Notes
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Ethno-Sociologue, Laboratoire Asie du Sud-Est et Monde Austronésien, LASEMA-CNRS, UPR 297, Campus CNRS, BP 8, 94801 Villejuif cedex.
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Anthropologue, Laboratoire Asie du Sud-Est et Monde Austronésien, LASEMA-CNRS, UPR 297, Campus CNRS, BP 8, 94801 Villejuif cedex.
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[1]
La ville y « possède des murs qui sont pour elle comme le donjon pour le seigneur, à la fois une marque de souveraineté et une nécessité de défense. La ville, en vertu de sa charte, est obligée d’entretenir ses murs et ils sont si bien le caractère et l’apanage d’une ville que, si celle-ci perd sa charte, elle peut perdre ses remparts » [Meuriot, 1919/1992, p. 23].
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[2]
Et son Bulletin des Amis du Vieux Huê (BAVH).
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[3]
Chiffre sans doute fort exagéré.
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[4]
Voir Lettre de l’Évêque de Noëlene à Mgr. D’Eucarpie [Nguyen Thanh Nha, 1970, p. 129].
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[5]
D’après l’américain John White (1782-1840) qui voyagea en 1819 et 1820 en Cochinchine [BAVH, 1937].
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[6]
BAVH, 1931, n°1/2, p. 61.
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[7]
Ce qui signifie littéralement « pont » « arriver » « lointain ».
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[8]
Daté du 31 mars 1984, ce décret stipule dans son article 5 : « les vestiges historiques et culturels et les beaux sites doivent contribuer au développement de la tradition du peuple vietnamien dans l’édification et la défense nationale, à l’éducation de l’amour pour la patrie, le socialisme et la fierté nationale, aux recherches et à la vulgarisation scientifiques et artistiques et au tourisme ».
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[9]
Rappelons que Hôi An est une thi xa (petite ville au statut de district) qui comporte à la fois trois phuong (communes urbaines) et sept xa (communes rurales).
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[10]
Restauré en 1763, 1817, 1865, 1915 et 1986.
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[11]
Restauré en 1827, 1864, 1904 et 1966.
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[12]
On utilise aujourd’hui bao tàng (« protéger » + « cacher ») en composition avec viên (« institut ») pour forger l’expression qui désigne le musée : viên bao tàng.
1Alors qu’en Europe, « malgré toutes les guerres et les destructions, la succession des âges a laissé une série de jalons monumentaux [...] qui perpétue la mémoire du passé au cœur même des cités modernes », au Viêt Nam, tout comme en Chine, « ce qui frappe, c’est la monumentale absence du passé » [Leys, 1991, p. 14]. C’est ainsi qu’Henri Cosserat peut affirmer en 1920 qu’au Viêt Nam « rares sont [...] les monuments anciens annamites [...] En dehors de quelques vieux tombeaux, de quelques portiques en grossière maçonnerie, d’une ancienneté toute relative d’ailleurs, les Annamites n’ont rien laissé qui puisse intéresser les chercheurs... » [Cosserat, 1920, p. 341-348]. L’effort déployé par l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) pendant l’époque coloniale pour préserver notamment le patrimoine cham ne rencontra guère d’écho dans l’opinion vietnamienne. Nous allons donc essayer d’étudier le processus, tant local et national qu’international, d’évaluation et de légitimation du patrimoine architectural de Hôi An, comptoir à peuplement majoritairement étranger qui s’oppose au type dominant des villes vietnamiennes créées autour ou à côté d’une citadelle ou d’un marché. Ce processus aboutira à l’inscription par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial de cet ancien port de la province de Quang Nam, connu depuis la fin du xvie siècle.
Quelques éléments de vocabulaire
2La perception et la représentation du patrimoine s’appréhendent d’abord à travers le vocabulaire et son évolution. « Patrimoine » au sens de « biens de famille » se traduit à l’aide d’un certain nombre d’expressions sino-vietnamiennes telles que gia san ou gia tài (« famille » + « biens »), san nghiêp (« fortune familiale »), diên san (« rizières » + « biens »), attestées au moins depuis la fin du xixe siècle [Huinh Tinh Paulus Cua, 1895 ; Génibrel, 1898].
3Au sens de « propriété transmise par les ancêtres », l’expression en usage aujourd’hui est di san (« légués » + « biens »). Cette expression, attestée depuis au moins 1930 [Viêt Nam tu diên, 1930], demeure jusqu’à la fin des années 1980 restreinte au cadre familial pour désigner les « biens légués par un mort » [Van Tân, 1977]. Ce n’est qu’en 1988 que la notion « ce que le passé nous a légué » sera introduite officiellement [Hoàng Phê, 1988]. Di san traduit au plus près les diverses connotations du terme français « patrimoine ». Cette expression et toutes celles qui en découlent ont certainement été popularisées grâce à l’inscription par l’Unesco de plusieurs sites vietnamiens sur la liste du patrimoine mondial : Huê (en 1993), la baie de Ha Long (en 1994), Hôi An et le sanctuaire de My Son (en 1999). Avant ces reconnaissances, son emploi était rare.
