Autrepart 2013/3 N° 66

Couverture de AUTR_066

Article de revue

Émergence et résurgence de représentations territoriales face à des mutations socio-économiques dans un territoire rural forestier en Algérie

Pages 21 à 42

Notes

  • [*]
    Doctorante en géographie et aménagement de l’espace, université Paul-Valéry, Montpellier.
  • [**]
    Enseignant-chercheur, Institut agronomique méditerranéen, Montpellier.
  • [1]
    Les conditions sécuritaires se sont progressivement dégradées dans la zone, ce qui a provoqué notamment la fermeture des centres de colonies de vacances.
  • [2]
    L’ANSEJ, l’ANGEM, les services agricoles, les services des forêts, l’Institut national de la recherche forestière.
  • [3]
    Représentants des comités de village et représentants d’associations de développement.
  • [4]
    Tizi-Ouzou : 64 093 ha de terres forestières (forêts, maquis et reboisement), parmi lesquels 31 103 ha de terres forestières des massifs forestiers « Tamgout, Béni Ghobri, Tigrine » qui se suivent, soit près de 50 % du total des terres forestières de la wilaya [Bureau national d’études pour le développement rural, 2008].
  • [5]
    Le Arch est équivalent à la tribu.
  • [6]
    Il y avait une scierie pendant la période coloniale, ainsi qu’une petite fabrique de pipes en bruyère.
  • [7]
    Ce sont les incendies qui provoquent le plus de ravages Entre 1980 et 1988, la forêt de Béni Ghobri a vu 916,5 ha partir en fumée. 558,5 ha ont brulé entre 1990 et 1999 et 2 816,75 ha entre 2000 et 2007 [BEF, 1989 ; BNEDER, 2008].
  • [8]
    Les émeutes de 2001 ont été suivies de revendications sociales, économiques et politiques portées par les Arch de l’ensemble de la Kabylie, reformés et redynamisés pour l’occasion. La Djemaa de Yakourene s’est alors vu envahie par des membres dynamiques et jeunes qui représentaient la population lors des réunions organisées à l’échelle de l’assemblée des Arouch dans toute la Kabylie.
  • [9]
    Inventaire réalisé par le Bureau national des études forestières (BEF).
  • [10]
    Ceci est justifié par les élus que nous avons rencontrés par l’indisponibilité d’assiettes foncières pour attirer des investisseurs privés et par la situation sécuritaire qui s’est dégradée au cours de la « décennie noire ». Même si la situation s’est, par la suite, beaucoup améliorée, Yakourene souffre encore de l’image d’un territoire aux conditions sécuritaires fragiles.
  • [11]
    Source : vulgarisateur agricole de Yakourene.

1Le développement local est caractérisé par deux dimensions qui sont la mobilisation des relations sociales pour la coordination entre acteurs et la valorisation des ressources locales. La notion de développement territorial illustre la place qu’occupe, de plus en plus à l’échelle locale, l’espace qui se transforme en territoire, résultat d’un processus de construction collective. C’est ainsi que le territoire est défini par différents auteurs comme étant le résultat de l’appropriation de l’espace. Pour Le Berre,

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« Ainsi, le territoire serait peut-être défini comme la portion de la surface terrestre, appropriée par un groupe social pour assurer sa reproduction et la satisfaction de ses besoins vitaux. Tout groupe aménage et gère cette étendue de terre qui possède alors une unité de fonctionnement, celle que le groupe lui assigne. Le résultat est la production d’un territoire doté dans le temps d’une certaine stabilité. »
[1992, p. 622]

3Guy Di Méo [1998] reprend à son compte l’appropriation pour aborder le territoire et introduit la représentation :

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« […] le territoire témoigne d’une appropriation à la fois économique, idéologique et politique (sociale donc) de l’espace par des groupes qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité. »
[1998, p. 38]

5Ce processus est jalonné de représentations de la part des acteurs. Le territoire est donc « l’objet » de représentations par un groupe social. Si la représentation sociale a toujours un « objet », c’est « […] une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » [Jodelet, 1989, p. 36]. Une représentation sociale n’est pas immuable. Claude Flament, considère que sa transformation

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« […] s’effectue à partir de la modification des schèmes périphériques, avec conservation du noyau central. Il est cependant concevable que les représentations se transforment d’une manière radicale, provoquant une modification d’ensemble (noyaux et schèmes périphériques), notamment sous la pression d’événements importants qu’il s’agisse de crises socioculturelles, de mutations idéologiques ou d’accidents conjoncturels (famine, épidémie, guerre). »
[Flament, 1989]

7La représentation territoriale a été au cœur de l’introduction des représentations sociales en géographie. « Le territoire se base sur les sentiments d’appartenance à des aires correspondant à la fois à des pratiques et à des aspirations. » [Bailly, Ferras, Pumain, 1992] Toutes les relations des hommes aux lieux sont alors codifiées par des signes qui leur donnent un sens. C’est ainsi que pour Claude Raffestin, « le territoire résulte des systèmes de représentation » [Raffestin, 1986] ce qu’affirment également Bernard Pecqueur et Jean Benoît Zimmermann : « Le territoire est un résultat des pratiques et des représentations des agents. » [2004] Hervé Gumuchian établit le lien entre les représentations et le développement local, car selon lui, « Le développement local ne se décrète pas, il naît progressivement de cette dialectique entre représentations et pratiques spatiales. » [1991] Enfin, selon Bonardi et Roussiau [2001], les représentations sociales sont différentes entre les catégories de personnes, comme cela a été prouvé par les travaux d’Hewstone, Jaspars et Lalljee [1982].

8Dans le cadre de notre recherche, nous avons ciblé une catégorie de la population du massif forestier de Béni Ghobri en Kabylie (Algérie), les jeunes entre 20 et 39 ans. Notre intérêt pour les représentations de ce public cible du territoire et de la structuration de la société est motivé par l’hypothèse de l’émergence, voire de la résurgence de représentations suite à la succession de crises qui ont influencé la structure sociale et le rapport au territoire de ces jeunes. Ceci s’est traduit par des pratiques qui influencent le devenir du territoire.

9Le massif forestier de Béni Ghobri est localisé sur l’axe routier qui mène de la capitale Alger, située à 150 km, à d’importantes villes de l’Est. Ce sont ses atouts naturels, rares en Algérie (forêt de chênes), qui en ont fait, jusqu’au début des années 1990 [1], un lieu de villégiature pour les Algérois. Le territoire de ce massif forestier a connu un ensemble de mutations socioéconomiques résultant des politiques de développement appliquées juste après l’indépendance du pays en 1962. Axées sur l’industrie, ces politiques ont notamment engendré, dans les zones rurales, y compris dans ce massif, un exode important, qui s’est ajouté à la migration déjà en cours vers l’Europe. Les activités économiques locales qui permettaient l’exploitation des ressources naturelles telles que l’agriculture, l’extraction de pierres et l’extraction du bois et du liège ont alors été délaissées par les jeunes. Aujourd’hui, l’emploi public, le commerce, les pensions de retraite et l’activité informelle sont les principales sources de revenus pour les habitants de cette région. Le tourisme et l’agriculture font face à des difficultés qui les ont relégués à un rôle secondaire. Cependant, des jeunes y voient une issue pour sortir du chômage et cela, en raison de l’amenuisement du recrutement dans les institutions publiques, de la saturation de l’activité commerciale et du tarissement des possibilités de migration à l’étranger et d’exode vers les villes.

