Ballast 2015/1 N° 2

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Article de revue

Mohamed Saïl

Pour un communisme libertaire

Pages 98 à 113

Notes

  • [1]
    Archives départementales, Saint-Quentin-en-Yvelines : 2 M 11/18 et 25, 4 M 2/67 et 68, 4 M 2/81, 5 M 56.
  • [2]
    M. Saïl, « Le calvaire des indigènes algériens », Le Libertaire, n° 242, 16 août 1924 – voir le recueil Appels aux travailleurs algériens, Fédération anarchiste, 1994, pp. 6-8.
  • [3]
    M. Saïl, « À bas l’indigénat », Le Flambeau, n °22, 1er-15 novembre 1924.
  • [4]
    O. Le Cour Grandmaison, Coloniser, exterminer, Fayard, 2006, p. 248.
  • [5]
    M. Saïl, « Le calvaire des indigènes algériens », op. cit.
  • [6]
    M. Saïl, « Le centenaire de la conquête de l’Algérie », La Voie libertaire, n° 30, 21 septembre 1929, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 8-10.
  • [7]
    A. de Tocqueville, De la colonie en Algérie, Éditions Complexe, 1988, p. 100.
  • [8]
    « L’Algérie française », Le Temps, 4 mai 1930.
  • [9]
    A. Camus, Chroniques algériennes, Folio essais, 2002, p. 50.
  • [10]
    Extrait de son journal, 1952, cité par G. Heuré, L’insoumis, Viviane Hamy, 2006, p. 190.
  • [*]
    « On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » A. Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, 2004, pp. 23-24.
  • [11]
    M. Saïl, « À l’opinion publique », La Voie libertaire, n° 55, 15 mars 1930, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 10-11.
  • [12]
    M. Saïl, « Peuple algérien, debout ! », L’Éveil social, n° 2, février 1932, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 12.
  • [13]
    M. Saïl, « Le calvaire des travailleurs nord-africains », Le Libertaire, n°276, 6 juillet 1951, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 29-30.
  • [14]
    M. Saïl, « Le calvaire des travailleurs nord-africains », Le Libertaire, n°273, 15 juin 1951, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 26.
  • [15]
    Voir T. Ramadan, Muhammad, vie du Prophète, Presses du Châtelet, 2006, p. 316.
  • [16]
    M. Saïl, « La mentalité kabyle », Le Libertaire, n° 257, 16 février 1951, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 24-26.
  • [17]
    M. Saïl, « La “Civilisation française” en Algérie », Terre libre, n °20, décembre 1935, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 19.
  • [**]
    Ou, plus récemment, André Santini : « Les Berbères sont des laïcs, ils pratiquent un islam modéré. Ils ont un caractère tolérant, ils ont notre conception de la laïcité. Ils se regroupent sans être arrogants et ne sont pas envahissants » et Claude Goasguen : « Ils ont un culte musulman moins intégriste que les autres, car ils ont été islamisés plus tardivement ». Voir l’ouvrage Marianne et Allah de Vincent Geisser & Aziz Zemouri, La Découverte, 2006.
  • [18]
    M. Saïl, « Le centenaire de la conquête de l’Algérie », op. cit.
  • [19]
    M. Saïl, « Peuple algérien, debout ! », op. cit.
  • [20]
    M. Saïl, « La mentalité kabyle », op. cit.
  • [21]
    Ibid.
  • [22]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 21 janvier 1952 (Archives Georges Fontenis/IISG Amsterdam).
  • [23]
    P.-J. Proudhon, Carnets, tome II, 1847-1848, Paris, Marcel Rivière, 1961, carnet n° 5, p. 133.
  • [24]
    M. Saïl, « L’idéal du Parti communiste », Le Libertaire, n° 341, 24 novembre 1924, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 5-6.
  • [25]
    M. Saïl, « Réponse au Secours rouge », L’Éveil social, n° 2, février 1933, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 13-14.
  • [26]
    Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 2.
  • [27]
    M. Saïl, « Aux travailleurs algériens », Le Libertaire, n° 22, 25 mars 1946, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 23.
  • [28]
    M. Saïl, « La mentalité kabyle », op. cit.
  • [29]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 21 janvier 1952, op. cit.
  • [30]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 13 avril 1953, op. cit.
  • [31]
    D. Guérin, L’Anarchisme, Folio essais, 2009, p. 94.
  • [32]
    Voir M. Caballero Pérez, Les Treize dernières heures de la vie de Federico García Lorca, Indigènes, 2014.
  • [33]
    Cité par A. Paz, Durruti, le peuple en armes, La Tête de Feuilles, 1972, p. 391.
  • [34]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 21 janvier 1952, op. cit.
  • [35]
    M. Saïl, « Lettre du front », L’Espagne antifasciste, n° 17, 4 novembre 1936, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 22.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 13 avril 1953, op. cit.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Ibid.
« Tous ensemble, nous édifierons un règne sans classes, […] où il n’existera ni maîtres ni valets, mais seulement des hommes égaux. »
M. S.
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Ines Zgonc, 2007.

1L’homme n’était pas un poète mais un poète dédia à l’homme quelques-uns de ses vers. « Étranges étrangers / Vous êtes de la ville / vous êtes de sa vie / même si mal en vivez / même si vous en mourez. » Signés Jacques Prévert.

