Couverture de BALKA_017

Article de revue

Les effets des politiques urbaines du xixe siècle sur les jardins bucarestois comme espaces des habitations

Pages 41 à 62

Notes

  • [1]
    « Bucarest est presque rond, avec une circonférence assez grande ; le nombre des habitants qui, par contre ne dépasse pas les 50.000, ne correspond pas au lieu, parce que les maisons sont rares et isolées les unes des autres, en forme d’îles, chacune avec une cour, une cuisine, une étable et, inhabituel, un jardin avec des arbres fruitiers, ce qui donne un aspect plaisant et joyeux », Del Chiaro, cité dans Parusi, Cronica Bucure?tilor, Bucarest, 2007, p. 72.
  • [2]
    Ion Ghica, Convorbiri Economice, repris dans Frédéric Damé, Bucure?tiul în 1906, Bucarest, 2007.
  • [3]
    François Recordon, Lettres sur la Valachie, Lecointe et Durey, Paris, 1821.
  • [4]
    Despre gr?dini ?i modurile lor de folosire, Polirom, Ia?i, 2001, p. 36.
  • [5]
    Sur ce sujet: G. Potra, Documente privitoare la istoria ora?ului Bucure?ti (1634-1800), éd. Academiei R.S.R., Bucarest, 1982 ; G.I. Ionescu Gion, Istoria Bucurescilor, p. 319-320, F. Damé, Bucure?tiul în 1906, p. 36, etc.
  • [6]
    G. Le Cler, La Moldo-Valachie, Dentu, Paris, 1866.
  • [7]
    A. Yérolimpos, Urban transformations in the Balkans (1820-1920). Aspects of Balkan Town Planning and the Remaking of Thessaloniki, University Studio Press, Thessalonique, 1996.
  • [8]
    Enciclopedia român? de Jannescu citée dans Dolores Toma, Despre gr?dini ?i modurile lor de folosire, Ia?i, 2001, p. 25.
  • [9]
    « A transformé, autant qu’il était possible, la vieille mahala déchirée, écorchée, coudée, parsemée par hasard dans la plaine sans limite, riche en arbres inutiles, dans la poussière d’été, dans la boue de printemps et automne, dans la neige sale d’hiver », Nicolae Iorga cité dans Andrei Pippidi, Bucure?ti – Istorie ?i urbanism, Bucarest, 2002 p. 19.
  • [10]
    Frédéric Damé, Bucure?tiul în 1906, Bucarest, 2007, p. 92.
  • [11]
    Ulysse de Marsillac, Guide du voyageur à Bucarest, Bucarest, 1877.
  • [12]
    Dolores Toma, Despre gr?dini ?i modurile lor de folosire, Ia?i, 2001, p. 37.
  • [13]
    Andrei Ple?u, Pitoresc ?i melancolie, Bucarest, 1992, p. 115.
  • [14]
    Radu Florinel dans Pieter Versteegh, Méandres. Penser le paysage urbain, Genève, 2005, p. 97.
  • [15]
    Paul Emil Miclescu, Din Bucure?tii tr?surilor cu cai, Bucarest, 2007, p. 51.
  • [16]
    De nombreuses descriptions de la vie domestique dans les jardins existent dans la littérature. Parmi elles se trouvent celles de P. E. Miclescu, D. Toma, F. Damé.
  • [17]
    Ric? Marcus, Parcuri ?i gr?dini în Romînia, Bucarest, 1958, p. 54.
  • [18]
    Ric? Marcus considère que l’œuvre de Meyer « portait l’empreinte des possibilités matérielles relativement réduites du pays et reflétait les idées romantiques de l’époque. La végétation était composée notamment par des espèces indigènes, se développant librement, peu de fleurs et beaucoup de poussière », Ric? Marcus, p. 166. En fait il ne s’agissait pas de limites matérielles mais comme l’indique clairement le journal du paysagiste, d’une vraie option.
  • [19]
    « …La rue Roman?, dont la beauté décroît au fur et à mesure qu’on la longe, aboutit sur une ligne de mahalale qui ont résisté avec entêtement dans la partie opposée à la gare civilisatrice : la mahala Teilor et la mahala Icoanei qui, débutant avec des murs tout neufs, finissent dans des maisonnettes vieillies avec des clôtures pourries, avec l’auvent tombé sur les petits yeux des fenêtres, avec des hommes en pantoufles et des femmes avec les cheveux couverts et avec des meutes de chiens enragés qui défendent des voyous … », Nicolae Iorga, Bucure?ti, dans Andrei Pippidi, p. 22).
  • [20]
    « Nous vivons dans une ville que nous ne comprenons pas et c’est pour cela que nous ne savons pas la soigner, et nous la redressons souvent sur des lignes de développement qui auraient dû rester inconnues pour toujours, lui gâchant ainsi par nos ajouts et changements d’aujourd’hui ce caractère qui en dépit de nombreuses manques et négligences, la rendait auparavant sympathique à ceux qui nous visitaient. Notre erreur en ce qui concerne les mesures que nous prenons tellement vite de nos jours, détruisant une des grandes qualités de ce peuple, qui a un sens instinctif pour ce qui s’accorde, se doit et s’approprie », Nicolae Iorga, Istoria Bucure?tilor, 2e édition, Vremea, 2007, p. 5.
  • [21]
    Bogdan Andrei Fezi, Bucarest et l’influence française entre modèle et archétype urbain. 1831-1921, Paris, 2005, p. 343.
  • [22]
    Dolores Toma, op. cit. p. 105-115.
  • [23]
    Le jardinier-rosiériste Joseph Frantz décrivait 200 variétés de roses, voir Dolores Toma, p. 107.
  • [24]
    « À Harlem, en Hollande, un bulbe de tulipe a été vendu pour le fabuleux prix de dis milles livres ! Bulbe qu’on peut acheter aujourd’hui avec quelques centimes. Sic transit gloria… tulipae ! », Constantin Negruzzi, « Flora Român? » dans Convorbiri literare, no. 7/1 juin 1867 et no. 8/15 juin 1867, Bucarest, 1867.
  • [25]
    Dolores Toma, op. cit. p.106.
  • [26]
    ibidem, p. 45.
  • [27]
    « Mon parterre est semé de chiendent agropyrum, d’œillet des champs, lolium pérenne et trèfle. L’œillet, tant nuisible dans le blé, fait le plus bel effet dans le gazon, qu’il semble un tapis vert constellé d’anémones pulsatilla et de safran galanthus nivalis. Ici et là j’ai semé des fleurs, mais seulement des fleurs roumaines. (…) Voila menthe, glaïeul, sauge, gratiole gratiola, marjolaine, plantain asperula, romarin, thym, mélisse metlittis, bois joli daphné, angélique et benoîte dryas. Toutes dans une botte de fleurs de robinier, de prunier et de lilas. N’est ce pas que ma collection est belle et que j’ai de mots pour aimer la flore roumaine ? », Constantin Negruzzi, op.cit.
  • [28]
    Ric? Marcus, op. cit. p. 9.
  • [29]
    Wilkinson, Voyage dans la Valachie et la Moldavie, Boucher, Paris, 1831, p. 126.
  • [30]
    « Tous sont impressionnés par le contraste frappant entre les bâtiments, costumes et fortunes, la richesse et la variété de la marchandise, l’abondance et la beauté des jardins, la vie trépidante des entreprises et des fêtes. Particulièrement Lassalle est fortement impressionné par notre ville (…). Il aime les splendides jardins de boyards et les jardins publics concernant lesquels il ne connaît aucune ville, hormis Paris, qui pourrait se comparer. Le Ci?migiu dépasse beaucoup tout ce que l’Allemagne peut montrer », Constantin C. Giurescu, Istoria Bucure?tilor din cele mai vechi timpuri pîn? in zilele noastre, Bucarest, 1966, p. 144.
  • [31]
    Dans C?l?tori str?ini în ??rile Române, vol. VI, p. 230, 719, 731.
  • [32]
    « Le verger avec les mûriers se sont ornés avec une multitude de noms des plus étranges. La rue Sébastopol, la rue de l’Occident, l’impasse de l’Émigrant, de surnoms gratuits dont aucun ne raconte même pas qu’il y a eu une véritable forêt qui produisait des milliers de litres de soi », Ion Ghica, Convorbiri Economice dans Scrieri …, Bucarest, 1914, p. 14.
  • [33]
    « La ville croît sans cesse en surface et en population. Alors que sous Al. Ipsilanti on constate 67 mahalales, le recensement de 1798 en montre 93, donc 26 de plus. Même si on admet que, entre temps, quelques-unes des vieilles mahalale se sont scindé (…) il est sûr qu’il s’est constitué aussi de nouvelles mahalales ; la preuve étant les églises bâties dans ce délai », Constantin Giurescu, op. cit. p. 106.
  • [34]
    Regulamentul pentru starea s?n?t??ii ?i paza bunei orînduieli în politia Bucure?tilor a été approuvé le 14 avril 1831 et intégré ultérieurement dans le Règlement organique en tant qu’annexe. Dans son préambule est énoncé son but : l’embellissement, la salubrité et la régularisation de la ville, Nicolae Lascu, Legisla?ie ?i dezvoltare urban?. Bucure?ti 1831-1952, p. 40.
  • [35]
    « Parmi les autres projets qui naissent du désir d’embellissement de la ville de Bucarest et de sa ressemblance avec d’autres ville de l’Europe, il y en a un dont l’aboutissement ne semble pas impossible. Il est connu que dans les mahalales on ne trouve pas seulement que des maisons mais aussi beaucoup d’espace perdu, des grandes cours ou des jardins sans aucune utilité et beaucoup d’espaces libres sans aucune utilisation, où tout le monde jette ses ordures : il serait possible, en levant le plan de la ville, d’ouvrir dans les mahalale des routes larges et alignées, sans détours, seulement là où se trouve une construction remarquable, alors que pour les petites maisons et les cours comme celles qu’on a dit plus haut, facilement on considère qu’on pourrait convaincre les propriétaires de les vendre à un moindre prix à la ville », Le Règlement pour l’état de la santé et pour la surveillance de la politique de Bucarest.
  • [36]
    Regulamentul pentru deschiderea din nou de uli?e în capital? a été publié en 13 septembre 1856 pour répondre à la densification de la ville par les nouveaux lotissements. Les rues plus longues de 100 mètres devraient avoir une largeur de 12 mètres en conformité avec le Règlement organique, Nicolae Lascu, op. cit. p. 53.
  • [37]
    Olteanu, Bucure?ti în date ?i întâmpl?ri, Bucarest, 2002, p. 180-181.
  • [38]
    « Un fait qui doit être mentionné : l’accroissement des maisons en brique, – démontrant l’augmentation du niveau matériel des citadins –, par rapport aux maisons en bois et en terre, qui prédominaient dans l’époque féodale. Le recensement de 1860 enregistre 16.236 maisons en briques, 2.184 bâtiments en bois et 4.992 bâtiments en terre ; les premières dépassent donc deux tiers du nombre total de bâtiments bucarestois », Constantin Giurescu, op. cit. p. 144.
  • [39]
    Constantin Giurescu, op. cit. p. 130.
  • [40]
    La loi du gouvernement de Mihail Kog?lniceanu pour la sécularisation des avoirs des églises et monastères a touché notamment les monastères bâtis par les princes roumains et appartenant au Mont Athos. Les protestations du métropolite Sofronie Miclescu de Moldavie ont provoqué ensuite la chute du gouvernement.
  • [41]
    La ville de Bucarest était divisée en plusieurs unités administratives, les secteurs, chacun ayant une couleur (le centre rouge, puis le noir, jaune, bleu et vert autour).
  • [42]
    Constantin Giurescu, op. cit. p. 154.
  • [43]
    Nicolae Lascu, op. cit. p. 91-92.
  • [44]
    « Chaque étage des maisons aura au moins une latrine (privée). Dans les maisons avec plusieurs ainsi les modalités de branchement au réseau de canalisation de la ville », Nicolae Lascu, op. cit. p. 93.
  • [45]
    Cette loi sera modifiée en 1891 pour agrandir les arrondissements de la ville, confirmant ainsi la croissance de la ville, an-dmb, le fonds Technique de la Mairie, dossier 6/1891.
  • [46]
    La première variante de la loi prévoit des hauteurs très grandes pour les bâtiments par rapport à la largeur de la rue, allant jusqu’à 17,55m fait qui détermine Alexandru Or?scu à envoyer une adresse, no. 1260/29 décembre 1875, dans laquelle il remarqua que ces hauteurs sont reprises du décret d’Haussmann du 27 juillet 1859, an-dmb, le fonds Technique de la Mairie, dossier 3/1874.
  • [47]
    Ibidem.
  • [48]
    Voir Bogdan Andrei Fezi, p. 142-147, Nicolae Lascu, p. 84-87.
  • [49]
    Règlement pour les constructions et les alignements.
  • [50]
    Voir Eugène Pittard, La Roumanie, dans Bogdan Andrei Fezi, p. 217-218.
  • [51]
    Nicolae Lascu, p. 144-148.
  • [52]
    Nicolae Lascu, p. 154-181.
  • [53]
    Liviu Chelcea, p. 69.