10Partant du postulat que comprendre un territoire signifie d’abord mettre en évidence les interactions entre un groupe social et ce territoire [Le Berre, 1992] et donc les représentations et les pratiques de ce groupe social, nous avons étudié le cas des jeunes du massif forestier de Béni Ghobri. La question à laquelle nous nous intéresserons, dans cet article, est la suivante : comment caractériser les nouvelles représentations territoriales apparues au cours de la dernière décennie chez les jeunes Kabyles (porteurs de projets) ? Peut-on parler de « résurgence » par rapport aux représentations des années 1950-1960 ? Quelles en sont les conséquences en termes de pratiques sur la forêt, la gestion des ressources, le développement local ou territorial ?

11Des trois communes sur lesquelles s’étend le massif forestier de Béni Ghobri, nous avons retenu Yakourene comme terrain pour réaliser notre étude de cas, d’abord parce que la forêt, les parcours et les pacages y occupent plus de 70 % de la superficie, ensuite parce que les mutations qui y sont survenues ont influencé le schéma de reproduction sociale et les représentations des jeunes sur le territoire et ses ressources. Les jeunes ont en effet développé des stratégies pour faire face à un contexte caractérisé par une réduction des ressources, des changements institutionnels et une conjoncture économique et politique difficile.

12Notre principale source d’information réside dans les entretiens réalisés durant la période de mai à juillet 2010 avec 60 individus répartis sur une tranche d’âge de 20 à 39 ans (la génération actuelle de jeunes actifs porteurs de projets), qui ont créé leur activité avec l’appui, soit d’organisations d’insertion économique, soit de leurs familles. En plus des entretiens individuels, nous avons regroupé des jeunes pour des focus groups en fonction de l’activité exercée (élevage, apiculture, vente de poterie, extraction de pierres et travail au sud du pays). Nous avons également réalisé des entretiens avec les représentants des organisations publiques [2], des collectivités locales et des organisations sociales [3].

13Nous avons organisé l’article en trois parties. Dans une première partie, nous présenterons le contexte géographique, social et économique du massif forestier de Béni Ghobri et de sa principale commune, Yakourene. Dans la seconde partie, nous nous attellerons à déceler les mutations socioéconomiques qui ont affecté le territoire étudié. Dans la troisième partie, nous nous intéresserons aux représentations territoriales et à leurs conséquences sur les pratiques des jeunes et sur le développement territorial.

Le massif forestier de Béni Ghobri : ses ressources, sa population

14Le massif forestier de Béni Ghobri dénommé également massif forestier de Yakourene est situé au centre nord de l’Algérie, à la wilaya de Tizi-Ouzou [4]. Sa superficie est de 6 939 ha, soit 10 % du total des terres forestières de la wilaya de Tizi-Ouzou, alors que le massif s’étend sur trois communes, Azazga, Ifigha et Yakourene. C’est cette dernière, située sur le bassin versant nord de la forêt, qui abrite la plus grande partie de la superficie du massif forestier, soit 3 730 ha. La forêt domaniale de Béni Ghobri est rattachée administrativement à la circonscription des forêts d’Azazga et à la conservation des forêts de Tizi-Ouzou. Elle est délimitée au nord par les forêts domaniales de Tamgout et Azouza, à l’est par la forêt d’Akfadou, et par la vallée de l’Oued Sibaou vers l’Ouest et le Sud (figure 1). La forêt de Béni Ghobri est une forêt de chênes dominée par le chêne-liège, le chêne Zéen et le chêne Afares. Ces trois espèces se mélangent sur la plus grande partie des 6 939 ha de la forêt. Pour ce qui est de la faune, selon la Conservation des forêts de la wilaya de Tizi-Ouzou, on y trouve le singe magot, le sanglier, le chacal et le renard, ainsi que les oiseaux migrateurs comme la perdrix Gambra, le pic-vert et le pigeon ramier [2010]. La toponymie nous apprend que ce massif forestier est intimement lié au Arch[5] le plus important de ce territoire : celui des Béni Ghobri.

Figure 1

Situation géographique du massif forestier de Béni Ghobri, wilaya de Tizi-Ouzou, Algérie

Figure 1

Situation géographique du massif forestier de Béni Ghobri, wilaya de Tizi-Ouzou, Algérie

Source : Direction générale des forêts, Alger, Algérie.

15La forêt de Béni Ghobri a une double fonction : une fonction récréative et une fonction économique, avec la production de bois et de liège [Messaoudene, 2005]. Toutefois, la production de bois et de liège n’est pas transformée sur place. Il n’existe de scierie [6] ni d’usine de transformation de liège dans aucune des trois communes. De plus, selon Messaoudene Mohand, chercheur à l’Institut national de la recherche forestière, « Le bois du massif forestier de Béni Ghobri est réputé pour être de qualité médiocre. Pourtant, d’après nos travaux, ce bois n’est pas aussi médiocre qu’on le pense ; bien qu’il soit dense et se caractérise par un fort retrait axial, ce qui est un désavantage, il peut fournir un bois de qualité destiné à l’ébénisterie, la parqueterie et l’artisanat. » [Messaoudene, 2008]

16La forêt est soumise à des pratiques néfastes, attribuées systématiquement par les services des forêts à la population. Les plus dangereuses et les plus répandues sont les incendies de forêt. Les incendies, l’élevage extensif, l’arrachage des espèces végétales ligneuses et herbacées, le défrichement et le labour illicite en forêt… contribuent à la dégradation effective du domaine forestier [BEF, 1989]. Le constat du Bureau national des études forestières (BEF) est que ces pratiques ont abouti à un processus de dégradation en chaîne (érosion, déséquilibre au niveau de l’environnement). Les pratiques nuisibles, en particulier la coupe illégale des arbres et les incendies de forêt, se sont accentuées ces dernières années [7]. Si cela peut s’expliquer par le sous-équipement de la forêt en moyens de protection préventive – infrastructure en pistes, tranchées pare-feu, maisons forestières, postes de vigies et moyens de liaison et de communication – le chef de circonscription des forêts d’Azazga qui gère le massif forestier de Béni Ghobri a aussi évoqué l’aspect sécuritaire pour justifier l’absence de l’application des règles de prévention et de préservation de l’espace forestier.