2Étranger puisqu’il naquit loin de la capitale et de sa Seine chère à l’auteur – un village kabyle du nom de Taourirt (« colline »), au nord de l’Algérie. 14 octobre 1894 : ce fut le jour où Saïl, né Mohand Amezian ben Ameziane Saïl, vint au monde, qui continuait de tourner mal : le capitaine Dreyfus était arrêté puis condamné en métropole ; Nicolas II, tsar de Russie, héritait du pouvoir ; Tombouctou tombait aux mains des troupes impérialistes françaises. L’étranger – l’historien Benjamin Stora le tient pour l’un des premiers anarchistes algériens connus – ne dit pourtant plus rien à personne, ou presque : la France ignore tout de ce Nord-Africain qui lui rappellerait, sans nul doute, un passé par trop amer ; l’Algérie ne saurait que faire, très certainement, d’un Kabyle anarchiste et pourfendeur de Dieu.

3Nous avons consulté les archives des services de police, dans les Yvelines [1] : le nom de Saïl figure à plusieurs reprises dans leurs notes et fiches – « Revenu blessé en décembre 1936 » ; « Cette réunion était présidée par le nommé SAIL MOHAMED » ; « SAIL MOHAMED travaillerait à Paris comme chauffeur-livreur » ; « Il a été et serait peut-être encore gérant du journal anarchiste L’Éveil social » ; « Il vit maritalement avec la veuve SAGOT », etc. La mémoire sait souvent se faire ingrate – portrait d’un caillou dans les chaussures de la Méditerranée.

L’anticolonialiste

4L’Algérie de sa naissance est un département français depuis près de cinquante ans. Les autorités hexagonales ont écrasé les dernières révoltes et la Kabylie (500 000 hectares de terres lui furent confisqués en 1871) ne put que rendre les armes. La République marche dans les pas du Second Empire mais c’est au nom des Droits de l’homme que le sang a désormais le privilège de couler.

5Sa vie durant – qu’il passera dans sa nation natale, en France et en Espagne – Saïl sera un ardent anticolonialiste. À l’âge de trente ans, il fustige dans Le Libertaire[2] les « pirates rapaces » et les « canailles sanguinaires » qui assujettissent l’Algérie au nom de la Civilisation. La République, écrit-il, n’a rien à envier au fascisme : tous deux communient dans l’arbitraire et le désir de rabaisser. La même année (nous sommes en 1924), il publie dans Le Flambeau[3], journal qui se présente comme celui « des Groupes libertaires d’Afrique du Nord », un réquisitoire contre l’occupation de son pays. Ses mots cisaillent, tonnant contre la faim, la misère, les exactions et les humiliations qui ravagent sa terre, contre « l’ignorance, l’abrutissement dans lesquels vous nous maintenez pour mieux nous tenir sous votre joug », contre ce régime « de servitude et de trique » et la condition de « parias » dans laquelle son peuple est maintenu. « C’est notre sol natal, que de pères en fils nous fécondons de notre labeur : vous êtes venus nous déposséder, nous voler nos biens et, sous prétexte de civilisation, vous nous obligez maintenant, pour ne pas mourir de faim, à trimer comme des forçats, pour votre profit, contre un salaire de famine. » Pour étouffer la contestation et pour faire marcher au pas ce peuple rançonné, le pouvoir, poursuit-il, a institué le Code de l’indigénat. « Une honte pour une nation moderne. »

6Adopté en 1881, il officialisait la distinction – et, dès lors, la discrimination – entre les citoyens français (issus de la métropole ou de l’Europe) et les sujets français (indigènes musulmans). L’historien Olivier Le Cour Grandmaison écrit ainsi, dans son essai Coloniser, exterminer  : « Le Code relève d’un “pouvoir” plus “disciplinaire” qui, reposant sur la multiplication d’obligations diverses, a pour fonction de surveiller, de contrôler et d’inculquer parfois de nouvelles manières d’être et d’agir. Établies pour assurer au jour le jour la soumission des “indigènes”, ces obligations saturent en quelque sorte leur existence ; peu de domaines échappent en effet à leur emprise[4]. » Il sera aboli en 1946. Et Saïl d’exhorter les hommes de bonne volonté, d’où qu’ils soient, à lutter pour « la suppression de l’odieux régime de l’Indigénat qui consacre notre esclavage ». Il réclame pour les siens le droit à une vie digne et libre, avant de conclure son article d’une exclamation prophétique : « Prenez garde gouvernants, au réveil des esclaves ! » (dans Le Libertaire, il usait peu auparavant d’une formule assez similaire  : « Prenez garde qu’un jour les parias en aient marre et qu’ils ne prennent les fusils[5] »). Trente ans plus tard, le FLN surgira d’une nuit de novembre, armé et prêt à tout pour abattre le régime colonial.

7En 1929, Saïl dénonce dans La Voie libertaire[6] « les folliculaires appointés des grands bourreurs de crânes [qui] proclameront, en de massives colonnes, les vertus civilisatrices de la France ». Voilà un siècle que les troupes françaises ont débarqué dans la baie de Sidi-Ferruch pour s’emparer de l’Algérie – dès 1841, Tocqueville notait dans son effroyable Travail sur l’Algérie que la ville d’Alger « est le centre de notre puissance en Afrique[7] ». La République s’apprête, trompettes et bravos, hourras et homélies, à commémorer sa prise.