1Cet article se propose d’étudier le rôle des cours et des jardins bucarestois dans la création du paysage urbain de la deuxième moitié du xixe siècle. Il suivra le fil de leur évolution, guidé par les législations et les réglementations urbaines modernes, et analysera leur structure, image et usage en tant qu’espaces d’habitation. Notre étude prend en compte les jardins des faubourgs (mahalale) bucarestois, devenus désormais des quartiers centraux. À l’époque, la mahala (du turc mahalle) représente la plus petite unité administrative et se situe à l’intersection entre l’espace privé de la famille et l’espace publique de la communauté. Quant à la chronologie choisie, la période est marquée par une série de transformations radicales de la structure urbaine opérées dans un contexte d’influences culturelles multiples, ayant aussi touché le mode d’habitation.

1 – Le rôle des jardins et leur présence dans le paysage urbain avant le xixe siècle

2Ne possédant pas de fortifications (interdites par la Sublime Porte), Bucarest n’a pas été contrainte à une densification dans un espace strictement délimité comme dans le cas des villes occidentales. Cela favorise une extension libre et permet le maintien des terres agricoles à l’intérieur de l’agglomération. Si dans les villes occidentales, les vides disparaissent vers le milieu du Moyen Âge, Bucarest se caractérise par une préservation de sa faible densité jusqu’à la fin du xixe siècle. Dans ce contexte, le jardin joue un rôle déterminant dans la structuration de l’espace urbain bucarestois à travers une double action en devenant un élément dominant du territoire et de la vie socio-économique [1].

3Par ses dimensions, configurations, végétations et utilisations, le jardin bucarestois est un élément essentiel dans l’architecture du paysage urbain. Maintes descriptions faisant référence à la présence des cours et des jardins nous permettent de visualiser la ville au début du xixe siècle. Ainsi Ion Ghica [2] parle de Bucarest au xviiie siècle et le décrit comme étant composé d’espaces vides occupés par des vergers, des vignes et des terrains vagues, clairsemés par des huttes, des cabanes et des maisons en torchis séparées par des carrières de sable et des marécages, au milieu desquelles se dressent les tas de fumier des écuries des boïars. Il affirme aussi que Bucarest offre une impression de forêt d’arbres imposants et touffus parmi lesquels brillent les croix dorées d’une centaine de grandes et de petites églises. Vers le milieu du xixe siècle François Recordon [3] découvre des bâtiments éparpillés dans un grand bois. Il est alors surpris de savoir que c’est en fait Bucarest. Cette ville peut donc être comparée plus à un jardin qu’à une ville habituelle de l’Europe occidentale. Les plans, les gravures ou les photographies illustrant la cité bucarestoise nous montrent, jusque vers la fin du xixe siècle, une ville dominée par de la végétation plutôt que par des édifices. L’image emblématique de Bucarest jusqu’au xixe siècle correspond alors tout à fait à celle de capitale-forêt proposée par Dolores Toma [4].

4Les grandes superficies agricoles de Bucarest appartiennent pour l’essentiel à la haute aristocratie ou au clergé, le reste étant partagé entre ses habitants qui gèrent les terres de manière individuelle ou en commun [5]. En 1886, Le Cler [6] remarque cet espace urbain atypique où à l’exception de deux ou trois rues où les maisons sont jointes, les habitations sont clairsemées, isolées et situées entre la cour et le jardin. Le terrain perdu occupe neuf dixièmes de la superficie totale. Chaque famille, même les plus pauvres, possèdent une maison individuelle. Selon la description de Le Cler : les maisons, même les plus petites, sont accompagnées par la cour et le jardin.

5Cette spécificité de l’habitat traditionnel que le Bucarest d’avant le xixe siècle partage avec d’autres villes balkaniques [7], est l’unité maison-jardin dans laquelle la maison, qu’elle soit grande ou petite, se situe au milieu d’un grand espace couvert par un système de cours, jardins et bâtiments annexes (caves, granges, espaces pour les animaux, débarras, etc.). La cour est formée d’une succession de jardins : le jardin fleuri côté rue ; b?t?tura (cour ouverte où s’élèvent la maison et ses annexes) ; le potager ; le verger ; la cour des animaux ; le terrain agricole, etc. La maison, perdue entre ces espaces végétaux, ne regarde presque jamais la rue. Les familles plus aisées peuvent aussi avoir d’autres terrains agricoles éparpillés dans la ville, loin de leur propre demeure.

