Autrepart 2010/4 n° 56

Couverture de AUTR_056

Article de revue

Les cultes de la kola dans l'Afrique coloniale : trajectoires et appropriations d'un phénomène religieux

Pages 193 à 211

Notes

  • [*]
    Ater INALCO/chercheur associé au SEDET-Paris 7.
  • [1]
    Monseigneur Jean-Marie Cessou relatait sa propre expérience dans les villages de Kowie et Djéméki, situés à une trentaine de kilomètres de Lomé (Togo français), au Togo français. Cessou publia également le témoignage. Celui de Monseigneur Hermann qui dès 1926 avait commenté la progression de Kunde, « encore appelé Atiké ou Goro », dans la colonie voisine du Togo britannique. Il dénonçait les agissements du « Goro » dans les deux cercles de Kpandu et de Ho (Togo anglais). Ces deux monographies étaient complétées par une « Brève étude sur le Goro » écrite par le père Folikwe-Kpodar, qui décrivait la situation dans la région de Kpalimé (Togo français) en 1934.
  • [2]
    Seul l’historien Benjamin Lawrance [2007] a évoqué la publication de Mgr Cessou dans une analyse consacrée au thème de la résistance dans les cultes vodu. Son objectif était de démontrer la capacité de transformation du vodu dans le contexte colonial d’une chefferie remodelée.
  • [3]
    Des cultes réputés efficaces pouvaient depuis longtemps se vendre et se propager à grande vitesse depuis longtemps. Honorat Aguessy a démontré quelles étaient les similitudes religieuses entre les peuples aja-éwé et yoruba dans la zone Togo-Bénin-Nigeria, en étudiant successivement les noms désignant les attitudes, les personnages et les objets religieux, la prédiction des évènements par le système de divination Fa, et enfin la conception du changement dans chacune de ces zones culturelles [Aguessy, 1984, p. 236].
  • [4]
    Localité située près de la frontière de la Gold Coast, au confluent de la Volta et de l’Oti.
  • [5]
    Les territoires furent définitivement partagés en 1919 avec l’accord Simon-Milner.
  • [6]
    Les recensements de Gold Coast dénombraient 50000 émigrants en 1921 (dont 12000 en provenance d’Afrique française) et 300000 en 1931 (dont 200000 en provenance d’Afrique française) : cf. Allan Wolsey Cardinall, The Gold Coast, 1931, Government Printer, Accra, 1932, 265 p.
  • [7]
    L’on compte parmi les stations de la mission de Brême : Peki (Gold Coast), Waya, Wegbe, Ho, Amedjope, Akpafu, Wora, Kpalime, Agou (Togo anglais), Mission-Tové et Lomé (Togo français.) La mission catholique occupait plus précisément le sud-Est et le centre du territoire togolais.
  • [8]
    Voir les numéros de juin 1933 (p. 373), décembre 1933 (p. 692), février 1935 (p. 92) et avril 1935.
  • [9]
    Le père Koch, missionnaire à Half-Assinie (Gold Coast), décrit en 1931 l’itinéraire de Anna Ackab, membre de l’Église wesleyenne et dont le rituel de guérison connut un grand succès : Koch A., 1931 « Côte d’Or : pauvre Église ! Pauvres gens », Écho des Missions Africaines de Lyon, n5, mai, p. 113-114.
  • [10]
    ANS, Fonds moderne AOF, 17G92, Activités fétichistes, Gouverneur général au Lieutenant-Gouverneur du Dahomey, Porto-Novo, 18 février 1937.
  • [11]
    Un témoignage est rédigé par Blaise Kuassi, journaliste dahoméen particulièrement surveillé par les autorités coloniales dans les années 1930.
  • [12]
    Dans toute l’Afrique occidentale française, les années 1930 sont marquées par des dénonciations nombreuses portées contre les chefs, accusés de vouloir restaurer à leur profit des cérémonies religieuses interdites par les Français (rites d’intronisation, sacrifices humains, anthropophagie, enlèvements de jeunes recrues...). En Côte d’Ivoire, le tribunal de Tabou prononça en 1936 plusieurs condamnations à mort pour assassinat et anthropophagie.
  • [13]
    D’où le nom de Kpevodu que l’on retrouve parfois.
  • [14]
    ANS, 17G92, Gouvernement général de l’Afrique occidentale française, Note secrète, 10 mars 1937.
  • [15]
    ANS, 17G92, Gouverneur général au Lieutenant-Gouverneur du Dahomey, Porto-Novo, 18 février 1937.
  • [16]
    ANS, 17G92, Lieutenant-Gouverneur du Dahomey au Gouverneur général, 23 juin 1937.
  • [17]
    Alafia signifie bonheur en Gurma.
  • [18]
    ANS, 17G92, Activités fétichistes, Lieutenant-Gouverneur du Dahomey au Gouverneur général, 6 août 1937.
  • [19]
    Ils étaient imprimés en français : « Tu ne tueras pas. Tu ne voleras pas. Tu ne rechercheras pas la femme d’autrui. Tu ne mentiras pas. Tu feras selon les lois de ton gouvernement. Tu n’adoreras pas les idoles de la chair humaine et de l’huile de palme. Tu ne feras pas de gris-gris ».
  • [20]
    Cette remarque peut être nuancée dans la mesure où la culture vodu comporte également depuis longtemps des dieux extra lignagers et déterritorialisés : Sakpata, Hebiosso ou le Fa n’appartiennent pas à un lignage ou un territoire et s’étendent également en territoire yoruba.

1 Monseigneur Jean-Marie Cessou, vicaire apostolique du Togo français, publia en 1936 une étude consacrée à « une religion nouvelle en Afrique Occidentale : le “Goro” ou “Kunde” ». Paru dans la revue Études missionnaires, cet article s’appuyait sur l’expérience de plusieurs ecclésiastiques qui décrivaient la propagation sur le littoral du Golfe de Guinée d’un culte en provenance du nord de la Gold Coast  [1]. Ce phénomène inquiétait particulièrement les autorités religieuses car il paraissait séduire aussi bien les adeptes des religions locales que les récents convertis au christianisme. Le rituel était décrit comme un mélange original de diverses influences, aussi bien locales que chrétiennes, mais dans lequel l’usage thérapeutique de la noix de kola apparaissait comme déterminant. L’administration coloniale s’inquiéta elle aussi de la propagation du culte dont elle surveilla les adeptes togolais et dahoméens.

2 Cette angoisse des autorités coloniales vis-à-vis de ce qu’ils considéraient comme un nouveau culte traduit d’abord l’extraordinaire fourmillement des religions africaines et, dans le contexte togo-dahoméen, du système religieux vodu. Contrairement à ce que pourrait laisser penser la lecture de ces sources occidentales, la capacité d’emprunter et d’innover en matière religieuse n’était absolument pas un phénomène nouveau en Afrique. Derrière les dénominations génériques utilisées par les colonisateurs (« Goro » ou « Kunde ») se cachent en réalité plusieurs divinités dont les mouvements (géographique et symbolique) se révèlent difficiles à appréhender tant leurs rituels semblent s’être constitués par agrégation d’influences diverses, évoluant différemment selon les communautés qui les diffusaient et les adoptaient. Judy Rosenthal [1998] qui a étudié la transe et les cultes de possession en territoire Ewe emploie la métaphore du caméléon pour illustrer la capacité des cultes vodu à incorporer des rites ou des divinités étrangères, traverser les frontières réelles et métaphoriques et se recomposer au gré des situations. Elle explique comment des cultes venus du Nord se sont intégrés dans le panthéon vodu du sud-Togo pour devenir Gorovodu, des « vodus de la kola ». L’ethnologue Albert de Surgy a décrit comment ces gorovodu furent intégrés à une catégorie particulière de vodu, les Atike-vodu (« vodus médicaments ») [De Surgy, 1988 et 1994]. Cette capacité d’incorporation a permis à l’anthropologue Alessandra Brivio d’affirmer que « dans les années 1930, le gorovodou fut accueilli comme une vraie nouveauté alors qu’il ne s’agissait pas d’une vraie rupture avec le passé : il s’insérait dans un milieu culturel déjà prêt à en assimiler le langage » [Brivio, 2008, p. 237].