17Yakourene n’est pas la principale commune de ce massif en termes de population, la commune d’Azazga étant environ trois fois plus peuplée. Toutefois, cette commune a connu, comme toutes les communes de la Daira d’Azazga, une forte croissance démographique. Dans les années 1970, son taux d’accroissement était de 3 %. Ce taux a progressivement diminué pour atteindre 0,4 % lors du dernier recensement réalisé en 2008. C’est ainsi que la population est passée de 11 724 en 1998 à 12 203 habitants en 2008. La population de Yakourene est plutôt jeune : les 20-39 ans représentent 40,7 % et les moins de 30 ans représentent 52,1 % du total de la population. Selon les données recueillies auprès du ministère délégué au Développement rural, 1 038 des 4 114 actifs étaient occupés dans l’agriculture en 2007, soit 25 % de la population active. Mais ce sont l’administration et les services qui sont la première source d’emploi. Le taux de chômage à la même période est de 17 % et touche surtout la population jeune. Yakourene ne fait pas exception à la tradition migratoire de la Kabylie. Nombreux y sont les ménages qui profitent aujourd’hui de la pension de retraite d’un ancien émigré. Yakourene a été largement affectée par l’exode rural que l’Algérie a connu durant les années 1970 et 1980.

Les transformations du rapport au territoire au cours du xxe siècle

18D’importantes mutations sont survenues en Kabylie au cours du xxe siècle. Elles se sont accélérées à partir de la décennie 1980 en raison d’une succession d’événements et de crises d’ordre politique et économique. Ces mutations ont influencé les structures sociales et le rapport au territoire des populations kabyles.

La société agraire kabyle et son rapport au territoire avant les années 1950-1960

19Les structures sociales kabyles ont été décrites par différents auteurs [Hanoteau, Letourneux, 1893 ; Bourdieu, 1961]. C’est ainsi que la plus petite cellule sociale est la famille étendue (akham, « la grande maison ») composée des grands-parents, de leurs enfants et petits enfants. Le deuxième niveau est l’ensemble des familles qui descendent du même ancêtre à la quatrième ou cinquième génération (thakharrubth). Le premier représentant est désigné par les membres de thakharrubth, il s’agit du taman. L’ensemble des thakharrubth forme adhrum. L’ensemble des idharman forme le village (thadarth), qui est représenté par l’Amin, désigné par les anciens du village. Celui-ci est à la tête de la Djemaa, Tajmaat en kabyle, qui rassemble tous les membres du village qui ont atteint l’âge de pratiquer le jeûne du ramadhan. Enfin, plusieurs villages composent le Arch, qui porte le nom d’un ancêtre mythique. Pour Yakourene il s’agit d’El Ghobrini.

20La Djemaa, en tant que seule structure sociale, avait intégré dans ses prérogatives la gestion collective des ressources naturelles : l’eau, les pacages, la forêt, etc. La solidarité, qui s’exprimait sous forme de volontariat en faveur d’une famille ou d’une communauté donnée, le thiwizi, permettait d’atténuer les difficultés que présentaient les conditions économiques et naturelles de la vie, en Kabylie, à cette période. L’une des principales missions de la Djemaa aujourd’hui reste la fonction juridique. Les conflits sont résolus dans le cadre de la Djemaa sans le recours à la justice officielle. La Djemaa se réfère aux textes juridiques dits « le qanun », que ce soit pour le règlement de conflits ou pour juger les éventuels crimes ou délits commis.

21La Kabylie a été le territoire initiateur de la migration vers l’Europe, notamment vers la France. À partir de la période 1880-1920, les Kabyles s’exilent pour des raisons économiques et les populations kabyles intègrent dans leur système de reproduction socioéconomique les revenus issus de la migration. C’est ce que rapporte Perrin à propos de l’ouvrage de Morizot : « De 1880 à 1920, l’accroissement de la population musulmane, la ruine de l’artisanat local entraînent une abondance de la main-d’œuvre et une baisse des salaires sur le marché algérien du travail : le sous-emploi apparaît. Les Kabyles prennent alors le chemin de la métropole, ils y sont colporteurs, puis ouvriers dans les usines du Nord et de la région parisienne. » [Perrin, 1964, p. 271] Toutefois, même en étant émigrés, les Kabyles gardent des liens forts avec leurs territoires d’origine et y reviennent après la retraite pour y finir leur vie. Ces émigrés participent également à la vie sociale collective du village à travers la Djemaa, dont ils reconnaissent et exécutent les décisions : « […] ce sont les institutions sociales qui ont fortifié les communautés kabyles. Chaque village constituait une unité politique indépendante, dirigée par la Djemaa où les anciens jouaient un rôle prépondérant. Par son intermédiaire et aussi à travers la famille kabyle, la collectivité exerçait sur chaque individu une forte emprise. Les migrants eux-mêmes n’échappaient pas à cette contrainte. Ils partaient seuls et laissaient femmes et enfants à la charge et sous la surveillance du village. En pays étranger ils se retrouvaient, se regroupaient selon leur origine et se soutenaient, matériellement et moralement » [Perrin, 1964, p. 270-271].

22L’agriculture était alors la principale source de revenus et de survie en Kabylie. Les ressources naturelles – terre, eau, pacages, forêts –, étaient exploités, souvent collectivement pour les pacages et les forêts. Dans le cas de Yakourene, les populations avaient, avant la colonisation française, une relation de dépendance à la forêt. Le système de production était un système agroforestier. L’arboriculture et l’élevage extensif étaient les principales activités agricoles. La forêt fournissait l’alimentation des animaux et le bois de chauffage. La chasse était pratiquée librement. À partir de 1897, la forêt a été classée par arrêté gouvernemental. Le colonisateur a introduit des règles d’exploitation que l’État algérien a reproduites après l’indépendance du pays en 1962.

23Les sociétés kabyles ont connu, durant la période coloniale et jusqu’à l’indépendance, une imbrication forte avec leurs territoires. Celle-ci a été rendue possible par l’organisation sociale locale qui a permis une gestion collective des ressources et le maintien du lien avec le territoire, même pour ceux qui le quittèrent comme les émigrés en Europe.

Une succession de crises qui a engendré des mutations sociales, institutionnelles et économiques : conséquences sur le rapport au territoire

24La Kabylie a connu une succession de crises économiques et surtout politiques au cours du siècle dernier. À la crise économique que le pays a traversée durant les années 1980-1990 et qui a engendré la crise politique majeure des années 1990 (décennie noire) se sont ajoutées des crises politiques locales engendrées par les revendications identitaires berbères : événements de 1980, événements de 1988 et enfin, événements de 2001. Ces événements, la crise économique et une croissance démographique forte durant la décennie 1970-190 ont eu des conséquences sur la structure sociale, mais aussi sur le système de reproduction socioéconomique local et engendré des difficultés dans le recours à la migration et la rupture agraire.