6À la fin du xixe siècle la superficie occupée par des maisons est de 423 hectares, celle des places publiques et des rues de 251 hectares, les vergers et les cultures maraîchères couvrent quant à eux 717 hectares [8]. Les terrains considérés comme agricoles occupent donc plus de la moitié de la superficie totale de la ville. Cette mesure est calculée en incluant aussi les cours et les jardins, ce qui nous donne une immense étendue végétale.

7À côté de ces vastes terres agricoles, cet océan végétal compte aussi des aires naturelles (des étendues de forêts, de marais …) et des jardins fleuris. Bien que plusieurs statistiques nous donnent des superficies de ces catégories d’utilisation du sol, la reconstitution d’une typologie des espaces végétaux de la cité est impossible car les différentes utilisations se superposent et s’imbriquent dans une mosaïque qui défie tout essai de classification. Il faut noter que le verger rentre aussi dans la catégorie jardin fleuri, la vigne se dresse parmi les parterres de fleurs, les arbres des anciennes forêts ombragent les jardins et les marais se faufilent parmi les vergers et les vignes …

8Le grand périmètre de la ville et son extension peu contrôlable ont toujours préoccupé les princes régnants, et plus tard les édiles. Le plus souvent les tentatives de limitation de la croissance urbaine ont toujours échoué. La modernisation de la ville est surtout liée au contrôle de cette expansion perpétuelle, et de façon inhérente à sa densification.

9Évidemment, les premières terres sacrifiées au processus de condensation de l’agglomération ont été les terres arables, les vignes et les vergers. Par la suite ce sont les grands jardins des maisons, vus par les défenseurs de la modernisation urbaine comme inutiles et insalubres [9] qui disparaissent. La transformation de Bucarest en une capitale européenne moderne a provoqué la disparition successive et rapide des grands espaces plantés. Comme le remarque Frédéric Damé, la diminution en nombre et en surface des jardins a profondément changé la vie quotidienne, la façon d’habiter la ville et les habitudes des Bucarestois. Si vers le milieu du xviiie siècle tous les membres de la classe moyenne possèdent des vignes autour de Bucarest où ils passent leurs dimanches avec leurs amis ou la famille et restent parfois même pendant deux semaines, vers 1906 tout cela vient à disparaître [10].

10La modernisation de Bucarest au fil du xxe siècle a radicalement modifié le rôle de jardins, ils perdent alors leur importance dans la structuration de la ville. La réduction sévère de leur superficie a aussi imposé une transformation de leur nature et entraine d’autres modes d’utilisation. Le changement des pratiques spécifiques des habitants dans le cadre de l’utilisation des jardins est induit simultanément par la diminution de leur superficie et par la modernisation de la société bucarestoise. Ce double renouvellement de la ville et de la société est réalisé grâce à deux outils : d’une part les politiques urbaines ; d’une autre part le désir des habitants d’adopter un nouveau modèle culturel venu de l’Occident.

2 – L’évolution des jardins : de la terre agricole au « jardin de plaisance »

11Mais quelle est cette vie bucarestoise évoquée par Damé ? Quel rôle jouent les jardins, les vignes et les vergers dans le quotidien des Bucarestois ? Il n’y a pas suffisamment de documents pour nous aider à formuler une réponse précise à cette question.

12Il est très difficile d’esquisser un cadre général pour encadrer la problématique. La distinction officielle entre les jardins publics et les jardins privés, bien que claire du point de vue de la propriété, l’est moins en ce qui concerne leur usage. Ainsi, une bonne partie des jardins des boïars sont ouverts à toute la communauté bucarestoise. Quand Ulysse de Marsillac [11] dénombre en 1877 jusqu’à 60 jardins publics à Bucarest, il faut imaginer qu’un certain nombre sont en fait des jardins privés ouverts au public car il n’y a pas réellement de « jardins publics » à cette époque. En réalité, la seule condition pour qu’un jardin soit considéré comme « public » ne vient pas du fait qu’il soit une propriété privée ou non, mais de sa dimension et, bien sûr, de la bienveillance du propriétaire.

13De plus, ce qu’on appelle « jardin » à Bucarest ne correspond pas nécessairement à ce qu’on appelle « jardin » dans la culture occidentale. Encore aujourd’hui, le jardin bucarestois n’est pas seulement un lieu de promenade où les habitants viennent pour voir et être vus, se déplaçant parmi les parterres bien entretenus le long des alignements d’arbres tondus selon les canons de l’horticulture, mais plutôt un lieu où les Bucarestois, toute classe sociale confondue, se détendent sur des terrasses à bière, des balançoires ou dans des aires de pique-nique … Selon Dolores Toma à Bucarest, surtout dans le xixe siècle, « le jardin a été vu plus comme un endroit pour faire la fête et moins un endroit de la rêverie » [12]. Si la pensée occidentale renvoie le jardin à un exemple significatif, à une démonstration de la capacité raisonnée de l’homme à contrôler, dominer et « réparer » la nature, le jardin roumain est un coin de nature ou un espace végétal (verger, vigne, jardin fleuri avec des arbres) où tout est immersion, et non, contemplation. Le principe du jardin de Bucarest est celui d’une imprégnation pleine de gaieté de la nature et non l’art du contrôle et du raffinement exercé sur ce que la raison a considéré comme désordre et manque d’équilibre esthétique.

14Si Andrei Ple?u voit le jardin comme une nature-salon[13] je le paraphraserai en définissant la ville toute entière comme une nature-maison car au-delà de leur caractère de salons, avec la première brise du printemps, tous les jardins et toutes les rues deviennent des chambres à coucher, des salles de bain, des cuisines, des ateliers, des salons de coiffure …

15Cette imbrication fonctionnelle de l’espace public avec l’espace privé reste encore au début du xxe siècle spécifique aux vieux quartiers bucarestois et aux mahalale périphériques [14]. Un exemple pittoresque nous est offert par Paul Emil Miclescu qui décrit la mahala Mandritului (dans le vieux Bucarest) où au printemps :

16

« ils sortaient dans les ruelles tout ce qu’ils avaient dans leurs maisons pour dépoussiérer et toujours dans les ruelles ils baignaient leurs enfants à la veille des fêtes. Je me rappelle encore de la femme du tenant du bistrot du coin qui sortait dans la rue pour se laver les cheveux, restant penchée, avec ses mains sur les genoux, avec les cheveux collés sur ses joues, mi nue, avec des nichons de chèvre qui penchaient vers le pavé, attendant que son mari lui verse de l’eau pour enlever l’écume » [15].

17Dans cette « ville d’été », les jardins et les autres territoires végétaux deviennent le cœur de la cité. La bourgeoisie se promène sur la Chaussée de Kiseleff ou dans le jardin Ci?migiu. Le peuple choisit quant à lui le carrousel de Dealul Spirii ou bien va boire un verre dans le jardin de Ghica à Colentina. Tout le monde, du riche au pauvre, passe l’été dans la cour ou dans le jardin de la maison. Les femmes emménagent dans la cuisine d’été, les hommes prennent place sous la voûte de vigne et les enfants cherchent abri dans les coins ombragés de la cour … [16].

18La disparition des jardins à fonction utilitaire sous le rouleau compresseur de la modernisation de la capitale n’est pas provoquée par le seul traçage de nouvelles rues et par la densification. Même les jardins non touchés par les démolitions ou constructions changent radicalement de caractère pour se transformer en jardins « décoratifs ». Ainsi, en comparant les plans de 1852 (dressé par Rudolf Von Boroczyn) et ceux de 1911, on se rend vite compte de l’apparition dans les mahala de jardins réalisés selon la science horticole, conformes aux modèles italien, français, allemand ou anglais.

Fig. 1
Fig. 1
Centre-ville de Bucarest, édition officielle de 1911 avec les nouveaux jardins modernes en gris foncé (y compris le plan original de Ci?migiu) et les jardins traditionnels en gris clair.