4Plus courante en revanche était l’expression sino-vietnamienne di tich (« légué » + « vestige ») qui sert aujourd’hui à traduire, approximativement, le terme « monument » défini en français comme à la fois un « édifice remarquable par son intérêt archéologique, historique ou esthétique » et un « ouvrage d’architecture, de sculpture, destiné à perpétuer (un) souvenir ». Pour coller davantage au second sens, un dictionnaire français-vietnamien [Lê Kha Kê, 1981] propose comme traduction công trinh ky niêm (« ouvrage » + « souvenir »), guère plus satisfaisante. Finalement, c’est sous la rubrique di tich lich su (di tich + « historique ») ou di tich lich su-van hoa (di tich + « historico-culturel ») que les guides touristiques vietnamiens présentent aujourd’hui les édifices et les vestiges anciens (pagodes, maisons communales, temples, remparts, citadelles, musées, sites historiques…). Di tích remplace ainsi cô tich (« ancien » + « vestige »), expression tombée en désuétude dont on usait pour désigner aussi bien des paysages (montagnes, grottes, etc.) que des édifices (temples bouddhiques, taoïstes, etc.)
5La notion de ville, quant à elle, sous-entend en vietnamien l’existence de deux éléments fondamentaux : rempart ou citadelle (thành) et activités commerciales qui se déroulent au marché (thi) ou dans les rues bordées de « boutiques » (phô). Mais il faut dire tout de suite qu’au Viêt Nam ces deux éléments sont nettement séparés : le marché et les boutiques sont toujours situés en dehors des remparts qui ne protégeaient que les palais ou bâtiments officiels, les casernes, les hangars… Dans le Viêt Nam ancien, les villes n’étaient pas fortifiées comme en Occident où, de l’antiquité au xviie siècle, on ne connaît que des villes fortes [1]. D’autre part, c’est avec la colonisation française que le Viêt Nam intègre le concept moderne de la ville conçue comme « une agglomération en voie d’accroissement continu » [Meuriot, 1919/1992, p. 23-24].
6Il y avait peu de villes avant l’arrivée des Français [Fourniau, 1991] et quand elles existaient, elles étaient conçues comme une juxtaposition de « villages urbains », reproduisant le modèle rural, chacun ayant maison communale, pagode et temple, même si elles se distinguaient par la densification de l’occupation du sol et des activités commerciales et artisanales.
Depuis un quart de siècle, les officiels vietnamiens utilisent l’expression thành phô associant thành, « rempart » ou « muraille » et phô « boutique », pour désigner la ville, qu’il s’agisse de la capitale, d’une métropole économique ou d’une ville de province. Par ailleurs, la pratique administrative en cours désigne par thi xa, une petite ville ou un bourg au statut de district et par thi trân, une agglomération urbaine.
Hôi An ou Faifo, nom sous lequel les Européens la désignèrent jusqu’à la fin de la colonisation, est aujourd’hui une thi xa, petite ville composée de plusieurs communes urbaines (phuong) et rurales (xa). Ce toponyme, dont la première mention connue date de 1640, provient de la prononciation japonaise de Hoài Phô, village sur le territoire duquel elle fut fondée. Mais les habitants de la région ont longtemps gardé l’habitude de la dénommer tout simplement Phô, faisant d’un des termes de l’expression désignant la ville un toponyme. Phô Hôi An était donc un bourg comportant un marché et, jusqu’au milieu du xixe siècle, une simple rue bordée de boutiques et de hangars qui longeait le fleuve sur plus d’un kilomètre.
Hôi An sous le regard extérieur
7Grâce aux documents publiés entre 1914 et 1944 par l’Association des Amis du Vieux Huê [2], nous avons quelque idée du regard porté au fil du temps sur Hôi An : essentiellement celui des missionnaires, des commerçants et des voyageurs occidentaux (Portugais, Italiens, Anglais, Français…).
8Village de pêcheurs transformé progressivement en bourgade à partir de la fin du xvie siècle, Hôi An ou Faifo est perçu dans les années 1620 comme un petit port peuplé essentiellement de Japonais et de Chinois. Cristoforo Borri le présentait dans la relation de sa « mission au royaume de la Cochinchine » (1618-1622) comme « le plus beau port où arrivent tous les étrangers » et comme une ville de foire « assez grande, […] une partie est aux Chinois, l’autre aux Japonais, qui vivent séparés les uns des autres, ayant chacun leur gouverneur distinct, les Chinois vivant selon les lois de la Chine, et les Japonais selon celles du Japon » [Borri, 1931, p. 334]. Mais en 1695 il ne restait plus, d’après Thomas Bowyer, que quatre ou cinq familles japonaises face à environ cent familles chinoises [BAVH, 1920, p. 200]. Le fait est confirmé par le bonze chinois Thich Dai San qui parle, dans une relation de son voyage dans la seigneurie des Nguyên en 1695, d’une « rue chinoise », « bordée sans discontinuer de boutiques », « qui longe le fleuve et se termine par le pont japonais » dont c’est d’ailleurs la première mention [Thich Dai San, 1963, p. 208].
