Notes
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[1]
Chercheur associé au Muséum national d’Histoire naturelle et chargé de cours à l’Université de Nouakchott – boulay@univ-nkc.mr.
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[1]
Un deuxième avion charter sera affrété par la société Go Voyages à partir de la saison touristique 2002-2003.
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[2]
La SOMASERT est une filiale de la Société Nationale d’Industrie Minière (SNIM), qui exploite les gisements de minerai de fer, dans la région de Zouérate, limitrophe de l’Adrar au nord. Cette agence réceptive, qui captait jusqu’en 2004 environ la moitié du volume total de touristes venant séjourner en Adrar, a appuyé financièrement et logistiquement nos recherches de terrain en 2005.
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[3]
Selon les premiers chiffres de l’aéroport d’Atar, moins de 11 000 touristes ont emprunté ces avions en 2005-2006. Notons toutefois que certains groupes venant en Adrar empruntent des lignes régulières et « transitent » par l’aéroport de Nouakchott.
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[4]
C’est par ce mot tiré du Coran que les Maures appellent les Français, depuis le début de la colonisation du pays (1900), et plus généralement aujourd’hui les étrangers occidentaux, en référence à leur religion chrétienne présumée et à leur culture.
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[5]
Les « agences réceptives », appelées plus familièrement « réceptifs », désignent dans le vocabulaire des professionnels du tourisme des entreprises locales chargées par des tour-opérateurs étrangers d’organiser, de gérer et de mettre en œuvre le séjour des clients, depuis leur sortie de l’avion jusqu’à leur départ. Actuellement, le marché du tourisme en Adrar est entre les mains de moins d’une quinzaine de tour-opérateurs, qui travaillent avec une dizaine d’importantes agences réceptives locales, dont certaines sont dirigées par des Français, les « miettes » du marché étant disputées par de petites structures, tant en Europe qu’en Mauritanie.
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[6]
Il s’agit plus précisément de groupes d’individus, car généralement les trois chameliers se connaissent, et souvent sont des parents proches, le guide et le cuisinier aussi. C’est souvent le cas également de certains touristes, qui viennent en petits groupes de trois ou quatre personnes (parents ou amis).
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[7]
Il existe des différences socio-culturelles marquées entre les chameliers, qui sont des bédouins, et les guides et cuisiniers, qui sont de culture citadine, comme il existe des différences entre les origines des touristes, même si on retrouve toujours les mêmes milieux socio-professionnels représentés : enseignants, cadres supérieurs d’entreprises, professions libérales [Boulay, 2006].
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[8]
Outre le voyage en France, il existe deux autres signes extérieurs de réussite : le mariage avec une Française, connue généralement lors d’un circuit, et la possession d’une Mercedes 190, véhicule actuellement très recherché par les Mauritaniens pour le prestige de sa marque et sa légendaire solidité. « Le guide “trois étoiles” est celui qui parvient à atteindre ces trois objets convoités », nous expliquait dernièrement, amusé, un directeur mauritanien d’agence réceptive (entretien réalisé à Nouakchott, le 20/12/2005). Ces trois signes extérieurs permettent aux guides d’évaluer leurs réussites respectives.
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[9]
Seul un événement de ce type, tranche d’histoire locale artificiellement construite par un groupe d’acteurs, pouvait momentanément faire se retrouver les éléments d’un même réseau (touristes, tour-opérateur, guides) car, par définition « le réseau […] assure peu et exige peu ; il préfère la souplesse à la rigueur ; loin d’imposer l’exclusivité, il trouve son compte aux appartenances multiples et à la mobilité » [Offner, Pumain, 1996, p. 169].
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[10]
Pour appréhender et comprendre certaines situations de l’intérieur, il est parfois nécessaire que « l’ethnologue participe au processus de valorisation du patrimoine culturel » [Le Menestrel, 2002, p. 466].
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[11]
C’est au cours des semaines qui suivent la fin de la saison touristique que les contrats entre les tour-opérateurs et les agences réceptives sont, chaque année, renégociés.
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[12]
Voir à ce sujet Urbain [2002].
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[13]
Charte ATR : www.tourisme-responsable.org.
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[14]
Maurice Freund, Président du Point-Afrique, à propos de ses concurrents : « […] pour se donner bonne conscience ou par hypocrisie ou pour apparaître en donneurs de leçon en matière de tourisme certains masquent leur finalité sous des appellations (comment disent-ils déjà ?) responsable, éthique, écologique, durable, vrai et même de développement parfois… qui sont très tendance ! », p. 3, in catalogue Point-Afrique, Voyages, 2004-2005. Pourtant, ce même catalogue consacre une page entière (p. 55) à ses « réalisations » en Afrique.
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[15]
Programme intitulé : « Le Sahara des cultures et des peuples. Vers une stratégie pour un développement durable du tourisme au Sahara dans une perspective de lutte contre la pauvreté » (www.unesco.org).
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[16]
Les « Maures », dénomination coloniale, se nomment collectivement Bidân, « Blancs ».
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[17]
Beaucoup de guides de la SOMASERT, ont un père ou un oncle retraité de la SNIM, et ont grandi dans l’environnement de cette société, à Zouérate, Nouadhibou, Atar ou encore Akjoujt, en assimilant la culture particulière [Bonte, 2001].
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[18]
Le guide joue en effet le rôle très important d’interprète dans les deux sens, des allochtones vers les autochtones, mais aussi des autochtones vers les allochtones.
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[19]
Mais plutôt que restaurer, les familles préfèrent reconstruire leur maison plus loin, suivant en cela la tradition locale qui accorde assez peu d’importance (sauf dans la thématique poétique de la nostalgie) au reste, à la ruine, au vestige, qui passent dans le domaine du « vide » et de ses « habitants », les djinns.
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[20]
Je remercie amicalement Marie-Luce Gélard, Véronique Pardo et Cécile Mozziconacci de leurs remarques et suggestions de corrections sur ce texte.
1 Le tourisme de désert, dans sa forme organisée, naît timidement dans le Nord mauritanien à la fin des années 1980, alors que la région est encore enclavée en raison de l’absence de lien routier avec la capitale, Nouakchott. Puis, à partir de 1996, Atar, chef-lieu de l’Adrar, est desservi hebdomadairement par un avion charter [1] en provenance directe de France, ce qui donne une impulsion décisive à l’implantation d’une économie touristique dans la région. Celle-ci repose essentiellement sur des circuits d’une semaine, de randonnée et/ou de méharée dans le désert, agrémentés de visites de sites historiques (villes anciennes, bibliothèques, sites archéologiques), en groupes de moins de douze personnes. Il s’agit d’un tourisme rustique, adapté à la rareté des infrastructures d’accueil locales, qui suit en outre la volonté initiale de l’État mauritanien de privilégier un tourisme sélectif, respectueux de la culture et de l’écologie locales, et enfin qui répond aux attentes d’un public, quasi exclusivement français, en mal de grands espaces préservés et « authentiques ». Dès 1996, ce tourisme est par ailleurs paré d’une idéologie « solidaire », par l’État d’une part, qui présente ce secteur comme une arme de lutte contre la pauvreté, par les tour-opérateurs français d’autre part, qui promettent de faire profiter les locaux de cette activité.
