]. Plusieurs intentions de comédies en cinq actes se manifestent vers 1830-1831 : Les Républicains, Le Bienfaiteur, L’Homme et la vie [37] ; et pendant quinze ans c’est un véritable « projet reparaissant » qui se constitue autour du personnage créé par Monnier, du Prudhomme bigame envisagé en octobre 1834 à La Conspiration Prudhomme de l’été 1848, en passant par d’autres projets de comédies en cinq actes : Joseph Prudhomme à l’automne 1837, Prudhomme en bonne fortune au début de 1842 [38].

19S’ajoutent à tout cela au moins deux ébauches non négligeables, et qui suggèrent d’autres directions encore. La première nous oriente vers le fantastique : c’est le projet monté en avril 1830 avec Eugène Sue, pour le théâtre des Nouveautés, d’un « conte fantastique en trois actes » intitulé La Vieillesse de don Juan ou l’Amour à Venise ; il en reste quelques notes et une liste de personnages dont le premier est le Don Juan Belvidero du conte fantastique de quelques mois postérieur, L’Élixir de longue vie [39]. La seconde ébauche est au moins aussi curieuse, puisqu’il s’agit d’un Catilina d’environ 1820, projet plutôt farcesque à s’en tenir à ce qui nous en est parvenu (l’esquisse d’une scène et une liste de personnages dont les noms latinisés cachent à peine ceux d’amis de l’auteur) : peut-être, selon René Guise, l’amorce de la parodie d’une pièce classique comme le Sylla de Jouy [40].

20Toutes ces indications, pourtant partielles, suffisent à donner une idée du foisonnement mental qui marque l’ « illusion reparaissante » de Balzac. L’éclatement même des appellations et des projets invite à penser que la question, pour l’observateur, n’est pas exactement ou pas seulement celle de savoir si tout cela se situe ou non dans la mouvance romantique. S’il y a question, elle est interne à l’œuvre. Il n’en reste pas moins possible de proposer un certain nombre de remarques sur la relation du théâtre de Balzac avec l’évolution littéraire contemporaine.

21Vers octobre 1821, Lousteau pose à Rubempré la seule question préalable, selon lui, à toute discussion littéraire : « êtes-vous classique ou romantique ? » [41] Posons-la donc à Balzac, à propos de son théâtre.

22Du côté du classique, Cromwell s’impose évidemment. Non seulement la pièce est en cinq actes et en alexandrins, mais les éditeurs anciens ont souligné à l’envi les échos textuels qui s’y manifestent, et notamment les renvois à Cinna ; cette tragédie exerça sur l’auteur une influence durable et bien connue, dont le distique suivant peut suffire à donner un exemple (Cromwell se confie à son gendre Ireton) :

« Je veux être un César, gouvernant des Romains ;
J’en aurai les vertus, et même la clémence. » [42]

23Plus explicitement encore, dans le « Plan de Cromwell » qu’il envoie à sa sœur Laure en novembre 1819, Balzac dit avoir donné au roi Charles « une magnanimité plus belle que celle d’Auguste pardonnant à Cinna » [43]. L’attirance pour l’Antiquité, visible ici par la métaphore ou la comparaison césarienne, se manifeste plus directement dans les deux projets qui occupent Balzac à la même époque : Sylla, qu’en septembre 1819 il abandonne à regret au profit de Cromwell, était pour lui le moyen d’éviter « les sujets modernes qui ne sont jamais aussi favorables à la belle poésie que les sujets antiques » [44] ; quant à l’Alceste esquissée en 1823, elle reprend les données du texte d’Euripide, enrichies d’ajouts analogues, selon René Guise [45], aux ornementations que Ducis avait développées dans son propre Œdipe à Admète de 1778 : rapprochement à mon avis tout à fait juste, car Ducis, dont on rit aujourd’hui sans le lire, représentait à la fin du XVIIIe siècle, un peu en retrait de Voltaire évidemment placé au sommet, une forme d’équilibre dans la modernisation prudente de la tragédie ; à Vendôme, le collégien Balzac a très bien pu se le voir proposer comme modèle.

24Certes, après le milieu des années 1820, Balzac s’éloigne de la tragédie classique au profit d’une tragédie en prose à sujet moderne, proche du drame historique ; mais son penchant pour le patrimoine du XVIIe siècle demeure le même, et jusqu’aux derniers temps de son énergie en déclin il nourrit un rêve, qu’illustrent son Orgon et surtout ces Petits Bourgeois à propos desquels il l’exprime : « C’est continuer Molière, adapter ses idées au temps présent. » [46] Quant aux pièces qu’il mena à terme, elles portent souvent la trace, même lorsque leur allure générale paraît contemporaine, des goûts et des lectures classiques de leur auteur ; prenons seulement l’exemple des Ressources de Quinola, qui permet de vérifier cela en général comme en détail. En général, car de ses innombrables sources possibles, une de celles que Balzac signale lui-même avec prédilection est le conte de La Fontaine, La Courtisane amoureuse, ce qui « sépare Faustine de la courtisane rachetée par l’amour que les poètes et les écrivains romantiques se plurent à mettre en scène » [47] ; en détail, si l’on prête attention à telle indication de costume présente dans le manuscrit : elle concerne la métamorphose de Quinola d’abord vu « en haillons, montrant sa chair comme le pauvre de Murillo », et qui « revient tout en velours noir comme le Crispin du Légataire » [48] (la pièce de Regnard est en outre à nouveau mentionnée dans Le Faiseur, en même temps qu’Harpagon et Sganarelle, par De La Brive parlant subterfuges avec Mercadet) [49].