25Depuis la décennie 1960-1970, l’organisation sociale des populations villageoises kabyles telle que décrite par Hanoteau et Letourneux en 1893 et plus tard, dans les années 1950-1960 par Bourdieu n’existe pratiquement plus. Ces organisations ont continué à fonctionner, mais en se chargeant presque exclusivement des aspects juridiques, c’est-à-dire du règlement des conflits entre villageois. Elles ne possédaient aucune existence officielle pour les autorités : « c’était une période de semi-clandestinité » [Salhi, 1999, p. 21]. Ce sont les événements de Kabylie de 1980, puis surtout de 1988 qui ont réactivé ces organisations sous une autre forme. Il s’agit des comités de village qui, s’ils ont pris racine et se sont inspirés dans la forme et dans le fond des Djemaa, n’en ont pas moins introduit de nouvelles structurations et de nouvelles pratiques qui s’expliquent, d’une part, par l’implication des jeunes, notamment, des jeunes de niveau d’éducation élevé et d’autre part, par la prise de conscience par les citoyens du rôle revendicatif que peut jouer ce type d’organisations auprès des autorités locales pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Ceci est décrit par Ould Fella [2011] : « Le comité de village tente de s’adapter aux nouvelles contraintes politiques pour se consacrer exclusivement à l’entrepreneuriat et la gestion des projets de développement financés par l’État, mais au péril de faire perdre “son âme” à la Djemaa comme espace de contradiction, de concertation et de délibération. » Comme l’explique Salhi, « Les communautés villageoises ont pour leur part compris aussi l’intérêt, dans une situation de captation de la rente, de maintenir disponibles des mécanismes de mobilisation tenant de la tradition. » [1999, p. 28] Ceci est confirmé par les représentants des comités de villages (douars) de Yakourene. Ces derniers ont gardé la fonction d’instances de règlement des conflits entre villageois, mais au lieu de formuler des propositions ou de participer à la formulation de projets de développement, ils adoptent une position revendicative, clairement exprimée par le président du comité de village de Aït Bouhouni, l’un des douars de Yakourene : « Ce que j’ai compris, c’est que si nous ne nous battons pas et ne négocions pas, nous n’obtiendrons rien. Alors, nous sommes toujours là à essayer de rester organisés pour arracher le maximum de choses des autorités. »

26À Yakourene, la pression démographique et l’apparition de conditions plus strictes, qui limitent la migration, ont conduit à des transformations dans la structuration globale de la société : réduction du noyau familial et grande pression sur les ressources. De ce fait, les organisations et les institutions qui permettaient de concrétiser la solidarité, mais aussi de gérer les conflits concernant le plus souvent l’exploitation des ressources, ont également subi l’influence de ces mutations sociales. La Djemaa, comme dans le reste de la Kabylie a connu une mise en veille durant les années 1960-1970. À Yakourene, ce n’est qu’après les événements de 2001 [8] que les comités de village ont fait leur apparition pour remplacer la Djemaa et créer un certain dynamisme collectif impliquant des jeunes. À la suite de ces événements, au cours desquels la Djemaa a joué un rôle politique dans le cadre de l’organisation des Archs adoptée dans toute la Kabylie, une démobilisation de la population s’est produite et le doute s’est installé quant aux prérogatives, la représentativité et même la crédibilité de la Djemaa transformée en comités de villages. Ceci est illustré par l’attitude des élus envers cette instance : pour le maire de la commune et son adjoint, les événements de 2001 ont été une vague qui a emporté la Djemaa et a concouru à l’émergence de « n’importe qui » ; maintenant, les comités de village souffrent d’un manque de représentativité et de crédibilité.

27Toutefois, ces comités de villages, à Yakourene comme dans le reste de la Kabylie, sont les seules organisations civiles consultées par ces mêmes élus pour les décisions qui concernent les programmes de développement tels que ceux du secteur agricole et le désenclavement (pistes, écoles, centre de santé, etc.). À partir des années 1990, la décentralisation et « l’ouverture démocratique » ont ouvert le champ aux organisations civiles en Algérie. Mais à Yakourene, ces dernières n’ont pas été particulièrement encouragées par les collectivités locales. Seules les associations sportives et de protection de l’environnement ont été tolérées, bien que les jeunes aient fait plusieurs tentatives pour créer des associations de développement ou d’ordre social. Ces tentatives ont été fraîchement accueillies par les élus qui, tout en déclarant « qu’il n’existe pas d’associations à Yakourene, car les gens, notamment, les jeunes manquent d’initiative » (l’adjoint du président de l’assemblée communale), découragent toutes les initiatives de création d’organisations civiles. Parmi les différentes raisons évoquées pour refuser d’accorder les agréments nécessaires, l’absence de siège est la principale. Pourtant, nous avons identifié différents groupes de jeunes qui auraient besoin de s’organiser pour faire aboutir leurs projets ou améliorer leurs conditions de travail et de vie : les éleveurs laitiers, ceux qui demandent l’appui des organisations de développement, les apiculteurs, les porteurs d’un projet collectif de développement de l’élevage de chèvres, les extracteurs de pierres, les vendeurs de poterie traditionnelle, les bénéficiaires des projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI), les jeunes femmes rurales, etc.

28Toutefois, cette évolution du rôle attribué à la Djemaa n’a pas semblé marquer les jeunes de Yakourene. La Djemaa ou les comités de village sont toujours pour eux des instances composées de personnes âgées, qui s’occupent de gérer les conflits. Samir, 34 ans, éleveur, fait observer que : « Les comités de village ne se soucient pas du développement économique, ce n’est pas leur rôle. D’ailleurs, ils n’arrivent même plus à résoudre les conflits entre villageois. »

29La désintégration de la Djemaa en comités de villages a donc réduit le territoire et a provoqué un repli sur soi de la part des populations des douars, ce qui limite la solidarité familiale et territoriale portée par la Djemaa dans le passé. Cela a provoqué également une déstructuration de la gestion collective des ressources forestières.

30Aujourd’hui, suite aux possibilités limitées de migration vers l’Europe, les jeunes qui souhaitent tenter leur chance ailleurs se dirigent vers les villes, plus particulièrement vers les villes pétrolières du sud. Toutefois, la résignation semble être de mise pour les jeunes de Yakourene qui, tout en se disant tentés de quitter le territoire, n’en pensent pas moins, car ils préfèrent vivre sur place dès qu’ils ont une source de revenus. C’est ce qu’exprime par exemple Saïd, 30 ans, un gérant de cybercafé : « Si je pouvais quitter le pays, il existe quelques villes en Europe ou j’aimerais bien vivre, mais, en Algérie, aucun endroit n’est mieux que Yakourene pour moi. » Hamid, 31 ans, qui a fait de l’extraction de pierre son gagne-pain, mais qu’il sait être une activité précaire déclare : « Je partirais sans hésiter si je pouvais trouver un travail ailleurs. Je suis fatigué de ce travail, mais je n’ai pas le choix, je dois nourrir ma famille. »