3 Ces quelques analyses consacrées aux cultes de la kola ont commenté leur aspect symbolique mais ne se sont pas réellement intéressées à leur trajectoire historique et spatiale dans le contexte colonial, de la Gold Coast jusqu’au Dahomey  [2]. Pourtant, la nature et l’intensité des réseaux humains et matériels, les nouvelles frontières mises en place, l’action évangélisatrice de certaines sociétés missionnaires, la désorganisation sociale et les rivalités politiques nées avec la colonisation ont sans aucun doute eu une influence déterminante dans le parcours de ces cultes et la constitution de leurs rites. Il s’agit de comprendre comment et pourquoi ce phénomène religieux s’est transformé au fur et à mesure des territoires traversés. Mais il s’agit aussi de porter un regard critique sur la description laissée par les missionnaires qui ignorèrent cette vitalité et semblèrent ne voir dans cette religion qu’un culte dégénérescent.

L’Afrique de l’Ouest en 1930.

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L’Afrique de l’Ouest en 1930.

De la Gold Coast au Togo : contacts et migrations

4 Le sud de la Gold Coast fut la terre de brassage et d’intégration de cultes de la kola venus du nord. Contrairement aux divinités familiales ou claniques se transmettant héréditairement, quiconque pouvait par achat se procurer une réplique de ces objets rituellement fabriqués, consacrés, puis entretenus selon des règles précises. Ceci explique qu’il soit particulièrement difficile de saisir le parcours exact de ces divinités propageables puisqu’il existe plusieurs directions envisageables et autant d’adaptations locales. Ce mode de diffusion par cession avait permis la constitution de références religieuses communes dans les régions littorales du golfe de Guinée [3]. La période coloniale vit ce phénomène d’emprunt religieux s’intensifier, par la mise en contact de populations étrangères qui étaient désormais confrontées à de nouveaux enjeux et de nouvelles interrogations.

5 La Gold Coast avait une tradition d’accueil ancienne, bien antérieure à l’ère coloniale. Jean Rouch évoquait « une sorte de vocation historique » de la région qui suscitait « un appel continuel des populations extérieures vers l’Ashanti et la Côte » [Rouch, 1956, p. 13]. Avec la conquête britannique, les mouvements de population et les échanges s’intensifièrent à partir de la fin du XIXe siècle. Paul Lovejoy a montré comment la région d’Akim, située dans l’est de la région ashanti, devint alors un centre important d’exploitation de kolatiers [Lovejoy, 1980, p. 125-126]. Cette extension se fit sous l’impulsion des commerçants hausas qui parvinrent à étendre leurs réseaux commerciaux et ouvrir de nouvelles routes après la défaite ashanti. À partir de 1910, les migrations venues du nord s’accrurent encore avec la production de cacao, l’exploitation forestière et minière et la mise en place de grands chantiers de travaux publics destinés à doter la colonie d’infrastructures. Les Hausas et les Gurmas fournirent des contingents de travailleurs importants.

6 Ces mouvements de population eurent pour corolaire une circulation importante des objets et des pratiques religieuses. La région d’Akim, devenue le cœur de l’économie cacaoyère, fut une plaque tournante extrêmement importante. L’anthropologue Margaret Field s’est intéressée aux conditions d’apparition de nombreux nouveaux cultes dans la région [Field, 1940 et 1948]. Elle a montré comment ceux-ci répondaient à de nouveaux besoins dus aux changements suscités par l’industrialisation coloniale, en particulier les mines et l’industrie cacaoyère. Cette nouvelle économie avait en effet déplacé des groupes de population, affecté les relations sociales et propagé certaines pathologies, notamment les maladies vénériennes. Ce sont souvent aux sorcières qu’on attribua la responsabilité des souffrances endurées et, dans ce nouveau contexte, aucun des anciens dieux, Akan ou chrétien, ne satisfaisait les besoins de sécurité. Les nouveaux cultes décrits par Margaret Field assumèrent ce rôle protecteur et, de simples cultes de guérison privés, ils se répandirent au-delà des limites familiales. Des villages entiers importèrent de nouveaux « remèdes » venus des territoires du Nord pour lutter contre la sorcellerie. John Parker a quant à lui étudié l’émergence de deux cultes anti-sorcellerie originaires du nord de la Gold Coast dans la région forestière ashanti entre 1889 et 1910 : Sakrabundi et Aberewa. Il indique que ces deux cultes furent suivis par d’autres à partir des années 1920 parmi lesquels Kunde, Senya-kupo, Nana Tongo et Tingare. Parker a montré comment ces vagues de mouvements religieux étaient en partie basées sur des pratiques rituelles anciennes en provenance de la savane. Les cultes en provenance du Nord furent alors interprétés par les Akan comme plus efficaces car les peuples de ces régions semblaient exempts des ravages attribués à la sorcellerie. La colonisation favorisa le développement des échanges de ces ressources religieuses mais elle créa aussi les conditions par lesquelles cette demande s’accrut [Parker, 2004, p. 419-420].

7 Kunde fait partie de ces nouveaux cultes qui arrivèrent dans la région forestière d’Akim. Son passage est attesté par un document administratif daté de 1916, publié par Judy Rosenthal [1998, p. 82]. Dans cette lettre adressée au Commissaire du territoire Ashanti, le Secrétaire des Affaires indigènes de la Gold Coast signale que le chef de la région d’Akim s’est plaint de l’arrivée d’un « fétiche » appelé « Kune ». Le Secrétaire Général demandait au Commissaire d’être particulièrement attentif à cette information puisque le culte était suspecté d’être identique dans ses pratiques à celui d’« Aberewa », le culte décrit par John Parker qui avait troublé la région quelques années auparavant [Parker, 2004].

8 D’autres cultes rendus à Kunde furent également signalés dans la colonie voisine du Togo. Albert de Surgy a décrit l’attrait des populations togolaises pour des « Atikè-Vodu » (Vodu médicaments) venus du Nord et passés par la Gold Coast :

9

« Au cours des décades écoulées, on est allé s’en procurer non seulement chez les féticheurs de l’actuelle République populaire du Bénin (ex-Dahomey), mais encore au Ghana, y compris surtout auprès des populations ayant émigré dans les zones forestières ou industrielles ou dans les villes commerçantes du Ghana, et jusque dans les pays d’origine de celles-ci. Une faveur toute particulière a été réservée à ceux suspectés de quelques liaisons avec l’islam car ils paraissaient plus efficaces pour lutter contre les abus de la magie locale.
Comme les Atikè-vodu originaires du nord ont la réputation d’apprécier les offrandes de noix de kola, on les regroupe sous l’appellation de goro-vodu ou « vodu à cola »
[De Surgy, 1988, p. 186].

