Autrepart 2012/4 N° 63

Couverture de AUTR_063

Article de revue

La route du cordyceps

Pages 89 à 105

Notes

  • [*]
    Mercan Aline, GReCSS (Groupe de Recherche Culture Santé Société), Centre Norbert Elias, Université Aix-Marseille III.
  • [1]
    Telle l’intervention, le 12 avril 2008, d’un médecin aromathérapeute, consultant pour une entreprise d’aromathérapie, au symposium international d’aromathérapie de Grasse « Expérience clinique de l’huile essentielle de Saro en tant que médecin généraliste », qui invite le professionnel de santé à recourir à Google et à l’information délivrée par les premiers sites apparaissant dans les résultats de recherche, qui, de fait, sont en général des sites commerciaux ayant fait l’objet d’une optimisation de leur référencement.
  • [2]
    On sait toutefois que les moteurs de recherche proposent des résultats différents aux internautes localisés dans des régions différentes du monde. Par ailleurs, certains moteurs personnalisent aussi les résultats en modifiant le haut du classement à partir de données tirées de l’historique des navigateurs. Dans l’idéal, il faudrait alors mener des interrogations non seulement depuis les mêmes lieux géographiques que les personnes intéressées, mais aussi depuis les mêmes ordinateurs [Massou, Simon, Simonnot, 2011].
  • [3]
    Le Kham est une ancienne province de l’est du Tibet.
  • [4]
    Ce biologiste et mycologue est un spécialiste du cordyceps basé aux USA. Il est aussi organisateur de « Cordyceps tour », des circuits touristiques centrés sur le champignon au Tibe : http://mushroaming.com/Cordyceps_Tour (page consultée en juillet 2012).
  • [5]
    Par exemple, respectivement Brevet no 6558943 déposé le 5 septembre 2000 par Pei-Jung Li et al., référence internationale C12N/118 ; A01N/6304 ; A61K/3156 pour Sun Ten Pharmaceuticals Co., et brevet no US8008060 déposé par Cleaver P, Holiday J. et al. – du 30 août 2011 pour Aloha Medicinals Inc.
  • [6]
    D’après son site, cette entreprise spécialisée dans la production de champignons médicinaux, produirait 50 % du cordyceps cultivé commercialisé dans le monde, mais compte tenu de la difficulté à obtenir des données fiables sur le marché des « plantes médicinales » [Dodinet, 2005], cette assertion est invérifiable.
  • [7]
    Mais il s’agit ici de reproductibilité de procédés de fabrication, puis éventuellement de dosages de traceurs et de principes actifs sur des lots de produit, supposés en assurer la constance de composition. Outre que la notion de principe actif et de traceur pour nombre de plantes est sujette à polémiques pharmacologiques, leur stabilité dans le temps ou la fiabilité des dosages annoncés sont régulièrement débattues. La reproductibilité de composition peut donc déjà prêter à discussion pour ces produits biologiques complexes, la question du manque de données cliniques vient encore interroger la reproductibilité des effets [Mercan, 2012].
  • [8]
    Dont Healing Mushrooms [2007] qui affiche sur la première page : « Compliments of Aloha Medicinals Inc. Of the USA and Pure and Clean of Switzerland SA ».
  • [9]
    Ancienne province située au nord-est du Tibet.
  • [10]
    http://en.tcm-china.info/materia/single/index.shtml (page consultée en janvier 2012).
  • [11]
    De manière souvent caricaturale comme sur ce site internet : « Des études en 2004 ont démontré que la prise de cordyceps augmentait significativement le taux de testostérone aussi bien chez des souris matures que chez des souris immatures. Cela démontre donc la propriété de stimulant sexuel chez le mâle et de tonifiant musculaire », http://soignez-vous.com/2006/02/01/le-cordyceps-un-champignon-unique-enson-genre/ (page consultée en février 2012).
  • [12]
    « Les secrets de santé et de bien-être, e-book de santé naturelle du Dr Schmidtz » (122 p.), téléchargé sur le site www.anti-age-prevention.com en février 2009. Ce site a depuis disparu.
  • [13]
    Traduction de l’auteur : Avertissement au lecteur de la rubrique « Organic Cordyceps Extract » du site commercial américain InvicibleHerbs : http://www.invicibleherbs.com/p2-Cordyceps-Cs-4.html (page consultée le 10 avril 2013).
  • [14]
    « La réglementation applicable en la matière prévoit une double définition du médicament : Un produit sera qualifié de médicament s’il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales. Il s’agira donc d’un médicament du seul fait de sa présentation, alors même que le produit n’aurait pas effectivement les propriétés qu’il annonce. » Code de la santé Publique.
  • [15]
    Le HONCode est un code de conduite proposé par l’ONG Health on the Net Foundation, qui « demande que les administrateurs de sites [Internet médicaux] indiquent clairement l’origine des informations fournies (auteur, références scientifiques reconnues etc.), leur politique de confidentialité et de protection des données personnelles de leurs visiteurs ; qu’ils mentionnent l’origine (société commerciale, organisations, institutions) du financement du site et le rapport entre la publicité et le contenu éditorial du site » : http://www.hon.ch/HONcode/index_f.html (page consultée en mars 2012).
  • [16]
    Shangri-La, imaginé par James Hilton dans l’ouvrage Lost Horizon en 1933, est un royaume situé quelque part au Tibet dont les habitants vivent dans la sagesse et l’immortalité.

1Ophiocordyceps sinensis, plus connu par son ancienne dénomination de Cordyceps sinensis ou, en anglais, caterpillar fungus, est un champignon de la famille des Ophioclavicipitaceae qui parasite une chenille. Le cordyceps – terme par lequel il sera désigné par commodité – pousse dans les pâturages du plateau tibétain au-dessus de 3 200 mètres d’altitude. Parfois nommé Viagra® de l’Himalaya, ce champignon est devenu une véritable panacée de la pharmacopée des médecines alternatives et complémentaires (MAC) à travers la « modernisation » et la globalisation des pharmacopées traditionnelles. Pour devenir la panacée moderne qu’il est aujourd’hui, le cordyceps va subir de profondes transformations et diversifications de ses modes de production, de diffusion et de commercialisation, de ses indications, de ses formes galéniques et des symboliques et représentations qui s’y attachent.

