Autrepart 2006/3 n° 39

Couverture de AUTR_039

Article de revue

Aménager la lagune de Tunis : un modèle d'urbanisme et de développement durable ?

Pages 129 à 146

Notes

  • [*]
    Géographe, CNRS UMR 6590 Espaces et Sociétés – Cestan, Chemin de la Censive du Tertre, 44300 Nantes pierre-arnaud.barthel@univ-nantes.fr
  • [1]
    Nous empruntons ici cette expression à Rachel Rodrigues-Malta que nous remercions pour ses relectures.
  • [2]
    La reconquête des waterfronts a été tout d’abord inaugurée aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon (Chaline, 1994 ; Vermeersch, 1998). Les travaux de R. Rodrigues-Malta ont ensuite élargi la réflexion à l’Europe du Sud : l’idée d’une spécificité sud-européenne est soulignée au regard des expériences de grands projets urbains menées dans les années 1990 entre autres à Marseille (Bertoncello, Rodrigues-Malta, 2001), Barcelone (Rodrigues-Malta, 1999) et Naples (Rodrigues-Malta, 2001).
  • [3]
    On pense aux fronts d’eau à Alger, Tunis, Le Caire, Casablanca, Beyrouth, Alexandrie, ou même Dubaï.
  • [4]
    À Tunis ou à Beyrouth, les États favorisent la création de remblais, sur la base desquels la ville se « fabrique ». Ces espaces servent à la constitution de lotissements polyfonctionnels en cours de réalisation. Dans la capitale du Liban, le projet de reconstruction du centre-ville par la société Solidere développe sur une surface de 186 ha dont 66 en remblai, 4,69 millions de m2 commercialisés à travers des programmes qui traduisent la volonté de faire du centre-ville le moteur de l’intégration de la ville et du Liban à l’économie mondiale. Les projets de remblai au nord de l’hypercentre beyrouthin (deux ensembles de 100 et 240 ha) cherchent à développer un nouveau front de mer, avec une orientation touristique et résidentielle de luxe, sur un secteur d’entrée de ville stratégique (Huybrechts, Verdeil, 2000 ; Verdeil, 2002).
  • [5]
    Vacuum de plus de 4 000 ha rempli d’eau marine, longue de près de 10 km et reliée à la mer par des passes, la lagune constitue à la fois une porte d’entrée de la mer sur la ville et une coupure entre ces dernières. Arabes, Ottomans, Français ont dû composer avec de telles distances et surfaces et avec si peu de profondeur (pas plus d’un demi-mètre à la fin du siècle dernier). La partition en deux (Lac Nord et Lac Sud) par une digue et un canal de navigation est un héritage du Protectorat.
  • [6]
    Pour une présentation approfondie du contexte tunisois (acteurs, historique de l’aménagement depuis l’Indépendance, outils actuels de planification stratégique et opérationnelle) : Barthel, 2006 ; Miossec, 1999.
  • [7]
    Pour la première fois de son histoire, investissait dans le secteur des infrastructures et des services d’assainissement urbain.
  • [8]
    Le groupe Al Baraka fut fondé à Jeddah en 1982. De 1982 à 1989, les banques et les compagnies d’investissement du groupe furent d’abord créées dans la plupart des pays islamiques. Le groupe réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de près de 8 milliards de dollars. L’empire du cheikh Kamel s’étend sur les cinq continents, y compris en Europe. Les compagnies d’investissement relèvent de secteurs économiques très divers : assurances et santé, agriculture et mines, médias et information, immobilier et tourisme, industrie et commerce.
  • [9]
    Les actionnaires principaux de la SEPTS sont l’Agence Foncière de l’Habitat, la Société Nationale Immobilière de Tunisie, la Société Générale d’Entreprise de Matériel et de Travaux, la Banque de l’Habitat, la Société de Promotion des Logements Sociaux, l’Agence Foncière Touristique et l’Office National d’Assainissement.
  • [10]
    L’État tunisien négocia avec cette dernière un prêt bonifié de 52 millions de dinars, à un taux d’intérêt bas (1,99 %), à rembourser sur quatorze ans, avec quatre ans de durée de grâce.
  • [11]
    Le remboursement de ce crédit de l’État belge donne lieu à des arrangements entre les deux États : la Tunisie s’est engagée à acheter des produits à la Belgique, et à donner des possibilités aux Belges de venir investir sur des projets rentables. Un crédit public est différent d’un crédit acheteur (privé) qui oblige l’État tunisien à rembourser l’argent avec des intérêts.
  • [12]
    Les deux écologues J. Aranson et E. Le Floc’h distinguent trois modèles d’intervention écologique sur des milieux dégradés : la restauration écologique qui consiste en une modification légère du milieu suite à une crise ; la réhabilitation écologique qui se traduit par une action plus poussée sur le milieu lorsqu’il est plus abîmé ; enfin passé un seuil d’irréversibilité, la reconstitution écologique s’impose par une recréation du milieu (Aranson, Le Floc’h, 1995).
  • [13]
    Le Lac Nord avait initialement (avant les travaux de « restauration ») une superficie de 3 000 ha.
  • [14]
    Parmi les actions réalisées sur le milieu : la création d’une circulation hydraulique pour assurer le renouvellement complet des eaux en 5 jours, l’approfondissement du fond à environ – 2 m, le remblaiement des parties peu profondes et enclavées, la création de nouvelles berges consolidées par des cavaliers en sable de dragage.
  • [15]
    Le stockage de ces sédiments pollués sur des portions de berges fut le résultat d’une négociation complexe en 2000. Cette solution fut préférée à l’enfouissement dans le plan d’eau (trop risqué) et à l’exportation (trop coûteuse).
  • [16]
    Les résultats de ces études montrèrent l’atténuation des facteurs d’eutrophisation, une amélioration globale de la qualité des eaux, de la diversité biologique et une meilleure dynamique des peuplements végétaux.
  • [17]
    La création d’un port dès la fondation de la ville arabe, le creusement de canaux à la Goulette pour maintenir le contact avec le grand large, la partition de la lagune par les colons français traduisent le désir à travers les siècles d’agir sur ce milieu complexe.
  • [18]
    On peut signaler entre autres la disparition des flamants roses et d’autres oiseaux rares, comme l’érismature à tête blanche ou le pluvier argenté et suppression des steppes halophiles du pied des collines des communes de Radès et de Mégrine.
  • [19]
    Il s’agit là de la plus grande concentration industrielle du pays (près de 950 établissements industriels, soit 50 % des entreprises industrielles du pays).
  • [20]
    Le Plan d’Aménagement de Détail (PAD) est un document juridique opposable au tiers. Il est l’équivalent des anciens Plans d’aménagement de zone (PAZ) en France.
  • [21]
    Dans la programmation spatiale, 291 ha sont réservés pour l’habitat, le commerce et les bureaux, 42 ha pour les équipements collectifs, 54 ha pour des zones d’activités non polluantes et 178 ha d’espaces verts.
  • [22]
    Dans sa participation au capital de la future SEM, l’État apporterait la valeur des terrains, soit près de 30 millions de dinars.
  • [23]
    Ce processus est à situer dans la continuité de l’éclatement des quartiers centraux, depuis les années 1970, en lien avec le renforcement des activités métropolitaines (Miossec, 1986 ; Chabbi, 2005).
  • [24]
    R. Rodrigues-Malta développe la notion de modèle urbanistique nourri d’une géographie décisionnelle type et de stratégies d’intervention complexes. Il intègre également l’apparition d’espaces spécifiques, une standardisation des orientations socio-économiques et la reconnaissance d’un véritable savoir-faire (Rodrigues-Malta, 1999).
  • [25]
    La programmation ne fait pas d’ailleurs pas la part belle à l’événement et à la culture. Qui plus est, le projet souffre d’un manque patent de visibilité à l’international, à l’inverse du projet Solidere de reconstruction du centre-ville à Beyrouth.
  • [26]
    Selon l’auteure, le modèle nord-américain se présente comme une somme de projets autonomes dont les formes marchandes et ludiques sont privilégiées, tandis qu’en Europe du Sud, les opérations sont en général conçues comme des projets d’ensemble dans une démarche intégrée dans le cadre d’une production urbaine flexible et stratégique.

