Notes
-
[1]
Heribert Tommek et Klaus-Michael Bogdal (dir.), Transformationen des literarischen Feldes in der Gegenwart. Sozialstruktur − Medien-Ökonomien – Autorpositionen, Heidelberg, Synchron, 2012.
-
[2]
Gisèle Sapiro (dir.), Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde, 2009 ; John B. Thompson, Merchants of Culture. The Publishing Business in the Twenty-First Century, Cambridge, Polity Press, 2010.
-
[3]
J. B. Thompson, ibid., p. 146-186.
-
[4]
Claudia Schalke et Markus Gerlach, « Le paysage éditorial allemand », Actes de la recherche en sciences sociales, 130, décembre 1999, p. 29-47.
-
[5]
Gisèle Sapiro, « Mondialisation et diversité culturelle : les enjeux de la circulation transnationale des livres », in G. Sapiro (dir.), Les contradictions…, op. cit.
-
[6]
En Allemagne, la production de livres est passée de 22 524 titres en 1960 à 61 538 en 2003 et à 81 919 en 2013 (premières éditions seulement). La littérature générale représentait 4 892 titres en 1960 contre 9 321 en 2003. Chiffres cités par Norbert Bachleitner et Michaela Wolf, „Auf dem Weg zu einer Soziologie der literarischen Übersetzung im deutschsprachigen Raum“, Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur, 2, 2004, p. 1-25 ; Markus Kessel, „Importartikel Buch : Zwischen Nischengeschäft und ‘heißen Titeln’“, in Heinz Ludwig Arnold et Matthias Beilein (dir.), Literaturbetrieb in Deutschland, Munich, Éd. texte + critique, 2009, p. 421-432 et le Börsenverein des Deutschen Buchhandels (http://www.boersenverein.de/sixcms/media.php/976/Titelproduktion_Erst_und_Neuauflage_2014.pdf ; site consulté le 30 décembre 2014).
-
[7]
Le chiffre comprend les premières éditions et les nouvelles éditions et il est arrondi vers le haut. Le « Börsenverein des Deutschen Buchhandels » donne le chiffre 93 600 pour 2013 (voir note 6).
-
[8]
Sigrid Löffler, „Wer bestimmt, was wir lesen ? Der globalisierte Buchmarkt und die Bücherflut : Wie literarische Moden gemacht werden und welche Rolle die Literaturkritik dabei spielt“, in H. Tommek et K.-M. Bogdal (dir.), op. cit., p. 101-117, voir en particulier p. 101-102.
-
[9]
Voir Pierre Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », L’Année sociologique, 22, 1971, p. 49-126, voir en particulier p. 81-100.
-
[10]
Voir C. Schalke et M. Gerlach, art. cit., p. 39-40.
-
[11]
P. Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », art. cit., p. 85.
-
[12]
Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965.
-
[13]
Pierre Bourdieu, « Champ intellectuel et projet créateur », Les Temps modernes, 246, p. 865-906, voir en particulier p. 887 ; P. Bourdieu (dir.), Un art moyen…, op. cit., p. 136.
-
[14]
Voir pour ce qui suit Hans-Otto Hügel, „Ästhetische Zweideutigkeit der Unterhaltung. Eine Skizze ihrer Theorie“, Montage/AV, 2(1), 1993, p. 119-141.
-
[15]
Ibid., p. 128.
-
[16]
L’évolution du théâtre « post-dramatique » vers de nouvelles formes de représentations et de publics se comprend plutôt comme une évolution des avant-gardes, historiques et nouvelles.
-
[17]
Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998, p. 557.
-
[18]
Robert Reich, L’Économie mondialisée, traduit de l’anglais par Daniel Temam, Dunod, Paris., 1993 ; voir Cornelia Koppetsch, „Symbolanalytiker im Feld der kulturellen Produktion. Zum Wandel der Intelligenzrolle in Gegenwartsgesellschaften“, in H. Tommek et K.-M. Bogdal (dir.), op. cit., p. 57-76.
-
[19]
Pierre Bourdieu, « Genèse et structure du champ religieux », Revue française de sociologie, 12(3), 1971, p. 295-334.
-
[20]
Ibid., p. 322.
-
[21]
Christophe Charle, La Crise littéraire à l’époque du naturalisme : roman, théâtre et politique. Essai d’histoire sociale des groupes et des genres littéraires, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1979, p. 161-162. Charle situe les naturalistes dans un « secteur intermédiaire » entre le pôle dominant des antidreyfusards (Académie française, Parnasse, etc.) et le pôle dominé des dreyfusards (avant-garde, symbolistes, etc.).