31Ce que prédisait Marc Côte pour les villages kabyles semble donc se concrétiser à Yakourene. Ce géographe spécialiste de l’Algérie s’est interrogé sur l’acceptation par les jeunes « […] des mouvements pendulaires qui consistent à vivre loin de leurs familles pendant toute leur vie active ». Aujourd’hui, les jeunes sont plus enclins à préférer une vie stable proche de leurs familles. Dans les focus groups, la vie de famille a été la première raison citée pour expliquer l’attachement des jeunes au territoire. Travailler dans les sociétés pétrolières étrangères est l’objectif de beaucoup de jeunes qui partent au sud du pays. Pourtant, Sofiane, 28 ans, nous dit : « Je travaille au sud depuis trois ans. Je suis très bien rémunéré, mais mon objectif n’est pas de m’installer là-bas. Dès que je réunirai assez d’argent pour m’acheter cinq vaches laitières, je quitterai ce travail. Je préfère vivre à Yakourene près de ma famille. »

32La rupture agraire que la Kabylie a connue durant les années 1970-1980 s’explique par des facteurs divers qui sont, selon Oulhadj Nait Djoudi [1999], historiques, sociaux et économiques – guerre d’indépendance (insécurité et zones interdites), indépendance (développement de l’emploi industriel, des services, administration, etc.) et leurs corollaires, l’exode rural, et l’exode agricole. L’émigration interne et l’émigration externe sont autant de facteurs qui ont contribué au délabrement de l’agriculture de montagne. Oulhadj Nait Djoudi explique que de revenu principal, l’agriculture de montagne s’est transformée en une activité si marginale qu’elle n’entre plus, ou à peine, dans la composition brute du revenu familial. Son apport se fait sous forme d’autoconsommation d’huile d’olive, de figues, de la production des jardins familiaux, de cheptel rarissime. Les terres parcellaires, envahies par le maquis ou le béton, sont abandonnées à la friche. D’autres facteurs se sont ajoutés au fur et à mesure. La forte croissance démographique a accentué la pression sur les ressources naturelles et l’augmentation du niveau d’éducation des jeunes les a éloignés de plus en plus de l’activité agricole.

33À Yakourene, le taux d’activité de 25 % dans l’agriculture montre que la vocation agroforestière demeure importante. Toutefois, il est clair que le plus souvent, l’activité agricole n’est pas la seule pratiquée dans le ménage, et que seule, à part quelques rares exceptions, elle ne fournirait pas des revenus suffisants. Les propositions d’actions de développement préconisent souvent l’exploitation des ressources naturelles (bois, liège) et le développement de l’activité agricole. Mais si on se réfère aux suggestions des services des forêts de 1989, c’est la protection de la forêt qui semble être la préoccupation essentielle. L’étude d’inventaire du BEF explique ainsi que l’objectif du travail réalisé était d’élaborer un projet qui permettrait de diminuer le recours à la forêt, et ce, par l’amélioration des revenus et des conditions de vie, par le biais d’une politique de développement équilibrée, ayant comme support les richesses naturelles de la région : forêt, agriculture, élevage, etc. L’exode rural est dénoncé et constitue, selon le BEF, le principal facteur déterminant l’évolution démographique dans la région et la fixation de la population sur place apparaît comme un objectif primordial. Ces objectifs font pourtant écho à un diagnostic socioéconomique très négatif qui nécessiterait davantage que des projets adossés sur les seules ressources forestières et l’agriculture : enclavement de l’armature villageoise, stagnation au niveau des structures socioéconomiques, exiguïté des exploitations agricoles, exode rural et vieillissement de la main-d’œuvre agricole, et « urbanisation » des espaces agricoles (constructions individuelles).

34Le rapport à la forêt reste notable. La grande superficie de forêts et de pacages a contribué à maintenir quelques activités agricoles, notamment l’élevage, qui s’appuie encore sur les ressources forestières. Mais les pratiques de la population ont changé. La forêt reste pourvoyeuse de ressources d’une valeur économique indispensable à sa survie, mais ce ne sont plus les activités agricoles qui en sont le motif principal. La population, surtout les jeunes, exploite autrement les ressources forestières (paysages, bois, roches), ce qui permet d’atténuer le chômage qui affecte fortement les jeunes. Les études et les inventaires réalisés [9] par les services des forêts montrent que les surfaces forestières sont soumises à divers facteurs de dégradation naturels ou humains : incendies, élevage extensif, arrachage des espèces végétales ligneuses et même herbacées, défrichement et labour illicite en forêt et sur les terrains en pente, et occupation illégale de terrains forestiers sans tenir compte ni de la dimension économique ni de la dimension sociale de la forêt. Depuis 2008, la politique de renouveau rural destinée aux zones marginalisées telles que le massif forestier de Béni Ghobri vise à responsabiliser les forestiers par le biais de leur participation à des actions de développement local qui intègrent la dimension socioéconomique. Les forestiers se doivent ainsi d’introduire la dimension humaine dans leur approche de la préservation de la forêt, et de ne pas considérer la population uniquement comme un facteur de dégradation sans tenir compte de ses conditions socioéconomiques et du rôle que jouent les ressources forestières dans sa survie.

Impact des représentations territoriales des jeunes sur les pratiques et le développement territorial

Les représentations territoriales des jeunes : émergence ou résurgence ?

35« […] place does not have meanings that are natural and obvious but ones that are created by some people with more power than others to define what is and is not appropriate. » [Cresswell, 2004, p. 27] Le massif forestier de Béni Ghobri (Yakourene) est un territoire qui prend le sens que lui donnent les jeunes. Ceux-ci sont majoritaires et ont acquis une forme de liberté de penser et d’agir que les anciennes formes d’organisation sociale ne leur permettaient pas. Aujourd’hui, leurs pratiques sont déterminantes sur tous les plans : social, économique et environnemental. Ces pratiques sont le résultat de représentations du territoire : trajectoire, perspectives et ressources.

36Pour les jeunes, Yakourene n’est pas un territoire pauvre et sans ressources. Le travail de la terre et l’élevage ont toujours permis à la population de répondre à ses besoins essentiels. Ceux-ci ont bien sûr changé avec le temps. Aujourd’hui, l’accès à la santé et aux équipements tels que l’électricité, l’eau courante et le gaz sont devenus indispensables. La représentation de l’état de développement du territoire par les jeunes est influencée par la couverture de ces besoins. Il s’agit pour eux du rôle des organisations publiques et des collectivités locales. L’accès à l’emploi au sein de la commune, qui dans un passé récent n’était pas considéré comme un droit, a changé de représentation. Aujourd’hui, les jeunes voient le chômage comme le résultat d’une mauvaise politique économique et d’un manque d’investissement et d’exploitation des nombreuses ressources de la commune [10]. Il est aussi dû, pour eux, à la faiblesse de l’appui aux initiatives économiques.