2 Les circuits de « randonnée chamelière », dont il sera question dans cet article, mettent en contact des personnes issues de deux cultures maure et française distinctes, permettent la circulation d’idées, de discours, d’attitudes et d’objets, inventent de nouvelles relations sociales « translocalisées », qui caractérisent, selon Appadurai [2005], le monde contemporain. Notre contribution tentera de comprendre en quoi ces circulations à la fois produisent et expriment de nouveaux types de réseaux sociaux, au sens d’ « ensemble [s] d’individus ou de groupes entretenant des relations binaires permettant la circulation de ressources » [Offner et Pumain, 1996, p. 155] et comment la société visitée intègre ces réseaux, avec quels objectifs et quels effets sur la façon dont elle conçoit son identité.
3 Notre réflexion s’articulera autour de trois parties : la première examinera le rôle des mouvements de personnes, permis par le tourisme, dans la genèse de réseaux translocaux, la deuxième analysera les réalités de cette économie du tourisme « solidaire » ainsi que les stratégies locales d’appropriation de la « ressource » touristique, enfin, la troisième partie portera sur les reformulations identitaires locales entraînées par le tourisme.
Circulations alternées et genèse de liens translocaux
Le circuit de randonnée chamelière : un espace-temps propice à la naissance de liens
4 Depuis l’ouverture d’une ligne aérienne entre l’Adrar et la France, permise par un accord entre l’affréteur aérien Point-Afrique et la Société Mauritanienne de Services et de Tourisme (SOMASERT) [2], chaque dimanche, entre octobre et avril, deux ou trois avions viennent déposer à Atar des groupes de touristes et en embarquer d’autres, qui terminent leur séjour [3]. Le petit aéroport est ainsi, une fois par semaine, un lieu de chassé croisé de « nomades de loisir » [Urbain, 2002] : un espace d’adieux entre le guide mauritanien et ses « clients », pour certains devenus des « amis » le temps du circuit, de rencontre avec de « nouveaux » Nazaréens (Nçâra) [4], ou encore de retrouvailles avec des touristes qui n’en sont pas à leur premier voyage en Adrar. L’aéroport est également le lieu de représentation hebdomadaire des principaux professionnels locaux du tourisme : les guides, les cuisiniers, les chauffeurs de 4 × 4, mais aussi certains responsables d’ « agences réceptives » [5], quelques aubergistes qui viennent évaluer le volume d’arrivants, enfin les vendeurs de chèches.
5 Si l’aéroport constitue un espace d’interdécouverte privilégié entre visiteurs et visités, c’est véritablement pendant le « circuit » que naissent des liens entre ses protagonistes : dix ou douze touristes, encadrés par un guide (généralement) mauritanien, un cuisinier et deux ou trois chameliers. C’est le guide qui a la responsabilité pleine et entière de l’équipée et du groupe (jmaca). C’est également lui qui doit veiller à l’harmonie du voyage et aux bonnes relations entre ses différents acteurs. Il est à la fois l’interlocuteur désigné des touristes, ne serait-ce que de par sa maîtrise de la langue française, et le passeur vers la culture locale. Cette dernière est représentée, dans le circuit, par les chameliers, qui sont généralement des éleveurs, originaires de la région où a lieu le circuit, et dont la tâche principale consiste à transporter le matériel, l’eau et les vivres du groupe.
6 Durant le voyage, d’une durée et d’un itinéraire prédéfinis, ces différents individus [6], étrangers [7] les uns aux autres, sont amenés à se côtoyer et à échanger. Cette mise en relation présente un crescendo : passée leur réserve du premier jour, les touristes essaient d’abord d’échanger avec le guide, puis avec les chameliers, ces derniers incarnant leur représentation du nomade saharien, personnage mythique en Occident. Les chameliers, pour leur part, montrent à la fois méfiance et pudeur, non seulement vis-à-vis des touristes mais aussi vis-à-vis du guide, qui est également un étranger pour eux. Leur réserve s’exprime par une prise de distances, tant durant la marche que lors des moments de repos. À partir du troisième jour, des liens commencent néanmoins à se nouer entre visiteurs et Mauritaniens, les espaces se resserrent : un touriste prend l’initiative d’aider un chamelier à harnacher, un autre à préparer la traditionnelle galette cuite dans le sable, etc.
7 Certains touristes cherchent à dialoguer avec les chameliers, mais ces derniers ne parlent pas leur langue. La communication passe donc plutôt par des échanges de regards, de gestes, d’attitudes, et surtout de petits objets personnels, à la fin du circuit. Les liens scellés avec le guide ont a priori plus de chance de déboucher sur une amitié durable, et sur tout ce que peuvent laisser espérer les imaginations (invitation, association, projet commun dans le tourisme, mariage). Alors que les chameliers sont employés ponctuellement et vivent isolés en brousse, le guide est « identifié » à un tour-opérateur ou un réceptif et, surtout, est joignable depuis la France par le téléphone et internet. Lors du dernier jour, guide et touristes échangent leurs adresses électroniques et éventuellement leurs numéros de téléphone. Des liens d’amitié plus ou moins forts peuvent également voir le jour entre touristes, qui se retrouveront plusieurs mois après leur retour en France, pour évoquer, souvent autour d’un repas, leur voyage et ainsi prolonger son histoire.
8 Personnage clé pour les tour-opérateurs, qui lui confient la réussite du circuit, pour les touristes, qui s’en remettent entièrement à lui pour le succès de leur voyage, et enfin pour les locaux, qui essaient de profiter de cette nouvelle économie (éleveurs, chameliers, aubergistes, commerçants, …), le guide apparaît comme le trait d’union et l’interprète entre les différents acteurs du tourisme de désert, producteurs comme consommateurs, un peu à l’image des courtiers en développement en Afrique [Bierschenk, Chauveau, Olivier de Sardan, 2000]. « Enchaînant » les groupes semaine après semaine, il constitue rapidement un carnet d’adresses conséquent et accumule les invitations de la part de certains touristes, désireux de prolonger les liens noués lors du séjour.
Quand les guides « circulent » chez les touristes : du carnet d’adresses au partenariat
9 La contre-saison touristique, qui s’étale de mai à octobre, est souvent mise à profit par les guides mauritaniens pour activer leur carnet d’adresses et répondre à leurs multiples invitations en France. Ils disent qu’ils partent « circuler », chez leurs « amis », leur périple apparaissant d’emblée comme une réponse au circuit des touristes, et comme un droit revendiqué au déplacement de loisir. Le voyage en France, presque annuel pour certains guides (même si l’obtention de visas est de plus en plus problématique), se présente également comme un voyage initiatique. Il fait partie de l’expérience, du « bagage » du guide, celui-ci étant tenu de connaître la culture, le mode de vie et la psychologie de ses clients. De plus, un guide, pour être considéré comme « compétent » (akhbâri) par les siens, doit avoir voyagé au moins une fois en France. Mais c’est surtout son prestige social qui repose grandement sur ces voyages [8], conçus localement comme des « preuves » que le guide a noué de nombreux contacts durant sa carrière et a de nombreux « amis ».
10 La valeur du voyage est estimée à sa durée ainsi qu’au nombre de lieux et d’amis visités. Très souvent, les guides font, pendant un mois environ, un véritable tour de France, généralement en train, avec toujours une étape importante à Paris. Cette idée de circulation relativement lente, sur de grandes distances, est représentative du sens du voyage dans cette culture nomade, et semble diamétralement opposée au principe du circuit organisé pratiqué par les touristes. Les « adresses » du guide deviennent alors des espaces-refuges positionnés sur un vaste territoire de circulation.