10 Les relations entre Gold Coast et Togo étaient anciennes et intenses [Gayibor, 1997, p. 168]. Le Togo ravitaillait la Gold Coast en petit bétail (poulets, chèvres, moutons...) et en vivres frais (ignames, maïs, gari...). Les mouvements de population étaient importants, que ce soit en raison de la fuite fiscale ou des besoins de main-d’œuvre de l’économie cacaoyère. Les migrations volontaires concernaient, à l’origine, les populations côtières, souvent passées par les écoles missionnaires, qui partaient chercher du travail dans les villes de Gold Coast. Plus on s’éloigne de la côte et plus l’émigration était dirigée vers le salariat agricole et l’économie cacaoyère de Gold Coast. Un grand nombre de Togolais s’y rendait chaque année pour le travail du cacao : entretien et nettoyage des fermes, débroussaillement de plantations nouvelles, cueillette et transport de la récolte aux stations d’achat. Certains Togolais y acquirent des terres qu’ils cultivaient eux-mêmes à l’aide d’une main-d’œuvre familiale ou autre venue du Togo. Entre les communautés et les familles demeurées au pays, les relations continuaient d’être suivies.

11 Les missionnaires qui dénoncèrent l’arrivée du « Goro » localisent tous la zone d’infiltration au Togo près de la frontière de Gold Coast, dans la zone sud-Ouest du territoire. La première tentative de pénétration remonterait à 1912-1913 dans la région de Kpandu (district de Kété-Kratchi). Mgr Hermann indique que son propagateur fut expulsé par les Allemands, soucieux de contrôler au mieux les mouvements de population, et s’installa juste de l’autre côté de la frontière, à Dukuma [4]. Mgr Cessou désigne un certain Kodjo Kuma comme l’initiateur du culte ; il met l’échec de cette première tentative sur le compte de l’action du gouvernement allemand « [...] vigilant par nature et en méfiance contre tout ce qui venait de Gold Coast [...] et « qui refoulait les Noirs anglais susceptibles de contaminer le « bon esprit » des Togolais » [Cessou, 1936, p. 5]. Les témoignages oraux recueillis par Albert de Surgy confirment que le culte en question était rendu à Kunde et que son chef et propagateur s’appelait Kodjo Kuma [1994, p. 382].

12 La première guerre mondiale et la fin de la domination allemande permirent la diffusion du culte. Avec un Togo scindé en deux zones britannique et française, les échanges furent facilités  [5]. Le Togo continua de dépendre largement de l’extérieur et le problème de frontière avec la zone britannique fut un souci récurrent des autorités françaises  [6]. Parmi les facteurs qui peuvent expliquer le succès général des cultes de guérison après-guerre, nous pouvons ajouter que leur développement correspond au moment où l’épidémie de grippe espagnole fit des ravages en Afrique (1919-1921) [Lawrance, 2007, p. 100].

13 C’est dans ce contexte que Kodjo Kuma, établi en Gold Coast dans son centre de Dukuma, aurait alors désigné « quelques individus pour être ses lieutenants » et propager le culte vers le Togo. C’est là que les missionnaires décrivirent un nouveau rite complexe, mélangeant plusieurs influences.

Le rite rendu à Kunde : mélanges et intégrations

14 L’on retrouve dans le rituel décrit par les missionnaires de nombreux éléments culturels spécifiques aux cultes du Golfe de Guinée.

15 Les adeptes de Kunde se réunissaient régulièrement autour d’un autel pour adresser des offrandes (souvent des noix de kola) et des sacrifices (chiens et volailles notamment). La fonction propitiatoire du sacrifice adressé à la divinité correspondait aux usages religieux locaux. Le père Folikwe-Kpodar, en poste à Kpalimé en 1934, affirme que la prière adressée à la divinité « est toujours païenne, c’est-à-dire qu’elle tourne continuellement autour des liens d’ici bas, tels que la prospérité matérielle, la fécondité des ménages, des champs, des animaux, la faim, l’absence de toute souffrance ; et qu’elle implore une sanction corporelle et même la mort contre les ennemis » [Folikwe-Kpodar, 1936, p. 27]. Une nouveauté était que souvent, ces sacrifices ne se faisaient plus en nature et que l’équivalent de la valeur de la bête à sacrifier était versé en numéraire. Monseigneur Hermann indique que le versement d’une somme de trois shillings se substituait au sacrifice d’un chien [Hermann, 1926, p. 25].

16 Le culte intégrait certains aspects des rites de divination en usage dans la région, dont certains utilisaient déjà la noix de kola dans leur système d’interprétation du destin, notamment l’oracle Fa, encore appelé Afa [De Surgy, 1996 ; Hounwanou, 1984 ; Maupoil, 1943]. Pour déterminer l’origine d’un désordre, Hermann indique que des émissaires étaient envoyés à Dukuma, « chef-lieu du culte » où, « au milieu d’amandes de palme employées par la secte Afa, pour découvrir les choses cachées, on observe les mouvements des poulets étranglés pour découvrir les causes d’un décès, la culpabilité d’un voleur, etc. » [Hermann, 1926, p. 25]. De Surgy indique que, malgré leurs origines diverses et étrangères, les vodu-médicaments ont été intégrés au système religieux local parce qu’ils étaient « placés sous le contrôle d’Afa » [De Surgy, 1994, p. 371]. L’on interrogeait l’oracle pour demander si la guérison d’un malade était en vue. Deux moitiés de noix tombées sur deux faces différentes révélaient une réponse favorable. Les deux faces plates en l’air signifiaient un refus de répondre. Les deux faces plates au sol signifiaient que le malade n’avait pas tout dit et devait avouer.

17 Kunde était en effet réputé pour avoir de grandes vertus curatives. Selon Cessou, les Hausas utilisaient déjà la kola pour ses qualités aphrodisiaques et, parmi les maladies que les adeptes du Goro venaient soigner, il y avait souvent l’impuissance et la stérilité. Les adeptes refusaient d’utiliser des médicaments, qu’ils soient d’origine européenne ou locale, et les officiants du culte organisaient eux-mêmes des séances de guérison « qui ont fait sensation, ont été exploitées et montées en épingles » [Cessou, 1936, p. 18]. Le seul traitement autorisé était de la noix de kola mâchée que le prêtre de Kunde crachait sur le patient. Les missionnaires dénoncèrent cet aspect du culte qui, disaient-ils, avait coûté la vie à de nombreux adeptes et constituait une source de revenu importante pour ses responsables. Les adeptes du Goro ne pouvaient fréquenter ni hôpitaux ni dispensaires, cela leur était interdit par leurs chefs :

18

« Au cours de mes tournées, j’ai pu le constater. Dans les villages où le Goro est maître, les dispensaires ne sont guère fréquentés. À mon dernier passage à Mission-Towé l’infirmier se plaignit que les membres de la société Goro ne veulent pas venir se faire soigner »
[Cessou, 1936, p. 18].

19 Les cérémonies s’accompagnaient de transes de possession particulièrement spectaculaires. Une personne possédée par la divinité était prise de tremblement, tombait par terre et s’agitait pendant que l’officiant du culte tentait de mettre fin à la crise. Le plus souvent, cette crise avait valeur d’avertissement mais la possession pouvait aussi correspondre à la volonté de Kunde de faire passer un message. L’on interrogeait alors l’oracle Afa pour qu’il définisse la marche à suivre.

