Notes
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[*]
Géographe, ATER à Paris VII, UFR GHSS, kirstenkoop@noss.fr.
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[1]
Grâce à un programme de planification familiale, le taux de croissance de la population avait chuté de 4?% dans les années 1950 à 1,5?% (1972-1983). Pourtant, 62?% de la population avaient moins de 25 ans [Statistisches Bundes-amt, 1993, p. 29].
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[2]
Ces instances de régulation étaient le National Remuneration Board et le Pay Research Bureau, fixant les revenus minimaux dans le secteur public et privé, le Permanent Arbitration Board, intervenant dans les cas litigieux entre salariés et patrons et la Commission Tripartite, régulant l’ajustement annuel des salaires à la perte du pouvoir d’achat due à l’inflation.
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[3]
Il s’agit ici d’une présentation généralisée.
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[4]
Le parti gouvernant était majoritairement issu des planteurs indo-mauriciens et défendait les intérêts socio-économiques de ceux-ci.
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[5]
Le seuil de pauvreté est défini ici comme le revenu au-dessous duquel les standards minimaux de la société ne sont pas respectés. Il s’agit donc d’une notion de pauvreté relative. Il a été déterminé par la Commission Justice et Paix (1976) pour l’année 1975. Le taux de 70?% a été calculé sur la base des données statistiques de la même année du Household Budget Survey [CSO, 1984].
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[6]
Avec la création de grandes entreprises franco-mauriciennes et la multiplication des PME indo-mauriciennes, le capital local investi dans la Zone Franche atteignait 56,9?% – une part extraordinairement élevée pour une ZF [Lamusse, 1990, p. 39].
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[7]
Interviews avec divers entrepreneurs de la Zone Franche, août 1999.
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[8]
La notion de consensus social se réfère ici au système de régulation sociale. Elle ne sous-entend pas un consensus entre les différents groupes socio-éthiques. En effet, la population restait plus au moins fragmentée au niveau ethnique.
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[9]
9. Ceci était surtout le cas au sein des familles indo-mauriciennes. Les créoles vivant plutôt en familles nucléaires et ayant des liens sociaux et solidaires moins prononcés que les indo-mauriciens [Alber, 1988, p. 15], pratiquaient cette stratégie en moindre mesure – ce qui explique en partie pourquoi un certain nombre de familles créoles restaient relativement plus pauvres
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[10]
Il était considéré comme contre-preuve de la théorie dépendantiste du sous-développement [Leffler, 1988]. Celle-ci postulait que les pays en développement n’avaient, à cause précisément de leur insertion dans le marché global, aucune chance de parvenir à un développement socio-économique positif.
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[11]
D’autant plus que les Pays les Moins Avancés, comme le Zimbabwe et Lesotho, vont être exemptés de la condition de n’utiliser que des matières premières provenant des États-Unis ou africaines.
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[12]
Ainsi, pour citer un exemple, l’entreprise la plus importante de la ZF Floréal Knitwear employait 11?000 travailleurs au début des années 1990. En 2000, elle employait 6?000 Mauriciens et 6?000 malgaches dans les unités délocalisées [Interview avec La Tour, Floréal Ltd, mai 2000].
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[13]
Le gouvernement mauricien a fixé une limite de 30?% de travailleurs étrangers par entreprise afin de restreindre l’impact négatif sur le marché national de travail.
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[14]
C’est surtout le manque de formation de la population mauricienne qui risque d’entraver un développement rapide du secteur de l’informatique.
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[15]
Sans tenir compte des travailleurs étrangers dans la ZF.
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[16]
Le chômage parmi les femmes a atteint 12,9?% [CSO, 2003b] et 45?% des chômeurs officiellement enregistrés sont âgés de 20 à 29 ans [Ministry of Labour and Industrial Relations, Employment & Human Resource Development 1999, p. 16].
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[17]
Le résultat du croisement du revenu minimal pour vivre selon les standards de la société (pour l’année 2000) avec les résultats du Continuous Multi Purpose Household Survey (CMPHS) de l’année 2000 donne un taux de pauvreté de 31?% [Koop, 2001]. Celui du revenu minimal pour l’année 2002 avec les résultats du Household Budget Survey 2001-2002, s’appuyant lui sur une autre base de données que le CMPHS, donne un taux à 22,7?%.
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[18]
18. Les biens matériels ainsi que les normes et valeurs dans le domaine de la communication, de la mobilité, des loisirs, de l’éducation et de la santé faisant partie du standard de vie ont été étudiés auprès du groupe d’étude. Nous avons évalué qu’un budget de ménage minimal de 6?000 Rs (250 ¤) est nécessaire pour l’accès à ces standar
1 Le « développement de rattrapage » reste un paradigme dominant pour les pays en développement. À l’ère de la mondialisation, les institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fond Monétaire International promettent aux pays du Sud une augmentation réelle de leurs chances de s’intégrer à l’économie mondiale, ouvrant ainsi la possibilité pour eux de réduire la pauvreté. Souvent non verbalisée, mais sous-jacente, domine la vision que tout pays peut se développer selon le modèle des pays dits « industrialisés ». Ce modèle est caractérisé par le plein emploi, l’existence d’une large couche moyenne et des mécanismes de régulation sociale assurant une répartition suffisamment équitable pour vaincre la pauvreté. Il est étroitement lié à l’époque fordiste.
2 Or, cette vision du développement est contestée. Ceux qui la remettent en cause essayent de démontrer que la mondialisation mène au contraire à une augmentation des inégalités sociales et de la pauvreté – et cela aussi bien dans les pays du Sud que dans les pays du Nord [par exemple Bourdieu, 1998 ; Scholz, 2002 ; Ziegler, 2002]. En effet, les pays du Nord mis en avant comme modèle de développement sont actuellement marqués par une crise des marchés du travail et de la régulation sociale, conséquences, entre autres, de la libéralisation des marchés économiques et financiers [Mingione, 1998]. Cette crise, caractérisée par le fléau du chômage, la précarisation des emplois et l’incapacité des États-providence à répondre à la polarisation et la fragmentation sociale qui en résultent, remet en cause le modèle du développement de rattrapage.
3 On peut donc se poser la question des possibilités et limites de développement des pays du Sud qui profitent actuellement de la mondialisation économique, comme par exemple la Chine ou l’Inde. Est-ce que ces pays pourront véritablement réaliser un développement durable et vaincre la pauvreté à l’échelle nationale ? Afin de répondre à cette question, il est intéressant d’analyser le développement actuel des pays dits « émergents » ou « nouvellement industrialisés », de ces pays du Sud dont on estime qu’ils ont réalisé un développement de rattrapage dans les années 1970 et 1980.
4 Un de ces pays est l’Île Maurice, située dans l’océan Indien. Dans les années 1980, l’installation d’entreprises étrangères a déclenché une croissance économique extraordinaire sur cette petite île et la majorité de la population était parvenue à sortir de la pauvreté. Cependant, on peut se demander si ce pays classé nouvellement industrialisé (PNI) est en train de réaliser un véritable développement de « rattrapage ». Peut-il s’assurer, à l’ère de la mondialisation, une prospérité économique et surmonter la pauvreté de façon durable ?
