Couverture de BALKA_016

Article de revue

Les femmes bulgares, vues par des voyageurs grecs traversant la Roumélie

Pages 89 à 107

Notes

  • [1]
    M. Jonov, Evropa otnovo otkriva b?lgarite. B?lgarite i b?lgarskite zemi prez pogleda na ?uždi p?te šestvenici XV-XVIII v., Sofia, 1980, p. 67-127. L’objet d’une attention spéciale est la femme musulmane, qui recèle un charme exotique très particulier pour les représentant du Monde occidental. Voir à cet égard : Balkanite prez pogleda na dve anglijski p?tešestveni ?ki ot XVIII vek. Pisma na Mary Montagu et Elizabeth Craven, Predgovor, podbor, prevod ot anglijski i bele žki ot M. Kiselineva, Sofia, 1979, p. 80-81, 92-93, 113-115.
  • [2]
    Voir quelques uns de ces textes dans les publications suivantes : N. Danova, « B?lgarite v gr?ckata knižnina prez XVIII i na?aloto na XIX vek. », dans Balkanistika, 1, Sofia, 1986, p. 252-271 et « B?lgarskata tema v politi?eskija i kulturnija život na G?rcija prez 30-te – 40-te godini na XIX vek », dans Studia balcanica, 17, Sofia, 1983, p. 106-118.
  • [3]
    C. Georgueva, « Edin dokument za frenskoto pronikvane v b?lgarskite zemi prez vtorata ?etv?rt na XVIII v. », dans Izvestija na Narodnata biblioteka « Kiril i Metodij », 16 (18), 1981, p. 649-663.
  • [4]
    Ph. Phalmpos (éd.), ?????? ???????? ????????. ???. ?????? ??? ??????????? ?? ???? 1742, ????????. ???????. ?????????-??????. ???????, ??????, 1979. Le texte publié ici se trouve aux p. 91-92.
  • [5]
    À propos des vêtements comme marque distinctive de l’identité dans l’Empire ottoman, voir : S. Ivanova, « Karnaval – imperski intermedii », dans Predstavata za drugija na Balkanite, éd. N. Danova, V. Dimova, M. Kalicin, Sofia, 1995, p. 55-61.
  • [6]
    À propos d’épidémies de pestes à cette époque, dans la région que traverse Catsaitis, voir N. Manolova-Nikolova, ?umavite vremena (1700-1850), Sofia, 2004, p. 69.
  • [7]
    Sur le sujet des frontières de l’espace bulgare dans le Sud-Est du pays, voir, C. Georgueva, Prostranstvo i prostranstva na b?lgarite XV-XVII vek, Sofia, 1999, p. 217-218.
  • [8]
    Actuellement Kanara, village de Turquie, département de K?rklareli (de Lozengrad), à proximité immédiate de la frontière bulgare.
  • [9]
    C’est l’explication que donne le comte d’Autrive, lors de son passage par Fakiya en 1785, aux parures composées de pièces de monnaie enfilées : « les jeunes mariées affichent de la sorte l’importance de leur dot ». Voir : Frenski p?tepisi za Balkanite xv-xviii v., S?stavila i redaktirala B. Cvetkova, Sofia, 1975, p. 335.
  • [10]
    Fakiya, région de Bourgas.
  • [11]
    En 1785, D’Autrive décrit Fakiya comme « le plus grand et, certainement, le plus beau village en Bulgarie ». D’après le voyageur français, sous l’influence de la belle nature, les habitants de Fakiya sont d’un naturel gai, paraissent mieux que leurs voisins, et leurs femmes chantent et dansent autour des fiacres des voyageurs. Voir Frenski p?tepisi za Balkanite XV-XVIII v., p. 335.
  • [12]
    D’après Catsaitis, en Turquie la route est évaluée en milles romains (trois milles à l’heure), en supposant qu’on se déplace à pied ou à cheval en caravane.
  • [13]
    P. Codrikas, ??????????, éd. ?. Aggélou, Athènes, 1963. Le séjour de Codrikas à Choumen est décrit aux p. 48-62.
  • [14]
    À propos de l’anarchie en Bulgarie du Nord-Est, voir V. Moutafcieva, K?rd žalijsko vreme. Sofia, 1993, p. 86-89.
  • [15]
    Sur les attaques des brigands contre les voyageurs dans le Deliorman, voir V. Moutafcieva, ibidem, p. 86.
  • [16]
    Publiées intégralement dans N. Danova, « B?lgarite ot kraja na XVIII vek prez pogleda na edin gr?k », dans Vekove, Sofia, 1977, 4, p. 30-37.
  • [17]
    Pour plus de détails sur le logement bulgare traditionnel, voir : C. Georgueva, Prostranstvo…, p. 249-252.
  • [18]
    Le voyageur Jeremi Bentham, philosophe, juriste et économiste anglais, qui traverse Fakiya en 1785, décrit les habitantes du village comme des femmes d’une beauté et d’un charme exceptionnels, Anglijski p?tepisi za Balkanite (kraja na XVIII – 30-te god. na XIX v.), Uvod, s?stavitelstvo i komentar M. Todorova, Sofia, 1987, p. 314-315 ; d’après le voyageur anglais George Keppel, ayant séjourné en Fakiya en 1829, sa belle hôtesse avait les traits de Marie-Madeleine, Anglijski p Moutafcieva tepisi za Balkanite…, p. 750.
  • [19]
    Nous trouvons une description détaillée chez F. Pouqueville, selon lequel les femmes bulgares sont d’une grande beauté, alliant les proportions harmonieuses du corps et la perfection des formes à l’avantage que donnent la taille élevée et la démarche empreinte de noblesse, Frenski p?tepisiza Balkanite XV-XVIII v…, p. 449.
  • [20]
    ?. Anastasiadou, ???????? ???????? ??? ?. ??????? ???? ?????-?????????? ????, dans ????? ??? ?. ?. ?. ?., ????????? ?????? ??? ???????? ????????? ???????????? ??? ????????? ???????, 1, Athènes, 1986, p. 178 –179.
  • [21]
    Voir à ce sujet ?. Phrankiskos, « ??? ????????? ??? ?????? C. de Pauw (1788) ??? J. S. Bartholdy (1805) », dans ??????????? ??? ???????? ????, Athènes, 1968, p. 51 –66.
  • [22]
    Résumé géographique de la Grèce et de la Turquie d’Europe, par M. G. A. M., citoyen grec, orné d’une carte par M. Perrot, Paris, 1826 (Collection résumés géographiques, t. V).
  • [23]
    Gemälde Griechenlands und der Europäischen Türkey, oder Abriss der physischen, historischen und politischen Geographie dieser Länder. Aus dem Französischen des Griechen G. A. M. Mit einleitender Vorrede von Professor Chr. B. I–II B., Heidelberg, bey Joseph Engelmann, 1828.
  • [24]
    ????????????? ??????????????? ???????. 9, Athènes, 1930, ?. 116.
  • [25]
    Alexandre le Grand d’après les auteurs orientaux, par G. A. M. Genève, Abraham Cherbuliez, Paris, 1828. Extrait de son cours fait à Genève en 1828 ; G. A. Mano, Examen du quatrième point de garantie, Paris, Aymont, 1856 ; G. A. Mano, L’Orient rendu à lui-même, Paris, 1861 ; G. A. Mano, La Grèce et le Danemark. Paris, 1863 ; G. A. Mano, Des intérêts religieux de l’Orient au sujet des biens conventionnels dans les Principautés Unies, Paris, 1864.
  • [26]
    Voir les références communiquées jusqu’à ce moment dans : N. Danova, « La “Géographie contemporaine” de Gr. Konstandas et D. Philippides et les Bulgares », dans Études balkaniques, 1975, 4, p. 56 –74 ; N. Danova, B?lgarite ot kraja na XVIII vek, p. 30-37 ; Idem. « B?lgarite v gr?ckata knižnina prez XVIII i na?aloto na XIX vek », dans Blakanistika, 1, 1986, p. 252-271, ainsi que les extraits, traduits en bulgare, de ce livre remarquable dans : Rumelijski delnici i praznici ot xviii vek, Sofia, 1978.
  • [27]
    À ce propos voir pour plus de détails la préface de l’édition de la Géographie contemporaine de Grégoire Constandas et de Daniel Philippides, rédigée par Ekaterini Koumarianou, ??????????, ????????? ?????????. ????????? ???. ???????????, Athènes, 1988, p. 38 –39.
  • [28]
    ??????????. ????????? ?????????…, p. 265. D’après ce livre : « Cette province s’étend en longueur de l’Est à l’Ouest et se trouve située entre 42 ½ et 44 degrés de latitude géographique et à 41 et 48 degrés de longitude. Au Nord elle confine au Danube, qui la sépare de la Valachie, au Sud, à la montagne de l’Hémus, actuellement Kodjabalkan, qui la sépare de la Thrace et d’une partie de la Macédoine, à l’Est, elle confine à la mer Noire et, à l’Ouest, à la Serbie ».
  • [29]
    Pour plus de détails à ce sujet, voir : N. Danova, « Vidin i Vidinski sand~ak v Geografijata na Georgios Manos », dans Istorijata ? knigite kato prijatelstvo. Sbornik v pamet na Mitko La?ev, N. Danova, Sv. Ivanova (éd.), Sofia, 2007, p. 334-341.
  • [30]
    D’après la mythologie chrétienne moderne, il s’agit des descendants de Japhet, le troisième fils de Noé, après Sem et Cham, dont descendent les peuples indo-germaniques et à partir du xviiie siècle les Bulgares y sont également ajoutés selon le goût de l’auteur, R. Zaimova, Voyager vers l’ “autre” Europe (Images françaises des Balkans ottomans, xviexviiie siècles), Isis, Istanbul, 2007, p. 132-133.
  • [31]
    Le récit de Manos sur l’histoire des Bulgares contient de nombreuses erreurs. À propos des relations des Bulgares avec le roi hongrois Étienne, voir Istorija na B?lgarija, 2, Sofia, 1981, p. 412-413.
  • [32]
    La description de la Bulgarie et des Bulgares par Manos se rapproche dans une mesure considérable des propos élogieux au sujet de la Bulgarie et de sa population que nous retrouvons dans la Géographie contemporaine de Grégoire Constandas et de Daniel Philippides, ainsi que dans les notes de voyages de François Pouqueville. Voir ????????? ?????????…, p. 265 –266 ; Frenski p?tepisi za Balkanite xv-xviii v, p. 449 sq.
  • [33]
    Les femmes de Fakiya, qui jettent des poignées d’orge sur le passage des voyageurs, apparaissent dans le récit de R. Bo?kovi? en 1762. Voir R. Bo?kovi?, Dnevnik ot edno p?tuvane. Prevod i beležki, M. Todorova, Sofia, 1975, p. 33, ainsi que dans les notes de voyages de d’Autrive, en 1785. Voir, Frenski p?tepisi za Balkanite XV-XVIII v, p. 335. Une scène analogue à Fakiya est décrite en 1827 par Walsh, selon lequel des jeunes filles et des enfants jettent des graines aux pieds des voyageur, Anglijski p?tepisi za Balkanite, p. 633.
  • [34]
    Résumé géographique de la Grèce et de la Turquie..., p. 402 –405.
  • [35]
    Ibid., p. 408 –410.
  • [36]
    O. Todorova, Ženite ot Centralnite Balkani prez osmanskata epoha (XV-XVII vek), Sofia, 2004, p. 397.
  • [37]
    Frenski p?tepisi za Balkanite xix v, B. Cvetkova (éd.), Sofia, 1981, p. 299.
  • [38]
    A. de Bessé, The Turkish Empire its Historical, Statistical, and Religious Conditions, also its Manners, Customs etc. (Translated, Revised, and enlarged, from the fourth German edition With Memoires of the Reigning Sultan, Omer Pa?a, the Turkish Cabinet, etc. by Edward Joy Morris), Philadelphia, 1854, p. 191.
  • [39]
    P?tuvane na Evliya Çelebi iz b?lgarskite zemi prez sredata na XVII vek. Prevede ot turski D. Gadžanov – P sp. 1909, LXX, p. 652.
  • [40]
    Turski izvori za b?lgarskata istorija, XIII, p. 87, XVI, p. 340, 370.
  • [41]
    O. Todorova, op.cit., p. 376.
  • [42]
    R. Gavrilova, Koleloto na života, Sofia, 1999, p. 312-314 ; O. Todorova, « Prostitucijata v b?lgarskite zemi prez rannite vekove na osmanskoto vladi ?estvo », dans Granici na graždanstvoto : evropejskite ženi meždu tradicijata i modernostta. S?staviteli, K. Daskalova i R. Gavrilova, Sofia, 2001, p. 63-78 ; O. Todorova, op.cit., p. 393, 395-401.
  • [43]
    O. Todorova, ibidem, p. 400-401.
  • [44]
    ?. Liakos, « ? ???????, ?? ???????? ??? ?? “??????????? ?????????”. ?????????????? ??? ????? ??? ??? ???????? ??? ???? ??? ???? », dans ??????, 23, 2001, p. 99 –112.
  • [45]
    Voir Rumelijski delnici i praznici …, p. 256 ; O. Todorova, ibidem, p. 400.
  • [46]
    Sur ce sujet, je me réfère aux thèses concernant la nation de B. Anderson, Imagined Communities. Reflexions on the Origin and Spread of Nationalism, Londres, 1983.
  • [47]
    Pour plus de détails au sujet de ces processus, voir : N. Aretov, Nacionalna mitologija i nacionalna literature, Sofia, 2006, p. 7-36.
  • [48]
    Voir à ce propos K. Daskalova, « Ženskata identi?nost : normi, predstavi, obrazi v b?lgarskata kultura ot XIX vek », dans Balkanski identi?nosti, t. 2, Sofia, 2001, p. 158.
  • [49]
    Sur la modification de l’image du Grec à la suite de la collision entre Bulgares et Grecs sur le sol national, voir N. Danova, « Obrazi na g?rci i zapadnoevropejsci v b?lgarskata knižnina prez XVIII-XIX vek », dans Balkanskite identi?nosti v b?lgarskata kultura, t. 4, Sofia, 2003, p. 92-132.
  • [50]
    Voir à ce sujet E. Said, Orientalism, Londres, 1979.
  • [51]
    Voir à ce sujet L. Wolff, Inventing Eastern Europe. The Map of Civilisations on the Mind of the Enlightenment, Stanford, 1994.
  • [52]
    Voir à ce sujet D. Livanios, « Christians, Heroes and Barbarians: Serbs and Bulgarians in the Modern Greek Historical Imagination (1602 –1950) », dans Greece and the Balkans. Identities, Perceptions and Cultural Encountries since the Enlightenment, éd. Dimitris Tziovas, Burlington, 2003, p. 68 –84.
  • [53]
    À propos de ce phénomène, voir I. Buruma, A. Margalit, A. Occidentalism. A short History of Anti-Westernism, 2004.
  • [54]
    Voir les articles, publiés dans la revue Literaturna mis?l, 1, 2005, ainsi que N. Danova, « Otnovo za « Oksidentalizma » kato obraz na Drugija, dans Sledva, 17, 2007, p. 18-28.

