Autrepart 2001/1 n° 17

Couverture de AUTR_017

Article de revue

Partenariat bailleur/État et communauté pour l'enseignement primaire dans le sud de Madagascar : les écoles à « contrat-programme »

Pages 133 à 153

Notes

  • [1]
    Sociologue-démographe, doctorante, Paris-V et Ceped.
  • [2]
    Les données sur le milieu rural du recensement de 1975 ne sont pas disponibles.
  • [3]
    Plan cadre d’opération pour le programme de coopération 1996-2000.
  • [4]
    D’où le nom du programme « Dina-Sekoly » (dina = convention, loi coutumière ; sekoly = école).
  • [5]
    Enquête de type qualitatif réalisée en milieu rural dans le département de Tsihombe, de mai à août 1999 : étude du milieu, recueil de 42 entretiens semi-directifs, en dialecte tandroy et enregistrés, menés auprès de parents ayant des enfants d’âge scolaire répartis dans cinq villages (fokontany), recueil de données sociodémographiques des enquêtés et de leur entourage familial et résidentiel et recueil de repères temporels et contextuels du processus de scolarisation des descendants de l’enquêté et des personnes confiées dans son ménage au moment de l’enquête ; et en juin-juillet 2000 : recueil « informel » de données. La première phase de l’étude a été réalisée en partie grâce au concours financier de l’Unicef.
  • [6]
    Cisco : Circonscription scolaire, dont les limites sont équivalentes au département (ou fnondronana).
  • [7]
    Il est divisé en trois cycles (primaire, secondaire et supérieur) dont le découpage en niveaux est identique à celui pratiqué en France.
  • [8]
    Variable selon les provinces, le ratio élèves/enseignant est de 39 élèves pour 1 maître dans la province d’Antananarivo et de 69 élèves pour 1 maître dans la province d’Antsiranana, pour l’année scolaire 1997-1998 (données Mineseb).
  • [9]
    Nombre d’élèves de 6-10 ans inscrits au niveau primaire exprimé en pourcentage du nombre d’individus de cette même tranche d’âge (cette dernière étant estimée à partir des projections de la population recensée en 1975 et 1993).
  • [10]
    Un zébu équivaut en moyenne à 600000 fmg. 1000 fmg équivalaient à 1 franc français environ en 1999.
  • [11]
    Située à l’extrême sud de l’île, la région est caractérisée par une terre aride, une végétation d’épineux, un habitat protégé et caché par des haies de cactus ; elle est soumise à la sécheresse et à la famine. Enfin, I :s infrastructures routières sont déficientes.
  • [12]
    L’histoire des Tandroy est émaillée de conflits avec les ethnies voisines. Ils ont en outre fortement résisté à la conquête du royaume Merina des hauts plateaux, et sont parmi les derniers à avoir été colonisés f ar la France.
  • [13]
    S’il existe une intercompréhension dialectale au sein de l’île, le lexique du dialecte tandroy diffère sensiblement du malgache standard et ce dialecte fait figure d’exception [Rajaonarimana, Fee, 1996].
  • [14]
    À titre indicatif, dans l’Androy, la vie d’un homme équivaut à 30 têtes de valoay (zébu âgé de 8 ans, le plus valeureux, chaque tête pouvant dépasser 1000000 fmg).
  • [15]
    René Decary notait déjà [Decary, 1933, t. II] une évolution du sens de mpizaka au profit du sens d’avocat, de personne éloquente. C’est le sens qui lui est donné aujourd’hui. Anciennement attribuée par le roi, cette fonction est en général aujourd’hui tenue par un notable, gros propriétaire et surtout compétent dans l’art du discours.
  • [16]
    Littéralement : « le sacré au milieu du champ », la neutralité respectée au milieu de tous (hasy = sacré ; ignwo = au milieu ;teteke = champ). Il se doit d’être impartial et est désigné comme tel (choisi dans un autre village, non apparenté à l’une des parties…). Il est également, de préférence, notable et gros propriétaire. Son pouvoir de juger est supérieur à celui du mpizaka de par sa neutralité. Il aurait ainsi une fonction et un pouvoir similaire au juge.
  • [17]
    Ce terme désigne dans le langage courant le personnel de la Cisco et plus particulièrement le chef Cisco.
  • [18]
    En dehors des écoles primaires publiques ciblées par le projet, un enfant ne peut pas être inscrit dans un établissement public s’il ne possède pas d’acte d’état civil. Or, dans les campagnes malgaches, rares sont les enfants déclarés à l’état civil et possédant un tel papier.

1 Madagascar apparaissait encore au milieu des années soixante-dix comme un des pays du Sud où le système scolaire semblait efficient et la dynamique de scolarisation enclenchée : chacune des 15000 communes du pays était dotée d’une infrastructure scolaire, les taux de scolarisation étaient élevés (81% des 6-14 ans scolarisés en milieu urbain lors du recensement de la population de 1975 [2]), aussi bien pour les filles que pour les garçons (80% et 82% respectivement) et les effectifs scolaires étaient en constante augmentation. Cependant, depuis le milieu des années quatre-vingt, la scolarisation dans le premier cycle, et particulièrement dans le secteur public, apparaît « en perte de vitesse », tant au niveau de la qualité de l’enseignement que de la fréquentation scolaire.

2 Dans le cadre du programme « Éducation pour tous [3] », la section éducation de l’Unicef à Madagascar en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale et de l’enseignement de base (Mineseb) a développé, depuis 1995, le projet « Éducation primaire ». Ce projet visait à augmenter significativement l’entrée à l’école des enfants ruraux âgés de 6 à 14 ans et à favoriser leur maintien jusqu’à la fin du cycle primaire. Il devait participer à l’amélioration de la qualité de l’enseignement, en insistant sur la décentralisation et la gestion communautaire. Communément appelé « Dina-Sekoly » ou « contrat-programme », le projet a adopté une approche originale en établissant des contrats avec les communautés villageoises, ces contrats s’apparentant aux dina (ou lois) habituellement appliqués dans le contexte législatif local [4] : dans chaque école primaire publique (EPP) où est établi un dina scolaire, l’Unicef s’engage à donner des fournitures scolaires à l’école et à assurer des formations aux enseignants si, en contrepartie, la communauté envoie les enfants d’âge scolaire à l’école et ne les déscolarise pas avant la fin du cycle primaire. Au terme de l’année 1997, compte tenu des premiers résultats positifs du programme, le concept du dina scolaire a été intégré à la politique nationale du ministère de l’Éducation. La réalisation d’une enquête socioanthropologique [5] sur l’enfance, l’éducation et la scolarisation » en 1999-2000 auprès de familles rurales dans la Cisco [6] de Tsihombe, région de Toliary (figure 1), nous a permis d’étudier quelques-uns de ces dina scolaires, les réactions des populations face à ce programme et les stratégies mises en place par ces familles.

Figure 1

Madagascar, localisation de la zone d’étude et des départements ciblés par le projet « Dina-Sekoly » en 2000

Figure 1

Madagascar, localisation de la zone d’étude et des départements ciblés par le projet « Dina-Sekoly » en 2000

3 Tout d’abord, nous évoquerons les caractéristiques de l’enseignement primaire a Madagascar et dans la zone d’étude en particulier. L’action conjointe de l’Unicef et du Mineseb ayant comme originalité de s’inspirer directement du milieu dans lequel elle s’inscrit, nous aborderons ce milieu et plus spécifiquement le système législatif coutumier local, à partir duquel le système de dina scolaire, et par conséquent le programme « Dina-Sekoly », a été élaboré. L’étude de terrain n’ayant pas pour objet d’évaluer le projet « Éducation primaire » dans la zone, il s’agit donc davantage pour nous de faire état d’une expérience originale en matière d’implication des communautés dans la scolarisation des enfants au niveau primaire, ce qui nous permet d’aborder les stratégies éducatives des différents acteurs dans le sud de Madagascar.