5 En analysant l’évolution socio-économique de l’île sous l’influence des facteurs externes et internes, cet article amorce une tentative de réponse. Par conséquent, dans une première partie, il passera en revue l’intégration de l’Île Maurice dans le marché mondial et l’origine des inégalités sociales durant sa phase coloniale. Dans la deuxième partie, il décrit les caractéristiques du sous-développement et la pauvreté après l’indépendance de l’île en 1968 et, dans la troisième partie, les causes de son essor socio-économique extraordinaire dans les années 1980. La dernière partie est consacrée à l’analyse du développement économique et social actuel, tout en mettant l’accent sur le développement de la pauvreté. Il est basé sur une vaste étude qualitative et quantitative menée par l’auteur en 1999/2000 et 2001.
La naissance d’une économie de plantation et des inégalités sociales
6 L’île Maurice, d’origine volcanique, est située dans l’océan Indien à 800 km à l’est de Madagascar. Elle fut inhabitée jusqu’à sa prise de possession par les pays coloniaux. À partir de 1638, la compagnie Hollandaise des Indes orientales l’utilisait comme site de ravitaillement pour ses bateaux sur leur chemin vers l’Inde. Cent ans après, elle passait aux mains de la France qui s’en servait aux mêmes fins géostratégiques que les Hollandais. Ce furent aussi les colons français qui commencèrent à cultiver la canne à sucre (Saccarum officinarum), introduite déjà en 1639 par les Hollandais. Pour le travail agricole, ils introduisirent des esclaves africains en provenance du Mozambique et de Madagascar.
7 Mais ce n’est que sous l’administration britannique, entre 1810 et 1968, que s’imposa la monoculture sucrière qui a marqué si profondément la structure socio-économique du pays jusqu’aux années 1980. Successivement, les surfaces de plantation de canne à sucre furent étendues jusqu’à atteindre 94 % de la surface agricole exploitable. Après l’abolition de l’esclavage en 1835 et afin de répondre aux besoins croissants de main-d’œuvre, l’administration a commencé à engager des travailleurs sous contrat, les coolies, en provenance de la colonie indienne de l’Empire britannique. En 1871, ils formaient déjà les deux-tiers de la population mauricienne (tab.1).
8 À l’aube de l’indépendance en 1968, la structure démographique et sociale était entièrement modelée par l’économie sucrière et son histoire. La population était composée pour 2 % d’habitants d’origine européenne (les franco-mauriciens), 27 % d’origine africaine (les créoles), 68 % d’origine indienne (les indo-mauriciens) et 3 % d’origine chinoise (les sino-mauriciens), venus sur l’île comme commerçants.
Composition de la population de l’Île Maurice
Composition de la population de l’Île Maurice
9 Chaque groupe ethnique avait sa fonction spécifique dans l’économie sucrière. Au sommet de la structure sociale se trouvaient les familles franco-mauriciennes propriétaires des plantations (environ 10 000 personnes). Ils possédaient le capital financier et foncier, l’éducation et les relations sociales nécessaires pour défendre leurs intérêts économiques. La mince couche moyenne était constituée d’une petite élite urbaine et rurale [Chazan-Gillig/Widmer, 2001, p. 99]. Il s’agissait de créoles de peau claire, travaillant dans l’administration publique et dans celle des plantations, de quelques commerçants sino-mauriciens et indo-mauriciens de religion musulmane, et de planteurs indo-mauriciens ayant acquis une surface considérable de terrains durant une phase de restructuration des grandes plantations au milieu du xix e siècle. Les travailleurs des plantations (laboureurs) et environ 32 000 petits planteurs indo-mauriciens, vivant respectivement dans les camps sucriers et les villages, étaient pauvres. La population créole, elle, ne possédait ni capital économique, ni terre, ni éducation significative, ni liens sociaux pouvant favoriser une ascension sociale. Descendants des anciens esclaves, la plupart avaient quitté les plantations et s’étaient installés dans les régions côtières et les banlieues de la capitale Port Louis. Ils vivaient de la pêche et exécutaient des travaux occasionnels dans le transport du sucre, dans le port et dans l’artisanat (fig. 1).
10 Cette répartition très inégale de capital économique (argent, accès au sol), culturel (éducation, formation) et social (contacts sociaux avec des personnes occupant des fonctions-clés dans la société) entre les différents groupes socio-ethniques – résultat de l’économie coloniale – déterminera les possibilités et limites de leur participation au développement économique futur [Koop, 2001].
Les années 1970 : persistance de la pauvreté de masse dans l’économie sucrière
11 Quand la petite île dépourvue de ressources naturelles acquit l’indépendance en 1968, on ne lui attribua guère de chance de réaliser un développement de rattrapage. En 1970, plus de 95 % des recettes d’exportation provenaient de l’industrie sucrière. Avec une telle dépendance unilatérale sur le marché mondial, un sous-développement infrastructurel, une population très jeune [1], un taux de chômage de 29 % et une pauvreté de masse, l’Île Maurice était considérée dans la littérature scientifique comme un exemple « classique » de pays en développement [Meade, 1968].
12 Afin de créer des emplois, le gouvernement déclara l’île entière Zone Franche d’exportation en 1971. En offrant les avantages typiques des Zones Franches, tels des avantages fiscaux, une infrastructure quasiment gratuite et l’abandon partiel des lois du travail, l’État tenta d’attirer des investisseurs étrangers afin de développer une industrie d’exportation. Toutefois, dans la deuxième moitié des années 1970, la crise de l’économie mondiale mit fin provisoirement aux premiers investissements [Leffler, 1988, p. 155]. Le développement économique stagna et la structure sociale et socio-spatiale, qui s’était constituée durant l’ère coloniale, persista (fig. 1). Le chômage continuait a augmenter et des agitations sociales s’installaient. Après des confrontations violentes entre les syndicats et le gouvernement, un consensus social entre l’État, les entreprises et la société civile fut mit en place [Darga, 1996, p. 76]. Parmi les acquis sociaux, on pouvait noter la création d’instances de régulation des revenus [2], des investissements publics dans l’éducation et la santé ainsi que l’introduction d’un système de sécurité sociale à l’instar des États-providence européens.