25Quel regard Balzac porte-t-il sur cette fidélité ou cette imprégnation classiques qui sont les siennes ? La nécessaire ambiguïté de la réponse à cette question peut s’appuyer sur une indication précieuse de novembre 1819 : de la rue Lesdiguières, le jeune homme envoie à sa sœur Laure, son meilleur ambassadeur auprès d’une famille impatiente, un « Plan de Cromwell » destiné à prouver qu’il travaille et qu’il sait où il va. Or la première phrase de ce plan, certes adressée à une complice affectueuse, est la suivante : « Du respect, Mlle, Sophocle cadet vous parle. » [50] Auto-ironie certaine, mais fierté, aussi. Nous devons nous en souvenir même quand Balzac semble ne se soucier que de parodie et de clins d’œil au spectateur : en voici deux exemples, empruntés à Paméla Giraud. Jules Rousseau, surpris dans la mansarde de Paméla, a été arrêté comme comploteur supposé. L’avocat Duprè [51] et le général de Vassy accablent son père, riche négociant retiré, de leurs conseils :

« DUPRè. — Votre fils, mon cher monsieur Rousseau, ne peut se sauver qu’en révélant le nom de ceux qui l’ont fait agir ; que lui conseillez-vous ?
DE VASSY. — De mourir.
MONSIEUR ROUSSEAU. — Ah ! général, c’est très beau dans Corneille, mais je ne suis pas le père des Horace, je n’ai qu’un fils [...]. » [52]

26Plus tard, la famille Rousseau, animée d’intentions peu désintéressées, veut faire croire à Jules, qui a été libéré grâce à la déposition de Paméla, que son « ange gardien » ne s’est compromis en sa faveur que contre récompense :

« JULES ROUSSEAU. — [...] Quel dévouement...
MADEMOISELLE DU BROCQUARD. — Un dévouement qui coûte cinquante mille francs.
JULES ROUSSEAU. — Elle a demandé cinquante mille francs... Et moi qui pendant trois jours et trois nuits de prison ai cru qu’elle m’aimait.
MADAME ROUSSEAU. — Elle ne te hait pas, mais [etc.]. » [53]

27Face à ces traces d’importance variable, mais nombreuses, de la culture classique dans le théâtre de Balzac, pouvons-nous découvrir un ensemble équivalent d’indices qui nous incitent, au contraire, à pencher du côté du romantisme ?

28Remarquons d’abord la forte influence d’auteurs romantiques, ou appréciés des romantiques français, sur plusieurs essais ou projets de jeunesse : Le Corsaire, de mai 1819, vient de Byron, auteur dont la trace est encore sensible – associée à celle de Shakespeare – dans Le Nègre, en 1822. La même remarque encore peut valoir pour Le Lazaroni. En outre, ces premières tentatives sont marquées par une violence de sentiments et de vocabulaire qui, longtemps avant l’époque de notre exemple initial pris dans Vautrin, pose la question de la désignation comme « romantique » d’un certain ton ou d’une certaine exaltation. Relisons à titre d’échantillon la page initiale du Nègre ; ce monologue de Georges, l’intendant noir, couché à la porte de la chambre de sa patronne Émilie de Gerval, dont il est épris, contient tous les signes ou, si l’on veut, tous les clichés romantiques désirables :

« Elle repose et je veille !... (Il approche l’oreille contre la porte.) Son souffle s’échappe aussi pur que celui d’un enfant, et le mien est brûlant comme le ciel de ma patrie...
« Elle vient de rentrer du bal à l’instant... [...] ah, quelle soirée !... Attaché contre la porte du salon, je l’ai vue briller au milieu de cent rivales et quand je l’apercevais vive et légère danser avec un autre, l’enfer tout entier habitait mon cœur... Qu’elle était belle !... des roses contre le sein, des roses sur le front, des roses sur sa tête... [...] (il tire une rose de son sein) ô rose chérie, rose détachée de sa chevelure, tu seras un talisman pour moi ; n’es-tu pas son portrait le plus fidèle. Hélas !... depuis deux ans je souffre, depuis deux ans je veille ainsi, me consumant en vains efforts pour étouffer ce feu qui brûle – mes yeux parlent, mes yeux la dévorent, heureusement ma bouche fut toujours muette – rompons ce silence mortel, ah je viens de la voir trop belle, je parlerai... ce matin, maintenant à l’instant. (Il court à la porte.) Non. Qu’elle vive heureuse, mon poison est là, tout prêt, et lorsque mes maux seront au comble, pauvre nègre, je m’endormirai pour toujours [...]. » [54]