19Pour le centre de Bucarest, la plupart de ces jardins sont apparus à la fin du xixe siècle, notamment le long du nouveau Boulevard Col?ei ou de la rue Calea Victoriei, axe central de la ville. L’apparition des nouveaux jardins est déterminée aussi par les modèles imposés à travers l’aménagement des jardins publics. Ainsi, Kiseleff et Ci?migiu sont aménagés après 1843 par le paysagiste autrichien Carl Friedrich Wilhelm Meyer accompagné par son jardinier, Frantz Harrer [17]. Si pour le premier jardin, dont l’aménagement a été initié par le prince Mavrogheni, Meyer porte toute son attention sur le paysage, pour le jardin de Ci?migiu, suite au choc ressenti face à la pratique des jardins publics par les Bucarestois, il essaye une adaptation du modèle occidental qui tient compte des exigences de la société roumaine et du goût local pour les plantes [18]. Ultérieurement, le paysagiste Rebhuhn va modifier radicalement le projet de Meyer, remplaçant malgré les protestations des habitants et des édiles, les anciens alignements de peupliers avec des parterres selon le modèle français. Les fleurs autochtones disparaissent petit à petit et les platanes font leur apparition.

20L’évolution des jardins réalisés par Mayer sous la baguette de Rebhuhn illustre d’une certaine manière « le conflit » entre le jardin traditionnel et celui d’inspiration occidentale.

21Notons que l’on remarque ici que l’historiographie des parcs et des jardins roumains étudie uniquement les jardins géométriques, romantiques ou mixtes réalisés selon les règles de l’esthétique occidentale et de l’horticulture scientifique. Cette vision renvoie aussi à l’évolution de la pensée et du discours de l’historien roumain Nicolae Iorga. En 1904 il décrit un Bucarest sale [19] qui nécessite des interventions massives pour moderniser les mahala, trente ans plus tard, peut-être suite aux premiers effets de cette modernité tellement attendue et désirée mais qui a massivement altéré l’ancien tissu urbain, Nicolae Iorga déplore les interventions agressives et étrangères à l’esprit de Bucarest, en remarquant la disparition d’une certaine manière d’habiter en harmonie avec les lieux [20].

22Dans les jardins traditionnels, le choix de la végétation est lié au caractère utilitaire de celle-ci (arbres fruitiers, plantes aromatiques, épices, légumes) ou à sa caractéristique esthétique (les jardins fleuris situés devant les maisons). On ne peut pas affirmer la généralisation d’une séparation nette des deux caractères de la végétation (utilité et beauté) car le plus souvent, dans un même jardin, il y a enchevêtrement, juxtaposition ou superposition entre les plantes de différentes fonctionnalités. Même dans le registre sémantique, on peut remarquer l’absence de différenciation entre le jardin et le potager, comme c’est le cas dans la langue française. Jusqu’au xixe siècle, l’idée de « plante ornementale » est étrangère au jardin bucarestois.

23Mais quelles sont les espèces dominantes ? Tout comme pour les plantes utilitaires, les fleurs sont les mêmes que celles des jardins de campagne : fleurs rudérales, perce-neige, lys, narcisses, belles du jour, géranium, hélianthe, hémérocalle, œillet d’Inde mais aussi camomille, pissenlit, chélidoine (considérées des mauvaises herbes selon les règles de l’horticulture). Par contre, y sont totalement étrangères le gazon, les haies bien taillées et les lignes bien tassées de jardins occidentaux.

24La mode occidentale apporte la géométrie savante des jardins français ou italiens, les courbes romantiques du parc anglais et, dans une moindre mesure, la végétation. En effet, les plantes n’ont été que partiellement remplacées par celles à la mode dans les jardins occidentaux, car contrairement à la géométrie, elles sont très sensibles au climat local. C’est ainsi que dans les jardins et les squares réalisés par des jardiniers italiens, la silhouette longiligne des cyprès est remplacée par celle élancée des peupliers pyramidaux italiens (et non ceux de la région), tandis que l’allure des oliviers est suggérée timidement par des saules ou des noisetiers.

25Les alignements plantés le long des boulevards obéissent aux mêmes règles que les espèces appartenant à l’arboriculture ornementale qui deviennent dominantes. Ainsi à la fin du xixe siècle

26

« sur le Boulevard Carol Ier, il y a en grand partie des châtaigniers, sur le Boulevard Neatârn?rii des peupliers, sur le Boulevard Col?ei des tilleuls, sur le Boulevard Academiei [Regina Elisabeta et Mihail Kog?lniceanu] des sycomores et des ormes » [21].

27On ne trouve aucune référence aux arbres classiques des jardins de Bucarest tels que les acacias, les noyers, les chênes, les mûriers, les griottiers … L’ordre et l’uniformité sont la principale préoccupation : les alignements doivent être composés d’une seule espèce d’arbres à l’opposé des petites ruelles des mahala où les habitants plantent devant leurs maisons ce que bon leur semble.

28Une multitude de plantes s’imposent de plus en plus dans les jardins roumains de l’époque, fait révélé par les traités d’horticulture et de floriculture mais aussi par l’offre des boutiques spécialisées, le tout adapté au goût du moment [22]. Par exemple, tous les types de roses sont très à la mode [23]. Constantin Negruzzi parle notamment des prix à couper le souffle que l’on doit payer pour les tulipes des Pays Bas [24]. Les plus importantes pépinières sont la propriété d’horticulteurs étrangers comme les frères Leyvraz, Schneider, Rudolf, Wastelli, Frantz, qui essayèrent d’imposer leurs goûts. Ainsi, le jardinier Laurent

29

« tente de convaincre le public de ne plus utiliser pour les “plantations”, et pour les “jardins de luxe”, d’arbres communs, mais plutôt des platanes, tant pour leur robustesse que pour leur “formes” » [25].

30Toutefois, on peut remarquer une sorte de résistance face à la mode occidentale et une adaptation de l’offre horticole à la demande du marché bucarestois. Ainsi cette fois-ci, les pépinières offrent diverses variétés d’arbres fruitiers pour leurs qualités ornementales, et non pour les gustatives. Ion Simionescu, l’auteur des Excursii prin Ci?migiu,

31

« admire les ronds tracés mais se réjouit du fait que les horticulteurs n’ont pas totalement imité “les plans dessinés dans les livres étrangers” et qu’ils ont utilisé … “armoises, œillets d’Inde, sceau de Salomon où d’autres sortes de mauvaises herbes”, en créant ainsi “un décor splendide et varié” » [26].

32Le poète Constantin Negruzzi publie en 1867 Flora român? sous la forme d’un échange de lettres entre Onisim Cerne?el et Angelica Florineasa, noms empruntés au règne végétal. Il fait une description des plantes autochtones dont il souligne la beauté et recommande leur utilisation dans les jardins à la place des plantes importées [ 27].

33Ce goût pour la nature autochtone et pour les plantes à caractère utilitaire (mais pas seulement) ont poussé Ric? Marcus à affirmer qu’en Moldavie et en Valachie il n’a jamais existé de vrais jardins car

34

« jusque tard dans le xviiie siècle, – à de très rares exceptions –, les jardins ont un évident caractère utilitaire. Ils occupent des superficies minimales et sont d’habitude aménagés dans les enceintes des monastères, à côté des édifices religieux dans les villes ou autour des maisons de la classe aisée. Les exemples connus durant cette période, dans les trois régions, n’ont jamais eu le caractère public des jardins urbains qu’on connaît de nos jours » [28].

35Les différences entre le modèle du jardin occidental de type classique français ou paysager anglais, et le modèle du jardin roumain (si on peut parler de modèle dans le sens d’une construction culturelle et intellectuelle « consciente ») sont traduites à travers les réactions des nombreux voyageurs étrangers devant les jardins bucarestois. Wilkinson décrit notamment en 1831 le jardin du boïar V?c?rescu comme « une sorte de parc », qui même s’il possède « tous les embellissements possibles », n’arrive pas à la hauteur d’un vrai parc [29].

36Ces opinions ne sont pas nécessairement dues aux « carences » des jardins bucarestois mais plutôt à une certaine grille de lecture du paysage calée sur le modèle culturel du pays d’origine des voyageurs. Les mêmes jardins laissent une très agréable impression à une longue série de voyageurs, parmi lesquels Lassale [30], Paul d’Alep ou Evlia Celebi [31].

37Mais tout cet univers de jardins va disparaître sous le bulldozer de la modernité. Les terroirs agricoles et les grands jardins du cœur de la ville vont être les premiers sacrifiés comme le montre Ion Ghica dans ses Convorbiri Economice[32].

3 – Les réglementations modernes (1831-1939) et les jardins bucarestois

38La volonté de moderniser la ville se reflète dans une longue série de lois et de réglementations urbaines censées transformer la structure urbaine. Une première loi vise l’établissement de limites pour le périmètre urbain et l’installation de barrières par Alexandru Ipsilanti (1774-1782). Il s’agit de prémices législatives. C’est la première fois qu’une mesure est intégrée dans un système de règles concernant l’administration de la cité. À l’instar des autres tentatives, l’initiative d’Ipsilanti n’a pas eu un grand succès [33].