Structure socio-spatiale de l’Île Maurice, années 1970 (modèle) [3]
Structure socio-spatiale de l’Île Maurice, années 1970 (modèle) [3]
13 Cependant, dans les mauvaises conditions économiques externes, ce consensus social ne pouvait qu’atténuer légèrement la situation sociale difficile. À la mince couche moyenne ne s’ajoutèrent que des fonctionnaires indo-mauriciens, recrutés parmi le groupe socioprofessionnel des petits planteurs [4]. Environ 70 % de la population vivaient toujours en dessous du seuil de pauvreté. [5] Il s’agissait des travailleurs des plantations et de la majorité des petits planteurs indo-mauriciens ainsi que des pêcheurs, des travailleurs occasionnels et des dockers créoles (tab.1). L’étude de cas de ces groupes sociaux a montré que le manque d’accès au travail et/ou les rémunérations trop faibles ont mené les familles à vivre dans une situation dans laquelle mêmes les besoins élémentaires ne pouvaient pas être satisfaits. Ainsi, ces personnes, lorsqu’elles ont été interviewées, déclaraient que même leur alimentation était parfois insuffisante. Les seuls soulagements à leur pauvreté provenaient d’une économie de subsistance restreinte dans l’espace autour de leur habitation (jardins de légumes, élevage de quelques volailles et de bétail) ainsi que des échanges de solidarité intra- et inter-familiale.
Les années 1980 : la Zone Franche et la diminution de la pauvreté
14 Au début des années 1980, un changement important intervint dans l’économie mondiale et le développement de Maurice prit un tournant décisif. Dans les pays industrialisés, la production fordiste avait déjà atteint ses limites de rentabilité au milieu des années 1970 [Hein, 1995, p. 53]. Avec la reprise du marché mondial du pétrole au début des années 1980, les conséquences de cette crise fordiste devinrent visibles. Les entreprises des secteurs intensifs en main-d’œuvre, notamment l’industrie textile, l’automobile et l’électronique, commencèrent à délocaliser leur production vers les pays du Sud où les coûts salariaux étaient beaucoup plus avantageux. De nombreux pays en développement essayèrent d’exploiter cette dynamique de mondialisation économique par la mise en place de Zones Franches d’exportation (en tout plus de 200) mais peu d’entre eux en profitèrent vraiment. Les principaux bénéficiaires furent les petits « tigres » de l’Asie du sud-est et, comme seul pays africain, l’Île Maurice.
15 À partir de l’année 1983, de nombreux investisseurs provenant des pays industrialisés commencèrent à s’installer sur l’île. Les industriels hongkongais du textile montrèrent aussi beaucoup d’intérêt. En seulement neuf ans, le nombre d’entreprises de la Zone Franche (ZF) mauricienne augmenta de 115 (1982) à 586 (1991) et le nombre d’employés tripla jusqu’à atteindre 90 000. Quatre-vingt-dix pour cent de ces ouvriers travaillaient dans l’industrie textile. Employant 30 % de la main-d’œuvre de l’île, la ZF était ainsi devenue le principal employeur, avant même l’industrie sucrière. Parallèlement à ce développement, l’industrie du tourisme prospérait. D’autres secteurs économiques, comme le commerce ou le secteur de la construction, profitaient également de cette évolution.
16 Pratiquement tous les groupes sociaux étaient impliqués dans cet essor économique. Les propriétaires des plantations sucrières investissaient du capital dans des entreprises de la ZF. De nombreuses familles de planteurs indo-mauriciennes fondaient des petites et moyennes entreprises de textile et opéraient en tant que sous-contracteurs. Quant à la jeune génération issue des familles de travailleurs des plantations sucrières et de travailleurs occasionnels, la ZF lui offrait aussi des possibilités d’emploi. Vers le début des années 1990, le taux de chômage à l’Île Maurice avait diminué jusqu’à atteindre pratiquement zéro. Le coefficient de Gini s’améliora de 0,445 (1980/1981) à 0,379 et le nombre de ménages vivant sous le seuil de la pauvreté avait régressé passant de 70 % à environ 18 % [CSO, 1994]. Dès lors, les familles jadis pauvres devinrent capables non seulement de satisfaire leurs besoins élémentaires mais aussi de se conformer de plus en plus aux standards de vie de la société de consommation occidentale. Ils acquirent des biens durables comme des réfrigérateurs, des chaînes stéréo et des téléviseurs. Nombre d’entre eux purent aussi se construire une maison en dur. Ainsi, la couche moyenne s’élargissait considérablement. On note particulièrement l’émergence d’une large couche moyenne inférieure, qui n’existait pas auparavant [Koop, 2001]. Seules les populations vivant dans les régions où l’infrastructure était encore sous-développée et où les entreprises étaient moins nombreuses n’étaient pas touchées par cet essor général. Parmi ces populations, on comptait les familles créoles de pêcheurs vivant dans les régions côtières et les familles indo-mauriciennes de travailleurs des plantations vivant dans certaines régions rurales retirées (fig. 2).
Structure socio-spatiale de l’Île Maurice au début des années 1990
Structure socio-spatiale de l’Île Maurice au début des années 1990
17 Une des causes principales de cette amélioration générale était, certes, la poussée de la mondialisation économique durant ces années. Pauvre en ressources naturelles, l’île avait besoin de cette mobilité globale croissante des entreprises et de capital pour pouvoir s’intégrer dans le marché global avec succès.
18 Pourtant, ce succès n’a été possible que grâce aux avantages commerciaux dont bénéficiait Maurice sur le marché mondial – un fait rarement pris en compte dans la littérature. La Convention de Lomé garantissait à l’industrie sucrière mauricienne des quantités et des prix fixes au-dessus des prix du marché mondial. Cette convention permettait également une exportation illimitée et hors taxe des produits de la zone franche vers l’Union Européenne. Ainsi, l’industrie du textile de la ZF n’était pas soumise à l’Accord Multifibre (AMF). Ce dernier prévoyait des limitations d’importation dans les pays industrialisés de vêtements en provenance des pays en développement, essentiellement des pays asiatiques. Les deux principaux piliers de l’économie mauricienne, l’industrie sucrière et l’industrie textile, étaient donc protégés face à la concurrence mondiale.
19 Or, tous les pays ACP pouvaient profiter des accords de la Convention de Lomé durant cette phase de délocalisation des industries à forte main-d’œuvre. Mais pourtant, aucun n’a bénéficié d’un essor économique comparable à celui de l’Île Maurice. Le succès de ce pays est également du à de nombreux facteurs internes au pays :
- On trouve d’abord des causes qu’on peut regrouper sous la notion de « bonne gouvernance ». Le gouvernement avait créé toutes les conditions nécessaires pour un climat d’investissement optimal. Il utilisa les recettes d’exportation du sucre pour des aménagements considérables de l’infrastructure de la ZF et du réseau routier. Lors des Programmes d’Ajustement Structurel imposés par la Banque mondiale, il avait dévalorisé la monnaie deux fois de suite [Assidon, 1990, p. 439]. Il a également dégagé des fonds considérables pour le marketing des produits mauriciens à l’étranger [Leffler, 1988, p. 265]. De plus, il a encouragé une répartition spatiale des entreprises de la Zone Franche afin de réduire le chômage aussi dans les régions rurales.