2L’outil méthodologique choisi pour l’étude d’une panacée mondialisée devenue ubiquitaire, protéiforme et polysémique est l’approche bibliographique. Ont été exploitées : des données bibliographiques issues de traités médicaux ; des discours relatifs aux usages traditionnels et historiques. Une attention particulière a été portée aux données recueillies sur internet, mais aussi à des documents publicitaires et médiatiques. L’ensemble reflète la diversification du marché ainsi que les représentations du produit. En effet, mon travail de recherche sur les usages de la phytothérapie en France révèle le large recours par le public, mais aussi par les professionnels de santé qui cherchent à se documenter sur les phytoremèdes, à la consultation de sites commerciaux sur la toile. Le choix des sites se fait généralement sur Google de façon pairjective selon leur ordre de classement. Cette méthode est même recommandée par certains professionnels de santé à leurs pairs [1] [Mercan, 2012]. J’ai régulièrement consulté depuis 2004 les vingt premières pages de Google sur le cordyceps, en français et anglais, et recueilli des données qui se saturent très rapidement, les sites se copiant les uns les autres [op. cit.] quelle que soit la langue utilisée. L’hypothèse est que cette méthode illustre le recours type d’un public profane, mais aussi professionnel, en recherche d’information [2]. En outre, des données d’observation de terrain ont été produites à travers une enquête ethnobotanique réalisée en 2002 et 2004, une recherche systématique du produit et de ses dérivés en France, aux USA, à Hong Kong et dans d’autres pays, des entretiens avec des praticiens tibétains et chinois, et avec des cueilleurs. Une étude ethnobotanique des usages traditionnels et populaires de la pharmacopée tibétaine d’un haut plateau situé dans la province du Qinghai, situé dans l’ancien Kham [3], avait fourni les premiers éléments de cette enquête. Mais, pour le cordyceps, cette approche s’était vite avérée limitée car il n’est guère utilisé par les tibétains. Il est par contre un élément important de la pharmacopée traditionnelle chinoise, à partir de laquelle il a essaimé sur tous les continents avec une remarquable diversification de ses indications. Recourir à une anthropologie biographique et délocalisée du médicament permet de rendre compte de la complexité du cordyceps, ou plutôt des trajets, physiques et symboliques, accomplis par ce dernier.

3J’ébaucherai ici cette biographie selon le modèle proposé pour le biomédicament par Whyte, van der Geest et Hardon [2002], souhaitant l’inscrire dans le projet de « sciences nomades » qui restent à inventer » [Perrot, 2005, p. 7]. Je commencerai par me pencher sur les conditions de la production et l’opposition cueillette/culture. Le contexte économique et ses effets sur la société locale seront précisés à cette occasion. Puis j’aborderai la transformation dans le temps et l’espace des indications et des formes galéniques contemporaines. J’approfondirai la question de la fabrication de la preuve « scientifique » de l’efficacité, basée essentiellement sur la pharmacologie. L’ensemble de ces analyses servira de révélateur à l’influence de la biomédecine sur les autres médecines, qu’il s’agisse de la médecine traditionnelle chinoise, de la médecine institutionnelle en Chine, ou des MAC, auxquelles elle se rattache en Occident. J’interrogerai alors le projet intégratif de la phytothérapie moderne, qui revendique l’usage de produits caractérisés par leur origine naturelle, leur usage traditionnel et la validation scientifique de leurs propriétés. Compte tenu de la complexité des trajets des produits dérivés du cordyceps, et de leur ubiquité, une approche exhaustive de ses multiples « routes » est illusoire. Certains des chemins empruntés paraissant les plus illustratifs de la dynamique de globalisation des pharmacopées non biomédicales seront donc particulièrement développés.

Production du cordyceps : du sauvage au cultivé, du local au global

4Sur un haut plateau du Qinghai, d’étranges chenilles cornues, séchant sur le poêle d’une habitante du plateau, attire l’attention. Il s’agit d’exemplaires de Cordyceps sinensis dit, dbyar rtswa dgun’bu (se prononce yartsagunbu). Sa récolteuse nomade explique qu’il s’agit là d’une manne inespérée pour le budget familial. Une famille voisine vend son troupeau pour se sédentariser, comptant dorénavant tirer l’essentiel de ses revenus de la collecte de cordyceps. Celui-ci semble donc être une ressource économique, mais il est parallèlement dépourvu d’usages populaires, les informateurs locaux déclarant unanimement ne pas l’utiliser. Dans cette province chinoise, en 2004, la pièce est vendue jusqu’à 2 € selon sa taille, proportionnelle à sa réputation d’efficacité. En 2002, un cueilleur chanceux peut gagner jusqu’à 150 € en un mois, selon les informateurs tibétains qui disent gagner en moyenne 35 € par mois, et même beaucoup plus, selon Sulek [2009]. Certains cueilleurs peuvent ramasser jusqu’à mille pièces par saison. Il s’avère que le cordyceps fournit 40 % des revenus ruraux de la Région autonome du Tibet (RAT) et jusqu’à 60 % des revenus des populations de certains comtés où il abonde [Winkler, 2008]. L’augmentation du prix du cordyceps, surnommé « l’or mou » depuis les années 1970, est explosive. Son prix aurait été multiplié par 2 000 entre 1975 et 2005, date à laquelle il a atteint environ 9 000 USD le kilo. Selon Winkler [op. cit.], le prix aurait augmenté de 900 % de 1997 à 2008, nourrissant ce qu’il désigne par une fungally fuelled economy. De mai à juillet, des régions sont entièrement dédiées à la collecte, mobilisant jusqu’à 60 % de la population avec des périodes pendant lesquelles administrations et écoles sont fermées. Les rangées de cueilleurs arpentent les prairies d’altitude scrutant la végétation pour y apercevoir le mycelium qui émerge de quelques centimètres au-dessus du sol. Ils déterrent alors l’ensemble mycelium-chenille morte, le premier sortant par la tête de la seconde, dont il ne reste que l’exosquelette, l’intérieur de la larve étant entièrement colonisé par le champignon. De premiers intermédiaires, souvent des chinois musulmans, les Huis, achètent le cordyceps. Puis ils le revendent à divers autres intermédiaires qui alimentent un marché national, asiatique et mondial. À Xining, capitale du Qinghai, d’énormes bocaux de verre remplis de cordyceps séchés trônent sur les comptoirs des boutiques qui s’alignent sur plusieurs grandes avenues pour vendre de la matière médicale chinoise d’origine tibétaine. À Hong Kong, plaque tournante des pharmacopées asiatiques d’Asie du Sud-Est, le cordyceps, dont le prix a flambé, est rangé dans de luxueux conditionnements. Mais il se retrouve aussi dans les drugstores et les supermarchés américains sous forme de gélules, dans les pharmacies mongoles sous forme de granulés, dans les herboristeries chinoises parisiennes sous leur forme brute ou en sachets de tisanes et dans nombre de pays d’Afrique sous forme de comprimés fabriqués aux États-Unis ou en Chine. Un kilo serait vendu jusqu’à 30 000 € en 2010 à Dubaï ou 40 000 USD à San Francisco. À Hong Kong en 2004 et dans les herboristeries parisiennes en 2007, 40 grammes de cordyceps séchés coûtaient plus de 120 e. En 2008 sur Internet, le prix d’un traitement mensuel s’échelonnait selon les sites et les extraits, de 10 à 45 € contre 60 € en achat direct dans un supermarché américain. Notons qu’à ce stade, la diversité des formes, des natures des extraits, parfois non précisées, des dosages et des posologies, rendent la comparaison de coûts de traitement journaliers impossible.