1Si la « waterfront attitude »  [1] est bien connue dans le domaine de la requalification des ports et façades maritimes ou fluviales des métropoles des pays du Nord  [2], la recherche s’est peu intéressée à l’aménagement des fronts d’eau sur la rive sud de la Méditerranée. Il est vrai que le sujet ne s’impose pas forcément de lui-même et qu’il ne semble crédible qu’à la lumière de la décennie des années 1990. Les métropoles sud-méditerranéennes [3] sont en effet entrées dans une phase de profondes mutations urbanistiques et socio-économiques de leurs fronts d’eau liées à des dysfonctionnements comparables à ceux des pays riches (friches industrialo-portuaires à traiter et à réintégrer au centre), ou bien à des situations locales particulières (reconstruction de l’hyper-centre de Beyrouth après la guerre, dépollution devenue impérative de la lagune de Tunis). L’urbanisme au bord de l’eau dans les capitales du Monde arabe est ainsi inscrit dans cette double dynamique de reconquête (recyclage des friches, régénération urbaine), mais aussi de conquête territoriale par la construction de lotissements planifiés sur remblais [4]. Ces territoires liminaires sont marqués par la production d’objets architecturaux parfois très monumentaux, à l’instar de la Grande Mosquée Hassan II à Casablanca(Cattedra, 2001), ou de la Bibliothèque à Alexandrie. En attisant les convoitises des entrepreneurs nationaux et des grands groupes étrangers, ils sont le lieu d’une production urbaine accélérée qui n’est toutefois pas sans poser de problèmes (destruction et / ou instrumentalisation du patrimoine, captation du foncier au profit des classes aisées, privatisation de l’accès à l’eau…) insuffisamment explorés à ce jour.

2Afin d’ouvrir ce chantier de recherche sur les métropoles de l’autre rive, cet article développe l’expérience de l’aménagement de la lagune de Tunis, l’un des plus grands « projets urbains » du moment dans le Monde arabe. La spécificité du cas tunisois est d’emblée à signaler et tient en premier lieu au rapport conflictuel que cette capitale entretient depuis sa fondation par les Arabes avec l’eau : Tunis n’a en effet jamais été une ville de bord de mer. La lagune fut considérée pendant des siècles comme un repoussoir et un exutoire pour les ordures et les rejets pollués d’eaux urbaines et industrielles [5]. L’héritage idéel de la relation de la cité à la lagune est complexe. Avec son lot de mythes et de souvenirs collectifs des crises écologiques d’eutrophisation, la dominante en était le déficit symbolique et la stigmatisation. Les évocations des miasmes de Tunis par les Français (colons et voyageurs), liés aux odeurs pestilentielles de la lagune, surtout l’été, forgèrent tout particulièrement l’image dominante d’une ville malade, menacée et menaçante, qui vint légitimer par avance l’action du colonisateur. Le mot d’ordre fut, en effet, de ventiler, drainer, assainir et assécher. Si « purifier » la ville arabe était le premier objectif hygiéniste des Français, les colons s’employèrent également à remblayer massivement les abords de la lagune pour y construire leur ville. Leur réussite fut cependant doublement ternie. D’une part, le traitement de cet espace fut contrarié par des problèmes techniques et financiers incommensurables : les colons, dépassés par la complexité du milieu lagunaire, laissèrent son état environnemental s’aggraver (Barthel, 2006). D’autre part, la ville européenne ne fut jamais dotée d’un front d’eau digne de ce nom, signe vraisemblable d’un manque d’ambition pour Tunis comparé aux vitrines coloniales sur l’eau d’Alger ou de Casablanca. Pressé par la gravité des problèmes sanitaires et environnementaux, entre 1985 et 2001, l’État tunisien a dû procéder à l’assainissement de la lagune en mobilisant des fonds étrangers qui seront rentabilisés d’ici à 2040 par la commercialisation des remblais gagnés sur le plan d’eau et destinés à l’urbanisation (fig. 1).

3Dans le but d’apporter un certain nombre de clés de compréhension de plus de vingt ans d’urbanisme opérationnel « au bord de l’eau », il conviendra tout d’abord de revenir sur un certain nombre d’épreuves de concrétisation de ce projet (stabilisation du système d’acteurs, négociation de l’intervention écologique, construction d’une offre urbaine rentable) et de (ré) interroger les pratiques urbanistiques et celles liées aux modes d’intervention environnemental en cœur d’agglomération. Ils’agira ensuite d’analyser les effets de l’urbanisme en matière de production territoriale (nouvelle polarisation de la lagune, « réconciliation » avec la cité, accélération de la métropolisation) et d’images urbaines construites par les acteurs. Pour conclure, la question sera celle de savoir si le cas tunisois constitue un modèle urbanistique de waterfront pour les métropoles sud-méditerranéennes.

Fig. 1

La lagune de Tunis en projets

figure im1

La lagune de Tunis en projets

4Précisons enfin dans ce préliminaire, que les notions de projet urbain, ou encore de développement durable, seront souvent employées dans l’analyse qui suit. L’urbanisme tunisien a en effet intégré rapidement ces normes fort usitées en Europe, comme l’illustre la réforme du Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme en 1994 qui est calquée en partie sur le droit de l’urbanisme français. Qui plus est, professionnels et élus se sont rapidement appropriés dans leurs discours ces paradigmes de l’action diffusés notamment par les bailleurs de fonds internationaux. Leur rentabilité est manifeste (captation des fonds étrangers sur des logiques d’affichage de ces mots-clés et construction d’une bonne image par une présentation modernisée de l’action des pouvoirs publics), alors même que leur usage ne signifie pas pour autant un bouleversement radical des modes de faire d’un État autoritaire (Barthel, 2003)  [6].

« Le projet du siècle » ou le miracle du partenariat public-privé

5Depuis l’Indépendance, l’État est le principal acteur d’une gestion très volontariste, centralisée et bureaucratique, dont les logiques d’action sont à la fois sectorielles et intégrées (Barthel, 2006). Confrontés aux enjeux de la mise à niveau et de l’ouverture du pays à la compétition internationale, les différents ministères et directions ont été contraints de faire évoluer leurs modes d’action, d’autant que les ressources publiques sont souvent loin de suffire. Depuis les années 1980, la reconnaissance des acteurs privés augure de nouvelles démarches de co-production de la ville, voire de domination sur les acteurs publics. Parmi elles, le partenariat public-privé (PPP) avec la constitution de sociétés d’économie mixte (SEM) constitue une innovation en Tunisie qui reste toutefois encore peu développée à ce jour. L’une des toutes premières SEM dans le domaine de l’aménagement est précisément la Société de Promotion du Lac de Tunis (SPLT) créée en 1983, maître d’ouvrage du projet du Lac Nord.