20 Ces cérémonies étaient accompagnées de danses et de chants. L’utilisation des tambours hausas lors des cérémonies vient confirmer l’origine nordique du culte. Les chants décrits par les missionnaires du Togo comportaient des paroles en hausa mais aussi ashanti et ewe. Les principaux responsables du culte portaient des titres d’origine akan (Sofo ou Osofo désigne le fondateur de sanctuaire), ce qui ajoutait au prestige hausa une origine ashanti.

21 Outre ces éléments d’origine locale et communs à beaucoup d’autres cultes du Golfe de Guinée, les missionnaires qui décrivirent le phénomène Kunde au Togo insistent beaucoup sur la présence d’influences chrétiennes, y compris dans les chants qui reprenaient des cantiques catholiques et protestants. Ce sont sans aucun doute ces influences qui expliquent l’attention particulière qui fut accordée au « Goro ».

22 Monseigneur Hermann désigne Kunde comme « le culte d’un “tron” ou fétiche nouvellement inventé, qui prétend être un paganisme spiritualisé, aussi bon que la religion chrétienne » :

23

« Kundé est un esprit spécial envoyé par Dieu. Cet esprit aide les gens qui viennent à lui mais il n’aide personne d’autre comme sauveur, les organisateurs de la nouvelle religion mettent Kundé à la place de Jésus-christ. Il n’y a en revanche pas un mot du pardon des pêchés, ni de la justification, ni des conditions du salut éternel » [Hermann, 1926, p. 24].

24 Le père Folikwe-Kpodar affirme que le culte « a emprunté au christianisme le décalogue et autres pratiques religieuses, telles que l’observation du dimanche et la confession des pêchés » [Folikwe-Kpodar, 1936, p. 27]. Certaines prescriptions décrites par les missionnaires rappellent de façon troublante les commandements chrétiens : « Ne pas tuer, ne pas commettre l’adultère, ne pas voler, être bon envers tout le monde, aller à la réunion du dimanche » [Hermann, 1926, p. 24]. Le culte commençait tous les samedis soirs, on dansait et chantait toute la nuit jusqu’au dimanche où deux cérémonies se tenaient en même temps que les messes chrétiennes :

25

« Le dimanche matin, vers l’heure ou les chrétiens (catholiques et protestants) sonnent les cloches pour appeler leurs fidèles à l’église, le tambour “goro” bat à nouveau pour appeler les adeptes au culte. [...] L’après-midi, vers 14 heures, c’est-à-dire à l’heure où les cloches appellent de nouveau les chrétiens aux offices, le tambour Goro retentit lui aussi, appelant ses adeptes. Ceux-ci se rassemblent à nouveau devant la niche et dansent jusque vers 19 heures »
[Cessou, 1936, p. 34].

26 Les missionnaires attribuaient ces influences à des chrétiens « apostats et polygames », des « chrétiens tombés » [ibid., p. 10]. Monseigneur Hermann indique que « parmi ces lieutenants du prêtre Kundé, il y a de mauvais chrétiens entretenant plusieurs femmes » [Hermann, 1926, p. 26]. Une probable raison du succès du culte Kunde au Togo après la période allemande fut la conséquence de l’évacuation pendant la guerre des membres des missions allemandes. Celles-ci laissèrent sur place les communautés protestantes qui s’étaient constituées. Le champ d’évangélisation de la mission de Brême était principalement localisé au Sud-Ouest, dans la région Ewé  [7]. Si les missionnaires luthériens de la Mission de Brême furent au début de la guerre autorisés à rester au Togo, ils furent expulsés des territoires sous contrôle français et britannique fin 1917. Or, c’est dans cette région que le culte se diffusa avec le plus de rapidité. D’après Jean-Marie Cessou, les missionnaires allemands se plaignaient de la concurrence d’Églises chrétiennes africaines et des adeptes du Goro dans leur revue, Monats Blatt der Norddeutschen Missions Gesellshaft. Le Journal des Missions évangéliques de Paris exprimait le même regret  [8]. Mais les protestants n’étaient pas les seuls touchés et les communautés catholiques participaient au mouvement en achetant et en installant le culte de la kola dans leurs villages.

27 Selon Jean-Marie Cessou, le Goro serait un christianisme dégradé, forgé par des apostats :

28

« C’est un fait que le Goro est un produit de cervelles chrétiennes : un simple examen de son contenu et de ses rites suffit à le prouver. Parmi ses fondateurs et ses propagateurs, il y eut et il y a des catholiques et des protestants. [...] c’est grâce à eux, et par eux, que le “Goro” a pris naissance, qu’il a pénétré la masse païenne et s’est imposé à elle. »
[Cessou, 1936, p. 10-12].

29 La prière adressée lors du culte hebdomadaire aurait une fonction curative et Monseigneur Cessou attribue le refus des adeptes de Kunde de se faire soigner et d’absorber des médicaments à l’influence originelle d’une secte chrétienne nord-américaine, la Christian Science. Née aux États Unis à la fin du XIXe siècle sous l’impulsion de Mary Baker Eddy, l’idée centrale de la Christian Science, développée dans l’ouvrage Science and Health, with key to the scriptures, était que la maladie et les autres malheurs humains étaient un effet du pêché, une punition du manque de foi. En conséquence, ils ne se guérissaient pas par des traitements ou des remèdes, mais par la foi et la prière. Cessou appuie son hypothèse sur le fait qu’il avait trouvé en 1922 à Lomé, « aux mains d’un petit groupe de lettrés chrétiens », des exemplaires d’une revue : la « Faith Tabernacle », qu’il désigne comme l’organe de diffusion de la Christian Science. Le vicaire commet là une erreur puisque cette revue était en réalité le journal de la Faith Tabernacle Ministry, mouvement américain d’inspiration pentecôtiste créé par le pasteur américain A. Clark et qui mettait lui aussi l’accent sur la guérison par la prière. Sandra Fancello qui s’est intéressée à la diffusion de la Faith Tabernacle Ministry nous apprend que Peter Anim, un natif de Gold Coast, se convertit à cette religion et créa plusieurs assemblées dans la région de Volta et sur le plateau Ashanti [Fancello, 2006, p. 34].

30 La thèse de la dégénérescence d’un culte chrétien est contestable. L’on a vu que Kunde était d’origine nordique et l’on ne peut attribuer son introduction à la Christian Science dont nous n’avons trouvé aucune trace d’implantation en Gold Coast avant la première guerre mondiale. Les années 1920-1930 furent marquées par l’explosion de prophètes et prophétesses qui prétendaient guérir toutes les maladies et enseigner la religion chrétienne par l’inspiration directe du Saint-Esprit et peut-être certains de ces mouvements eurent-ils une influence sur certaines adaptations du rite de guérison (prière rédemptrice, chants d’origine chrétienne, pratique de la confession publique) [9]. Cependant, ce transfert serait purement formel puisqu’aucun enseignement doctrinal (comme celui du pasteur Clark pour la Faith Tabernacle Ministry) n’était repris dans le culte ; c’est la noix de kola qui jouait un rôle central chez les groupes décrits par Cessou et c’est au propre dynamisme des religions africaines que l’on doit attribuer la progression énergique de Kunde.