5Ressource majeure pour les familles tibétaines, le cordyceps joue donc un rôle de premier plan dans l’économie locale et participe à des dynamiques sociales complexes comme celle de la sédentarisation des populations nomades, par ailleurs encouragées par les politiques provinciales ou nationales. Au Népal la guérilla maoïste a prioritairement occupé les zones de production de cordyceps et a utilisé le produit des taxes sur les ventes pour se doter en armes et munitions [Baral, Heinen, 2005]. Quant au Bhoutan, il a été obligé de légiférer par un décret royal en 2004 légalisant la collecte du cordyceps, auparavant interdite par la Loi de protection de la forêt et de la nature. Compte tenu des enjeux, des conflits violents éclatent régulièrement entre cueilleurs et propriétaires des terres. Ces conflits se sont soldés en 2005 par deux meurtres sur le haut plateau où j’enquête. Les autorités locales sont dans l’obligation de dépêcher un policier et un administrateur le temps de la cueillette qui réclament une taxe aux cueilleurs étrangers au district voire les expulsent. Malgré le manque de données scientifiques fiables, on estime jusqu’à la fin des années 2000 que la ressources n’est pas menacée [Winkler [4], 2008]. Mais en 2011, la récolte est exceptionnellement mauvaise, avec des sites totalement vides, ce qui ne peut être attribué à de simples variations climatiques. Winkler constate lors d’une mission pour le Fonds mondial pour la nature que les temps de récolte se sont allongés, les cueilleurs ramassant des cordyceps dont le mycelium est en pleine dégénérescence, malgré leur faible valeur de rachat : la sporulation, et donc la reproduction sont compromises [Winkler, 2012]. Le Fonds mondial pour la nature propose de mettre en place pour les cueilleurs une campagne d’information sur le mode de reproduction du cordyceps, dont il faudra mesurer l’impact à distance. Ces constats rejoignent les prévisions exposées par Dodinet [2005] au sujet de la pharmacopée chinoise : au rythme d’exploitation actuelle, 80 % des espèces médicinales sauvages (qui elles-mêmes constitueraient 80 % de sa matière médicale) seraient menacées de disparition d’ici quinze à vingt ans, et même d’ici trois à cinq ans en ce qui concerne les espèces vivant dans des biotopes d’altitude. Enfin, sur le plan environnemental, la multiplication des trous dans les prairies a décidé l’État chinois à promulguer une loi, peu appliquée semble-t-il, obligeant à les reboucher.

6Parallèlement, le cordyceps fait l’objet de mise en culture, ce qui permet une sécurisation et une régularisation de l’approvisionnement, mais aussi idéalement, une réduction des coûts de production. La culture de la forme anamorphe du cordyceps est possible sur des milieux artificiels, généralement à base de céréales, et fait l’objet de brevets chinois et américains [5]. Or la coexistence d’une ressource à la fois sauvage et cultivée sur un même marché nourrit généralement une querelle théorique basée sur une opposition entre la puissance prêtée au produit issu de la nature par opposition à la faiblesse supposée de celui qui est issu de la culture. Cette querelle se réactualise dans une opposition entre vitalisme et scientisme : à la vitalité des produits « naturels » est opposée leur variabilité tant en composition. J. Holiday, directeur d’Aloha Medicinals Inc. [6], développe dans l’un de ses films promotionnels [2007], comme dans ses publications [Holiday et al., 2004a ; Holiday, Cleaver, 2008], l’argument principal en faveur de la culture : la standardisation des process de fabrication, qui est supposée assurer la reproductibilité des effets thérapeutiques. Il déplore la variabilité génétique qui implique une variabilité de la composition chimique du cordyceps sauvage, mais explique avoir procédé à un processus d’hybridation des différentes souches de cordyceps tibétain qui permettrait de concentrer l’ensemble des bioactifs, suivi de leur mise en culture. Il améliorerait ainsi la qualité et la reproductibilité de la composition du produit final [Holiday et al., 2004a]. Le film montre la mécanisation du process industriel et des conditions d’hygiène strictes qui contrastent avec les images de cordyceps de tailles diverses étalés sur des trottoirs de bourgades chinoises. Mais il va plus loin en affirmant reproduire les conditions de croissance du cordyceps sauvage à basse température et en hypoxie (pression partielle d’oxygène diminuée en altitude), calquées sur celles de son biotope naturel. Cette représentation scientiste basée sur la standardisation et la reproductibilité [7] permet de se rapprocher, du moins en théorie, du biomédicament. Mais J. Holiday lui associe une représentation vitaliste, généralement utilisée dans la promotion de la ressource sauvage, à travers l’affirmation de l’exhaustivité du patrimoine génétique et de la reproduction des conditions de croissance originelles.

7Une contre-attaque des partisans du sauvage est relayée par les journalistes de l’émission de télévision Envoyé spécial lorsqu’ils font effectuer un dosage comparatif d’adénosine, l’un des principes présumés actifs du cordyceps, dans un produit de culture (« cinq fois plus efficace que celui utilisé en médecine chinoise », selon son fabricant) et dans son homologue sauvage, par un laboratoire de Hong Kong. Les résultats sont commentés par le Pr Halpern, pharmacologue ayant publié plusieurs articles et livres sur le cordyceps [8]. Il semble clair : d’une part que les taux mesurés dans le produit issu de culture sont inférieurs à ceux indiqués par le fabricant ; d’autre part qu’ils sont très inférieurs à ceux retrouvés dans la ressource sauvage. Le laboratoire viendrait alors conforter la réputation de puissance du sauvage, corroborant les représentations des thérapeutes tibétains et chinois traditionnels interrogés. Mais la question d’un éventuel lien entre les acteurs de la recherche et les acteurs économiques, soit un éventuel conflit d’intérêt, n’est pas plus recherché par les journalistes que mentionné dans les publications de J. Holiday. Or de Bruyn et Micollier [2011, p. 31] rappellent qu’« en Chine, la recherche en médecine chinoise est principalement financée dans le cadre des programmes de recherche et développement des groupes pharmaceutiques chinois ». Dans l’univers des pharmacopées MAC, qui en ce domaine ne se démarque guère de celui du biomédicament, il y a souvent confusion entre les acteurs de la publication, de la formation et de la production et les conflits d’intérêt ne sont qu’exceptionnellement mentionnés [Mercan, 2012]. Au-delà de sa dimension symbolique et des interrogations liées à la question du principe actif qui sont abordées plus loin, la querelle sauvage-cultivé reflète les tensions économiques entre les différents acteurs de la production.