-
[22]
La fonction de représentation et de mémoire de l’ensemble de la société assumée par la littérature du Groupe 47 représentait une sorte de succédané culturel du centralisme d’État inexistant en Allemagne et caractéristique de la France.
-
[23]
Heribert Tommek, « Die Formation der Gegenwartsliteratur als Beziehungsgeschichte », in Irene Fantappiè et Michele Sisto (dir.), Deutsche und italienische Literatur 1945-1970 : Felder, Polysysteme, Transfer, Rome, Istituto Italiano di Studi Germanici, 2013, p. 39-57.
-
[24]
Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
-
[25]
Boris Gobille, „Literarisches Feld und politische Krise. Mobilisierung französischer Schriftsteller im Mai 68 und Verzeitlichungslogiken des Feldes“, Berliner Journal für Soziologie, 14(2), 2004, p. 173-185.
-
[26]
Helmut Böttiger, Die Gruppe 47. Als die deutsche Literatur Geschichte schrieb, Munich, DVA, 2012.
-
[27]
Ingrid Gilcher-Holtey, „Die ‘große Rochade’ : Schriftsteller als Intellektuelle und die literarische Zeitdiagnose 1968, 1989/90, 1999 », in H. Tommek et K.-M. Bogdal (dir.), op. cit., p. 77-97.
-
[28]
Maxim Biller, né en 1960 à Prague, de parents juifs russes, a émigré en Allemagne de l’Ouest en 1970 et a étudié la littérature à Hambourg et à Munich. Après des études à l’École allemande de journalisme de Munich, i l écrit pour la revue « lifestyle » Tempo, le magazine Der Spiegel et l’hebdomadaire Die Zeit, puis à partir de 2005 pour la revue « lifestyle » Faces. Son roman Die Tochter a été publié en 2003 sous le titre 24 heures dans la vie de Mordechaï Wind, dans la collection « folio » de Gallimard.
-
[29]
Maxim Biller, „Soviel Sinnlichkeit wie der Stadtplan von Kiel. Warum die neue deutsche Literatur nichts so nötig hat wie den Realismus“, Die Weltwoche, 25 juillet 1991.
-
[30]
Uwe Wittstock, né en 1955 à Leipzig, est lui aussi arrivé jeune en RFA. De 1980 à 1989 il travaille à la rédaction littéraire de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, où il prend la suite du « pape de la littérature » Marcel Reich-Ranicki, lequel se met habilement en scène dans la très influente émission de télévision « Das literarische Quartett » qui bénéficie d’une forte audience (1988-2001). De 1990 à 1999, Wittstock est lecteur responsable de la littérature de langue allemande aux éditions Fischer. Il s’occupe parallèlement de la publication de la célèbre revue littéraire Neue Rundschau (Groupe d’édition Fischer). En 2000 il passe au quotidien Die Welt (Éditions Axel Springer). Depuis octobre 2010, il est chef du service littérature du magazine Focus (équivalent du magazine français Le Point).
-
[31]
Uwe Wittstock, Leselust. Wie unterhaltsam ist die neue deutsche Literatur ? Ein Essay, Munich, Luchterhand, 1995.
-
[32]
Christian Döring (éd.), Deutschsprachige Gegenwartsliteratur. Wider ihre Verächter, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1995.
-
[33]
Gisèle Sapiro distingue différentes formes de professionnalisation :« A State-controlled path aiming at the control of cultural producers ; a market-driven one, which can be measured through sales and by the rhythm of production ; and a field-orientated mode of professionalization, based on the accumulation of symbolic capital within the field » (Gisèle Sapiro, « The literary field between the State and the market », in Mathieu Hilgers et Eric Mangez (éds), Bourdieu’s Social Field Theory : Concept and Applications, Oxon/New York, Routledge, 2014, p. 140-164).
-
[34]
Hanns-Josef Ortheil, né en 1951, a étudié l’histoire de l’art puis la germanistique, la philosophie, la littérature comparée et la musique. Après avoir passé sa thèse de doctorat, il devient assistant à l’Université de Mayence. En 1990 il obtient un poste à l’Université de Hildesheim où il enseigne l’écriture créative et la littérature contemporaine. En 1999 il met en place la filière d’écriture créative et de journalisme culturel. Depuis 2009, il est directeur du nouvel Institut d’écriture littéraire et de littérature. Ortheil connaît un certain succès en tant qu’auteur de romans historiques et contemporains qui paraissent soit chez btb soit chez Luchterhand (deux maisons d’édition qui appartiennent au groupe Random House, Bertelsmann).