- Un autre facteur est l’adhésion de la population mauricienne au modèle patronal du système capitaliste [Chazan-Gillig/Widmer, 2001]. En effet, contrairement à la plupart des pays du Sud, l’île, qui ne disposait pas de population autochtone, n’avait pas de système agraire traditionnel d’auto-suffisance ni de commerce dit « informel ». Ainsi, le capital financier privé accumulé grâce à la production du sucre fut mobilisé vers la ZF. L’oligarchie franco-mauricienne créa elle-même de nombreuses entreprises d’exportation (entreprises à capital entièrement mauricien ou joint-ventures). Aussi, nombreux sont ceux de la jeune génération des petits planteurs indo-mauriciens, affectée souvent par le chômage, qui se sont lancés dans l’entrepreneuriat avec le soutien de l’État. Propriétaires de terres acquises par leurs familles lors de la restructuration de l’industrie sucrière au siècle précédent, ils avaient la possibilité de prendre des crédits en mettant sous hypothèque leurs terrains, aussi petits soient-ils [Yin et alii, 1992, p. 17]. Ce capital foncier a donc favorisé leur ascension sociale [6].
- Dans le même ordre d’idées, il faut mentionner les liens privilégiés qu’entretenaient les différents groupes ethniques avec leur pays d’origine. La proximité culturelle avec les sino-mauriciens de l’île a favorisé l’attirance des entrepreneurs hongkongais. Les contacts européens des franco-mauriciens, établis lors des études ou des voyages d’affaire, ont également pesé dans la création des joint ventures [7].
- Or, une croissance économique dans un pays du Sud ne va pas nécessairement de pair avec une diminution des inégalités sociales. Le fait que le consensus social [8], né dans les années 1970, ait été préservé était d’une importance majeure dans la forte diminution de la pauvreté. Les salaires payés dans la ZF étaient tellement bas qu’ils ne pouvaient guère entraîner une augmentation du niveau de vie des familles pauvres. Ce fût dans les secteurs économiques « traditionnels », c’est-à-dire dans l’industrie sucrière, le transport et dans le port que les syndicats parvenaient à obtenir des augmentations salariales extraordinaires – suite à la situation de plein emploi. Ainsi, pour donner un exemple, le Permanent Arbitration Board fixa une augmentation salariale de 15 % en 1987 et de 18 % en 1990 pour les travailleurs des plantations en plus des augmentations annuelles négociées au sein du Comité Tripartite (tab. 2). Ce n’est qu’en additionnant ces salaires avec ceux gagnés dans la ZF qu’au sein des familles étendues les pauvres ont pu augmenter considérablement leur niveau de vie [Koop, 2001] [9]
- Comme facteur déterminant au niveau local, il nous faut mentionner également la permanence de la solidarité intra- et interfamiliale dans les familles indo-mauriciennes de la nouvelle couche moyenne inférieure. La jeune génération mettait une partie de leurs revenus à disposition de leurs parents, qui étaient eux responsables de la construction de la maison pour la famille élargie. La coopération non-rémunérée entre voisins pour la construction était forte. Les biens modernes acquis (télévision, réfrigérateur, téléphone etc.) étaient à la disposition de toute la famille élargie [Paratian 1994].
- Finalement, il faut prendre en considération la faible taille de la population (1,2 Mio) de ce petit pays. Le plein emploi et, par la suite, les augmentations salariales pouvaient être plus facilement réalisables – ce qui est difficile dans des pays du Sud plus grands.
Augmentations salariales annuelles dans l’industrie sucrière pour les travailleurs des plantations entre 1987 et 1991
Augmentations salariales annuelles dans l’industrie sucrière pour les travailleurs des plantations entre 1987 et 1991
20 La réduction considérable de la pauvreté à l’Île Maurice a suscité beaucoup d’écho dans la littérature sur la politique de développement. Le pays était dès lors mentionné comme un exemple de développement de rattrapage, développement semblable aux pays industrialisés et réalisé à travers une orientation industrielle axée sur l’exportation [10]. Dans les publications récentes, l’Île Maurice est citée en exemple comme tirant profit des opportunités offertes par la mondialisation [PNUD, 1999]. En effet, sa situation géographique entre les continents indien et africain, son ouverture vers les marchés internationaux, ses relations socio-économiques avec l’extérieur ainsi que le bilinguisme (anglais-français) de sa population sont des atouts considérables pour sa compétitivité sur un marché mondial libéralisé.
21 Il nous faut toutefois nous poser la question de la pérennité de l’essor socio-économique de ce pays dans les nouvelles conditions de la mondialisation, telle qu’elle s’est intensifiée durant la dernière décennie.
Le début du nouveau millénaire : les problèmes de restructuration économique et l’émergence d’une « nouvelle pauvreté »
Les changements sur le marché mondial
22 Les libéralisations du commerce mondial changent considérablement les conditions de production et de vente pour l’économie mauricienne. Ainsi, la Convention de Cotonou, qui succède à la Convention de Lomé, prévoit une suppression progressive des avantages commerciaux qui existent pour les pays ACP. En conséquence, le marché du sucre sera libéralisé à partir de 2006 – sauf pour les pays classés comme étant les moins développés (PMD) – et les prix de vente du sucre mauricien vont chuter considérablement à l’avenir. De même, l’Accord Multifibre va être progressivement aboli d’ici à 2005. Pour les entreprises mauriciennes du textile, la concurrence en provenance des pays asiatiques à bas salaire, surtout de la Chine, va s’accroître considérablement en conséquence.
23 Comme entre-temps les salaires sur l’île sont devenus beaucoup plus élevés que dans d’autres pays du Sud, les conditions d’un marché libre – à venir – provoqueront une crise des deux piliers de l’économie mauricienne. L’industrie textile surtout ne sera plus compétitive au niveau international en ce qui concerne la fabrication des produits standards de masse (fig. 3).
Coût de la main-d’œuvre dans l’industrie textile mauricienne en comparaison avec l’international
Coût de la main-d’œuvre dans l’industrie textile mauricienne en comparaison avec l’international
24 Parallèlement à ces deux processus de libéralisation aux conséquences nettement négatives pour l’économie mauricienne, il existe d’autres tendances de libéralisation qui en revanche pourraient potentiellement étendre les marchés d’exportation de l’Île Maurice. Mais en réalité, celles-ci ne vont probablement avoir qu’un impact positif très limité sur la production d’exportation, car la concurrence à laquelle les secteurs mauriciens concernés feront face sera forte :
- Ainsi, l’African Growth and Opportuniy Act (AGOA), accord commercial préférentiel entre les États-Unis et 70 États africains et des Caraïbes, adopté en mai 2000, permet l’accès hors taxes au marché américain à des contingents accrus, à condition d’utiliser des matières premières provenant des États Unis ou des pays africains. Or, les producteurs mauriciens auront à faire face à des États voisins où la main-d’œuvre est moins coûteuse, notamment l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Lesotho [11].