1Les textes des voyageurs étrangers, ayant traversé les localités bulgares, témoignent du fait que ce n’est qu’à partir du xvie siècle que leur attention était attirée par l’aspect physique, le mode de vie, les costumes, les us et les coutumes de la population locale. C’est à cette époque que remonte précisément la première apparition de femmes dans les notes de voyage. Certains récits de voyageurs tchèques, croates, slovènes, italiens, français, allemands, anglais ou autrichiens nous proposent des descriptions très détaillées de l’apparence physique, des vêtements, du comportement des femmes locales [1]. Comme il s’agit dans ces descriptions du regard de « l’autre », de « l’étranger », soit, du représentant d’un monde foncièrement différent tant sur le plan matériel que spirituel, il est extrêmement intéressant de faire connaissance avec le portrait de la femme bulgare, brossé par nos voisins. Depuis plusieurs années, je me suis attachée à l’idée de recueillir des sources primaires en vue de la rédaction d’un ouvrage qui sera éventuellement intitulé Les Bulgares dans la littérature grecque du xviie au xixe siècle[2]. Dans le présent exposé, il sera question de trois textes, composés par des Grecs, ayant visité des localités bulgares et nous ayant laissé des images de femmes réelles ou fictives.

2Le premier texte date de 1742. Il s’agit de l’année qui a suivi la décennie marquée par des conflits incessants entre l’Empire ottoman d’une part, et l’Autriche, Venise, la Russie et l’Iran, de l’autre. Ce n’est que trois ans plus tôt que le traité de paix de Belgrade de 1739 a mis fin à la guerre de l’Empire avec l’Autriche et la Russie. Aux termes de ce traité les Ottomans reprirent Belgrade qui, en 1718, avait été conquise par les Autrichiens. La Russie s’engagea à renoncer à ses fortifications sur la mer d’Azov, en promettant d’évacuer sa flotte de la mer Noire. De 1768 à 1774, une certaine accalmie s’établit dans les rapports entre la Sublime Porte et la Russie. L’Empire ottoman ne manque certes pas de sortir victorieux d’un nombre considérable de conflits militaires, mais c’est plutôt à titre fortuit et provisoire, à cause de la décadence toujours plus tangible de l’État à la fin du xvie siècle, due à la crise du système militaire et du déplacement des voies commerciales. Les succès militaires de la Sublime Porte s’expliquent essentiellement par les contradictions insurmontables entre les États européens qui ont abouti à la guerre pour l’héritage autrichien. L’année à laquelle se situe le récit en question est marquée par les relations de paix entre le sultan ottoman Mahmud Ier et la France, qui compte bien effectuer une percée économique dans l’Empire [3]. Les Principautés danubiennes, vassales de la Porte, sont gouvernées par des princes phanariotes : à Bucarest, c’est le prince valaque Michel Racovi?a qui règne et, à Ia?i, le trône de la Principauté de Moldavie est occupé par Constantinos Maurocordatos.