8Ainsi du quotidien Le Temps, chantant pour l’occasion : « [La célébration du centenaire de l’Algérie française] évoque un événement qui a eu d’incalculables conséquences pour la grandeur, la sécurité et la prospérité de notre pays, qui a en quelque sorte exalté les destinées nationales, et qui nous a valu la plus substantielle “réussite” de toute notre histoire. […] Sans notre empire exotique sur lequel le soleil ne se couche pas, nous ne serions pas une puissance mondiale. […] Responsable aux yeux des peuples civilisés de l’Algérie où elle s’était installée, la France se devait d’en faire un chef-d’œuvre français. Ce chef-d’œuvre, elle l’a réalisé. Tous les régimes qui, depuis un siècle, se sont succédé dans notre pays, ont travaillé de tout leur cœur à l’Algérie française. […] Abd el Kader, guerrier chevaleresque digne de nos grands soldats, a pu nous combattre avant de nous aimer : en luttant contre nous à l’époque héroïque de la conquête, les indigènes algériens luttaient, sans le savoir, contre eux-mêmes. Ils s’en sont vite aperçus. Ils ont compris que l’hégémonie française, c’était la paix française, l’ordre, la prospérité ; qu’à l’anarchie et à la barbarie allaient se substituer la civilisation et le progrès[8]. »

9Mohamed Saïl est alors secrétaire du Comité de défense des Algériens contre les provocations du centenaire. Où réside-t-il à ce moment ? Très certainement en France, bien qu’il soit parfois difficile de connaître les dates et durées de ses déplacements (aucun ouvrage biographique n’a, à ce jour, été publié – et les informations existantes, au conditionnel ou non, se contredisent parfois, jusqu’à sa propre identité sur les très rares photographies qu’il existe de lui !) : on ne sait quand il arriva en France pour la première fois, et il semblerait fort qu’il soit retourné en Algérie entre 1924 et 1926. Saïl s’élève donc contre la foire coloniale que sera ce centenaire : « Que nous a donc apporté cette France si généreuse dont les lâches et les imbéciles vont partout proclamant la grandeur d’âme ? Interrogez un simple indigène, tâchez de gagner sa confiance. L’homme vous dira de suite la lamentable situation de ses frères et l’absolue carence de l’administration française devant les problèmes d’importance vitale. La presque totalité de la population indigène vit dans la misère physique et morale la plus grande. Cette misère s’étale largement. Dans les villes d’Algérie, ce ne sont, la nuit venue, que gens déguenillés couchés sous les arcades, sur le sol. Dans les chantiers, les mines, les exploitations agricoles, les malheureux indigènes sont soumis à un travail exténuant pour des salaires leur permettant à peine de se mal nourrir. Commandés comme des chiens par de véritables brutes, ils n’ont pas même la possibilité de recourir à la grève, toute tentative en ce sens étant violemment brisée par l’emprisonnement et les tortures. N’ayant aucun des droits de citoyen français, soumis à l’odieux et barbare code de l’indigénat, les indigènes sont traînés devant des tribunaux répressifs spéciaux et condamnés à des peines très dures pour des peccadilles qui n’amèneraient, dans la métropole, qu’une simple admonestation. Toute presse indigène étant interdite, toute association étant vite dissoute, il ne subsiste, en Algérie, aucune possibilité de défense pour les malheureux indigènes spoliés et exploités avec la dernière crapulerie qui puisse exister. »

10La plume ne cille pas : elle perce la plaie sans crier gare. Saïl frotte le fard, écaille le vernis. Les Lumières mentent et le Progrès a des parfums de viande crevée. Dix ans plus tard, Albert Camus fera lui aussi état de la détresse qui affecte la région dont Saïl est originaire : Misère de la Kabylie donne à lire le surpeuplement, l’indigence, les enfants en loques, la pauvreté inouïe des gourbis, le chômage, l’iniquité fiscale et salariale… On sait Camus peu enclin aux franches colères comme au verbe inflexible et furieux (modestie d’un homme toujours entre deux eaux : il pense sans bruit et agit en coulisse), mais l’écrivain l’assure cette fois sans doigt sur la couture : « Je suis forcé de dire ici que le régime du travail en Kabylie est un régime d’esclavage[9]. » Les valets de pied du pouvoir aiment à polir l’un des seuls arguments dont ils disposent (le présent reste encore de mise, à lire ou entendre certains – anonymes, élus ou lettrés) : les apports techniques. Les barrages, centrales hydrauliques, réseaux électriques, voies ferrées, ports, aérodromes, écoles et routes en dur passent massacres et tortures par pertes et profits. Il serait à l’évidence absurde de le nier, mais rien n’est plus sinistre que cette compatibilité de pense-petit : « Mille kilomètres de route ne compensent pas un seul acte de cruauté ou de goujaterie[10] », écrira Léon Werth, deux ans après la parution du Discours sur le colonialisme de Césaire[*]. Saïl tourne en dérision lesdits apports matériels (« Beau progrès, vraiment ! ») et achève son texte en même temps que son ennemi : « Le groupe anarchiste algérien est décidé à démontrer à l’opinion publique vos crimes, vos ignominies que vous voulez baptiser du mot “civilisation”. »