-
[35]
Hans-Ulrich Treichel, né en 1952, a étudié la germanistique à Berlin, où il a aussi préparé une thèse de doctorat puis une habilitation. Depuis 1995 il est professeur à l’Institut de littérature allemande de Leipzig. Treichel est surtout connu pour sa prose. Son roman Der Verlorene (1998) (Le Disparu) raconte l’histoire d’inspiration autobiographique de parents qui fuient les « régions de l’Est » vers la fin de la guerre et perdent leur fils premier né. L’ouvrage évoque les répercussions de ces événements sur sa propre enfance. Ses livres paraissent chez Suhrkamp.
-
[36]
Josef Haslinger, né en 1955, a étudié à Vienne la philosophie, la germanistique et le théâtre et a passé une thèse de doctorat. Il est rapidement devenu écrivain indépendant, publiant d’abord des textes proches de l’avant-garde expérimentale (de 1986 à 1989 il est secrétaire général de l’Association des auteurs de Graz). Entre 1986 et 1995 il est co-organisateur des « Wiener Vorlesungen zur Literatur » et enseigne dans diverses universités, notamment aux États-Unis. En 1995, il publie aux éditions Fischer Opernball, un roman réaliste mêlé d’éléments noirs. C’est un best-seller qui donnera lieu à un film en 1998.
-
[37]
Voir pour ce qui suit Norbert Hummelt, „Schreiben lernen. Der Leipziger Weg“, in H. L. Arnold et M. Beilein (dir.), op. cit., p. 59-71.
-
[38]
La description du cursus de licence comprend ainsi l’enseignement des « techniques de l’écriture littéraire et du journalisme culturel […]. Cet enseignement se fait en liaison avec celui de connaissances approfondies de la théorie des médias et du développement du système médiatique » (http://www.uni-hildesheim.de/index.php?id=1552 ; site consulté le 3 septembre 2014).
-
[39]
N. Hummelt, art. cit., p. 69.
-
[40]
P. Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », art. cit., p. 81.
-
[41]
Michael Dahnke, „Auszeichnungen deutschsprachiger Literatur gestern und heute : Was wissen wir wirklich über sie ?“, in H. L. Arnold et M. Beilein (dir.), op. cit., p. 333-343, voir en particulier p. 334 ; voir base de données : http://www.kulturpreise.de/ ; site consulté le 9 septembre 2014).
-
[42]
« Le Prix du livre allemand est soutenu par la Fondation de la Deutsche Bank. Il a également pour partenaires : la Foire du livre de Francfort, Paschen & Companie et la ville de Francfort-sur-le-Main » (http://www.deutscher-buchpreis.de/de/692946 ; site consulté le 9 septembre 2014).
-
[43]
Gisèle Sapiro, « Profil des producteurs de goût : l’évolution du recrutement social des membres de l’Académie Goncourt », in Jean-Louis Cabanès, Pierre-Jean Dufief, Robert Kopp et Jean-Yves Mollier (éds), Les Goncourt dans leur siècle. Un siècle de « Goncourt », Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2005, p. 423-435.
-
[44]
L’académie est présidée par Heinrich Riethmüller, président de l’Association des éditeurs et libraires allemands. Ses autres membres sont : Jürgen Boos (directeur de la Foire du livre de Francfort), Klaus-Dieter Lehmann (président du Goethe-Institut), Michael Münch (membre du comité directeur de la Fondation de la Deutsche Bank), Bernd Neumann (responsable de la culture et des médias auprès du gouvernement fédéral), Claudia Reitter (directrice adjointe de l’Association des éditeurs et des libraires), René Strien (directeur des éditions Aufbau), Daniela Strigl (critique littéraire), Dirk Vaihinger (directeur des éditions Nagel & Kimche), Wilfried Weber (associé-gérant de la librairie hambourgeoise Felix Jud) (http://www.deutscher-buchpreis.de/fr/694164 ; site consulté le 3 septembre 2014).
-
[45]
Citons pour l’année 2014 Jens Bisky (Süddeutsche Zeitung), Katrin Hillgruber (critique littéraire indépendante), Manfred Papst (Neue Zürcher Zeitung), Wiebke Porombka (critique littéraire indépendante dont la signature se retrouve notamment dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung), Annemarie Stoltenberg (indépendante, collaboratrice de l’émission culturelle de la chaîne de télévision NDR). On y ajoutera encore Frithjof Klepp (libraire indépendant) et Susanne Link (directrice d’une librairie universitaire) ; voir http://www.deutscher-buchpreis.de/fr/694191 (site consulté le 3 septembre 2014).