31 De la même façon, Monseigneur Cessou voit dans cet usage de la noix de kola un apport musulman dû à « l’islam véhiculé par les marchands hausas » [Cessou, 1936, p.19]. Il semble difficile d’attribuer aux marchands hausas une telle influence. En effet, le ciment et le modèle culturel de ces marchands était l’islam et ils n’ont jamais adressé un culte direct à la kola. Il ne semble pas y avoir eu de transfert de pratiques musulmanes vers le gorovodu, hormis chez quelques communautés qui adoptèrent le vendredi comme jour de prière collective.

32 Le mélange d’éléments rituels décrit par les missionnaires indique donc que le culte Kunde est né d’un attrait des populations littorales de Gold Coast et du Togo pour une divinité venue du Nord. La kola était déjà très utilisée dans l’usage de la médecine locale, aussi n’est-il pas étonnant qu’elle fût choisie comme remède universel. Certaines populations togolaises intégrèrent l’adoration de cette nouvelle divinité dans leur propre système religieux en y incorporant des influences chrétiennes. En réalité, la position du gorovodu face au christianisme et aux rites locaux est, on le verra, pour le moins ambigüe. S’il est syncrétique et emprunte plusieurs éléments aux cultures africaines ainsi qu’au christianisme, le gorovodu se place dans une situation de concurrence avec les religions préexistantes puisque certains de ses commandements sont directement dirigés contre certains aspects du vodu et du christianisme. Le succès venant, il devint un important enjeu de pouvoir et d’influence dans la région.

De Kpandu à Lomé : réseaux de propagation d’un culte populaire

33 L’on a vu que le mode de reproduction et de distribution des cultes de la kola se faisait par cession. Certains se répandirent de façon dispersée, à la façon des vodu. D’autres se diffusèrent par l’intermédiaire de personnages charismatiques qui déployèrent une activité intense dans un contexte de forte concurrence. L’activité de certains d’entre eux fut intense et, pour faire face à une concurrence disparate, certains parvinrent à imprimer une direction au culte.

34 Parmi eux, l’introducteur de Kunde au Togo, Kodjo Kuma, entreprit de nombreux voyages sur le territoire togolais. En 1935, il se trouvait dans la région de Lomé pour imposer une hiérarchie et une direction unique. Son objectif était que désormais seuls les fondateurs et les chefs locaux approuvés par lui auraient le droit de fonder de nouveaux centres de culte. Il eut recours à l’administration coloniale pour se procurer des documents destinés à officialiser le mouvement.

35 Mgr Cessou publia en annexe de son étude deux copies de ces documents intitulés « certifications » ou « témoignages » utilisés par Kodjo Kuma et d’autres chefs de Kunde. Ces documents quittancés sur ordre de l’administration et timbrés de son cachet, n’étaient à ses yeux que de simples laissez-passer ou « constats d’organisation de culte ». En effet, des arrêtés locaux prévoyaient que toute demande adressée à l’administration soit munie d’un timbre de quittance de trois francs, ce qui donnait à ces simples requêtes les apparences de documents officiels. Pour ceux qui les rédigèrent et les firent authentifier du cachet administratif, ces documents servaient à faire croire que la religion était tolérée, et même approuvée et recommandée. Jean-Marie Cessou avertit l’Administrateur-Maire de Lomé de la manœuvre qui, par la suite, fit retirer de la circulation un certain nombre des « Certifications » et « Témoignages » en question.

36 Dans une de ces « certifications » Kodjo Kuma déclarait être « le fondateur, tant en Gold Coast qu’au Togo de la dite vénération (dite vénération de la noix de kola) » et à ce titre autorise son lieutenant dans la région de Lomé à exercer un « contrôle sur les autres individus en état de vagabondage et sans ressources qui viennent de la Gold Coast sous le faux nom du culte Kundé [....] » [Cessou, 1936, p. 243]. Un autre « Témoignage » publié par Cessou nous apprend que sa présence au Togo s’inscrivait en fait dans un projet plus vaste, celui d’un « voyage de propagande, de réformes et de réorganisation jusqu’à Cotonou » [ibid., p. 244]. Cette influence de Kodjo Kuma dans la région de Lomé et au Dahomey est confirmée par un document de l’administration coloniale qui estime que c’est vers 1930-1931 que le culte fut introduit au Dahomey « via le Togo et Ouidah par un individu de Gold Coast, nommé Kodjo Kouma »  [10].

37 Certains sanctuaires des villages de Kowie et Djéméki décrits par Monseigneur Cessou se trouvaient dans le réseau d’influence dirigé par Kodjo Kuma. Il y avait des « chefs du culte » qui avaient acheté à la maison mère de Lomé le droit d’installer des sanctuaires dédiés à Kunde et de simples « possesseurs » qui achetaient simplement le droit d’exploiter le culte. Les installateurs du culte à Kowie percevaient 10 % de ceux pour qui ils installaient la divinité.

38 Cessou remarqua que les installateurs et possesseurs de Kunde étaient souvent des chefs ou des chrétiens. Sur les huit chefs ou possesseurs de la kola que Mgr Cessou recensait dans le village de Kowie, il y avait un chef de canton, un « sous-chef », un protestant, un catholique. Sept de ces sanctuaires avaient été installés par « Daniel W., un catholique et Egbon, un protestant » [ibid., p. 32]. Mgr Cessou accusait notamment les groupes d’« évolués » ou « éduqués », souvent christianisés, élevés dans les écoles des missions de faire partie des « protecteurs » du Goro et d’avoir favorisé la propagation du culte sur le territoire. Les certifications et témoignages démontrent que les notables et les membres « évolués » maniant le français et les subtilités de l’administration coloniale étaient certainement impliqués dans la stratégie du mouvement  [11].

39 Mais l’action s’appuyait également sur des chefs locaux qui étaient d’excellents relais et introducteurs dans les terroirs africains. Kodjo Kuma entreprit son voyage de réforme au Dahomey en compagnie du prêtre vodu Sossou Klou. Affaiblis par la laïcisation des institutions et l’intervention de l’administration dans les affaires politiques, de nombreux chefs à la recherche d’une nouvelle légitimité, soumis à une critique intense, s’emparèrent eux aussi du phénomène  [12]. Ils y virent un moyen de reprendre ou de raffermir un pouvoir que la présence coloniale avait fortement diminué. La référence à Kunde était en effet un instrument déterminant pour légitimer la punition des meurtriers, des voleurs ou des adultères. Monseigneur Hermann indiquait qu’il lui semblait « que ce culte eut été inventé pour remplacer la police » [Hermann, 1926, p. 24] et si l’on songe à la situation dans laquelle se trouvaient les chefs de village qui avaient vu leurs pouvoirs de sanction confisqués par l’administration coloniale, on conçoit que le recours à l’autorité de Kunde ait été fort utile.

40 La manipulation de la divinité était aussi un possible instrument d’autonomie financière :

41

« Les chefs et les notables togolais et dahoméens ont fort bien vu l’atout que le “Goro” en leur procurant la richesse, en leur redonnant une influence qu’ils avaient perdue, mettait dans leur main, et les facilités qui en résultent, pour la reconquête de l’autonomie locale »
[Cessou, 1936, p. 16].

