Couverture de ARSS_209

Article de revue

Donner la boxe en spectacle

Une histoire sociale des débuts de la boxe professionnelle à Paris, à la Belle Époque

Pages 10 à 27

Notes

  • [1]
    Jean-François Loudcher, Histoire de la savate, du chausson et de la boxe française (1797-1978). D’une pratique populaire à un sport de compétition, Paris, L’Harmattan, 2000.
  • [2]
    Thierry Terret, L’Institution et le nageur. Histoire de la Fédération française de natation (1919-1939), Lyon, PUL, 1998.
  • [3]
    Pour des exceptions notables sur le spectacle, voir Julien Sorez, Le Football dans Paris et ses banlieues. Un sport devenu spectacle, Rennes, PUR, 2013 et sur la genèse du professionnalisme, voir Eric Dunning et Kenneth Sheard, « La séparation des deux rugbys », Actes de la recherche en sciences sociales, 79, septembre 1989, p. 92-107, et Alfred Wahl, « Le footballeur français : de l’amateurisme au salariat, 1890-1926 », Le Mouvement social, 135, avril-juin 1986, p. 7-30.
  • [4]
    Jean-Paul Clément et Lionel Lacaze, « Contribution à l’histoire sociale de la lutte », Travaux et recherches en EPS, Paris, INSEP, 8, 1985, p. 102-115 et Alex Poyer, « Cyclistes en sociétés. Naissance et développement du cyclisme associatif français (1867-1914) », thèse de doctorat d’histoire, Lyon, Université Lumière Lyon 2, 2000.
  • [5]
    Matthew Taylor, “The global ring ? Boxing, mobility, and transnational networks in the anglophone world, 1890-1914”, Journal of Global History, 8(2), juillet 2013, p. 231-255.
  • [6]
    L’Auto, 6 janvier 1907. L’Auto, créé en 1900, est le principal quotidien sportif au début du XXe siècle. Il est tiré à plus de 100 000 exemplaires à partir des années 1909-1910. Le journal se caractérise également par son activité d’organisateur d’événements dont le Tour de France.
  • [7]
    Pierre Bourdieu, « Habitus, code et codification », Actes de la recherche en sciences sociales, 64, septembre 1986, p. 40-44 et p. 41.
  • [8]
    En 1911, Paris compte 34 clubs de boxe anglaise, F. de Solières, Annuaire général des sociétés françaises militaires, patriotiques et sportives, Paris, Charles-Lavauzelle, 1911.
  • [9]
    Il existe quelques combats avant cette date mais ils sont clandestins ou réprimés par la police.
  • [10]
    BNF département Arts du spectacle, cote : WNA-208. Casino de Paris.
  • [11]
    On peut estimer à environ 50 le nombre de salles parisiennes ayant accueilli au moins un combat professionnel durant la Belle Époque.
  • [12]
    Ces lieux peuvent aussi être des parcs d’attractions comme Magic City ou Luna Park.
  • [13]
    Bottin mondain, Paris, Didot-Bottin, 1911, p. 166.
  • [14]
    Archives de la Seine, cote D28Z 10, « Cirque de Paris » (Fonds privé Paul Haynon).
  • [15]
    Christophe Charle, Théâtres en capitales. Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, Paris, Albin Michel, 2008, p. 49. Voir aussi Concetta Condemi, « Le café-concert à Paris de 1849 à 1914. Essor et déclin d’un phénomène social », thèse de doctorat d’histoire, Paris, EHESS, 1989.
  • [16]
    Montmartre est un quartier très actif concernant les activités pugilistiques. Ce constat est aussi pointé dans la première partie du livre d’André Rauch, Boxe, violence du XXe siècle, Paris, Aubier, 1992.
  • [17]
    La Vie au grand air du 1er novembre 1898 et du 23 juillet 1899.
  • [18]
    L’Écho de la Grande Roue. Journal littéraire, artistique, industriel et commercial, 7 janvier 1900.
  • [19]
    Archives de la Seine, dossier de succession, Dq7 28804.
  • [20]
    Archives du monde du travail, cote 2011 010 005, « État des sociétaires de l’AJS ».
  • [21]
    L’Auto, 29 avril 1908. C’est nous qui soulignons.
  • [22]
    L’Auto, 9 mai 1908.
  • [23]
    Pour un mode d’analyse similaire sur des objets différents, voir Gildas Loirand, « De la chute au vol. Genèse et transformations du parachutisme sportif », Actes de la recherche en sciences sociales, 79, septembre 1989, p. 37-49.
  • [24]
    L’Auto, 9 décembre 1909.
  • [25]
    L’Auto, 17 mars 1909.
  • [26]
    Benoit Gaudin, « La codification des pratiques martiales. Une approche socio-historique », Actes de la recherche en sciences sociales, 179, septembre 2009, p. 4-31 et p. 6.
  • [27]
    L’Auto, 26 mars 1909.
  • [28]
    Anne-Marie Waser, « Du monopole fédéral au partage du pouvoir sportif », Sociétés & représentations, 7, décembre 1998, p. 379-394.
  • [29]
    L’Auto, 27 octobre 1911.
  • [30]
    L’Auto, 20 avril 1908.
  • [31]
    L’Auto, 30 décembre 1911.
  • [32]
    L’Auto, 24 janvier 1908.
  • [33]
    Voir L’Auto du 31 mars et du 24 octobre 1908.
  • [34]
    Jacques Defrance, “The making of a field with weak autonomy. The case of the sports field in France, 1895-1955”, in Philip S. Gorski (dir.), Bourdieu and Historical Analysis, Durham (NC), Duke University Press, p. 311.
  • [35]
    Dominique Leroy, Histoire des arts du spectacle en France, Paris, L’Harmattan, 1990.
  • [36]
    C. Charle, Théâtres en capitales…, op. cit., p. 375.
  • [37]
    L’Auto, 2 juillet 1909.
  • [38]
    Christophe Granger, « Les lumières du stade. Football et goût du spectaculaire dans l’entre-deux-guerres », Sociétés & représentations, 31, avril 2011, p. 107-124 et p. 119.
  • [39]
    L’Auto, 9 avril 1908. Si la présence de femmes chez les spectateurs est régulièrement notée, l’absence globale de données ne permet pas (actuellement) d’en tirer une analyse précise.
  • [40]
    L’Auto, 22 février 1910.
  • [41]
    L’Auto, 1er avril 1909. Selon Thomas Piketty (Les Hauts Revenus en France au XXe siècle, Paris, Grasset, 2001, p. 237), en France, entre 1900 et 1910, il faut 10 000 francs de revenu annuel « pour faire partie des 1 % des foyers disposant des revenus les plus élevés ».
  • [42]
    L’Auto, 28 mars 1908.
  • [43]
    Manuel Schotté, La Construction du « talent ». Sociologie de la domination des coureurs marocains, Paris, Raisons d’agir, 2012, p. 232.
  • [44]
    Christophe Charle, « Le temps des hommes doubles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 39(1), 1992, p. 73-85.
  • [45]
    L’Auto, 4 mars 1908.
  • [46]
    J.-P. Clément et L. Lacaze, art. cit.
  • [47]
    L’Auto du 16 au 20 février 1909.
  • [48]
    Sur le rôle de la presse dans la construction des représentations des spectacles de boxe, voir A. Rauch, op. cit. et Timothée Jobert, « Le dernier frisson de Paris : la boxe américaine à l’assaut des Français, 1907-1914 », Sport History Review, 39(1), mai 2008, p. 71-83.
  • [49]
    Archives nationales, 8/AR/252 : Les sports (Le Journal).
  • [50]
    En témoignent notamment les rivalités entre L’Auto et Le Vélo au début du XXe siècle, voir Philippe Tétart, « De la balle à la plume. La première médiatisation des passions sportives (1854-1939), in Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France. Du second empire au régime de Vichy, Paris, Vuibert, 2007, p. 289-327.
  • [51]
    Ordonnance sur les théâtres, cafés-concerts et autres spectacles publics, Préfecture de police le 10 mai 1908. Disponible à la Bibliothèque nationale de France.
  • [52]
    L’Auto, 1er mars 1908.
  • [53]
    L’Auto, 23 octobre 1912.
  • [54]
    Les archives de l’Assistance publique sont néanmoins lacunaires concernant les établissements de boxe entre 1907 à 1914.
  • [55]
    Jean-Claude Yon, Une histoire du théâtre à Paris de la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Aubier, 2012, p. 349.
  • [56]
    L’Auto, 9 janvier 1909.
  • [57]
    L’Auto, 22 février 1909.
  • [58]
    Ratio calculé à partir de la donnée la plus récente, in D. Leroy, op. cit., p. 348.
  • [59]
    Marion Fontaine, Le Racing Club de Lens et les « Gueules Noires ». Essai d’histoire sociale, Paris, Les Indes savantes, 2010, p. 264.