6Les actions en faveur de l’assainissement du Lac Nord ont été soutenues et initiées par deux principaux acteurs : la Banque Mondiale et le Président de la République tunisienne. En 1975, un grand programme d’assainissement du Grand Tunis et de la lagune fut décidé par les autorités politiques, qui choisirent notamment d’entamer l’assainissement de la lagune par sa partie nord, qui était dans un état de plus forte dégradation que celui de sa partie sud. Dans les accords passés le 18 février 1975 avec le gouvernement tunisien, la Banque Mondiale prit en chargele financement des études concernant le Lac Nord de Tunis [7]. Les deux parties se mirent d’accord pour désigner l’Agence Foncière de l’Habitat comme opérateur unique et un périmètre de préemption d’environ 1 700 ha fut arrêté. L’assainissement fut financé grâce à des crédits du Fonds Saoudien au Développement (FSD) et de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). Un canal fut creusé pour empêcher tout déversement direct des eaux pluviales polluées charriées par les oueds du bassin versant. Il fut doté d’une station de pompage inaugurée le 16 octobre 1981 par H. Bourguiba. En 1983, la Banque Mondiale confirma la réussite des premiers travaux et appela à la poursuite de l’action d’assainissement du plan d’eau dans son intégralité.

7En parallèle, dès 1982, des pourparlers étaient en cours entre le Premier Ministre M. Mzali, le Ministre de l’Équipement et le groupe saoudien Al Baraka  [8]qui acceptait d’assainir le Lac Nord et d’aménager l’intégralité de ses berges. La poursuite des travaux d’assainissement et d’aménagement des berges du Lac Nord de Tunis résulte ainsi d’un mariage au sommet des sphères financière et politique, placé sous le signe de la coopération interarabe. Pour les responsables politiques tunisiens, la première phase des travaux d’assainissement étant achevée, l’objectif était de trouver les moyens financiers nécessaires à l’épuration du plan d’eau. L’intervention écologique sur le milieu était alors bien plus prioritaire encore que l’aménagement foncier des berges. De leur côté, les hommes d’affaires de la société Al Baraka trouvèrent avantage à investir en Tunisie en échange d’un accord pour ouvrir un réseau de banques islamiques dans le pays. Acte fondateur de la genèse du « projet du siècle » (ainsi appelé par les médias), la convention relative à la création de la SPLT fut signée le 9 octobre 1983 et le capital initial de la société fut fixé à 34 millions de dinars, à partir des estimations du coût de l’assainissement du plan d’eau : 17 millions de dinars furent apportés par les Tunisiens, dont 14 par l’État en nature, correspondant à la valeur des 800 ha de terrains du Domaine Public Maritime, et 3 millions en numéraire par le biais notamment de la Banque Centrale du pays. Les acteurs saoudiens injectèrent les 17 autres millions de dinars restant.

8Le Lac Sud est devenu à son tour en 1990 le site d’une très grande opération d’aménagement, suite au succès des travaux d’assainissement du Lac Nord qui se déroulèrent de 1985 à 1988. Le 12 juin 1989, Hechmi Kennou, ingénieur hydraulicien en poste à la Direction de la SPLT, fut chargé par le Ministre de l’Équipement d’une réflexion sur la faisabilité d’un aménagement du Lac Sud. L’idée première était la même que celle qui prévalut pour le projet du Lac Nord : l’aménagement devait intégrer les dimensions écologique, urbanistique et économique, afin deréconcilier la partie méridionale du Lac de Tunis avec le tissu environnant. La projection de l’expérience du Lac Nord fut patente : l’ingénieur préconisa pareillement l’assainissement du plan d’eau, en préalable à la constitution d’une réserve de terrains destinée à un aménagement futur. Trois décisions furent prises dans le cadre du Comité Ministériel Restreint (CMR) du 16 février 1990, tenu sous la présidence de Z. A. Ben Ali. Elles concernent la « restauration » du Lac Sud, la reconversion du port de Tunis en port de plaisance et la création d’une société qui devait initier, superviser toutes les études afférentes au projet (techniques, financières, économiques, urbanistiques) et procéder aux préparatifs pour lancer les travaux nécessaires d’assainissement du plan d’eau. Le CMR entérina ainsi les options avancées par H. Kennou, qui devint P-DG de la nouvelle société. Société anonyme, la Société d’Études et de Promotion de Tunis-Sud (SEPTS) fut créée effectivement le 26 juin 1990, avec un capital d’un million de dinars. À la différence de la SPLT, les actionnaires qui composent le conseil d’administration de cette société sont essentiellement des sociétés para-étatiques de promotion foncière et immobilière et des institutions publiques d’équipement et d’aménagement sectoriel  [9]. Les intentions des acteurs sont celles de privilégier un habitat pour les classes moyennes, à la différence du projet du Lac Nord qui cible les classes aisées du pays. Par ailleurs, le nom de la société est significatif de la forte intégration du projet à l’échelle régionale d’intervention – « Tunis-Sud » –, qui ne se résume donc pas, comme dans l’opération conduite sur le Lac Nord, aux seuls plan d’eau et berges. L’objectif est bien de revaloriser le tissu urbain environnant en lien avec cette nouvelle opération et d’offrir une offre foncière et immobilière destinée pas uniquement aux classes aisées, mais aussi aux classes moyennes dans leur ensemble. La réunion du CMR du 22 septembre 1995 autorisa le commencement des travaux d’assainissement du Lac Sud de Tunis pour le début de l’année 1997. La SEPTS fut mandatée par l’État dans le cadre de la convention de « maîtrise d’ouvrage déléguée » signée le 13 février 1997 avec le Ministère de l’Équipement et de l’Habitat pour la supervision des travaux.

9En collaboration avec le Ministère de la Coopération Internationale et des Investissements Extérieurs, le PDG de la SEPTS défendit avec succès le dossier de financement de l’assainissement du Lac Sud et de ses berges auprès des bailleurs européens. L’introduction des crédits de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) à hauteur de 40 % des investissements nécessaires aux travaux a été décisive [10]. À ce prêt s’ajoutèrent un crédit public belge [11], un don hollandais, et des crédits acheteurs contractés avec des banques privées belges et hollandaises. Aufinal, la dimension environnementale du projet permit à l’État tunisien de bénéficier de financements européens à des conditions très favorables, qui représentèrent près de 80 % du coût du projet. Pour le reste, l’État tunisien ne prit sur son budget que les impôts, les taxes et les frais de supervision et de contrôle des travaux. Cependant le bénéfice de ces investissements fut assorti d’un certain nombre d’obligations contractuelles pour la SEPTS, notamment l’interception totale de tous les rejets polluants dans la lagune et la prévention de leur retour.

10Au-delà des différences dans le montage financier et institutionnel des deux opérations, il s’agit à chaque fois d’une action couplée qui mêle des enjeux environnementaux et urbanistiques Une démarche de « projet urbain » en rupture et en dehors de la planification traditionnelle s’est ainsi formalisée à travers un partenariat public-privé à forte participation étrangère.

Le développement durable en trompe-l’œil

11La gageure pour les aménageurs est de passer d’une lagune fortement dégradée à un plan d’eau propice aux sports nautiques et pratiques balnéaires, avec la « vue sur mer » comme un important argument de plus-value pour les promoteurs fonciers et immobiliers. Ce pari, qui suspend toute la rentabilité des investissements à l’impérieuse nécessité d’assainir la lagune, fut résumé par le mot de « restauration » par les acteurs des projets. Le mot n’est pas neutre, parce qu’il donne l’idée d’un retour à la normale (Aranson, Le Floc’h, 1995)  [12]. Au regard des modalités de l’intervention sur le milieu, ne s’agit-il pas là d’une illusion ?