11 Ces circulations permettent de réactiver et d’entretenir des liens nés lors du circuit. Mais derrière des amitiés indéniables et une réelle envie de découverte d’autrui, il y a bien souvent aussi, de la part des guides et de leurs contacts, l’imagination d’un projet commun, dans le tourisme, l’humanitaire, le commerce (d’artisanat notamment) ou encore dans le domaine culturel (organisation d’une tournée de conteurs, etc.). Le voyage en France est donc aussi une quête de ressources pour l’avenir, qui passe par la création de partenariats.
12 Souvent, les guides viennent en France à l’invitation du tour-opérateur qu’ils représentent, généralement pour une formation, qui sera doublée de séances de travail consacrées à l’élaboration de nouveaux produits, ou pour des journées de promotion de la destination. En fait, ces invitations permettent également au tour-opérateur de renforcer les liens de collaboration et de confiance avec ses guides, liens qui sont également qualifiés « d’amitié ». Alors que certains tour-opérateurs pratiquent peu ces invitations et accordent finalement peu d’importance à la qualité du lien avec « leurs » guides, d’autres au contraire instaurent un lien quasi filial avec eux.
« Eldorando », une situation de rencontre du réseau du tourisme
13 Du 5 au 8 mai 2005, le tour-opérateur La Balaguère organisait le premier festival international de randonnée, baptisé « Eldorando », à Arrens-Marsous, village situé au cœur des Pyrénées françaises, où se trouve d’ailleurs le siège de cette société. Le but affiché de cette manifestation était de réunir les passionnés de marche à pied, amateurs et professionnels, autour d’expositions, de soirées culturelles, de débats sur le thème du développement durable, et d’espaces de promotion de produits touristiques. Le tour-opérateur avait organisé ce festival à l’occasion de ses vingt ans d’existence et fait venir des guides avec lesquels il travaille en Roumanie, en Espagne, au Pérou, au Népal, en Mongolie, en Guinée, au Mali, au Maroc et en Mauritanie, « invité coup de cœur, où la randonnée a su rapprocher les hommes par-delà les frontières » (programme officiel du festival). Cet « événement » [9] a eu un certain écho dans les médias locaux, et même nationaux, et a rassemblé pendant quatre jours plusieurs dizaines de milliers de personnes. La « famille » Balaguère était, pour la première fois, réunie au grand complet, chaque délégation de guides représentant une destination, une culture, un produit du tour-opérateur.
14 La délégation mauritanienne était la plus importante après celle des Roumains : les neuf guides de la SOMASERT prenant habituellement en charge les groupes de La Balaguère en Mauritanie étaient présents, ainsi que le directeur de la société, un griot et moi-même, sollicité pour organiser l’exposition d’objets d’artisanat, sous une tente « traditionnelle » montée à côté des stands des autres délégations [10]. Le soir du premier jour du festival, les guides mauritaniens et le griot ont animé un spectacle (conte, poésie et musique), à la salle des fêtes du village, qui suivait deux conférences : l’une donnée par des archéologues du Muséum national d’Histoire naturelle (dont deux doctorants mauritaniens), qui mènent des campagnes de fouille en Adrar avec le mécénat de la SOMASERT, l’autre par un anthropologue, qui présentait l’histoire de la société adraroise. Assistaient exceptionnellement à cette soirée le directeur général de la SNIM (qui sera licencié à la suite du coup d’État du 3 août 2005) et l’ambassadeur de Mauritanie en France (qui sera nommé Premier Ministre du gouvernement de transition, après ce même événement), venus présenter le tourisme comme une priorité pour le développement économique de leur pays.
15 Cette soirée, qui a d’ailleurs reçu un franc succès, a mis en évidence l’importance pour la SOMASERT d’être bien représentée dans ce festival, qui regroupait, il faut bien le dire, les tour-opérateurs les plus importants du secteur du tourisme de désert [11], et de garder la confiance de celui qui est devenu un de ses partenaires les plus importants, tant en termes de clients pris en charge que de qualité de la relation établie (formations régulières des guides, travail de sensibilisation des touristes, …). Pour La Balaguère, qui a fait de la Mauritanie, à en lire son catalogue 2004-2005, la destination d’appel de ses produits « Désert », la bonne représentation de cette destination revêtait également une grande importance. Derrière cette soirée culturelle a priori anodine, dont les guides avaient minutieusement préparé le scénario, et plus largement derrière ce festival où étaient savamment mélangés terroir local et exotisme, et où un faisceau d’acteurs issus des mondes politique, scientifique, culturel, économique, était convié à labelliser et faire la promotion de la destination, chacun avec ses compétences, il y avait des enjeux économiques évidents.
16 En plus de faire connaissance avec des guides d’autres pays, les Mauritaniens retrouvaient, durant les quatre jours de festival, des touristes connus en Mauritanie, pour partie devenus des amis. Certains guides venaient à Arrens-Marsous pour la cinquième ou sixième fois et bénéficiaient dans le village de solides relations avec les habitants et le personnel « sédentaire » de La Balaguère. Ils étaient à la fois en situation de dépaysement, ce qui explique qu’ils se sont parfois réfugiés dans leurs habitudes de vie mauritaniennes (cérémoniel du thé partagé, port du boubou, mouton acheté à un berger local, dépecé et mangé lors du festival), et en terrain connu. Ils étaient en quelque sorte devenus les figures locales de l’autochtone saharien, personnage à la fois exotique et familier pour les habitants de la région.
17 Ces présences croisées – de Mauritaniens à Arrens-Marsous, de Français à Atar – sont caractéristiques des relations de partenariat existant dans le cadre de ce tourisme, entre le local « ici » et le local « ailleurs », ancrées dans ce que Appadurai propose d’appeler des « translocalités » [2005, p. 275] : de nombreux tour-opérateurs de taille moyenne, dont certains se sont regroupés dans le label « Vagabondages. Les artisans de la randonnée » (www.vagabondages.com), jouent sur leur ancrage local, sous-entendu « authentique », pour proposer un tourisme « vrai » et artisanal, et pour se distinguer des tour-opérateurs basés à Paris, qui passent dès lors pour des structures commerciales, proposant des produits « tout-venant » pour une clientèle « tout-venant ». Pourtant, ces tour-opérateurs régionaux recrutent aujourd’hui de plus en plus une clientèle nationale. Et finalement, plus ils visent cette clientèle, plus ils mettent en avant, dans leurs catalogues et leurs campagnes promotionnelles, leur ancrage local et leur dimension familiale, paradoxe que l’on retrouve dans la « marchandise authentique » [Warnier, 1996]. Dans cette philosophie du voyage humain, humaniste voire humanitaire, destinée à se prémunir des tares dont le tourisme est habituellement affublé [12] et ayant une logique commerciale propre, les guides apparaissent comme les éléments clés. Car, pour fidéliser le public sensible à ce type de voyages, le tour-opérateur doit prouver que, en effet, il est en étroite relation avec la région visitée et qu’il est « solidaire » de son personnel local, ce qui n’est bien sûr pas toujours le cas.