- De même, la création des unions économiques régionales, notamment la Southern Africa Developemnt Community (SADC) et le Common Market of East and Southern Africa (COMESA), favorise une augmentation potentielle des exportations mauriciennes. Mais en même temps, la concurrence des pays de même niveau technologique, où les coûts salariaux sont plus bas que Maurice, notamment l’Afrique du Sud et l’Égypte, augmentera.
Le développement économique et son impact sur le marché du travail
25 Même si la plupart de ces libéralisations commerciales ne vont entrer en vigueur que dans quelques années, les acteurs de l’économie mauricienne utilisent déjà leur délai de grâce pour une restructuration.
26 L’industrie sucrière réagit à la future baisse de ses profits par une accélération de la mécanisation de la production et de la centralisation des usines, par une diversification des activités agricoles ainsi que par une réduction des surfaces de plantation. Ces stratégies ont pour conséquence d’importants licenciements. Afin de contourner les effets de la future libéralisation, certaines sociétés ont récemment racheté des industries sucrières au Mozambique et en Tanzanie, États classés comme Pays les Moins Avancés et qui, par ce fait, bénéficieront toujours de quotas garantis par l’Union européenne même après 2009.
27 La Zone Franche est entrée dans une phase de transformation structurelle qui va dans le sens d’une production de qualité. Les multiples stratégies des entreprises peuvent être résumées de la manière suivante :
28 Bon nombre de firmes étrangères fabricants des produits standards de masse, ont arrêté leurs activités à Maurice et se sont délocalisées vers des pays où la main-d’œuvre est moins coûteuse, tandis que beaucoup de petites et moyennes entreprises locales ont été obligées d’arrêter leur production, car elles ne possèdaient pas le capital et le savoir-faire nécessaires pour s’adapter aux nouvelles conditions externes de façon flexible. En conséquence, le nombre d’usines de la ZF a chuté de 14 %, celui des usines textiles de 30 % entre 1991 et 2003.
29 Les entreprises qui restent sur l’île se mettent à la production d’articles haut de gamme, pour laquelle les coûts de main-d’œuvre ont moins d’importance ; cette stratégie étant leur seule chance de s’assurer une place sur le marché mondial dans le futur. Elles produisent de plus en plus pour des firmes de marques renommées comme Hugo Boss, Ralph Lauren et Calvin Klein et visent à obtenir le label de qualité internationalement reconnu ISO 9000.
30 Parallèlement, elles délocalisent les unités de production intensives en main-d’œuvre, comme les coupes de T-Shirt à Madagascar (outsourcing). Une cinquantaine d’entreprises mauriciennes sont déjà actives dans la ZF d’Antananarivo, la capitale malgache, où elles emploient 50 000 ouvriers [12]. Ainsi, ne restent à Maurice que les secteurs intensifs en capital et en savoir-faire comme le design, la distribution et la finition.
31 Une troisième stratégie des entreprises sur place consiste à réduire indirectement les coûts de main-d’œuvre en employant des ouvriers/ouvrières étrangers/ères en provenance de pays plus pauvres comme la Chine, l’Inde, le Sri Lanka, le Bangladesh et Madagascar. Ces travailleurs sont recrutés dans leurs pays d’origine par le biais d’agences spécialisées et ils obtiennent des contrats de travail pour une période de trois ans. Durant ces dernières années, cette pratique est devenue une véritable stratégie de survie pour des entreprises de la ZF qui ne veulent pas quitter leur lieu de production à Maurice. À ce jour, les ouvriers étrangers représentent 20 % des employés de la ZF [CSO, 2003a]. [13] Les restructurations mentionnées ci-dessus ont conduit à des licenciements très importants de travailleurs/euses mauriciennes durant ces dernières années (2000-2003).
32 La réduction des emplois dans la production intensive en main-d’œuvre se poursuit ainsi de manière constante et, semble-t-il, irréversible. La seule chance du pays de maintenir une économie adaptée aux nouvelles conditions externes tout en évitant une augmentation considérable du chômage, est de développer le secteur des services – tout comme cela a eu lieu dans les pays industrialisés et nouvellement industrialisés. Or, ce développement devrait se faire dans un laps de temps beaucoup plus court que dans ces pays. Suite aux libéralisations, l’Île Maurice ne pourra pas profiter de la protection de ses industries fragilisées (notamment du secteur agraire, de l’industrie du textile et de l’industrie locale) comme cela a eu lieu dans les pays industrialisés et les PNI asiatiques.
33 En effet, l’île est devenue aujourd’hui un centre offshore très estimé dans le secteur des banques et des assurances. Celui-ci génère des recettes fiscales importantes pour l’État. Le gouvernement a également installé, déjà en 1996 et en prévision, un parc technologique ayant le statut de Zone Franche à proximité de la capitale Port Louis. Un deuxième cyberparc est actuellement en construction. Mais le nombre d’emplois créés dans ces secteurs de service ne représente actuellement que 1 % de la population active, et de ce fait, est encore négligeable. Les estimations les plus optimistes sur le nombre des futurs emplois qui seront créés au sein du nouveau cyberparc sont de l’ordre de 10 000 à 20 000 à moyen terme (entre 3,3 et 6,6 % de la population active) – et cela seulement dans le cas où un certain nombre de facteurs seraient réunis [Business Magazine, 2003, p. 31-32 et 15]. [14] Certains observateurs critiques craignent que, dans le secteur de l’information technologique, l’Île Maurice ait déjà raté sa chance dans la concurrence globale [Mistry, 1999]. Le futur le montrera. Il n’y a que le secteur du tourisme qui aujourd’hui arrive à employer un dixième de la population active. En effet, le tourisme est devenu le troisième pilier de l’économie mauricienne et est actuellement le seul secteur qui crée annuellement un nombre considérable d’emplois directs et indirects.
34 Afin de comprendre l’impact de cette évolution économique sur la structure sociale, il est nécessaire d’analyser le développement du marché de travail. La figure 6 illustre très bien les importantes et irréversibles pertes d’emplois dans l’industrie sucrière et la ZF pour la population locale [15]. Depuis l’indépendance, le nombre d’emplois dans l’industrie sucrière a diminué de 67 %. Celui de la ZF a chuté de 29 % depuis le grand moment de son essor en 1991 [CSO, 2003a].
35 Globalement, les nouveaux secteurs « porteurs d’espoir » de l’économie mauricienne (apparaissant dans la figure 6 dans les catégories « services modernes » et « tourisme et commerce »), ne sont pas arrivés à compenser la perte d’emplois dans les branches à forte main-d’œuvre. En conséquence, le taux officiel de chômage a re-augmenté constamment depuis 1991 et est passé de 2,3 % à 10,2 % en 2003 [CSO, 2003b]. Il faut noter que le chômage serait encore plus élevé si les emplois dans le secteur public n’étaient pas si importants (fig. 4). Les plus touchées sont les femmes, licenciées dans la ZF, et les jeunes qui arrivent annuellement sur le marché de travail [16].