L’enseignement primaire à Madagascar

Rappel historique

4 La première école a été créée à Madagascar en 1820 par la London Missionary society à Antananarivo. Les diverses missions protestantes et catholiques, dans un souci d’évangélisation de la population et de « compétition confessionnelle », se sont ensuite affairées à développer l’enseignement dans l’île. La présence de ces missions à Madagascar était toutefois inégale selon les régions : la partie sud de l’île a été plus « réfractaire » que les autres à l’évangélisation, d’où une présence plus limitée des écoles confessionnelles dans cette région.

5 Sous le règne de la reine Ranavalona 1re (1828-1861), hostile à toute présence étrangère, le développement de l’enseignement connaît une interruption. À l’opposé, sous le règne de Radama 2 (1861-1863), le pays s’ouvre à nouveau sur l’Occident et l’enseignement scolaire connaît une nouvelle phase d’expansion. Le principe de l’obligation scolaire voit le jour dans les lois gouvernementales de 1876, qui ne seront véritablement appliquées qu’après la parution du Code des 305 articles en 1881. Ce dernier stipule ainsi l’obligation scolaire pour tous les enfants âgés de plus de 7 ans, quelle que soit l’école :

6

« Les enfants de 8 ans et plus, garçons et filles, doivent tous être mis à l’école pour s’instruire ; mais s’ils ont moins de 8 ans, leurs père ou mère ou, à défaut, leurs plus proches parents sont libres de les mettre ou non à l’école (art. 271). Si quelqu’un n’envoie pas ses enfants qui ont atteint l’âge ainsi prescrit à l’école ou cherchant de vaines excuses, les empêche d’aller à l’école les jours de classe, il sera puni d’un piastre pour chaque enfant… S’il ne peut pas payer, il sera mis en prison à raison d’un sikajy (8e partie de piastre) par jour à concurrence de son amende (art. 273) ».
[cité dans Koerner, 1999 : 89]

7 Durant la période coloniale (1896-1960), le pays connaît un essor de l’enseignement et un développement important des infrastructures scolaires, même si l’obligation scolaire est limitée aux cantons où il existe des écoles officielles. Le français devient la langue d’enseignement, la scolarisation de la population malgache étant principalement destinée à la formation d’agents d’exécution pour l’administration coloniale ou d’agriculteurs et d’ouvriers destinés à travailler pour la mise en valeur de la colonie. La réussite scolaire signifiait alors pour l’essentiel devenir fonctionnaire et le système scolaire de l’époque était élitiste et très sélectif.

8 Après l’indépendance du pays en 1960, durant la Ire République (1960-1972), la structure du système scolaire n’est pas remise en cause. On assiste au développement de l’enseignement secondaire et à la mise en place d’un enseignement supérieur, qui permettent alors de fournir au nouvel État le personnel et les cadres administratifs nécessaires au remplacement des cadres coloniaux. Mais ce système, héritier de l’ancienne puissance coloniale, apparaît élitiste et peu adapté aux besoins de la population.

9 C’est sous la IIe République du président Ratsiraka (1975-1991), marquée par la révolution socialiste, que le système scolaire connaît de profondes réformes. Trois mots d’ordre sont lancés en termes de politique éducative : démocratisation, décentralisation et malgachisation de l’enseignement. Les écoles se multiplient et même dans les régions rurales de petites écoles rudimentaires sont créées. Les effectifs d’enfants scolarisés augmentent, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Tous les enseignements du cycle primaire, puis du secondaire, sont dispensés en langue malgache (malgache officiel). Si cette politique a permis le développement quantitatif du système, c’est aussi au détriment de la qualité : la formation des instituteurs et la création de matériel didactique n’ont pas suivi et la gestion du système est devenue aléatoire (raréfaction, voire absence de contrôle et de suivi des enseignants).

10 Vers le milieu des années quatre-vingt, les effectifs scolaires dans l’enseignement public diminuent, les fermetures d’écoles se multiplient, les bâtiments scolaires sont peu à peu livrés à l’abandon, les enseignants, peu motivés et peu encadrés, s’absentent, que ce soit pour aller chercher leur salaire ou pour d’autres raisons, voire abandonnent leur poste, sans que les instances compétentes en soient averties. Parallèlement, la population s’oriente de préférence vers l’enseignement privé, plus particulièrement dans le primaire, du fait de la faible qualité de l’enseignement public.

L’école primaire à Madagascar

11 En 1991-1992, le français redevient langue d’enseignement dans le cycle primaire. En première année de ce cycle, l’enseignement est dispensé en malgache, avec simultanément l’introduction du français à l’oral, qui devient progressivement la langue d’enseignement dans les niveaux supérieurs. Le système scolaire actuel à Madagascar est encore fortement inspiré du système scolaire français [7]. Il existe une obligation scolaire de principe pour les enfants âgés de 6 à 14 ans, mais celle-ci n’est pas respectée.

12 Du fait des conditions de l’ajustement structurel et des restrictions budgétaires allouées à l’enseignement par l’État (2,3% du PIB en 1991 contre 1,4% en 1997), et plus spécifiquement à l’enseignement primaire, l’offre scolaire publique demeure insuffisante. Pour l’année scolaire 1997-1998, 15% des EPP étaient encore non fonctionnelles [Mineseb-PEM, 1998] (écoles fermées, écoles sans instituteurs…), de nombreuses infrastructures restent délabrées (école sans toit par exemple), et le matériel didactique et les fournitures scolaires font encore défaut. Du point de vue du personnel enseignant, on constate une pénurie d’instituteurs [8], une formation insuffisante de ces derniers (faible compétence en français, en méthodes pédagogiques…) et un encadrement défectueux (peu de contrôle et de suivi des enseignants, surtout en milieu rural).

13 La tendance à la baisse des effectifs scolaires en primaire est observée jusqu’en 1994-1995. Selon une estimation du ministère de l’Éducation, le taux net de scolarisation (TNS) au niveau primaire [9], tous secteurs confondus, est passé de 73% pour l’année scolaire 1987-1988 à 60% en 1994-1995. Depuis 1995-1996, on assiste à une légère remontée du TNS. Cet indicateur, estimé à 64% en 1997-1998, demeure toutefois inférieur à celui observé dix ans auparavant [Mineseb, 1999], Cette baisse de la scolarisation s’explique en partie par la chute vertigineuse du niveau de vie de la population malgache, observée depuis le milieu des années quatre-vingt. On note aussi le signe d’une désaffection pour l’enseignement public entraînant la hausse de la part du secteur privé : de 15% des effectifs scolaires en 1987-1988, elle atteint 22% en 1997-1998 [Mineseb, 1999]. Si la chute du TNS au niveau du cycle primaire semble « enrayée » depuis 1995-1996, la baisse de la scolarisation dans le secteur public à Madagascar est évidente.

14 Les différences de scolarisation selon le milieu de résidence sont très marquées dans l’île : selon les données du recensement de 1993, 69% des enfants de 6-14 ans fréquentent l’école en milieu urbain contre 42% en milieu rural (figure 2). Mais là encore, la fréquentation scolaire est caractérisée par de très fortes disparités régionales : aux extrêmes, nous trouvons les provinces où se trouvent la capitale très scolarisée (Antananarivo) et celle du sud/sud-ouest de l’île (Toliary), peu scolarisée (figures 1 et 2). Par ailleurs, le bilan en l’an 2000 [Mineseb, 1999] révèle la constance d’une forte déperdition scolaire dans le primaire et la persistance de nombreux redoublements (taux de survie en fin de cycle de 40% et taux moyen de redoublement égal à 36% en 1996-1997). Enfin, la scolarisation dans toute l’île est caractérisée par une apparente égalité selon le sexe dans l’accès à l’école primaire : dans certaines provinces, telles que celle de Toliary, les filles fréquentent même davantage l’école que les garçons (figure 2).