29Souvenir ou non d’Othello ? Page, surtout, chargée, et finalement hésitante ; plus tard, si Balzac ne parvient parfois pas du tout à se situer par rapport à un sujet déjà traité par un prédécesseur (ainsi, en 1834-1835, de son idée d’une tragédie sur Philippe II inspirée du Don Carlos de Schiller) [55], il lui suffit, dans des œuvres menées à bien, d’une notation pour donner à une réplique sa couleur. Ainsi Fenimore Cooper ou Walter Scott, dont nous savons quelle place ils occupent dans les lectures et l’imaginaire de l’auteur de La Comédie humaine, apparaissent aussi au détour de telle page du théâtre. Pour le premier, un seul fragment de réplique de Vautrin restitue tout un monde (non pas celui, maritime, du Corsaire rouge, mais les immensités de La Prairie), celle où, parlant à Joseph, il dit mener « la vie d’un Indien entouré d’ennemis » [56] ; ou bien l’on pense aux deux filles Gérard, faisant front contre leurs parents dans L’École des ménages, et dont l’une (Anna) affirme que s’ils contraignent l’autre (Adrienne) à avouer qui elle ose aimer, « elle est capable d’imiter la fiancée de Lamermoor » [57] : dans l’ambiance tendue de cette scène de « tragédie bourgeoise », la menace n’a rien d’ironique ; et que sa force évocatrice lui vienne, pour nous sûrement, mais peut-être aussi pour Balzac, non du roman de Scott mais de l’émotivité exacerbée de l’héroïne de l’opéra (dont la création parisienne précède juste d’un an la rédaction de la pièce), ne contribue-t-il pas à la signaler à notre attention comme plus romantique encore [58] ? Ces effets d’écho renvoyant à des œuvres scéniques récentes ne sont pas rares chez Balzac dramaturge. L’écho est même quelquefois textuel ; ainsi, dans le manuscrit original de Vautrin, Lafouraille se plaint d’avoir été roulé par l’intendant Blondet, « un fier gueux » : à la date où est écrite cette réplique (été 1839), la citation a une évidente valeur d’actualité, car le mot final de César à Salluste avait suscité d’innombrables commentaires lors de la création de Ruy Blas, en novembre 1838 [59] ; Balzac la juge-t-il inopportune ? dans la version définitive, Blondet n’est plus que « ce gueux-là » [60]. Il n’en reste pas moins qu’une des données de la pièce de Hugo se retrouve en filigrane dans le prologue des Ressources de Quinola, où le thème du miséreux magnifique et l’élévation de Fontanarès à la grandesse font penser aux deux don César de Bazan, le vrai et le faux : et cet écho-là, quoique plus diffus, renvoie bien au romantisme théâtral, puisqu’il met en jeu la question du mélange des genres et des tons qui en est une des caractéristiques.

30Ton et style d’une part, écho d’œuvres contemporaines de l’autre, le romantisme du théâtre de Balzac est en effet aussi celui du non-respect des règles classiques – et cela dès avant la « Préface » de Cromwell, puisque l’un des actes du Cromwell de Balzac se déroule dans un lieu différent des quatre autres [61]. Dans L’École des ménages, il s’écoule entre les quatre premiers actes et le dernier un « laps de temps » de dix mois que Balzac demande que l’on concrétise par le seul baisser de rideau de toute la représentation [62]. Dans les pièces postérieures, temps et lieu sont de plus en plus souples ; si Vautrin se déroule en peu d’heures, c’est dans quatre décors différents pour cinq actes [63]. Quant à l’action des Ressources de Quinola, qui s’étire sur des mois, elle requiert une utilisation de l’espace qui correspond tout à fait aux récentes analyses de Georges Zaragoza sur l’espace théâtral romantique [64] : le prologue, situé à Valladolid, impose déjà deux changements de décor, puisque nous passons de la galerie de Philippe II (scènes 1 à 8) à « un cachot de l’Inquisition » (scènes 9 à 11), puis de nouveau à « la galerie du palais » pour les trois dernières scènes [65]. Le premier acte se déroule sur une place publique de Barcelone, avec à gauche et à droite deux logis nécessaires à l’action ; le deuxième acte et la fin du quatrième montrent l’intérieur du second de ces logis, celui de Faustine ; le troisième acte commence en pleine nuit dans « un intérieur d’écurie » ; le début du quatrième a lieu sur une autre place publique, avec effets de groupes, et dans le dernier, dont l’action principale prend place sur la terrasse de l’hôtel de ville de Barcelone, il faut que l’on voie au fond « la haute mer, les mâts des vaisseaux du port » [66]. Plus tard encore, dans La Marâtre, Balzac utilise d’abord un décor convenu et soigneusement décrit, celui du « salon assez orné » des Grandchamp, à droite duquel (pour le spectateur) donnent « les appartements de Pauline », leur fille [67] ; mais, en plein deuxième acte, pour les besoins d’un monologue, nous nous trouvons brusquement et brièvement transportés dans « la chambre de Pauline » (qui a curieusement fait demi-tour puisque « l’entrée est à droite » alors qu’on l’attendrait à gauche) [68] ; et dès que la scène peut revenir au salon, on remontre sans états d’âme « la première décoration » [69]. C’est paradoxalement Le Faiseur qui paraît marquer le retour à une forme de classicisme, puisque « la scène représente, pendant toute la pièce, le salon principal de l’appartement de Mercadet » [70].

31Mais de telles caractéristiques touchent-elles véritablement et essentiellement à la nature romantique ou non du théâtre de Balzac ? Non, sans doute. Nous constatons d’ailleurs que la recherche pourrait aussi bien s’orienter vers une période comme le XVIIIe siècle. Si Balzac n’a que peu subi l’influence de Marivaux, dont la cruauté psychologique n’est pas la sienne, ou de Diderot, qu’il connaissait peut-être mal comme le théoricien que nous saluons aujourd’hui, René Guise a déjà très bien dit qu’en revanche il a constamment admiré Voltaire et surtout Beaumarchais, avec lequel il a durablement rêvé de rivaliser. Il a cultivé l’Essai sur le genre dramatique sérieux, tentant de réussir avec L’École des ménages ce que Beaumarchais avait manqué dans Eugénie, pièce qui n’est pas sans avoir influencé aussi un projet reparaissant, tellement malléable et inclassable que je ne l’ai pas encore mentionné, celui de Richard Cœur-d’éponge [71] ; il aurait essayé, dans le genre mixte de Vautrin, de faire revivre la veine de La Mère coupable – dont s’inspire en partie aussi Paméla Giraud ; enfin, tentative plus risquée encore, dans Les Ressources de Quinola Balzac viserait la veine comique du Mariage de Figaro [72]. De telles « sources » vont plus loin que l’imitation, bien sûr, et nous invitent à dépasser le clivage entre classicisme et romantisme pour chercher dans le théâtre de Balzac ce qui est, tout simplement, original et, comme nous disons parfois sans assez réfléchir, « typiquement balzacien ».