18 Ce festival illustre bien la philosophie qui anime le tourisme de désert et les relations sociales particulières qu’il peut générer. Voyons à présent comment cette nouvelle économie est perçue par les Adrarois et comment ceux-ci se l’approprient.
Tourisme « solidaire » et implantation locale d’une nouvelle économie
Quand les réseaux du tourisme et du développement se rejoignent
19 Les produits « désert », qui doivent se calquer sur la représentation qu’ont les touristes du Sahara, supposent une certaine éthique de la part des tour-opérateurs présents sur le marché, qui doivent vendre un tourisme « respectueux » tant de l’environnement que de la culture locale, et « solidaire », autrement dit prônant une coopération entre le Nord, dont sont originaires les touristes, sous-entendu riche et prospère, et le Sud, souvent présenté en Occident comme exsangue. Ainsi, la majorité des tour-opérateurs qui travaillent en Mauritanie fait-elle figurer dans ses catalogues des encarts expliquant aux clients comment ils peuvent préserver le « pays » visité de leur présence et vend ses produits comme bénéficiant directement au développement local.
20 Si certaines de ces initiatives qualifiées de « solidaires » ? d’ailleurs largement relayées par les médias en Occident –, notamment celles consistant à former des professionnels du tourisme, paraissent parfois guidées par une bonne volonté, il n’en demeure pas moins qu’elles participent de l’ « habillage » de produits destinés à une clientèle acquise à la cause du « tourisme responsable » et relèvent généralement plus de logiques de charité que de démarches mûries. Il y a donc bien un marché pour ce tourisme-développement, avec des logiques commerciales propres. Le sujet donne d’ailleurs lieu à des débats animés entre les différents tour-opérateurs présents sur ce marché : certains se sont regroupés dans l’association ATR « Agir pour un Tourisme Responsable » [13], auxquels d’autres reprochent de trop exploiter le filon « solidaire » à des fins commerciales [14]. La concurrence entre tour-opérateurs ne se joue donc pas seulement sur le terrain des prix et de la variété des produits proposés, mais aussi sur l’ « engagement humanitaire » affiché, le nombre de projets mis en œuvre (écoles construites, motopompes fournies, etc.).
21 Cet « intérêt » affiché des tour-opérateurs français pour le développement socio-économique de l’Adrar semble actuellement converger avec l’intérêt croissant des développeurs (ONG, institutions internationales, associations, coopérations bilatérales) pour le tourisme, visiblement séduits par la rapidité de greffe de ce secteur économique dans les pays du Sud. L’UNESCO [15] n’hésite plus à proposer des programmes d’action articulant tourisme et valorisation du patrimoine dans une optique de lutte contre la pauvreté au Sahara. L’Agence française de Développement s’apprête à financer un programme destiné à renforcer les capacités commerciales de la Mauritanie en appuyant les opérateurs du tourisme dans la mise en œuvre d’un écotourisme et dans la formation de guides. Mais c’est Chinguetti, site le plus visité en Adrar, qui semble le meilleur exemple de l’intérêt des développeurs pour le tourisme : parmi les nombreux projets humanitaires et/ou de développement dont la ville fait l’objet depuis quelques années, l’Union Européenne mène un programme d’appui à la commune, dont plusieurs axes visent explicitement à favoriser le développement du tourisme dans la capitale culturelle du pays. Or, alors que le « projet » touche à sa fin, non seulement certaines réalisations tardent encore, mais surtout la pérennité des quelques actions entreprises n’est pas assurée et l’environnement de la ville se dégrade toujours plus vite.
22 Derrière ces initiatives convergentes, relayées par des discours centrés essentiellement sur la génération de revenus locaux au détriment des effets négatifs potentiels sur la société, d’autres réalités, cette fois éloignées de cette « philosophie solidaire », existent. La concurrence très rude que se livrent les tour-opérateurs du marché se traduit par des exigences toujours accrues de leur part vis-à-vis des agences réceptives locales, en matière de coût des prestations. Ceci se traduit chaque année par une pression accrue sur les rémunérations des opérateurs locaux, déjà maintenues à des taux très bas, et par la paupérisation voire la disparition de petits acteurs qui ne peuvent descendre le prix de leurs prestations au dessous d’un certain seuil de survie. On assiste inévitablement à une baisse de la qualité des prestations locales, qui porte déjà atteinte à la « santé » (fragile) de la destination. Certains responsables d’agences locales commencent à dénoncer le fossé entre le discours bien huilé et « éthique » des tour-opérateurs, en matière de tourisme solidaire et durable, et le peu de cas que font certains tour-opérateurs des conditions de vie et de travail des opérateurs locaux. Au point que certains professionnels mauritaniens parlent, au sujet de la situation actuelle du secteur, de « tourisme jetable » (un responsable d’agence réceptive, Nouakchott, 2/11/2005), en référence aux discours occidentaux sur le « tourisme durable ».
23 Derrière ces derniers, qui reprennent des concepts alternatifs très à la mode, se dissimulent des pratiques qui sont tout simplement celles d’un marché très concurrentiel, dont la localisation au Sud laisse aux acteurs du Nord les libertés décisionnelles.
Perceptions locales de la ressource touristique et partenariats
24 Dans cette région aux ressources extrêmement limitées, où les habitants sont contraints depuis des siècles à lutter pour leur survie, par l’élevage, la phéniciculture et le commerce, le tourisme naissant n’a pas tardé à être accepté et perçu localement comme une nouvelle ressource. Or, profiter de celle-ci nécessite, de la part des Adrarois, d’intégrer des réseaux d’opérateurs, locaux et/ou étrangers, afin, d’une part, de proposer une offre adaptée à la demande, d’autre part, de capter des clients pour leurs produits ou prestations. Bref, cela passe par une « […] capacité des acteurs indigènes à localiser les processus globaux, en s’emparant du tourisme pour le mettre au service de leurs propres objectifs » [Picard, 2001, p. 122].
25 Un aubergiste doit se faire connaître auprès des agences réceptives locales pour qu’elles lui « envoient » des clients, un bédouin souhaitant être employé comme chamelier doit également se signaler auprès d’une de ces agences, une vendeuse d’artisanat a intérêt à nouer des liens avec des guides de différentes sociétés si elle souhaite que ceux-ci fassent passer leurs groupes devant son échoppe ou sa tente d’exposition, etc. Pour les responsables d’agences, profiter de la manne touristique consiste à gagner la confiance d’un tour-opérateur français représentant un bon potentiel de clients. Quant aux guides, nous ne reviendrons pas sur l’importance de leur « carnet d’adresse », constitué lors des circuits. Enfin, les tour-opérateurs français doivent eux aussi nouer un certain nombre de partenariats avec des locaux pour mener à bien leurs projets.
26 Cette notion de « partenariat » nous semble, par conséquent, tout à fait centrale pour comprendre les processus locaux de mise en réseaux des acteurs. Ces partenariats sont de différents types. Il y a d’abord ceux scellés entre les agences réceptives locales (tenues par des Français ou des Mauritaniens) et un ou plusieurs tour-opérateurs étrangers. Il y a des partenariats entre acteurs locaux, par exemple un (e) chef d’entreprise français (e) et un associé mauritanien, ou deux partenaires mauritaniens. Il y a enfin des partenariats plus informels entre des opérateurs locaux (petites agences, guides indépendants) et des partenaires en France (particuliers, associations, communes, etc.).