-
[46]
« L’objectif du prix est d’attirer l’attention sur les auteurs germanophones, la lecture et le média “livre” au-delà des frontières » (http://www.deutscher-buchpreis.de/fr ; site consulté le 3 septembre 2014).
-
[47]
Christoph Jürgensen, „Würdige Popularität ? Überlegungen zur Konsekrationsinstanz’Literaturpreis‘ im gegenwärtigen literarischen Feld“, in Silke Horstkotte et Leonhard Herrmann (éds), Poetiken der Gegenwart. Der Deutschsprachige Romane nach 2000, Berlin, De Gruyter, 2013, p. 285-302.
-
[48]
Citons parmi les lauréats : Arno Geiger : Es geht uns gut (2005), Julia Franck : Die Mittagsfrau (2007), Uwe Tellkamp : Der Turm (2008).
-
[49]
Pascale Casanova, « La World fiction, une fiction critique », Liber, 16, supplément des Actes de la recherche en sciences sociales, 100, décembre 1993 ; La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999, rééd. coll. « Points », 2008, chap. 5.
-
[50]
Die Vermessung der Welt est paru aux éditions Rowohlt, très en pointe dans la production des best-sellers littéraires. En 2008, le roman en était déjà à sa 40e édition avec 1,4 millions d’exemplaires vendus dans l’espace germanophone. Il est resté dans la liste des best-sellers du Spiegel pendant 129 semaines et a été proclamé best-seller de l’année 2006 par le magazine Focus. En 2005, il figurait dans la sélection du Prix littéraire allemand (Deutscher Literaturpreis). En 2008 il avait déjà été traduit en 35 langues. L’édition anglaise a également atteint le statut de best-seller. Elle figurait en deuxième place sur la liste du New York Times des livres les plus vendus dans le monde en 2006. Son tirage mondial est de l’ordre de 6 millions.
-
[51]
Pour une étude comparée sur les palmarès voir : Marc Verboord, “Market logic and cultural consecration in French, German and American best-seller lists, 1970-2007”, Poetics, 39, 2011, p. 290-315.
-
[52]
Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 189-193 (« Décalages, discordances et ratés »), voir en particulier p. 189.
-
[53]
Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979, p. 145-188. Les stratégies de reconversion qui interviennent dans les transformations de l’espace intermédiaire correspondent principalement à des décalages transversaux, c’est-à-dire à la recherche de compromis avec le champ journalistique et économique.
1À l’instar de la production culturelle en général, le champ littéraire connaît des transformations majeures depuis les années 1960. Elles s’expliquent par les effets exercés sur l’espace social par les réformes des formations, l’influence croissante des facteurs économiques et le développement de nouveaux médias [1]. La domination du modèle éditorial américain est l’un des principaux facteurs de ce changement [2]. Les études menées sur les transformations du champ de l’édition depuis les années 1980 mettent en évidence un phénomène de polarisation [3] : on observe, d’une part, la concentration des grands groupes d’édition – essentiellement Holtzbrinck et Bertelsmann en Allemagne – et, d’autre part, la diversification des plus petites maisons d’édition dans une production de niche [4]. Le marché international de la traduction connaît lui aussi une polarisation : côté production de masse, la langue anglaise domine tandis que du côté de la « petite » production autonome, on traduit à partir d’un grand nombre de langues différentes, ce qui permet l’expression d’une grande diversité culturelle [5].