Figure 2

Taux de fréquentation scolaire des 6-14 ans * par province et pour l’ensemble de l’île en 1993 (en %)

Figure 2

Taux de fréquentation scolaire des 6-14 ans * par province et pour l’ensemble de l’île en 1993 (en %)

* Nombre d’individus de 6-14 ans déclarés comme fréquentant l’école durant l’année du recensement, exprimé en pourcentage du nombre d’individus de ce groupe d’âges.
Source : RGPH, DDSS-Instat, 1993.

15 C’est au sein de ce cadre et avec l’objectif de renforcer l’offre scolaire et d’augmenter la scolarisation dans le primaire public que le projet « Éducation primaire » Mineseb-Unicef a vu le jour au milieu de la dernière décennie. La Cisco de Tsihombe, située à l’extrémité sud de l’île, dans la province de Toliary, est une des zones cibles de ce projet.

Le département de Tsihombe et l’école primaire

16 Le département de Tsihombe comptait 51 596 habitants lors du dernier recensement de 1993. La majorité des habitants réside en milieu rural, et ce département connaît une densité de 20 habitants au kilomètre carré. Il se situe dans l’espace culturel de l’Androy, qui s’étend sur 25000 kilomètres carrés et compte approximativement 500000 habitants [Rajaonarimanana, Fee, 1996]. Cette zone est peuplée en majorité de membres de l’ethnie tandroy, population d’agropasteurs. Outre l’élevage de bovins, de caprins et d’ovins, le zébu y est prédominant tant sur le plan de l’activité économique que sur le plan culturel : le zébu est à la fois animal sacrificiel lors de cérémonies, et à valeur hautement symbolique et marchande [10]. La quantité possédée définit en grande partie le prestige social du propriétaire et la marque d’oreille matérialise le clan auquel il appartient. L’apprentissage de la fonction de bouvier est par là même valorisée et les garçons, plus particulièrement l’aîné, sont bien souvent destinés au travail de bouvier dans la conception tandroy des tâches attribuées à chaque membre de la famille.

17 Ce qui caractérise également l’Androy, c’est l’isolement (géographique et culturel) de la zone par rapport au reste de l’île. En effet, à l’isolement géographique [11] viennent s’ajouter des particularités historiques et politiques [12], d’où découle en partie la singularité linguistique [13]. De cet isolement général résulte un développement des infrastructures scolaires plus tardif qu’ailleurs, tant durant l’époque des missions que sous le régime colonial. La population y est faiblement scolarisée et alphabétisée : en 1993, dans le département de Tsihombe, 86% des 15 ans et plus n’ont jamais fréquenté l’école et 85% d’entre eux ne savent ni lire ni écrire [DDSS-Instat, 1996].

18 En 1998-1999, on compte, parmi les infrastructures fonctionnelles dans la Cisco, 51 écoles primaires publiques, 8 écoles primaires catholiques, un collège d’enseignement général (CEG) et un lycée (non fonctionnel). À l’image du reste de l’île, le suivi et le contrôle des enseignants en milieu rural y sont difficilement assurés, faute de personnel suffisant et de moyens de locomotion adéquats. Dans les écoles primaires publiques de la zone, rares étaient celles disposant de moyens ; suffisants avant le début du projet (pas de tables-bancs, classes multigrades, classes surchargées en 11e).

19 La fréquentation scolaire en 1993 y est plus faible que pour l’ensemble de la province. L’avantage des filles par rapport aux garçons en termes d’accès à l’école y est également plus marqué (figure 2), les parents préférant garder les garçons comme bouvier. Ainsi l’explique ce père de 36 ans, lui-même fortement scolarisé par rapport aux autres et secrétaire du village :

20

« Celui-là [l’aîné de ces garçons], avant sa naissance, je me suis dit "Si c’est un garçon, je le garde comme bouvier" ».
[H, 36 ans, secrétaire du village, scolarisé niveau 3e, n° 33]

21 Par ailleurs, les abandons en cours de cycle primaire y sont fréquents, entre autres du fait de la précocité du mariage pour les filles et de la participation aux activités productives familiales des enfants des deux sexes. Cette Cisco, où la scolarisation est très faible et les infrastructures scolaires insuffisantes ou mal équipées, a donc été ciblée par le projet « Éducation primaire ».

Le dina coutumier et le « Dina-Sekoly »

Le contexte législatif et juridique local : les dina et le zaka

22 Le projet « Éducation primaire », issu du partenariat Unicef-Mineseb, a pour originalité et volonté de s’inscrire dans le contexte législatif local. Le support du projet en est le dina. Le dina est une convention sociale, établie par la communauté, que chacun doit respecter et auquel il doit se soumettre. Les dina portent sur un ensemble de comportements à adopter afin de ne pas nuire à la communauté ou à un de ses membres. Le système de dina transcende ainsi quasiment tous les champs du social : on établit des dina aussi bien en ce qui concerne le respect des constructions, des habitations, des parcelles de terre… que pour les règles coutumières d’alliance, le vol de biens appartenant à autrui, ou encore l’atteinte physique à la personne. Les dina énoncent par là même la nature des « délits » à ne pas commettre et les sanctions afférentes. Ces sanctions varient selon l’importance accordée à la nature du délit et sont en général composées de sommes d’argent et de bétail [14]. La communauté s’engage verbalement dans le dina, à l’image du sangy (serment). Cet engagement est d’importance puisqu’il met en cause la parole de l’individu, et par là sa personne.

23

« Le dina est comme un serment : si quelqu’un ne vole pas c’est par crainte du serment car cela lui provoque la mort subite ».
[H, 46 ans, n° 6]

24 Les villages sont ainsi régis par un ensemble de lois et de règles. Ce « code législatif » varie d’un village à un autre. Le système de dina est intégré par l’individu dès l’enfance : tant que l’individu n’est pas marié, ou en couple, s’il commet un délit (vol de poule par exemple), ses parents ont à charge de régler l’amende prévue par le dina. Si un enfant commet trop de délits, il peut alors être rejeté par ses parents (sasanñe) et par la communauté en général :

25

« Sasañe, d’après la coutume ancestrale, veut dire annoncer publiquement en tuant un zébu que "un tel n’est plus mon enfant". […] On réunit la communauté villageoise pour dire qu’un tel n’est plus mon enfant, qu’il ne faut pas me consulter s’il vous vole des choses. […] À partir d’aujourd’hui, il n’est plus mon enfant. […] Il [le père] en a marre de rembourser les mauvais actes de banditisme, les vols que son enfant a commis ».
[H, 57 ans, n° 34]

26 C’est pourquoi les conseils prodigués aux enfants concernent principalement les délits à ne pas commettre, les endroits à respecter… La socialisation se fait en partie par l’intériorisation du système de dina, les parents ne souhaitant pas devoir rembourser les amendes, ni bannir leurs enfants.

27 Tout comme les dina sont des lois ou contrats sociaux, le zaka est l’instance villageoise qui a pour charge de les faire respecter. Il joue donc un rôle important au niveau juridique coutumier dans le règlement de conflits et l’application des règles instaurées par la communauté et l’on ne peut parler de dina sans parler du zaka. C’est en quelque sorte un tribunal villageois où l’État n’intervient que pour assister aux règlements des peines et sur lequel il n’a que peu de prise. Le zaka a lieu en présence de toute la communauté (hommes et femmes). Chacune des parties en présence désigne un mpizaka (litt : « celui qui fait le zaka »), ou « avocat [15] », réputé dans l’art du discours. Lorsque la discussion n’aboutit pas, on fait appel à une instance supérieure en la personne du « hasy agnivoteteke[16] », c’est-à-dire à une ou deux autres personnes les plus neutres possibles (d’un village différent, non partie prenante pour l’une et l’autre des parties en présence) qui prendront la place des mpizaka et tenteront de régler le conflit ou de trouver une peine juste au délit commis. Ainsi, au sein du zaka (tribunal populaire), les mpizaka apparaissent comme des avocats auxquels on fait appel en première instance, afin de tenter une conciliation entre les deux parties. Quant au hasy agnivoteteke (sorte de juge), il lui revient en dernière instance la charge de régler le conflit et d’attribuer les peines relatives au délit commis. Ces dernières sont consignées dans les dina établis au préalable par la communauté villageoise.