3L’auteur du récit est le Grec Marcos Antonios Catsaitis (1717-1787), né à Corfou, – qui se trouve à cette époque sous la domination de Venise. Il reçoit une instruction juridique solide pour son temps et occupe différents postes élevés dans l’administration vénitienne de Corfou. Catsaitis est l’auteur d’une Géographie, publiée en italien en 1738, à Venise. Il entreprend plusieurs voyages dans les Balkans et en Asie Mineure (en 1740 et en 1742) qu’il décrit en détail dans son journal volumineux. Le Journal de Catsaitis, dont je publie ici un extrait, est également rédigé en italien et se trouve à présent dans les archives de l’Institut d’études grecques modernes de la Sorbonne à Paris. Il est publié en italien et en grec (en traduction), en trois volumes, par l’historien grec Philippos Phalbos. La partie du récit de voyage qui concerne la Bulgarie est liée au voyage de Catsaitis de Constantinople jusqu’aux Principautés danubiennes en 1742 [4]. Malheureusement, la partie du journal relative à son retour à Constantinople en 1743, n’a pas été conservée.

4Composé par un représentant instruit des peuples balkaniques, le journal de Catsaitis a une valeur particulière, du fait que ce genre de témoignage est beaucoup plus rare que les notes de voyages dont les auteurs appartiennent aux pays européens. En l’occurrence, l’auteur du journal est à la fois « proche » et « étranger », car, dans son cas, on observe une sorte d’accumulation de différentes identités. Il se distingue par un sentiment très fort d’appartenir à la nation grecque et il professe la religion chrétienne orthodoxe. En même temps, son instruction est essentiellement italienne et il est originaire d’un pays qui n’a jamais fait partie de l’Empire ottoman. Il assiste à l’office dans des églises orthodoxes, mais il lui arrive, en cas d’obstacles d’aller également dans des églises catholiques. Il s’habille à la française, portant des costumes de dentelle et la perruque, ses manières sont également à la mode occidentale [5]. Il parle couramment le grec et l’italien. Son journal est écrit dans un italien parlé, avec des consonances vénitiennes, rehaussé de nombreux mots turcs, français et slaves. Il est de citoyenneté vénitienne, ce qui lui permet, comme à toute personne appartenant à la noblesse, de s’introduire dans tous les milieux de l’Empire ottoman. Catsaitis ne se sent pas étranger dans ses contacts avec la population locale et il se montre prêt à accorder sa sympathie à tous ceux qu’il rencontre pendant son voyage. C’est peut-être aussi dû au fait qu’il est très jeune à cette époque : 25 ans, ce qui explique son caractère jovial et agréable et son empressement à se faire des relations. Il se lie facilement avec des prêtres grecs ou russes, avec des phanariotes et des diplomates, avec des patriarches, des princes et des drogmans auprès de la Porte, avec des commerçants grecs, des représentants éminents de la communauté grecque, avec des gens de toute condition sociale. À la fin de son journal, on a l’impression qu’il a cherché une sorte d’appui auprès des phanariotes ou, plus exactement, de la famille des Maurocordatos, mais ces derniers lui ayant accordé un salaire dérisoire, le blessent profondément et le repoussent.

5Le journal de Catsaitis est une source très riche d’informations sur l’histoire de la Péninsule balkanique au xviiie siècle. Son don d’observation et ses relations avec des personnages haut placés dans l’Empire ottoman lui ont permis de recueillir et d’exposer ses impressions sur la vie culturelle et politique des chrétiens et des musulmans habitant l’Empire, ainsi que de présenter des scènes curieuses, illustrant la vie quotidienne des gens. Dans la capitale ottomane, il fréquente le cercle de Dona, l’ambassadeur vénitien qui le reçoit chez lui et où Catsaitis entre en relations avec d’autres aristocrates « francs » à Galata et à Péra. Les gentilshommes et les chevaliers européens d’une part et le padishah et les vizirs, les aghas, les kehayas, les janissaires, etc., de l’autre, forment le milieu qu’il fréquente. Il nous a laissé des descriptions hautes en couleur du Phanar, du patriarcat, des églises et des mosquées, des sérails et des hammams, des forteresses, des caravansérails, des marchés, du marché aux esclaves et du marché aux chevaux. Le texte est saturé de détails concernant les révérences et les cérémonies, ce qui est bien dans l’esprit de l’époque. Nous voyons revivre sous nos yeux des mentalités et des gestes, des révérences sincères ou hypocrites et, bien entendu, des coups bas. Lors de son voyage dans les Balkans, Catsaitis devient le témoin d’incendies et d’une épidémie de peste [6], ainsi que d’un projet de mariage déjoué, qui provoque les larmes.

6Nous retrouvons dans le journal de Catsaitis l’une des meilleures descriptions des Bulgares de Thrace, dont l’aspect physique, le mode de vie et le caractère sont représentés avec beaucoup de chaleur et de sympathie. Comme il le dit lui-même, Catsaitis entre en Bulgarie le 22 septembre 1742. En réalité, il suit le chemin habituel des voyageurs : de Constantinople jusqu’au Nord, en passant par la Bulgarie orientale. Il traverse Fakiya, Karabunar, Beyler, Aïtos Küprüköy, Sultaner, Kalnideresi, la Dobroudja, pour se retrouver au-delà du Danube, près de Gala?i. Pour se faire une idée de ce que représentait ce voyage, il importe d’ajouter que Catsaitis est parti de Constantinople, à cheval, le 17 septembre, en compagnie du beyzade Constantinos Cantemir, fils du prince moldave Antiochos Cantemir, qui a occupé le trône princier à Ia?i à la fin du xviie et au début du xviiie siècle. Ils sont suivis de la fille de Cantemir qui voyage dans un carrosse, tiré par quatre chevaux, avec ses deux esclaves et toute une suite de servantes. Ils voyagent dans deux fiacres couverts dont chacun est tiré par huit chevaux : l’un transporte les bagages de Cantemir et l’autre, les affaires de Catsaitis, son valet et un prêtre qui s’est joint à eux. Ainsi, le groupe compte 30 personnes. Le beyzade aime bien prendre un verre de temps en temps, surtout du vin, mais quand il n’y en a pas, il boit de l’eau-de-vie et quand ils ne trouvent pas d’alcool en cours de route, il oblige son compagnon à boire du jus de raisin, de la presse directement, en mangeant des oignons. La traversée n’est pas facile, car on est à l’approche de l’hiver et il fait froid la nuit, sans compter que la route de montagne n’est pas bien entretenue.

7

« Dans toute la Turquie personne ne paye pour passer la nuit dans les auberges, les caravansérails ou chez l’habitant. Partout les voyageurs sont logés gratuitement. Ils ne payent que le foin pour les chevaux et les repas, sans pour autant être obligés de régler le prix indiqué ; on s’en remet à la générosité de l’étranger. Je puis affirmer d’ailleurs que la noblesse de sentiments existant en Turquie ne se retrouve dans aucun des pays chrétiens où l’on ne cherche qu’à escroquer ou à voler les malheureux étrangers ».

8Catsaitis informe ses lecteurs que la chaîne du Balkan est tellement é levée qu’on voit de son sommet la mer Noire et l’Adriatique, ce qui nous ramène à Hérodote et n’est, naturellement, pas exact. En cours de route, nos voyageurs rencontrent le beyzade Alexandre Maurocordato, le frère du prince moldave Constantinos Maurocordatos, qui voyage en carrosse, tiré par six chevaux, suivi de 24 carrosses et de 16 fiacres où sont installés son personnel, son épouse, les domestiques et d’autres personnes.