12Le sauvetage du Lac Nord se déroula d’avril 1985 à avril 1988. Suite à un appel d’offres international, les travaux furent réalisés par un groupement de cinq entreprises hollandaises appelé The Lake Group. L’action s’articula à la restructuration complète du réseau d’assainissement de la capitale qui incomba à l’État. Le système mis en place fut basé sur les échanges entre le lac et la mer, grâce au fonctionnement d’un certain nombre d’ouvrages d’art. Le maître d’œuvre eut à sa charge l’approfondissement par dragage d’une grande partie du plan d’eau, la mise en place de portes à marée (écluses) à fonctionnement unidirectionnel à l’entrée de la lagune pour forcer le renouvellement des eaux, la construction d’une digue de séparation scindant le plan d’eau en deux parties et imposant un sens de circulation hydraulique, la modification de la ligne des berges pour éviter la stagnation des eaux et la protection des berges par des enrochements et un mur de soutènement. 500 ha furent ainsi récupérés sur un lac  [13] devenu propre et apte à la baignade. Le total de la superficie aménageable des berges fut porté à 1 600 ha, répartis entre les communes de Tunis et de La Goulette, soit 8 % des surfaces urbanisées dans leGrand Tunis en 1998 (chiffre SPLT). Doté d’un nouveau système de fonctionnement naturel, l’écosystème fut ainsi complètement reconstruit pour un coût total des travaux qui atteignit près de 60 millions de dinars.

13La réussite technique du système mis en place au Lac Nord suscita l’adoption du même principe pour l’assainissement du Lac Sud qui déroula entre1998 et 2001  [14] (fig. 2). 900 ha de remblais furent construits à partir du sable dragué dans le fond du Lac Sud. Trois catégories de matériaux furent différenciées en fonction des occupations du sol prévues. Les études techniques prouvèrent que les matériaux de bonne qualité existaient en quantité suffisante pour le remblaiement de la zone à urbaniser et la construction des cavaliers (matériaux sédimentaires non pollués, classés en catégories I et II, selon leur composition et leur granulométrie). Une troisième catégorie (catégorie III) était composée de sédiments pollués, destinés à des secteurs bien précis définis par le plan d’aménagement des nouvelles berges, étant donné leur caractère inconstructible pour l’habitat  [15].

Fig. 2

Le Lac Sud recréé : plan des travaux d’assainissement (1998-2001)

figure im2
Canal de navigation PRoardtèdse
Lac Sud
Port de
racsagadaM
edesraD
Tunis
N
0 350 m
matériaux de dragage
Catégorie I Ancien contour du Lac Sud
Catégorie II Nouvelle circulation hydraulique
Catégorie III* Zone humide
*lousréddsi)m=enretsmpbolalliuséisnc(omnésttaruucxtibles Habitat pour oiseaux migrateurs

Le Lac Sud recréé : plan des travaux d’assainissement (1998-2001)


Conception et réalisation : PA Barthel, CNRS UMR 6590 ESO D'après carte SEPTS, 2000

14Aucun débat, aucune étude d’impact sur l’environnement ne furent faits en amont des travaux au moment de la définition des modalités de l’intervention sur le milieu. Différents travaux universitaires, tout comme une série de contrôles et analyses effectués par le laboratoire de la SPLT et l’Institut Pasteur de Tunis, validèrent ex post la réussite du système [16]. Les résultats de ces études montrèrent l’atténuation des facteurs d’eutrophisation, une amélioration globale de la qualité des eaux, de la biodiversité (davantage d’espèces végétales et de poissons) et une meilleure dynamique des peuplements végétaux (recul des algues vertes). Dans le domaine de la restauration des milieux, l’intervention sur le Lac Nord est ainsi présentée comme un modèle par les pouvoirs publics à l’occasion de différents séminaires internationaux, comme celui organisé à Sousse en 1997 dans le cadre du programme MedWet 2 [Ben Maïz, 1997]. Pourtant, le milieu lagunaire – déjà fortement artificialisé par les Arabes, puis par les Français [17] – ne correspond plus du tout, à l’arrivée, au milieu fabriqué.

15Dans les faits, les conséquences immédiates et à court terme des travaux réalisés sont considérables. Si la réhabilitation des deux parties de la lagune a eu des impacts positifs immédiats sur le milieu, en même temps, des impacts négatifs ont également été soulignés dans certaines études internes, à l’écart de tout débat public. En premier lieu, la réduction de la superficie des deux parties de la lagune (pour la partie sud, de 1 600 ha à 710 ! ) est une perte sèche. Pour le Lac Sud, la disparition des salines prive la faune d’une réserve nourricière très abondante. Ensuite, l’amélioration des conditions hydrodynamiques dans les deux parties de la lagune a justifié une simplification de la forme des deux lacs au risque de la banalisation. La biodiversité en sort appauvrie  [18]. Plus que jamais, la lagune est perçue par les acteurs politiques et les aménageurs comme un élément à exploiter. À la lumière de ce primat de base, les fonctions urbaines qui lui sont reconnues gouvernent le mode d’intervention technique. L’aménagement est plus technologique qu’écologique, afin de garantir les opérations foncières et immobilières qui vont suivre.

Faire et mettre en scène la ville au bord de l’eau : reproduction ou innovation ?

16Les travaux d’assainissement des deux parties de la lagune ont permis la création de 1 400 ha de remblais, auxquels s’ajoutent 1 200 ha de terrains existants situés au bord de la lagune et appartenant au Domaine Public Maritime. Soit unesomme de 2 600 ha de disponibilités foncières (1 600 autour du Lac Nord et 1 000 autour du Lac Sud). Comment donner de la valeur aux remblais ? Quels partis d’urbanisme ont été adoptés dans les deux projets ?

17L’élaboration de la programmation urbaine est sous influence : maître d’œuvre européen, concepts et « recettes » importés (ville nouvelle, objets architecturaux de prestige, balnéarisation…). La conception urbanistique qui préside l’aménagement des berges du Lac Nord donna lieu à une première composition d’ensemble dans les années 1980. Hans Barreth, architecte danois imposé à la SPLT par le groupe Al Baraka, proposa un urbanisme fonctionnaliste au bord de l’eau, y projetant des formes architecturales et des usages destinés à une clientèle aisée. Dans sa version finale, en 1986, pas moins de 6,5 millions de m2 de surfaces construites étaient projetés sur 688 ha, soit 43 % de l’assiette foncière du projet. Et, près de 40 % de la superficie étaient réservés aux espaces verts (parcs, golf et esplanades). La proposition de Barreth ne se traduisit donc pas par une urbanisation massive des berges. Le plan-masse de l’ensemble de l’espace des berges du Lac Nord représente les partis de cet aménagement discontinu qui alterne zones dites « naturelles » et lotissements urbanisés, et utilise de nombreuses typologies urbaines épannelés du R + 2 au R + 18 suivant les ilots. La complémentarité fonctionnelle des secteurs du projet se traduit par un zoning très précis du site. Jugée insuffisamment rentable par les investisseurs, la proposition de l’architecte danois est abandonnée à la fin des années 1980, ainsi qu’une forte part de son travail de planification. Dans les années 1990, le partage de la maîtrise d’œuvre à des urbanistes tunisiens mit fin à une conception d’ensemble unique. Le travail de conception s’est alors affiné avec une meilleure intégration des échelles locale et régionale et s’est enrichi de nouveaux partis d’aménagement : une zone de services off-shore, des centralités plus affirmées avec le transfert de concept de « ville nouvelle ». L’évolution des objectifs quantitatifs et qualitatifs du projet se traduit par la très forte densification des constructions exigée du maître d’ouvrage et par une importance accrue donnée aux infrastructures qui visent à intégrer davantage les différents périmètres aux autres tissus urbains situés tout autour. Au final, près de 10 millions de m2 de surfaces construites sont programmés d’ici 2030 (fig. 3). L’aménageur souhaite séduire une clientèle fortunée en lui proposant des résidences « les pieds dans l’eau » (modèle de la marina repris pour le recyclage du vieux port), des équipements de haut standing (golf, centre des congrès), des espaces intermédiaires de qualité (cœurs d’ilot ouvert aménagés en espaces verts), et un front de lac piétonnisé et jalonné de commerces modernes.