8Quelles sont les conséquences locales de l’explosion d’un tel marché ? Selon Escobar [1995], la réappropriation de traditions ayant un impact économique renforcerait l’identité indigène. Elle pourrait contribuer à maintenir une plus grande hétérogénéité dans le champ du local, voire à renforcer des identités par ailleurs menacées par d’autres facteurs de la mondialisation. Sur ce terrain, la tradition de la cueillette commerciale du cordyceps est particulièrement bien réappropriée. Il en résulte que le cordyceps, en fournissant des sources de revenus dépassant celles du pastoralisme, modifie l’organisation sociale. Selon un informateur en Amdo [9], c’est pour cette raison qu’un chef de la communauté de Dpon’khor en a interdit toute récolte et vente afin de tenter de préserver le mode de vie de sa communauté. Par ailleurs la compétition entre ressource sauvage et cultivée, un marché de la pharmacopée des MAC soumis à des effets de mode, ainsi que les données récentes faisant état de la raréfaction de la ressource sauvage dans un contexte de pression de production croissante, laissent redouter qu’une économie du cordyceps relève plus d’un développement éphémère que durable. Enfin, les Tibétains n’interviennent qu’au stade de la récolte et ne bénéficient donc que du prix le plus bas possible à l’instar de l’ensemble des cueilleurs, qui constituent l’étape commerciale la moins rémunérée, au Sud comme au Nord.

Le cordyceps et la pharmacopée intégrative

9La légitimation de l’explosion des usages de cordyceps se base sur le déploiement d’un faisceau d’arguments qui réfèrent au registre de la nature (en particulier pour le produit sauvage), de la science (à travers les données pharmacologiques pléthoriques) et de la tradition (dont Lenclud [1987], rappelle combien le terme est à la fois largement usité et indéfini). Il réaliserait en cela le projet de la médecine intégrative, dont l’objectif est de combiner simultanément biomédecine et MAC, pour un produit, qui plus est, naturel.

Évolution des indications et formes galéniques

10Selon Zhu, Halpern et Jones [1998] et Halpern [2007, p. 66], le cordyceps serait cité dans un texte de médecine chinoise du vie siècle. Or Winkler [2012], ne trouve pas trace du texte ni de l’auteur et préfère situer la première occurrence documentée dans le compendium de materia medica Ben Cao Bei Yao de Wang An en 1694, faisant communément référence en médecine chinoise. La médecine tibétaine comporterait par contre un écrit de la seconde moitié du xve siècle intitulé « Un océan d’excellentes qualités aphrodisiaques », écrit par Zurkhar Nyamnyi Dorje. Sur le terrain, les tradipraticiens rencontrés, le considèrent comme un élément mineur de la pharmacopée tibétaine et ne l’utilisent guère. Tous sont cependant unanimes pour décrire ses vertus économiques de longue date. Le cordyceps est en effet un remède rare et cher dont l’usage aurait été réservé au xviie siècle à l’empereur et à sa cour. Selon Micollier [2009], il est considéré en médecine chinoise comme un tonique majeur du Qi, énergie ou souffle vital circulant dans le corps. Dans le Bencao Bei Yao, on l’indique comme tonique, pour la jaunisse et la phtisie, et également dans les cas de traumatismes sévères. Selon des sources contemporaines chinoises ou traduites [Bensky, Clavey, Stoger, 2004] et sur le site du Beijing digital museum of TCM[10] (où l’image du cordyceps illustre la rubrique materia medica, etc.), on le retrouve comme médication de choix dans diverses toux et difficultés respiratoires, impuissance ou éjaculation abondante, asthénies variées en particulier par vide d’énergie des poumons et des reins, lombalgie, dyslipidémie, etc. En 2012, le « remède de l’empereur » s’est démocratisé et est accessible à tous, ne serait-ce que sur Internet, où il est précisé « Au Tibet, seul le dalaï-lama en consommait » [Webmaster, 2006], ce qui contribue à renforcer cette image de médication élitiste. L’entrée « cordyceps sinensis sale » ne comportait pas moins de 2 900 000 entrées sur Google en janvier 2013. Selon les sites commerciaux consultés, il serait indiqué dans des troubles aussi variés qu’asthme, rhinite, allergies, insuffisance rénale, agression rénale par des produits chimiques, bronchite chronique, toux, tuberculose, faiblesse respiratoire, régulation de la pression artérielle (haute ou basse), vieillissement, faiblesse, éjaculation précoce, impuissance, hyperlipidémie, renforcement de l’immunité, infections virales (dont hépatites et sida), cirrhoses, convalescence, règles irrégulières, leucorrhées, douleur abdominale et rachidienne, insomnies, perte des dents, gonalgies, frilosité, troubles de la mémoire, syndrome de fatigue chronique, etc.