9Voici un extrait du journal de Marco Antonio Catsaitis qui contient une description des femmes bulgares :

10

« Le 22 (septembre), jeudi, nous traversâmes les frontières de la Thrace pour entrer en Bulgarie [7] et nous allâmes déjeuner à Kanarès [8]. On a tout de suite noté la différence entre les habits des femmes de Thrace et ceux des Bulgares ; ces dernières pourtant se couvrent le visage d’un voile curieux, qui se termine en forme de cornes sur la tête. Toutes les jeunes filles bulgares ont sur leurs jupes deux queues pendant jusqu’au sol, leur corsage est fait d’une étoffe plissée ; elles portent beaucoup de choses pendantes, en dehors des parures de pièces de monnaie enfilées qui leur serviront de dot le jour du mariage. Elles étalent donc leur fortune aux yeux de tout le monde, pour attirer l’attention du futur époux [9]. Et pourtant, chaque village présente ses propres spécificités.
Après le déjeuner, au bout d’un trajet de trois heures, nous arrivâmes à Fakiya [10], une heure avant le coucher du soleil. C’était un grand village très peuplé [11], mais les Grecs y étaient peu nombreux. Après avoir passé huit heures sur la route pendant toute la journée [12], nous nous installâmes dans différentes maisons, à peu de distance l’une de l’autre, dont les hôtes nous accueillirent avec beaucoup d’empressement, mettant à notre disposition tout ce qu’ils possédaient. Après le dîner, je regagnai la maison, où je devais passer la nuit. Un peu plus tard, j’entendis de nombreuses jeunes filles chanter d’une voix mélodieuse et expressive, en poussant des exclamations qui retentissaient dans tout le hameau. J’étais encore tout habillé et je n’avais donc qu’à me soulever du lit pour voir ce qui se passait. Prenant ma pipe, je sortis dehors et je vis, dans la cour voisine, des femmes assises autour du feu, leur ouvrage en mains, ces jeunes filles du quartier qui avaient de si belles voix et qui chantaient, enchaînant la mélodie, tantôt l’une, tantôt l’autre. Je ne comprenais pas la langue, mais leurs voix me rappelaient celles des femmes d’Italie. Content d’évoquer des souvenirs et impressionné par la chanson, je me rapprochai ; elles s’écartèrent pour me laisser de la place à côté d’elles et j’y restai jusqu’à minuit, fumant la pipe et écoutant les jeunes filles chanter ».

11Un demi siècle plus tard, en 1791, c’est le secrétaire phanariote Panayotis Codrikas qui traverse la Bulgarie et qui nous propose un texte présentant des personnages féminins quelque peu différents. Panayotis Codrikas est né à Athènes, au milieu du xviiie siècle ; il fait ses études dans des établissements grecs renommés dans les Principautés danubiennes et, plus tard, à Constantinople. Dans la capitale ottomane, il se lie d’amitié avec le prince phanariote Michel Soutsos, qui occupe le poste de grand drogman auprès de la Sublime Porte et, à partir de 1783, il est nommé prince de Moldavie. Du mois de mars au mois d’août 1791, Codrikas traverse la Bulgarie, en se rendant de Constantinople jusqu’à Ia?i. Le cortège princier conduit par le prince Michel Soutsos part de Constantinople le 24 mars, pour traverser le Danube près de Toutrakan, le 18 août, après quoi, il tombe malade et se voit obligé de passer quatre mois à Choumène. La route suivie par Codrikas est la suivante : Constantinople – Buyuk Çekmece – Silivriya – Çorlu – Lüleburgaz – Sarandaeklisies (Lozengrad, actuellement K?rkleri en Turquie) – Koca Tarla (Azara ?t) – Kanara – Fakiya – Boyuk Dervent (actuellement Goliam Dervent) – Seymikiyaöy (act. village de Sigmen, département de Bourgas) – Karnobat – Dobral? (act. Prilep, dép. de Bourgas) – Kamçuksuyu (Kamtchia), Çal?kavak (actuellement village de Rich, dép. de Choumène) – Dragoy (act. village de Dragoevo, dép. de Choumène) – Çengelköy (act. Divdiadovo, quartier de Choumène) – Taçiköy (Tasçi, act. village de Kamenar) – Tilorman (Deliorman, act. Loudogorié) – Totrokanani (act. Toutrakan). Jusqu’à Choumène, la procession princière suit sans écart la route traditionnelle, en passant par la Bulgarie de l’Est pour aller vers le Nord, mais elle traverse le Danube à Toutrakan et non pas à Roussé ou à Silistra comme les autres voyageurs.

12Lors de son voyage, Codrikas tient un journal en grec, toujours conservé à l’Institut d’études grecques modernes à la Sorbonne, qui a été publié par le chercheur grec A. Angélou [13]. Codrikas note dans son journal ses impressions sur les conditions climatiques, le territoire, relatant é galement des épisodes de la vie dans le camp princier. Il est conscient de traverser des territoires où règne la violence, car il passe par la Bulgarie à l’époque de la vague d’anarchie qui a succédé à la guerre russo-turque de 1787-1791 [14]. Il fait remarquer entre autres que dans chaque village, il tombe sur des détachements armés, composés d’Albanais ou de janissaires. Traversant le Deliorman, Codrikas note la réflexion suivante : « De l’avis général, c’est une région très dangereuse, car c’est Ðinoglou, le brigand bien connu, qui y rôde » [15].

13Le 1er août 1791, Codrikas fait remarquer dans son journal : « J’ai noté mes observations sur le peuple bulgare contemporain ». Ses observations ont été consignées en français, sur dix pages, conservées dans les mêmes archives, que le directeur de l’Institut, le prof. Costantinos Dimaras a eu l’amabilité de mettre à ma disposition [16].

14Pour P. Codrikas, les Bulgares contemporains ressemblent aux anciens Scythes dont ils seraient les descendants. Leur primitivisme se manifeste au niveau de leurs aliments : ils aiment tout ce qui est sec, consommant de la viande sèche salée dont ils préparent les plats, qui recouvrent leur table. Ils sont plutôt des pâtres que des agriculteurs, bien que leur terre soit extrêmement fertile. Pour mettre en valeur l’image de la femme bulgare, je citerai un extrait de ce que Codrikas a écrit, dans le but de souligner l’antithèse « Grec civilisé » et « Bulgare barbare » : Le premier est doux, spirituel, propre et aimable, alors que l’autre est sauvage, stupide, sale et borné. Quand le Grec prend son repas, il s’amuse, il chante, il est gai, jovial et amoureux. Le Bulgare se soûle directement, sans s’amuser : il crie, sans chanter, il se démène et sa façon de s’amuser n’évoque qu’un état d’ivresse brutale et belliqueuse. L’amour transforme le Grec en poète, il chante ses plaisirs, il compose des vers pour louer sa passion et, par mille cajoleries, il s’efforce de gagner la confiance de ceux qui entourent l’objet de son amour. Il travaille avec beaucoup plus de zèle pour gagner de l’argent et pour être bien habillé les jours de fêtes, afin d’impressionner celle qu’il adore. En revanche, le Bulgare, dès qu’il se lance dans quelque intrigue amoureuse, se montre plus sauvage, plus paresseux, il ne veut plus travailler et s’adonne entièrement à la boisson. D’autre part, il se livre à toutes sortes d’extravagances, pour intimider les parents de sa bien- aimée, au cas où ils auraient l’idée de lui refuser sa main. Le valet d’écurie, un jeune homme du pays, très adroit, s’acquittant strictement de ses obligations, tomba amoureux d’une jeune fille habitant la maison où Codrikas logeait, alors qu’un autre jeune homme, couturier du même pays, avait des relations amoureuses avec une jeune fille du voisinage. Ils entrèrent tous les deux en contact et abandonnèrent leur travail, passant vingt quatre heures sur vingt quatre à s’enivrer. Les deux amoureux terrorisaient tout le quartier, en se livrant à toutes sortes d’extravagances. Un soir ils firent irruption dans la maison de Codrikas, qui se vit obligé d’appeler la garde pour faire arrêter les deux malfaiteurs, mais la mère et la fille fondirent en larmes, pleurant le sacrifice de ces jeunes héros qui venaient de faire preuve d’un si grand courage et qui auraient fait les meilleurs époux du monde.

15La femme bulgare est présentée comme la gardienne principale des traditions religieuses : elle est obligée le samedi soir et le dimanche d’apporter à l’église une offrande à la mémoire de ses parents et de ses proches décédés : ce sont des récipients contenant des aliments et du pain, qu’elle place sur leurs tombes. Elle prend une part très active à toutes les activités liées à son foyer : ici on construit soi-même sa maison et chaque femme bulgare est une maçonne très habile dont les mains remplacent tous les outils : après que l’homme ait planté les pieux dans le sol, la femme de ses propres mains badigeonne le mur de crépi, une sorte de terre blanchâtre dont ils se servent à la place de la chaux et du plâtre et qui est très répandue dans ce pays. Après ce travail, l’homme recouvre la maison de roseaux et de paille, bâtit la cheminée et, ensuite, la femme enduit le plancher de fumier d’étable, ce qu’elle doit faire chaque samedi après-midi [17]. D’après les mots de Codrikas, il ne pouvait pas supporter la vue de ces femmes, « assez bien tournées », mais sales jusqu’au cou, en train d’enduire le plancher de fumier de leurs propres mains.

16Voyons un peu ce que veut dire Codrikas, quand il prétend que les femmes bulgares sont « assez bien tournées » : les représentantes du sexe faible en Bulgarie sont vraiment de belle apparence et on trouve des femmes qui pourraient être qualifiées de vraies beautés [18]. Dans l’ensemble, elles sont grandes, solidement bâties, au teint du visage blanc et rose, ayant presque toutes les cheveux blonds [19].