27 Les partenariats économiques transnationaux s’appuient souvent sur des liens d’amitié ou des expériences professionnelles communes, mais aussi sur des mariages. Quelques Françaises, associées à leur époux mauritanien, jouent ainsi un rôle de premier plan dans le tourisme en Mauritanie, à la tête d’agences réceptives et/ou d’auberges. De même, certains guides mauritaniens, aujourd’hui domiciliés en France et mariés à des Françaises rencontrées soit en Adrar, dans le cadre de circuits, soit en France, lors de visites d’amitié ou de tournées de promotion, organisent depuis la France des voyages en Mauritanie pour des groupes de particuliers, des associations ou des comités d’entreprises. Ils sont très présents en Adrar au moment de la saison touristique. Ces alliances matrimoniales peuvent donc éventuellement servir d’appui à des alliances ou partenariats économiques, les Français (es) installé (e) s en Mauritanie ne pouvant généralement pas se passer d’un associé mauritanien de confiance, et les Mauritaniens qui souhaitent réussir dans le tourisme pensant qu’ils ne peuvent se passer d’un partenaire, « proche » ou lointain, français.
28 Le tourisme apparaît donc localement comme une « ressource », complexe car dépendante de décideurs français, et dont la captation génère des alliances de toutes natures entre partenaires étrangers.
Assimilation locale de cette nouvelle économie et de ses acteurs
29 L’économie du tourisme organisé s’implante en Adrar après deux décennies de baisse des relations entre Adrarois et Français (1975-1995) notamment du fait de la nationalisation de la MIFERMA, devenue SNIM en 1974 [Bonte, 2001], et du retrait de la Mauritanie du conflit du Sahara Occidental en 1978, suivi immédiatement par l’arrivée au pouvoir de militaires nationalistes arabes. Différents éléments ont joué en faveur de la reprise des relations : le désenclavement de la région par l’organisation de vols charters depuis la France, l’achèvement de la route Atar-Nouakchott, l’installation d’une Alliance franco-mauritanienne à Atar et surtout le « retour » du français dans l’enseignement. Pour les locaux, il y a néanmoins une sorte de continuité de la présence des Nçâra chez eux, même s’ils font bien la différence entre les administrateurs et miliaires de la période coloniale (1909-1960), qui passaient souvent plusieurs années sur place et, pour certains, se « bidanisaient » [16] (se mariant avec une Mauresque, adoptant le mode de vie local, parfois le vêtement et assimilant le dialecte arabe des Maures), et les touristes, qui ne sont jamais que de passage mais dont la présence ininterrompue entre octobre et avril fait d’eux une sorte de personnage « familier », nouvelle figure du Nazaréen à la fois mobile et furtive.
30 L’implantation de cette nouvelle activité en Adrar s’est traduite par l’émergence de nouvelles figures locales, des personnages qui ont rapidement réussi dans le secteur. Le meilleur exemple en est sans doute cet homme de Chinguetti qui s’est lancé, dès le début des années 1980, tandis qu’il était encore lycéen, dans la réception de petits groupes de touristes (alors que travailler avec les Nazaréens était encore très mal vu à l’époque), a monté la deuxième auberge de la ville en 1985 (elle en compte aujourd’hui une quarantaine), a ensuite gagné la confiance d’un important tour-opérateur français du tourisme de désert, puis a constitué son propre troupeau de chameaux pour ses activités, et enfin a ouvert trois autres auberges dans des sites touristiques importants. Cet homme, symbole unanime de la réussite d’un « local » parti de rien, a pu contracter un mariage avec la fille d’une des familles les plus nobles de la ville, « événement » impensable sans cette réussite économique spectaculaire. Nous pourrions prendre d’autres exemples d’individus qui ont pris, grâce au tourisme, une nouvelle place dans leur localité, défiant les « lois » de la tradition. Les opérateurs français travaillant en Adrar peuvent également devenir des « figures » locales, des familiers qui sont connus par leur prénom, et dont la réussite séduit ou incommode. Enfin, certains guides travaillant depuis plusieurs années dans le secteur, dont beaucoup ne sont pas originaires de l’Adrar, font désormais figures de personnalités locales.
31 Les guides constituent à vrai dire des symboles de réussite sociale aux yeux de nombreux jeunes sans diplôme de la région, qui s’engagent dans le secteur en tant que cuisiniers, chauffeurs ou chameliers, espérant réussir économiquement par ce biais. Ces jeunes, âgés de 18 à 28 ans (les guides ont pour leur part entre 28 et 40 ans), se connaissent très bien et entretiennent des liens d’amitié et de solidarité assez forts. Ces sociabilités professionnelles, auxquelles il faut parfois ajouter de véritables cultures d’agence, comme à la SOMASERT qui comptait 40 guides [17] et au moins autant de cuisiniers jusqu’en 2005, viennent se plaquer sur les sociabilités locales « traditionnelles » (familiales, tribales, générationnelles).
32 Ces nouvelles personnalités locales ainsi que ces nouveaux réseaux et formes de sociabilité sont assez bien assimilés par les populations locales, bédouines ou citadines, qui essaient de tirer parti de cette nouvelle activité, en montant une petite auberge ou, plus modestement, en vendant de l’artisanat. Dans cette société où les informations circulent très vite, les familles adraroises repèrent aisément l’identité des différents protagonistes qui sont amenés à circuler sur leur territoire : elles savent par exemple que tel guide, originaire de telle région ou de telle tribu, travaille pour tel tour-opérateur, dont elles ont retenu le nom, et entretient tel type de lien avec son cuisinier (grand frère, oncle, cousin, ami, etc.). De même qu’elles assimilent très vite les itinéraires privilégiés par les guides. Si le tourisme a permis à certains locaux de « réussir » économiquement, il en a également déçu d’autres qui n’ont pu gagner la confiance des agences, locales ou étrangères, souvent par difficulté à intégrer un réseau de partenaires. La plupart des opérateurs locaux attendent un « décollage » de l’activité dans les prochaines années, espoir néanmoins refroidi par une baisse de la fréquentation lors de la saison 2004-2005 et une stagnation en 2005-2006.
33 Comme nous allons le voir à présent, si la majorité des Adrarois considère que le tourisme a amélioré l’économie de la région, ce succès extrêmement fragile cache des problèmes qui pourraient rapidement annihiler les premiers bénéfices générés.
Reformulations sociales et identitaires
Discours locaux sur les effets du tourisme
34 Le discours des Adrarois sur la question des impacts du tourisme varie selon leur degré d’implication dans le secteur, mais généralement ils considèrent que cette nouvelle activité est très positive du fait des revenus et de la dynamique économique qu’elle a générés, et considèrent la question des risques encourus comme hors de propos. Dans certaines localités isolées du désert, comme El-cAgeyla, située à trois heures de marche de Chinguetti, les touristes sont considérés comme une ressource à part entière et sont chaque année attendus en plus grand nombre.
35 Les familles rurales, semi-nomades ou sédentaires, qui vivent près des itinéraires de passage des touristes et qui essaient de profiter de cette activité en vendant de l’artisanat, voient le tourisme d’un très bon œil. Notons que ce sont uniquement les femmes qui viennent commercer avec les Nazaréens, à proximité des sites de bivouac.