18Pour l’aménagement des berges du Lac Sud, les servitudes d’urbanisme et de voirie (225 ha sur les 790 ha de terrains cessibles à aménager) et les contraintes sont en bien plus grand nombre que dans le cas du projet de la SPLT : remblais en partie pollués qui ruinent par avance toute velléité de créer une continuité entre l’hypercentre et les futures berges, établissements industriels [19] et emprises ferro-viaires. Suite à appel d’offres en 1992 et en 2000 (pour réactualiser l’étude), la SEPTS a chargé le bureau d’études tunisien Dirasset de concevoir un Plan d’Aménagement de Détail [20] (PAD) des Berges du Lac Sud. En raison d’une concurrence prévisible à moyen du projet avec le projet du Lac Nord, les concepteurs parlent de faire du pôle urbain du Lac Sud « un creuset social », se démarquant ainsi d’une urbanisation cloisonnée réservée aux seules élites. Le parti d’urbanisme est de réaliser un centre urbain attractif (une ville nouvelle)  [21] sur les berges et ouvert sur le plan d’eau qui participe à la structuration de la banlieue sud de Tunis et permettrait de compenser l’attractivité du nord de la capitale (fig. 4).

Fig. 3

Plan des berges du Lac Nord : partis d’urbanisme et offre urbaine diversifiée

figure im3

Plan des berges du Lac Nord : partis d’urbanisme et offre urbaine diversifiée

Fig. 4

Les Berges du Lac Sud : le projet d’une nouvelle skyline au bord de l’eau

figure im4

Les Berges du Lac Sud : le projet d’une nouvelle skyline au bord de l’eau


SEPTS, 1997.

19En l’état, les partis d’urbanisme et le PAD des berges du Lac Sud suscitent des interrogations. La juxtaposition d’un nouveau tissu planifié à côté d’espaces industriels en restructuration suffira-t-elle à rehausser l’image de marque dégradée de la banlieue sud et à rééquilibrer la capitale ? L’objectif de mixité sociale est-elle assurée compte tenu des frais élevés liés au remblaiement et ceux à venir pour la viabilisation des terrains ? L’objectif d’intégration spatiale n’est-il pas déjà condamné, du fait des trop nombreuses servitudes qui obligent l’urbaniste à projeter un développement fragmenté ? Depuis 2001, la question du montage institutionnel et financier du projet d’aménagement des Berges du Lac Sud doit faire l’objet d’une décision des pouvoirs publics. L’État tunisien n’a pas les fonds pour viabiliser les 790 ha de terrains et doit rembourser les prêts contractés pour l’assainissement. La SEPTS pourrait ne pas être le maître d’ouvrage délégué par l’État pour cette nouvelle phase. Auquel cas, l’aménageur serait une société à capitaux mixtes (selon un montage équivalent à celui de la SPLT  [22]), ou une société privée. Autre scénario : la SEPTS pourrait également vendre les lotissements dont elle assurerait l’aménagement primaire à des opérateurs publics et privés.

20Dans le champ des représentations, les projets constituent une forte rupture par rapport à la mémoire plutôt négative de la lagune. Les concepteurs ont construit et diffusé un nouvel imaginaire positif : prophéties auto-réalisatrices ( « le projet du siècle », « le Tunis de l’an 2000 »), métaphores qui valorisent l’action collective sur la nature ( « reconquête », « réconciliation », « restauration ») et récits multiplesd’anticipation émaillent les discours des professionnels et des politiques. Une parole unique, officielle et magnifiante, prend sa source dans les cercles restreints des projets et se diffuse abondamment dans les médias, au point d’être complètement banalisée, jamais interrogée dans ses implications idéologiques, et peu critiquée, compte tenu de la faible liberté de parole dans les médias en Tunisie et de la quasi absence d’espace de débat public. Les rhétoriques élaborées ont une double fonction. La première est performative : les discours des aménageurs font exister les deux Lacs, donnent de la visibilité à ces espaces longtemps occultés ou méprisés et fondent, en retour, la légitimité des auteurs de l’action. La seconde fonction est idéologique. Derrière les rationalités apparentes des projets, les narrations construisent des mythes mobilisateurs, comme celui d’une nature complètement domestiquée, et la volonté d’inscrire les projets dans une continuité référentielle de modèles urbains prestigieux énoncés plus que réellement transposés : un « grand écart » entre Venise, New York et Beyrouth. Les villes nord-méditerranéennes sont fort curieusement peu mentionnées par les acteurs du projet. À travers les plaquettes de marketing urbain des lotissements de la SPLT, un modèle urbain se dessine et se nourrit de différents arguments peu spécifiques à Tunis : la ville de l’entre-soi (un compromis entre l’évitement et la visibilité sociale), l’urbanité de la nature et des espaces publics, la synthèse entre tradition (architecture vernaculaire – la villa de Sidi Bou Saïd) et la modernité (accès aux nouvelles technologies). Les figures projectuelles servent également la mise en scène de nouveaux usages des lacs qui mettent en jeu des modèles urbanistiques mondialisés et attestent d’une banalisation du traitement urbain du front d’eau. Les esquisses traduisent la projection d’une nouvelle balnéarité que reflètent le décor (résidences « pieds dans l’eau », corniches et plages) et les usages multiples (planche à voile, nautisme et golf sur l’eau) similaires à ceux que l’on retrouve sur le littoral ou ailleurs dans le monde (fig. 5).

(Ré) intégrer la lagune à la ville : une stratégie métropolitaine trop incertaine

21Certains professionnels et journalistes parlent de « Tunis-sur-Lac », configuration spatiale complètement inédite et inimaginable jadis. De fait, la nouvelle polarisation de la lagune a déjà et aura des conséquences très fortes, au-delà des limites des périmètres d’intervention des maîtres d’ouvrage, sur la structure urbaine de Tunis.

22Tout d’abord, les deux projets vont contribuer au prolongement de l’hypercentre [23], du fait d’une diffusion projetée des fonctions métropolitaines dans les espaces péri-lagunaires et autour du port de Tunis (fig. 1). Les différents plans d’aménagement prévoient la création de plusieurs centralités autour de la lagune : à la création d’une ville nouvelle sur les berges nord-est du Lac Nord répondra, sur le Lac Sud, un nouveau pôle régional entre Radès et Mégrine. L’ensemble de cescentralités projetées n’est pas envisagé pour se substituer à l’hypercentre existant, mais, au contraire, contribuera à étoffer le réseau des centralités du Grand Tunis. La diffusion des activités de commandement est déjà effective avec la première tranche du projet SPLT, construite en 2006 à 85 %.