17Codrikas note également ses impressions sur les amusements des jeunes filles bulgares : il mentionne de nombreuses réunions, où il y avait des jeunes filles et des jeunes gens qui dansaient la ronde. Ils ont tout de même des chansons pastorales qu’ils exécutent à leur manière, en chantant tous à la fois et en poussant des cris. Codrikas nous présente un motif de leur chanson :

18

« Stoyan courtisait trois jeunes filles à la fois,
Des filles de popes toutes les trois.
L’une venait de Vidin, d’Ov?ipole, la deuxième
C’est à Constantinople que vivait la troisième.
Celle qui était de Vidin le conviait avec empressement :
Qu’il vienne donc Stoyan, qu’il vienne
Récolter son vin, deux tonneaux par vigne.
Celle qui était d’Ov?ipole le conviait avec empressement :
Qu’il vienne donc Stoyan, qu’il vienne
Voir son nouveau troupeau, – de chaque brebis deux agneaux.
Celle qui était de Constantinople le conviait avec empressement :
Qu’il vienne donc Stoyan, qu’il vienne
Voir son enfant nouveau-né, – sa petite fille,
Une petite fille d’or, – un vrai trésor.
Qu’il vienne donc Stoyan, qu’il vienne ».

19À en croire Codrikas, les jeunes filles bulgares se rendent auprès des visiteurs pour les divertir, dans le seul but de leur soutirer de l’argent, alors que quand elles vaquent aux besognes ménagères, elles n’ont pas l’habitude de chanter, à la différence des Grecques. Il affirme qu’il n’a jamais entendu pendant son séjour en Bulgarie des jeunes filles chanter à la maison.

20Le texte de Codrikas est adressé au savant français Pierre Augustin Guys [20], ayant assumé la tâche de défendre les Grecs contre les attaques du savant allemand Cornelius de Pauw qui, en 1788, dans un ouvrage volumineux, a développé la thèse selon laquelle les Grecs actuels n’étaient pas dignes d’être considérés comme les descendants des anciens Hellènes, à cause de leur ignorance et de leur fanatisme [21]. Or, dans son exposé, P. Codrikas s’efforce de démontrer la supériorité des Grecs sur le plan intellectuel et moral, sur les autres peuples des Balkans. Il convient par ailleurs de souligner que Codrikas n’aborde pas impartialement le sujet des Bulgares ; bien au contraire, il a l’intention bien arrêtée de confirmer les systèmes philosophiques qu’il a adoptés. Il entreprend de faire la connaissance des Bulgares non pas pour se rapprocher directement d’un peuple jusque-là inconnu, mais pour chercher des arguments à l’appui de son propre schéma. Codrikas est fortement influencé par les conceptions des philosophes français du xviie et du xviiie siècle qui contribuent à la formation de ses idées et de son jugement sur le monde environnant et sur les peuples qu’ils rencontre au cours de ses voyages. Il cherche à confirmer le système philosophique de Fontenelle qu’il admire beaucoup et, dans ce sens, ses Observations sur les Bulgares constituent une tentative de prouver la validité des idées du philosophe français sur la nature immuable d’un peuple, sur sa vie éternelle, sur la conservation des us et coutumes des ancêtres, sans aucun changement. D’autre part, Codrikas est fortement influencé par les idées de Montesquieu sur le rôle décisif des conditions climatiques pour la formation du caractère des différents peuples. La tentative faite, il y a des siècles, par Aristote, pour démontrer la supériorité des Grecs sur les « barbares » est reprise par Codrikas dans son exposé où il s’évertue à prouver la supériorité des Grecs, comparés aux Bulgares grossiers et malotrus. La description que fait Codrikas des Bulgares, de leurs femmes et de leurs enfants, vient confirmer l’idée de Montesquieu sur la force des peuples barbares, sur l’épanouissement de la nature humaine sur un sol moins fertile, sur l’influence funeste de l’esclavage sur la nature humaine. Considérant à tort les Bulgares comme des Scythes, Codrikas paie son tribut à l’engouement très à la mode à l’époque, consistant à s’occuper des peuples primitifs, de la « nature naïve », faisant opposer l’image du « barbare » bulgare à celle du Grec civilisé et noble qui, d’après l’auteur, a préservé toutes les vertus des Grecs anciens. Indépendamment de ses faiblesses, la description de Codrikas n’en constitue pas moins une référence intéressante sur la manière dont les Bulgares étaient considérés par leurs voisins. D’ailleurs, il importe de souligner que la chanson sur Stoyan, transcrite en caractères latins par Codrikas, représente un des enregistrements les plus anciens d’une chanson populaire bulgare.

21Au bout d’un peu plus d’un quart de siècle, en 1826, un livre volumineux paraît à Paris, sous le titre de Résumé géographique de la Grèce et de la Turquie d’Europe, rédigé par M. G. A. M., citoyen grec, orné d’une carte par M. Perrot [22]. Le livre paraît également en allemand en 1828, à Heidelberg [23]. Derrière les initiales G. A. M. nous retrouvons le nom de Georges Manos (1792-1869), appartenant à une famille phanariote bien en vue. C’est le fils d’Alexandre Manos (1755-1815), qui a occupé des postes élevés dans l’administration de Valachie et dans l’institution du Patriarcat de Constantinople. Georges Manos a fait lui-même partie de la haute administration des Principautés danubiennes au début du xixe siècle. Lors de l’insurrection grecque en 1821 dans les Principautés danubiennes, il se solidarise avec le leader de l’organisation révolutionnaire grecque Philiki hetairia, Alexandre Ypsilanti, ce qui entraîne la décapitation de son frère Yoannes à Constantinople. Après la libération de la Grèce en 1830, il s’établit dans le Royaume de Grèce, pour participer à sa vie politique. Il occupe différents postes diplomatiques, fait des conférences d’histoire de la Grèce ancienne dans des centres culturels européens [24]. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à Alexandre le Grand ou à la Question d’Orient [25].

22Le livre de Manos est une géographie à la fois physique et politique de la Péninsule balkanique, dans laquelle, selon les exigences de l’époque, les descriptions géographiques et historiques sont étroitement enchevêtrées. En la composant, l’auteur s’est servi sans aucun doute des ouvrages de ses prédécesseurs. Il faudrait souligner que le livre de Manos est pénétré par l’idéologie des Lumières, amenant tout homme de lettres à se référer à son expérience personnelle, ce qui fait qu’à de nombreux égards, le livre a la valeur d’un récit de voyage. Manos ne désigne pas les sources de référence utilisées, c’est-à-dire qu’il ne mentionne ni les auteurs ni les titres des livres auxquels il a puisé son information, pratique qui ne sera rejetée que bien plus tard, après l’affirmation des « droits d’auteur ».

23Malheureusement, je ne suis pas en mesure pour le moment d’indiquer les sources auxquelles Manos s’est référé pour composer sa géographie, à l’exception des œuvres de François Pouqueville (1770-1838), médecin français et consul de France à Jannina, auteur de magnifiques récits de voyage à travers les Balkans, auxquels il a dédié son livre. Certaines similitudes des renseignements géographiques concrets entre l’ouvrage de Manos et la Géographie contemporaine de Grégoire Constandas et de Daniel Philippides, parue en 1791 à Vienne [26], laissent supposer qu’il s’est référé à leur livre ou bien à quelque source commune. D’après le géographe français Barbié du Bocage, la principale source de référence de Constandas et de Philippides étaient la Géographie du géographe français Nicolle de la Croix et l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke, jouissant d’une popularité exceptionnelle. Toujours d’après Barbié du Bocage, Constandas et Philippides comptaient beaucoup sur leurs propres observations, ainsi que sur les récits des commerçants grecs à Vienne [27]. À en juger par le texte de la Géographie de Manos, il s’est basé lui aussi sur ses propres observations faites en traversant la Bulgarie pour se rendre dans les Principautés danubiennes.

24La partie du livre de Manos, consacrée à la Bulgarie et aux Bulgares, comprend environ 42 pages. Dans son exposé Manos s’en tient à la tradition suivie par la plupart des géographes consistant à accorder l’appellation de Bulgarie aux terres situées entre le Danube et le Balkan connues dans l’Antiquité sous le nom de Mésie, ce qui est également valable pour Constandas et Philippides [28]. Manos met surtout l’accent sur le dépeuplement de vastes régions de ces territoires, ce qui témoigne de la violence qui les a ravagés, à la suite des guerres russo-turques successives, ayant amené à l’émigration de nombreux Bulgares au nord du Danube. Une partie des toponymes mentionnés par Manos se retrouvent dans les livres ou les cartes géographiques de ses prédécesseurs où ils changent souvent de nom ou disparaissent complètement, tandis que dans le texte de Manos ils y figurent [29]. Sa description des Bulgares suscite notre intérêt : « Les Bulgares appartiennent encore à cette variété slave de l’espèce japhétique [30] qui, de bonne heure, peuple, depuis la Bosnie, et généralement, le bassin inférieur du Danube. Ils ont eu à soutenir les guerres les plus sanglantes contre le Bas-Empire, qu’ils remplirent de terreur jusqu’à l’an 1017, où Basile les soumit, mais leur soumission dura peu. Ils secouèrent le joug qui pesait sur eux, et choisirent des rois nationaux, ils soutinrent leur indépendance jusqu’à l’époque où Étienne, roi de Hongrie, les força à le reconnaître comme leur souverain. Les empereurs grecs se déclarèrent alors pour les Bulgares et le conquérant qui les avait d’abord soumis fut obligé de renoncer à leur dicter ses lois. Amurat Ier les vainquit, et, depuis, Bajazet s’empara définitivement de la province [31]. Les Bulgares, qui parlent encore leur langue ancienne, avec quelques légères modifications, sont en général d’une haute stature, d’une grande force corporelle, constants, laborieux et intrépides, mais à demi barbares ; presque tous professent la religion grecque. La situation du pays qu’ils occupent a fait de celui-ci le théâtre presque continuel des guerres qui, dans ces derniers siècles, ont eu lieu entre les Russes et les Turcs.