39Le Règlement pour l’état de la santé et pour la surveillance de la politique de Bucarest[34], précédant de quelques jours le Règlement organique (1831), reprend le problème de la limitation de la croissance de Bucarest, toujours sans succès. Parmi ses prescriptions on peut dénombrer des travaux d’embellissement : des espaces publics, des alignements de rues, le drainage des étangs et l’assainissement des marécages, le traçage de nouvelles rues et l’alignement des maisons par rapport à la rue. Ces idées ont un impact important sur les cours et jardins des Bucarestois, mais aussi sur les maidane. Les cours fleuries devant les maisons disparaissent en partie avec l’alignement des maisons. Les maidane et les jardins sont coupés ou limités par des rues nouvelles passant derrière les propriétés [35]. L’analyse des intentions de l’administration reflète le désir de densification de la ville, vue comme principal moteur de la modernisation urbaine.

40Une loi essentielle pour la densification est Le Règlement pour l’ouverture de nouvelles rues dans la capitale de 1856 [36] qui donne la possibilité de réaliser de nouvelles voies privées, et qui prévoit la construction de trottoirs, la mise en place de l’éclairage public et du système assurant l’hygiène urbaine. La promulgation du règlement est accompagnée par l’arrivée d’un nouvel instrument de travail, essentiel pour la planification urbaine : le premier plan topographique et cadastral de la ville réalisé par le Baron Rudolf Von Boroczyn. Le plan dont la réalisation a débuté en 1846, est publié en 1852 avec toutes les mises à jour disponibles et rendues nécessaire par le grand incendie de 1847. On peut affirmer que ce dernier règlement détermine une série de transformations radicales du tissu urbain, permettant le relotissement des grandes surfaces, leur passage de statut « agricole » à celui « d’urbain » (l’utilisation des terres pour l’agriculture a été déclarée anti urbaine). C’est ainsi qu’une grande partie des jardins est transformée dans les petits quartiers.

Fig. 2
Fig. 2
Plans du jardin de la famille Greceanu en 1847, 1911 et 1980.

41L’étude des recensements de 1831, 1838 et 1860 démontre les effets de ces lois, surtout pendant cette période où les limites de la ville restent relativement immobiles. Ainsi, en 1831 la ville a « 80 mahalales, avec 9.342 maisons pour 53.888 personnes » ; en 1838 on retrouve 81 mahalales, avec 10.601 maisons pour 63.644 habitants. Durant ces années, la ville évolue peu. Elle se développera spectaculairement plus tard, ainsi que le montre le recensement de 1860. La nouvelle capitale des Principautés (1859) compte alors :

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« 16.263 maisons en dur, 2.184 en bois et 4.992 bâtiments mixtes pour une population de 121.734 habitants dont environ 9.000 sont des Tsiganes. Notons que 67.482 sont encore des agriculteurs ou travaillent dans des professions libérales, 30.399 sont des artisans, 769 des fabricants et 23.089 des commerçants (dans ces catégories sont inclus aussi les 13.940 servants) » [37].

43Cette dynamique est aussi accompagnée par une modification radicale des techniques de construction et de la façon d’habiter, fait révélé par le grand nombre, – quasiment toutes les nouvelles habitations –, de constructions en dur (briques, pierre), conformément à la loi [38]. Constantin Giurescu [39], pour illustrer le renouvellement et l’embellissement de la ville, cite quelques voyageurs tels que l’abbé Domenico Zanelli qui visite Bucarest en 1841. Il trouve que certains quartiers sont élégants, les rues bien pavées avec de grandes maisons, et des boutiques exposant des marchandises sur de très beaux étalages. Il affirme alors que la ville devient de plus en plus belle et que d’ici quelques années, elle deviendra une des plus importantes agglomérations de l’Orient. Le voyageur français H. Desprez écrit en 1847 qu’à Bucarest, on se sent pris dans l’agitation d’une grande ville possédant tous les signes d’une civilisation naissante … À côté des maisons éparpillées à la manière d’un grand village, de riches magasins et de somptueuses résidences particulières apparaissent chaque jour. Au fil du temps, la capitale de la Valachie perd son caractère oriental et prend l’aspect des villes de l’Occident. Mais cette impression de « ville occidentale » est valable seulement pour le centre, avec des rues pavées avec de la pierre, des fontaines à l’eau filtrée, et des grandes maisons et magasins de luxe ; le reste de la ville, les mahalale, ne diffèrent guère de leur aspect édilitaire d’avant.

44Les règlements et les lois promulguées et appliquées en 1831 et 1847 offrent une certaine continuité et une stabilité de la politique urbaine et de la ville en général. À l’opposé, la société bucarestoise subit d’importantes mutations. La bourgeoisie, les commerçants et les fonctionnaires jouent un rôle de plus en plus conséquent. Bucarest devient à tour de rôle la capitale des Principautés Unies (1859) puis du nouveau Royaume de Roumanie (1881). Toutefois, les intérêts politiques multiples ne semblent pas influer sur la cohérence et la continuité de la législation urbaine. L’effervescence sociale facilite l’importation de modes et d’habitudes venues d’ailleurs. Le social se combine avec l’économique dans un cocktail propice à l’essor urbain. La ville s’industrialise et se développe. On peut alors dire que pour le contexte historique décrit, les premières interventions concertées dans le tissu d’une ville pleine de poussière et de montagnes de boue, en fonction des saisons, sont imposées par un projet politique visant une modernisation générale. Elles ont aussi l’accord enthousiaste d’une population désireuse d’entrer également dans la modernité.

45Un autre moment important dans la modernisation de la ville est la sécularisation des avoirs des églises et des monastères datant du 13 décembre 1863. Elle fait suite à une loi adoptée malgré les oppositions internationales (notamment des Grecs qui contrôlent les avoirs provenant des Principautés) [40].

46La sécularisation a permis l’acquisition de nombreux terrains bucarestois. La ville moderne est alors bâtie en grande partie sur des anciens terrains vagues des monastères.

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« Entre 1866 et 1877 la population connaît une croissance de 15.302 personnes (de 162.000 à 177.302 habitants), c’est-à-dire avec en moyenne 1.391 personnes par an ; c’est très peu en comparaison des décennies suivantes. (…) Parallèlement à l’augmentation du nombre de Bucarestois, le nombre de maisons croît aussi. Selon les statistiques, en 1878 il y a dans la capitale 31.037 maisons, les plus nombreuse dans la couleur Noire [41] : 5.681, vient ensuite la couleur Bleue, avec 5.175, puis le Jaune avec 4.857, le Vert avec 3.891 et le Rouge pour le centre commercial avec seulement 1.430. Entre 1850 et 1860 on construit 3.673 immeubles, entre 1860 et 1870, 3.730, et entre 1870 et 1880, seulement 1.889 » [42].

48Le Règlement sur la salubrité des constructions et des logements (élaboré en 1876 par le docteur Iacob Félix et promulgué en 1878), détaille la méthodologie d’implémentation de la Loi pour l’organisation du service sanitaire de 1874. Il contient une série de normes hygiéniques sans précédent dans la législation bucarestoise et a un impact très important sur les futurs cours et jardins [43]. Parmi ces règles, la plus importante concerne l’obligation de paver les cours. Ainsi « la cour sera nivelée et couverte systématiquement avec du pavé en pierre, en gravier, en asphalte ou en bois … ». Cela interdit donc, non seulement l’usage agricole des cours urbaines, mais aussi la plantation de fleurs dans les jardins devant les fenêtres. En regardant le plan de l’Institut Géographique de l’Armée de 1899 ou celui de la ville de 1911, ainsi que les jardins actuels, il est évident que cette réglementation n’a jamais été appliquée ou respectée. L’obligation de paver les cours est, pour l’époque, un signe très clair de volonté de définir un espace urbain moderne.

49D’autres éléments du règlement de 1876 prévoient l’obligation des clôtures délimitant les propriétés, celle d’équipements sanitaires pour les logements (un cabinet de toilette par étage pour les maisons unifamiliales et un par appartement pour les habitations collectives) et pour les bâtiments d’utilité publique (des théâtres et des musées jusqu’aux bistrots de quartier) [44]. Cette dernière norme a aussi un impact non négligeable sur la configuration des cours et leur utilisation. Une grande partie des bâtiments connaissent des extensions avec « des corps d’eau » destinés aux groupes sanitaires ; les latrines de fond de cours sont amenées à disparaître lentement.