9Au cours de la première moitié du xviiie siècle, le port de Hôi An bénéficie largement de la forte croissance du commerce chinois. En 1744, le pays compte plusieurs ports, le plus important étant « celui que les Portugais nomment Faifo […] ; il y a toujours près de 6 000 Chinois [3] qui sont les plus gros marchands ; ils sont mariés dans le pays et payent tribut au Roi […]. On trouve en arrivant à Faifo des factoreries à louer autant que l’on veut » [Poivre, 1744 : 121]. En 1751 un incendie brûla près de cinq cents maisons [4], mais ce sont les guerres civiles, combinées à l’ensablement progressif, qui ruinèrent le port. Dans son mémoire sur la Cochinchine, Jacinto da Fonseca e Silva rapporte ainsi en 1781 : « toutes les maisons étaient en tuiles mais on n’en trouve plus aujourd’hui que quelques murs calcinés, le tout ayant été rasé, démoli jusqu’aux fondations » [Manguin, 1984, p. 152]. Ensuite le port ne sera plus guère fréquenté que par les petites barques du pays et par quelques bateaux de peu d’importance venus du Tonkin [5].
10En 1919, dans un article consacré au vieux Faifo, A. Sallet [1919] ne s’intéressera qu’aux souvenirs cham et japonais, notamment au pont mentionné par Thich Dai San, mais ne dira mot des monuments chinois. De même dans la longue présentation du numéro spécial consacré en 1931 à l’Annam, le Bulletin des Amis du Vieux Huê n’accorde que quelques lignes au patrimoine de Hôi An pour constater que « des quartiers japonais, des comptoirs européens, des missions catholiques, il reste bien peu de choses ; la ville chinoise seule s’est conservée. Un pont couvert portant un souvenir d’origine, des tombes […] témoignent du passé japonais de Faifo […] : la ville est muette sur toute histoire, ou les souvenirs sont bien cachés » [6].
11Quant à l’École Française d’Extrême-Orient (EFEO) chargée, depuis sa fondation en 1900 et tout au long de la période coloniale, de classer et sauvegarder les monuments historiques du pays, son intérêt dans la région ne portera que sur les vestiges du Champa dont le Quang Nam est parsemé. Dà Nang, la ville portuaire voisine qui a supplanté Hôi An à l’époque coloniale, lui devra la construction en 1915 de son musée cham.
12On le voit donc, la vision des anciens voyageurs était essentiellement liée à l’histoire des relations entre l’Occident, la Chine et le Japon, recherchant les traces du passage des uns et des autres.
De nos jours, c’est plutôt au patrimoine architectural chinois de la ville ancienne que les touristes étrangers s’attachent : ils veulent jouir du bonheur de déambuler, à l’abri des automobiles, dans une cité « préservée », apparemment « épargnée » par les guerres et le développement, dans un musée « vivant » en quelque sorte. C’est bien ce regard là qu’encouragent les guides touristiques qui font de Hôi An « la plus charmante petite ville du Viêt Nam », le Guide du routard ajoutant : « Difficile de ne pas préférer le calme écologique de Hôi An aux rues embouteillées de Malacca » [2000, p. 390-391]. De son côté, le Lonely Planet est tout aussi lyrique pour présenter cette ville qui « a conservé un charme suranné qui vous étreint au fur et à mesure que vous l’arpentez » [1999, p. 339] et souligner les efforts des autorités locales pour préserver leur patrimoine.
Hôi An : vue du dedans
13Dans le passé, l’intérêt des Vietnamiens pour leur patrimoine architectural semble s’être porté surtout sur les maisons communales, au cœur de leur vie sociale, les temples et les pagodes où les bouddhistes pratiquants se rendent les 1er et 15e jours du mois lunaire et à l’entretien desquelles ils contribuent par leurs dons.
14Le Dai Nam thuc luc, relation des événements liés à la dynastie des Nguyên, mentionne cependant l’existence de quelques monuments de Hôi An qui ont eu l’honneur d’être visités par les seigneurs et les empereurs [1962, vol. 1, p. 36]. On apprend ainsi qu’un seigneur Nguyên en visite en 1719 décide de dénommer le pont japonais Lai Viên kiêu [7], pour bien marquer que des navires venus de loin s’y rassemblent. Le temple dédié au général chinois Guan Yu (Quan Công pour les Vietnamiens), déifié après sa mort du fait de sa bravoure légendaire, est le second monument mentionné, l’empereur Minh Mang ayant offert pour son entretien 300 taëls d’argent en 1825. Il fit de même pour le temple à la fois dédié à la déesse protectrice des marins chinois Tian Hou (Thiên Hâu) et siège de la congrégation des Chinois originaires de Fujian, en lui accordant 100 taëls d’argent. Ces trois monuments sont également répertoriés dans le Dai Nam nhât thông chi ouvrage de géographie compilée entre 1864 et 1875 [1971, p. 332, 337].
15Il y a une vingtaine d’années encore, la plupart des habitants de Hôi An ne s’intéressaient ni aux maisons anciennes, ni aux sièges des congrégations chinoises. Ceux de la région descendaient volontiers à Hôi An pour commercer ou déguster ses spécialités alimentaires. Les excursions familiales avaient pour but de se rendre dans un des temples pour les dévotions, le plus couru étant celui de Guan Yu, et ensuite de s’attabler dans une des boutiques spécialisées de cao lâu, plat à base de pâtes qui, il y a peu encore, n’était préparé qu’à Hôi An. Signalons que cet engouement pour le patrimoine gastronomique de la ville a gagné aujourd’hui les touristes étrangers encouragés par tous les guides touristiques.