37Pour plus de 68 % des jeunes interrogés, le territoire est en déclin (30 %) ou en stagnation (38,3 %). Le chômage des jeunes est surtout cité comme preuve du déclin. Un tiers des jeunes interrogés considèrent que le territoire est en progression, mais ils précisent que c’est l’accès aux infrastructures qui a le plus progressé. Pour les jeunes porteurs de projets, l’agriculture et le tourisme sont les principaux secteurs qui peuvent conduire au développement économique du territoire. Même si les possibilités d’emploi sont actuellement faibles dans ces deux secteurs, la représentation idéalisée du tourisme et de l’agriculture, notamment de l’élevage, est alimentée par une réalité passée, que ce soit pour le tourisme – visite et séjour du général de Gaule dans un hôtel de la commune dans les années 1950 et fréquentation touristique importante stimulée par les centres de colonies de vacances et par les émigrés en vacances au cours des décennies 1970-1980 –, ou par l’importante activité d’élevage extensif bovin et ovin, entièrement endogène, utilisant pâturages, prairies naturelles et feuillages avant les années 1970.

38Les ressources naturelles puisées dans la forêt sont représentées par les jeunes comme sous-exploitées. Il s’agit essentiellement du liège, du bois, des pierres et des parcours de pâturage ainsi que des paysages, riches en faune et en flore. Les jeunes évoquent même une action délibérée de la part des autorités pour les priver de l’exploitation de ces ressources pour la création d’emploi. Nabil, 25 ans, déclare par exemple pour ce qui est du liège : « Je ne vois pas pourquoi le liège de Yakourene est transporté vers Jijel, alors qu’il est possible d’implanter une usine de traitement ici pour créer du travail pour les jeunes. »

39Cette représentation de Yakourene et du massif forestier en général comme riche en ressources contraste avec celle des acteurs de développement, notamment les collectivités locales, dont la position est ainsi résumée par le maire de la commune et son adjoint : « Que ce soit le bois ou le liège, leur extraction ne rapporte pas un centime à la commune. En fait, les recettes fiscales de la commune sont quasi nulles. Les quelques commerces existants ne rapportent presque rien, la commune survit grâce aux subventions de l’État. »

40La représentation qu’ont les jeunes de leur installation sur le territoire est positive et s’explique par le fait que c’est leur lieu d’origine et d’attache familiale et que pour beaucoup d’entre eux, la vie y est agréable. Un peu moins d’un tiers des jeunes interrogés seraient prêts à quitter le territoire, et seulement pour des raisons économiques. Samir, 34 ans, apiculteur, explique : « J’étais tenté par le départ quand j’étais dans les vingtaines, mais, j’ai très vite compris que c’était difficile de partir à l’étranger et ça ne m’intéressait pas d’aller ailleurs en Algérie. Aujourd’hui, je n’y songe plus. Je suis apiculteur et je ne vois plus pourquoi je partirais. Nous avons un beau village et mes attaches sont ici. »

Les pratiques des jeunes : résultat des mutations et des représentations

41Les représentations ont engendré des pratiques de la part des jeunes de Yakourene qui s’appuient le plus souvent sur un retour à l’exploitation des ressources naturelles, mais il s’agit surtout de dynamiques économiques qui échappent aux circuits formels, à l’exception de quelques activités agricoles. Nous nous sommes intéressés à ces pratiques.

42Les exploitations agricoles recensées à Yakourene ont, pour la quasi-totalité d’entre elles, une superficie dérisoire de tout au plus un hectare, et en l’espace de cinq ans, le nombre d’exploitations entre un et trois hectares a baissé de plus de la moitié [11]. Il est difficile, dans ces conditions, de pratiquer la commercialisation, le maraîchage, les cultures fourragères, et encore moins les cultures céréalières. Les productions arboricoles et maraîchères servent à l’autoconsommation. Le morcellement des terres agricoles va se poursuivre puisque nombre de ces terres sont en indivision. C’est ce qui explique que l’élevage bovin laitier et l’apiculture connaissent une reprise actuellement. L’élevage bovin laitier, qui s’était pratiquement arrêté durant les décennies 1970-1980, semble connaître aujourd’hui une renaissance sous forme intensive. Ce mode d’élevage est encouragé par les services agricoles par des primes à la commercialisation du lait et par la présence d’entreprises agroalimentaires – Danone, Soumam et Giplait – à Bejaïa, à 70 km de Yakourene. Ces entreprises ont encouragé l’installation de collecteurs de lait. L’intervention de ces différents acteurs a introduit des normes d’élevage de plus en plus strictes. Beaucoup de jeunes que nous avons interrogés sont très intéressés par cette activité, mais le montant de l’investissement nécessaire pour assurer la rentabilité est décourageant pour la majorité d’entre eux : bâtiment d’élevage, matériel animal, matériel de traite, alimentation, soins vétérinaires, etc. Ceux qui parviennent à avoir l’appui financier de leur famille parviennent à se lancer ou à reprendre l’élevage familial pour le moderniser. C’est le cas de Djamel, 36 ans, éleveur : « J’ai repris la ferme d’élevage de mon père. J’ai agrandi le troupeau et je livre le lait à l’entreprise Danone. Le problème, c’est que le foin coûte cher et les pâturages disponibles ne suffisent pas pour nourrir mes bêtes et produire une quantité suffisante de lait. »

43L’apiculture est la deuxième activité qui a connu une déprise et connaît aujourd’hui un engouement de la part des jeunes de la commune. L’intervention des services de développement agricole sous forme de subventions conséquentes et la rentabilité de l’activité expliquent cet intérêt. Youcef, un jeune apiculteur de 32 ans, parle de solidarité entre jeunes apiculteurs : « Nous nous réunissons souvent au café du village, moi et les autres jeunes apiculteurs. Nous échangeons à propos des techniques d’élevage apicole. Beaucoup d’entre nous sont devenus des passionnés. Personnellement, j’ai demandé à un ami menuisier de me confectionner un modèle de ruche que j’ai créé moi-même. » Cette dynamique est cependant ralentie par les maladies et par les incendies de forêt, qui déciment souvent des colonies entières.

44Il serait inexact de parler d’un retour massif des jeunes à l’agriculture, mais l’élevage bovin pour le lait et l’apiculture bénéficient d’une représentation positive et sont de nouveau perçus par les jeunes comme une solution au chômage. En ce qui concerne l’élevage bovin, l’investissement demandé en raison du passage d’un mode de production extensif à un mode de production intensif et pratiquement hors sol, à cause de la faiblesse du fourrage local dans l’alimentation des animaux, rend cette solution inaccessible pour la majorité des jeunes intéressés par cette activité. Les risques de perte de ruches dans les fréquents incendies de forêt limitent également l’essor de l’apiculture.