Le développement de l’emploi dans les principaux secteurs économiques et du chômage entre 1973 et 2002 *
Le développement de l’emploi dans les principaux secteurs économiques et du chômage entre 1973 et 2002 *
(* entreprises de plus de 10 employés)* finances, immobilier, activités de service.
** construction, eaux, électricité, transport, stockage, communication et divers
36 Toute cette évolution s’effectue sur fond d’une croissance économique constante de 5 % en moyenne et par an. Il se produit ainsi un jobless growth – semblable à ce qu’on observe dans les pays industrialisés.
37 Un deuxième impact négatif de la restructuration économique concerne les salaires et les conditions de travail pour la population active non-cadre. À cause de la concurrence accrue subie par les entreprises, la position des syndicats à l’intérieur du système tripartite est affaiblie. Ces dernières années, les compensations salariales annuelles pour les activités de manutention et de services simples ont ainsi été maintenues en dessous de l’augmentation du coût de la vie [L’Express, 23 mai 2003]. De plus, nombreuses entreprises de la ZF contournent ces compensations salariales de façon informelle et incontrôlable en introduisant le paiement à la pièce. De cette façon, pour citer un exemple frappant, le salaire d’un/e machiniste dans l’industrie textile a même diminué de 2,2 % entre 1999 et 2000 [CSO, 2001].
38 De surcroît, on observe une tendance à la précarisation des emplois dans la ZF, l’industrie locale, le commerce et le tourisme. Les résultats de l’étude ont montré qu’un nombre croissant d’employés se voit embauché et licencié selon l’état des carnets de commande des entreprises et le nombre d’arrivées des touristes [Koop, 2001]. Cette situation donne naissance à une masse de ce qu’on appelle les travailleurs pauvres. Tout comme cela est le cas dans les pays industrialisés, on assiste donc actuellement à une crise du marché du travail et de la régulation sociale de celui-ci.
39 Quant à l’extension de l’État Providence qui a depuis toujours était assez insuffisant, elle semble aujourd’hui arrêtée. Les prestations sociales mensuelles pour les chômeurs, les pensionnaires, les veuves et les handicapés ne peuvent leur assurer la survie que pour une semaine – comme dans les années 1970.
Le développement de la structure sociale et socio-spatiale
40 Les changements économiques mentionnés ont un impact visible sur la structure sociale du pays. Le coefficient de Gini est resté relativement stable passant 0,379 (1991) à 0,387 en 1995 et 0,371 en 2002 (CSO, 2003e) et ne laisse pas entrevoir de changement dans la répartition des revenus. Pourtant, les interviews avec différents groupes socio-professionnels ont montré que cette variable, insuffisamment précise, cache un processus de fragmentation de la société mauricienne : certains groupes socio-économiques restent impliqués, de façon très variée, dans l’économie formelle, tandis que d’autres groupes en sont exclus à différents degrés.
41 La majorité des membres de la couche supérieure semble profiter désormais de la mondialisation. Les Franco-mauriciens, actionnaires principaux de l’industrie sucrière et des entreprises de la ZF, sont aujourd’hui aussi impliqués dans le secteur du tourisme, dans le commerce et les technologies de l’information avec succès. Ils ont également étendu leurs activités à des pays voisins comme Madagascar, les Seychelles, le Mozambique et la Tanzanie. Même si on ne peut pas les désigner comme des global players, ils jouent néanmoins un rôle de regional players dans la région africaine. Les familles sino-mauriciennes et indo-mauriciennes déjà fortunées sont, elles aussi, parvenues à accroître considérablement leurs activités dans le commerce, la construction et l’immobilier local [Koop, 2001].
42 Or, la large couche moyenne qui s’était formée durant la période de l’essor économique s’est de plus en plus polarisée. Le capital économique, culturel et social, dont disposent ses membres, n’est pas toujours suffisant pour leur permettre de s’adapter aux changements des conditions externes. Ainsi, on note, d’une part, qu’une partie de la jeune génération ayant un niveau d’éducation élevé profite de l’augmentation du nombre d’emplois bien payés nécessitant un haut degré de savoir-faire – et ceci aussi bien dans la ZF, dans le tourisme que dans les technologies de l’information. De l’autre côté, une frange importante de cette même couche moyenne est touchée par une baisse réelle de son pouvoir d’achat et vit dans la crainte permanente de perdre ses emplois précaires. Ce processus de ré-appauvrissement d’une partie de la couche moyenne a eu pour effet une augmentation du taux de pauvreté (relative) de 17,8 % en 1991 à entre 22,7 et 31 % [17].
43 La fragmentation sociale et les tendances au ré-appauvrissement d’une partie de la population ont des répercussions visibles sur la structure socio-spatiale (fig. 5). Des zones résidentielles des « gagnants de la mondialisation » s’étendent à grande vitesse dans les régions côtières prisées. Parallèlement, dans les régions qui ont été prospères dans les années 1980, la pauvreté apparaît de nouveau d’une manière dispersée. Dans ces espaces antérieurement homogènes se réalise subtilement une différenciation sociale. Quant aux endroits qui étaient déjà délaissés dans les années 1980 par l’essor économique, la pauvreté s’y est même aggravée. Des squats construits dans le courant des années 1990 par des gens économiquement exclus constituent la manifestation la plus visible de cette évolution.
La structure socio-spatiale de l’Île Maurice en 2000
La structure socio-spatiale de l’Île Maurice en 2000
La fragmentation sociale et les nouvelles dimensions de la pauvreté
44 Les résultats d’une étude de cas sur la situation de la jeune génération des familles des travailleurs de plantation et des dockers illustrent parfaitement les tendances à la fragmentation et les nouvelles dimensions de la pauvreté dans la société mauricienne [Koop, 2001].
45 Ainsi, cette étude révélait que seulement 39,8 % des ménages de la jeune génération disposent de revenus leur permettant une participation aux standards de vie qui se sont imposés à l’intérieur de cette couche sociale durant l’essor socio-économique (tab. 3) [18]. 60,2 % n’arrivent plus à maintenir ces standards et subissent une « nouvelle pauvreté » qui se caractérise par différentes formes d’exclusion des standards de la société et ceci à différents degrés.
46 Ces groupes de ménages « inclus » et « exclus » ne sont pas eux-mêmes homogènes. Selon leur degré d’insertion dans l’économie, c’est-à-dire selon leurs revenus, les ménages sont frappés par des phénomènes d’exclusion plus ou moins forts et ont des réalités de vie différentes. On peut ainsi différencier quatre groupes.
47 Seul 5,7 % ont pu améliorer leur standard de vie (groupe 1). Dans ces ménages, au moins une personne exerce une activité dans le secteur tertiaire avec un revenu élevé. Ils participent, entre autres, à la vie dite « moderne » de l’Île Maurice. Leur revenu élevé leur permet de profiter des offres des nouveaux espaces créés, comme les centres commerciaux, les cafés Internet, les cinémas, etc., et d’assurer une bonne éducation à leurs enfants.