11Certaines des indications du cordyceps sont révélatrices de nos sociétés contemporaines : il s’agit de la performance, qu’elle soit sportive ou sexuelle, de l’antioxydation et de l’immunité. Ainsi l’équipe féminine chinoise de course à pied aurait-elle battu trois records du monde en 1993 à Stuttgart grâce à l’ingestion de cordyceps et de sang de tortue. Le cordyceps est souvent qualifié de « Viagra® » de l’Himalaya, ce qui l’assimile à la puissance d’un biomédicament mondialement connu. Les représentations picturales des conditionnements occidentaux sont volontiers phalliques, comme l’illustrent ces étiquettes de produits commercialisés dans des drugstores américains. Sur l’une un mycélium érigé est doté d’un bombement terminal turgescent suggestif. Sur une autre (produit fabriqué par la firme Mycopharmaceuticals), on peut lire : « l’augmentation de puissance sexuelle des yacks qui ont brouté du cordyceps, ce qu’aurait remarqué un caravanier il y a 1 500 ans déjà ». Ces représentations renouent avec l’hermétisme d’une théorie des signatures réactualisée et la magie sympathique de Hubert et Mauss [1903], dans laquelle le biotope dans lequel pousse la plante, comme l’aspect phallique du mycelium renseignent sur les effets aphrodisiaques et la puissance du cordyceps par un raisonnement analogique métaphorique. Un site de vente le qualifie de « révolution 100 % naturelle et virile » et promet au moins dix rapports sexuels par jour en référence à une tradition devenue subitement millénaire : « Il y a 1 500 ans, il était réservé à l’élite impériale de la Cité Interdite. Un seul mot d’ordre : garder une vigueur intacte pour honorer toutes ses épouses ! » [Centre international de nutrithérapie, s.d.]. Le stress oxydatif est souvent présenté par les MAC comme l’ennemi absolu, à l’origine du vieillissement, de la cancérisation, et même du sida. L’immunité est une autre préoccupation contemporaine majeure, en même temps qu’un champ physiopathologique complexe, trop souvent réduit à une opposition binaire stimulation/inhibition ou modulation. Or le pharmacologue japonais T. Fujita a découvert les effets immunosuppresseurs de la myriocine, une substance toxique synthétisée par une forme anamorphique de Cordyceps sinclairii afin de supprimer les défenses de sa chenille hôte. Dans une refonte taxonomique récente, Cordyceps sinclairii a rejoint Cordyceps sinensis dans l’entité taxonomique Ophiocordyceps sinensis. De la myriocine dérive une drogue synthétique, le fingolimod, commercialisé sous le nom de Gilenya® par la firme Novartis dans l’indication de sclérose en plaques en tant qu’immunomodulateur à tendance immunosuppressive. À l’inverse, selon Holiday [2009], chenille et cordyceps vivent en symbiose car le champignon protégerait la chenille contre les infections virales, bien qu’il finisse par tuer son hôte dans une curieuse conclusion symbiotique. Ceci contribue à le légitimer comme immunostimulant. Selon Li et al. [2009], le cordyceps aurait un effet de régulation des cellules dendritiques qui différerait selon le climat inflammatoire le rendant tour à tour immunostimulant, immunomodulateur ou immunosuppresseur. On se heurte ici à la fois à une complexité taxonomique (qui se traduit par la réalisation de fréquentes analogies établies entre propriétés attribuées à des espèces différentes d’un même genre), biologique (une forme anamorphe, c’est-à-dire asexuée, peut-elle fabriquer des produits aux propriétés inverses de ceux d’une forme téléomorphe, c’est-à-dire sexuée ?) et pharmacologique (une même substance pourrait avoir des actions opposées). Ces différents niveaux de complexité associés à la mutabilité des produits thérapeutiques issus du domaine du vivant permettent d’étayer des discours contradictoires. Notons également que les effets de la myriocine posent la question de la toxicité potentielle du cordyceps, à laquelle seules deux études se sont intéressées, sur les centaines de références pharmacologiques collectées, l’accent étant mis sur l’efficacité et l’innocuité des produits par opposition à la toxicité des biomédicaments [Holiday, 2009]. Le cordyceps, tantôt présenté comme immunostimulant, immunosuppresseur ou immunomodulateur, si ce n’est tout à la fois, vient interroger l’interprétation scientifique de phénomènes complexes et révèle l’absence de consensus des acteurs à la source d’une disparité des pratiques.

12Quant à la galénique, c’est sous forme séchée non transformée qu’on l’achète en Chine, après quoi le cordyceps est consommé en l’état dans des plats à vocation thérapeutique, ou sous forme de macération hydrique, alcoolique ou de poudre. En franchissant les portes des entreprises de la pharmacie et du complément alimentaire et en abordant le marché occidental, le cordyceps fait l’objet de procédés de fabrication industriels qui transforment profondément le produit fini, tant dans sa matérialité (diversification des techniques d’extraction et donc des principes actifs obtenus) que dans son aspect (ses formes galéniques). Les Occidentaux, peu enclins à ingérer des chenilles parasitées, ou à ingurgiter leur produit de macération, préféreront gélules et comprimés, formes par ailleurs évocatrices de modernité. Il s’agit là d’une autre de ces étapes de décontextualisation et de recontextualisation d’un remède d’une culture à une autre. Les procédés de fabrication changent, les galéniques changent, les indications changent, même si la référence à la tradition, sous-entendant stabilité et constance, est toujours invoquée.