11Un an plus tard, il publie une nouvelle tribune dans le même périodique [11] et tance tour à tour la métropole – du moins les ploutocrates et les officiels qui jurent parler en son nom – et les exploiteurs arabes : les caïds (fonctionnaires indigènes œuvrant pour l’État français), la vieille aristocratie féodale et les représentants religieux (en mai 1925, il avait été incarcéré en Algérie après avoir vilipendé, dans un café kabyle, « le régime des marabouts qui bernent les populations »). L’Algérie doit donc, estime l’anarchiste, s’affranchir de ces deux tutelles. Et Saïl d’insister : le peuple français, celui des travailleurs et des humbles, n’est pas coupable des turpitudes coloniales – d’où son appel à fédérer les masses hexagonales et algériennes pour, de concert, renverser leurs maîtres qui les mènent à la baguette et au fouet des deux rives de la Méditerranée. Nulles divisions communautaires (ethniques ou religieuses) chez Saïl : les bourreaux, de partout, sont de la même race. Sa ligne de démarcation est franche et nette – les petits, Nord-Africains et Blancs, contre les puissants, Nord-Africains et Blancs. « Fraternellement unis, ils sauront s’en débarrasser pour fêter ensemble leur affranchissement. » Mohamed Saïl adhère d’ailleurs à la Confédération générale du travail – Syndicaliste révolutionnaire, créée en France en 1926, et fonde en son sein la Section des indigènes algériens. En 1932, il appelle, dans le journal dont il est alors le gérant, L’Éveil social, le « peuple algérien, peuple esclave[12] » à se lever et, un an plus tard, évoque l’exil – sans doute fait-il écho, en creux, au sien propre – comme l’une des possibilités pour l’indigène algérien, fût-elle désespérée, de survivre lorsqu’il se trouve spolié de sa terre (il s’opposera toutefois, vingt ans plus tard, à l’émigration massive des Algériens : mieux vaut éviter de déraciner des familles entières et d’avoir à subir l’exploitation patronale en métropole – « On se débrouille mieux lorsqu’on est chez soi, et en Afrique du Nord la solidarité jouerait à plein[13] »).

12Saïl ne connaîtra pas la guerre d’Algérie, ni la constitution du Front de libération nationale et les heurts – pour le moins violents – qui l’opposeront au Mouvement national algérien, puisqu’il mourra un an et demi avant, en avril 1953, à Bobigny. Mais il continuera de dénoncer jusqu’au bout le « style superfasciste et le mode de travail digne de l’Antiquité[14] » du régime colonial, de pointer les mensonges de la République et de célébrer les camarades blancs alliés dans la lutte à leurs côtés.

Le Kabyle

13An 632 après Jésus-Christ.

14Le Prophète Muhammad mourut à Médine à l’âge de soixante-trois ans – après, rapporte-t- on, avoir répété à trois reprises la formule « Dans l’union suprême[15] ! ». Les troupes arabes s’emparèrent de l’Égypte et de la Libye quelques années plus tard. Mila, en Algérie, tomba en 678. La célèbre guerrière Kahina, fille unique issue de la tribu berbère zénète des Djerawa, combattit les envahisseurs musulmans avant d’être défaite, en 693, puis décapitée. La phase de conquête militaire prit officiellement fin en 711 : les siècles suivants se chargèrent de bâtir l’Algérie contemporaine – faite de Berbères, d’Arabes, de Juifs et d’Européens (eux-mêmes venus de France, de Malte, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne…).

15L’arabisation et l’islamisation de l’Algérie – bien qu’on ne l’appelât pas encore ainsi – n’a pas eu raison de l’identité culturelle berbère et kabyle et, aujourd’hui encore, la question (qui, après l’indépendance, se régla parfois dans le sang) n’est pas sans susciter de vives polémiques dans le pays. Mohamed Saïl revendique ses origines avec fierté, et même orgueil : en février 1951, il rédige pour Le Libertaire l’article « La mentalité kabyle[16] » afin de louer le tempérament libertaire et individualiste de ce peuple (entendons le second terme dans le sens positif qu’il a parfois dans la tradition anarchiste et non dans son acceptation moderne et ultralibérale : l’individualisme comme zone d’affranchissement, comme libération de chacun pour tendre, une fois articulée, à celle de tous, et comme lutte pour la constitution de subjectivités réfractaires et autonomes). Pour Saïl, l’indigène est anticolonialiste mais le Kabyle l’est plus farouchement encore (l’anarchiste ne craint pas d’user d’un « le » pour le moins essentialiste). Organisé, solidaire, rétif et fédéraliste, le Kabyle (qui est un Algérien « pur sang[17] ») l’est aussi. Celui qui déclame à qui veut l’entendre son refus du chauvinisme et de la glorification d’un peuple au détriment d’un autre est pris la main dans le sac dès lors qu’il parle des siens : « [Les Kabyles] se plaisent partout, fraternisent avec tout le monde, et leur rêve est toujours le savoir, le bien-être et la liberté. […] Le Kabyle est réellement l’élément dominant à tout point de vue et parce qu’il est capable d’entraîner le reste du peuple algérien dans la révolte contre toute forme de centralisme autoritaire. » Le cœur parfois foule aux pieds les principes ; l’affaire est connue. L’Idée baisse les yeux quand bat le sang. Le Kabyle, poursuit Saïl, manque toutefois d’éducation comme de culture et c’est la raison pour laquelle, bien que fort de certaines prédispositions, il n’est pas encore un authentique libertaire – cela ne saurait tarder.