36 En ville, comme à Chinguetti, les avis sont un peu plus partagés. De manière générale, les jeunes (de moins de 35 ans) sont très favorables à cette activité et voient en elle un moyen de réussir, même si certains petits acteurs du secteur (cuisiniers, chauffeurs, chameliers) sont déçus de l’actuelle stagnation du volume de touristes et aussi du bas niveau des salaires qu’ils perçoivent. Les femmes sont plus favorables à cette activité que les hommes car elles y trouvent des revenus de complément et pensent qu’elle pourra à l’avenir générer des emplois locaux pour leurs enfants. Pour l’une d’entre elles, « le tourisme ne gâte rien si l’on sait se prémunir de ses dangers » (Chinguetti, octobre 2005). Tandis que les hommes, dont beaucoup travaillent dans les grandes villes, et en particulier les anciens, voient d’un mauvais œil les contacts des femmes et des enfants avec les étrangers, qui plus est non musulmans, ainsi que le fait que les touristes circulent non loin de la mosquée, lieu sacré interdit à la visite.
37 Paradoxalement, les personnes qui dénoncent le plus les méfaits du tourisme ou qui prônent un tourisme plus durable, se conformant là aux discours en vogue en Occident, sont souvent celles qui, aujourd’hui, vivent grâce à cette activité. Voici par exemple les propos du responsable d’une des bibliothèques de Chinguetti :
J’ai beaucoup de craintes sur l’avenir de Chinguetti dans le contexte touristique. En 1994, il n’y avait qu’une seule auberge ici, aujourd’hui il y en a au moins une trentaine. La nappe phréatique est menacée. Et puis, ne va-t-on pas aller de plus en plus vers un tourisme de masse ? Les mœurs des femmes et des enfants sont affectés. Il y a quelques années encore, même les enfants, qui courent aujourd’hui après les touristes, fuyaient les étrangers. À présent, certaines femmes vont jusqu’à serrer la main de touristes et les enfants n’ont plus qu’un mot à la bouche : « caddo ». Pourtant, c’est évident qu’économiquement ça rapporte. Mais l’environnement de la ville se détériore. Je vois aujourd’hui des boîtes de conserve dans les rues de Chinguetti, que je n’avais jamais vues auparavant, même pas à Nouakchott. Ce qui signifie que l’on importe des conserves de l’étranger spécifiquement pour les touristes qui visitent l’Adrar. On ne sait plus comment gérer ces déchets croissants. Nous sommes en train de perdre notre authenticité alors que c’est précisément ce que viennent chercher les touristes chez nous. Ils ne veulent pas de climatisation dans les auberges, ni de téléphones satellitaires, ni de la nourriture qu’ils trouvent chez eux (Chinguetti, 1/10/2005).
39 Le tourisme est certes perçu comme une ressource « bonne » à exploiter, mais une ressource fragile qu’il faut préserver en se préservant, c’est là le paradoxe bien connu du tourisme culturel : continuer à attirer des étrangers dans sa localité ou sa région tout en se protégeant des effets négatifs du tourisme. Par ailleurs, derrière ce témoignage qui met l’accent sur le péril écologique et la perte d’authenticité, se dissimule le sentiment de perte, au contact de touristes non musulmans, d’un certain nombre de valeurs et d’usages sur lesquels reposaient la vie sociale des habitants de Chinguetti.
Changement du rapport social au temps et à l’espace
40 La « saison du tourisme », qui s’étale de fin octobre à fin avril, a été rapidement intégrée par les Adrarois dans le temps local, trouvant même une certaine complémentarité avec la saison chaude qui correspond à la période faste et festive de la cure de dattes (geytna), et qui voit de nombreuses familles originaires de l’Adrar venir passer quelques jours ou semaines dans les palmeraies. Certains opérateurs, comme les loueurs de véhicules tout-terrain, travaillent à peu près autant lors de ces deux saisons. Les Adrarois, et les familles rurales en particulier, ont également parfaitement assimilé la durée des différents circuits et les jours et horaires de passage des groupes dans leur localité. Ils ont en outre fait leurs les variations de fréquentation qui peuvent se produire au cours d’une même saison : les Nazaréens viennent en plus grand nombre durant les vacances scolaires de février et d’avril que lors des autres mois.
41 Espace survalorisé par le tourisme en Adrar, le paysage désertique, et notamment le paysage de dunes dépourvues de végétation, semble prendre une autre valeur pour les habitants de cette région. Alors que ces espaces sont traditionnellement considérés comme des espaces extérieurs dangereux, ils sont aujourd’hui vus comme des espaces « utiles » car parcourus par des hommes, en l’occurrence des groupes de touristes accompagnés par des Mauritaniens. Dans la culture bédouine, qui distingue les espaces « vides » (khle) ou « immensité » (usac) et néfastes, et les espaces habités et humanisés (bâdiya), l’espace devient en effet « utile » dès lors qu’il est parcouru, par le cheptel et/ou par des hommes (Boulay, 2003).
42 Mais tout en reconsidérant cet espace « vide », les familles qui vivent dans le désert ne cachent pas leur étonnement et leur incompréhension devant ces non musulmans, certes « enchéchés », mais qui marchent en plein soleil dans des espaces dénués de végétation, où eux-mêmes, locaux, ne s’aventureraient qu’avec une raison bien précise (comme la recherche d’une bête égarée). Il faut parfois la médiation du guide pour leur expliquer que les touristes « cherchent ce qu’ils n’ont pas chez eux », qu’ils veulent découvrir des « paysages inconnus » et se « dépayser » [18]. Il explique également, qu’au moment de la saison touristique en Adrar c’est le plein hiver en France, où il fait froid et gris, et que les touristes prennent du plaisir à marcher en plein soleil, quitte à avoir « la peau qui rougit », ce qui étonne toujours les autochtones, qui au contraire valorisent la blancheur de la peau.
43 Les chameliers employés pour la logistique des « randonnées chamelières » ont dû reconsidérer, au moins le temps du circuit, leurs habitudes de bivouac, comme l’explique le directeur mauritanien d’une des premières agences réceptives de l’Adrar :
Avant 1985, j’ai commencé à encourager certaines familles de chameliers à travailler avec moi, de temps en temps. C’étaient des familles en qui nous avions toute confiance. Mais dans les premières années, les chameliers et les guides ne comprenaient pas les attentes des touristes. Par exemple, ils installaient les bivouacs dans les fonds d’oueds, près des arbres, plutôt que dans les zones de dunes prisées et demandées par les touristes. J’ai eu beaucoup de mal à les convaincre que les touristes recherchaient avant tout les dunes de sable et qu’il fallait absolument répondre à leurs attentes. Et puis, petit à petit, ils se sont adaptés, comprenant que cette activité pouvait être source de revenus (Nouakchott, 21/9/2005).
45 Néanmoins, le fait que les familles vivant dans les zones parcourues par les petits groupes de touristes soient amenées à repenser leur rapport au désert qui les entoure comme « bon » pour le tourisme, n’autorise aucunement à penser qu’il devient « bon » pour eux aussi.