28 Ce système législatif oral n’est pas propre à la seule région de l’Androy, mais il est pratiqué dans toute l’île. Son importance aux yeux de la population malgache et sa prégnance dans le règlement de conflits de toute sorte sont telles qu’il était question de l’intégrer au projet de loi sur la Défense civile discuté en avril-mai 2000.

Le projet « Éducation primaire » Mineseb-Unicef et le « Dina-Sekoly »

29 Dans le cadre du programme de coopération 1996-2000, le Mineseb et l’Unicef ont élaboré le projet « Éducation primaire ». Ses objectifs sont l’amélioration qualitative de l’enseignement public, l’universalisation de l’enseignement primaire et la réduction du taux de déperdition à la fin du premier cycle, en veillant à ne pas défavoriser les filles, le tout avec pour stratégie de base la décentralisation et la responsabilisation communautaire. C’est dans ce cadre qu’a été prévue la mise en place de dina de scolarisation dans plusieurs Cisco du pays. Cette action, débutée en 1995 dans des écoles cibles, s’est élargie progressivement au reste des EPP des Cisco ciblées. À la rentrée scolaire 1998-1999, dans toutes les EPP de ces Cisco, un dina de scolarisation devait théoriquement être établi (ou en voie d’établissement).

30 Avant le début du projet « Dina-Sekoly », quelques rares dina concernant l’école avaient été contractés dans des villages possédant un bâtiment scolaire (fonctionnel ou non). Ils étaient le fait de villageois à l’origine de la construction du bâtiment et soucieux de ne pas le voir se dégrader, et/ou de l’instituteur désireux de ne pas voir son école se vider de ses élèves. Ces dina portaient donc principalement sur le respect et l’entretien du bâtiment scolaire par toute la communauté et, dans de rares cas, sur le retrait des enfants de l’école. Ces dina n’impliquaient donc, en termes de scolarisation, que les parents d’élèves et non l’ensemble des parents d’enfants d’âge scolaire, tout comme ils n’incluaient jamais le principe « d’obligation de scolarisation ». De même, les représentants du système scolaire public (personnel enseignant et personnel de la Cisco [17]) n’y étaient pas mentionnés. Ils ne résultaient pas en tout cas d’une volonté réelle de la communauté d’établir une convention sociale dans le but de scolariser les enfants.

31 Un dina étant propre à la communauté qui le contracte, les modalités du dina de scolarisation, et en particulier les amendes encourues en cas de non-respect du dina, sont variables d’une EPP à l’autre. Le projet « Éducation primaire » respecte ce principe de convention sociale : les dina sont établis par la communauté, selon les modalités de fonctionnement et les caractéristiques du groupe. Il ne peut être formulé de dina « type », avec des modalités figées : chaque dina de scolarisation est donc unique et propre à chaque EPP.

32 Les dina scolaires mis en place dans le cadre du projet observent toutefois une base commune. Chaque contrat implique en général quatre parties : la communauté, les instituteurs, la Cisco et l’Unicef. La communauté s’engage à envoyer à l’école tous les enfants en âge d’être scolarisés (à l’exception d’un ou deux enfants, si les parents ont besoin d’une partie de leurs enfants) et à ne pas les retirer de l’école avant qu’ils aient atteint la fin du cycle primaire, sous peine de sanctions. Plusieurs personnes sont désignées parmi les villageois pour faire appliquer ce dina, sensibiliser les parents à la scolarisation des enfants et recenser les enfants de 6 à 14 ans ne possédant pas d’acte d’état civil.

33 Les instituteurs sont tenus d’accepter dans leur établissement tous les enfants sans tenir compte de leur habillement et sans exiger d’acte d’état civil [18]. Ils doivent également respecter les programmes scolaires et ne pas s’absenter de leur lieu de travail outre mesure. Enfin, ils ont la charge d’établir la liste des enfants scolarisables résidant au village. La Cisco s’engage à surveiller et contrôler le personnel enseignant et à le sanctionner si nécessaire. L’Unicef, enfin, s’engage auprès de chaque communauté villageoise ayant contracté un dina de scolarisation et le respectant, à fournir à l’EPP une aide en matériel (cahiers, stylos, gommes, tablesbancs…) et en formations linguistiques et pédagogiques pour les enseignants. Le tout est consigné par écrit et chacune des parties y appose sa signature, en guise d’engagement. Ce « contrat » est renouvelable chaque année. Les modalités du dina peuvent ainsi être modifiées avant chaque rentrée scolaire. L’argent (ou son équivalent en bétail) reçu par le paiement des amendes est destiné à l’association de parents d’élèves de l’école (FRAM) qui se charge alors de les réutiliser dans le cadre de l’école du village.

34 Ainsi, le projet « Éducation primaire » s’inspire largement du système législatif coutumier local. Il n’intègre pourtant pas l’ensemble du système juridique et s’en écarte en plusieurs points. Il ne prévoit pas l’engagement oral des individus, ni la présence d’une instance supérieure neutre (extérieure à la communauté villageoise), à l’image du hasy hagnivoteteke. De même, le « Dina-Sekoly » ne prévoit pas de réunion de l’ensemble de la communauté lors du règlement des amendes. Enfin, on peut noter que les peines prévues dans ces contrats ne concernent que deux des quatre parties impliquées dans le contrat : la communauté (somme d’argent et/ou son équivalent en bétail) et les instituteurs (sanctions).

La mise en place du projet et ses résultats

La mise en place effective du projet

35 Dans la pratique, la mise en place du projet « Éducation primaire » a été progressive et l’ancienneté des premiers dina de scolarisation varie d’une école à l’autre. En revanche, dans certaines EPP, aucun dina de scolarisation n’a été contracté, un accord entre les quatre parties n’ayant pas été trouvé : c’est le cas d’un des cinq villages étudiés. Ceci demeure toutefois marginal dans l’ensemble des Cisco ciblées par le projet.

36 Nous n’avons pu assister à la contractualisation d’un « Dina-Sekoly » lors de l’enquête, toutefois (et d’après les dires des différents acteurs censés être présents) les contrats ont été conclus en présence de chacune des parties et n’ont pas été imposés aux communautés mais « suggérés ». De la même manière, les modalités relatives à la communauté dans chaque dina ont été établies par la communauté elle-même et non imposées par la Cisco ou par l’Unicef. Toutefois, lors de l’établissement de chaque contrat, ces derniers ont insisté sur la nécessité de prévoir dans le dina une sanction spécifique concernant l’abandon des filles pour cause de mariage. Les dina observés ont tous une structure commune et les modalités concernant les instituteurs, la Cisco et l’Unicef étaient sensiblement identiques d’un village à l’autre. Par contre, les modalités relatives à l’implication de la communauté dans la mise à l’école des enfants et leur maintien jusqu’en fin de cycle primaire variaient selon les villages puisqu’elles ont été établies par les populations respectives de chacun des villages. La figure 3 présente les différentes modalités des dina de scolarisation impliquant les parents (ou tuteurs) d’enfants d’âge scolaire des villages étudiés, pour les années scolaires 1998-1999 et 1999-2000.