50Le même règlement prévoit un pourcentage d’occupation du terrain de 66% des surfaces, le reste étant réservé pour les cours. Il est évident que cette norme s’adresse plutôt au centre ville, le reste du territoire se caractérisant par une très faible densité. Une grande partie des cours de mahala sont ainsi partagées et possèdent alors une superficie plus faible qu’auparavant. L’obligation de paver les cours est reprise par le maire Pache Protopopescu dans son Règlement pour les constructions et les alignements de 1890, qui pour le secteur central, réduit encore l’espace destiné aux cours de 33 à 20% [45].

51Promulgué le 25 août 1878, le Règlement pour les constructions et les alignements est visiblement inspiré, pour ne pas dire plagié, des décrets haussmanniens [46]. Néanmoins l’imitation est tempérée par l’ingénieur en chef de la ville, Alexandru Or?scu. Les débats autour du règlement montrent le rapport existant entre le modèle désiré pour Bucarest, à savoir Paris, et les réalités de la vie locale. Si l’idée d’ouvrir de grands boulevards et de nouveaux axes urbains survit aux débats critiquant le modèle français, ce n’est pas le cas du rapport entre la hauteur des bâtiments et la largeur des boulevards. Ainsi, suivant les normes parisiennes, le règlement souhaite imposer des régimes variables de hauteur en fonction de la largeur des rues, ce qui en principe aurait forgé une autre silhouette de la ville.

52Ainsi les grands boulevards, larges de plus de 20 mètres, auraient dû entraîner l’apparition de bâtiments hauts de six étages. Plusieurs observations critiquant le modèle des villes occidentales rejettent cette vision en faveur d’une autre plus patriarcale. Les considérations portent sur « les intérêts financiers privés » et sur la spéculation immobilière, facteurs puissants de l’évolution verticale de la métropole parisienne. Elles insistent sur l’absence de cette problématique, – pour le moment –, à Bucarest. Une autre critique, formulée par le médecin en chef de la ville, se focalise sur les problèmes d’hygiène posés par des édifices d’une telle hauteur [47]. L’observation la plus intéressante reste celle qui porte sur l’inadaptabilité de tels bâtiments au mode de vie des Bucarestois, pour lesquels l’habitation collective est impensable, même pour des raisons sociales. En effet, l’habitation unifamiliale est pratiquement la seule forme d’habitation bucarestoise (à l’exception de la situation où la pauvreté extrême oblige la cohabitation de plusieurs familles). La hauteur imposée pour la plupart des rues est finalement de 6 mètres. Elle peut toutefois être portée à 17 mètres (4 étages) sur les rues principales. Pourtant les 6 mètres (permettant seulement des maisons sur terre) s’avèrent insuffisants pour ceux qui désirent des maisons à étage. Les dépassements des normes officielles sont alors systématiques [48].

53Toutes ces normes sont reprises presque à l’identique en 1890 lorsque sont complétés l’ensemble des règlements avec des détails concernant la construction de passages ; des directives menant à une plus forte densification (pouvant aller jusqu’à 80% du terrain) et à la construction de front continu sur les grandes artères, nouveauté pour la politique urbaine bucarestoise qui jusque là contrôle seulement l’édification des maisons isolées et non celle des ensembles [49]. Un an plus tard, l’obligation de construire en alignant tous les bâtiments est décrétée pour tout le centre ville, mais pas nécessairement en front continu, d’où la conservation d’une certaine configuration des rues et le maintien de jardins dans le cadre du paysage urbain.

54Paradoxalement, avec le pavage des cours, commence le développement des lotissements conçus sur les principes de la cité-jardin d’origine britannique. Les cours et les jardins y jouent un rôle emblématique pour le nouveau Bucarest en cours d’industrialisation. Cela nous mène à considérer le fait que la norme concernant le pavage des cours est surtout adressée aux cours des anciennes mahalale qui gardent encore un caractère semi-agricole. On peut donc parler de plusieurs modèles qui, dans le même temps, influencent la modernisation de Bucarest. On embrasse alors l’idée que la modernité n’est pas une forme unique de cela. Le jardin devient un élément à double rôle dans ce paradigme urbain : emblème du style traditionnel d’habiter qu’on peut classer comme « préurbain » il est en même temps, mais pas de la même forme, le symbole de l’habitation moderne et civilisée avec un air « post-urbain ».

55Un autre paradoxe est la préoccupation des édiles à construire des jardins publics dans une ville très verdoyante. Le Bucarest du début du xxe siècle possède toute une série d’espaces verts (Kiseleff, Ci?migiu, le Jardin Botanique, Cotroceni, le parc Carol, le parc Her?str?u). Ce dernier parc est construit sur la base d’un avant-projet réalisé en 1912 par Eugène Pinard, jardinier–paysagiste français qui a publié en 1917 un livre sur La Roumanie, livre dans lequel il décrit Bucarest comme une ville-jardin :

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« La superficie de Bucarest est immense. Elle dépasse de beaucoup celle des villes occidentales ayant le même nombre d’habitants. C’est que la formation de la capitale est toute différente de celle des autres villes métropolitaines. On parle beaucoup aujourd’hui des Cités-jardins. Bucarest est une vaste Cité-jardin ; et cela lui donne, du point de vue de la circulation de l’air et de l’insolation, des avantages dont, à notre connaissance, peu de villes peuvent bénéficier à un pareil degré (…).
Que Bucarest maintienne le plus longtemps possible ce type de ville, où l’hygiène a tout à gagner, puisque le soleil pénètre partout largement » [50].

57Si l’urbanisme autour de 1900 est dominé par l’ouverture des grands boulevards, par la mise en place des jardins publics et d’autres travaux d’intérêt général, l’urbanisme d’entre-les-deux-guerres impose la construction de « parcs », de lotissements résidentiels dessinés selon les principes de la ville jardin très appréciée en Occident. La pensée urbaine passe d’une politique d’embellissement influencée à l’évidence par le modèle français vers un urbanisme fonctionnel fondé sur le zoning. Cette approche systématique de la ville s’inspire des politiques urbaines allemandes ou britanniques comme le montrent les premiers plans d’urbanisme des années 1920. Ce n’est pas par hasard que la figure phare de l’urbanisme d’entre-deux-guerres, Cincinat Sfin?escu le réalisateur du plan d’urbanisme de 1921, est formé en Allemagne.

58Le Règlement pour les constructions et les alignements de la municipalité de Bucarest de 1928 reprend le zoning du plan de 1921 (qui lui aussi s’inspire de la définition de la zone centrale du Règlement Organique). Ce nouveau règlement établit différents types d’intervention pour chaque type de zone. Un chapitre entier est dédié aux cours et aux surfaces libres. Ainsi, dans la zone centrale comprenant les mahalales historiques on impose un pourcentage d’occupation du terrain maximal de 75% pour les rues traditionnelles (le tissu urbain diffus), qui peut aller jusqu’à 83% pour les rues commerciales. La densification suit donc son cours. Pour les autres zones urbaines les cours doivent couvrir un minimum de 33% de la superficie des parcelles [51].

59Dans le cadre du Règlement pour les constructions et les alignements de 1938 qui accorde le droit de construction même pour les petites parcelles, la dimension minimale d’un lot pour la construction de logements est portée à 200m2. On remarque aussi une tendance d’uniformisation de cette dimension pour toutes les parcelles, indifférente à leur position sur le territoire, ainsi que le renoncement à la densification à tout prix au profit des principes d’hygiène et de rationalisation. Le chapitre concernant les cours et les jardins définit des réglementations pour trois catégories de cours : de façade, ouverte et fermée. Ces dernières, entourées de bâtiments de tous les côtés, ne sont permises que dans la zone centrale et doivent avoir au moins 30m2. Voila donc comment en moins d’un siècle, les cours des mahalales bucarestoises ont vu leurs vastes surfaces réduites à 30m2, c’est-à-dire la dimension d’un salon modeste ou d’une chambre généreuse [52].

60Le résultat du recensement de 1940 (comparé à celui de 1930) montre que la plus importante croissance de la population bucarestoise a lieu dans les périphéries, fait qui démontre une certaine inertie des mahalales centrales en dépit des efforts de densification. Toutefois dans le centre on construit 13.229 bâtiments avec une moyenne d’occupation de 18 personnes par unité [53]. La plupart de nouvelles constructions sont des immeubles de rapport avec de petits appartements. La structure spatiale est donc profondément changée car les nouveaux édifices sont insérés dans les grands jardins, provoquant ainsi une fragmentation des lots occupés auparavant par une seule famille. Il ne s’agit pas seulement d’immeubles de rapport mais aussi de nouvelles maisons et de taudis construits dans les cours pour loger une nouvelle population attirée à Bucarest par l’industrie croissante. Ainsi le jardin devient un espace commun partagé par plusieurs familles, un espace pour tous qui se vide presque de toute vie domestique.