Patrimoine mondial, patrimoine local et identité « autochtone »
46 En ville, et à Chinguetti notamment, la terre fait également l’objet d’un mouvement de revalorisation de la part des familles originaires de la ville, entraîné par sa mise en tourisme, traduisant à la fois une course à la spéculation foncière et un attachement à l’héritage légué par les ancêtres :
De nombreuses familles originaires de cette cité, mais qui étaient parties depuis plusieurs années voire plusieurs décennies à Nouakchott ou Nouadhibou, sont en train de revenir y habiter ou restaurent la maison familiale pour la louer à un aubergiste ou à un projet financé par des Occidentaux (CEE, Coopération espagnole ou autre), ou encore placent leurs économies dans des terrains dont les prix ne cessent, actuellement, d’augmenter » (un instituteur, Chinguetti, 30/9/2005).
48 La mise en valeur de la ville, classée sur la liste du Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO en 1996 (année du premier vol charter sur Atar ! ), qui toutefois peine aujourd’hui à concrétiser les discours des institutions de protection du patrimoine (État mauritanien, ONG, institutions internationales, …), notamment en matière de conservation des architectures de la vieille ville et des collections familiales de manuscrits, a pour corollaire direct la revalorisation, par des familles de Chinguetti, de la terre et, secondairement, du bâti existant [19], dans la cité et sa périphérie. Selon une Française qui a créé une agence réceptive ici, avec un associé mauritanien :
Les habitants commencent à revaloriser leurs terrains dans la batha [lit de l’oued], à replanter des palmiers dans des terrains pour leur donner de la valeur. Certains préfèrent y faire des jardins. Mais rien de comparable avec Ouadane, qui compte de nombreux jardins et qui produit d’importantes quantités de légumes. Le prix de la terre, des maisons et des loyers a fortement augmenté ces derniers temps. On m’a récemment demandé un loyer de 60 000 UM pour une simple maison dans laquelle je comptais loger mes employés, ce qui est énorme comparé aux prix pratiqués à Nouakchott. Je sais par ailleurs que des hommes se sont récemment réunis pour inciter les habitants à ne pas vendre leurs terres aux Nazaréens. Mais je t’assure que lorsque les Maures veulent de l’argent, ils vendent sans problème (Chinguetti, l/10/2005).
50 Cette responsable d’agence, qui a commencé à travailler en Mauritanie en 1997, est aujourd’hui propriétaire de deux ou trois grands terrains bâtis dans l’oued Chinguetti, dont un est actuellement utilisé comme auberge. D’autres « étrangers » achètent des maisons soit dans la vieille ville, soit dans la « ville nouvelle ». L’un d’entre eux, directeur d’agence réceptive, est en train de bâtir une « maison d’hôtes » avec une terrasse panoramique qui permettra à quelques touristes d’admirer la vieille ville ! La tendance chez ces nouveaux propriétaires est de bâtir une première structure en parpaings et ciment, puis de la recouvrir d’un parement de pierres qui ne laisse pas voir la première structure de l’extérieur. Ces nouvelles techniques et architectures ont un impact sur les techniques locales de construction et l’esthétique des maisons.
51 Ce phénomène récent d’achats de terrains par des étrangers non musulmans commence à soulever chez les anciens de la ville certaines craintes, évoquées par la responsable d’agence française (mais plus comme une contrainte sur son entreprise personnelle), ainsi que par un instituteur :
Les vieux ne sont pas pour la vente de terrains ou de maisons à des Nçâra, ça ne leur plaît pas. Ils se sont opposés à certaines ventes de maisons dans la vieille ville, et ont eu gain de cause pour une maison qui jouxtait la mosquée (Chinguetti, 30/9/2005).
53 Les effets de la mise en tourisme et en patrimoine de la ville commencent à être craints, dénoncés et combattus par l’autorité morale de la ville, l’assemblée des anciens, au titre d’une identité autochtone largement fondée sur le prestige religieux de la cité et sur l’appartenance aux deux tribus maraboutiques qui se partagent le pouvoir politique à Chinguetti depuis des siècles. Cette démarche est donc le reflet d’une crainte plus générale pour l’intégrité de l’identité locale, pour laquelle les anciens considèrent, aujourd’hui, que les Nazaréens qui achètent des terrains et profitent le plus de l’économie touristique locale sont une menace.
54 Mais la « menace » extérieure n’est pas seulement le fait d’étrangers, elle peut également émaner d’acteurs mauritaniens comme l’illustre l’affaire de l’installation, par l’opérateur de téléphonie MAURITEL, d’un pylône de télécommunications en plein cœur de la vieille ville caravanière de Ouadane, elle aussi classée sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1996. Ce fait récent (hiver 2005) a provoqué une levée de boucliers de la part d’un groupe de cadres originaires de cette ville, qui a publié dans la presse nationale un texte collectif exprimant l’incompréhension et l’écœurement des habitants de la ville :
Leur désabusement ne s’explique pas seulement par les rapports affectifs qui les lient à la ville de leurs ancêtres, mais également par les retombées négatives que pourrait engendrer sur leurs activités l’installation d’un outil de technologie moderne peu discret. Le patrimoine culturel est, en effet, l’une des principales sources de revenus des habitants grâce aux apports de l’activité touristique qui connaît un essor constant depuis la dernière décennie (Nouakchott Info, n° 884, 25/11/2005).
56 Même si les Mauritaniens n’en sont pas (encore) venus, comme les Balinais, à « prendre l’image de leur produit touristique pour marque identitaire de leurs productions culturelles » (Picard, 2001, p. 118), ils commencent à utiliser leur « patrimoine », labellisé par une instance internationale reconnue et valorisé par dix ans de tourisme organisé, pour défendre leurs intérêts économiques locaux face à l’extérieur. Il y a encore quelques années, ce pylône n’aurait-il pas au contraire été perçu comme un signe prestigieux de modernité et parfaitement accepté voire valorisé par ces mêmes cadres ? Le tourisme, ainsi que la valorisation voire la marchandisation du patrimoine desquelles il procède, sont bien dans ce cas de puissants facteurs de reformulation de l’identité autochtone et des armes privilégiées pour sa défense.
57 Pour conclure, rappelons que ce tourisme de désert se traduit avant tout par la rencontre de deux cultures, à la fois fort distinctes et présentant une sorte d’histoire commune. Dans cette rencontre, qui s’opère à l’aéroport puis dans le cadre du circuit dans le désert, le guide est à l’interface du réseau des opérateurs et des groupes de touristes et, en tant que tel, il joue un rôle clé dans la « fabrication » de relations sociales et culturelles entre autochtones et allochtones, qui pourront déboucher sur des réseaux d’ « amitié » translocaux. En outre, il s’agit d’un tourisme surinvesti d’une idéologie « solidaire », qui cache mal une économie concurrentielle, dictée depuis la France, ayant certes permis à certains personnages locaux de « réussir » et de gagner un statut social supérieur à celui qu’ils détenaient, mais qui s’avère finalement peu favorable à un développement économique équilibré de l’Adrar. Le tourisme est assimilé localement à une ressource parmi d’autres, qu’il faut exploiter au présent, si possible en constituant des partenariats avec des étrangers. Cette nouvelle activité a encouragé les Adrarois à reconsidérer les saisons « creuses » de l’année et les espaces « vides » en temps et espaces « utiles ». Elle leur a enfin fait prendre conscience de la valeur marchande de leur « patrimoine », un concept lui aussi exogène et employé depuis peu en Mauritanie, et de son importance dans l’affirmation et la défense de l’identité locale.