1La plupart des travaux historiques sur le sport s’attachent à retracer la genèse d’une ou de plusieurs activités en se centrant sur la pratique elle-même plutôt que sur l’organisation de cette pratique [1]. Quand cette dimension est envisagée, c’est l’étude des fédérations qui est privilégiée [2]. Partant de ce point de vue, ces travaux s’intéressent finalement peu à la mise en spectacle d’un sport et à ses dimensions professionnelles [3]. L’étude de l’émergence de la boxe anglaise professionnelle, qui a d’emblée été pensée comme un spectacle, incite à s’emparer de ces deux phénomènes, et peut ainsi être envisagée comme une contribution à l’histoire sociale du spectacle sportif. À l’inverse d’autres sports, exceptés le cyclisme ou la lutte [4], cette pratique s’est d’emblée structurée sur un mode professionnel, lui-même articulé autour d’une logique de mise en spectacle de l’activité. Pour autant, la boxe ne se développe pas totalement en marge des institutions sportives naissantes, son développement s’inscrivant bien au croisement des logiques privées marchandes et des investissements fédéraux. Saisir la boxe dans son historicité suppose donc de s’intéresser à un ensemble d’acteurs – ayant des statuts, des parcours, des intérêts et des visions très différents – mais qui tous ont été impliqués dans l’émergence de ce sport.

2Apparue en Angleterre au XIXe siècle, la boxe anglaise rétribuée financièrement émerge véritablement en France à partir de 1905, seuls quelques combats isolés ayant lieu avant cette date. Le modèle pugilistique français emprunte alors largement aux pratiques anglaises : les boxeurs sont majoritairement anglais, The Sporting Life (le quotidien sportif anglais de référence) et ses rédacteurs contribuent à l’organisation des premières soirées. Et surtout, comme en Angleterre quelques années auparavant, celles-ci sont inscrites dans l’industrie du spectacle [5]. Toutefois, à la différence de l’Angleterre, la Fédération française des sociétés de boxe (FFSB), fondée en 1903, prend également part à la structuration de la boxe en France : celle-ci crée des licences de boxeurs professionnels à partir de 1906 en classant les boxeurs comme amateurs ou professionnels, délivre le diplôme de professeur de boxe, affilie ou non les différents clubs, fixe des catégories de poids, etc. En tant qu’institution fédérale, elle « revendique la propriété du titre des championnats de France » et « considère qu’elle a la garde du sport qu’elle régit » [6]. La fédération dispose d’un réel pouvoir.

3Ainsi, ce développement s’inscrit au croisement d’une codification « sportive » (au sens où les dirigeants fédéraux encadrent la pratique) et d’une codification par le spectacle (dans la mesure où elle est aussi investie par des professionnels de l’industrie du spectacle qui contribuent ainsi à lui donner une forme spécifique). Si la première renvoie traditionnellement à la mise en forme sportive de l’activité, visant une égalité formelle des chances à travers notamment une standardisation de la pratique, la codification par le spectacle tend à rendre l’événement attractif. La boxe se situe donc au croisement d’un double « travail de codification » [7] dont les acteurs, loin de s’opposer, sont indissociables. Il ne faudrait en effet pas déduire de ce qui précède que les dirigeants fédéraux n’œuvrent qu’à la mise en forme sportive de la boxe ni que les organisateurs de spectacles pugilistiques ne promeuvent que sa mise en spectacle. D’une part, l’action de la fédération se caractérise, outre son pouvoir de réglementation de la pratique, par l’encouragement de certains spectacles de boxe professionnelle, y compris lorsque ceux-ci font l’objet d’une monétisation ; d’autre part, les organisateurs, bien qu’agissant souvent sans se référer à la fédération, soutiennent eux aussi une forme « sportive » de l’activité. La stricte dichotomie entre porteurs d’une codification sportive et promoteurs d’une codification par le spectacle doit alors être remise en question.

Les lieux de la boxe

4Au début du XXe siècle à Paris, la distinction entre boxe amateur et boxe professionnelle (ou rémunérée) se fait d’abord en fonction des lieux où elles prennent place. Alors que les rencontres de boxe amateur se déroulent le plus souvent dans l’enceinte même des clubs (lieux d’entraînement des boxeurs et des compétitions « secondaires ») [8], les combats monétisés (c’est-à-dire où l’enjeu du match est en espèces) se déroulent dans des salles d’ordinaire dévolues à la représentation de spectacles, comme c’est le cas du Nouveau Cirque où se déroule le premier combat officiel avec un enjeu financier à Paris, le 1er juillet 1905 [9]. De façon plus générale, entre 1905 et 1914, seules 14 soirées de boxe se déroulent dans des lieux « originellement » voués aux sports : les vélodromes et les hippodromes. Presque toutes les autres ont lieu dans des salles de spectacles traditionnels [voir tableau 1, ci-contre].

Tableau 1

Répartition des combats par « type » de salles en 1913*

Tableau 1
Nombre de soirées* pugilistiques Pourcentage Hippodrome ou vélodrome 1 0,9 % Salle de club 1 0,9 % Parc d’attractions 3 2,6 % Salle de spectacle traditionnel 108 93,9 % Inconnu 2 1,7 % Total 115 100 %

Répartition des combats par « type » de salles en 1913*

* Une soirée est une représentation pugilistique définie par une unité de lieu. Plusieurs soirées peuvent avoir lieu le même jour si elles se déroulent dans des établissements différents.
Source : L’Auto.

5Le plus souvent, ces salles n’appartiennent pas aux organisateurs. Ceux-ci (promoteurs professionnels, journaux sportifs ou sociétés organisatrices de spectacle pugilistique) les louent et y intègrent de la boxe. Ainsi, dans le programme du Casino de Paris du 29 janvier 1907, le « Criterium international de boxe » est, entre autres, précédé par l’orchestre, un numéro de « contorsionniste », d’« équilibriste » et même une « opérette franco-anglaise » [10]. À partir de l’année 1908, les soirées de boxe s’autonomisent et ne comportent plus que de la boxe ou quelques « combats mixtes » (c’est-à-dire de la boxe anglaise contre une autre activité martiale).