16La résistance des Kabyles face au colonialisme fait mordre la poussière au célèbre « mythe kabyle » (arguant, à des fins coloniales, que l’identité berbère, comparée à l’arabe, est plus à même de se fondre dans le corps français) : on ne compte plus les Berbères qui, aux côtés des Arabes, prirent les armes et le maquis. En revanche, les observations de Saïl concernant la pratique religieuse rejoignent celles de bien des commentateurs français : du baron Aucapitaine à l’abbé Raynal en passant par Eugène Daumas [**], tous s’accordent sur le fait que les Kabyles auraient un rapport plus distant à la religion que les Arabes, moins dévot et dogmatique. Si Saïl n’hésite pas à évoquer « la grande civilisation musulmane[18] » et ses « frères musulmans[19] », il n’en demeure pas moins particulièrement virulent à l’endroit de la religion et de ses sectateurs. Anarchiste oblige – surtout s’il est kabyle… Son peuple, assure-t-il, n’a embrassé l’islam que par la force des armes. « La grande masse des travailleurs kabyles sait qu’un gouvernement musulman, à la fois religieux et politique, ne peut revêtir qu’un caractère féodal, donc primitif. Tous les gouvernements musulmans l’ont jusqu’ici prouvé. » Dieu ? Un parrain de « l’obscurantisme[20] ». Les gens en parlent, l’usage le veut, mais plus personne, au fond, ne croit en lui. « N’attendez rien d’Allah, les cieux sont vides, et les dieux n’ont été créés que pour servir l’exploitation et prêcher la résignation », rappelle-t-il en 1935 dans La Voix libertaire. Mieux encore : « Allah est en déroute[21] » et la religion disparaîtra un jour – le futur, de Bâmiyân à Racca, s’échinera à démentir en tout point son optimisme…

L’anarchiste communiste

17Celui qui, selon ses dires [22], entra dans « le mouvement » en 1911 (à l’âge de dix-sept ans) et fut instigateur de comités d’anarchistes algériens, adhérant à l’Union anarchiste, combattant auprès de Durruti en Espagne et militant actif dans la presse libertaire, signait parfois ses articles « Un anarchiste kabyle » (il utilisa également les pseudonymes Léger et Georges). Mais, on le sait, la tradition libertaire est vaste – torrents, ruisselets, fleuves, rigoles, rivières et ravines y coulent sans toujours se rejoindre. Dans quels courants Mohamed Saïl s’inscrit-il ? Ceux du fédéralisme libertaire, de l’anarcho-syndicalisme, de l’action directe et du communisme libertaire.

18Le fédéralisme est bien sûr antérieur à l’anarchisme, mais on doit à Proudhon de l’avoir théorisé dans une perspective libertaire (notons en chemin que Proudhon avait, dès 1861, prédit l’indépendance de l’Algérie dans ses Carnets[23]). L’idée est assez simple : il faut procéder, c’est-à-dire s’organiser au sein de la collectivité, de bas en haut, localement, et récuser l’idée de centre et de périphérie. Proudhon l’oppose, dans Du Principe fédératif (1863), au caractère hiérarchique des régimes en vigueur – démocratiques ou monarchiques – et à l’ascendance de l’État (administré par sa capitale) sur l’ensemble du territoire et de la population. Bakounine s’avance dans le sillon du penseur français et Kropotkine loue lui aussi le principe fédératif, fondé sur des communes libres, en lieu et place du centralisme paternaliste de la structure étatique.

19Saïl, dans les pas de bien des anarchistes, se montre particulièrement défavorable au communisme. Du moins, la précision importe, dans sa formulation partidaire, autoritaire et institutionnelle : ses critiques contre les organisations communistes – françaises et soviétiques – sont nombreuses et virulentes, mais il appartient à une formation anarcho-communiste (l’Union anarchiste – dont il est le secrétaire de l’une des sections en 1923 – devient l’Union anarchiste communiste en 1926 puis, un an plus tard, l’Union anarchiste communiste révolutionnaire) et promeut, notamment en Espagne, l’alliance du rouge et du noir.

20En mai 1924, le très jeune Parti communiste français a obtenu 9,82 % des suffrages aux élections législatives. Épuisé et souffrant, Lénine vient de mourir dans un dernier spasme, la Russie révolutionnaire n’a pas encore sept ans et Staline sermonne publiquement Trotsky, à la tête de la nouvelle Opposition de gauche. Six mois plus tard, Saïl fouaille, avec le verbe cru qu’on lui connaît, le PC, Moscou, l’URSS qui n’a de révolutionnaire que le nom, Marcel Cachin et la dictature bolchevik. Dans les colonnes du Libertaire[24], il jette ainsi à la face des communistes le cri des déportés des camps des îles Solovki – Saïl prend la défense des têtes dures et des insoumis qui, après Makhno et les siens, renvoient dos à dos les tsaristes et les rouges : tous les cachots ont la même âme (paraît, la même année, le deuxième opus du récit de l’anarchiste américaine Emma Goldman en URSS – le verdict est lui aussi sans appel : les bolcheviks, jure-t-elle après avoir tant cru en eux, ont sans contredit trahi la révolution populaire révolution populaire et les masses qu’ils prétendent représenter).