32Lors des créations ou des reprises de pièces de Balzac entre 1850 et 1910, les critiques se sont souvent dits frappés par cette évidence, mieux perceptible après un certain nombre d’années, que Balzac était un des plus étonnants introducteurs du réalisme au théâtre. L’appellation typique de « tragédie bourgeoise », commune à L’École des ménages et à la version manuscrite de La Marâtre, va d’ailleurs dans ce sens. La première de ces deux pièces fut, on le sait, refusée le 24 février 1839 par le comité du théâtre de la Renaissance, qui, après le succès relatif de Ruy Blas et celui, plus net, de Diane de Chivry de Soulié, choisit de poursuivre dans une veine analogue avec L’Alchimiste de Dumas et Nerval, plutôt que de prendre des risques avec une pièce de caractère ambigu et dont, d’ailleurs, l’auteur était en retard. Balzac se découragea. René Guise n’hésite pas à penser qu’il eut tort : « Avec moins de scrupules, ou plus d’audace, il aurait pu risquer sa pièce [...]. Non seulement toute sa carrière d’auteur dramatique eût été changée, mais sans doute aussi, dans une large mesure, l’histoire de notre théâtre. » [73] Lorsque, le 12 mars 1910, Antoine en donne la création à l’Odéon, nombreux sont ceux qui, comme Jean Schlumberger, pensent que, jouée en 1839, « elle eût hâté de quinze ou vingt ans l’apparition du drame naturaliste » [74]. Déjà, dans La Marâtre qui, elle, fut représentée, et qui eût même sans doute fait carrière sans les désordres causés par la révolution de février, Gertrude de Grandchamp, la mère de l’héroïne, parle à propos d’eux tous de « ce drame domestique épouvantable » [75] ; et lorsque cette pièce fut reprise, en 1859, la presse se montra sensible à tout ce qui faisait ou aurait dû faire du théâtre de Balzac un théâtre de la relève : « En somme, note Francisque Sarcey, La Marâtre [...] est une révolution. Chapeau bas, s’il vous plaît ; c’est le réalisme qui prend possession du théâtre. » [76]

33Balzac réaliste ? en voilà une nouveauté ! Mais en arriver là ne veut-il pas, tout simplement, dire qu’en effet le théâtre de Balzac est passionnant parce qu’il est... balzacien ? Au-delà des compartimentations, lire ce théâtre et en suivre la genèse ramène sans cesse au cœur de son univers, de ses obsessions, de ses préférences. Ainsi pour Cromwell : exercice classique de collégien émoulu, certes ; mais voyez, en septembre 1819, cette demande à Laure, pendant qu’il travaille à la scène du deuxième acte entre le Roi et la Reine : « Il faut que cela soit sublime, tout le long dans le genre d’Atala de Girodet en peinture. Si tu as la fibre ossianique, envoie-moi des couleurs. » [77] Le seul nom de Girodet nous jette dans l’esprit – entre autres – La Maison du chat-qui-pelote et nous montre que c’est le même homme qui tient la plume, quoi qu’il écrive. Même remarque pour le premier acte (austère, il faut bien le dire) de Marie Touchet : on voit que ce n’est certes pas l’émule du drame pittoresque à la mode qui amorce cette réhabilitation de Charles IX, mais plutôt le penseur politique tendu qui, moins d’un an après l’abandon de cette œuvre, rédige Le Secret des Ruggieri, un des trois volets de son éloge de Catherine de Médicis [78]. Même l’éternel retour à Molière peut être lu moins comme la marque d’une docilité au classicisme que comme la référence à un absolu, au-delà de toute question d’école. Revenons, par exemple, à sa fascination pour Tartuffe : elle n’est pas nostalgique, comme pourrait le faire croire telle notation des Paysans [79], mais prospective, aussi bien chez le romancier, qui dit à Mme Hanska vouloir réussir « le Tartufe [sic] moderne » [80], que chez le dramaturge : ainsi, dans ce qui deviendra L’École des ménages, il s’agit de créer un personnage de « Tartuffe femelle » [81], et pour Balzac ce n’est pas un démarquage, mais tout un ambitieux programme moderne, qu’exprimerait aussi bien, l’année d’après, le désir de créer avec La Gina « un Othello femelle » [82]. Dans l’ébauche de 1823, Les Trois Manières, si Garrick incarne « le délirant génie de Shakespeare » et Lekain, plus étonnamment, « la chaste Melpomène de Racine [sic] » [83], on est en droit de penser que la troisième manière, dont ne parle pas ce texte parce que seules quelques lignes en ont été écrites, c’est celle de Molière, par qui seul devient accessible « le superbe privilège » de siéger sur « le trône de l’illusion » [84] : or n’est-ce pas là l’idéal même, si je ne m’abuse, du « réalisme » en littérature ?