37 Les modalités du dina scolaire varient fortement d’une EPP à l’autre : en 1998-1999 par exemple, la peine encourue par les parents qui ne scolariseraient pas leurs enfants variait de 10000 à 100000 francs malgaches selon les EPP A, B et C. De plus, les dina étant contractualisés chaque année, les modalités évoluent d’une année à l’autre. Dans l’EPP B par exemple, la peine en cas de non-scolarisation des enfants, équivalente à 50000 fmg en 1998-99, a été transformée par la communauté l’année suivante en une peine qui consiste pour les parents à ne plus être aidés en lecture et en écriture par l’instituteur, le président du village ou une autre personne reconnue compétente en la matière. Cette variabilité du dina dans le temps et dans l’espace montre que les modalités relatives à la communauté émanent d’un consensus, d’une négociation au sein de la communauté réitérée pour chaque année scolaire. Notons que, lorsqu’une infraction au « Dina-Sekoly » est relevée, les personnes mises en cause (les parents la plupart du temps) versent directement l’amende à l’instituteur ou au responsable de l’association de parents d’élèves de l’école.

Figure 3

Modalités des dina relatives aux parents (ou tuteurs) en cas de non-scolarisation et d’abandon de l’école des enfants de 6-14 ans, pour les années scolaires 1998-1999 et 1999-2000

Figure 3

Modalités des dina relatives aux parents (ou tuteurs) en cas de non-scolarisation et d’abandon de l’école des enfants de 6-14 ans, pour les années scolaires 1998-1999 et 1999-2000

* En cas de non-scolarisation des enfants, le président du fokontany, l’instituteur ou une personne alphabète n’apporte plus son aide aux parents (ou tuteurs) pour la rédaction des passeports de zébus.
** L’instituteur, souvent sollicité pour lire ou rédiger des courriers de toutes sortes, n’apporte plus son aide aux parents (ou tuteurs) qui ne scolarisent pas leurs enfants.

Les effets du dina de scolarisation

38 Concernant l’amélioration qualitative de l’enseignement, au-delà du constat de la réalisation des sessions de formation prévues pour les enseignants et de la dotation des EPP en fournitures scolaires, en tables-bancs, en armoires et tables pour les maîtres, nous ne disposons pas de données suffisantes pour étayer la question. En outre, les formations dispensées aux enseignants, tout comme les donations en matériel, ont concerné toutes les EPP ciblées, y compris celle où le dina de scolarisation n’avait pas encore été conclu.

39 Une analyse des statistiques scolaires a été réalisée en 1998 par la Direction de la planification afin d’évaluer les premiers effets du projet dans les premières écoles cibles. Au niveau de l’ensemble des Cisco concernées, les effectifs scolaires ont sensiblement augmenté dans les EPP ciblées, davantage que dans les autres EPP de ces Cisco. Toutefois, les effets du projet sur le maintien des enfants à l’école jusqu’en fin de cycle primaire demeuraient faibles [DEP, 1999].

40 Dans la Cisco de Tsihombe, ce même rapport révélait une tendance à la hausse des effectifs sur la période 1994-95/1997-98, tant des filles que des garçons et aussi bien dans les EPP ciblées par le projet (onze écoles à l’époque) que dans l’ensemble des écoles publiques de la Cisco. Mais les taux d’accroissement des effectifs de l’ensemble des EPP de la Cisco étaient largement supérieurs à ceux des écoles cibles. De plus, alors que « dans l’ensemble des écoles de la Cisco, l’effectif des filles augmente plus vite que celui des garçons, dans les écoles cibles, les taux d’accroissement des effectifs sont sensiblement égaux » [DEP, 1999 : 261]. Et les auteurs de ce rapport de conclure que « dans la Cisco de Tsihombe, la mise en œuvre des contrats-programme semble rencontrer des difficultés » [DEP, 1999 : 265]. La non-réussite du projet dans cette Cisco, au terme des trois premières années, apparaissait donc comme une évidence dans ce rapport. Cependant, pour pouvoir conclure véritablement à un échec ou à un effet négatif du projet à partir des données des onze premières écoles-cibles de la Cisco, il faudrait pouvoir disposer de données sur ces écoles avant la mise en place du projet, ce qui n’est pas le cas. Reprenant alors les dernières données disponibles concernant l’ensemble des EPP de la Cisco, on constate un doublement des effectifs scolaires dans le primaire public de 1994-1995 à 1999-2000 (figure 4). On note, en outre, une accélération de l’augmentation des effectifs à partir de 1998-1999, année scolaire à partir de laquelle toutes les EPP ont été ciblées par le projet.

41 De même, l’examen des données scolaires relatives aux EPP des villages étudiés (figure 5) révèle l’effet de la mise en place d’un dina sur l’augmentation immédiate des effectifs. Dans trois des villages étudiés (EPP A, B et C), les effectifs scolaires ont sensiblement augmenté l’année où le premier dina de scolarisation a été mis en place. On remarque cependant que cette hausse n’est pas suivie dans le temps : la hausse observée des effectifs se ralentit (EPP B), voire les effectifs diminuent (EPP A). De ce constat, il ressort que si, dans les chiffres, le projet « Dina-Sekoly » agit en faveur d’une hausse des effectifs scolarisés, cet effet semble de courte durée. Par ailleurs, les instituteurs rencontrés déploraient que de nombreux enfants demeurent encore non scolarisés. Le projet n’a donc pas encore totalement engendré les effets escomptés en termes d’universalisation de l’enseignement primaire dans la Cisco de Tsihombe.

Figure 4

Évolution des effectifs scolaires primaires publics dans la Cisco de Tsihombe, de 1994-1995 (base 100) à 1999-2000

Figure 4

Évolution des effectifs scolaires primaires publics dans la Cisco de Tsihombe, de 1994-1995 (base 100) à 1999-2000

Source : Statistiques scolaires, Mineseb.

42 L’intensité de la scolarisation au sein des ménages ne semble pas s’être accrue depuis la mise en place du projet. S’il existe des ménages où tous les enfants ou presque sont scolarisés, ils demeurent minoritaires et cette attitude ne résulte pas directement du programme « Dina-Sekoly » puisqu’antérieur à celui-ci. Par contre, nous avons constaté que là où il existe un dina de scolarisation depuis au moins un ou deux ans, la tendance des parents est de scolariser au moins un enfant, alors que là où il n’y a pas de dina, les ménages où aucun enfant n’est scolarisé nous ont semblé plus fréquents. Le dina aurait donc un effet de sélection au sein des enfants entre ceux que l’on envoie à l’école et ceux que l’on destine à d’autres activités.

43 Concernant le maintien des enfants à l’école, il nous est difficile d’utiliser les données publiées pour la Cisco : d’une part, les taux d’abandon en primaire englobent privé et public ; d’autre part, le taux d’abandon en primaire de 0% pour l’année scolaire 1997-98 dans la Cisco de Tsihombe [Mineseb-PEM, 1998, section « Tuléar » : 12] nous semble largement sous-estimé. Aux dires des instituteurs par contre, les abandons, encore fréquents, étaient principalement dus au mariage pour les filles, au désintérêt des garçons pour l’école et au besoin des familles en main-d’œuvre.

Figure 5

Effectifs scolaires des EPP des 5 villages étudiés de 1996-1991 à 1999-2000

Figure 5

Effectifs scolaires des EPP des 5 villages étudiés de 1996-1991 à 1999-2000

* Effectifs scolaires.
** Événements
Source : Cisco de Tsihombe.

44 Enfin, l’objectif du projet « Dina-Sekoly » de « ne pas défavoriser les filles » semble avoir été atteint dans la zone étudiée. En effet, en termes de réduction de la déperdition scolaire, le faible effet du projet, tant chez les garçons que chez les filles, n’a pas pu défavoriser ces dernières. La supériorité en nombre des filles par rapport aux garçons dans tous les niveaux du cycle primaire public (excepté dans la classe de 7e) de la Cisco de Tsihombe va dans le même sens (53% des élèves du primaire public sont des filles pour l’année scolaire 1999-2000). En outre, les données recueillies dans les cinq EPP visitées ne laissent pas apparaître d’évolution positive ou négative du poids des filles dans les effectifs scolaires. L’avantage observé pour les filles dans les taux de fréquentation scolaire de 1993 est donc toujours de mise, et au détriment des garçons.