21En 1933, il reçoit, alors qu’il est pénalement poursuivi pour un texte de nature antimilitariste, l’appui de l’organisation caritative de l’Internationale communiste, le Secours rouge : il le rejette vertement dans une tribune parue dans L’Éveil social. Moscou, argue-t-il, embastille les opposants révolutionnaires et l’URSS stalinienne n’est, ni plus ni moins, qu’un fascisme peint en rouge (dans son ouvrage Vers l’autre flamme, paru quatre ans plus tôt, l’écrivain Panaït Istrati, revenu des terres soviétiques, usa lui aussi de l’analogie). Grandiloquent, Saïl tonitrue : « À bas toutes les prisons de la terre ! Que sur leurs ruines, un jour, s’élève, radieuse et triomphante, l’Anarchie[25] ! » Retour de bâton, en toute logique : alors qu’il est inculpé à Saint-Ouen pour « délit de port d’arme prohibée » (la police trouve chez lui grenades et pistolets : « souvenirs de la dernière guerre », assure le Comité de défense sociale ; « Saïl trouve des armes, il les conserve[26] », rapporte l’historien Sylvain Boulouque) et que le mouvement ouvrier le soutient, le Parti refuse d’en être et le qualifie d’agent provocateur – il passera un peu plus de quatre mois en prison.

22Au lendemain de la Libération, le PCF, auréolé de ses « 75 000 fusillés », devient, avec ses 159 députés, le premier parti de France. Maurice Thorez promet qu’il existe d’autres voies que celles empruntées par leurs homologues russes pour instaurer le communisme – il entre dans les gouvernements de Gaulle et Félix Gouin. Mohamed Saïl écrit alors qu’ils empoisonnent, dans l’ombre « du pape Staline », les travailleurs de leur « fausse doctrine[27] ». En 1951, il traite les sympathisants staliniens de « crétins » et de « déchet du peuple[28] ». Mais la question s’avère plus large, à dire vrai : pour le Kabyle, tous les partis restent par essence des espaces de corruption : les élus, payés plus que de raison, s’enrichissent sur le travail et le dos de leurs électeurs et les députés n’échappent jamais à leur destin, celui d’arrivistes sans parole.

figure im2
Lénine, Bogdanov et Gorky, par Youry A. Zhelyabuzhsky, 1908.

23L’homme est bâti d’un bloc ; une seule et même pièce qui roule contre le vent. Il grave plus qu’il n’esquisse. Se jette dans la fournaise, faisant fi des clairs-obscurs qui font le monde. Saïl n’a que fort peu fréquenté l’école : il n’est pas un théoricien et ses écrits – à l’orthographe approximative – tiennent du pamphlet plus que de l’analyse froide, méthodique, rationnelle et scientifique. Les références à l’anarchisme (ou Anarchie, majuscule !) abondent sous sa plume : celles, positives, au marxisme ou au communisme se font rares – en 1951, il continue de déclarer aux travailleurs algériens que leurs réels amis sont les anarchistes. Le dictionnaire Le Maitron fait savoir que Saïl est exclu de l’UACR (l’Union anarchiste communiste révolutionnaire, déjà mentionnée) en 1931, en raison de son soutien au plate formisme (pour le dire en deux mots : ce terme fait référence à un texte de 1926, notamment rédigé par le combattant ukrainien Nestor Makhno, qui rejette l’anarchisme individualiste, utopiste et songe-creux, au profit d’une vision plus structurée et (auto) disciplinée – d’aucuns dirent « bolchevisée » – du mouvement libertaire).

24Plate formiste, donc.

25Et, ce qui n’est pas sans manquer de cohérence, partisan de la ligne Fontenis. Qu’est-ce à dire ? L’homme est une figure bien connue de certains cercles politiques, mais totalement ignorée du grand public. Il est à l’origine de la mutation de la Fédération anarchiste (dite FA) en Fédération communiste libertaire (FCL) et, dès lors, de la mise au ban – assurément polémique – des tendances individualistes de l’organisation. Georges Fontenis n’entend pas réduire l’anarchisme à un mode de vie ou à quelque supplément d’âme transgressif et esthétique ; il doit être un mouvement social organisé et ancré dans les conflits de l’époque. C’est dans cette optique que Fontenis fusionne – après Makhno et avant Daniel Guérin – deux traditions qui, nous l’avons vu, se querellèrent à l’envi : le communisme (marxiste ou non) et l’anarchisme. Autrement dit : ledit communisme libertaire, que Fontenis oppose à la social-démocratie libérale comme au léninisme. En 1952, Saïl décrit Fontenis (leur correspondance atteste de l’estime que le premier portait au second – et la réciproque est vraie puisque le second réalisera l’hommage funèbre du premier) comme un militant porteur de « la véritable ligne traditionnelle de l’anarchisme[29] » et houspille les mystiques en chambre et autres professeurs de morale libertaire. Quelques jours avant de mourir d’un cancer des poumons à l’hôpital franco-musulman de Bobigny, il clame : « Et vive le communisme libertaire[30] ».