6Les principaux établissements qui accueillent la boxe professionnelle à la Belle Époque sont notamment : le Wonderland (voir infra), l’Élysée Montmartre, la Salle Wagram, le Casino de Paris, le Cirque de Paris, le Bowling Palace, l’Eden Palace et les Folies Bergère [11]. Ces salles ont pour particularité d’accueillir habituellement des spectacles populaires, tels que des bals, des numéros de music-hall, de cirque ou de café-concert [12]. Elles disposent d’une capacité d’accueil importante : les Folies Bergère proposent 2 000 places [13], le Cirque de Paris offre entre 5 000 et 7 000 places [14], etc. Ces salles sont donc convoitées par tous les organisateurs de spectacles. Si elles sont utilisées pour d’autres sports (notamment la lutte ou le cyclisme), elles ne sont jamais (à l’exception de la Salle Wagram) louées par la boxe française ou la boxe anglaise « amateur ». Elles n’accueillent que des combats où des enjeux en espèces sont proposés.

7De ce fait, la boxe professionnelle épouse la géographie des salles de spectacles populaires (music-halls, cafés-concerts, etc.) de l’époque, c’est-à-dire qu’elle se trouve dans les « quartiers où les théâtres [légitimes] n’existent pas ou connaissent des difficultés financières » [15]. Les lieux des matchs se concentrent sur la rive droite [voir carte, p. 10], avec une surreprésentation de ces établissements dans les 9e, 17e et 18e arrondissements [16] (à l’exception du Wonderland situé dans le 15e arrondissement).

CARTE. Répartition des salles de boxe professionnelle en 1908

figure im2

CARTE. Répartition des salles de boxe professionnelle en 1908

Qui organise les combats ?

8Au sein de l’espace des organisateurs de spectacles de boxe, deux hommes sont particulièrement actifs, à Paris, au début du XXe siècle : Victor Breyer et Théodore Vienne. Leurs trajectoires aident à expliquer leur rôle central dans la mise en spectacle de ce sport en France.

9Vienne est né à Roubaix en 1864, d’une mère ménagère et d’un père fileur. De son côté, Breyer est né en 1869, à Southwold (Angleterre), d’un père directeur d’hôtel. Tous deux se consacrent, dès la fin du XIXe, à l’organisation de courses cyclistes professionnelles. Vienne est co-directeur du Vélodrome de Roubaix (et l’organisateur de la course Paris-Roubaix) alors que Breyer dirige, lui, le Vélodrome Buffalo à Auteuil. À Roubaix, Vienne tente des innovations en intégrant des combats d’animaux (taureaux et lions) à l’intérieur du vélodrome. Ce spectacle, réalisé à plusieurs reprises entre 1898 et 1900, connaît un grand succès selon la presse [17]. À partir de 1899, Vienne quitte Roubaix et s’installe à Paris. Il codirige (avec Paul Rousseau) une agence d’automobiles puis devient, en 1900, le directeur commercial de la Grande Roue de Paris [18], une attraction alors très fréquentée. Il en devient propriétaire quelques années plus tard, s’étant enrichi notamment grâce à l’organisation d’événements sportifs ; il laisse, à sa mort en 1921, divers biens et actions d’une valeur de 647 928 francs [19], ce qui atteste de sa réussite financière.

10De son côté, Breyer est surtout célèbre pour sa carrière dans la presse sportive. Il quitte le quotidien Le Vélo pour rejoindre L’Auto en 1904. Quelques années plus tard, il entre à L’Écho des sports dont il devient directeur jusqu’en 1932. Parallèlement, il est également vice-président de l’Association des journalistes sportifs dès 1905 [20].

11À partir de 1907, au sein de la Grande Roue de Paris, et plus précisément dans la salle des bals, Vienne et Breyer créent le Wonderland. Cette salle est à la fois le lieu d’accueil de matchs de boxe professionnelle et le siège social de la Société de propagation de la boxe anglaise (SPBA) qui joue un rôle majeur dans le développement de la boxe professionnelle. Le Wonderland organise l’ensemble des grands événements pugilistiques, même s’ils ne se déroulent pas tous dans cet établissement. Les deux organisateurs y font venir les boxeurs les plus réputés d’Angleterre et des États-Unis.

12À cette même période, ils ont également de multiples engagements fédéraux : Vienne est par exemple président de la Fédération française de billard et Breyer délégué de la National Cycling Association. Ils ne sont donc pas hostiles à tout encadrement institutionnel du sport. Les propos de Breyer à ce sujet sont d’ailleurs particulièrement explicites : « Les organisateurs de matchs […], convaincus de la nécessité d’une organisation sportive et régulière telle qu’une fédération, seule, peut la donner, se déclarent prêts à accepter le contrôle de la fédération » [21]. Ainsi proposent-ils, en 1908, la création d’un « syndicat des organisateurs de boxe professionnelle » qui serait sous la direction de la Fédération française de boxe (FFSB) et qui accepterait le « règlement sportif » [22] édicté par cette dernière. Ce règlement porte aussi bien sur le déroulement même des combats (catégories de poids, poids des gants, etc.) que sur l’organisation des rencontres (création de licences, réglementation des défis, etc.). Si la genèse de la boxe professionnelle s’inscrit au croisement de deux codifications, c’est bien parce que les trajectoires des deux organisateurs les plus influents de la période sont à la croisée des mondes du sport et du spectacle [23] [voir encadré « Les dirigeants de la FFSB », p. 17].

Les dirigeants de la FFSB

Depuis sa création en 1903, la Fédération française des sociétés de boxe (FFSB) est dirigée par Frantz Reichel (secrétaire général) et Paul Rousseau (président), deux figures majeures de l’organisation du sport en France et de son fonctionnement en fédérations [1]. Tous deux sont journalistes : le premier au Figaro et le deuxième au Temps, après avoir été tous les deux rédacteurs au quotidien Le Vélo. Sur ce plan, leurs trajectoires sont proches de celles de Breyer et Vienne. Si ces derniers ne peuvent être présentés comme des incarnations parfaites d’un « pôle privé » du champ sportif alors qu’ils en ont – à première vue – les attributs, Reichel et Rousseau ne correspondent pas non plus à l’image de hérauts de l’amateurisme qu’on leur accole souvent. En effet, tous deux créent un club (le Pelican Boxing Club), dès 1905, ayant pour but d’organiser des matchs de boxe professionnelle. Même si cette tentative échoue, ni l’un ni l’autre ne se déclarent véritablement hostile à la boxe rémunérée, dès lors que le combat est encadré par une fédération ou par des individus proches des structures sportives fédérales (comme c’est le cas des dirigeants du Wonderland). En effet, bien qu’à plusieurs reprises les dirigeants de la fédération affirment officiellement leur opposition d’une boxe comme « numéro de music-hall » [2] et se servent du modèle repoussoir de la lutte [3] pour le justifier, Reichel et Rousseau ne condamnent aucun des combats organisés par de célèbres organisateurs (notamment lorsqu’il s’agit de Breyer et Vienne). Pourtant ceux-ci se déroulent systématiquement dans des lieux de spectacles à visée lucrative. De manière générale, toute leur action semble se caractériser par une impuissance à atténuer les liens entre la boxe et le monde du spectacle [4]. Prenant acte de l’existence de cette liaison, ils tentent néanmoins de maintenir un contrôle de la fédération sur le spectacle. Ainsi, le premier règlement sportif de la FFSB, édicté en 1908, reconnaît la place des spectacles populaires.