Le rôle de la science : données pharmacologiques et cliniques

13La manière dont les acteurs de la diffusion du cordyceps construisent sa légitimité est emblématique du processus de validation contemporaine de toutes les pharmacopées, des MAC comme des médecines traditionnelles. Pour répondre aux normes de la science moderne, un remède doit être validé selon un processus calqué sur celui du biomédicament et de la médecine par les preuves. Il lui faut passer avec succès l’épreuve de l’expérimentation clinique, dont la référence reste l’étude aléatoire en double aveugle. Mais de tels tests sont lourds, complexes et soulèvent des difficultés méthodologiques et pratiques lorsqu’il s’agit de valider des indications non biomédicales avec des produits et des pratiques non standardisés. En effet, les phytoremèdes sont caractérisés par la variabilité de leur composition et donc de leurs effets, à la fois du fait de leurs propriétés biologiques, mais aussi de facteurs socioculturels intervenant à chaque étape de la fabrication : une structure de marché éclatée entre une multitude d’acteurs économiques ; l’impossibilité d’assurer une exclusivité complète par un brevet ; questions éthiques, sont autant d’obstacles à l’applicabilité des procédures issues de la biomédecine. Faute d’études cliniques de bonne facture ou de protocoles de validation codifiés qui leur soient propres, les pharmacopées non biomédicales sont contraintes d’accumuler des faisceaux de preuve de nature disparate dont la « preuve scientifique » semble devenue incontournable. Les indications issues de la nosologie de la médecine chinoise, qu’elle soit institutionnalisée ou non, font ainsi l’objet de validation selon des critères pharmacologiques. Pour Siu et al. [2004] « l’analyse des effets pharmacologiques de Cordyceps si nensis confirme les observations millénaires des herboristes chinois ». Selon ce pharmacologue, le renforcement de la fonction cardiaque yang est démontré par l’augmentation de la capacité cardiaque de production d’adénosine triphosphate (substrat énergétique des cellules), cependant que le renforcement de l’immunité yin l’est par la prolifération de cellules de rate (un organe de l’immunité) stimulées en culture. Li et al. [2009] conclut également qu’il est bien à la fois stimulant du yin et du yang, mais à travers son activité à la fois immunostimulante et immunomodulatrice. Quant à Manabé [1996], il mesure l’augmentation de « l’énergie du foie » sur des critères purement cytologiques. Tous postulent que la mesure d’une activité biologique in vitro rendrait compte d’un concept émanant d’un autre paradigme, énergétique dans le cas présent. Le cordyceps illustre les divers moyens par lesquels la recherche phytothérapique tente de valider les usages des pharmacopées non biomédicales. Ceux-ci sont dans un premier temps culturellement décontextualisés afin d’être réinterprétés selon le modèle biomédical à travers des expérimentations pharmacologiques. Cette méthodologie constitue l’écrasante majorité des recherches publiées en ethnopharmacologie [Etkin, 1988]. Les sauts analogiques pratiqués à cette occasion peuvent toutefois être interrogés. C’est ce que pointent Tejedor [2010] ou Kumari [2010] en inventoriant les écueils théoriques et méthodologiques d’une telle démarche, et en dénonçant le réductionnisme biologique qu’elle sous-tend. Dans le cas de la phytothérapie chinoise, les pharmacologues s’obstineraient par exemple à mettre en évidence des propriétés cytotoxiques par des expériences d’inhibition de la prolifération in vitro de cellules cancéreuses ou de réduction de volume tumoral chez le rat, exposés à des extraits de cordyceps. Cette méthode inféode à la représentation biomédicale du cancer toute autre conception physiopathologique et contraint une pharmacopée à se conformer à ce que l’on attend d’un biomédicament, faute de disposer d’outils conceptuels et pratiques permettant d’en explorer d’autres effets sur d’autres concepts. Cela corrobore le constat de de Bruyn et Micollier [2011, p. 31] : « la médecine chinoise, qui provient de l’accumulation historique de nombreuses expériences thérapeutiques, peine encore à élaborer des processus d’expérimentation et de validation spécifiques universellement admis par la communauté scientifique ». Ce réductionnisme pharmacologique est une des étapes de la biomédicalisation des médecines traditionnelles décrite par Janes [1995] pour la médecine tibétaine : standardisation, laïcisation, matérialisation, biomédicalisation des diagnostics, des nosologies et des taxonomies.

14Quant à la phase ultime et incontournable de preuve biomédicale, il s’avère que les données de clinique humaine sont pauvres. Cette pauvreté en nombre, en méthodologie et en puissance statistique, contraste avec la pléthore de publications pharmacologiques rendant compte de composition chimique, d’effets in vitro ou chez l’animal (généralement rat et souris). Les acteurs procèdent ensuite par extrapolation de ces résultats à la clinique humaine [11] selon différentes déclinaisons d’un raisonnement analogique qualifié de pré-scientifique par Grmek [1990]. Si ces données pharmacologiques ne sont pas dépourvues d’intérêt, la pertinence de ces sauts reste aléatoire. Parmi les centaines d’articles qui décrivent des effets sur cultures cellulaires ou sur le rat qui témoigneraient d’une activité anticancéreuse, seules quelques rares publications de qualité discutable tentent de le prouver cliniquement. Holiday et Cleaver [2008] mentionnent plusieurs études « non publiées » mais aux résultats positifs. L’une d’elle montrerait la diminution de volume de néoplasies pulmonaires chez quelques patients humains, mais ceux-ci sont simultanément traités par chimiothérapie, sans groupe contrôle et sur de courts délais. Une étude clinique publiée ne révèle aucun effet sur la performance sportive [Parcell et al., 2004] mais Holiday et Cleaver [2008] supposent que c’est parce qu’il s’agit d’athlètes entraînés qui ne peuvent pas augmenter spectaculairement leurs performances, contredisant la citation préalable des exploits de l’équipe de coureuses chinoises de 1993. Cet usage de la pharmacologie permet aux acteurs de la filière, de sauter de l’éprouvette à la clinique humaine, ce qui les amène à traduire nombre d’activités biologiques (anti-tumorale, anti-oxydante, stimulante de la production d’androgènes, anti-diabétique, anti-virale, régulatrice de l’apoptose et de l’inflammation, régulatrice des sécrétions broncho-alvéolaires, inhibitrices de la prolifération mésangiale, protecteur hépatique, immunomodulatrice, activatrice de cellules immunitaires, inhibitrice de Tumor Necrosis Factor, etc.) en myriades de déclinaisons thérapeutiques supposées en découler. Des indications nouvelles suscitent des démarches de validation pharmacologique déductives. Inversement, des données pharmacologiques (listes de molécules, effets observés in vitro) suggèrent de façon inductive de possibles applications thérapeutiques. La validité de tels raisonnements, non confirmés par des données cliniques bien que largement validés en pratique par les acteurs du soin, reste hypothétique [Graz, 2007, Weniger, Bourdy, 2008]. Comme le rappelle utilement Skrabanek [1992], une accumulation de preuves de faible niveau ne forme au final qu’une preuve de faible niveau.

Diffusion

15Les entreprises pharmaceutiques fabriquant et distribuant des remèdes inspirés de la pharmacopée tibétaine (considérée comme une branche de la pharmacopée chinoise pour les informateurs travaillant dans ces entreprises) se multiplient dans la région autonome du Tibet comme dans le Qinghai. La Chine est devenue l’une des principales sources de publication de pharmacognosie au monde et une exportatrice de sa pharmacopée traditionnelle. À titre d’exemple le groupe chinois Cheezeng Tibetan Medicine Group a-t-il passé un accord avec la chaîne de grande distribution des États-Unis, Wal-mart, pour fournir ses rayons de parapharmacie [Yao, 2003]. Quant à l’entreprise nippone Mitsubishi Tanabe Corp., elle espère engranger cinq milliards de dollars annuels de droits sur le Gilenya®, dérivé synthétique de la myriocine. Si l’Asie du Sud-Est absorbe encore la majeure partie de la production, le marché occidental est en pleine expansion et ce, pendant que le cordyceps se répand sur cette autre terre promise qu’est l’Afrique, à travers l’indication sida. Selon le site d’Aloha Medicinals, 18 pays d’Afrique auraient agréé le produit Immune Assist TM et leurs habitants l’utiliseraient couramment dans cette indication. Une étude clinique aurait même été menée au Ghana en 2009 [Ghana New Agency, 2009] sur une centaine de patients qui auraient « répondu positivement ». Ce produit pourrait entrer dans la catégorie des traitements « néo-traditionnels » tels que décrit en Asie du Sud [Pordié, 2008] ou en Afrique de l’Ouest pour le sida [Desclaux, 2009, Simon, Egrot, 2012].