L’internationaliste

« Le principe fédéraliste conduit logiquement à l’internationalisme[31] »
note Daniel Guérin dans son étude L’Anarchisme.

26L’Espagne voit Franco et ses affidés se lever contre le Frente Popular en juillet 1936. Blum appelle à la non-intervention quinze jours plus tard et García Lorca est arrêté le 16 août à 13 h 30, puis fusillé par les nationalistes (le corps du poète, qui se présentait comme un « libertaire idéaliste[32] », est très certainement laissé aux bons soins d’une fosse commune). Mohamed Saïl décide de rejoindre les combattants espagnols quelques semaines plus tard. Il rallie le groupe Sébastien Faure – dont il ne tarde pas à prendre la tête, à la mort de son responsable – au sein de la colonne anarchiste Durruti. Georges Orwell quittera quant à lui l’Angleterre pour intégrer le POUM, une formation marxiste et anti stalinienne, à la fin décembre.

27Buenaventura Durruti, de passage dans la capitale espagnole peu après l’arrivée de Saïl, donne un entretien pour la CNT et l’on peut lire : « Le fascisme n’entrera pas à Madrid, il se cassera les dents dans cette offensive. Le peuple de Madrid fera de sa ville une forteresse. Maintenant, il faut songer que les colonnes qui attaqueront Madrid lanceront sur la capitale des tonnes de bombes et des dizaines de milliers d’hommes, dotés d’un matériel moderne. On ne peut résister à cette avalanche avec des sacs de terre et des barricades. […] On ne combat pas pour perdre la vie. Nous nous battons pour la vie. […] Les miliciens [de la colonne Durruti] savent pourquoi ils se battent. Ils se sentent révolutionnaires et ils ne combattent pas avec des phrases et des paroles creuses. Ils n’attendent pas de la révolution des lois et des décrets, mais ils savent qu’avec la victoire, ils auront la possession directe de la terre, de l’usine, des ateliers, des moyens de transport[33]. »

28Saïl dirige les opérations militaires dans la commune de Quinto, au cœur de la province de Saragosse. Le 18 novembre, Mussolini et Hitler avalisent Franco ; trois jours plus tard, Saïl est blessé en mission de reconnaissance. Une balle explosive au bras, à proximité des lignes ennemies. Il écrira en 1952 : « Ma mutilation partielle d’un bras en Espagne m’oblige à ne pas faire trop d’efforts[34] » (raison pour laquelle l’ancien chauffeur-mécanicien deviendra restaurateur de faïences). On le soigne à Barcelone, puis il rentre à Aulnay en janvier 1937, après que La Pravda, organe officiel de Moscou, a annoncé l’épuration physique, par ses partisans, des trotskystes et des anarchistes engagés en Espagne.

29« Durruti est notre guide et notre frère. Il mange et couche avec nous, il est moins bien habillé que nous, il n’est ni général, ni caïd, mais un milicien digne de notre amitié[35] », rapporte Saïl dans un journal antifasciste. Foin des galons, titres et claquements de talons : la colonne Durruti fonctionne sur la base de l’autodiscipline, et c’est non sans fierté que Saïl signe un texte « sans grade ni matricule, comme tous ses camarades[36] ». S’il revendique haut et fort le statut de milicien, il foule aux pieds, avec force, celui de soldat : l’antimilitariste qui déserta lors de la Première Guerre mondiale n’a pas changé (il sera également incarcéré lors de la Seconde, puis interné au camp de Riom, dans le Cantal, pour s’être opposé à la guerre – l’ouvrage canadien Anarchism :A Documentary History of Libertarian Ideas prétend qu’il a ensuite rejoint la Résistance, ce que les sources disponibles en français ne permettent pas de confirmer, sinon qu’il a confectionné des faux papiers sous l’Occupation et se serait évadé).

30Franco annonce le 1er avril 1939 que la guerre est finie et qu’il l’a, dès lors, gagnée.

31*

32Le printemps façonne son cercueil jour après jour mais Mohamed Saïl, alors âgé de cinquante-huit ans, ne l’entend pas de cette oreille : il tiendra, oui, il tiendra encore. Indécrottable optimisme que le sien. Il possède, confie-t-il à Fontenis, alité et amaigri (il a perdu huit kilos en peu de temps), « une volonté tenace de combattre encore longtemps à vos côtés pour la bonne cause[37] ». Le Petit Père des peuples a tout juste cassé sa pipe. Saïl se voit vivre encore un an ou deux, sans opération ; plus, dans le cas contraire. L’Indochine insurgée continue de pleurer ses morts. « Vivre honnêtement et porter la tête haute jusqu’au dernier souffle[38]. » Les troupes coloniales portugaises viennent de massacrer les habitants de Batepá, sur l’île de São Tomé. Vivre et lutter, écrit-il encore, avant de n’être plus. « Pensons à la lutte, toujours la lutte, qui est notre idéal et notre raison de vivre[39]. » Il meurt quelques jours plus tard. Ses obsèques se déroulent entre les deux tours des élections municipales de 1953, le 30 avril : le Parti communiste sort en tête à Paris, avec 27,46 % des voix. Moins de trois mois plus tard, six ouvriers algériens et un métallurgiste français tomberont sous les balles de la police, à Paris, lors d’une manifestation en faveur de l’indépendance de l’Algérie.