Fig. 5

Le projet d’un golf sur l’eau d’une lagune assainie

figure im5

Le projet d’un golf sur l’eau d’une lagune assainie


SPLT, 2005.

23Les deux projets ont également des conséquences prévisibles à court et moyen terme sur l’organisation spatiale de la capitale, aussi bien au nord qu’au sud, à l’échelle des communes riveraines qui vont se tourner vers la lagune (La Goulette, Mégrine, Radès). Au nord, tout d’abord, les développements réalisés et ceux à venir, créeront un continuum urbain « doré », sur une vingtaine de kilomètres, selon une direction est-ouest, entre les quartiers chics au nord de l’hypercentre, et la côte nord, espace symbolique du pouvoir et de la richesse, entre Carthage et Gammarth. Au sud, les effets spatiaux du projet SEPTS seront tout aussi importants. L’ensemble du tissu urbain est actuellement repensé en lien avec le projet des Berges du Lac Sud. Les deux communes de Mégrine et de Radès ont d’ores et déjà gagné en superficie avec la constitution des nouveaux remblais, et auront à moyen terme une nouvelle façade ouverte sur le lac. La construction programmée pour 2006 d’un pont financé par la coopération japonaise, entre Radès et La Goulette, réunira bientôt les deux parties de la lagune et créera une nouvelle continuité pour les automobilistes résidant sur la côte.

24Une nouvelle façade sur l’ensemble des berges de la lagune qui accueillera à moyen terme près de 300 000 habitants est en gestation. Commencée au début des années 1990, la construction des « Berges du Lac » (fig.1) est le reflet de profondes mutations, au nombre desquelles figurent la métropolisation et la mondialisation (Barthel, 2005). Les entrepreneurs, qui constituent une nouvelle classe bourgeoise, sont des acteurs de premier plan dans la réalisation de la ville projetée. Cette nouvelle élite s’est appropriée doublement le modèle proposé par le lotisseur-aménageur d’une ville rationalisée, propre, équipée et sécurisée : d’un côté, ces nouveaux bourgeois s’y installent pour afficher leur réussite ; de l’autre, ils investissent largement dans le développement de projets immobiliers en tout genre qui servent à abriter et à concentrer de nouvelles activités métropolitaines. Les entrepreneurs ont concouru au développement d’activités de commandement et de services à haute valeur ajoutée. En 2006, deux nouveaux lotissements ( « les Jardins du Lac » et « la Cité des Pins ») se couvrent de nouvelles constructions au bord du Lac Nord : un même tropisme des élites vers cette seconde tranche du projet semble se dessiner au nord-est.

25Toutefois, l’intégration des projets à la ville existante demeure le plus souvent problématique, et ce au moins pour deux raisons. D’une part, l’approche périmétrale retenue par les pouvoirs publics a cet inconvénient de matérialiser une coupure dans l’espace et de générer des discontinuités avec les espaces riverains peu appréhendées par les maîtres d’ouvrage. D’autre part, les accords négociés, fondés sur des compromis d’intérêts, restent bien souvent circonscrits à des objets très ciblés. L’aménagement est devenu surtout le terrain de la négociation de questions techniques (comme la négociation sur le dédoublement de la voie de transit autoroutière dans l’hypercentre), qui neutralisent le caractère politique (idéologique) des projets et font écran à des discussions plus globales sur le sens de la ville. La réflexion stratégique globale sur le long terme semble bien le parent pauvre de l’aménagement à Tunis. Le Schéma Directeur d’Aménagement du Grand Tunis (SDA), récemment approuvé en 2003, et la Stratégie de Développement de la Ville de Tunis (SDVT), élaborée en 2002, sont deux documents de planification stratégique où l’on peut trouver un essai d’analyse prospective qui pêche, cependant, par manque de portage politique et en raison des incertitudes du projet métropolitain du Grand Tunis (Barthel, 2006). Dans les deux documents, les projets, qui se sont montés initialement en dehors de toute planification préalable, sont intégrés après coup à l’écriture d’une stratégie donnant notamment la priorité à une cohérence renforcée de l’hypercentre et à une meilleure coordination de l’action des différents maîtres d’ouvrage. Dans l’absence totale d’une structure intercommunale à compétences propres, la mise en œuvre de ce projet métropolitain reste floue. Qui plus est, la mise en place de dispositifs techniques et démocratiques ( « fiches-actions », forums de débat, outils d’évaluation de l’action urbaine, etc.) permettant d’avancer sur ces priorités ne fait pas encore partie des pratiques des professionnels en charge des stratégies urbaines.

Conclusion : un modèle urbanistique pour la rive sud-méditerranéenne ?

26Aménager la lagune de Tunis a conduit les autorités centrales du pays à se lancer dans le montage de « projets urbains », en raison de la complexité de l’intervention urbaine, de l’échelle spatiale de cet espace aquatique et de l’exigence d’une véritable maîtrise d’ouvrage pour piloter et exercer la fonction « d’ensemblier » des différentes opérations. L’État tunisien s’est ainsi engagé dans l’ère de très grandes opérations d’aménagement et, parce qu’il n’en possédait pas à lui seul tous les moyens de leur mise en œuvre, a choisi de s’associer de façon pragmatique à des investisseurs privés étrangers (groupe multinational saoudien et banques européennes). La mise en projet des Lacs Nord et Sud constitue un tournant dans les modes de faire urbanistiques. Elle n’est pourtant pas allée de soi, loin de là : la stabilisation du système d’acteurs et la constitution d’une offre urbaine ont été récentes et progressives. La création de la SPLT est le point de départ du virage pris par l’État qui cherche à se repositionner en ouvrant le jeu de la fabrication urbaine aux acteurs privés et internationaux. Les dirigeants du pays (et les services ministériels) ont vu l’intérêt qu’il y avait à ouvrir le jeu par le haut pour monter ce type d’opération.

27Dans le cadre de projets d’urbanisme aussi coûteux et longs, mais qui se révèlent particulièrement rentables, l’État tunisien orchestre en partenariat l’extension de la ville légale sur des terres vierges situées au cœur d’une métropole en plein décollage. Au regard des discours et des récentes réalisations, l’identité de la capitale est en mutation. Alors que Tunis n’a jamais été une ville de bord de lac, elle devient une métropole tournée davantage vers la mer. La lagune est à présent assainie et les deux projets participent d’une recomposition spatiale de Tunis autour de son site aquatique, dynamique de recentrage, qui, hier encore, était impensable. La capitale tunisienne pourrait bien être en train de se ré-inventer par l’intégration programmée de sa lagune.