L’implication des populations dans la mise en place du « Dina-Sekoly »

45 L’implication de la communauté dans la mise en place des dina scolaires est incontestable : dans la plupart des EPP de la Cisco de Tsihombe, des dina de scolarisation ont été établis ; ils ont été élaborés en présence des villageois ; la communauté a effectivement participé à l’élaboration du dina de l’école. On note même, dans certains cas, un phénomène d’appropriation du dina de scolarisation par les communautés. Plusieurs personnes interrogées ne mentionnent ainsi ni la Cisco ni l’Unicef dans l’élaboration du contrat, qu’elles considèrent comme le leur ( « notre dina », « le dina, c’est nous »). Autre signe d’appropriation du dina par les populations, les contrats subissent des modifications d’une année sur l’autre à l’initiative des villageois eux-mêmes.

46 Les objectifs du projet « Éducation primaire » dans la Cisco de Tsihombe ne sont donc pas complètement atteints dans la Cisco de Tsihombe. Les perceptions du projet qu’a la communauté et les stratégies qu’elle développe face au « Dina-Sekoly » sont révélatrices des atouts et des inconvénients du projet « Éducation primaire » tel qu’il existe aujourd’hui.

Perceptions du projet et stratégies développées par la communauté : les signes des points forts et des dysfonctionnements du « Dina-Sekoly »

Une perception positive du « Dina-Sekoly » parce qu’établi par la communauté

47 Les perceptions du projet par les populations et les stratégies développées par la communauté ont été observées pour l’essentiel durant l’année scolaire 1998-1999. Elles sont donc principalement relatives aux dina mis en place cette même année (figure 3). Dans l’ensemble, le dina de scolarisation est perçu positivement par la population, en particulier du fait que l’ensemble de la communauté a directement participé à son élaboration :

« Le dina ne crée pas de difficultés. Il ne crée pas de problème puisqu’il n’est pas adopté par deux ou trois personnes. Il a été l’objet d’une grande réunion de tous les hommes et de toutes les femmes ».
[H, 35 ans, conseiller communal, scolarisé niveau bac, n° 19]
« Les gens acceptent ce dina car c’est pour renforcer l’école. Je ne les ai pas forcés car c’est le peuple qui a décidé cela ».
[H, 57 ans, président de village, non scolarisé, n° 34]
La participation communautaire à l’élaboration du « Dina-Sekoly » favorise ici l’adhésion des populations au projet.

Le « Dina-Sekoly », une pression sociale et non une obligation de scolarisation

48 Le système du dina est vu comme une pression exercée sur la communauté et en faveur d’une meilleure scolarisation des enfants. Il contraint, fait peur, mobilise. Cette pression n’est pas assimilée à une obligation de scolarisation au sens strict puisque le dina, par principe, contient la possibilité de ne pas envoyer les enfants à l’école ou de les retirer avant qu’ils aient atteint la fin du cycle primaire moyennant une amende. Cette possibilité donnée par le dina de ne pas scolariser les enfants ou de les retirer de l’école est un des points qui contribue à l’adhésion de la population au projet. En effet, le fait d’aller à l’école est lui-même perçu comme un acte « non obligatoire », « facultatif », « dépendant de la volonté de chacun ». Ainsi, suite à nos questions concernant l’existence ou non d’une obligation de scolarisation dans l’école du village, voici quelques réponses recueillies :

49

« Ce n’est pas forcé (d’aller à l’école). Cette chose est une question de volonté pour que l’on soit instruit ».
[H, 41 ans, devin-guérisseur, non scolarisé, n° 9]

50

« L’école n’est pas obligatoire chez nous. Elle est facultative ».
[H, 35 ans, conseiller communal, scolarisé niveau bac, n° 19]

51

« [L’école] ce n’est pas obligatoire ! C’est comme on veut ! […] C’est bon parce que ce n’est pas forcé mais c’est de son propre gré qu’on le fait ».
[F, 31 ans, non scolarisée, n° 31]

Une perception partielle des acteurs impliqués dans le contrat

52 La majorité des villageois connaît l’existence du « Dina-Sekoly ». Cependant, plusieurs personnes interrogées n’étaient pas au courant de l’existence d’un dina concernant l’école et la scolarisation des enfants, bien qu’ayant des enfants en âge d’être scolarisés. En outre, parmi ces personnes, certaines étaient directement concernées par le dina puisqu’elles ne scolarisaient aucun de leurs enfants d’âge scolaire. On peut donc voir ici un dysfonctionnement du projet : les principaux concernés par le projet ne sont pas au courant de son existence, à moins que ce ne soit ici le reflet d’une attitude de rejet qui consiste à nier ce que l’on ne cautionne pas, ou à cacher ses propres « fautes ». Lorsque les enquêtés sont au fait de l’existence d’un « Dina-Sekoly », le contenu intégral du dina n’est pas connu de tous, ou mal connu, et rares sont ceux capables d’énoncer tous les points composant le dina dont fait l’objet l’EPP du village. Pour la plupart, le dina scolaire concerne principalement les parents d’enfants scolarisés et qui souhaitent les retirer de l’école. Ils ne perçoivent donc que partiellement l’implication de la communauté dans le contrat. De même, l’engagement des instituteurs, de la Cisco et de l’Unicef n’est que très rarement mentionné par les villageois. Ils n’énoncent ou ne semblent connaître que la partie qui les implique directement. L’obligation pour l’instituteur d’effectuer correctement son travail n’est pas perçue comme composante du contrat. Lorsque l’implication nécessaire de l’instituteur est reconnue, l’obligation pour la Cisco de le sanctionner en cas de non-respect du contrat est aussi mal connue.

53 En conclusion, l’implication de l’ensemble des acteurs dans le contrat « Dina-Sekoly » n’est pas perçue par les populations. Bien que non présente lors de la contractualisation des contrats, nous pouvons supposer que cette vision partielle des acteurs impliqués révèle l’insuffisance de l’information donnée à l’ensemble de la communauté par la Cisco et l’Unicef au moment de la signature du contrat. Elle est également le signe des dysfonctionnements dus à plusieurs des acteurs dans la pratique du projet « Éducation primaire ».

La non-contractualisation du « Dina-Sekoly »

54 Une seule personne rencontrée percevait à la fois l’implication de l’instituteur et celle de la Cisco contenues dans le contrat. C’est le cas de l’ancien président du seul village étudié où aucun dina n’avait encore été établi à la fin de l’année scolaire 1999-2000. Voici comment il explique l’absence de « Dina-Sekoly » dans son village :

« On pensait créer une association, mais en présence du chef Cisco, l’instituteur accepte. Il dit : "Voici notre chef, voilà le secrétaire, celui-ci est son adjoint." Lorsque le chef Cisco s’en va, il dit : "Vous n’avez aucun pouvoir ! Est-ce que c’est vous le chef Cisco ?" […] Créer un dina pour cela [contrôler l’instituteur] ne convient pas. […] C’est impossible puisque le chef Cisco donne liberté complète aux instituteurs pour aller au marché, pour s’en aller là où ils veulent. […] Ils [les instituteurs] n’ont pas peur de nous. À nous, ils ne disent pas en nous voyant venir "voilà les gens, empressons-nous d’enseigner". […] Pourtant le dina, qui va l’accepter ? Quand nous ferons quelque chose qui ne sera pas conforme aux règlements inscrits dans le dina, on nous applique le dina. Lorsque les instituteurs sont touchés, on ne leur applique pas le dina. Qui allons-nous taxer dans le dina ? ».
[H, 54 ans, ancien président du village, non scolarisé, n° 28]
Contrairement à la plupart des personnes interrogées, cet homme perçoit le dina dans sa quasi-totalité. Il est au fait de la pression exercée sur la communauté pour la scolarisation des enfants par le système du dina et de celle qui, en théorie, doit être faite par le chef Cisco sur l’instituteur dans le cadre du contrat. Or, l’instituteur qui refuse de se plier au dina et n’enseigne pas n’est pas sanctionné par la Cisco, C’est parce que ce villageois perçoit, dans la pratique du « Dina-Sekoly », une asymétrie dans les rapports qui contraignent d’un côté la communauté, et de l’autre, l’instituteur, qu’il refuse de s’engager dans le contrat. En outre, si l’instituteur n’enseigne pas, l’enjeu pour ce villageois de scolariser ses enfants est réduit à néant.