2Le champ littéraire allemand est pareillement marqué par la coexistence d’une surproduction [6] et d’une production de niche, comme le déplore la critique littéraire Sigrid Löffler : « Le marché allemand du livre se trouve confronté aux mêmes problèmes structurels que ceux créés par la mondialisation dans tous les autres secteurs. On constate d’un côté une concurrence sauvage, la fusion des maisons d’édition qui entraîne une réduction du nombre des éditeurs, l’absorption des maisons d’édition indépendantes par des conglomérats du livre et des médias comme Random House, une montée en puissance du marché, une concentration sur un nombre toujours plus restreint de titres et la domination d’une poignée de chaînes de librairies. […] D’un autre côté, le marché de niche des petites maisons d’édition indépendantes se développe, enregistre de nouvelles créations, se diversifie et entretient ses propres canaux de commercialisation. Le marché est chaque année submergé par 100 000 nouvelles parutions [7], ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Le marché allemand du livre est pratiquement saturé : les lecteurs se font rares, les temps de lecture raccourcissent tandis que les livres se font plus nombreux […] [8]. »
3Outre la polarisation, il convient de souligner les interactions entre le sous-champ de la production restreinte et celui de la grande production [9]. On prête ainsi au groupe d’édition Holtzbrinck, auquel appartiennent des éditeurs aussi renommés que S. Fischer, Rowohlt ou Kiepenheuer & Witsch, une certaine concentration sur la qualité [10]. Les savants mélanges entre catalogue de vente à plus long terme ou long-sellers (classiques), best-sellers du moment et lancement de nouveaux auteurs sont courants. Il convient donc d’analyser cet espace intermédiaire dans lequel les valeurs esthétiques internes au champ, les fonctions de divertissement et les critères de réussite économique se mélangent et s’exacerbent mutuellement en une économie hybride. En prenant l’exemple du champ littéraire allemand et de son évolution depuis les années 1990, nous nous proposons de mettre en évidence une nouvelle dynamique régie par une logique horizontale de mélange permanent entre capital culturel et capital économique ; nous introduisons à cette fin le concept de « littérature moyenne ».
La « littérature moyenne » vue comme une littérature de divertissement à l’esthétique ambivalente
4Dans ce qui suit, le concept de « littérature moyenne » s’entend par référence au concept d’« art moyen » défini par Bourdieu. L’« art moyen » correspond à la perception de l’art par les « classes moyennes ». Bourdieu pointe une différenciation interne, liée à l’usage social, au sein de l’« art moyen » entre « culture de marque », « culture en simili » et « culture de masse » [11]. Dans les années 1970, la photographie lui apparaît comme un cas d’école, sa classification variant en fonction de l’usage social [12]. La ligne de démarcation entre un art « légitime » et un art « illégitime » passe précisément entre une justification par la forme et une justification par la fonction d’une reproduction réaliste par la photographie. Pierre Bourdieu a ainsi défini une hiérarchie des sphères et des instances de légitimation : 1) la « sphère de légitimité à prétention universelle », à laquelle appartiennent les arts consacrés comme la musique, la peinture et la littérature et sur laquelle veillent les instances légitimes de légitimation (universités, académies, etc.) ; 2) la « sphère du légitimable », dans laquelle, il y a 50 ans Bourdieu classait le cinéma, le jazz et même la photographie. Dans cette sphère, positions et évaluations émanent des affrontements entre instances de légitimation concurrentes et prétendant à la légitimité tels les critiques et divers groupes artistiques ; 3) enfin, la « sphère de la légitimité segmentaire » dans laquelle les instances de légitimation sont celles des styles de vie du quotidien [13].
5On peut établir un parallèle entre la photographie, qualifiée dans les années 1960 d’« art moyen », et la littérature actuelle : elle oscille elle aussi entre forme et fonction. Souvent accessible à un large public de lecteurs, elle reste attachée à la référence de haute culture. Elle est en grande partie descendue de la sphère de légitimité à prétention universelle à la sphère de légitimation potentielle, à moins de considérer, à l’inverse, que la sphère de légitimation potentielle a progressé dans la hiérarchie de la reconnaissance. La littérature contemporaine allemande, jugée inintéressante dans les années 1980, était quasiment ignorée au plan international. Si elle a été réévaluée au cours des années 1990 – ce qui reste d’ailleurs à vérifier – c’est par une ouverture à l’écriture journalistique. Les jeunes auteurs germanophones ont adopté un style réaliste lié à la circulation internationale de formats prisés (nouvelles, romans de voyage, romans d’aventure et sagas familiales). C’est à partir de là que s’est développée la critique littéraire journalistique. Après la chute du mur, celle-ci s’est émancipée de l’étude littéraire académique sur la base d’une supposée « fin de l’idéologie ». De leur côté, en lien avec l’essor des cultural studies, les études littéraires se sont ouvertes à des formes littéraires tournées vers la pratique ou la transmission, comme en témoignent les filières universitaires à orientation pratique de « Littérature appliquée » (Freie Universität Berlin) ou de « Littérature et pratique des médias » (Universität Duisburg-Essen).