48 34,1 % des ménages arrivent à peine à maintenir leur standard de vie (groupe 2). Il s’agit des ménages à double revenu, mais ceux-ci sont assez faibles. Les actifs exercent des emplois dans la ZF ou le secteur tertiaire.
49 46,4 % des ménages recensés font l’expérience de phénomènes d’exclusion partielle dans les différents domaines de la vie (groupe 3). Ces phénomènes sont décrits ci-dessous.
50 3,8 % ont des revenus très faibles. Ils vivent dans une pauvreté absolue et subissent une très forte exclusion des standards de vie de la société (groupe 4).
51 Afin d’éclairer les dimensions de la nouvelle pauvreté vécue par de nombreux ménages mauriciens, la réalité de vie des jeunes ménages classés comme « partiellement exclus » (46,4 %) est présentée. La description suivante est basée sur la classification de l’auteur allemand Kronauer [1996], qui distingue entre la dimension économique (l’accès au travail et au revenu), culturelle (l’accès aux standards matériels et autres normes de la société), institutionnelle (l’accès à toutes institutions du domaine de l’éducation, de la santé et autres aides publiques) et sociale (les relations sociales).
Exclusion dans sa dimension économique
52 Dans ces ménages, le plus souvent, un seul membre, en général l’homme, exerce une activité sous-payée dans la ZF, dans le tourisme, le commerce ou dans d’autres secteurs de service. Selon eux, les raisons principales pour lesquelles ils ne trouvent pas d’emploi mieux payé est leur manque d’instruction et le manque de relations sociales avec des gens dans de meilleurs positions qui pourraient les y aider (le « backing »). À cause de leur inclusion dans le monde du travail formel qu’on ne peut appeler que « périphérique », ces ménages ne peuvent plus main-tenir leur standard de vie acquis dans les années 1980 et vivent ainsi d’autres dimensions d’exclusion.
Exclusion dans sa dimension culturelle
53 Ces jeunes ménages sont contraints de se restreindre financièrement à tous les niveaux. Ils n’arrivent souvent plus à finir la construction de leur appartement sur le terrain de leurs parents ou à louer un appartement. Ils vivent, très souvent, dans une chambre dans la maison de leurs parents. L’acquisition des meubles et d’appareils électroménagers – signes extérieurs de prospérité – ne leur est possible qu’à travers les achats à crédit. Plus de 60 % de ces ménages se sont ainsi endettés. Par manque d’argent pour le paiement des transports publics et des activités de loisirs modernes, la plupart de ces ménages ont restreint leur mobilité spatiale. Ils évitent surtout les espaces modernes coûteux comme les nouveaux centres commerciaux, les cinémas, discothèques, etc. Pourtant, les restrictions au niveau des loisirs et des achats à crédit ne sont pas suffisantes pour freiner le processus d’appauvrissement. La plupart se sentent obligés d’économiser même au niveau de la nourriture et des biens de première nécessité. Ainsi, la comparaison des éléments faisant parti des achats mensuels traditionnels d’aliments et de biens de première nécessité (la « ration ») des années 1970, des années 1980 et d’aujourd’hui, a montré que les ménages achètent non seulement beaucoup moins de biens de luxe, comme le shampooing, le vin, le café, la lessive, mais qu’ils se restreignent aussi au niveau de la nourriture. Comme dans les années 1970, on achète des aliments de base moins chers, telles les lentilles et le poisson séché au détriment du lait, de jus et de viande fraîche. Pour subvenir à leurs besoins nutritionnels, un nombre croissant de ménages aménagent des jardins de légumes et élèvent des volailles. Ils reprennent donc les stratégies de survie traditionnelles qui avaient complètement disparu durant l’essor économique.
Exclusion dans sa dimension institutionnelle
54 L’accès au système d’éducation est, en principe, gratuit. Pourtant, ce système est si compétitif que seules des nombreuses leçons particulières payantes peuvent garantir aux enfants de réelles chances de réussite. Malgré leurs faibles revenus et les restrictions au niveau matériel, ces ménages investissent un maximum d’argent dans l’éducation de leurs enfants, allant jusqu’à un quart du revenu mensuel. Toutefois, les sommes dépensées pour ces incontournables leçons particulières sont négligeables en comparaison avec celles dépensées par les familles plus aisées. L’accès de leurs enfants à des emplois prometteurs sera ainsi restreint. De même, le système de santé est aussi gratuit en principe. Mais à cause de l’insuffisance des services publics, un traitement efficace de la plupart des maladies implique des dépenses supplémentaires en consultations auprès des médecins privés. Beaucoup des ménages interviewés renoncent de plus en plus souvent à ces soins, faute d’argent.
Exclusion dans sa dimension sociale (relations sociales)
55 Malgré l’affaiblissement des liens traditionnels de solidarité, provoqué par la fragmentation sociale croissante à l’intérieur des communautés, les ménages sont encore plus ou moins inclus dans le réseau social de la famille étendue. Un résultat remarquable de l’étude est le transfert important d’argent et de services de la vieille génération envers les jeunes ménages. Si les parents ont encore un emploi ou s’ils sont déjà pensionnés – ils profitent encore des fruits du consensus social établi dans les années 1970 dans leurs secteurs économiques respectifs (industrie sucrière et port) grâce au fort pouvoir de négociation des syndicats à cette époque. Leurs revenus et leurs pensions sont assez élevés pour soutenir les familles de leurs enfants moins aisés financièrement et pour les protéger d’une trop forte exclusion. Ainsi, ils contribuent à la construction de l’appartement et à l’acquisition de biens durables, ils co-financent l’éducation de leurs petits-enfants et associent les familles de leurs enfants aux rencontres et festivités [Koop, 2001]. Ces liens de soutien existent surtout à l’intérieur des familles étendues indo-mauriciennes des (anciens) travailleurs des plantations. La solidarité familiale (sangatan) est une tradition chez eux. Mais la jeune génération des familles créoles des dockers, dans lesquelles ces liens sont pourtant traditionnellement plus faibles, fait aussi souvent l’expérience d’un soutien parental.
56 Les rapports de solidarité entre les générations remplacent ainsi partiellement l’assistance publique défaillante. L’importance de ces réseaux dans la réduction des phénomènes d’exclusion est bien démontrée dans le cas des ménages qui ne bénéficient pas de cette solidarité. Ceux qui se retrouvent dans l’incapacité de payer leur loyer et qui n’ont pas recours à un soutien familial sont amenés à s’installer dans une hutte des squatter-settlements, c’est-à-dire dans un espace dans lequel toutes les dimensions d’exclusion s’accumulent. Cette exclusion spatiale est le stade ultime de l’exclusion et représente le plus souvent un pas irréversible vers la pauvreté absolue.
57 La nouvelle pauvreté qu’éprouvent les ménages partiellement exclus diffère nettement de la pauvreté vécue par leurs parents dans les années 1970. Tandis que dans les années 1970, la pauvreté était perçue comme un sort collectif (résultats des interviews avec la vielle génération), elle est éprouvée aujourd’hui comme une exclusion individuelle de la société mauricienne qui elle prône la « participation » à la prospérité.