42 Les missionnaires indiquaient que, grâce aux bénéfices constitués par leurs activités de chefs de culte, les possesseurs de gorovodu se construisaient « de belles maisons » [Hermann, 1926, p. 23] et devenaient dans leurs villages « des personnes influentes et respectées » [Cessou, 1936, p. 13]. Ceci profitait également aux chefs de centres régionaux qui exigeaient qu’une partie des sommes données par les adeptes leur soit reversée. Selon Hermann, les villages du district de Kpandu envoyaient une somme annuelle de vingt livres sterling au centre de Dukuma [Hermann, 1926, p. 22]. Les revenus étaient constitués par les offrandes pour l’adhésion ou la guérison, mais aussi par les amendes ou pénitences qui étaient infligées et dont le paiement était exigé en numéraire. Selon Hermann, le meilleur revenu était constitué par la succession de fidèles décédés et dont on recherchait la cause de la mort auprès de l’oracle Afa : « Si un adhérent est déclaré avoir été tué par le fétiche à cause d’un crime, surtout à cause d’adultère, tout ce qui appartient à l’intéressé, revient aux chefs Kundé » [ibid., p. 23].

43 Pour asseoir leur influence, les chefs du culte revendiquaient l’exclusivité par rapport aux autres religions. L’on a vu que les cérémonies Goro se déroulaient exactement aux mêmes horaires que celles des communautés chrétiennes et trois des commandements des adeptes de Djemeki indiquaient clairement le rejet des groupes catholiques et la promotion d’une endogamie exclusive :

44

  • Tu n’iras pas chez les chrétiens, catholiques ou protestants.
  • Tu n’enverras pas tes enfants à l’école ou à l’église.
  • Tu ne donneras aucune de tes filles en mariage à un chrétien.

45 Mais le culte se positionnait également de manière autonome vis-à-vis des vodus locaux et notamment par rapport aux malheurs causés par la sorcellerie puisque l’un des commandements exigeait de « ne pas employer de gris-gris, ni d’amulettes » [ibid., p. 24]. C’est un aspect qui est décrit de façon très marginale par les missionnaires mais la protection contre les sorciers était l’une des raisons les plus répandues de l’adoption d’un gorovodu. On attendait qu’ils guérissent les maladies mais aussi qu’ils dépistent les sorciers en leur infligeant des souffrances jusqu’à ce qu’ils viennent eux-mêmes avouer leurs fautes, ou en les faisant dénoncer par les personnes soumises aux transes de possession. Un sorcier détecté devait être purifié puis s’acquitter du versement d’une amende.

46 Cette situation interstitielle dans l’espace religieux se traduisait dans l’occupation du territoire villageois puisque les membres du « Goro » se réunissent « sur une place spéciale hors du village, où ils se sont construits une espèce de chapelle basse » construite en pierre [Hermann, 1926, p. 23]  [13]. Cessou évoque l’apparition de « niches caractéristiques à la lisière des villages » [Cessou, 1936, p. 6].

47 S’il a pu trouver un écho favorable parmi les communautés chrétiennes, Kunde n’était donc pas l’apanage de tel ou tel groupe et devait son succès au fait qu’il se posait à la fois dans la continuité de l’ancien système en adoptant le langage rituel vodu tout en cherchant à en rejeter les excès et en prônant l’adoption de certains principes universels. Le rite d’initiation, très simple, consistait juste à offrir une noix de kola et un don en argent au chef. En s’abstenant des conditions d’appartenance sociale, cette cérémonie permettait à chacun d’y adhérer. La recomposition religieuse qui s’opéra autour de Kunde était en fait la traduction de la recomposition politique et sociale en cours dans l’Afrique coloniale.

48 D’autres cultes de la kola, connurent des trajectoires analogues dans la région, avec quelques variations dans le rite. Le culte d’Alafia, originaire du nord, passa lui aussi par la Gold Coast et Lomé avant d’être adopté au Dahomey.

Alafia au Dahomey, un culte anti-colonial ?

49 En 1937, la colonie du Dahomey était agitée depuis quelques années par plusieurs affaires à caractère religieux. Des chefs de canton étaient accusés d’avoir commis des sacrifices humains. Les « évolués » chrétiens étaient également montrés du doigt. C’était l’époque du procès du journal La Voix du Dahomey et l’on suspectait l’existence d’une « association politique secrète dans le Bas-Dahomey »  [14]. Les mouvements prophétiques et messianiques d’inspiration chrétienne adoptés par des chrétiens « déchus » étaient suspectés d’être généralement anti-blancs et de recevoir des directives de la Gold Coast et du Nigeria.

50 Désigné par les missionnaires, ce qu’on appelait alors unanimement le « Goro » était donc logiquement montré du doigt. L’administrateur Christian Merlo rédigea une note intitulée « Synthèse de l’activité fétichiste » qui fit grand bruit en AOF. Elle fut publiée quelques années plus tard par le Bulletin de l’Institut Français d’Afrique Noire. L’administrateur français y dénonçait les méfaits du « fétichisme » dans les régions Sud du Togo et du Dahomey. II opposait un « animisme » bon enfant consacré aux cultes domestiques des ancêtres au « fétichisme » des adeptes de certaines divinités vodu populaires et des nouvelles religions venues de Gold Coast. Merlo évoquait donc le Goro en dénonçant son caractère politique et le « danger international » qu’il était censé représenter [Merlo, 1950, p. 1158]. Un autre administrateur français basé au Dahomey, Bernard Maupoil, dénonçait dans l’étude qu’il publia en 1943 le travestissement de ce culte « sous un masque catholico-islamique ». Maupoil y voyait « un essai de société secrète, mi-confessionnelle-mi politique » [Maupoil, 1943, p. 55].

51 Le Gouverneur général de l’Afrique occidentale française exigea que l’on mène une enquête sur le « Goro » :

52

« Sur ce fond fétichiste se grefferaient des réminiscences d’inspiration chrétiennes et islamiques qui seraient destinées surtout à se concilier les populations évoluées du Togo et du Dahomey.
En réalité, ce culte aboutirait à former une société secrète d’empoisonneurs à tendance politique et il est vraisemblable que les adeptes du nouveau culte soient les instigateurs des actes criminels dont vous m’avez signalé la répétition à plusieurs reprises depuis trois ans [...] »  [15].

53 L’enquête menée au Dahomey se concentra principalement sur les deux villes littorales d’Ouidah et Cotonou où plusieurs divinités de la kola furent introduites durant l’entre-deux-guerres. Les résultats de cette investigation administrative révèlent un visage assez différent de la description que les missionnaires avaient donné pour le Togo. Ces parcours et ces emprunts démontrent la diversité des appropriations et le dynamisme religieux de la région.

54 À Ouidah, le culte aurait été installé quelques années auparavant par un homme nommé Ledi, lui-aussi originaire de Gold Coast. À la suite d’un litige attribué à la mauvaise influence du nouveau culte, le Goro fut jeté à la mer. En 1932, Jean Adjovi, ancien tirailleur devenu citoyen français et riche propriétaire foncier, fit revenir Ledi qui installa le Goro chez lui. À la même époque deux autres Goro en provenance d’Anécho (Togo) furent installés à Ouidah chez Dagbe Houato Hounyovi et Lokodanon. Le 18 avril 1937, Lokodanon aurait fait une cérémonie devant 40 personnes dont 10 venaient de Gold Coast, ce qui démontre qu’au Dahomey, les échanges avec la Gold Coast étaient également nombreux. Deux des trois Goro furent « privés de leurs pouvoirs » parce que leurs possesseurs ne s’étaient pas acquittés de leurs dettes. Il ne restait au moment de l’enquête qu’un seul Goro « mais il n’a jamais été établi jusqu’ici que les intéressés en avaient profité dans un but répréhensible »  [16]. La religion vodu fut une terre d’intégration favorable si bien qu’en 1940, l’administrateur Merlo lui-même assimilait le culte aux autres divinités vodu et, malgré son origine récente, il le présentait comme parfaitement intégré dans l’espace urbain de la ville d’Ouidah [Merlo, 1940].