45Les difficultés rencontrées par les jeunes pour s’insérer dans le monde du travail les ont conduits à développer des activités dans le secteur informel. L’économie informelle semble être le domaine principal d’innovation et de création de sources de revenus, de l’exploitation de la vocation touristique de la commune, mais aussi de la dégradation des ressources. Les jeunes de tout niveau investissent des activités anciennement pratiquées par la génération de leurs grands-parents telles que la coupe du bois, l’extraction et la taille de pierres ou de nouvelles activités comme la vente de poterie traditionnelle aux touristes ou aux passagers empruntant la route nationale qui traverse Yakourene. Ces activités ne demandent pas de qualifications particulières et nécessitent un investissement faible.

46Le degré de structuration de ces activités est assez élevé. Petit à petit, elles sont devenues essentielles à beaucoup de ménages, leur permettant de vivre parfois plus que décemment et de ne pas chercher à quitter le territoire. Brahim, 27 ans explique : « J’étais le premier à m’installer près de la “fontaine fraîche” où les passagers s’arrêtent systématiquement pour regarder les singes et se rafraîchir à la fontaine. Je vendais des biscuits. Un jour, un homme est passé pour me proposer de la poterie. Je lui ai dit qu’il pouvait la poser là, et que si ça se vend, je ferai affaire avec lui. Ça a très vite marché, surtout en été, quand les émigrés et les Algérois et autres habitants des villes sont de passage à Yakourene. Aujourd’hui, nous sommes très nombreux et notre marchandise vient aussi bien de la commune voisine de Freha que de Nabeul en Tunisie. » Cette activité permet d’exploiter des ressources naturelles, à savoir les paysages et la faune, en installant les stands au niveau de l’un des plus beaux sites de Yakourene « la fontaine fraîche ». Mustapha, 32 ans, l’un des vendeurs de poterie nous a déclaré : « Les autorités veulent nous déloger sous prétexte que nous dégradons la forêt. Ce n’est pas vrai. C’est nous qui nettoyons les déchets que laissent les gens de passage qui s’arrêtent pour déjeuner dans la forêt. Nous maintenons l’endroit propre. Ils prétextent aussi que notre activité est informelle. Je suis d’accord, mais est-ce qu’ils font quoi que ce soit pour nous ? Ces stands de vente font vivre des centaines de personnes. Nous nous sommes organisés entre nous. S’il y a la moindre intervention des autorités contre nous, nous agissons en groupe. » D’autres jeunes exercent une autre activité jugée informelle, voire illégale, l’extraction de pierres pour la construction. Hamid, 27 ans, est l’un d’entre eux : « Nos grands-parents ont exercé ce métier et maintenant, 80 % des jeunes du village (l’un des douars de la commune de Yakourene) ne font que ça. Ce n’est pas un choix, mais c’est tout ce que nous avons trouvé comme solution pour échapper au chômage. »

47Contrairement à l’extraction de pierres, qui a abouti à la création d’une activité collatérale, la taille de la pierre, exercée en toute légalité, la vente de poterie traditionnelle (photo 1) n’a pas conduit à la création d’ateliers d’artisanat. Cela reste presque exclusivement une activité commerciale. En amont de la filière, la production commence très loin de Yakourene, dans d’autres localités en Algérie et en Tunisie. La poterie traditionnelle est une activité ancestrale à Yakourene, mais le savoir-faire semble avoir été perdu. La vente de poterie reste la seule activité qui profite du passage de touristes locaux par Yakourene.

Photo 1

Un vendeur à côté de son stand de vente de poterie traditionnelle

Photo 1

Un vendeur à côté de son stand de vente de poterie traditionnelle

Source : auteurs.

48Les activités informelles comme la vente de poterie et l’extraction de pierres, auxquelles nous pouvons ajouter l’abattage illégal des arbres, constituent des solutions que les jeunes qualifient eux-mêmes de précaires. L’impact le plus regrettable en est sans doute celui qui touche les ressources forestières, confrontées à une exploitation irrationnelle et à une dégradation continue (photos 2 et 3).

Photo 2

Crevasse provoquée par l’extraction de pierres

Photo 2

Crevasse provoquée par l’extraction de pierres

Source : auteurs.
Photo 3

Racines découvertes par l’extraction de pierres

Photo 3

Racines découvertes par l’extraction de pierres

Source : auteurs.

49La commune de Yakourene a bénéficié assez timidement de l’investissement public (colonies de vacances, hôtel) et du développement des infrastructures dans les années 1970. Cela n’a pas suffi à garder la force active dans la commune et cette politique a eu pour conséquences, sur les plans socioculturel et économique, la perte de pratiques anciennes, de savoirs et de savoirs-faire, la diminution de la solidarité et la perte de la diversité économique.

50Depuis plus d’une décennie, l’État s’est timidement engagé dans une logique de marché. Cet engagement s’est traduit par l’encouragement de l’entrepreneuriat à travers l’octroi de crédits et de subventions pour les diplômés et pour les agriculteurs. Cette démarche est illustrée, dans le cas de Yakourene, par une mise en œuvre anarchique qui s’est traduite par l’absence d’un projet de développement cohérent autorisant une synergie appuyée par ces outils. L’absence de transparence et d’une approche locale et territoriale a largement diminué l’impact de ces dispositifs et accentué le sentiment d’abandon chez les jeunes, provoquant un repli sur soi. Ce repli sur la famille, le territoire et ses ressources s’est traduit par des représentations qui ont engendré des pratiques innovantes ou fait revivre d’anciennes pratiques qui sont plus assimilables à des stratégies de survie qu’à des démarches entrepreneuriales.

51La logique dite de marché n’a pas accentué la perte de la mémoire historique, c’est-à-dire la disparition des héritages socioculturels, socioéconomiques et sociopolitiques, bien au contraire. La situation qui prévaut est que la génération actuelle a dû puiser, pour sa survie, dans l’héritage socioculturel et s’impliquer dans la réactivation de l’organisation traditionnelle, transformée en comités de villages et de la solidarité (familiale), ce qui s’est traduit par la réapparition, le renforcement ou la valorisation d’activités anciennes telles que l’élevage, l’apiculture, la maçonnerie, l’extraction de pierres, la valorisation de la poterie, la cuisine traditionnelle, etc.

52Le tableau suivant résume l’évolution socio-économique et organisationnelle de la commune et son impact sur la trajectoire économique :

Tableau 1

Évolution socioéconomique et organisationnelle de la commune de Yakourene

Tableau 1
Générations et périodes État de l’organisation civile Actions de l’État Sources de revenus Ressources exploitées Génération 1 Période : 1950-1960 Djemaa Infrastructures Migration vers l’Europe et Agriculture Pâturage et bois de chauffage, extraction de pierres Génération 2 Période : 1970-1980 Déclin de la Djemaa Infrastructures et tourisme (colonies de vacances) Exode vers les villes. Tourisme saisonnier Pâturage et bois de chauffage Loisirs pour les vacanciers Génération 3 Période : 1990-2000 Reprise sous une autre forme : comités de villages. Problèmes de représentativité. Organisations revendicatives Infrastructures Subventions agricoles Organisations d’accompagnement à la création d’entreprise Administrations Agriculture (élevage intensif et apiculture) Secteur informel pensions Paysages pour les estivants et cadre naturel pour les vendeurs de poteries. Extraction de pierres

Évolution socioéconomique et organisationnelle de la commune de Yakourene

Source : auteurs.