61Après la guerre, la nationalisation modifie profondément la manière de cohabiter et le mode de vie dans les maisons du centre-ville. Même si une bonne partie des locataires restent sur place, et qu’une petite partie des propriétaires réussissent à garder leur logement (ou seulement une partie de leurs anciennes maisons), les nouveaux arrivés logés par l’État communiste bouleversent les structures sociales et l’utilisation des espaces communs. Ce processus engendré par le communisme constitue alors un sujet en soi, nécessitant un développement à part.

4 – Conclusions sur l’impact de règlements urbains sur les jardins

62On peut remarquer une « volonté d’ordonner » les jardins au fil du temps passant du jardin sauvage à celui d’asphalte à travers d’autres formes intermédiaires. Au-delà de leur nettoyage et de la création de réglementation, on remarque la disparition de l’utilisation intensive du jardin qui peut être étudiée sur plusieurs plans. Ainsi on constate un important changement du point de vue de la végétation rencontrée dans les jardins bucarestois. Initialement dominée par des plantes « utilitaires » (légumes, arbres fruitiers, plantes aromatiques …) le jardin devient de plus en plus « horticole ». Passant par le jardin de fleurs rural avec des plantes « vulgaires » appartenant au biotope local, il s’épure doucement et perd sa dimension utilitaire-gastronomique, devenant alors de plus en plus abstrait et détaché de l’esprit du lieu, tant du point de vue esthétique, qu’écologique, jusqu’à se transformer en un carré d’asphalte. La configuration spatiale change aussi sous l’influence de règlements urbains qui déterminent dans le temps une nouvelle conformation du jardin. De la multitude d’espaces complexes qui abritent les fonctions les plus diverses liées au mode de vie et à l’économie de la famille, le jardin se rétrécit peu à peu. Il se transforme en un espace avec pour rôle prépondérant l’esthétisme et le loisir au moment où les dimensions deviennent tellement petites qu’elles altèrent le sens de l’intimité de l’espace.

63Du point de vue socio-anthropologique, le jardin n’est initialement qu’une maison d’été abritant la vie quotidienne du ménage (manger, dormir, travailler, cuisiner …). La densification de mahalale dans une importante mesure, provoque une forte modification du rôle que le jardin joue dans la vie quotidienne. La cour se transforme alors en un lieu qu’on traverse en hâte entre la rue et l’appartement. Elle est souvent partagée entre plusieurs familles, devenant parfois la pomme de discorde, un territoire hardiment disputé. Au lieu d’être ce « coin de paradis », espace de repos de la famille, la cour est le territoire de prédilection de scandales et de disputes entre les voisins du mahala. Dans de rares cas, la cour se transforme en un espace d’expression de la solidarité entre voisins, et reste encore un espace partagé et non divisé. Dans ce cas de bonne cohabitation on peut regarder le jardin comme le terroir d’une famille extensive formée par différents locataires/propriétaires.

64Aucune de ces transformations n’est totale. Ce sont plutôt des tendances encore présentes aujourd’hui, tendances qui ont aussi leur revers sous la forme d’une résistance de vieilles habitudes et conformations spatiales. On trouve encore, dans certains vieux quartiers encore debout, des jardins mi-sauvages dominés par les mauvaises herbes, n’ayant rien d’un jardin urbain ainsi que des jardins à mi-chemin entre vergers et potagers. On trouve également des jardins d’asphalte transformés en parking pour les nouvelles voitures. Une nouvelle vague de modernisation, toujours selon des modèles occidentaux, touche les jardins bucarestois.

65Cette fois c’est la « tuja » qui remplace les arbres ombrageux et le carrelage en béton, ou le gazon tondu qui se substitue à l’herbe. Les nouveaux jardins deviennent des vitrines inaccessibles, conçues non pas comme des lieux de vie, mais seulement pour être regardés. Et pourtant, il existe encore quelques cours d’où l’on peut saisir le bruit des cuisines d’été, des jeux d’enfants, et les papotages amicaux à l’ombre de la vigne. Plus la ville se modernise plus ces oasis végétaux sont plus riches et plus présents.

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  • Woinaroski, C., Lotizarea ?i parcul Ioanid, Bucarest, 2006.