25On a avancé que les Bulgares étaient inhospitaliers ; nous pouvons affirmer le contraire [32]. Dans les villages, les voyageurs sont accueillis avec des démonstrations d’allégresse ; les jeunes filles vont à leur rencontre, et en semant des grains de toute espèce sur leur pas [33], elles les invitent à s’arrêter dans l’humble chaumière de leurs pères ; mais dans les grandes villes il faut avoir recours aux hôtelleries (hans). La population se compose en grande partie de Turcs, qui ne sont pas aussi généreux que les Bulgares. Cette province se divise, ainsi qu’il a été dit, en quatre sandjaks. Ceux de Silistra et de Roustchouk sont compris dans le territoire de l’ancienne Moesie inférieure » [34].

26À l’instar de ses contemporains, fortement influencés par le classicisme, Manos est disposé à dépister l’Antiquité dans tout ce qu’il voit ou entend. Voyons un peu l’histoire qu’a insérée dans sa Géographie l’auteur formé par Homère, qui s’efforce de comparer ce qu’il a vu ou entendu lors de son voyage à travers la Bulgarie avec ce qu’il a déjà connu. L’enchevêtrement du mythique et du réel dans son récit conduit à l’élaboration d’une nouvelle mythologie, qui ne manquait sans doute pas de divertir ses lecteurs :

27

« À une lieue au nord et au nord-est [de Choumène] on trouve le village de Madara, habité uniquement par des femmes dont la dépravation est passée en proverbe. Elles sont au nombre de 2000 environ, vivent comme en communauté, exemptes de toute espèce d’impôt, et professent la religion mahométane ; cependant elles ne portent aucun voile. Madara est le refuge de toute malheureuse aventurière qui veut se soustraire à la vengeance d’un mari ou de parents irrités par sa mauvaise conduite. On y rencontre par conséquent des femmes de toutes les classes sociales et de toutes les parties de l’Empire ottoman. À l’apparition d’un voyageur, elles se portent à sa rencontre en dansant, et dans le costume le plus voluptueux. Elles ne cessent pas leurs avances que l’étranger ne soit entré chez quelqu’une d’entre elles où la nouvelle bacchante le provoque aux plus honteuses orgies. Tous ceux qui veulent goûter de tels plaisirs sont respectés et reçus dans la cité féminine avec une singulière cordialité ; les lois de l’hospitalité y sont observées avec le plus naïf abandon; mais le voyageur qu’y conduirait la simple curiosité, et qui se refuserait à satisfaire les goûts de ses hôtesses, serait exposé à se voir maltraité et chassé brutalement. Les Déré-Beys choisissaient parmi les citoyennes de Madara leurs guvendés (sorte de danseuses) qui n’étaient pas seulement astreintes à donner des plaisirs à leur maître, mais qui, armées de pied en cap à leur façon, et montées sur de rapides coursiers, étaient obligées de se porter en temps de guerre contre les ennemis, et de combattre en troupes légères, soit en essayant le pouvoir de leurs charmes, soit en attaquant la lance à la main. Cet usage est tombé avec les Déré-beys, qui ne figurent plus que dans l’histoire de la Turquie. La colonie galante et guerrière de Madara, qui paraît avoir existé de toute antiquité, n’admet aucune femme laide ou vieille et de là peut-être l’origine de la fable des Amazones sur laquelle se sont tant exercés les commentateurs » [35].

28L’information de Manos relative sur la présence d’une communauté de prostituées à Madara est attestée dans d’autres sources historiques. En 1759, le Polonais Adam Gotwardowski note dans son journal que les épouses et les filles des Tsiganes du village de Madara « vendent leur corps comme si c’était une simple marchandise, sans en éprouver la moindre honte, et les Turcs payent, selon leur beauté » [36]. On retrouve la même information dans l’ouvrage du savant français Ami Boué, qui a traversé les Balkans pendant les années 30 du xixe siècle : le village de Madara, peuplé autrefois de Tsiganes et de prostituées, fut détruit lors de la dernière guerre et c’est Choumla (Choumène) qui hérita de ce rebut [37]. Ami Boué parle probablement de la guerre russo turque de 1828-1829, dont les opérations militaires ont laissé des traces profondes en Bulgarie de l’Ouest. Une autre source de l’époque qui mentionne la présence de femmes à Madara, c’est le récit de voyage du diplomate français Alfred de Bessé, selon lequel Madara est un grand village, peuplé de 2000 femmes musulmanes qui vivent en communauté [38]. Nous ne disposons pas de données susceptibles de nous renseigner à quelle époque exactement cette communauté pittoresque de Madara a commencé son existence. Il convient cependant de noter que Evliya Çelebi, un voyageur assez loquace, qui parle des mesures prises par les autorités contre les prostituées à Sofia au milieu du xviie siècle, et qui passe par Madara à la même époque, ne fait aucune allusion aux « amazones » décrites par Manos, se contentant de noter que Madara est un « village florissant » [39]. Les registres ottomans relatifs à l’imposition fiscale de la population de Madara aux xvie-xviie siècles attestent la présence au village de quelque 39-45 ménages « d’infidèles », obligés de payer l’impôt ciziye[40]. Ce qui revient à dire que pour cette période au moins, on ne saurait admettre l’affirmation de Manos selon laquelle la population de la localité ne serait composée que de musulmanes « non voilées ». Les données dont nous disposons sur les mœurs des communautés islamiques indiquent qu’à la différence des honnêtes femmes, couvertes de la tête aux pieds, les femmes qui se promènent le visage exposé à tous les regards en dehors de chez elles, ne peuvent appartenir qu’aux couches les plus méprisables de la société : les esclaves, les prostituées, les domestiques [41]. Les spécialistes en histoire sociale ont constaté qu’indépendamment du fait que la prostitution constituait un grave délit du point de vue de l’islam, ce métier se pratiquait dans l’Empire ottoman [42]. On le considérait comme un « mal nécessaire » puisqu’il satisfaisait les besoins sociaux et la politique du pouvoir ottoman à son endroit était plus près de la tolérance que de la répression [43].

29Quant au désir de Manos de voir dans les habitantes de Madara de vraies amazones, je me permettrai de douter de la véracité de ce qu’il a écrit à propos de leur participation à des opérations militaires. Les études des chercheurs grecs à cet égard attestent la vitalité de l’image des amazones antiques dans la littérature grecque de la fin du xviiie siècle, cette image étant chargée d’ailleurs d’une signification assez ambivalente [44]. Il n’est pas exclu qu’il se soit agi en l’occurrence d’un groupe de prostituées accompagnant l’armée pour le besoin des soldats [45].