16Depuis une dizaine d’années, le regard sur soi a cependant sensiblement évolué. À présent, les touristes vietnamiens se précipitent, de plus en plus nombreux, pour visiter Hôi An à la recherche de leur passé. Le développement du tourisme international aidant, les Vietnamiens ont en effet progressivement pris conscience de la valeur de leur patrimoine architectural et de la nécessité de sa sauvegarde.
Les politiques de préservation du patrimoine
17Sous la monarchie, hormis les dons d’argent offerts par tel seigneur ou roi pour l’entretien d’une pagode ou d’un temple, il n’existait pas de politique de préservation du patrimoine.
18Ce n’est qu’à l’époque coloniale, mais avec plusieurs années de décalage avec la métropole, qu’une telle politique sera mise en place en Indochine. Un arrêté portant sur la conservation des monuments et objets ayant un intérêt historique ou artistique et sur les conditions de classement est ainsi pris le 9 mars 1900. L’EFEO, dont le rôle est capital, prend en charge les monuments historiques d’Indochine appliquant les lois françaises dans ce domaine et publie dès 1901 les premières listes de classement qui valorisent les monuments chams et cambodgiens. Un arrêté daté du 30 septembre 1901 crée la Commission dite des Antiquités, chargée de la surveillance des monuments historiques.
19Les conceptions françaises de la restauration s’affirment progressivement. Ainsi Henri Parmentier préconise en 1907 une « restauration si discrète que, tout en consolidant l’édifice, elle en respecte scrupuleusement l’état et se laisse à peine apercevoir ». C.E. Maître, directeur de l’EFEO, fixe en 1908 la méthode de restauration des édifices : « Rien ne serait plus dangereux que de vouloir, avec des ruines, chercher à reconstituer le monument primitif : il s’agit seulement d’arrêter en quelque sorte la dégradation de l’édifice au point où elle en est arrivé ». En 1908, une commission archéologique est créée à Paris pour « recevoir et examiner toutes les communications relatives à la conservation des monuments historiques de l’Indochine » [Mangin, 2001].
20Signalons que dès 1916, Pierre Pasquier (futur gouverneur général) émet l’idée d’étendre les mesures de protection des sites aux quartiers urbains. Et c’est en réaction contre les dommages causés à la baie de Ha Long, que sera créée en 1921 une commission des sites pour « donner son avis sur les questions relatives à la protection des sites et monuments naturels à caractère artistique ».
21En 1923, une commission « chargée d’élaborer les règlements relatifs à la conservation des monuments ayant un intérêt historique ou archéologique » est mise en place. La même année sort le décret d’application de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques qui a joué en France un rôle primordial dans la politique de conservation. C’est en 1923 également que la cour de Huê promulgue une ordonnance portant sur les Monuments historiques de l’Annam.
22Sur les politiques de préservation du patrimoine pendant l’époque coloniale, nous renvoyons à la thèse de France Mangin qui consacre deux chapitres à leur analyse [Mangin, 2002].
23Après 1945, en raison de la guerre, peu de choses furent réalisées dans le domaine de la conservation des monuments historiques. Le travail sera repris au Nord Viêt Nam, dans les années 1960, par le département d’archéologie du Comité d’État des Sciences Sociales. Mais le parti communiste et l’État vietnamiens ont alors bien d’autres priorités. Ils ne s’occupent guère des problèmes de conservation des monuments historiques d’autant plus qu’ils considèrent avec méfiance les pagodes, temples et maisons communales, lieux d’élection des « superstitions ». Pendant plusieurs décennies, nul n’osera les réparer de peur d’être accusé de vouloir restaurer le féodalisme. Des centaines de monuments, s’ils ne sont délibérément détruits, tomberont ainsi en ruines. Il faudra attendre 1984 pour que sorte le premier décret sur la « conservation des vestiges historiques et culturels des beaux sites » [8], et 1990 pour qu’un véritable mouvement de restauration des pagodes, temples et maisons communales se déclenche. Depuis lors, un grand nombre d’édifices ont été classés, beaucoup suite à des demandes déposées par les villageois auprès du ministère de la Culture. C’est enfin le 14 juin 2001 qu’une loi sur le patrimoine culturel est votée par l’Assemblée nationale.
La sauvegarde du patrimoine à Hôi An
24C’est dans ce contexte qu’il nous faut replacer le cheminement vers la prise en compte du patrimoine de la ville. En dépit du déclin de son commerce international dès la seconde moitié du xviiie siècle, Hôi An a continué d’exister tout au long du xixe siècle comme un centre urbain important du Centre Viet Nam. Jusqu’en 1841, la ville ne comportait dans le prolongement du pont japonais qu’une rue parallèle au fleuve, bordée de compartiments et de sièges des congrégations chinoises. L’alluvionnement croissant permit, en 1841, la création d’une seconde rue parallèle, puis d’une troisième en 1878 qui forme le quai actuel (fig. 1).