55 À Cotonou, le groupe suspecté par l’administration comptait une trentaine d’adeptes parmi lesquels quelques « évolués » : Jean Kokou, membre de la commission municipale, Augustin Nicoué, imprimeur, et Robert Mamavi, agent des douanes, ex-membre du comité paroissial de la ville et assesseur titulaire au tribunal colonial d’appel de Cotonou, étaient désignés. L’administrateur qui visita le terrain sur lequel se déroulaient les réunions décrivit une construction en maçonnerie de 2,5 mètres de haut, 4 mètres de long et 2 mètres de large. Cette chapelle construite « en dur » était comparable à celles que les missionnaires avaient décrites dans le cas de Kunde. Sur la façade principale, il lisait l’inscription « ALAFIA-HO-NOU » (Devant la maison d’Alafia [17]) et une date « 3-6-1933 » correspondant à l’introduction du culte. D’après les enquêtes orales conduites par de Surgy, Alafia serait d’origine sarahoui. C’est un militaire de Gold Coast nommé Kwasi Mensah qui l’aurait ramené chez lui après un voyage dans le nord. De Gold Coast, le culte passa de mains en mains jusqu’à Lomé par l’intermédiaire de Gbéka [De Surgy, 1994, p. 389].

56 Interrogé par l’administration, Robert Mamavi en donna une description assez précise. Le culte s’adressait à « Atike Hlouen Amegan » (« médicament sauveur des hommes ») que « l’on a surnommé Goro-Vodou ». Parmi les services que rendait Alafia la fonction anti-sorcellerie était déterminante :

57

« 1. Il protège les hommes contre la force de sociétés secrètes nommées AZE (sorcellerie)
2. Il protège les hommes contre les malfaiteurs qui font des gris-gris pour faire du mal à leur prochain.
3. Il protège les hommes contre tous dangers ou accidents (naufrages, accidents de voiture, attaques nocturnes, etc.)
4. Toute personne attaquée par les sorciers ou gris-gris est immédiatement guérie une fois amenée chez Atike.
5. Plusieurs femmes qui pendant leur grossesse sont dérangées par les sorciers et empêchées d’accoucher, sont paisiblement délivrées.
6. Des mères qui ne font que des mort-nés (Abikou) ont aujourd’hui des enfants. »

58 Alafia guérissait toutes sortes de maladies provoquées par des sorciers, punissait les épouses adultères en les rendant malades jusqu’à les forcer à avouer, et interdisait à ses adeptes de voler. Peut-être en raison d’influences musulmanes, il n’acceptait pas d’alcool mais seulement de l’eau et de la kola. On immolait sur lui un petit chien et le recours à l’oracle Afa était courant.

59 Les liens avec la religion chrétienne étaient moins marqués qu’au Togo. Le jour du rite était fixé au dimanche une fois par mois : « le dimanche, grand tamtam, tous les fidèles sont parés de beaux pagnes et bijoux (plus de 300 spectateurs) ». Comme dans le cas de Kunde, le culte défendait des règles de vie, principes universels sans doute inspirés du christianisme ou de l’islam et se présentait comme un nouvel instrument de justice sociale : « La vengeance, la haine, la rancune, la colère, le vol, le mensonge, la dispute, l’irrévérence, rendre le mal pour le mal, l’adultère » étaient interdits.

60 L’exemple d’Alafia à Cotonou indique que le rite endossa ici une fonction anti-sorcellerie, à l’instar de nombreux autres cultes dans l’Afrique coloniale [Gray, 2001 ; McCaskie, 1981 ; Morton-Williams, 1956 ; Parker, 2004]. S’il se lissait dans le paysage et s’il adoptait le langage culturel fon, le culte décrit par Robert Mamavi continuait d’occuper une position interstitielle en prônant l’exclusivité religieuse : « Atike défend à ses protégés de faire n’importe quels sacrifices ailleurs »  [18].

Conclusion

61 Si l’irruption des cultes de la kola au Togo a pu être interprétée par les autorités coloniales comme l’expression d’un rejet dirigé contre les missions ou l’administration, il semble que cette situation ait été transitoire et n’ait en réalité correspondu qu’à une phase d’adaptation. Le discours missionnaire s’est évidemment focalisé sur la situation de concurrence à laquelle se heurtèrent les communautés chrétiennes dans certaines régions mais, outre le fait qu’il confondait en une seule expression (« Goro », « Kunde ») plusieurs divinités appartenant à la même famille, il ne décela dans cette évolution que le produit d’une dégénérescence d’un culte chrétien original. Or, la diffusion et le succès du phénomène furent bien le produit d’une évolution locale moderne, répondant aux nouveaux changements économiques et sociaux.

62 La rupture des cultes de la kola avec les anciens cultes locaux « réside dans l’individualisation et la mercantilisation dont ils sont porteurs » [Tall, 2005, p. 270]. Ils ont été interprétés comme des cultes conduisant à la prospérité et leur diffusion dans le sud du littoral du Golfe de Guinée fut souvent le fait de groupes en quête de pouvoir et d’autonomie dans le système colonial. Les adeptes du culte cherchaient une nouvelle façon d’interpréter le sens de la vie mais le phénomène s’inscrivait néanmoins dans le terreau culturel local en adoptant le langage rituel du vodu, et notamment les aspects sacrificatoires. Ces synthèses religieuses ne se caractérisent donc ni par un changement abrupt, comme le prétendaient les missionnaires, ni par une continuité essentielle [Goody, 1957], mais par des modèles complexes d’interactions.

63 En s’abstenant des anciennes relations lignagères, portés par de nouveaux réseaux humains, par le développement du salariat et d’une économie monétaire, ces cultes acquirent rapidement une dimension transnationale. L’exemple de Kodjo Kuma incarne la nouvelle figure de ces « entrepreneurs » de la religion [Fourchard et alli, 2005]. Imbriqués dans des réseaux d’échelles différentes, ils proposèrent des stratégies locales qui répondaient à des processus historiques globalisés. Albert de Surgy indique que Kodjo Kuma continua ses tentatives d’organisation et qu’il tenta de créer à Lomé en 1960 « une société, pourvue de cartes de membres énumérant les sept commandements à y respecter  [19], à laquelle tout honnête homme pouvait librement adhérer moyennant un droit modique d’entrée et une offrande au fétiche » [De Surgy, 1988, p. 188]. De telles entreprises se multiplièrent au Dahomey au lendemain de la seconde guerre mondiale. René Grivot, alors inspecteur des affaires administratives dans cette colonie, décrivit l’engouement fulgurant des populations du Sud pour les cultes Goro pendant les années 1951 et 1952. La description qu’il fait pour cette période – qui mériterait une analyse à part entière – est comparable à celle laissée par les missionnaires pendant l’entre-deux-guerres. Impulsés par des réseaux principalement originaires de Gold Coast, les principaux relayeurs locaux furent les chefs de canton, les chrétiens, les anciens tirailleurs, les notables, les fonctionnaires... Le phénomène prit une ampleur considérable et des villages entiers se livrèrent à la chasse aux sorcières. Grivot estime que « sur une population globale de deux cent mille habitants environ dans le cercle d’Abomey, on estime à trente mille le nombre des adeptes venus au Goro » [Grivot, 1954, p. 134]. Comme au Togo, les adeptes du Goro commencèrent par se positionner assez durement face aux tenants du vodu et du christianisme et furent l’objet de représailles administratives avant de trouver une place plus consensuelle.