Le contournement du contrat

55 On observe sur le terrain que certains villageois, bien que fortunés et ayant au moins quatre enfants concernés par le dina, échappent à la sanction prévue en envoyant un seul de leurs enfants à l’école. Il semble bien ici que l’objectif du dina soit contourné, l’unique enfant scolarisé étant ici « l’excuse », « l’échappatoire » à la sanction encourue. Pour d’autres, c’est un adolescent de moins de 15 ans qui a été choisi pour être scolarisé. Durant la même année scolaire, cet adolescent quittait alors l’école, invoquant sa propre volonté d’abandonner, ce qui était prévisible. Dans ce cas précis, on peut se demander dans quelle mesure ce sont bien les enfants eux-mêmes qui désirent arrêter leur scolarité, ou est-ce la raison invoquée par les parents car la moins coûteuse ? Scolariser un enfant susceptible d’abandonner rapidement permet ici d’échapper à la sanction, élevée, encourue en cas de non-scolarisation des enfants. Payer la sanction prévue si l’abandon scolaire émane de la volonté de l’enfant (sanction plus faible que celle encourue en cas de non-scolarisation) est ici préféré et permet de contourner le « Dina-Sekoly ». Le projet dans ce cas n’a donc qu’un effet temporaire : les effectifs d’enfants scolarisés augmentent dans un premier temps puis décroissent du fait de l’abandon ultérieur et prévisible des enfants. La stratégie de scolarisation en vue du contournement du dina reflète en tout état de cause une réelle volonté des parents de ne pas scolariser les enfants.

Le détournement du contrat

56 Lorsqu’une fille est retirée de l’école pour se marier, la peine encourue, bien qu’élevée, ne représente pas une véritable contrainte pour ses parents. D’une part, elle est dérisoire comparée à la « valeur » attribuée à une future épouse : en effet, selon la coutume, le futur époux se doit de verser à sa future belle-famille deux boucs castrés (200000 fmg environ) et une somme d’argent de 50000 fmg. D’autre part, dans la pratique du « Dina-Sekoly », lorsqu’une fille abandonne l’école pour se marier, c’est son futur mari lui-même qui verse l’amende prescrite dans le dina. Le versement d’une somme d’argent lors de l’infraction du dina scolaire ne peut alors être véritablement ressenti comme une sanction puisque cette pratique est déjà normalisée dans le rituel du mariage.

57

« Ils [les villageois] ne détestent pas ce dina puisque souvent pour celles qui se marient, ce sont leurs maris qui versent la somme ».
[H, 35 ans, conseiller communal, scolarisé niveau bac, n° 19]

58

« Ici quand un homme veut se marier avec mon enfant scolarisé, il peut le faire. Il paie le dina. C’est pour dire que le dina ne nous oblige pas ».
[H, 64 ans, non scolarisé, n° 3]

59 La somme versée dans ce cas relève davantage de la compensation matrimoniale que d’une sanction pour cause de retrait d’une fille de l’école. Elle s’apparente à un dédommagement de l’école du fait de la perte d’une élève, à l’image de la compensation versée à la belle-famille pour compenser la perte d’une fille. Les parents ne sont donc pas directement impliqués par le dina, alors que le projet cherche justement à les impliquer davantage dans la scolarisation de leurs enfants. Le dina, ainsi détourné de ses objectifs initiaux, n’a donc que peu d’effet véritable sur la déperdition scolaire des jeunes filles pour cause de mariage.

60 Dans le cas où l’enfant quitte l’école « de sa propre volonté », la peine encourue est la plus faible de toutes. Il n’est donc pas surprenant que cette règle soit de peu d’effet : du fait du coût d’opportunité, scolariser un enfant entraîne plus de frais que de l’affecter à d’autres tâches nécessaires à la famille. Or, l’on sait à quel point l’école présente peu d’attrait aux yeux d’un enfant par rapport aux jeux ou à la tâche de bouvier fortement valorisée dans le groupe. Il est donc fréquent d’entendre que tel ou tel garçon a abandonné car « il ne voulait pas ». Les parents se déresponsabilisent ici de la scolarisation de leurs enfants : « Ce n’est pas moi mais c’est lui, l’enfant, qui voulait arrêter. » Les parents paient l’amende et le dina reste sans effet Il n’est pas contraignant Le détournement du « Dina-Sekoly », permis dans la conception même des modalités du contrat et dans sa mise en pratique, apporte ici du sens aux faibles effets du projet sur le maintien des enfants à l’école constatés par les instituteurs.

Le durcissement du dina : vers une responsabilisation de la communauté ?

61 Dans deux des dina observés en fin d’année scolaire 1999-2000 (EPP B et D, figure 3), les instituteurs et les villageois responsables du « Dina-Sekoly » se sont engagés en faveur d’une nouvelle forme de sanction en cas de non-scolarisation : les parents qui n’envoient pas leurs enfants à l’école se voient « délaissés » de ceux qui possèdent la maîtrise de la lecture et/ou de l’écriture. Cette modification de la peine en cas de non-scolarisation des enfants est importante dans le contexte rural de la zone. Á Madagascar, il est nécessaire pour tout éleveur de posséder un passeport (ou carnet) de zébus dans lequel chacune des caractéristiques du cheptel est inscrite. Sans ce carnet rédigé en bonne et due forme, il est impossible pour l’éleveur de vendre ou acheter du bétail, tout comme il lui est difficile de se déplacer avec son cheptel sans être amendé par les autorités. De même, en l’absence de carnet, il peut être soupçonné de vols de zébus ou de pratiques frauduleuses sur le bétail. Mais de façon plus générale, c’est tout ce qui est du ressort du taratasy (littéralement : « papier ») qui tend à prendre de plus en plus d’importance dans le quotidien de ces villageois. La nouvelle sanction, dans un contexte d’analphabétisme des populations, devient alors plus contraignante que la somme d’argent prévue l’année précédente. On assiste donc là à un « durcissement » du « Dina-Sekoly », souhaité par une partie des acteurs, en vue de contraindre plus efficacement les parents à scolariser leurs enfants. Il est trop tôt pour savoir quels vont être les effets d’une telle mesure. Par contre, on peut peut-être voir ici le signe précurseur d’une responsabilisation d’une partie de la communauté dans la scolarisation des enfants.

62 *

63 Les résultats du projet « Éducation primaire » à Madagascar en termes d’universalisation de l’enseignement primaire et de rétention des élèves jusqu’à la fin du premier cycle, s’ils semblent partiellement positifs au niveau national, demeurent toutefois faibles dans le département de Tsihombe, en 1999-2000. L’augmentation des effectifs scolaires apparaît de courte durée, les abandons en cours de cycle primaire ne semblent pas avoir significativement diminué, tant chez les filles que chez les garçons, et la responsabilisation communautaire au niveau de la scolarisation des enfants est encore loin d’être atteinte.

64 La perception partielle et/ou déformée du projet et les stratégies de contournement et de détournement du « Dina-Sekoly » développées par les populations révèlent la responsabilité de tous les acteurs dans les dysfonctionnements observés dans la pratique. La communauté contourne et détourne le contrat, l’État n’effectue pas de contrôle véritable et efficace du travail des enseignants, les enseignants eux-mêmes ne respectent pas leurs engagements ou ferment les yeux sur les stratégies de scolarisation de la communauté, et enfin les auteurs du projet « Éducation primaire » (Mineseb-Unicef) ne fournissent l’information suffisante aux différents acteurs ni sur les finalités, ni sur les modalités du projet.

65 Le projet, issu du partenariat entre le Mineseb et l’Unicef, nous apparaît pourtant positif en plusieurs points. D’une part, il ne conçoit pas l’intervention uniquement sous forme de dons et de formations, mais cherche plutôt à intégrer la participation et la responsabilisation communautaire. D’autre part, il tente de s’inscrire au sein des coutumes traditionnelles. Ces deux aspects participent à son succès en termes d’adhésion et d’appropriation du projet par les populations. Ainsi, plutôt que de s’acharner sur un principe d’obligation scolaire qui serait très mal perçu, la nouvelle politique en la matière se pose plutôt en moyen de pression sur la communauté, en intégrant à la politique nationale d’éducation le système du dina qui existe déjà au quotidien dans le contexte local et transcende tous les champs du social. De ce fait, le principe du « Dina-Sekoly », base du projet « Éducation primaire », apparaît comme une solution intermédiaire entre l’obligation scolaire stricte et le laisser-faire.

66 Cependant, basé sur la notion de « contrat », pour qu’il puisse fonctionner, il est nécessaire que tous les acteurs impliqués respectent véritablement leurs engagements. Or, c’est ici que le projet apparaît le plus « faible » : les dysfonctionnements observés ne sont possibles qu’en raison de l’absence même d’éléments de contrôle intrinsèques au dina. Le « Dina-Sekoly » ne peut réellement fonctionner que si les composantes principales du système législatif et juridique dont il fait partie sont intégrées. Ainsi, dans le projet, l’engagement écrit a été valorisé, alors qu’en milieu rural malgache, et tandroy en particulier, c’est la parole donnée qui confère de la valeur à l’engagement de l’individu ou du groupe. Par ailleurs, si le système de dina local prévoit un rassemblement de la communauté lors du règlement des peines, le règlement des amendes des dina scolaires ne prévoit rien de la sorte et l’amende est directement versée en présence d’une ou deux personnes (l’instituteur ou un des membres de l’association des parents d’élèves). De ce fait, le règlement de l’amende n’entraîne aucune véritable pression sociale contrairement à ce qui se fait dans le système législatif local. De même, le contrôle du respect de l’engagement a été conçu dans ce projet par l’établissement d’un comité dont les membres sont partie prenante dans la communauté. La présence d’une instance supérieure neutre, similaire à celle du juge (hasy agnivoteteke) n’a pas été envisagée. Il en est de même pour le tribunal populaire (zaka) qui confère au dina son importance aux yeux du groupe et qui n’a pas été introduit au projet. En tout état de cause, la manière dont la communauté a élaboré et utilise le « Dina-Sekoly » est révélatrice d’un rapport encore distant à l’école.

Bibliographie

  • Direction de la planification [1999], Analyse des statistiques des écoles à contrat-programme, projet Éducation primaire, Mineseb-Unicef.
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Mots-clés éditeurs : Dina –Contrat-programme, obligation scolaire, scolarisation, école primaire, politique d'éducation, Madagascar, Androy, Unicef

Date de mise en ligne : 02/01/2012

https://doi.org/10.3917/autr.017.0133

Notes

  • [1]
    Sociologue-démographe, doctorante, Paris-V et Ceped.
  • [2]
    Les données sur le milieu rural du recensement de 1975 ne sont pas disponibles.
  • [3]
    Plan cadre d’opération pour le programme de coopération 1996-2000.
  • [4]
    D’où le nom du programme « Dina-Sekoly » (dina = convention, loi coutumière ; sekoly = école).
  • [5]
    Enquête de type qualitatif réalisée en milieu rural dans le département de Tsihombe, de mai à août 1999 : étude du milieu, recueil de 42 entretiens semi-directifs, en dialecte tandroy et enregistrés, menés auprès de parents ayant des enfants d’âge scolaire répartis dans cinq villages (fokontany), recueil de données sociodémographiques des enquêtés et de leur entourage familial et résidentiel et recueil de repères temporels et contextuels du processus de scolarisation des descendants de l’enquêté et des personnes confiées dans son ménage au moment de l’enquête ; et en juin-juillet 2000 : recueil « informel » de données. La première phase de l’étude a été réalisée en partie grâce au concours financier de l’Unicef.
  • [6]
    Cisco : Circonscription scolaire, dont les limites sont équivalentes au département (ou fnondronana).
  • [7]
    Il est divisé en trois cycles (primaire, secondaire et supérieur) dont le découpage en niveaux est identique à celui pratiqué en France.
  • [8]
    Variable selon les provinces, le ratio élèves/enseignant est de 39 élèves pour 1 maître dans la province d’Antananarivo et de 69 élèves pour 1 maître dans la province d’Antsiranana, pour l’année scolaire 1997-1998 (données Mineseb).
  • [9]
    Nombre d’élèves de 6-10 ans inscrits au niveau primaire exprimé en pourcentage du nombre d’individus de cette même tranche d’âge (cette dernière étant estimée à partir des projections de la population recensée en 1975 et 1993).
  • [10]
    Un zébu équivaut en moyenne à 600000 fmg. 1000 fmg équivalaient à 1 franc français environ en 1999.
  • [11]
    Située à l’extrême sud de l’île, la région est caractérisée par une terre aride, une végétation d’épineux, un habitat protégé et caché par des haies de cactus ; elle est soumise à la sécheresse et à la famine. Enfin, I :s infrastructures routières sont déficientes.
  • [12]
    L’histoire des Tandroy est émaillée de conflits avec les ethnies voisines. Ils ont en outre fortement résisté à la conquête du royaume Merina des hauts plateaux, et sont parmi les derniers à avoir été colonisés f ar la France.
  • [13]
    S’il existe une intercompréhension dialectale au sein de l’île, le lexique du dialecte tandroy diffère sensiblement du malgache standard et ce dialecte fait figure d’exception [Rajaonarimana, Fee, 1996].
  • [14]
    À titre indicatif, dans l’Androy, la vie d’un homme équivaut à 30 têtes de valoay (zébu âgé de 8 ans, le plus valeureux, chaque tête pouvant dépasser 1000000 fmg).
  • [15]
    René Decary notait déjà [Decary, 1933, t. II] une évolution du sens de mpizaka au profit du sens d’avocat, de personne éloquente. C’est le sens qui lui est donné aujourd’hui. Anciennement attribuée par le roi, cette fonction est en général aujourd’hui tenue par un notable, gros propriétaire et surtout compétent dans l’art du discours.
  • [16]
    Littéralement : « le sacré au milieu du champ », la neutralité respectée au milieu de tous (hasy = sacré ; ignwo = au milieu ;teteke = champ). Il se doit d’être impartial et est désigné comme tel (choisi dans un autre village, non apparenté à l’une des parties…). Il est également, de préférence, notable et gros propriétaire. Son pouvoir de juger est supérieur à celui du mpizaka de par sa neutralité. Il aurait ainsi une fonction et un pouvoir similaire au juge.
  • [17]
    Ce terme désigne dans le langage courant le personnel de la Cisco et plus particulièrement le chef Cisco.
  • [18]
    En dehors des écoles primaires publiques ciblées par le projet, un enfant ne peut pas être inscrit dans un établissement public s’il ne possède pas d’acte d’état civil. Or, dans les campagnes malgaches, rares sont les enfants déclarés à l’état civil et possédant un tel papier.

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