30Les textes cités présentent différentes descriptions de femmes qu’ont rencontrées directement ou indirectement les voyageurs grecs dans les localités bulgares. Il s’agit là d’observations précieuses, car elles sont le résultat de contacts plus directs que ceux des « vrais » étrangers. La religion orthodoxe commune, ainsi que la présence d’une diaspora grecque dans toute la Péninsule balkanique, liée à l’activité économique des Grecs ou au fonctionnement de l’institution de l’Église orthodoxe d’Orient, dont le haut clergé était constitué essentiellement de Grecs, permettent aux voyageurs grecs d’être mieux renseignés sur les populations locales. Indépendamment du fait que les Grecs ont de meilleures possibilités de communication avec les Bulgares que les voyageurs d’Europe occidentale, ce ne sont pas seulement les impressions directes qui influencent l’idée qu’ils se font des femmes bulgares, mais aussi les différents stéréotypes, les mythes et les facteurs historiques et culturels qui ajoutent des esquisses intéressantes aux contours plutôt flous de l’image de la femme dans les Balkans ottomans. Les voyages des trois Grecs datent de l’époque de la formation des identités nationales dans les Balkans et il est donc bien naturel que la formation des images des habitants locaux soit influencée dans une mesure plus ou moins grande par les mécanismes de formation de la « communauté imaginée » [46], valables pour tous les peuples. Le rôle principal dans le processus complexe de la formation de l’identité nationale revient aux différents personnages auxquels le porteur de l’identité s’identifie et se compare, et qui participent à l’édification de la narration et de la mythologie nationales, susceptibles de légitimer la communauté à ses propres yeux et aux yeux des « autres » [47]. Dans notre cas, « l’autre », qui prend également part aux processus d’identification, appartient à la même communauté religieuse, celles des chrétiens orthodoxes, tout en faisant partie d’une autre communauté, formée sur le principe des critères historico-culturels. Dans le cas des trois voyageurs, on observe une sorte de distance par rapport aux Bulgares décrits, distance teintée d’un sentiment de supériorité, dû à l’appartenance dans l’Antiquité à un peuple célèbre et glorieux. Cette distance tient également au fait que les trois auteurs appartiennent à la haute société. Évidemment, dans les trois cas, le niveau d’instruction de chacun des auteurs, ainsi que les goûts et les préférences personnels, jouent un rôle essentiel. J’aimerais ajouter que dans les trois cas, il s’agit de textes écrits par des hommes, qui, dans telle ou telle mesure, représentent des modèles culturels déterminés où l’identité féminine porte le signe de la « différence », où la femme égale « l’autre » [48]. La tonalité positive de l’image de la Bulgare que présente Catsaitis relève du fait que son journal date d’une période précédant la collision entre les projets nationaux des Bulgares et des Grecs [49]. Dans la description des femmes bulgares, nous pourrions déceler certains éléments du phénomène de l’orientalisme [50], du processus de la « fabrication » de la notion « d’oriental » [51], qui a laissé son empreinte sur les mécanismes de formation de l’image de « l’autre », de même que la tendance caractéristique des auteurs grecs à considérer les « non grecs » comme des barbares [52]. D’autre part, nous reconnaissons dans le journal de Catsaitis certains éléments de l’occidentalisme [53], des idées préconçues que les Orientaux se faisaient de l’Occident, de la disposition négative à l’égard de l’Occident et de ses valeurs, apparaissant très nettement dans la stratégie des textes des représentants de la vie idéologique dans les Balkans au xviiie et au xixe siècle [54]. En conclusion, je me permettrais d’affirmer que, indépendamment des avantages que présentent les récits des voyageurs des peuples voisins, les personnages qu’ils ont peints n’en portent pas moins le sceau de la subjectivité, du fait qu’ils dépendent des projets éducatifs, scientifiques ou politiques concrets, ce qui réduit sensiblement leur valeur cognitive.