34L’un des motifs qui doivent nous inciter à penser plus souvent au théâtre de Balzac, c’est ce constant va-et-vient entre projets de pièces et projets de roman, entre ambition théâtrale et conception de La Comédie humaine. Certaines de ces relations ont été étudiées, comme celle qui mène des Tableaux d’une vie privée, ébauche théâtrale de mai 1828, aux Chouans et à La Femme abandonnée [85]. René Guise en a indiqué d’autres, inaperçues ou incomplètement exploitées par ses prédécesseurs : de La Vieillesse de don Juan à L’Élixir de longue vie, ou d’Eugénie Grandet et du Père Goriot à Richard Cœur-d’éponge [86] ; ou, inversement, de César Birotteau à L’École des ménages [87]. Une lecture attentive du théâtre ne cesse, en fait, d’inviter à de tels rapprochements. Pour peu qu’un personnage de roman reparaisse au fil de longues années de création, on ne sait plus d’où provient l’impulsion initiale : lorsque le Vautrin théâtral dit de Raoul : « [...] c’est ma création [...]. Je respire par sa bouche, je vis de sa vie » [88], l’effet d’écho renvoie-t-il à l’ « avant » du personnage (Le Père Goriot, La Torpille) ou annonce-t-il son « après » (l’épilogue d’Illusions perdues, notamment) ? Il importe moins de fournir à cette question une réponse, que de vérifier grâce au théâtre l’importance, dans l’écriture balzacienne, de ce fameux thème de la « vie par procuration » – et sa précocité : dès 1822, Iago, le héros guenilleux du Lazaroni, contemplant le beau Manfred d’Avila qui ignore être son fils, se dit en le regardant s’éloigner : « [...] prospère et je serai dans la misère, riche de tout ce que tu posséderas. » [89] C’est déjà, si l’on veut, Balzac pauvre se rêvant riche à travers ses personnages : nous sommes ici au cœur de thèmes essentiels, et le nombre des analyses possibles à partir du théâtre s’accroît encore lorsque s’entrelacent éléments littéraires (liens entre théâtre et roman) et éléments autobiographiques ; René Guise en donne un magistral exemple lorsqu’il montre comment on passe des Ressources de Quinola aux Souffrances de l’inventeur, à la fois sur le plan de la genèse des personnages (Fontanarès et Marie préfigurent Ève et David) et par rapprochement avec les souffrances amoureuses de Balzac se heurtant au silence de Mme Hanska devenue veuve [90].

35Tentons quelques éléments de conclusion. La question de savoir si Balzac dramaturge est ou non romantique en pose, on le voit, bien d’autres. Si le classicisme du débutant qui peine sur Cromwell et se plaint de « ce que coûtent les compositions théâtrales, où il faut les trois unités, point d’invraisemblance, etc. » [91], ne fait guère de doute, très vite la difficulté de situer Balzac par rapport à ce qui s’écrit, au théâtre, à la même époque, devient plus vive. Pensons au Lazaroni, que j’évoquais il y a quelques lignes ; l’étonnant éventail que forment les noms des personnages suffit à montrer le caractère composite des influences (théâtrales ou non, d’ailleurs) qui s’exercent alors sur le jeune dramaturge : Manfred vient de Byron, son père, Iago, de Shakespeare ; les Montorio sortent de Maturin et Diana, de Walter Scott ; tout cela est bien romantique... mais s’ajoute une Rosine qui, dès 1822, atteste la présence de l’ombre inspiratrice de Beaumarchais [92]. Il faut donc dépasser ce clivage terminologique, y compris dans l’usage qu’en fait la critique de notre époque. Je commençais en relevant un piquant exemple d’emploi acritique de la notion de romantisme, à propos du style de Vautrin : partout chez Balzac on pourrait commenter de même d’autres passages « exaltés », et sans aboutir davantage à des classements satisfaisants. Si le brouillon de monologue de Richard Cœur-d’éponge, dans la première ébauche de 1835, pullule de ressemblances allant jusqu’à l’identité textuelle avec les lamentations du père Goriot durant son agonie, rédigée quelques mois plus tôt [93], et s’il est passionnant de se demander ce que Balzac aurait pu faire de ce monologue dans une pièce menée à bien où Richard, père amoureux, se fût de façon bien intéressante placé à la suite du Triboulet du Roi s’amuse, il n’en reste pas moins que ni la ressemblance interne (Balzac-Balzac) ni l’analogie externe (Balzac-Hugo... une fois de plus) n’aident à répondre à la question du romantisme du style balzacien.

36J’en reviendrai donc, au risque de décevoir quiconque espérait une « solution », à l’idée qu’avant d’être ou non romantique, Balzac est non seulement un romancier mais un auteur de théâtre soucieux de profondeur. Bien sûr, il a souvent travaillé (ou envisagé de le faire) pour un théâtre ou pour un artiste, mais René Guise a montré que, hors quelques tentatives de spéculation (d’ailleurs avortées), il a cherché en lui-même, et non dans l’opportunisme ou la soumission à des modes, le moyen de s’imposer par des œuvres fortes au théâtre [94]. C’est souvent la presse qui a rabaissé et mal compris le sens de ses efforts ; lorsque Harel aux abois accepte Vautrin, il suffit qu’on sache que c’est Frédérick Lemaître qui créera le rôle pour que Balzac se trouve pris dans une spirale réductrice née de L’Auberge des Adrets et de Robert Macaire : on s’attend à un mélodrame. Or Vautrin en est bien un, à certains égards – mais en même temps la piste est fausse. Balzac se situe ailleurs, dans la recherche de ce qu’il appelle avec audace le « vrai absolu » : ces mots, tirés d’une lettre à Armand Pérémé sur son désir de réussir au théâtre [95], sont du 11 décembre 1838, un mois après Ruy Blas ; c’est dire l’écart que Balzac ressent entre sa visée esthétique et le drame tel qu’il s’écrit. Un an et demi plus tôt, se référant encore une fois à Molière et à Beaumarchais, non comme à des classiques mais comme à des maîtres, il opposait aux « misérables mélodrames de Hugo » sa volonté d’écrire un chef-d’œuvre, « une statue immortelle » comme « Le Misanthrope et Figaro » [96]. Il confiait, peu après, combien la difficulté de réaliser cette volonté « donne une profonde admiration pour les grands génies qui ont laissé leurs œuvres au théâtre » [97], et il précisait :

« Ce que j’aperçois en ce moment c’est l’immense jugement qu’il faut au poète comique. Il faut que chaque mot soit un arrêt prononcé sur les mœurs de l’époque, et il ne faut pas choisir les sujets minces ni mesquins, il faut entrer dans le fond des choses, en sorte qu’il faut constamment embrasser l’état social et le juger sous une forme plaisante, il y a mille choses à dire, et il ne faut dire que la bonne, en sorte qu’il y a mille pensées rebutées sous une expression qui demeure [...]. Il va sans dire que j’entends parler d’une œuvre de génie, car pour les 30 000 pièces qu’on nous a données depuis quarante ans, rien n’est plus facile à faire. » [98]