13Cependant, de nombreuses oppositions émergent entre promoteurs, notamment au sujet du type de spectacle à organiser. L’un des désaccords les plus visibles concerne celui qui oppose, d’un côté, Vienne (du Wonderland), soutenu par le journal L’Auto et la FFSB, et de l’autre, Philippe Roth et Émile Maitrot (d’une autre société, le Premierland), soutenu par Léon Sée (de la revue La Boxe et les boxeurs) et la Fédération française de boxe professionnelle (FFBP). Cette dernière est une organisation concurrente à la FFSB qui ambitionne de diriger la boxe professionnelle. Mais ce clivage – entre individus et fédérations – est sans doute moins structurant que celui – nettement moins visible – qui oppose les promoteurs français aux promoteurs américains. En effet, en tentant de s’organiser en syndicat, les premiers souhaitent « contrôler » les boxeurs et promouvoir un type de boxe concurrent à celui proposé par les organisateurs américains, c’est-à-dire des spectacles pugilistiques s’appuyant sur une réglementation fédérale. Par exemple, lors du troisième match opposant les deux Américains Sam Mac Vea et Joe Jeannette, hésitant sur le nombre de rounds à fixer, les dirigeants du Wonderland affirment : « Si violents que soient les combats de boxe, il faut bien que ces rencontres […] reposent sur des conventions au nombre desquelles doit s’imposer […] la limite de durée totale […] des [rounds] et des repos (sic). Autrement, on s’éloigne des règles sportives […] [Et il] y a-t-il quelqu’un qui désire voir dégénérer le noble art, en hideuses et répugnantes batailles ? » [24].

14Se présentant comme des individus qui refusent de considérer la boxe comme un spectacle comme un autre, Vienne comme Breyer ou Sée revendiquent vouloir encourager la pratique sportive chez le plus grand nombre. En effet, la SPBA publie fréquemment – par l’intermédiaire de L’Auto et sous la plume de Breyer – des tribunes visant à expliciter le règlement de la boxe anglaise, le vocabulaire qui lui est propre, son évolution historique ou encore les décisions prises par la société pour « améliorer » les spectacles. Aussi opposés qu’ils puissent être, les différents organisateurs français vont se réunir autour d’un syndicat, dirigé par la FFSB, pour combattre leurs homologues américains, comme par exemple Richard Klegin. Ce dernier, accompagné de la « direction des cinémas Halls », organise des combats de boxe composés de matchs de femmes ou d’un « royal battle » dont l’objectif est de « mettre en même temps sur le ring un certain nombre de boxeurs qui doivent se battre entre eux sans arrêt ni répit jusqu’au KO » [25]. Autrement dit, « de nouvelles formes de combats sont créées par des promoteurs de pratiques qui décèlent un créneau porteur et conçoivent un produit martial susceptible d’occuper une nouvelle niche de marché » [26]. Mais cet événement est largement critiqué, autant par les promoteurs français que par les différents relais qu’ils ont dans la presse. En témoigne la lettre de Vienne adressée à Henri Desgrange (directeur de L’Auto) qualifiant le match de boxe féminin de « farce sportive » [27]. Les différents organisateurs mais aussi L’Auto, La Boxe et les boxeurs ou L’Écho des sports vont tour à tour condamner ces spectacles en leur rappelant leur caractère « non-sportif ».

15Loin de ne rechercher qu’un seul objectif lucratif, les organisateurs sont aussi motivés par la recherche de profits symboliques : le prestige d’avoir implanté la boxe anglaise et d’avoir favorisé « l’éducation sportive » en France.

Organiser un combat

16À partir de l’année 1907, les matchs de boxe professionnelle sont en pleine expansion, comme en témoigne le nombre d’événements et de soirées à Paris [voir tableau 2, p. 14].

Tableau 2

Le nombre d’événements et de soirées de boxe professionnelle à Paris*

Tableau 2
1905 1906 1907 1908 1909 Total Nombre d’événements* 4 7 19 88 96 214 Nombre de soirées 4 7 77 106 Environ 115 309

Le nombre d’événements et de soirées de boxe professionnelle à Paris*

* On appelle un événement toute manifestation pugilistique formalisée (tournoi, championnat, etc.) ayant lieu au même endroit, même s’il s’étend sur plusieurs jours. Les « matchs mixtes » sont également intégrés.
Source : L’Auto, 1905-1909.

17Ultérieurement, entre 1910 et 1914, le nombre de soirées continue d’augmenter et excède la centaine, chaque année. Ces soirées sont, à quelques exceptions près, le fait d’un petit noyau d’organisateurs. Parmi eux, on retrouve notamment Breyer et Vienne (et le Wonderland). Dès 1907, ces derniers proposent tous les samedis (entre octobre et mai) une soirée de boxe où s’affrontent des professionnels étrangers reconnus (anglais, australiens ou américains), des professionnels français en voie de reconnaissance ou des débutants (les « novices »). Pour la seule année 1909, ces événements représentent 38 soirées (soit environ un tiers du total annuel). De plus, le Wonderland participe à d’autres types d’événements : ceux-ci sont soit co-organisés avec un journal, comme c’est le cas de « la coupe de L’Auto » en 1906, soit suscités par la fédération. En effet, à partir de 1909, la SPBA est officiellement chargée par la FFSB d’organiser les championnats de France de boxe professionnelle. Elle se voit alors attribuer le pouvoir de participer à la désignation du champion de France, contraignant la fédération à faire acte d’un « partage du pouvoir sportif » [28].

18Autrement dit, avant 1914, le Wonderland organise le championnat de France des « novices » (où plusieurs centaines de boxeurs sont inscrits), les championnats de France de boxe et une multitude de combats entre des « champions » anglais ou américains. Le Wonderland propose ainsi des spectacles pugilistiques de statuts différents (attribution ou non d’un titre) et de niveaux sportifs variables, dans divers établissements, mais qui connaissent dans l’ensemble, un grand succès auprès du public. Ceci est d’ailleurs parfaitement assumé par les organisateurs, au point même où Vienne, dans son programme annuel, dévoile sa stratégie destinée à attirer un public maximal en différenciant les salles :

19

« À la Grande Roue, les […] séances du samedi, qui […] assurèrent la fortune de l’entreprise. À la Salle Wagram, des séances du même genre, ayant lieu à raison d’une fois par mois […]. Au Cirque de Paris, les grands matchs dont l’importance exige le cadre incomparable de cette splendide arène. Au Vélodrome d’Hiver, une ou deux rencontres dépassant comme retentissement tout ce qui a été fait jusqu’ici » [29].

20Le fonctionnement spécifique du Wonderland permet de rendre compte du processus général de mise en spectacle opéré par les organisateurs de l’époque. Leur objectif est d’abord d’attirer le plus de monde possible. Si l’événement le justifie, ils louent une vaste salle de spectacle comme, par exemple, le Cirque de Paris. Dans ce cas, l’organisateur évalue à l’avance la rentabilité de l’événement qui doit au moins couvrir les frais de location. Il peut même déplacer le spectacle initial, s’il pressent une forte affluence. Vienne refuse ainsi d’organiser un combat entre Willie Lewis et Walter Stanton (deux « champions » américains) à l’Olympia, « parce qu’on ne peut y organiser une rencontre de boxe qu’après minuit » [30]. Fixer le match à une heure tardive impliquerait un nombre inférieur de spectateurs et, par conséquent, une plus faible recette.

21De plus, les organisateurs aménagent ces salles afin d’optimiser leur capacité. En effet, toutes les salles mentionnées précédemment ont pour caractéristique de disposer d’une « piste mobile » où l’on peut aménager un ring et où le nombre de spectateurs peut être étendu au maximum. Ces établissements sont d’ailleurs régulièrement en travaux afin d’augmenter leurs capacités ou « d’embellir » leurs locaux. La salle de boxe du parc d’attractions de Magic City subit ainsi des « travaux d’agrandissement » pour pouvoir accueillir 2 000 personnes incluant 1 500 places assises, en 1912.