58 Aujourd’hui, la destination montre des signes d’essoufflement, dix ans seulement après son lancement. Comme l’explique F. Michel « le tourisme dit “culturel” meurt pour la même raison qu’il existe : la quête incessante de la diversité culturelle » (2002, p. 480). Outre l’effet de mode qui s’altère, il semble que la Mauritanie fasse surtout les frais de stratégies commerciales décidées par des affréteurs et des tour-opérateurs français influents, brisant d’un coup la dynamique suivie par un ensemble de petits acteurs locaux. Mais pour les Adrarois, toute ressource est éphémère et substituable, et les gisements de pétrole onshore récemment découverts pourraient bien à l’avenir remplacer les groupes de touristes. [20]
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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- URBAIN J.-D. [2002], L’idiot du voyage, Histoires de touristes, Paris, Petite bibliothèque Payot, 354 p.
- WARNIER J.-P. [1996], « Introduction. Les processus et procédures d’authentification de la culture matérielle », p. 9-38, in J.-P. Warnier, C. Rosselin (éd.), Authentifier la marchandise. Anthropologie critique de la quête d’authenticité, Paris, L’Harmattan, 261 p.
Mots-clés éditeurs : développement, Tourisme, randonnée, changement, patrimoine, désert, identité, partenariat, circulation, réseau
Mise en ligne 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.040.0063Notes
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[1]
Chercheur associé au Muséum national d’Histoire naturelle et chargé de cours à l’Université de Nouakchott – boulay@univ-nkc.mr.
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[1]
Un deuxième avion charter sera affrété par la société Go Voyages à partir de la saison touristique 2002-2003.
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[2]
La SOMASERT est une filiale de la Société Nationale d’Industrie Minière (SNIM), qui exploite les gisements de minerai de fer, dans la région de Zouérate, limitrophe de l’Adrar au nord. Cette agence réceptive, qui captait jusqu’en 2004 environ la moitié du volume total de touristes venant séjourner en Adrar, a appuyé financièrement et logistiquement nos recherches de terrain en 2005.
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[3]
Selon les premiers chiffres de l’aéroport d’Atar, moins de 11 000 touristes ont emprunté ces avions en 2005-2006. Notons toutefois que certains groupes venant en Adrar empruntent des lignes régulières et « transitent » par l’aéroport de Nouakchott.
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[4]
C’est par ce mot tiré du Coran que les Maures appellent les Français, depuis le début de la colonisation du pays (1900), et plus généralement aujourd’hui les étrangers occidentaux, en référence à leur religion chrétienne présumée et à leur culture.
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[5]
Les « agences réceptives », appelées plus familièrement « réceptifs », désignent dans le vocabulaire des professionnels du tourisme des entreprises locales chargées par des tour-opérateurs étrangers d’organiser, de gérer et de mettre en œuvre le séjour des clients, depuis leur sortie de l’avion jusqu’à leur départ. Actuellement, le marché du tourisme en Adrar est entre les mains de moins d’une quinzaine de tour-opérateurs, qui travaillent avec une dizaine d’importantes agences réceptives locales, dont certaines sont dirigées par des Français, les « miettes » du marché étant disputées par de petites structures, tant en Europe qu’en Mauritanie.
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[6]
Il s’agit plus précisément de groupes d’individus, car généralement les trois chameliers se connaissent, et souvent sont des parents proches, le guide et le cuisinier aussi. C’est souvent le cas également de certains touristes, qui viennent en petits groupes de trois ou quatre personnes (parents ou amis).
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[7]
Il existe des différences socio-culturelles marquées entre les chameliers, qui sont des bédouins, et les guides et cuisiniers, qui sont de culture citadine, comme il existe des différences entre les origines des touristes, même si on retrouve toujours les mêmes milieux socio-professionnels représentés : enseignants, cadres supérieurs d’entreprises, professions libérales [Boulay, 2006].
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[8]
Outre le voyage en France, il existe deux autres signes extérieurs de réussite : le mariage avec une Française, connue généralement lors d’un circuit, et la possession d’une Mercedes 190, véhicule actuellement très recherché par les Mauritaniens pour le prestige de sa marque et sa légendaire solidité. « Le guide “trois étoiles” est celui qui parvient à atteindre ces trois objets convoités », nous expliquait dernièrement, amusé, un directeur mauritanien d’agence réceptive (entretien réalisé à Nouakchott, le 20/12/2005). Ces trois signes extérieurs permettent aux guides d’évaluer leurs réussites respectives.
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[9]
Seul un événement de ce type, tranche d’histoire locale artificiellement construite par un groupe d’acteurs, pouvait momentanément faire se retrouver les éléments d’un même réseau (touristes, tour-opérateur, guides) car, par définition « le réseau […] assure peu et exige peu ; il préfère la souplesse à la rigueur ; loin d’imposer l’exclusivité, il trouve son compte aux appartenances multiples et à la mobilité » [Offner, Pumain, 1996, p. 169].
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[10]
Pour appréhender et comprendre certaines situations de l’intérieur, il est parfois nécessaire que « l’ethnologue participe au processus de valorisation du patrimoine culturel » [Le Menestrel, 2002, p. 466].
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[11]
C’est au cours des semaines qui suivent la fin de la saison touristique que les contrats entre les tour-opérateurs et les agences réceptives sont, chaque année, renégociés.
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[12]
Voir à ce sujet Urbain [2002].
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[13]
Charte ATR : www.tourisme-responsable.org.
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[14]
Maurice Freund, Président du Point-Afrique, à propos de ses concurrents : « […] pour se donner bonne conscience ou par hypocrisie ou pour apparaître en donneurs de leçon en matière de tourisme certains masquent leur finalité sous des appellations (comment disent-ils déjà ?) responsable, éthique, écologique, durable, vrai et même de développement parfois… qui sont très tendance ! », p. 3, in catalogue Point-Afrique, Voyages, 2004-2005. Pourtant, ce même catalogue consacre une page entière (p. 55) à ses « réalisations » en Afrique.
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[15]
Programme intitulé : « Le Sahara des cultures et des peuples. Vers une stratégie pour un développement durable du tourisme au Sahara dans une perspective de lutte contre la pauvreté » (www.unesco.org).
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[16]
Les « Maures », dénomination coloniale, se nomment collectivement Bidân, « Blancs ».
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[17]
Beaucoup de guides de la SOMASERT, ont un père ou un oncle retraité de la SNIM, et ont grandi dans l’environnement de cette société, à Zouérate, Nouadhibou, Atar ou encore Akjoujt, en assimilant la culture particulière [Bonte, 2001].
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[18]
Le guide joue en effet le rôle très important d’interprète dans les deux sens, des allochtones vers les autochtones, mais aussi des autochtones vers les allochtones.
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[19]
Mais plutôt que restaurer, les familles préfèrent reconstruire leur maison plus loin, suivant en cela la tradition locale qui accorde assez peu d’importance (sauf dans la thématique poétique de la nostalgie) au reste, à la ruine, au vestige, qui passent dans le domaine du « vide » et de ses « habitants », les djinns.
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[20]
Je remercie amicalement Marie-Luce Gélard, Véronique Pardo et Cécile Mozziconacci de leurs remarques et suggestions de corrections sur ce texte.