Plan de la vieille ville remis aux touristes avec leur billet d’entrée (Office du tourisme de Hôi An)
Plan de la vieille ville remis aux touristes avec leur billet d’entrée (Office du tourisme de Hôi An)
25Au xxe siècle, le développement, à son détriment, du port concurrent voisin de Dà Nang, provoqua un appauvrissement de sa population, ce qui entrava les rénovations et améliorations pour un meilleur confort des maisons anciennes, contribuant ainsi à préserver son patrimoine architectural.
26La ville s’est en outre trouvée miraculeusement à l’écart de la guerre qui pourtant fit rage presque sans interruption dans la région de 1945 à 1975. À la fin de la guerre américaine qui ne profita guère à Hôi An en terme de retombées économiques, la belle endormie ne s’éveilla pas vraiment. Pendant une décennie au moins, l’installation d’un régime communiste pur et dur, et son corollaire, l’interdiction du commerce privé, accélèrent l’appauvrissement de ce vieux bourg dont l’habitat se dégrada fortement, de même que les sièges d’associations et les temples que les gens évitaient de fréquenter de peur d’être accusés de se livrer à des pratiques superstitieuses.
27Hôi An cependant conserva intact son cachet. De conception chinoise, sa structure urbaine se conforme au modèle « à compartiment » aussi fréquent à Shanghai qu’à Saigon ou Hanoi. La vieille ville répond à la description courante : « immeubles à rez-de-chaussée ou un étage, parcelles étroites (3 ou 4 mètres), construites sur 14 à 30 mètres de profondeur, avec une alternance de bâtiments et de cours pour éclairer et ventiler la partie centrale de l’îlot » [Wurteisen, 1995].
28À la différence de Hanoi qui comportait jadis une citadelle et des villages urbains (phuong) juxtaposés les uns aux autres et comportant chacun maison communale, pagodes et temples, ce qui caractérise Hôi An, ce sont les sièges de congrégations chinoises et les temples consacrés entièrement ou partiellement au culte des divinités chinoises (Guan Yu, Tian Hou, Ma Yuan…), les pagodes bouddhiques et les maisons communales se trouvant toutes à l’extérieur de la vieille ville, dans les villages vietnamiens limitrophes.
29À partir de 1983, les autorités tant centrales que locales se sont penchées sur la sauvegarde de Hôi An dont le caractère quasi unique dans le patrimoine urbain vietnamien venait de leur apparaître. Certains voient dans cette prise de conscience la contribution d’un architecte polonais : K. Kwiatkowski qui s’occupait à l’époque de la restauration du sanctuaire cham de My Son et qui se passionnait également pour la vieille cité. En collaboration avec les experts polonais des « Ateliers de conservation des monuments historiques », le Centre d’étude et de restauration des monuments culturels du Viêt Nam, relevant du Ministère de la culture, prit en charge les recherches sur le patrimoine architectural du vieux Hôi An. En l’espace de trois ans, les enquêtes dénombrèrent 502 monuments qui furent classés en quatre catégories selon leurs valeurs architecturale et esthétique [Kwiatkowski, 1985].
30Les recherches se poursuivirent non seulement dans le vieux centre, mais aussi sur 45 km2 du territoire de Hôi An (60,7 km2 de superficie totale) [9], portant à 700 en 1989 le total des monuments étudiés, classés en fonction à la fois de leur authenticité, de leurs valeurs architecturale et esthétique et de leur état de conservation. Un tel classement était indispensable pour élaborer une politique judicieuse de gestion et de restauration, d’autant plus que les crédits disponibles étaient, et sont encore, extrêmement faibles.
31Au vu des premiers résultats, dès 1985, le ministère de la culture décide de reconnaître le vieux Hôi An comme un site d’intérêt national. La même année, une conférence scientifique sur Hôi An était organisée par le Comité populaire de la province de Quang Nam-Dà Nang. En 1986, le pont Japonais est restauré et en 1989, un comité national est mis en place pour préparer l’organisation d’une conférence internationale sur Hôi An. Financée par un bienfaiteur japonais, cette conférence rassembla à Dà Nang les 22 et 23 mars 1990, en présence de l’ambassadeur du Japon, 150 chercheurs vietnamiens et étrangers dont 15 Japonais, mais aucun Chinois, conséquence directe du tout récent conflit sino-vietnamien. Comme on pouvait s’y attendre, la plupart des communications tant japonaises que vietnamiennes s’intéressèrent à la présence nippone à Hôi An et aucune au rôle de loin plus important joué par la communauté chinoise. Il ne fait aucun doute que pour les autorités vietnamiennes, l’objectif de la conférence était l’obtention d’une aide financière internationale, notamment du Japon, pour la restauration de la ville afin de la faire figurer sur la liste du patrimoine mondial. Cet objectif sera atteint en 1999.
32La prise de conscience par les habitants de Hôi An de l’existence de leur patrimoine s’est largement faite par le biais de toutes ces enquêtes et expertises. C’est ainsi que Hôi An s’est engagé, après le décret-loi de 1984 et après sa reconnaissance en 1985 comme site d’intérêt national, dans un programme de sauvegarde particulièrement ambitieux.