28Une étude transversale et comparative reste à mener sur les projets d’aménagement / réaménagement des fronts d’eau des capitales du Monde arabe. Dans ce contexte, l’aménagement de la lagune constitue-t-elle, au final, un modèle d’action urbaine et environnementale [24] pour les métropoles de la rive sud de la Méditerranée ? Nous serons plutôt mitigés tant les effets de contexte local sont puissants. Tout d’abord, l’analyse a montré l’importance des transferts d’ingénierie décisionnelle (la SEM comme référence) et de partis d’urbanisme pas toujours innovants. Les référentiels des concepteurs sont certes mondialisés, mais plutôt banals, avec une absence de prise en compte étonnante des expériences de la rive nord (Barcelone, Gênes et Marseille). Ensuite, les projets ont été conçus sans planification métropolitaine préalable, en partie parce que les objectifs étaient environnementaux avant d’être urbanistiques. De ce fait, ils ne jouent pas véritablement lerôle de catalyseur d’une transformation globale de la ville comme a pu l’être le projet Port Vell pour Barcelone, ou comme l’est actuellement le projet Euro-méditerranée à Marseille et ne place pas l’accent sur la recherche de visibilité internationale [25]. Alors plutôt que de constituer un réel modèle urbanistique en soi, l’aménagement de la lagune de Tunis semble néanmoins participer au modèle euroméditerranéen du waterfront. Ce dernier est plutôt éloigné du modèle d’urbanisme nord-américain, même si les objectifs poursuivis peuvent, au final, être assez semblables (Rodrigues-Malta, 2001 ; 2004  [26]). À l’instar des villes portuaires de la rive nord, Tunis a adopté la démarche de projet urbain, a attiré l’investissement privé et international et la programmation d’ensemble retenue pour les berges de la lagune récemment assainie ne s’en tient pas à la seule fonction ludique et marchande du site de l’opération. Il en ressort une sophistication des processus de production qui intègrent les logiques du marché et un certain partage des pouvoirs de l’État, même si, dans le cas tunisois, l’urbanisme reste sous contrôle présidentiel avec une participation citadine inexistante, faute d’être d’ailleurs réellement institutionnalisée.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

  • ABDELKAFI J. – Studi [1998], Plan d’Aménagement de Détail de la zone nord-est des Berges du Lac Nord de Tunis, Règlement d’urbanisme + Rapport de présentation, SPLT, 43 p + 50 p.
  • ABDELKAFI J. [1997], « Tunis et son lac. Une ville nouvelle en gestation au cœur de l’agglomération », Architecture méditerranéenne, p. 150-157.
  • ARANSON J., Le Floc’h E. [1995], « Écologie de la restauration : définition de quelques concepts de base », Science, nature, société, 3, numéro spécial, p. 29-35.
  • BARRETH H. [1984], Projet d’aménagement. Lac de Tunis. Plan d’aménagement. Rapport de présentation, SPLT, 56 p. + annexes.
  • BARTHEL P.-A. [2006], Tunis en projet (s). La fabrique d’une métropole au bord de l’eau,Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 206 p.
  • BARTHEL P.-A. [2005], « Les Berges du Lac de Tunis. Une mise en scène du futur de la ville Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 98, p. 106-113.
  • BARTHEL P.-A. [2003], « Les lacs de Tunis en projets, reflets d’un nouveau gouvernement urbain », Annales de géographie, n° 633, sept-oct 2003, p. 518-536.
  • BEN MAÏZ N. [1997], « Le Lac Nord de Tunis : un milieu en mutation », Gestion et Conservation des zones humides tunisiennes, Actes du Séminaire organisé à Sousse, Direction Générale des Forêts, WWF, Med Wet 2, p. 77-84.
  • BERTONCCELLO B., RODRIGUES-MALTA R. [2003], « Marseille versus Euroméditerranée »,Annales de Géographie, n° 632, p. 236-252.
  • CARRIÈRE J.-P. (dir.) [2002], Villes et projets urbains en Méditerranée, Tours, Maison des Sciences de l’Homme de Tours, collection Perspectives Villes et Territoires, n° 2, 135 p.
  • CATTEDRA R. [2001], La Mosquée et la Cité. La reconversion symbolique du projet urbain à Casablanca. Thèse de Doctorat de Géographie, sous la dir. de P. Signoles, Univ. de Tours, 596 p.
  • CHABBI M. [2005], « Mutations de la centralité et enjeux urbains dans les villes tunisiennes. Les cas de Tunis, Sfax et Sousse », Cahier du Gremamo, n° 18, p. 149-164.
  • CHALINE C. (dir.) [1994], Ces Ports qui créèrent des villes, Paris, L’Harmattan, 299 p.
  • DIRASSET-GETCAU [2000], Actualisation de l’étude du Plan d’Aménagement de Détail des Berges du Lac Sud et du Port de Tunis, Diagnostic, schéma de structure, variantes d’aménagement, Rapport de 1re et de 2e phases, SEPTS, 154 p.
  • ESCALLIER R. [2002], « Métropoles et globalisation dans le Monde arabe et méditerranéen », Les Cahiers de la Méditerranée, Les enjeux de la métropolisation en Méditerranée, n° 64, p. 1-21.
  • HUYBRECHTS E., VERDEIL E. [2000], « Beyrouth, entre reconstruction et métropolisation »,Villes en parallèle, n° 32-33, « Gouverner les métropoles », Laboratoire de géographie urbaine, Université de Paris X-Nanterre, p. 83-103.
  • MIOSSEC J.-M. [1999], « La mosaïque urbaine tunisienne. Entre urbanisme réglementaire, urbanisme opérationnel et pratiques « spontanées », entre le local et la Banque Mondiale via l’État », in Signoles P. et alii, dir., L’urbain dans le monde arabe. Politiques, instruments et acteurs, Aix-en-Provence, CNRS éditions, p. 87-118.
  • MIOSSEC J.-M. [1986], « Activités tertiaires supérieures et organisation du centre de Tunis : le sens d’un élargissement », Bulletin de la Société languedocienne de Géographie, tome XX, fascicule 2-3, Montpellier, p. 319-336.
  • Programme de Gestion Urbaine / Municipalité de Tunis / Fédération Nationale des Villes Tunisiennes, [2001], Stratégie de Développement de la Ville de Tunis, Pré-diagnostic stratégique, Aménagement, grands projets urbains et évolution du centre-ville, 39 p.
  • RODRIGUES-MALTA R. [2004], « Une vitrine métropolitaine sur les quais. Villes portuaires au sud de l’Europe », Les Annales de la recherche urbaine, n° 97, p. 93-101.
  • RODRIGUES-MALTA R. [2001], « Naples-Marseille : waterfront attitude », Méditerranée, n° 1-2, p. 97-106.
  • RODRIGUES-MALTA R. [1999], « Villes d’Espagne en régénération urbaine. Les exemples de Barcelone, Bilbao et Madrid », Annales de géographie, n° 608, p. 397-419.
  • Société de Promotion du Lac de Tunis [1998], Aménagement et développement urbain des berges du Lac Nord de Tunis, Présentation du projet du Lac, 17 p.
  • Urbaconsult / Uram / Brammah [2000], Schéma Directeur d’Aménagement du Grand Tunis,Rapport final de 2e phase, MEAT, 162 p. + 233 p. + annexes.
  • VERDEIL E. [2002], « Entre guerre et reconstruction : remblais et empiétements littoraux à Beyrouth », in Le littoral, regards, pratiques et savoirs, Études offertes à Fernand Verger, Éditions de l’ENS Rue d’Ulm, p. 319-335.