Date de mise en ligne : 04/06/2014

https://doi.org/10.3917/balka.016.0089

Notes

  • [1]
    M. Jonov, Evropa otnovo otkriva b?lgarite. B?lgarite i b?lgarskite zemi prez pogleda na ?uždi p?te šestvenici XV-XVIII v., Sofia, 1980, p. 67-127. L’objet d’une attention spéciale est la femme musulmane, qui recèle un charme exotique très particulier pour les représentant du Monde occidental. Voir à cet égard : Balkanite prez pogleda na dve anglijski p?tešestveni ?ki ot XVIII vek. Pisma na Mary Montagu et Elizabeth Craven, Predgovor, podbor, prevod ot anglijski i bele žki ot M. Kiselineva, Sofia, 1979, p. 80-81, 92-93, 113-115.
  • [2]
    Voir quelques uns de ces textes dans les publications suivantes : N. Danova, « B?lgarite v gr?ckata knižnina prez XVIII i na?aloto na XIX vek. », dans Balkanistika, 1, Sofia, 1986, p. 252-271 et « B?lgarskata tema v politi?eskija i kulturnija život na G?rcija prez 30-te – 40-te godini na XIX vek », dans Studia balcanica, 17, Sofia, 1983, p. 106-118.
  • [3]
    C. Georgueva, « Edin dokument za frenskoto pronikvane v b?lgarskite zemi prez vtorata ?etv?rt na XVIII v. », dans Izvestija na Narodnata biblioteka « Kiril i Metodij », 16 (18), 1981, p. 649-663.
  • [4]
    Ph. Phalmpos (éd.), ?????? ???????? ????????. ???. ?????? ??? ??????????? ?? ???? 1742, ????????. ???????. ?????????-??????. ???????, ??????, 1979. Le texte publié ici se trouve aux p. 91-92.
  • [5]
    À propos des vêtements comme marque distinctive de l’identité dans l’Empire ottoman, voir : S. Ivanova, « Karnaval – imperski intermedii », dans Predstavata za drugija na Balkanite, éd. N. Danova, V. Dimova, M. Kalicin, Sofia, 1995, p. 55-61.
  • [6]
    À propos d’épidémies de pestes à cette époque, dans la région que traverse Catsaitis, voir N. Manolova-Nikolova, ?umavite vremena (1700-1850), Sofia, 2004, p. 69.
  • [7]
    Sur le sujet des frontières de l’espace bulgare dans le Sud-Est du pays, voir, C. Georgueva, Prostranstvo i prostranstva na b?lgarite XV-XVII vek, Sofia, 1999, p. 217-218.
  • [8]
    Actuellement Kanara, village de Turquie, département de K?rklareli (de Lozengrad), à proximité immédiate de la frontière bulgare.
  • [9]
    C’est l’explication que donne le comte d’Autrive, lors de son passage par Fakiya en 1785, aux parures composées de pièces de monnaie enfilées : « les jeunes mariées affichent de la sorte l’importance de leur dot ». Voir : Frenski p?tepisi za Balkanite xv-xviii v., S?stavila i redaktirala B. Cvetkova, Sofia, 1975, p. 335.
  • [10]
    Fakiya, région de Bourgas.
  • [11]
    En 1785, D’Autrive décrit Fakiya comme « le plus grand et, certainement, le plus beau village en Bulgarie ». D’après le voyageur français, sous l’influence de la belle nature, les habitants de Fakiya sont d’un naturel gai, paraissent mieux que leurs voisins, et leurs femmes chantent et dansent autour des fiacres des voyageurs. Voir Frenski p?tepisi za Balkanite XV-XVIII v., p. 335.
  • [12]
    D’après Catsaitis, en Turquie la route est évaluée en milles romains (trois milles à l’heure), en supposant qu’on se déplace à pied ou à cheval en caravane.
  • [13]
    P. Codrikas, ??????????, éd. ?. Aggélou, Athènes, 1963. Le séjour de Codrikas à Choumen est décrit aux p. 48-62.
  • [14]
    À propos de l’anarchie en Bulgarie du Nord-Est, voir V. Moutafcieva, K?rd žalijsko vreme. Sofia, 1993, p. 86-89.
  • [15]
    Sur les attaques des brigands contre les voyageurs dans le Deliorman, voir V. Moutafcieva, ibidem, p. 86.
  • [16]
    Publiées intégralement dans N. Danova, « B?lgarite ot kraja na XVIII vek prez pogleda na edin gr?k », dans Vekove, Sofia, 1977, 4, p. 30-37.
  • [17]
    Pour plus de détails sur le logement bulgare traditionnel, voir : C. Georgueva, Prostranstvo…, p. 249-252.
  • [18]
    Le voyageur Jeremi Bentham, philosophe, juriste et économiste anglais, qui traverse Fakiya en 1785, décrit les habitantes du village comme des femmes d’une beauté et d’un charme exceptionnels, Anglijski p?tepisi za Balkanite (kraja na XVIII – 30-te god. na XIX v.), Uvod, s?stavitelstvo i komentar M. Todorova, Sofia, 1987, p. 314-315 ; d’après le voyageur anglais George Keppel, ayant séjourné en Fakiya en 1829, sa belle hôtesse avait les traits de Marie-Madeleine, Anglijski p Moutafcieva tepisi za Balkanite…, p. 750.
  • [19]
    Nous trouvons une description détaillée chez F. Pouqueville, selon lequel les femmes bulgares sont d’une grande beauté, alliant les proportions harmonieuses du corps et la perfection des formes à l’avantage que donnent la taille élevée et la démarche empreinte de noblesse, Frenski p?tepisiza Balkanite XV-XVIII v…, p. 449.
  • [20]
    ?. Anastasiadou, ???????? ???????? ??? ?. ??????? ???? ?????-?????????? ????, dans ????? ??? ?. ?. ?. ?., ????????? ?????? ??? ???????? ????????? ???????????? ??? ????????? ???????, 1, Athènes, 1986, p. 178 –179.
  • [21]
    Voir à ce sujet ?. Phrankiskos, « ??? ????????? ??? ?????? C. de Pauw (1788) ??? J. S. Bartholdy (1805) », dans ??????????? ??? ???????? ????, Athènes, 1968, p. 51 –66.
  • [22]
    Résumé géographique de la Grèce et de la Turquie d’Europe, par M. G. A. M., citoyen grec, orné d’une carte par M. Perrot, Paris, 1826 (Collection résumés géographiques, t. V).
  • [23]
    Gemälde Griechenlands und der Europäischen Türkey, oder Abriss der physischen, historischen und politischen Geographie dieser Länder. Aus dem Französischen des Griechen G. A. M. Mit einleitender Vorrede von Professor Chr. B. I–II B., Heidelberg, bey Joseph Engelmann, 1828.
  • [24]
    ????????????? ??????????????? ???????. 9, Athènes, 1930, ?. 116.
  • [25]
    Alexandre le Grand d’après les auteurs orientaux, par G. A. M. Genève, Abraham Cherbuliez, Paris, 1828. Extrait de son cours fait à Genève en 1828 ; G. A. Mano, Examen du quatrième point de garantie, Paris, Aymont, 1856 ; G. A. Mano, L’Orient rendu à lui-même, Paris, 1861 ; G. A. Mano, La Grèce et le Danemark. Paris, 1863 ; G. A. Mano, Des intérêts religieux de l’Orient au sujet des biens conventionnels dans les Principautés Unies, Paris, 1864.
  • [26]
    Voir les références communiquées jusqu’à ce moment dans : N. Danova, « La “Géographie contemporaine” de Gr. Konstandas et D. Philippides et les Bulgares », dans Études balkaniques, 1975, 4, p. 56 –74 ; N. Danova, B?lgarite ot kraja na XVIII vek, p. 30-37 ; Idem. « B?lgarite v gr?ckata knižnina prez XVIII i na?aloto na XIX vek », dans Blakanistika, 1, 1986, p. 252-271, ainsi que les extraits, traduits en bulgare, de ce livre remarquable dans : Rumelijski delnici i praznici ot xviii vek, Sofia, 1978.
  • [27]
    À ce propos voir pour plus de détails la préface de l’édition de la Géographie contemporaine de Grégoire Constandas et de Daniel Philippides, rédigée par Ekaterini Koumarianou, ??????????, ????????? ?????????. ????????? ???. ???????????, Athènes, 1988, p. 38 –39.
  • [28]
    ??????????. ????????? ?????????…, p. 265. D’après ce livre : « Cette province s’étend en longueur de l’Est à l’Ouest et se trouve située entre 42 ½ et 44 degrés de latitude géographique et à 41 et 48 degrés de longitude. Au Nord elle confine au Danube, qui la sépare de la Valachie, au Sud, à la montagne de l’Hémus, actuellement Kodjabalkan, qui la sépare de la Thrace et d’une partie de la Macédoine, à l’Est, elle confine à la mer Noire et, à l’Ouest, à la Serbie ».
  • [29]
    Pour plus de détails à ce sujet, voir : N. Danova, « Vidin i Vidinski sand~ak v Geografijata na Georgios Manos », dans Istorijata ? knigite kato prijatelstvo. Sbornik v pamet na Mitko La?ev, N. Danova, Sv. Ivanova (éd.), Sofia, 2007, p. 334-341.
  • [30]
    D’après la mythologie chrétienne moderne, il s’agit des descendants de Japhet, le troisième fils de Noé, après Sem et Cham, dont descendent les peuples indo-germaniques et à partir du xviiie siècle les Bulgares y sont également ajoutés selon le goût de l’auteur, R. Zaimova, Voyager vers l’ “autre” Europe (Images françaises des Balkans ottomans, xviexviiie siècles), Isis, Istanbul, 2007, p. 132-133.
  • [31]
    Le récit de Manos sur l’histoire des Bulgares contient de nombreuses erreurs. À propos des relations des Bulgares avec le roi hongrois Étienne, voir Istorija na B?lgarija, 2, Sofia, 1981, p. 412-413.
  • [32]
    La description de la Bulgarie et des Bulgares par Manos se rapproche dans une mesure considérable des propos élogieux au sujet de la Bulgarie et de sa population que nous retrouvons dans la Géographie contemporaine de Grégoire Constandas et de Daniel Philippides, ainsi que dans les notes de voyages de François Pouqueville. Voir ????????? ?????????…, p. 265 –266 ; Frenski p?tepisi za Balkanite xv-xviii v, p. 449 sq.
  • [33]
    Les femmes de Fakiya, qui jettent des poignées d’orge sur le passage des voyageurs, apparaissent dans le récit de R. Bo?kovi? en 1762. Voir R. Bo?kovi?, Dnevnik ot edno p?tuvane. Prevod i beležki, M. Todorova, Sofia, 1975, p. 33, ainsi que dans les notes de voyages de d’Autrive, en 1785. Voir, Frenski p?tepisi za Balkanite XV-XVIII v, p. 335. Une scène analogue à Fakiya est décrite en 1827 par Walsh, selon lequel des jeunes filles et des enfants jettent des graines aux pieds des voyageur, Anglijski p?tepisi za Balkanite, p. 633.
  • [34]
    Résumé géographique de la Grèce et de la Turquie..., p. 402 –405.
  • [35]
    Ibid., p. 408 –410.
  • [36]
    O. Todorova, Ženite ot Centralnite Balkani prez osmanskata epoha (XV-XVII vek), Sofia, 2004, p. 397.
  • [37]
    Frenski p?tepisi za Balkanite xix v, B. Cvetkova (éd.), Sofia, 1981, p. 299.
  • [38]
    A. de Bessé, The Turkish Empire its Historical, Statistical, and Religious Conditions, also its Manners, Customs etc. (Translated, Revised, and enlarged, from the fourth German edition With Memoires of the Reigning Sultan, Omer Pa?a, the Turkish Cabinet, etc. by Edward Joy Morris), Philadelphia, 1854, p. 191.
  • [39]
    P?tuvane na Evliya Çelebi iz b?lgarskite zemi prez sredata na XVII vek. Prevede ot turski D. Gadžanov – P sp. 1909, LXX, p. 652.
  • [40]
    Turski izvori za b?lgarskata istorija, XIII, p. 87, XVI, p. 340, 370.
  • [41]
    O. Todorova, op.cit., p. 376.
  • [42]
    R. Gavrilova, Koleloto na života, Sofia, 1999, p. 312-314 ; O. Todorova, « Prostitucijata v b?lgarskite zemi prez rannite vekove na osmanskoto vladi ?estvo », dans Granici na graždanstvoto : evropejskite ženi meždu tradicijata i modernostta. S?staviteli, K. Daskalova i R. Gavrilova, Sofia, 2001, p. 63-78 ; O. Todorova, op.cit., p. 393, 395-401.
  • [43]
    O. Todorova, ibidem, p. 400-401.
  • [44]
    ?. Liakos, « ? ???????, ?? ???????? ??? ?? “??????????? ?????????”. ?????????????? ??? ????? ??? ??? ???????? ??? ???? ??? ???? », dans ??????, 23, 2001, p. 99 –112.
  • [45]
    Voir Rumelijski delnici i praznici …, p. 256 ; O. Todorova, ibidem, p. 400.
  • [46]
    Sur ce sujet, je me réfère aux thèses concernant la nation de B. Anderson, Imagined Communities. Reflexions on the Origin and Spread of Nationalism, Londres, 1983.
  • [47]
    Pour plus de détails au sujet de ces processus, voir : N. Aretov, Nacionalna mitologija i nacionalna literature, Sofia, 2006, p. 7-36.
  • [48]
    Voir à ce propos K. Daskalova, « Ženskata identi?nost : normi, predstavi, obrazi v b?lgarskata kultura ot XIX vek », dans Balkanski identi?nosti, t. 2, Sofia, 2001, p. 158.
  • [49]
    Sur la modification de l’image du Grec à la suite de la collision entre Bulgares et Grecs sur le sol national, voir N. Danova, « Obrazi na g?rci i zapadnoevropejsci v b?lgarskata knižnina prez XVIII-XIX vek », dans Balkanskite identi?nosti v b?lgarskata kultura, t. 4, Sofia, 2003, p. 92-132.
  • [50]
    Voir à ce sujet E. Said, Orientalism, Londres, 1979.
  • [51]
    Voir à ce sujet L. Wolff, Inventing Eastern Europe. The Map of Civilisations on the Mind of the Enlightenment, Stanford, 1994.
  • [52]
    Voir à ce sujet D. Livanios, « Christians, Heroes and Barbarians: Serbs and Bulgarians in the Modern Greek Historical Imagination (1602 –1950) », dans Greece and the Balkans. Identities, Perceptions and Cultural Encountries since the Enlightenment, éd. Dimitris Tziovas, Burlington, 2003, p. 68 –84.
  • [53]
    À propos de ce phénomène, voir I. Buruma, A. Margalit, A. Occidentalism. A short History of Anti-Westernism, 2004.
  • [54]
    Voir les articles, publiés dans la revue Literaturna mis?l, 1, 2005, ainsi que N. Danova, « Otnovo za « Oksidentalizma » kato obraz na Drugija, dans Sledva, 17, 2007, p. 18-28.

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