37Ces déclarations sans ambiguïté renvoient donc, apparemment, à une autre question : Balzac avait-il les moyens littéraires de réaliser ses ambitions dramaturgiques ? Non, répond A. Brisson se plaignant avec condescendance, lors d’une reprise du drame de 1840, de ce que « le Vautrin qui mène l’action ne reproduit que la silhouette du génie créé par le romancier visionnaire » [99]. Oui, estime au contraire Hippolyte Rolle, dévoilant dans son feuilleton le projet des Petits Bourgeois : Balzac, dit-il avec chaleur,

« a le style, la sagacité, le trait vif et mordant, le coup d’œil pénétrant, l’observation pénétrante, son rare esprit et ce trésor inépuisable d’analyses savantes, de verve originale et de brillantes saillies. Depuis longtemps M. de Balzac fait de la comédie dans ses romans et de la meilleure. Il est temps qu’il en fasse pour le Théâtre [...] » [100].

38Mais peut-être ni le contempteur (qui a raison de dire que Vautrin n’est pas très réussi) ni le louangeur (qu’emporte sans doute son enthousiasme pour l’œuvre romanesque) ne se placent-ils sur le bon terrain ; et peut-être est-ce au contraire Jules Claretie qui voit juste lorsque, toujours à propos de la pièce de 1840, il écrit : « Il faut bien connaître Balzac pour comprendre ce drame de Vautrin où l’on retrouve l’auteur tout entier » [101] : en faisant passer avant tout jugement de valeur, avant tout classement, l’idée d’une osmose fondamentale entre l’univers romanesque et l’univers théâtral, n’élève-t-il pas le débat à son vrai niveau, celui de la création pour la postérité ?