16Les observations multi-situées révèlent la pénétration hétérogène du cordyceps sur les différents marchés. Il est, en 2012, absent des enseignements académiques de phytothérapie en France et ne paraît pas être utilisé par les thérapeutes des MAC [Mercan, 2012]. Notons tout de même sa mention dans un ouvrage en ligne du Dr Schmidtz [p. 55] [12], et la demande en 2009 d’un éditeur spécialisé dans les MAC, qui souhaitait publier un ouvrage vantant les mérites du cordyceps. Cet éditeur avait vu mon nom comme conseillère scientifique d’un documentaire, mais a été déçu par mon approche critique et n’a pas donné suite. À l’opposé, le monde anglo-saxon et des pays comme la Pologne [Sulek, 2009] ou le Portugal [Holiday, Cleaver, 2004] en seraient beaucoup plus friands. On le retrouve effectivement dans la plupart des supermarchés des États-Unis ou dans les drugstores canadiens. La production américaine de cordyceps, les accords commerciaux sino-américains ou l’importante diaspora chinoise, première consommatrice de cordyceps [Winkler, 2008], et la tolérance des autorités nationales à l’usage de thérapeutiques non biomédicales, sont probablement autant de facteurs favorisant cette diffusion. Le foisonnement dans la production et la distribution contraste avec le vide juridique dans lequel évolue parfois le produit. En France, en 2009, on trouve le cordyceps dans les herboristeries et supermarchés chinois parisiens et il est disponible sur nombre de sites Internet commerciaux francophones. Mais un expert pharmacognosiste pour la commission plantes de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS, devenue depuis Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), et de l’Agence Française de sécurité alimentaire (AFSA) est désolé d’admettre qu’il n’en a jamais entendu parler. L’agence disposerait de faibles moyens et la pile de dossiers de produits en attente d’évaluation ne cesse de croître. Par conséquent, le cordyceps n’a aucun horizon statutaire. Ses extraits semblent le condamner à rester, au mieux dans le champ du complément alimentaire, au pire dans un vide juridique complet. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) reconnaît à certains extraits de cordyceps un statut de complément alimentaire, mais pas de médicament, ce qui conduit des sites commerciaux à formuler des allégations tout en précisant parfois qu’elles « […] n’ont pas été évaluées par la Food & Drug Administration. Ce produit n’est pas homologué pour diagnostiquer, traiter ou guérir quelque affection que ce soit » [13]. C’est une illustration d’une particularité du marché des phytoremèdes : bien qu’ils soient utilisés comme médicaments de présentation [14], de nombreux produits n’ont pas de statut ou possèdent un statut de complément alimentaire. Les récentes évolutions de la législation encouragent les acteurs économiques à conserver leurs produits dans le champ juridique du complément alimentaire, lieu d’une nouvelle bataille pour le dépôt d’allégations autorisées dont la liste est en cours de constitution pour l’Europe. Quant à Internet, la plupart des sites commerciaux ne respectent pas le HONCode [15] et leur visite régulière révèle leur extrême labilité et l’opacité de la chaîne commerciale sous-jacente. Ils peuvent alors compromettre l’application des législations nationales.

17De manière plus générale, on observe qu’à la « traditionalisation » du cordyceps s’associe une médiatisation tout à fait récente en Occident sur le web comme dans les médias plus classiques. Winkler [2012] décrit une explosion des sujets consacrés au cordyceps dans la presse et les médias grand public américains en 2011. En France, on peut citer l’exemple de L’Or brun du Tibet, documentaire réalisé par Jeanne Mascolo est diffusé sur la chaîne Arte en mai 2010, et sur TV5 en 2012. La revue de l’association du même nom, La Garance Voyageuse publie en décembre 2010 un article intitulé « Une ressource médicale himalayenne extraordinaire » [van Panhuys-Sigler, 2010]. Paris-Match lui consacre dix pages : évoquant « un espoir médical […] contre l’impuissance mais aussi contre la tuberculose et le cancer » [Ody, 2009, p. 76], illustrées d’esthétiques photos d’Éric Valli, photographe qui a bâti sa carrière dans les régions himalayennes. Le même Éric Valli réalise un film sorti en 2012, « Yarsagumbu, l’or de l’Himalaya » [2011]. Enfin, l’émission Envoyé spécial diffuse un sujet intitulé « Le Viagra de l’Himalaya » sur France 2 en octobre 2010. Ces reportages et films, destinés à un public profane, sont essentiellement focalisés sur la dimension esthétique de la première étape himalayenne de la route du cordyceps, ou, aux États-Unis, sur les faits divers tragiques associés à la cueillette. Aucun ne s’interroge sur la pertinence des arguments déployés pour justifier de la réputation de panacée du cordyceps, quand ils ne les entérinent pas : « Les études scientifiques se sont multipliées, portant Cordyceps sinensis à la pointe de la recherche » [Ody, 2009, p. 77]. Ce faisant, ils contribuent à diffuser une mythologie cordyceps en cours de construction, nourrie de nature bienfaisante, de tradition fiable et d’une science apte à valider les propriétés des médecines traditionnelles.

Conclusion

18Le cordyceps, à travers la richesse des routes que la globalisation lui fait prendre et les conséquences sociales, environnementales et sanitaires de ses usages, est un objet infiniment riche pour une anthropologie biographique du phyto remède et des pharmacopées non biomédicales. À la source d’une économie fragile qui finit par mettre en péril la ressource elle-même et le développement qui lui est associé, il diffuse sur plusieurs continents en cristallisant les attentes d’une panacée : issu de la nature, il est supposé bienfaisant (efficace et non toxique) ; issu de la culture, il conserverait les propriétés de la ressource naturelle tout en devenant un produit standardisable aux effets reproductibles. La science viendrait ultimement valider des indications issues de traditions supposées ancestrales et fiables qui en affirment la puissance. Elle se pose ainsi en garante et participe de la biomédicalisation des pharmacopées des médecines traditionnelles et des MAC, les entrainant dans une étreinte, que van der Geest décrit comme fatale [1985]. Mais, en l’absence de production de données cliniques déterminantes et dans l’attente de procédés de validation adaptés à la complexité de leur objet, la science ne fait que participer d’un discours « intégratif » qui reste disparate, à travers une accumulation de données chimiques ou pharmacologiques et une succession de raisonnements analogiques, non étayées par des données de clinique humaine fiables, mais se voulant confirmer une tradition largement réinterprétée. À chaque étape, la diversification des formes, des indications et des modes de légitimation des usages des produits révèle les attentes des sociétés/cultures que le cordyceps traverse comme « opérateur symbolique » [Benoist, 1999]. Si ces aspects symboliques sont explorés à travers les discours recueillis, en particulier à partir de la source incontournable qu’est devenue Internet, il reste encore à explorer et confronter la réalité et la diversité des pratiques thérapeutiques usant de cordyceps pour en affirmer le caractère de panacée moderne. Cordyceps sinensis et de nombreuses plantes médicinales nourrissent toutefois la quête sans cesse renouvelée du remède absolu, dont les Capsules Shangri-La [16], composées de rhodiole tibétaine et de cordyceps, incarnent l’avatar moderne, médiatisé et globalisé.