Notes

  • [1]
    « Bucarest est presque rond, avec une circonférence assez grande ; le nombre des habitants qui, par contre ne dépasse pas les 50.000, ne correspond pas au lieu, parce que les maisons sont rares et isolées les unes des autres, en forme d’îles, chacune avec une cour, une cuisine, une étable et, inhabituel, un jardin avec des arbres fruitiers, ce qui donne un aspect plaisant et joyeux », Del Chiaro, cité dans Parusi, Cronica Bucure?tilor, Bucarest, 2007, p. 72.
  • [2]
    Ion Ghica, Convorbiri Economice, repris dans Frédéric Damé, Bucure?tiul în 1906, Bucarest, 2007.
  • [3]
    François Recordon, Lettres sur la Valachie, Lecointe et Durey, Paris, 1821.
  • [4]
    Despre gr?dini ?i modurile lor de folosire, Polirom, Ia?i, 2001, p. 36.
  • [5]
    Sur ce sujet: G. Potra, Documente privitoare la istoria ora?ului Bucure?ti (1634-1800), éd. Academiei R.S.R., Bucarest, 1982 ; G.I. Ionescu Gion, Istoria Bucurescilor, p. 319-320, F. Damé, Bucure?tiul în 1906, p. 36, etc.
  • [6]
    G. Le Cler, La Moldo-Valachie, Dentu, Paris, 1866.
  • [7]
    A. Yérolimpos, Urban transformations in the Balkans (1820-1920). Aspects of Balkan Town Planning and the Remaking of Thessaloniki, University Studio Press, Thessalonique, 1996.
  • [8]
    Enciclopedia român? de Jannescu citée dans Dolores Toma, Despre gr?dini ?i modurile lor de folosire, Ia?i, 2001, p. 25.
  • [9]
    « A transformé, autant qu’il était possible, la vieille mahala déchirée, écorchée, coudée, parsemée par hasard dans la plaine sans limite, riche en arbres inutiles, dans la poussière d’été, dans la boue de printemps et automne, dans la neige sale d’hiver », Nicolae Iorga cité dans Andrei Pippidi, Bucure?ti – Istorie ?i urbanism, Bucarest, 2002 p. 19.
  • [10]
    Frédéric Damé, Bucure?tiul în 1906, Bucarest, 2007, p. 92.
  • [11]
    Ulysse de Marsillac, Guide du voyageur à Bucarest, Bucarest, 1877.
  • [12]
    Dolores Toma, Despre gr?dini ?i modurile lor de folosire, Ia?i, 2001, p. 37.
  • [13]
    Andrei Ple?u, Pitoresc ?i melancolie, Bucarest, 1992, p. 115.
  • [14]
    Radu Florinel dans Pieter Versteegh, Méandres. Penser le paysage urbain, Genève, 2005, p. 97.
  • [15]
    Paul Emil Miclescu, Din Bucure?tii tr?surilor cu cai, Bucarest, 2007, p. 51.
  • [16]
    De nombreuses descriptions de la vie domestique dans les jardins existent dans la littérature. Parmi elles se trouvent celles de P. E. Miclescu, D. Toma, F. Damé.
  • [17]
    Ric? Marcus, Parcuri ?i gr?dini în Romînia, Bucarest, 1958, p. 54.
  • [18]
    Ric? Marcus considère que l’œuvre de Meyer « portait l’empreinte des possibilités matérielles relativement réduites du pays et reflétait les idées romantiques de l’époque. La végétation était composée notamment par des espèces indigènes, se développant librement, peu de fleurs et beaucoup de poussière », Ric? Marcus, p. 166. En fait il ne s’agissait pas de limites matérielles mais comme l’indique clairement le journal du paysagiste, d’une vraie option.
  • [19]
    « …La rue Roman?, dont la beauté décroît au fur et à mesure qu’on la longe, aboutit sur une ligne de mahalale qui ont résisté avec entêtement dans la partie opposée à la gare civilisatrice : la mahala Teilor et la mahala Icoanei qui, débutant avec des murs tout neufs, finissent dans des maisonnettes vieillies avec des clôtures pourries, avec l’auvent tombé sur les petits yeux des fenêtres, avec des hommes en pantoufles et des femmes avec les cheveux couverts et avec des meutes de chiens enragés qui défendent des voyous … », Nicolae Iorga, Bucure?ti, dans Andrei Pippidi, p. 22).
  • [20]
    « Nous vivons dans une ville que nous ne comprenons pas et c’est pour cela que nous ne savons pas la soigner, et nous la redressons souvent sur des lignes de développement qui auraient dû rester inconnues pour toujours, lui gâchant ainsi par nos ajouts et changements d’aujourd’hui ce caractère qui en dépit de nombreuses manques et négligences, la rendait auparavant sympathique à ceux qui nous visitaient. Notre erreur en ce qui concerne les mesures que nous prenons tellement vite de nos jours, détruisant une des grandes qualités de ce peuple, qui a un sens instinctif pour ce qui s’accorde, se doit et s’approprie », Nicolae Iorga, Istoria Bucure?tilor, 2e édition, Vremea, 2007, p. 5.
  • [21]
    Bogdan Andrei Fezi, Bucarest et l’influence française entre modèle et archétype urbain. 1831-1921, Paris, 2005, p. 343.
  • [22]
    Dolores Toma, op. cit. p. 105-115.
  • [23]
    Le jardinier-rosiériste Joseph Frantz décrivait 200 variétés de roses, voir Dolores Toma, p. 107.
  • [24]
    « À Harlem, en Hollande, un bulbe de tulipe a été vendu pour le fabuleux prix de dis milles livres ! Bulbe qu’on peut acheter aujourd’hui avec quelques centimes. Sic transit gloria… tulipae ! », Constantin Negruzzi, « Flora Român? » dans Convorbiri literare, no. 7/1 juin 1867 et no. 8/15 juin 1867, Bucarest, 1867.
  • [25]
    Dolores Toma, op. cit. p.106.
  • [26]
    ibidem, p. 45.
  • [27]
    « Mon parterre est semé de chiendent agropyrum, d’œillet des champs, lolium pérenne et trèfle. L’œillet, tant nuisible dans le blé, fait le plus bel effet dans le gazon, qu’il semble un tapis vert constellé d’anémones pulsatilla et de safran galanthus nivalis. Ici et là j’ai semé des fleurs, mais seulement des fleurs roumaines. (…) Voila menthe, glaïeul, sauge, gratiole gratiola, marjolaine, plantain asperula, romarin, thym, mélisse metlittis, bois joli daphné, angélique et benoîte dryas. Toutes dans une botte de fleurs de robinier, de prunier et de lilas. N’est ce pas que ma collection est belle et que j’ai de mots pour aimer la flore roumaine ? », Constantin Negruzzi, op.cit.
  • [28]
    Ric? Marcus, op. cit. p. 9.
  • [29]
    Wilkinson, Voyage dans la Valachie et la Moldavie, Boucher, Paris, 1831, p. 126.
  • [30]
    « Tous sont impressionnés par le contraste frappant entre les bâtiments, costumes et fortunes, la richesse et la variété de la marchandise, l’abondance et la beauté des jardins, la vie trépidante des entreprises et des fêtes. Particulièrement Lassalle est fortement impressionné par notre ville (…). Il aime les splendides jardins de boyards et les jardins publics concernant lesquels il ne connaît aucune ville, hormis Paris, qui pourrait se comparer. Le Ci?migiu dépasse beaucoup tout ce que l’Allemagne peut montrer », Constantin C. Giurescu, Istoria Bucure?tilor din cele mai vechi timpuri pîn? in zilele noastre, Bucarest, 1966, p. 144.
  • [31]
    Dans C?l?tori str?ini în ??rile Române, vol. VI, p. 230, 719, 731.
  • [32]
    « Le verger avec les mûriers se sont ornés avec une multitude de noms des plus étranges. La rue Sébastopol, la rue de l’Occident, l’impasse de l’Émigrant, de surnoms gratuits dont aucun ne raconte même pas qu’il y a eu une véritable forêt qui produisait des milliers de litres de soi », Ion Ghica, Convorbiri Economice dans Scrieri …, Bucarest, 1914, p. 14.
  • [33]
    « La ville croît sans cesse en surface et en population. Alors que sous Al. Ipsilanti on constate 67 mahalales, le recensement de 1798 en montre 93, donc 26 de plus. Même si on admet que, entre temps, quelques-unes des vieilles mahalale se sont scindé (…) il est sûr qu’il s’est constitué aussi de nouvelles mahalales ; la preuve étant les églises bâties dans ce délai », Constantin Giurescu, op. cit. p. 106.
  • [34]
    Regulamentul pentru starea s?n?t??ii ?i paza bunei orînduieli în politia Bucure?tilor a été approuvé le 14 avril 1831 et intégré ultérieurement dans le Règlement organique en tant qu’annexe. Dans son préambule est énoncé son but : l’embellissement, la salubrité et la régularisation de la ville, Nicolae Lascu, Legisla?ie ?i dezvoltare urban?. Bucure?ti 1831-1952, p. 40.
  • [35]
    « Parmi les autres projets qui naissent du désir d’embellissement de la ville de Bucarest et de sa ressemblance avec d’autres ville de l’Europe, il y en a un dont l’aboutissement ne semble pas impossible. Il est connu que dans les mahalales on ne trouve pas seulement que des maisons mais aussi beaucoup d’espace perdu, des grandes cours ou des jardins sans aucune utilité et beaucoup d’espaces libres sans aucune utilisation, où tout le monde jette ses ordures : il serait possible, en levant le plan de la ville, d’ouvrir dans les mahalale des routes larges et alignées, sans détours, seulement là où se trouve une construction remarquable, alors que pour les petites maisons et les cours comme celles qu’on a dit plus haut, facilement on considère qu’on pourrait convaincre les propriétaires de les vendre à un moindre prix à la ville », Le Règlement pour l’état de la santé et pour la surveillance de la politique de Bucarest.
  • [36]
    Regulamentul pentru deschiderea din nou de uli?e în capital? a été publié en 13 septembre 1856 pour répondre à la densification de la ville par les nouveaux lotissements. Les rues plus longues de 100 mètres devraient avoir une largeur de 12 mètres en conformité avec le Règlement organique, Nicolae Lascu, op. cit. p. 53.
  • [37]
    Olteanu, Bucure?ti în date ?i întâmpl?ri, Bucarest, 2002, p. 180-181.
  • [38]
    « Un fait qui doit être mentionné : l’accroissement des maisons en brique, – démontrant l’augmentation du niveau matériel des citadins –, par rapport aux maisons en bois et en terre, qui prédominaient dans l’époque féodale. Le recensement de 1860 enregistre 16.236 maisons en briques, 2.184 bâtiments en bois et 4.992 bâtiments en terre ; les premières dépassent donc deux tiers du nombre total de bâtiments bucarestois », Constantin Giurescu, op. cit. p. 144.
  • [39]
    Constantin Giurescu, op. cit. p. 130.
  • [40]
    La loi du gouvernement de Mihail Kog?lniceanu pour la sécularisation des avoirs des églises et monastères a touché notamment les monastères bâtis par les princes roumains et appartenant au Mont Athos. Les protestations du métropolite Sofronie Miclescu de Moldavie ont provoqué ensuite la chute du gouvernement.
  • [41]
    La ville de Bucarest était divisée en plusieurs unités administratives, les secteurs, chacun ayant une couleur (le centre rouge, puis le noir, jaune, bleu et vert autour).
  • [42]
    Constantin Giurescu, op. cit. p. 154.
  • [43]
    Nicolae Lascu, op. cit. p. 91-92.
  • [44]
    « Chaque étage des maisons aura au moins une latrine (privée). Dans les maisons avec plusieurs ainsi les modalités de branchement au réseau de canalisation de la ville », Nicolae Lascu, op. cit. p. 93.
  • [45]
    Cette loi sera modifiée en 1891 pour agrandir les arrondissements de la ville, confirmant ainsi la croissance de la ville, an-dmb, le fonds Technique de la Mairie, dossier 6/1891.
  • [46]
    La première variante de la loi prévoit des hauteurs très grandes pour les bâtiments par rapport à la largeur de la rue, allant jusqu’à 17,55m fait qui détermine Alexandru Or?scu à envoyer une adresse, no. 1260/29 décembre 1875, dans laquelle il remarqua que ces hauteurs sont reprises du décret d’Haussmann du 27 juillet 1859, an-dmb, le fonds Technique de la Mairie, dossier 3/1874.
  • [47]
    Ibidem.
  • [48]
    Voir Bogdan Andrei Fezi, p. 142-147, Nicolae Lascu, p. 84-87.
  • [49]
    Règlement pour les constructions et les alignements.
  • [50]
    Voir Eugène Pittard, La Roumanie, dans Bogdan Andrei Fezi, p. 217-218.
  • [51]
    Nicolae Lascu, p. 144-148.
  • [52]
    Nicolae Lascu, p. 154-181.
  • [53]
    Liviu Chelcea, p. 69.
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