Notes

  • [1]
    Voir OD, II, p. 677-690, et P. B., « Le spectateur balzacien », AB 2000, p. 279.
  • [2]
    8 avril 1842, LH, t. II, p. 60 ; LHB, t. I, p. 566. Ambiguïté parce que Balzac a bien cherché cette bataille par la maladresse avec laquelle il a organisé l’occupation de la salle le jour de la première (voir la récapitulation de René Guise, BO, t. XXII, p. 765-767).
  • [3]
    Le Théâtre inédit d’Honoré de Balzac, édition critique d’après les manuscrits de Chantilly, publiée par Douchan Z. Milatchitch, Hachette, 1930. Avant cette édition avaient été révélés L’École des ménages (éd. Spoelberch de Lovenjoul, Carteret, 1907) et Cromwell (éd. de W. S. Hastings, Cité des Livres, 1925).
  • [4]
    Travaux, hélas, d’accès inégalement aisé. On peut consulter facilement sa longue étude « Un grand homme du roman à la scène ou les illusions reparaissantes de Balzac », publiée dans L’Année balzacienne de 1966 à 1969, et qui constitue à elle seule l’équivalent d’un livre (cent cinquante pages de la revue) ; mais sa magistrale édition critique du théâtre, dont les notes truffées de savoir et d’intelligence ont largement nourri le présent article, n’existe, on le sait, que dans l’ensemble inachevé et hors-commerce des Œuvres complètes de Balzac dirigées par Jean Ducourneau (BO, t. XXI à XXIII, 1969-1971). Cela peut expliquer la rareté des références à René Guise dans un livre aussi remarquable que le récent essai de Linzy Dickinson, Theatre in Balzac’s « La Comédie humaine » (Amsterdam & Atlanta, Rodopi, 2000 ; voir mon compte rendu, RHLF, juillet-août 2001, p. 1307).
  • [5]
    « Le premier Vautrin de Balzac (1839) et son texte inédit », RHLF, janvier-mars 1930, p. 1-22.
  • [6]
    BO, t. XXII, p. 3-4.
  • [7]
    Ibid., p. 647, n. 1.
  • [8]
    Ibid., p. 135-136.
  • [9]
    Ibid., p. 4-5.
  • [10]
    Ibid., p. 136-137.
  • [11]
    Ibid., p. 667, n. 7.
  • [12]
    Voir ce « Répertoire » dans BO, t. XXIII, p. 523-574.
  • [13]
    Michel Lévy Frères, 1848. Fac-similé de cette page de titre, BO, t. XXIII, face à la p. 54.
  • [14]
    Lov. A 128, fo 1. Voir BO, t. XXIII, p. 402.
  • [15]
    Voir le « Répertoire », ibid., p. 571 ; il ne reste rien d’un éventuel début de rédaction.
  • [16]
    BO, t. XXI, p. 203-207.
  • [17]
    Pensées, sujets, fragmens, Lov. A 182, fo 50, et « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 528.
  • [18]
    Sic, avec les traits d’union (BO, t. XXI, p. 271-275).
  • [19]
    À Mme Hanska, 16 avril 1848 (LH, t. IV, p. 314 ; LHB, t. II, p. 805).
  • [20]
    Balzac la voit « accompagnée d’un luxe effrayant de costumes et de décors » (à Mme Hanska, loc. cit.).
  • [21]
    Voir « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 563-565 et 567-569. Il ne nous reste rien d’aucune des deux pièces.
  • [22]
    BO, t. XXI, p. 223-227. Un autre roman de Cooper, L’Espion, dont Balzac s’était déjà inspiré pour certaines pages des Chouans, lui donna en novembre 1843 l’envie d’écrire pour Frédérick Lemaître un drame qu’il aurait intitulé Le Héros ignoré, mais, suite au refus de l’acteur, rien n’en fut écrit (voir « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 549-550).
  • [23]
    Ibid., p. 277-322 ; et voir p. 586-590 l’importante note par laquelle René Guise, contre l’opinion de Milatchitch qui attribuait ces pages au seul Grammont, en rend la paternité à Balzac. Marie Touchet (1549-1638) fut la maîtresse de Charles IX.
  • [24]
    BO, t. XXI, p. 89-91.
  • [25]
    Voir « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 552-553 et 539-540. Ces deux titres font partie d’une liste de six projets de mélodrames figurant avec d’autres titres sur un feuillet de [février ?] 1822 intitulé « Ordre du jour » (Lov. A 202, fo 28, et BO, t. XXIII, p. 594-595).
  • [26]
    BO, t. XXI, p. 191-202.
  • [27]
    La note du comité figure dans Corr., t. I, p. 217 et est reproduite dans BO, t. XXI, p. 538.
  • [28]
    Titres figurant dans l’ « Ordre du jour » déjà cité, BO, t. XXIII, p. 594.
  • [29]
    Voir ce plan dans BO, t. XXI, p. 1-6 et le commentaire fouillé de René Guise, ibid., p. 509-511.
  • [30]
    Lov. A 182, fo 53. Voir les hypothèses de René Guise, « Répertoire », p. 551.
  • [31]
    Voir ibid., p. 553. Sur le même feuillet, publié ibid., p. 602, on relève entre autres le projet d’une adaptation théâtrale des Marana, peut-être destinée à Marie Dorval.
  • [32]
    BO, t. XXI, p. 268 (seul Dubois semble venir plutôt des Fausses Confidences).
  • [33]
    Ibid., p. 209-213. Il faut peut-être identifier cette ébauche au projet intitulé Garrick dans la liste de 1822 (voir ci-dessus et la n. 28).
  • [34]
    BO, t. XXIII, p. 19-44.
  • [35]
    Voir la lettre du 28 mai 1848 (LH, t. IV, p. 367 ; LHB, t. II, p. 849). Tout ce qui subsiste effectivement (une liste de personnages calligraphiée et une quinzaine de lignes de notes) figure dans BO, t. XXIII, p. 206-207.
  • [36]
    LH, t. I, p. 272 ; LHB, t. I, p. 206 ; et, pour le « Bulletin », Lov. A 202, fo 14, reproduit dans BO, t. XXIII, p. 600.
  • [37]
    Titres figurant dans une liste de l’album Pensées, sujets, fragmens (Lov. A 182, fo 51, reproduite dans BO, t. XXIII, p. 598).
  • [38]
    Sur ces projets durables, mais tous avortés, voir la parfaite « notice d’ensemble » de René Guise dans le « Répertoire », BO, t. XXIII, p. 532-539.
  • [39]
    BO, t. XXI, p. 247-249 (L’Élixir a été publié dans la Revue de Paris du 24 octobre de la même année).
  • [40]
    Voir BO, même volume, p. 215-217, et le commentaire p. 559.
  • [41]
    Illusions perdues, Pl., t. V, p. 337.
  • [42]
    Cromwell, III, 1, BO, t. XXI, p. 42.
  • [43]
    Corr., t. I, p. 65.
  • [44]
    À sa sœur Laure, 30 octobre 1819 (Corr., t. I, p. 50) ; cf. déjà, à la même, le 6 septembre : « [...] je ne dois pas travailler pour le goût actuel, mais comme ont fait les Racine, les Boileau [...] » (ibid., p. 36).
  • [45]
    Voir BO, t. XXI, p. 552.
  • [46]
    À Mme Hanska, 31 mai 1848 (LH, t. IV, p. 372 ; LHB, t. II, p. 853).