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Mots-clés éditeurs : cordyceps, néotraditionnel, médecines traditionnelles, phytoremède, globalisation

Mise en ligne 28/05/2013

https://doi.org/10.3917/autr.063.0089

Notes

  • [*]
    Mercan Aline, GReCSS (Groupe de Recherche Culture Santé Société), Centre Norbert Elias, Université Aix-Marseille III.
  • [1]
    Telle l’intervention, le 12 avril 2008, d’un médecin aromathérapeute, consultant pour une entreprise d’aromathérapie, au symposium international d’aromathérapie de Grasse « Expérience clinique de l’huile essentielle de Saro en tant que médecin généraliste », qui invite le professionnel de santé à recourir à Google et à l’information délivrée par les premiers sites apparaissant dans les résultats de recherche, qui, de fait, sont en général des sites commerciaux ayant fait l’objet d’une optimisation de leur référencement.
  • [2]
    On sait toutefois que les moteurs de recherche proposent des résultats différents aux internautes localisés dans des régions différentes du monde. Par ailleurs, certains moteurs personnalisent aussi les résultats en modifiant le haut du classement à partir de données tirées de l’historique des navigateurs. Dans l’idéal, il faudrait alors mener des interrogations non seulement depuis les mêmes lieux géographiques que les personnes intéressées, mais aussi depuis les mêmes ordinateurs [Massou, Simon, Simonnot, 2011].
  • [3]
    Le Kham est une ancienne province de l’est du Tibet.
  • [4]
    Ce biologiste et mycologue est un spécialiste du cordyceps basé aux USA. Il est aussi organisateur de « Cordyceps tour », des circuits touristiques centrés sur le champignon au Tibe : http://mushroaming.com/Cordyceps_Tour (page consultée en juillet 2012).
  • [5]
    Par exemple, respectivement Brevet no 6558943 déposé le 5 septembre 2000 par Pei-Jung Li et al., référence internationale C12N/118 ; A01N/6304 ; A61K/3156 pour Sun Ten Pharmaceuticals Co., et brevet no US8008060 déposé par Cleaver P, Holiday J. et al. – du 30 août 2011 pour Aloha Medicinals Inc.
  • [6]
    D’après son site, cette entreprise spécialisée dans la production de champignons médicinaux, produirait 50 % du cordyceps cultivé commercialisé dans le monde, mais compte tenu de la difficulté à obtenir des données fiables sur le marché des « plantes médicinales » [Dodinet, 2005], cette assertion est invérifiable.
  • [7]
    Mais il s’agit ici de reproductibilité de procédés de fabrication, puis éventuellement de dosages de traceurs et de principes actifs sur des lots de produit, supposés en assurer la constance de composition. Outre que la notion de principe actif et de traceur pour nombre de plantes est sujette à polémiques pharmacologiques, leur stabilité dans le temps ou la fiabilité des dosages annoncés sont régulièrement débattues. La reproductibilité de composition peut donc déjà prêter à discussion pour ces produits biologiques complexes, la question du manque de données cliniques vient encore interroger la reproductibilité des effets [Mercan, 2012].
  • [8]
    Dont Healing Mushrooms [2007] qui affiche sur la première page : « Compliments of Aloha Medicinals Inc. Of the USA and Pure and Clean of Switzerland SA ».
  • [9]
    Ancienne province située au nord-est du Tibet.
  • [10]
    http://en.tcm-china.info/materia/single/index.shtml (page consultée en janvier 2012).
  • [11]
    De manière souvent caricaturale comme sur ce site internet : « Des études en 2004 ont démontré que la prise de cordyceps augmentait significativement le taux de testostérone aussi bien chez des souris matures que chez des souris immatures. Cela démontre donc la propriété de stimulant sexuel chez le mâle et de tonifiant musculaire », http://soignez-vous.com/2006/02/01/le-cordyceps-un-champignon-unique-enson-genre/ (page consultée en février 2012).
  • [12]
    « Les secrets de santé et de bien-être, e-book de santé naturelle du Dr Schmidtz » (122 p.), téléchargé sur le site www.anti-age-prevention.com en février 2009. Ce site a depuis disparu.
  • [13]
    Traduction de l’auteur : Avertissement au lecteur de la rubrique « Organic Cordyceps Extract » du site commercial américain InvicibleHerbs : http://www.invicibleherbs.com/p2-Cordyceps-Cs-4.html (page consultée le 10 avril 2013).
  • [14]
    « La réglementation applicable en la matière prévoit une double définition du médicament : Un produit sera qualifié de médicament s’il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales. Il s’agira donc d’un médicament du seul fait de sa présentation, alors même que le produit n’aurait pas effectivement les propriétés qu’il annonce. » Code de la santé Publique.
  • [15]
    Le HONCode est un code de conduite proposé par l’ONG Health on the Net Foundation, qui « demande que les administrateurs de sites [Internet médicaux] indiquent clairement l’origine des informations fournies (auteur, références scientifiques reconnues etc.), leur politique de confidentialité et de protection des données personnelles de leurs visiteurs ; qu’ils mentionnent l’origine (société commerciale, organisations, institutions) du financement du site et le rapport entre la publicité et le contenu éditorial du site » : http://www.hon.ch/HONcode/index_f.html (page consultée en mars 2012).
  • [16]
    Shangri-La, imaginé par James Hilton dans l’ouvrage Lost Horizon en 1933, est un royaume situé quelque part au Tibet dont les habitants vivent dans la sagesse et l’immortalité.
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