33Dans le « vieux quartier », tous les compartiments doivent constituer un dossier pour être classés en fonction de leur valeur architecturale. Classés en 1re catégorie, ils doivent se conformer aux règles nationales de sauvegarde des monuments historiques classés. Les autres pourront être entretenus ou restaurés en fonction des directives du Comité (local) de gestion du patrimoine. Le « vieux quartier » est réservé à l’habitation, à la production des objets d’art, au tourisme, aux activités culturelles et artistiques (cahier photo, p. XIII). Il est interdit d’y construire des maisons modernes, l’implantation d’activités industrielles tout comme la circulation automobile y sont interdites et les fils électriques devront être enterrés.
34En dehors de ce quartier, une zone est définie où toute construction nouvelle, inférieure à deux niveaux, nécessite l’autorisation du Comité de gestion du patrimoine : priorité y est donnée aux projets au service du tourisme (parkings, hôtels, ouvrages culturels, jardins…) et interdiction également d’y implanter des usines polluantes.
35En dix ans, en dépit des catastrophes naturelles, comme les inondations de 1996, 1998, 1999, 2000 qui ont jalonné la période, Hôi An a réussi à rénover 54 monuments.
Les mesures édictées par la municipalité soucieuse de la sauvegarde de ce patrimoine sont souvent trop sévèrement appliquées au gré de la population, en particulier celles concernant la qualité du bois rare et coûteux pour la restauration ou la palette des couleurs à employer. Les habitants du quartier ancien aimeraient bien agrémenter leur vie quotidienne d’un peu de confort, mais ils doivent affronter une bureaucratie tatillonne pour obtenir la moindre autorisation de travaux. Cependant les protestations restent limitées car l’afflux des visiteurs est une manne pour tous, artisans, commerçants, restaurateurs, hôteliers et propriétaires. Même ceux dont les maisons ne sont pas intégrées au circuit touristique officiel en tirent profit en ouvrant un commerce de souvenirs, de confection…
« Vivre » le patrimoine n’est donc pas chose aisée si l’on en croit les habitants de Hôi An, même si tous reconnaissent la chance pour leur ville d’avoir été épargnée par les ravages de la guerre et d’avoir pu conserver un patrimoine architectural de grande valeur.
On ne peut occulter le rôle important joué dans cette sauvegarde par le président du Comité populaire de Hôi An depuis 1996, soit depuis que les touristes affluent en grand nombre (passant de 11 000 en 1993 à 165 000 en 2000) et rendent ses habitants prospères, donc en mesure de rénover leurs compartiments et, par voie de conséquence, de défigurer le vieux quartier. Pratiquant une sorte de « despotisme éclairé », il fait appliquer strictement la réglementation édictée par le pouvoir central ou provincial et refuse les permis de construire pour les hôtels, les restaurants et les boutiques dans le vieux quartier. Son action autoritaire, quoique jugée pesante par une partie de la population, s’est révélée efficace puisqu’en 2000, Hôi An, parmi 600 nominations, reçut le prix de l’Unesco pour ses efforts de conservation du patrimoine.
Quel patrimoine légitimé ?
36Le plus connu et le plus ancien des monuments est le Chùa Câu (Pagode-Pont) [10]. Construit probablement par les Japonais pendant la première moitié du xviie siècle, ce pont couvert constitue sans conteste le symbole même de la vieille cité (cahier photo, p. XIV).
37L’autre, non moins connu et ancien, est le temple dédié au général chinois Guan Yu et que les habitants dénomment avec vénération « Pagode Monsieur » (chùa Ông). Construit vers 1653 [11], ce temple attire depuis plusieurs siècles de nombreux fidèles et visiteurs (cahier photo, p. XIV).
38S’y ajoutent les quatre sièges de congrégations chinoises :
39– Bâti en 1885 et restauré en 1915 et 1990, celui des Cantonais (Quang Triêu) est voué aux cultes de Tian Hou (divinité des marins chinois), de Guan Yu et des ancêtres fondateurs chinois.
40– Celui des Fujianais (Phuoc Kiên), les plus nombreux parmi les émigrés chinois du xviie siècle, construit vers 1697, restauré en 1792, 1957 et complètement rénové en 1972, est consacré aux cultes de Tian Hou, de Guan Yin, du génie de la Fortune (Thân Tài), de la déesse de la Conception (Bà chua sanh thai) et des douze Dames accoucheuses (Bà Mu)…
41– Celui des Hainanais, construit en 1883, est dédié à la mémoire de marchands de Hainan pillés et massacrés sous le règne de Tu Duc.
42– Celui des Chinois originaires de Chaozhou, construit vers 1776.
43Deux pagodes bouddhiques, Chuc Thanh et Phuoc Lâm, situées en périphérie, figurent souvent dans les guides touristiques. La pagode Chuc Thanh, fondée en 1454 par un bonze chinois, est la plus ancienne, celle de Phuoc Lâm date du milieu du xviie siècle.
44Quatre maisons anciennes sont particulièrement célèbres (Phùng Hung, Tân Ky, Quan Thang et Diêp Dông Nguyên) ; mais ce sont les trois rues parallèles à la rivière qui, avec leurs maisons basses aux façades colorées à balcons en bois et aux plans à peu près identiques, constituent un ensemble architectural unique au Viêt Nam. Par ailleurs, le temple lignager des Trân, construit en 1802, mêlant styles chinois et japonais, est sans doute le plus beau de Hôi An.