  • [47]
    René Guise, BO, t. XXII, p. 772.
  • [48]
    « Note pour les Costumes du prologue », BO, t. XXII, p. 776.
  • [49]
    Voir Le Faiseur, IV, 3, BO, t. XXIII, p. 340. Plus haut dans la même pièce, Sganarelle était déjà évoqué par Mercadet lui-même dans un aparté où, par ailleurs, il traite son valet Justin de « demi-Frontin » (ibid., II, 1, p. 259).
  • [50]
    Corr., t. I, p. 63. Balzac, qui plus tard demanda avec tant d’insistance à ce qu’on imprimât toujours « mademoiselle » en toutes lettres, écrit bien « Mlle » en abrégé.
  • [51]
    Ce nom est bien imprimé partout avec un accent grave.
  • [52]
    Paméla Giraud, I, 5, BO, t. XXII, p. 315-316 (et Horace, III, 6, v. 1021).
  • [53]
    Ibid., IV, 2, p. 356 (et Le Cid, III, 4, v. 963).
  • [54]
    Le Nègre, I, 1, BO, t. XXI, p. 95-96.
  • [55]
    C’est Philippe-le-Réservé dont j’ai parlé plus haut.
  • [56]
    Vautrin, I, 5, BO, t. XXII, p. 141.
  • [57]
    L’École des ménages, III, 8, BO, t. XXI, p. 437.
  • [58]
    L’œuvre de Donizetti, créée au théâtre San Carlo de Naples le 16 septembre 1835, fut donnée pour la première fois au Théâtre-Italien le 12 décembre 1837.
  • [59]
    Ruy Blas, IV, 8, v. 2016, et Vautrin (première version), III, 3, BO, t. XXII, p. 43.
  • [60]
    Vautrin (deuxième version), III, 2, BO, t. XXII, p. 191.
  • [61]
    C’est le quatrième, qui a lieu « dans la salle des séances du Parlement », les autres ayant pour cadre l’entrée des tombeaux des rois, à Westminster (BO, t. XXI, p. 8).
  • [62]
    Ibid., p. 324.
  • [63]
    Certes, les actes I, II et V ont bien lieu tous les trois à l’hôtel de Montsorel ; mais le dernier se déroule explicitement dans un autre salon que les deux premiers (voir BO, t. XXII, p. 135, 155, 249).
  • [64]
    Voir son suggestif essai, Faire jouer l’espace dans le théâtre romantique européen, Champion, 1999, et notamment ses remarques sur « L’exploitation de l’espace invisible » (p. 264-280).
  • [65]
    BO, t. XXII, p. 448, 464, 468.
  • [66]
    Ibid., successivement p. 477, 536, 569, 580, 597. Balzac n’a pas osé, cependant, montrer au spectateur le bateau de Fontanarès, qui n’ « existe » que par le regard de Faustine accoudée à la terrasse (p. 597) et dont la destruction n’est figurée que par « un grand bruit », hors scène (p. 604).
  • [67]
    BO, t. XXIII, p. 47.
  • [68]
    Scène 9, ibid., p. 107.
  • [69]
    Scène 11, ibid., p. 112.
  • [70]
    Même volume, p. 210.
  • [71]
    Voir le dossier établi par René Guise dans BO, t. XXII, p. 738-749.
  • [72]
    Voir essentiellement ibid., p. 636-640, 703, 772-773. René Guise pense de même que Le Faiseur a pu tirer certains de ses éléments des Deux Amis (voir t. XXIII, p. 475). Et pour un exemple, entre autres, de l’admiration que Balzac vouait à Beaumarchais, voir la lettre à Mme Hanska du 7 novembre 1837 sur les décourageantes « difficultés » qui s’opposent à l’écriture d’une comédie (LH, t. I, p. 559-560 ; LHB, t. I, p. 424).
  • [73]
    BO, t. XXI, p. 603.
  • [74]
    Nouvelle Revue française, 1er mai 1910, p. 681, cité ibid.
  • [75]
    Acte V, scène 10, BO, t. XXIII, p. 201.
  • [76]
    L’Opinion nationale, 12 septembre 1859, cité dans BO, t. XXIII, p. 421. Le dossier de presse détaillé de la pièce, en 1848 et en 1859, figure dans AB 1967, p. 269 et s.
  • [77]
    Corr., t. I, p. 39.
  • [78]
    Voir à ce sujet les remarques convaincantes de René Guise, BO, t. XXI, p. 589.
  • [79]
    « Molière est mort trop tôt, il nous aurait montré le désespoir d’Orgon [...] » (Pl., t. IX, p. 131).
  • [80]
    Il s’agit du projet de roman qui deviendra Les Petits Bourgeois (17 décembre 1843, LH, t. II, p. 309 ; LHB, t. I, p. 754) ; quinze jours plus tard Balzac parle à nouveau de réussir « le Tartufe de n[otre] temps » (1er janvier 1844, LH, t. II, p. 328 ; LHB, t. I, p. 768).
  • [81]
    L’expression se trouve dans une lettre à Mme Hanska (12 février 1837) où est par ailleurs perceptible la filiation entre ce projet de pièce « d’une extrême violence » et le drame familial exposé en 1830 dans La Maison du chat-qui-pelote (voir LH, t. I, p. 486 ; LHB, t. I, p. 367 ; et BO, t. XXI, p. 595).
  • [82]
    À Mme Hanska, 17 septembre 1838 (LH, t. I, p. 614 ; LHB, t. I, p. 464). Cet « Othello retourné » (ibid.) aurait été un drame en cinq actes ; le 12 février 1839, Balzac compte encore l’écrire, mais rien n’est resté d’un éventuel commencement de rédaction.
  • [83]
    BO, t. XXI, p. 211.
  • [84]
    Ibid., p. 213.
  • [85]
    Voir l’article fondateur de Madeleine Fargeaud, AB 1962, p. 51-66.
  • [86]
    Voir BO, t. XXI, p. 573-575, et t. XXII, p. 741-742.
  • [87]
    Voir ibid., p. 600, où René Guise réinterprète de façon suggestive les indications données par Pierre Laubriet dans son édition du roman (Classiques Garnier, 1964).
  • [88]
    Vautrin, III, 3, BO, t. XXII, p. 200.
  • [89]
    Le Lazaroni, I, 1, BO, t. XXI, p. 195.
  • [90]
    Voir BO, t. XXII, p. 773-774.
  • [91]
    À Laure, lettre citée, Corr., t. I, p. 63.
  • [92]
    Pour plus de détails, voir BO, t. XXI, p. 549-550.
  • [93]
    BO, t. XXI, p. 415-416.
  • [94]
    Voir la série des articles de L’Année balzacienne, passim, et l’ « Introduction » au théâtre de Balzac dans BO, t. XXI, notamment p. XVII-XXXI.
  • [95]
    Corr., t. III, p. 483.
  • [96]
    À Mme Hanska, 3 juin 1837 (LH, t. I, p. 512 ; LHB, t. I, p. 388).
  • [97]
    À la même, 7 novembre 1837 (LH, t. I, p. 553-554 ; LHB, t. I, p. 419).
  • [98]
    Même lettre (LH, t. I, p. 559 ; LHB, t. I, p. 423-424).
  • [99]
    Le Temps, 8 octobre 1917, cité dans BO, t. XXII, p. 632.
  • [100]
    Le Constitutionnel, 8 août 1848, cité ibid., p. 458. La majuscule s’explique si l’on prolonge la citation – ce qui en amoindrit un peu la portée ! – : « Il est temps qu’il en fasse pour le Théâtre de la République qui en a si grand besoin. »
  • [101]
    L’Opinion nationale, 5 avril 1869, cité dans BO, t. XXII, p. 632.
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