L’ouvrage, dirigé par F. Henryot et P. Martin, composé de dix-neuf articles, met en lumière les décalages entre les normes, les représentations et les pratiques de la lecture et du livre dans les cloîtres. Le positionnement historiographique choisi est celui d’une histoire matérielle de l’objet « livre » et des usages (dévotionnels, personnels, collectifs) qu’il suscite dans les couvents féminins, en insistant sur les processus de régularisation qui l’entourent. Notons que le recueil, au-delà des livres, interroge une « culture de l’écrit » des institutions monastiques féminines. Une chronologie préliminaire, convaincante, identifie une rupture principale dans cette histoire, autour de 1560, dans le cadre de la Réforme catholique : les ouvrages qui entrent au couvent deviennent alors plus nombreux. Le début du xviie siècle installe le livre dévot dans les couvents ainsi qu’un « enracinement définitif de la lecture dans l’emploi du temps » (p. 37) des religieuses. Le discours favorable qui accompagne cette ouverture (fin xviie siècle) est néanmoins ambigu. Tous les livres ne sont pas à mettre dans toutes les mains (nombreuses du fait des progrès de l’alphabétisation) : il faut établir des normes de lecture. À partir des années 1730, la lecture féminine fait donc l’objet d’une forte limitation : elle est standardisée dans sa forme et restreinte dans ses contenus. Elle menacerait en effet l’équilibre spirituel des nonnes, toujours soupçonnées quand elles manifestent une libido sciend…