Conclusion
58 À l’Île Maurice – considérée comme un modèle par les pays du Sud – se réalise, sous les conditions actuelles de la nouvelle dynamique de la mondialisation, un développement socio-économique qui remet en cause le paradigme du développement de rattrapage.
59 La prospérité induite par la mondialisation dans les années 1980 n’a été, pour certains groupes socioprofessionnels, qu’un phénomène éphémère. En fin de compte, il n’y a pas eu l’avènement d’une société avec une large couche moyenne, dominée par un modèle d’égalité sociale et au sein de laquelle les plus pauvres auraient pu bénéficier d’une protection sociale importante. Ce qui serait le cas s’il y avait vraiment eu un développement de rattrapage selon le modèle des pays industrialisés.
60
Ce développement économique et social n’est fort probablement pas un phénomène conjoncturel, lié à la restructuration économique nécessaire, mais une véritable évolution structurelle. Deux arguments soutiennent cette thèse :
- Étant donné le nombre peu important de la population mauricienne, il est possible que le gouvernement mauricien parvienne de nouveau à réaliser le plein emploi en atteignant une compétitivité optimale dans le secteur tertiaire moderne. Mais cette situation ne durera qu’aussi longtemps que les conditions externes, qui changent si rapidement, le permettent.
- Le phénomène du démantèlement du consensus social entre l’État, les entreprises et la société civile peut être observé au niveau mondial, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays nouvellement industrialisés [Jäger/Melinz/Zimmermann, 2001]. Il est un effet secondaire par rapport à la mondialisation et résulte de la désagrégation de nombreux pans de l’État national [Beck, 1999]. Ainsi, dans l’avenir, la plupart des emplois qui vont être créés seront probablement sous-payés afin que les employeurs puissent être compétitifs sur le marché mondial. De même, ceux qui sont exclus de l’économie ne pourront pas être suffisamment soutenus par un système efficace de sécurité sociale.
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Mots-clés éditeurs : mondialisation, Zone Franche, pauvreté, pays émergent, exclusion, fragmentation, industrie textile, industrie sucrière, Île Maurice, développement de rattrapage
Mise en ligne 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/autr.031.0109Notes
-
[*]
Géographe, ATER à Paris VII, UFR GHSS, kirstenkoop@noss.fr.
-
[1]
Grâce à un programme de planification familiale, le taux de croissance de la population avait chuté de 4?% dans les années 1950 à 1,5?% (1972-1983). Pourtant, 62?% de la population avaient moins de 25 ans [Statistisches Bundes-amt, 1993, p. 29].
-
[2]
Ces instances de régulation étaient le National Remuneration Board et le Pay Research Bureau, fixant les revenus minimaux dans le secteur public et privé, le Permanent Arbitration Board, intervenant dans les cas litigieux entre salariés et patrons et la Commission Tripartite, régulant l’ajustement annuel des salaires à la perte du pouvoir d’achat due à l’inflation.
-
[3]
Il s’agit ici d’une présentation généralisée.
-
[4]
Le parti gouvernant était majoritairement issu des planteurs indo-mauriciens et défendait les intérêts socio-économiques de ceux-ci.
-
[5]
Le seuil de pauvreté est défini ici comme le revenu au-dessous duquel les standards minimaux de la société ne sont pas respectés. Il s’agit donc d’une notion de pauvreté relative. Il a été déterminé par la Commission Justice et Paix (1976) pour l’année 1975. Le taux de 70?% a été calculé sur la base des données statistiques de la même année du Household Budget Survey [CSO, 1984].
-
[6]
Avec la création de grandes entreprises franco-mauriciennes et la multiplication des PME indo-mauriciennes, le capital local investi dans la Zone Franche atteignait 56,9?% – une part extraordinairement élevée pour une ZF [Lamusse, 1990, p. 39].
-
[7]
Interviews avec divers entrepreneurs de la Zone Franche, août 1999.
-
[8]
La notion de consensus social se réfère ici au système de régulation sociale. Elle ne sous-entend pas un consensus entre les différents groupes socio-éthiques. En effet, la population restait plus au moins fragmentée au niveau ethnique.
-
[9]
9. Ceci était surtout le cas au sein des familles indo-mauriciennes. Les créoles vivant plutôt en familles nucléaires et ayant des liens sociaux et solidaires moins prononcés que les indo-mauriciens [Alber, 1988, p. 15], pratiquaient cette stratégie en moindre mesure – ce qui explique en partie pourquoi un certain nombre de familles créoles restaient relativement plus pauvres
-
[10]
Il était considéré comme contre-preuve de la théorie dépendantiste du sous-développement [Leffler, 1988]. Celle-ci postulait que les pays en développement n’avaient, à cause précisément de leur insertion dans le marché global, aucune chance de parvenir à un développement socio-économique positif.
-
[11]
D’autant plus que les Pays les Moins Avancés, comme le Zimbabwe et Lesotho, vont être exemptés de la condition de n’utiliser que des matières premières provenant des États-Unis ou africaines.
-
[12]
Ainsi, pour citer un exemple, l’entreprise la plus importante de la ZF Floréal Knitwear employait 11?000 travailleurs au début des années 1990. En 2000, elle employait 6?000 Mauriciens et 6?000 malgaches dans les unités délocalisées [Interview avec La Tour, Floréal Ltd, mai 2000].
-
[13]
Le gouvernement mauricien a fixé une limite de 30?% de travailleurs étrangers par entreprise afin de restreindre l’impact négatif sur le marché national de travail.
-
[14]
C’est surtout le manque de formation de la population mauricienne qui risque d’entraver un développement rapide du secteur de l’informatique.
-
[15]
Sans tenir compte des travailleurs étrangers dans la ZF.
-
[16]
Le chômage parmi les femmes a atteint 12,9?% [CSO, 2003b] et 45?% des chômeurs officiellement enregistrés sont âgés de 20 à 29 ans [Ministry of Labour and Industrial Relations, Employment & Human Resource Development 1999, p. 16].
-
[17]
Le résultat du croisement du revenu minimal pour vivre selon les standards de la société (pour l’année 2000) avec les résultats du Continuous Multi Purpose Household Survey (CMPHS) de l’année 2000 donne un taux de pauvreté de 31?% [Koop, 2001]. Celui du revenu minimal pour l’année 2002 avec les résultats du Household Budget Survey 2001-2002, s’appuyant lui sur une autre base de données que le CMPHS, donne un taux à 22,7?%.
-
[18]
18. Les biens matériels ainsi que les normes et valeurs dans le domaine de la communication, de la mobilité, des loisirs, de l’éducation et de la santé faisant partie du standard de vie ont été étudiés auprès du groupe d’étude. Nous avons évalué qu’un budget de ménage minimal de 6?000 Rs (250 ¤) est nécessaire pour l’accès à ces standar