45De la présence française, Hôi An a conservé une rue (Phan Bôi Châu), un peu à l’écart du centre, qui présente aujourd’hui encore un bel ensemble de maisons d’architecture coloniale à vérandas à l’étage et bordées d’arcades (cahier photo, p. XIII). Elles sont toutes habitées, mais l’une d’entre elles, quoique non inscrite dans le cadre du circuit officiel proposé par l’office du tourisme de la ville, peut être visitée à titre privé.
Si les guides touristiques internationaux vantent l’ensemble de ce patrimoine architectural, en revanche, un guide vietnamien édité en 2000 par le département national du tourisme se montre bizarrement sélectif. Il met en vedette, comme tous les voyageurs depuis la fin du xviie siècle, le pont japonais, mais ne mentionne que deux sièges de congrégations (des Cantonais et des Fujianais). Il signale bien le temple dédié à Guan Yu (chùa Ông) et les deux pagodes bouddhiques en périphérie, mais ne fait aucunement mention d’un des attraits majeurs que constituent les maisons anciennes de la vieille ville, peut être trop modestes au regard des auteurs du guide.
La mise en scène d’un passé parfois imaginaire
46Convaincues que l’avenir de Hôi An réside dans la revitalisation d’un passé qu’elles n’hésitent pas à inventer parfois, les autorités de la ville ont mis en place, depuis quelques années, des activités supposées évocatrices de ce temps passé.
47Pour satisfaire davantage le touriste en mal d’exotisme et pour raviver les couleurs de la gloire ancienne du port, les autorités locales ont imaginé des festivités particulières. Chaque quatorzième soir du mois lunaire, depuis l’automne 1998, la partie ancienne de la ville est réservée aux piétons (donc interdite aux deux roues, y compris les bicyclettes). Le quartier est plongé dans l’obscurité, des lanternes de soie qui marient styles chinois et japonais étant le seul éclairage autorisé. Des petites lampes bougies sont mises à flotter sur le fleuve et des animations sont organisées : échecs chinois, danses de la licorne, jeu de cartes chanté (une sorte de loto), club des poètes, chants de rameurs ou de bateliers, etc. Cette manifestation rencontre un franc succès parmi les touristes, même si elle est, il faut bien le dire, moyennement appréciée de la population locale qui la vit comme une contrainte supplémentaire qui s’ajoute à toutes celles issues du classement. En dépit de cela, l’engouement touristique aidant, les festivités sont également programmées tous les samedis et dimanches soirs depuis juin 2004. Il faut noter enfin que ces lanternes, inventées pour l’occasion, sont devenues depuis quatre ou cinq ans un des produits d’appel de l’artisanat local, au même titre, sinon plus, que les traditionnelles sculptures sur bois (cahier photo, p. XIII).
48L’évocation du passé passe aussi par la mise en musée. Avant la colonisation française, il n’y avait pas de musée au Viêt Nam, le terme d’ailleurs n’existait pas [12]. C’est l’EFEO qui s’est vue assigner pour mission la conservation des monuments historiques et, par voie de conséquence, la création de musées : en un demi-siècle, elle fondera et gèrera en Indochine huit musées qui fonctionnent encore [Clémentin-Ojha, Manguin, 2001, p. 213-222]. Depuis, le pays a largement comblé ce vide avec le mouvement lancé après la fin de la guerre, en 1975, qui a vu s’édifier dans chaque ville, bourg ou même village, des musées de la révolution, d’histoire et de la culture.
49Parmi les sites à visiter à Hôi An figurent donc quelques musées : un musée sur l’histoire et la culture de Hôi An, un musée des céramiques installé dans une maison ancienne et un autre sur la culture de Sa Huynh, dans une ancienne maison française à étage. Leurs collections sont relativement pauvres, mais ils ont l’avantage de permettre de parcourir les maison qui les hébergent : c’est ainsi qu’il est possible de visiter officiellement une maison coloniale.
Rôle du tourisme
50Le tourisme international est un phénomène récent. Il ne s’est développé que depuis 1990 et la mise en place de la politique d’ouverture, même si l’on peut supposer que pendant la deuxième guerre d’Indochine, l’armée américaine, avec ses soldats installés dans les bases militaires de la région (notamment Dà Nang), a dû fournir de 1965 à 1972, entre autres choses, un contingent non négligeable de touristes à Hôi An.
51En réalité, c’est depuis 1995 que le nombre de touristes s’est mis très vite à augmenter à Hôi An. L’afflux des visiteurs (165 000 par an actuellement) a entraîné le développement rapide de nombreux services aussi bien dans l’hôtellerie, la restauration, la fabrication et la vente de souvenirs, la confection, la location de vélos et de motos… et plus récemment l’ouverture de cafés internet. Tout cet ensemble d’activités engendre une prospérité bienvenue pour la population locale, celle qui habite la ville ancienne comme celle des autres quartiers dans lesquels les hôtels sont réglementairement obligés de s’installer. Même si, les prix devenant exorbitants dans les rues les plus prospères, les conséquences de cet essor touristique sur le foncier sont particulièrement lourdes pour les habitants.