64 Les formes actuelles du Gorovodu continuent d’occuper cette position interstitielle particulière dans l’espace religieux béninois. Jean-Claude Barbier et Elisabeth Dorier-Apprill ont analysé les cohabitations et concurrences religieuses contemporaines dans le Golfe du Bénin et indiquent que le Goro, connu aujourd’hui sous le nom de « tron » ou « thron », connaît une expansion récente dans les milieux urbains et péri-urbains « comme choix possible participant aux reconstructions identitaires ». Les auteurs classent le Goro dans la catégorie des cultes « post-coutumier » puisqu’ils sont « déterritorialisés, extra lignagers, centrés sur une divinité unique, contrairement au vodun et où l’affiliation est un acte individuel volontaire qui ne requiert pas d’initiation spéciale » [Barbier et Dorier-Apprill, 2002, p. 229]  [20]. Quant à Alessandra Brivio, elle a montré comment le Goro ou tron se présente aujourd’hui comme un vodou « propre », dédié aujourd’hui à la lutte contre la sorcellerie :

65

« Le gorovodu connaît aujourd’hui, surtout au Bénin, une période de forte revitalisation. Bien qu’incorporé dans la religion vodou, il a gardé ses particularités qui le distinguent des plus anciennes divinités, considérées comme autochtones »
[Brivio, 2008, p. 237-238].

66 Après avoir traversé en quelques années seulement les frontières de l’espace colonial, le culte s’est adapté à la société béninoise d’aujourd’hui en investissant un nouvel espace intermédiaire transculturel et transsocial, démontrant une nouvelle fois sa capacité de résilience et de réinvention.

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Sources

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Mots-clés éditeurs : migrations, Kunde, guérison, syncrétisme, Goro, Vodu, Kola, sorcellerie, missionnaires, Afrique coloniale

Mise en ligne 10/12/2010

https://doi.org/10.3917/autr.056.0193

Notes

  • [*]
    Ater INALCO/chercheur associé au SEDET-Paris 7.
  • [1]
    Monseigneur Jean-Marie Cessou relatait sa propre expérience dans les villages de Kowie et Djéméki, situés à une trentaine de kilomètres de Lomé (Togo français), au Togo français. Cessou publia également le témoignage. Celui de Monseigneur Hermann qui dès 1926 avait commenté la progression de Kunde, « encore appelé Atiké ou Goro », dans la colonie voisine du Togo britannique. Il dénonçait les agissements du « Goro » dans les deux cercles de Kpandu et de Ho (Togo anglais). Ces deux monographies étaient complétées par une « Brève étude sur le Goro » écrite par le père Folikwe-Kpodar, qui décrivait la situation dans la région de Kpalimé (Togo français) en 1934.
  • [2]
    Seul l’historien Benjamin Lawrance [2007] a évoqué la publication de Mgr Cessou dans une analyse consacrée au thème de la résistance dans les cultes vodu. Son objectif était de démontrer la capacité de transformation du vodu dans le contexte colonial d’une chefferie remodelée.
  • [3]
    Des cultes réputés efficaces pouvaient depuis longtemps se vendre et se propager à grande vitesse depuis longtemps. Honorat Aguessy a démontré quelles étaient les similitudes religieuses entre les peuples aja-éwé et yoruba dans la zone Togo-Bénin-Nigeria, en étudiant successivement les noms désignant les attitudes, les personnages et les objets religieux, la prédiction des évènements par le système de divination Fa, et enfin la conception du changement dans chacune de ces zones culturelles [Aguessy, 1984, p. 236].
  • [4]
    Localité située près de la frontière de la Gold Coast, au confluent de la Volta et de l’Oti.
  • [5]
    Les territoires furent définitivement partagés en 1919 avec l’accord Simon-Milner.
  • [6]
    Les recensements de Gold Coast dénombraient 50000 émigrants en 1921 (dont 12000 en provenance d’Afrique française) et 300000 en 1931 (dont 200000 en provenance d’Afrique française) : cf. Allan Wolsey Cardinall, The Gold Coast, 1931, Government Printer, Accra, 1932, 265 p.
  • [7]
    L’on compte parmi les stations de la mission de Brême : Peki (Gold Coast), Waya, Wegbe, Ho, Amedjope, Akpafu, Wora, Kpalime, Agou (Togo anglais), Mission-Tové et Lomé (Togo français.) La mission catholique occupait plus précisément le sud-Est et le centre du territoire togolais.
  • [8]
    Voir les numéros de juin 1933 (p. 373), décembre 1933 (p. 692), février 1935 (p. 92) et avril 1935.
  • [9]
    Le père Koch, missionnaire à Half-Assinie (Gold Coast), décrit en 1931 l’itinéraire de Anna Ackab, membre de l’Église wesleyenne et dont le rituel de guérison connut un grand succès : Koch A., 1931 « Côte d’Or : pauvre Église ! Pauvres gens », Écho des Missions Africaines de Lyon, n5, mai, p. 113-114.
  • [10]
    ANS, Fonds moderne AOF, 17G92, Activités fétichistes, Gouverneur général au Lieutenant-Gouverneur du Dahomey, Porto-Novo, 18 février 1937.
  • [11]
    Un témoignage est rédigé par Blaise Kuassi, journaliste dahoméen particulièrement surveillé par les autorités coloniales dans les années 1930.
  • [12]
    Dans toute l’Afrique occidentale française, les années 1930 sont marquées par des dénonciations nombreuses portées contre les chefs, accusés de vouloir restaurer à leur profit des cérémonies religieuses interdites par les Français (rites d’intronisation, sacrifices humains, anthropophagie, enlèvements de jeunes recrues...). En Côte d’Ivoire, le tribunal de Tabou prononça en 1936 plusieurs condamnations à mort pour assassinat et anthropophagie.
  • [13]
    D’où le nom de Kpevodu que l’on retrouve parfois.
  • [14]
    ANS, 17G92, Gouvernement général de l’Afrique occidentale française, Note secrète, 10 mars 1937.
  • [15]
    ANS, 17G92, Gouverneur général au Lieutenant-Gouverneur du Dahomey, Porto-Novo, 18 février 1937.
  • [16]
    ANS, 17G92, Lieutenant-Gouverneur du Dahomey au Gouverneur général, 23 juin 1937.
  • [17]
    Alafia signifie bonheur en Gurma.
  • [18]
    ANS, 17G92, Activités fétichistes, Lieutenant-Gouverneur du Dahomey au Gouverneur général, 6 août 1937.
  • [19]
    Ils étaient imprimés en français : « Tu ne tueras pas. Tu ne voleras pas. Tu ne rechercheras pas la femme d’autrui. Tu ne mentiras pas. Tu feras selon les lois de ton gouvernement. Tu n’adoreras pas les idoles de la chair humaine et de l’huile de palme. Tu ne feras pas de gris-gris ».
  • [20]
    Cette remarque peut être nuancée dans la mesure où la culture vodu comporte également depuis longtemps des dieux extra lignagers et déterritorialisés : Sakpata, Hebiosso ou le Fa n’appartiennent pas à un lignage ou un territoire et s’étendent également en territoire yoruba.
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