53Toutes ces initiatives locales ne sont pas inscrites dans une action collective d’élaboration de projet collectif de développement territorial. Bien au contraire, la divergence des représentations territoriales entre les jeunes et les acteurs de développement ne permettent pas une valorisation des ressources par la mobilisation des relations sociales non marchandes que la Djemaa permettait dans le passé.

Conclusion

54Certaines formes d’exploitation des ressources locales par les populations de Yakourene (extraction de pierres, pâturages, transformation du bois, etc.) ont contribué à construire leurs représentations territoriales. Celles-ci ont connu des transformations durant les années 1970-1980 en raison, essentiellement, de l’attrait de l’emploi industriel dans les villes algériennes ou en Europe, notamment en France, ce qui a engendré l’intensification de l’exode rural et de la migration, l’abandon de l’activité agricole et l’affaiblissement de l’organisation sociale locale (Djemaa). À la fin du siècle dernier et au début de ce siècle, les mutations socioéconomiques et politiques ont entraîné d’une part, une résurgence de représentations anciennes et d’autre part, une émergence de nouvelles représentations chez les jeunes, engendrant la réapparition d’activités disparues et l’apparition de nouvelles formes d’exploitation des ressources locales. Les structures sociales (Arch, Djemaa, famille) n’ont pas pu préserver le modèle de reproduction socioéconomique qui s’appuyait sur une stratégie économique de groupe et sur des ressources collectives, exploitées et entretenues collectivement. Si dans le passé, la forêt était intégrée au système socioéconomique, elle a aujourd’hui l’image d’une pourvoyeuse de ressources exploitées anarchiquement par les jeunes qui ont développé des pratiques, pensant ainsi agir pour pallier l’absence d’une stratégie publique d’exploitation des ressources pour la création d’emplois.

55Les représentations territoriales des jeunes porteurs de projets sont donc le résultat des connaissances qui leur ont été transmises sur les anciens modes d’appropriation du territoire et du rapport à la forêt : exploitation des ressources naturelles grâce à la gestion collective par le biais de la Djemaa. Cela a engendré la résurgence de représentations positives sur la possibilité de s’installer dans le massif forestier et d’exploiter les ressources comme c’était le cas avant les années 1970. Les freins rencontrés pour la migration, que ce soit vers les villes ou à l’étranger ont produit, sans doute, ce repli sur les ressources locales. Il s’agit donc d’une résurgence de représentations qui s’expliquent par d’anciennes pratiques ayant permis, dans le passé, un rapport au territoire vital pour la population. Il est possible également de parler de l’émergence de nouvelles représentations, puisque le rôle de la Djemaa dans la gestion collective des ressources est moins présent dans les discours des jeunes. Les représentations sur le rôle déterminant que doivent jouer les organisations publiques et les collectivités locales dans la création d’emploi et l’encouragement de l’investissement privé sont bien ancrées chez les jeunes.

56Le massif forestier de Béni Ghobri est, aujourd’hui plus que jamais, un territoire approprié par la génération actuelle de jeunes, avec des représentations stables pour ce qui est d’y vivre et d’y travailler. Toutefois, comme le souligne Di Méo « […] cette stabilité d’ensemble n’exclut pas des variations très sensibles dans les représentations, en fonction justement des expériences et des trajectoires, des constructions mentales propres aux acteurs sociaux » [2008]. En effet, les représentations sont différenciées entre les catégories sociales, notamment entre les jeunes et les acteurs locaux de développement que sont les membres des administrations locales et les élus locaux. Cela a créé deux représentations du territoire qui, tant qu’elles ne se rapprochent pas et ne conduisent pas à créer des pratiques socioéconomiques pertinentes, ne pourront pas mener à un projet collectif de développement. Car comme le souligne Jacques Bonnet, « Le développement ne se produit que dans et par les territoires. […] La notion de territoire […] suppose que s’établisse une concordance, dans les espaces donnés, entre des faits d’ordre économique, politique et social. Cette concordance, lorsqu’elle se réalise dans des territoires suffisamment larges, rend possible le “décollage” économique, en permettant la mobilisation des ressources qui lui sont nécessaires. » [2009]

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : représentation, massif forestier, mutations socioéconomiques, Algérie, développement territorial, territoir, Kabyli

Mise en ligne 19/11/2014

https://doi.org/10.3917/autr.066.0021

Notes

  • [*]
    Doctorante en géographie et aménagement de l’espace, université Paul-Valéry, Montpellier.
  • [**]
    Enseignant-chercheur, Institut agronomique méditerranéen, Montpellier.
  • [1]
    Les conditions sécuritaires se sont progressivement dégradées dans la zone, ce qui a provoqué notamment la fermeture des centres de colonies de vacances.
  • [2]
    L’ANSEJ, l’ANGEM, les services agricoles, les services des forêts, l’Institut national de la recherche forestière.
  • [3]
    Représentants des comités de village et représentants d’associations de développement.
  • [4]
    Tizi-Ouzou : 64 093 ha de terres forestières (forêts, maquis et reboisement), parmi lesquels 31 103 ha de terres forestières des massifs forestiers « Tamgout, Béni Ghobri, Tigrine » qui se suivent, soit près de 50 % du total des terres forestières de la wilaya [Bureau national d’études pour le développement rural, 2008].
  • [5]
    Le Arch est équivalent à la tribu.
  • [6]
    Il y avait une scierie pendant la période coloniale, ainsi qu’une petite fabrique de pipes en bruyère.
  • [7]
    Ce sont les incendies qui provoquent le plus de ravages Entre 1980 et 1988, la forêt de Béni Ghobri a vu 916,5 ha partir en fumée. 558,5 ha ont brulé entre 1990 et 1999 et 2 816,75 ha entre 2000 et 2007 [BEF, 1989 ; BNEDER, 2008].
  • [8]
    Les émeutes de 2001 ont été suivies de revendications sociales, économiques et politiques portées par les Arch de l’ensemble de la Kabylie, reformés et redynamisés pour l’occasion. La Djemaa de Yakourene s’est alors vu envahie par des membres dynamiques et jeunes qui représentaient la population lors des réunions organisées à l’échelle de l’assemblée des Arouch dans toute la Kabylie.
  • [9]
    Inventaire réalisé par le Bureau national des études forestières (BEF).
  • [10]
    Ceci est justifié par les élus que nous avons rencontrés par l’indisponibilité d’assiettes foncières pour attirer des investisseurs privés et par la situation sécuritaire qui s’est dégradée au cours de la « décennie noire ». Même si la situation s’est, par la suite, beaucoup améliorée, Yakourene souffre encore de l’image d’un territoire aux conditions sécuritaires fragiles.
  • [11]
    Source : vulgarisateur agricole de Yakourene.
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