52La mise en scène de la ville passe également par les parcours balisés. Les autorités locales se sont ainsi attachées à organiser fort habilement les visites de leur riche patrimoine. L’office de tourisme de la ville délivre des billets qui donnent droit à la visite de cinq « édifices » à choisir parmi douze possibles (3 musées, 3 sièges d’association, 4 maisons anciennes, le Pont japonais ou le temple de Guan Yu) en contrat avec l’office. En achetant deux tickets, on parvient à tout visiter. Le ticket coûte 50 000 dông pour un touriste étranger, cinq fois plus que pour un touriste vietnamien. Si l’on veut visiter les autres maisons anciennes, toutes pratiquement regroupées dans les deux rues principales de la ville ancienne, désormais vouées à diverses activités commerciales et artisanales, il suffit d’entrer pour acheter des souvenirs ou se faire confectionner, en une heure, un pyjama de soie ou tout autre vêtement dont la ville s’est fait une spécialité. On vous laisse alors visiter la maison comme bon vous semble.
Pour résumer notre propos, nous dirons que si les autorités coloniales françaises ont mis en place en Indochine, dès 1900, une politique du patrimoine architectural, celui-ci est resté longtemps étranger à beaucoup de Vietnamiens. C’est pourquoi Hôi An, en dépit d’un ensemble architectural de valeur, était peu visité par les touristes autochtones, plutôt attirés par ses traditions gastronomiques. Ce sont les enquêtes, les études et les expertises menées depuis une vingtaine d’années, puis l’inscription de la ville sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO qui ont fait prendre conscience aux Vietnamiens de la valeur de leur patrimoine urbain. Cela les a aussi conduits à reconsidérer les pratiques de restauration traditionnelles, qui consistaient à rénover en « modernisant », parfois sévèrement, les monuments comme les sculptures, et à préconiser des méthodes de sauvegarde plus respectueuses. Toutefois, l’engouement des touristes étrangers qui a poussé les édiles à réinventer un « autrefois » parfois bien éloigné de la réalité, combiné à la commercialisation excessive, risque de faire perdre à Hôi An l’authenticité qu’elle avait jusqu’ici préservée.
Bibliographie
Bibliographie
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- Mangin F. [2002], La place du patrimoine urbain dans le développement du centre-ville de Hanoi, thèse de doctorat « Ville et environnement » soutenue à Paris VIII sous la direction de C. Goldblum, 2922 p.
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- Sans auteur [1937], Les Européens qui ont vu le vieux Huê : John White, (trad. P. Midan), Bulletin des Amis du Vieux Huê, vol. 24, n° 2-3, p. 93-318.
- Sans auteur [1993], Ancient town of Hoi An International Symposium held in Danang on 22-23 march 1990, Hanoi, The Gioi publishers, [2de impression].
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- Wurteisen G. [1995], « Notes sur le développement urbain et l’habitat au Vietnam au xxe siècle », Habitat et Développement, n° 10, p. 185-191.
Notes
-
[*]
Ethno-Sociologue, Laboratoire Asie du Sud-Est et Monde Austronésien, LASEMA-CNRS, UPR 297, Campus CNRS, BP 8, 94801 Villejuif cedex.
-
[**]
Anthropologue, Laboratoire Asie du Sud-Est et Monde Austronésien, LASEMA-CNRS, UPR 297, Campus CNRS, BP 8, 94801 Villejuif cedex.
-
[1]
La ville y « possède des murs qui sont pour elle comme le donjon pour le seigneur, à la fois une marque de souveraineté et une nécessité de défense. La ville, en vertu de sa charte, est obligée d’entretenir ses murs et ils sont si bien le caractère et l’apanage d’une ville que, si celle-ci perd sa charte, elle peut perdre ses remparts » [Meuriot, 1919/1992, p. 23].
-
[2]
Et son Bulletin des Amis du Vieux Huê (BAVH).
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[3]
Chiffre sans doute fort exagéré.
-
[4]
Voir Lettre de l’Évêque de Noëlene à Mgr. D’Eucarpie [Nguyen Thanh Nha, 1970, p. 129].
-
[5]
D’après l’américain John White (1782-1840) qui voyagea en 1819 et 1820 en Cochinchine [BAVH, 1937].
-
[6]
BAVH, 1931, n°1/2, p. 61.
-
[7]
Ce qui signifie littéralement « pont » « arriver » « lointain ».
-
[8]
Daté du 31 mars 1984, ce décret stipule dans son article 5 : « les vestiges historiques et culturels et les beaux sites doivent contribuer au développement de la tradition du peuple vietnamien dans l’édification et la défense nationale, à l’éducation de l’amour pour la patrie, le socialisme et la fierté nationale, aux recherches et à la vulgarisation scientifiques et artistiques et au tourisme ».
-
[9]
Rappelons que Hôi An est une thi xa (petite ville au statut de district) qui comporte à la fois trois phuong (communes urbaines) et sept xa (communes rurales).
-
[10]
Restauré en 1763, 1817, 1865, 1915 et 1986.
-
[11]
Restauré en 1827, 1864, 1904 et 1966.
-
[12]
On utilise aujourd’hui bao tàng (« protéger » + « cacher ») en composition avec viên (« institut ») pour forger l’expression qui désigne le musée : viên bao tàng.