22Ces lieux sont donc aménagés pour l’occasion, notamment en érigeant un ring aux « dimensions maximales de sept mètres sur quatre » [31]. Ce chiffre est édicté par le règlement de la FFSB qui reprend les normes officielles anglaises. Il rappelle alors la part « sportive » que contient la boxe, puisqu’elle se déroule dans des conditions relativement standardisées, fixées par l’intermédiaire de la fédération et, a priori, nonobstant des décisions des organisateurs de spectacles.

23Enfin, les organisateurs procèdent à une multitude d’innovations « pratiques » visant, une fois de plus, à maximiser les spectateurs et à optimiser les conditions dans lesquelles ils assistent au spectacle. Ainsi, l’organisateur Émile Barlatier, en 1908, crée un service de voitures-taxis pour Puteaux et Maisons-Laffitte « à seule fin de faciliter le retour des spectateurs qui habitent la banlieue » [32]. Cette mesure vise à compenser l’heure tardive à laquelle se termine les matchs et ainsi le fait qu’une part des spectateurs est contrainte de partir avant la fin du combat pour rentrer chez eux.

24Ces innovations ne se limitent pas à l’organisation extérieure du match, elles peuvent parfois porter sur le déroulement même des combats. À plusieurs reprises, le match se trouve en effet modifié par l’action des organisateurs : Barlatier puis Vienne stipulent, par exemple, dans les matchs qu’ils organisent, que la durée des rounds passe de deux à trois minutes, « sauf exception » [33]. C’est donc bien l’action des organisateurs de combats qui conduit à édicter des usages réglementaires, sans que la fédération n’y trouve rien à y redire. La mise en forme sportive de l’activité, par l’intermédiaire de la production de règles, n’est pas ici d’origine fédérale, comme on le pense, le plus souvent. Si le pouvoir de la FFSB est parfois respecté par les organisateurs (c’est le cas pour les catégories de poids, les dimensions du ring, etc.), celui-ci est néanmoins trop faible pour fixer définitivement l’ensemble des modalités précises de pratique. La boxe anglaise professionnelle semble alors être une « frontière du champ sportif où les deux logiques de l’activité physique, [ici les activités de spectacle et les activités compétitives], peuvent être réconciliées » [34].

Assister au spectacle

25D’une salle à l’autre, comme au sein d’un même établissement, les prix des places sont très variés. Ceux-ci fluctuent selon une logique constante : plus la salle est grande, plus elle accueille un combat « retentissant » (en termes de publicité) et plus les catégories de places sont nombreuses, leur coût variant considérablement selon leur emplacement, du promenoir au fauteuil au bord du ring, en passant (entre autres) par les loges. Le « grand match » opposant le champion du monde poids moyens américain Billy Papke au Français Bernard, en 1912, permet de mesurer cet écart [voir tableau 3, p. 14].

Tableau 3

Les prix des places du match Papke vs Bernard*

Tableau 3
Type de place Prix en francs Ring (1er et 2e rangs) 100 Ring (3e rang) 70 Loges de (5 ou 7 places) 60 la place Fauteuils (1er et 2e rangs) 60 Fauteuils (3e et 4e rangs) 50 Premières (3 premiers rangs) 30 Premières (4e et 5e rangs) 25 Secondes (numérotées) 20 Troisièmes (assis ou debout sans garantie) 5 Les circulations 18 Promenoirs des secondes 10

Les prix des places du match Papke vs Bernard*

* L’Auto, 26 novembre 1912. Le salaire moyen annuel est à l’époque d’environ 1 500 F, voir Thomas Piketty, Les Hauts Revenus en France au XXe siècle, Paris, Grasset, 2001, p. 237.

26Si des variations de prix existent dans l’ensemble des spectacles de Paris, les travaux de Dominique Leroy montrent que, dans d’autres spectacles (théâtres, music-halls ou cafés-concerts), elles sont moins fortes. Au début du XXe siècle, une place de music-hall s’échelonne entre deux et huit francs [35]. De plus, la place la moins chère de la rencontre (dix francs) correspond aux meilleures places dans les théâtres parisiens à la même époque [36]. En outre, il semble que les écarts de prix entre les places des combats de boxe sont également particulièrement importants en comparaison avec les autres sports. La gamme des prix pour les courses en vélodrome n’est pas aussi large par exemple, le prix des places variant entre un et dix francs le plus souvent.

27L’hétérogénéité de ces prix souligne, en creux, le budget potentiel que peut représenter l’achat régulier de places. Léon Manaud (journaliste à L’Auto) calcule ainsi le coût annuel des spectacles de boxe à Paris en 1908, suivant trois catégories de places : la moins chère, le prix moyen et le plus élevé. Il estime que le spectateur occupant les places les plus chères a dépensé « 2 664,30 francs. Ceux qui se contentent d’une bonne place confortable : 1 134,20 francs. Les abonnés au poulailler [places les plus populaires] : 259,80 francs » [37]. Rapporté au salaire moyen français de l’époque, les estimations du journaliste représentent, pour les places les plus chères, l’équivalent de deux ans de salaire, pour les places intermédiaires, de neuf mois et de plus de deux mois pour les places les plus abordables.

28Ces écarts de prix renvoient à la variété et à la segmentation sociale des publics des matchs. Considérant que « la présence du public, son décompte et sa composition, les rituels et les passions qui animent les tribunes forment, aux yeux des promoteurs comme des chroniqueurs, une part décisive des manifestations sportives » [38], il importe de caractériser le public des spectacles pugilistiques. En effet, en croisant les catégories de places de la rencontre entre Bernard et Papke de 1912, on obtient la proportion suivante [voir tableau 4, ci-contre et voir photo, p. 18].

Tableau 4

Nombres et proportions approximatifs de spectateurs par types de places

Tableau 4
Types de places Nombre approximatif de places Pourcentage approximatif du type de places par rapport à la capacité totale de la salle Places à plus de 50 francs (fauteuils ou loges) 681 13,5 % Places entre 20 et 30 francs (inclus) 1 624 32,5 % Places inférieures à 20 francs et qui n’offrent pas la garantie d’être assis 2 695 54 % Total 5 000 100 %

Nombres et proportions approximatifs de spectateurs par types de places

figure im6
PLAN DU CIRQUE de Paris, aménagé un soir de boxe. L’organisation de la salle rappelle celle du match Bernard vs Papke, en 1912, voir infra
BNF.

29Le partage du nombre de places en fonction des prix est loin d’être équitable : les individus n’ayant pas la certitude d’être assis représentent à eux seuls plus de la moitié (54 %) du total des spectateurs. De plus, le ratio du nombre de places en fonction de leur prix est inversé par rapport à celui des théâtres. Alors que, selon Christophe Charle, en 1903, les places les plus abordables des théâtres parisiens représentent environ 10 % de l’offre totale des places, ce pourcentage correspond presque à celui des places les plus onéreuses dans le cas de la boxe. Ainsi, en boxe, les places les moins chères (bien que leur montant soit très élevé par rapport aux autres spectacles) sont les plus nombreuses alors que c’est le contraire qui s’opère dans les théâtres à la même époque. Si la boxe se présente comme un spectacle populaire – les propos de la presse vont dans ce sens – elle est pourtant, objectivement, une distraction coûteuse.

30En outre, concernant le prix des places, les quelques événements organisés par les promoteurs américains proposent des prix inférieurs à ceux des rencontres pugilistiques « courantes ». L’élévation du prix des places va donc de pair avec les formes de pratiques plus « sportives » et à la violence euphémisée. Tout se passe donc comme si le degré de codification sportive de la violence était lui-même corrélé au recrutement social du public.

31« Bien voir » le match est présenté comme une préoccupation des organisateurs. En effet, elle agit sur la participation du public. En 1908, le Wonderland demande ainsi aux femmes spectatrices de ne pas porter ni chapeaux ni coiffure « pouvant gêner les spectateurs » situés derrière elles [39]. De la même manière, en 1910, à la suite de quelques incidents au cours desquels le public (ainsi que des journalistes) n’a pas entendu la décision de l’arbitre, ce qui a entraîné des agitations dans la salle et la publication de résultats erronés dans la presse, Vienne et Breyer décident de créer les pancartes annonciatrices de résultats. « Pour chaque grand match, trois pancartes seront préparées avec le nom des deux boxeurs et le mot : “nul”. Aussitôt après la fin du combat, l’arbitre lui-même […] prendra la pancarte annonçant sa sentence et le public en sera prévenu » [40]. Ainsi, cette mesure normalise l’annonce du résultat sportif autant qu’elle satisfait une préoccupation du spectateur.

Rémunérer les boxeurs

32La mise en spectacle des événements pose la question de la rémunération des boxeurs. Ainsi, le Wonderland encourage explicitement et systématiquement les enjeux en espèces. En effet, de 1907 à 1914, les 300 soirées (environ) organisées par la société font toutes, sans exception, l’objet d’une monétisation. Cependant, si celle-ci est constante, le montant des rémunérations est très variable. Entre les combats de « novices », les championnats organisés par la fédération et les oppositions de « champions » américains, les écarts sont extrêmement importants, allant de quelques dizaines de francs à plus de 100 000 francs pour un boxeur en un match, au point que la plus forte bourse perçue par un boxeur à la Belle Époque, celle de Jack Johnson le 27 juin 1914 lors d’un match au Vélodrome d’Hiver, organisé par Vienne, s’élève à 150 000 francs. Ces écarts sont même flagrants au cours d’une même soirée. Ainsi, le 17 avril 1909, la SPBA organise la seconde rencontre entre Mac Vea et Jeannette au Cirque de Paris. Ce même soir, en accord avec la fédération, la SPBA organise la finale des championnats de France. Dans le premier cas, la bourse à se partager s’élève à 30 000 francs (22 500 au vainqueur et 7 500 au vaincu) [41]. Dans le deuxième événement, le vainqueur tente de gagner 200 francs.

33La bourse d’un combat est composée de trois sommes de provenance différentes : un enjeu (ou « pari personnel ») d’un montant identique apporté par chacun des deux boxeurs par la voie de leur manager et une troisième somme offerte par l’organisateur. Le montant total de la bourse est alors divisé entre les deux boxeurs (le plus souvent au moins 2/3 au gagnant et 1/3 ou moins au perdant). Le boxeur est donc évalué en fonction des bénéfices escomptés par l’organisateur. Ainsi, alors que Tommy Burns est champion du monde poids lourds (de 1906 à 1908), plusieurs organisateurs tentent de le faire venir boxer à Paris. Ce dernier réclamant une somme de 100 000 francs, ceux-ci refusent tour à tour de le faire venir. Finalement, alors que Barlatier signe un contrat avec Burns, Manaud reste sceptique au sujet des bénéfices escomptés par l’organisateur : « Le contrat est signé. La location doit être ouverte immédiatement. Il est nécessaire qu’elle atteigne le chiffre de 100 000 francs. Pour ma part, je m’inscris pour 25 000 » [42]. Le montant apporté par l’organisateur est en effet étroitement lié à la recette estimée du combat : il représente soit un pourcentage sur la recette soit un montant fixe, fonction du succès public escompté. Ainsi, la valeur d’un boxeur ne se réduit pas à ses compétences sportives. Elle s’évalue également par son capital « réputationnel » ou d’attractivité, plus ou moins important selon son « style », sa morphologie, sa catégorie de poids ou encore sa notoriété. Cette valeur est d’ailleurs elle-même largement construite par les journalistes. Ainsi, pour l’organisateur, le « bon » boxeur est celui qui cumule compétence sportive et attractivité. Par conséquent, « la seule référence à son niveau de performance s’avère notoirement insuffisante pour caractériser la valeur [d’un boxeur] sur le marché » pugilistique [43].

34Enfin, notons que cette valeur est elle-même très inégale entre boxeurs français et étrangers. En 1910, la plus forte recette entre deux pugilistes français est de 11 000 francs, alors que, pour la même année, le montant le plus élevé entre deux Américains s’élève à 85 000 francs. Ainsi, dans un premier temps, l’émergence des spectacles de boxe à Paris se réalise paradoxalement en l’absence de la reconnaissance de la valeur des boxeurs français.

En faire un événement

35En ce « temps des hommes doubles » [44], l’immense majorité des organisateurs de spectacles de boxe sont également journalistes ; c’est le cas, par exemple, de Breyer (au Vélo, à L’Auto et à L’Écho des sports), Sée (à La Boxe et les boxeurs), Vienne (L’Éducation physique) ou Barlatier (Les Nouveaux Sports). Les organisateurs de combats agissent souvent au nom de leur journal. L’Auto, L’Éducation physique, La Boxe et les boxeurs ou encore Les Nouveaux Sports sont ainsi régulièrement les organisateurs « officiels » des événements pugilistiques. En témoigne la création des « samedis des Nouveaux Sports » en 1908. Ceux-ci ont lieu deux fois par mois aux Folies Bergère, avant d’être complétés par deux séances au Moulin Rouge. Ils consistent à organiser des combats entre boxeurs renommés pour d’importantes sommes d’argent.

36Mais le rôle de la presse consiste aussi à relayer l’ensemble des nombreux défis qui sont lancés entre les boxeurs et qui constituent les prémisses d’un match. Ces défis peuvent être lancés sous la forme d’une annonce dans le journal ou alors au cours d’une soirée en montant sur le ring (avant ou entre deux combats). Ce procédé existe également en lutte. Cette « reprise » est d’ailleurs critiquée par Reichel. Symbolisant une certaine forme de mise en spectacle, le défi lui apparaît comme une pratique insupportable dont la boxe doit se défaire afin « d’échapper au triste sort de la lutte » [45], c’est-à-dire à une activité dont la « logique sportive » paraît dominée par celle du spectacle [46].

37Avant et après le combat, la presse multiplie les articles et construit progressivement l’événement. Ainsi, lors du premier match entre Mac Vea et Jeannette, L’Auto annonce la rencontre (avec photos, palmarès, etc.) en première page, durant les cinq jours qui précèdent l’événement [47]. Pour mettre en scène les spectacles de boxe [48], les médias font souvent appel aux articles des journaux anglo-saxons et publient les comptes rendus des précédents combats entre les boxeurs, donne leurs mensurations, etc. Elle intervient même directement sur les conditions matérielles et sportives des rencontres, en organisant la pesée, la vente des places pour l’événement dans ses locaux, en stockant la bourse fixée jusqu’au combat (et en payant les boxeurs après leurs rencontres) ou encore en faisant signer les contrats de la rencontre dans les locaux du journal [voir photo, p. 22-23].

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MARCEL MOREAU ET MARC GAUCHER, les deux boxeurs professionnels trinquant au centre de la photographie (respectivement à gauche et à droite), sont pris ici avec leurs managers dans le bureau d’Émile Barlatier, directeur du bimensuel Les Nouveaux Sports. Ce cliché, réalisé le jour de la signature du procès-verbal de la rencontre qui les oppose, a été publié par ce bimensuel spécialisé le 1er janvier 1908.
Les Nouveaux Sports, 1, 1er janvier 1908/BNF.

38Le rôle de la presse est indissociable de la forme spécifique du combat pugilistique. À la différence d’un championnat par exemple, l’organisation de la saison de boxe résulte d’initiatives individuelles le plus souvent relayées par un média et dont la réalisation ne devient possible que si un tiers le trouve digne d’être organisé, c’est-à-dire à la condition que les profits économiques et symboliques inhérents à l’événement soient suffisants. La presse d’une part en publiant de nombreux articles (interviews, concours de pronostics sur le futur vainqueur d’un combat, etc.) et images sur les boxeurs, et, d’autre part, en raison de ses tirages élevés, intervient donc directement sur la notoriété d’un boxeur. Plus largement, les journalistes occupent un rôle central dans l’économie des spectacles pugilistiques parisiens et de l’ensemble des spectacles sportifs de l’époque.

39Par ailleurs, les organisateurs réalisent un investissement en faisant éditer ces informations puisqu’ils rétribuent les journaux pour qu’ils annoncent les combats, en espérant tirer profit de cette publicité. Par exemple, Le Journal perçoit 220 francs pour publier trois annonces (dont une en première page) relatant un combat entre Stanton et Pat Daly, en 1908 [49]. En fournissant ce travail d’organisation des spectacles pugilistiques, la presse sportive retire des profits économiques et symboliques. L’organisation des événements sportifs devient même un enjeu central pour les journaux [50].

40Dans ces conditions, la presse agit également pour que la boxe dispose des différents attributs adossés au sport : l’existence d’une fédération forte, la reconnaissance de « champion », etc. Le modèle pugilistique tel qu’il se construit à Paris au début du XXe siècle est donc le produit conjoint d’une codification par les industries du spectacle et d’une codification par les dirigeants fédéraux, elles-mêmes largement construites par la presse.

Contrôler l’événement

41Faire de la boxe un spectacle suppose son encadrement par les forces de l’ordre. Dans les établissements à forte capacité, le « contrôle » des nombreux spectateurs est une préoccupation centrale et les organisateurs sont alors obligés de solliciter la police [51]. Dans ce cas, le rôle de cette dernière diffère sensiblement de celui de la seule lutte contre la violence de l’activité. Comme le théâtre ou le music-hall par exemple, l’organisation de combats de boxe nécessite des autorisations policières pour s’assurer d’une « bonne » gestion de la foule. L’ordre et la discipline des spectateurs sont largement évoqués dans la presse. Ainsi, en 1908, L’Auto encourage les futurs spectateurs à « retenir [leurs] places dès aujourd’hui car la police a demandé aux organisateurs de ne pas laisser entrer plus de 1 500 personnes » à la salle Wagram [52]. De plus, les organisateurs eux-mêmes critiquent violemment les débordements du public ou lancent des appels au calme, avant les combats. Une tribune de L’Auto à l’occasion du match Georges

42Carpentier contre Billy Papke pour le championnat du monde poids moyens, au Cirque de Paris, en atteste : « Il est évident que ce soir les émotions seront portées à leur comble et qu’il sera très difficile aux spectateurs de rester calmes. Il faut cependant que tous se disent que si l’enthousiasme est permis, il faut savoir toujours, dans n’importe quelles circonstances, demeurer équitables et justes, et surtout qu’il faut s’abstenir de gêner par des protestations injustifiées, et les hommes [du] ring […] et le directeur du combat dont la tâche est déjà si difficile. Nous faisons donc appel aux spectateurs pour leur demander un maximum de calme pendant les reprises ; libre à eux de laisser libre cours à leur enthousiasme et à leurs réflexions pendant les repos » [53].

43Par ailleurs, l’étude du spectacle sportif suppose de se tourner vers l’administration fiscale qui prélève des taxes obligatoires sur les spectacles pugilistiques [54]. Sans leur paiement, les événements pugilistiques ne peuvent se produire. Le « droit des pauvres », « redevance perçue sur le produit brut des recettes » [55], s’applique à hauteur de 10 % aux spectacles de boxe à cette période. À première vue, les combats sont lucratifs [voir tableau 5, p. 24], comme le laissent penser la multiplication des organisateurs de matchs et globalement des compétitions pugilistiques, mais également le souhait de nombreux boxeurs de se faire payer au pourcentage de la recette. Quelques combats sont d’ailleurs particulièrement rentables, malgré les dépenses engagées au préalable. À propos d’une rencontre entre Jeannette et Mac Vea, Breyer (co-organisateur) affirme que toute l’organisation coûte 50 000 francs [56] : la moitié pour les boxeurs et l’autre moitié pour payer la location de la salle, son aménagement (ring, électricité, etc.), la publicité dans la presse, les frais de déplacement des boxeurs, etc. Or, ce jour-là, la recette s’élève à 85 000 francs [57]. Ce chiffre représente à lui seul 1/7 des recettes annuelles du Théâtre de l’Odéon en 1903 [58].

Tableau 5

Les plus fortes recettes annuelles entre 1906 et 1914*

Tableau 5
Recette la plus élevée (en francs)* 1906 Inconnue 1907 Environ 10 000 1908 25 345 1909 85 000 1910 Inconnue 1911 99 100 1912 110 121 1913 Inconnue 1914 181 000

Les plus fortes recettes annuelles entre 1906 et 1914*

* Données trouvées dans l’Annuaire du ring de Breyer et dans L’Auto.

À la croisée du sport et du spectacle

44Comme le souligne Marion Fontaine, « l’histoire des sports n’a rien à gagner à se considérer comme une catégorie totalement étanche, étanchéité qui lui fait courir le risque de fragmenter des expériences sociales majeures. Elle a tout à gagner au contraire à se nourrir des observations concernant d’autres objets ou émanant d’autres sciences sociales » [59]. Cette démarche invite à formuler autrement la question des promoteurs de la boxe, en évitant de se centrer uniquement sur les dirigeants fédéraux pour se tourner aussi vers les organisateurs de spectacles. Dès lors, leurs proximités apparaissent et les différents pôles de l’espace des sports ne semblent plus toujours antinomiques.

45Une nouvelle question fait alors jour : l’explication de cette convergence entre fédération et organisateurs de spectacles. D’une part, il est clair que les professionnels du spectacle pugilistique voient, à travers la codification sportive fédérale de l’activité, un moyen de légitimer leurs actions ; la concurrence pour organiser les épreuves délivrant les titres de champions en témoigne. D’autre part, on peut penser que les organisations fédérales peuvent soutenir le spectacle sportif dans le but de répondre à leurs besoins financiers, eux-mêmes rendus nécessaires par l’organisation de manifestations de promotion de leur activité. Ces quelques hypothèses plausibles exigent néanmoins une vérification empirique. Elles permettent alors de s’interroger sur la question plus générale des conditions de possibilité du financement d’un sport.

Notes

  • [1]
    Jean-François Loudcher, Histoire de la savate, du chausson et de la boxe française (1797-1978). D’une pratique populaire à un sport de compétition, Paris, L’Harmattan, 2000.
  • [2]
    Thierry Terret, L’Institution et le nageur. Histoire de la Fédération française de natation (1919-1939), Lyon, PUL, 1998.
  • [3]
    Pour des exceptions notables sur le spectacle, voir Julien Sorez, Le Football dans Paris et ses banlieues. Un sport devenu spectacle, Rennes, PUR, 2013 et sur la genèse du professionnalisme, voir Eric Dunning et Kenneth Sheard, « La séparation des deux rugbys », Actes de la recherche en sciences sociales, 79, septembre 1989, p. 92-107, et Alfred Wahl, « Le footballeur français : de l’amateurisme au salariat, 1890-1926 », Le Mouvement social, 135, avril-juin 1986, p. 7-30.
  • [4]
    Jean-Paul Clément et Lionel Lacaze, « Contribution à l’histoire sociale de la lutte », Travaux et recherches en EPS, Paris, INSEP, 8, 1985, p. 102-115 et Alex Poyer, « Cyclistes en sociétés. Naissance et développement du cyclisme associatif français (1867-1914) », thèse de doctorat d’histoire, Lyon, Université Lumière Lyon 2, 2000.
  • [5]
    Matthew Taylor, “The global ring ? Boxing, mobility, and transnational networks in the anglophone world, 1890-1914”, Journal of Global History, 8(2), juillet 2013, p. 231-255.
  • [6]
    L’Auto, 6 janvier 1907. L’Auto, créé en 1900, est le principal quotidien sportif au début du XXe siècle. Il est tiré à plus de 100 000 exemplaires à partir des années 1909-1910. Le journal se caractérise également par son activité d’organisateur d’événements dont le Tour de France.
  • [7]
    Pierre Bourdieu, « Habitus, code et codification », Actes de la recherche en sciences sociales, 64, septembre 1986, p. 40-44 et p. 41.
  • [8]
    En 1911, Paris compte 34 clubs de boxe anglaise, F. de Solières, Annuaire général des sociétés françaises militaires, patriotiques et sportives, Paris, Charles-Lavauzelle, 1911.
  • [9]
    Il existe quelques combats avant cette date mais ils sont clandestins ou réprimés par la police.
  • [10]
    BNF département Arts du spectacle, cote : WNA-208. Casino de Paris.
  • [11]
    On peut estimer à environ 50 le nombre de salles parisiennes ayant accueilli au moins un combat professionnel durant la Belle Époque.
  • [12]
    Ces lieux peuvent aussi être des parcs d’attractions comme Magic City ou Luna Park.
  • [13]
    Bottin mondain, Paris, Didot-Bottin, 1911, p. 166.
  • [14]
    Archives de la Seine, cote D28Z 10, « Cirque de Paris » (Fonds privé Paul Haynon).
  • [15]
    Christophe Charle, Théâtres en capitales. Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, Paris, Albin Michel, 2008, p. 49. Voir aussi Concetta Condemi, « Le café-concert à Paris de 1849 à 1914. Essor et déclin d’un phénomène social », thèse de doctorat d’histoire, Paris, EHESS, 1989.
  • [16]
    Montmartre est un quartier très actif concernant les activités pugilistiques. Ce constat est aussi pointé dans la première partie du livre d’André Rauch, Boxe, violence du XXe siècle, Paris, Aubier, 1992.
  • [17]
    La Vie au grand air du 1er novembre 1898 et du 23 juillet 1899.
  • [18]
    L’Écho de la Grande Roue. Journal littéraire, artistique, industriel et commercial, 7 janvier 1900.
  • [19]
    Archives de la Seine, dossier de succession, Dq7 28804.
  • [20]
    Archives du monde du travail, cote 2011 010 005, « État des sociétaires de l’AJS ».
  • [21]
    L’Auto, 29 avril 1908. C’est nous qui soulignons.
  • [22]
    L’Auto, 9 mai 1908.
  • [23]
    Pour un mode d’analyse similaire sur des objets différents, voir Gildas Loirand, « De la chute au vol. Genèse et transformations du parachutisme sportif », Actes de la recherche en sciences sociales, 79, septembre 1989, p. 37-49.
  • [24]
    L’Auto, 9 décembre 1909.
  • [25]
    L’Auto, 17 mars 1909.
  • [26]
    Benoit Gaudin, « La codification des pratiques martiales. Une approche socio-historique », Actes de la recherche en sciences sociales, 179, septembre 2009, p. 4-31 et p. 6.
  • [27]
    L’Auto, 26 mars 1909.
  • [28]
    Anne-Marie Waser, « Du monopole fédéral au partage du pouvoir sportif », Sociétés & représentations, 7, décembre 1998, p. 379-394.
  • [29]
    L’Auto, 27 octobre 1911.
  • [30]
    L’Auto, 20 avril 1908.
  • [31]
    L’Auto, 30 décembre 1911.
  • [32]
    L’Auto, 24 janvier 1908.
  • [33]
    Voir L’Auto du 31 mars et du 24 octobre 1908.
  • [34]
    Jacques Defrance, “The making of a field with weak autonomy. The case of the sports field in France, 1895-1955”, in Philip S. Gorski (dir.), Bourdieu and Historical Analysis, Durham (NC), Duke University Press, p. 311.
  • [35]
    Dominique Leroy, Histoire des arts du spectacle en France, Paris, L’Harmattan, 1990.
  • [36]
    C. Charle, Théâtres en capitales…, op. cit., p. 375.
  • [37]
    L’Auto, 2 juillet 1909.
  • [38]
    Christophe Granger, « Les lumières du stade. Football et goût du spectaculaire dans l’entre-deux-guerres », Sociétés & représentations, 31, avril 2011, p. 107-124 et p. 119.
  • [39]
    L’Auto, 9 avril 1908. Si la présence de femmes chez les spectateurs est régulièrement notée, l’absence globale de données ne permet pas (actuellement) d’en tirer une analyse précise.
  • [40]
    L’Auto, 22 février 1910.
  • [41]
    L’Auto, 1er avril 1909. Selon Thomas Piketty (Les Hauts Revenus en France au XXe siècle, Paris, Grasset, 2001, p. 237), en France, entre 1900 et 1910, il faut 10 000 francs de revenu annuel « pour faire partie des 1 % des foyers disposant des revenus les plus élevés ».
  • [42]
    L’Auto, 28 mars 1908.
  • [43]
    Manuel Schotté, La Construction du « talent ». Sociologie de la domination des coureurs marocains, Paris, Raisons d’agir, 2012, p. 232.
  • [44]
    Christophe Charle, « Le temps des hommes doubles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 39(1), 1992, p. 73-85.
  • [45]
    L’Auto, 4 mars 1908.
  • [46]
    J.-P. Clément et L. Lacaze, art. cit.
  • [47]
    L’Auto du 16 au 20 février 1909.
  • [48]
    Sur le rôle de la presse dans la construction des représentations des spectacles de boxe, voir A. Rauch, op. cit. et Timothée Jobert, « Le dernier frisson de Paris : la boxe américaine à l’assaut des Français, 1907-1914 », Sport History Review, 39(1), mai 2008, p. 71-83.
  • [49]
    Archives nationales, 8/AR/252 : Les sports (Le Journal).
  • [50]
    En témoignent notamment les rivalités entre L’Auto et Le Vélo au début du XXe siècle, voir Philippe Tétart, « De la balle à la plume. La première médiatisation des passions sportives (1854-1939), in Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France. Du second empire au régime de Vichy, Paris, Vuibert, 2007, p. 289-327.
  • [51]
    Ordonnance sur les théâtres, cafés-concerts et autres spectacles publics, Préfecture de police le 10 mai 1908. Disponible à la Bibliothèque nationale de France.
  • [52]
    L’Auto, 1er mars 1908.
  • [53]
    L’Auto, 23 octobre 1912.
  • [54]
    Les archives de l’Assistance publique sont néanmoins lacunaires concernant les établissements de boxe entre 1907 à 1914.
  • [55]
    Jean-Claude Yon, Une histoire du théâtre à Paris de la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Aubier, 2012, p. 349.
  • [56]
    L’Auto, 9 janvier 1909.
  • [57]
    L’Auto, 22 février 1909.
  • [58]
    Ratio calculé à partir de la donnée la plus récente, in D. Leroy, op. cit., p. 348.
  • [59]
    Marion Fontaine, Le Racing Club de Lens et les « Gueules Noires ». Essai d’histoire sociale, Paris, Les Indes savantes, 2010, p. 264.
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