Date de mise en ligne : 01/03/2020

https://doi.org/10.3917/ball.002.0098

Notes

  • [1]
    Archives départementales, Saint-Quentin-en-Yvelines : 2 M 11/18 et 25, 4 M 2/67 et 68, 4 M 2/81, 5 M 56.
  • [2]
    M. Saïl, « Le calvaire des indigènes algériens », Le Libertaire, n° 242, 16 août 1924 – voir le recueil Appels aux travailleurs algériens, Fédération anarchiste, 1994, pp. 6-8.
  • [3]
    M. Saïl, « À bas l’indigénat », Le Flambeau, n °22, 1er-15 novembre 1924.
  • [4]
    O. Le Cour Grandmaison, Coloniser, exterminer, Fayard, 2006, p. 248.
  • [5]
    M. Saïl, « Le calvaire des indigènes algériens », op. cit.
  • [6]
    M. Saïl, « Le centenaire de la conquête de l’Algérie », La Voie libertaire, n° 30, 21 septembre 1929, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 8-10.
  • [7]
    A. de Tocqueville, De la colonie en Algérie, Éditions Complexe, 1988, p. 100.
  • [8]
    « L’Algérie française », Le Temps, 4 mai 1930.
  • [9]
    A. Camus, Chroniques algériennes, Folio essais, 2002, p. 50.
  • [10]
    Extrait de son journal, 1952, cité par G. Heuré, L’insoumis, Viviane Hamy, 2006, p. 190.
  • [*]
    « On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » A. Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, 2004, pp. 23-24.
  • [11]
    M. Saïl, « À l’opinion publique », La Voie libertaire, n° 55, 15 mars 1930, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 10-11.
  • [12]
    M. Saïl, « Peuple algérien, debout ! », L’Éveil social, n° 2, février 1932, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 12.
  • [13]
    M. Saïl, « Le calvaire des travailleurs nord-africains », Le Libertaire, n°276, 6 juillet 1951, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 29-30.
  • [14]
    M. Saïl, « Le calvaire des travailleurs nord-africains », Le Libertaire, n°273, 15 juin 1951, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 26.
  • [15]
    Voir T. Ramadan, Muhammad, vie du Prophète, Presses du Châtelet, 2006, p. 316.
  • [16]
    M. Saïl, « La mentalité kabyle », Le Libertaire, n° 257, 16 février 1951, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 24-26.
  • [17]
    M. Saïl, « La “Civilisation française” en Algérie », Terre libre, n °20, décembre 1935, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 19.
  • [**]
    Ou, plus récemment, André Santini : « Les Berbères sont des laïcs, ils pratiquent un islam modéré. Ils ont un caractère tolérant, ils ont notre conception de la laïcité. Ils se regroupent sans être arrogants et ne sont pas envahissants » et Claude Goasguen : « Ils ont un culte musulman moins intégriste que les autres, car ils ont été islamisés plus tardivement ». Voir l’ouvrage Marianne et Allah de Vincent Geisser & Aziz Zemouri, La Découverte, 2006.
  • [18]
    M. Saïl, « Le centenaire de la conquête de l’Algérie », op. cit.
  • [19]
    M. Saïl, « Peuple algérien, debout ! », op. cit.
  • [20]
    M. Saïl, « La mentalité kabyle », op. cit.
  • [21]
    Ibid.
  • [22]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 21 janvier 1952 (Archives Georges Fontenis/IISG Amsterdam).
  • [23]
    P.-J. Proudhon, Carnets, tome II, 1847-1848, Paris, Marcel Rivière, 1961, carnet n° 5, p. 133.
  • [24]
    M. Saïl, « L’idéal du Parti communiste », Le Libertaire, n° 341, 24 novembre 1924, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 5-6.
  • [25]
    M. Saïl, « Réponse au Secours rouge », L’Éveil social, n° 2, février 1933, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., pp. 13-14.
  • [26]
    Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 2.
  • [27]
    M. Saïl, « Aux travailleurs algériens », Le Libertaire, n° 22, 25 mars 1946, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 23.
  • [28]
    M. Saïl, « La mentalité kabyle », op. cit.
  • [29]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 21 janvier 1952, op. cit.
  • [30]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 13 avril 1953, op. cit.
  • [31]
    D. Guérin, L’Anarchisme, Folio essais, 2009, p. 94.
  • [32]
    Voir M. Caballero Pérez, Les Treize dernières heures de la vie de Federico García Lorca, Indigènes, 2014.
  • [33]
    Cité par A. Paz, Durruti, le peuple en armes, La Tête de Feuilles, 1972, p. 391.
  • [34]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 21 janvier 1952, op. cit.
  • [35]
    M. Saïl, « Lettre du front », L’Espagne antifasciste, n° 17, 4 novembre 1936, dans Appels aux travailleurs algériens, op.cit., p. 22.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Correspondance privée avec Georges Fontenis, lettre du 13 avril 1953, op. cit.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Ibid.

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