Mots-clés éditeurs : projet urbain, métropole, urbanisme opérationnel, développement durable, acteurs, modèle urbanistique, front d'eau

Date de mise en ligne : 01/03/2010.

https://doi.org/10.3917/autr.039.0129

Notes

  • [*]
    Géographe, CNRS UMR 6590 Espaces et Sociétés – Cestan, Chemin de la Censive du Tertre, 44300 Nantes pierre-arnaud.barthel@univ-nantes.fr
  • [1]
    Nous empruntons ici cette expression à Rachel Rodrigues-Malta que nous remercions pour ses relectures.
  • [2]
    La reconquête des waterfronts a été tout d’abord inaugurée aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon (Chaline, 1994 ; Vermeersch, 1998). Les travaux de R. Rodrigues-Malta ont ensuite élargi la réflexion à l’Europe du Sud : l’idée d’une spécificité sud-européenne est soulignée au regard des expériences de grands projets urbains menées dans les années 1990 entre autres à Marseille (Bertoncello, Rodrigues-Malta, 2001), Barcelone (Rodrigues-Malta, 1999) et Naples (Rodrigues-Malta, 2001).
  • [3]
    On pense aux fronts d’eau à Alger, Tunis, Le Caire, Casablanca, Beyrouth, Alexandrie, ou même Dubaï.
  • [4]
    À Tunis ou à Beyrouth, les États favorisent la création de remblais, sur la base desquels la ville se « fabrique ». Ces espaces servent à la constitution de lotissements polyfonctionnels en cours de réalisation. Dans la capitale du Liban, le projet de reconstruction du centre-ville par la société Solidere développe sur une surface de 186 ha dont 66 en remblai, 4,69 millions de m2 commercialisés à travers des programmes qui traduisent la volonté de faire du centre-ville le moteur de l’intégration de la ville et du Liban à l’économie mondiale. Les projets de remblai au nord de l’hypercentre beyrouthin (deux ensembles de 100 et 240 ha) cherchent à développer un nouveau front de mer, avec une orientation touristique et résidentielle de luxe, sur un secteur d’entrée de ville stratégique (Huybrechts, Verdeil, 2000 ; Verdeil, 2002).
  • [5]
    Vacuum de plus de 4 000 ha rempli d’eau marine, longue de près de 10 km et reliée à la mer par des passes, la lagune constitue à la fois une porte d’entrée de la mer sur la ville et une coupure entre ces dernières. Arabes, Ottomans, Français ont dû composer avec de telles distances et surfaces et avec si peu de profondeur (pas plus d’un demi-mètre à la fin du siècle dernier). La partition en deux (Lac Nord et Lac Sud) par une digue et un canal de navigation est un héritage du Protectorat.
  • [6]
    Pour une présentation approfondie du contexte tunisois (acteurs, historique de l’aménagement depuis l’Indépendance, outils actuels de planification stratégique et opérationnelle) : Barthel, 2006 ; Miossec, 1999.
  • [7]
    Pour la première fois de son histoire, investissait dans le secteur des infrastructures et des services d’assainissement urbain.
  • [8]
    Le groupe Al Baraka fut fondé à Jeddah en 1982. De 1982 à 1989, les banques et les compagnies d’investissement du groupe furent d’abord créées dans la plupart des pays islamiques. Le groupe réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de près de 8 milliards de dollars. L’empire du cheikh Kamel s’étend sur les cinq continents, y compris en Europe. Les compagnies d’investissement relèvent de secteurs économiques très divers : assurances et santé, agriculture et mines, médias et information, immobilier et tourisme, industrie et commerce.
  • [9]
    Les actionnaires principaux de la SEPTS sont l’Agence Foncière de l’Habitat, la Société Nationale Immobilière de Tunisie, la Société Générale d’Entreprise de Matériel et de Travaux, la Banque de l’Habitat, la Société de Promotion des Logements Sociaux, l’Agence Foncière Touristique et l’Office National d’Assainissement.
  • [10]
    L’État tunisien négocia avec cette dernière un prêt bonifié de 52 millions de dinars, à un taux d’intérêt bas (1,99 %), à rembourser sur quatorze ans, avec quatre ans de durée de grâce.
  • [11]
    Le remboursement de ce crédit de l’État belge donne lieu à des arrangements entre les deux États : la Tunisie s’est engagée à acheter des produits à la Belgique, et à donner des possibilités aux Belges de venir investir sur des projets rentables. Un crédit public est différent d’un crédit acheteur (privé) qui oblige l’État tunisien à rembourser l’argent avec des intérêts.
  • [12]
    Les deux écologues J. Aranson et E. Le Floc’h distinguent trois modèles d’intervention écologique sur des milieux dégradés : la restauration écologique qui consiste en une modification légère du milieu suite à une crise ; la réhabilitation écologique qui se traduit par une action plus poussée sur le milieu lorsqu’il est plus abîmé ; enfin passé un seuil d’irréversibilité, la reconstitution écologique s’impose par une recréation du milieu (Aranson, Le Floc’h, 1995).
  • [13]
    Le Lac Nord avait initialement (avant les travaux de « restauration ») une superficie de 3 000 ha.
  • [14]
    Parmi les actions réalisées sur le milieu : la création d’une circulation hydraulique pour assurer le renouvellement complet des eaux en 5 jours, l’approfondissement du fond à environ – 2 m, le remblaiement des parties peu profondes et enclavées, la création de nouvelles berges consolidées par des cavaliers en sable de dragage.
  • [15]
    Le stockage de ces sédiments pollués sur des portions de berges fut le résultat d’une négociation complexe en 2000. Cette solution fut préférée à l’enfouissement dans le plan d’eau (trop risqué) et à l’exportation (trop coûteuse).
  • [16]
    Les résultats de ces études montrèrent l’atténuation des facteurs d’eutrophisation, une amélioration globale de la qualité des eaux, de la diversité biologique et une meilleure dynamique des peuplements végétaux.
  • [17]
    La création d’un port dès la fondation de la ville arabe, le creusement de canaux à la Goulette pour maintenir le contact avec le grand large, la partition de la lagune par les colons français traduisent le désir à travers les siècles d’agir sur ce milieu complexe.
  • [18]
    On peut signaler entre autres la disparition des flamants roses et d’autres oiseaux rares, comme l’érismature à tête blanche ou le pluvier argenté et suppression des steppes halophiles du pied des collines des communes de Radès et de Mégrine.
  • [19]
    Il s’agit là de la plus grande concentration industrielle du pays (près de 950 établissements industriels, soit 50 % des entreprises industrielles du pays).
  • [20]
    Le Plan d’Aménagement de Détail (PAD) est un document juridique opposable au tiers. Il est l’équivalent des anciens Plans d’aménagement de zone (PAZ) en France.
  • [21]
    Dans la programmation spatiale, 291 ha sont réservés pour l’habitat, le commerce et les bureaux, 42 ha pour les équipements collectifs, 54 ha pour des zones d’activités non polluantes et 178 ha d’espaces verts.
  • [22]
    Dans sa participation au capital de la future SEM, l’État apporterait la valeur des terrains, soit près de 30 millions de dinars.
  • [23]
    Ce processus est à situer dans la continuité de l’éclatement des quartiers centraux, depuis les années 1970, en lien avec le renforcement des activités métropolitaines (Miossec, 1986 ; Chabbi, 2005).
  • [24]
    R. Rodrigues-Malta développe la notion de modèle urbanistique nourri d’une géographie décisionnelle type et de stratégies d’intervention complexes. Il intègre également l’apparition d’espaces spécifiques, une standardisation des orientations socio-économiques et la reconnaissance d’un véritable savoir-faire (Rodrigues-Malta, 1999).
  • [25]
    La programmation ne fait pas d’ailleurs pas la part belle à l’événement et à la culture. Qui plus est, le projet souffre d’un manque patent de visibilité à l’international, à l’inverse du projet Solidere de reconstruction du centre-ville à Beyrouth.
  • [26]
    Selon l’auteure, le modèle nord-américain se présente comme une somme de projets autonomes dont les formes marchandes et ludiques sont privilégiées, tandis qu’en Europe du Sud, les opérations sont en général conçues comme des projets d’ensemble dans une démarche intégrée dans le cadre d’une production urbaine flexible et stratégique.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.170

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions