Parce qu’ils sont, selon Aviad Kleinberg, « immergés dans le sublime », les textes religieux, à les entendre dans leur plus forte densité et profondeur, pourraient accueillir sans réserve la définition que propose Blandine Saint Girons dès l’entrée de son ouvrage Fiat Lux. Une philosophie du sublime (1993). Le sublime « gît dans un verbe si plein de lui-même que l’univers y apparaît in statu nascendi, et que le signifiant produit immédiatement son signifié ». Si je souligne ce verbe, c’est pour rejoindre, par-delà les monts et merveilles des écritures en religion, et leur sédimentation, ce Verbe même dont Jean l’Évangéliste dit qu’il est « au commencement » – ce que B. Saint Girons, dans l’héritage de Longin, nomme « apparition inaugurale ». Si le verbe est premier, c’est de « dire » ce sublime en son « halo irréductible d’altérité, indissociablement spirituel et sensible », précise la philosophe. Et donc « mode d’accès à l’Absolu. » Nous voilà de plain-pied avec le défi que relève A. Kleinberg : comprendre comment ce Dieu ineffable « parle » aux hommes, et comment il peut être dit de Dieu quelque chose à partir d’un monde nécessairement sensoriel. Sensible. Tout se joue en effet dans cette primauté du verbe, où se consomment les noces de la créature et de son dieu. Mais les religions monothéistes ne fêtent pas ces noces de manière identique, même si chacune crée « un être hybride », abstrait/émotionnel, « Dieu, tout aussi fragmenté et incohérent que ses créatures-créatrices »…