6La « littérature moyenne » se caractérise par sa position structurale intermédiaire et l’ambivalence esthétique qui en découle. Elle peut être qualifiée de littérature de divertissement de niveau supérieur présentant une « ambiguïté esthétique » [14]. Son caractère transmissible et reproductible la démarque de l’art issu de la haute culture, même si son public et ses récepteurs la perçoivent comme constituée d’événements singuliers. Elle s’apparente à un tour de prestidigitation qui au moment de sa présentation repose à la fois sur l’art de l’illusion et sur la bonne réalisation pratique d’un « truc ». Comme un numéro qui au moment de sa réalisation semble authentique, unique mais aussi bien « fait » (artisanat) et reproductible, le « divertissement [… veut être] pris au sérieux (ou presque) tout en étant dépourvu de signification (ou presque) » [15]. À son accessibilité moyenne correspond une réception qui oscille entre la pleine concentration et la contemplation relevant du domaine de la haute culture et le divertissement du sujet relevant du domaine la culture populaire.
7Bien que la « littérature moyenne » ne soit pas propre à un genre et se manifeste aussi dans des formes de popularisation lyriques et théâtrales telles que le slam ou les festivals de théâtre [16], son mode d’expression privilégié est la prose – c’est-à-dire le roman. En général, l’« art moyen » s’associe volontiers à d’autres médias, d’autres discours sur le savoir et d’autres ordres économiques. Dans le champ de la production idéologique, cette tendance à l’interconnexion s’est caractérisée par l’apparition d’acteurs ambitieux qui représentent un nouveau type d’intelligence et sont qualifiés d’« intellectuels médiatiques », de « doxosophes », de « tuttologi » (Bourdieu) [17] ou de « manipulateurs de symboles » (Reich) [18]. Dans le modèle du champ défini par Bourdieu, le conflit entre avant-garde et « avant-garde consacrée » correspond à l’opposition entre « prophète » et « prêtre » et les acteurs de l’espace intermédiaire agissent comme des « magiciens » au sens de la sociologie de la religion de Max Weber. À la différence des prêtres et des prophètes, ils ne renient pas la logique économique de leur production de biens spirituels [19]. En leur qualité de « libres entrepreneurs », ils répondent à chaque fois à la demande du marché. Ils sont orientés sur leur projet et se conçoivent comme des « novateurs », des créateurs de tendances nouvelles. Ils ont certes une exigence esthétique mais – et c’est là leur détermination principale – ils ne veulent plus comme les prophètes remettre en question la doxa propre au champ [20]. Au lieu de cela, les auteurs de « littérature moyenne » rivalisent pour produire du « neuf » sur le marché littéraire. Ils disposent d’un large réseau mais ne constituent pas de groupes programmatiques et n’écrivent pas davantage de manifestes. Ils rejettent l’étiquette d’« avant-garde » classique.
8Le développement d’une « littérature moyenne », fruit des interactions entre le sous-champ de la production restreinte et celui de la production de masse est déjà sensible à la fin du XVIIIe siècle, à l’époque de la naissance parallèle de l’autonomie esthétique et du marché littéraire. C’est au milieu du XIXe siècle, avec le roman-feuilleton, que se constitue une littérature de divertissement à l’esthétique ambivalente. Il serait utile d’étudier de plus près l’apport d’autres époques à la formation d’une « littérature moyenne », notamment l’époque du naturalisme [21] ou celle de la nouvelle objectivité au moment de la République de Weimar, quand les écrivains-reporters se sont démarqués des auteurs se revendiquant de l’esthétique pure. Comme nous allons le voir plus en détail dans la partie suivante, à partir des années 1990, la fonction de la littérature moyenne prend une nouvelle dimension dans le champ littéraire allemand.
Transformation du champ littéraire allemand après 1989-1990
9S’il n’a pas représenté une « heure zéro » du champ littéraire allemand, le tournant politique des années 1989-1990 a lancé une nouvelle dynamique. L’interpénétration et l’harmonisation croissantes des champs de la RDA et de la RFA se sont annoncés dès les années 1970. Le processus d’harmonisation s’est traduit par une modernisation comparable bien que non identique. Tandis qu’en Allemagne de l’Ouest, ce tournant a surtout marqué une rupture avec la fonction représentative de l’ensemble de la société qu’assurait la littérature de l’après-guerre (et en particulier les membres du Groupe 47 dont Heinrich Böll, Günter Grass et Martin Walser) [22], en Allemagne de l’Est, il s’agissait plutôt de s’émanciper de la tutelle de l’État. La littérature des socialistes réformateurs tels Christa Wolf, Heiner Müller, Volker Braun ou plus tard Christoph Hein, qui avaient contribué à l’établissement d’un « second » espace littéraire non officiel en RDA [23], correspondait à la position symbolique centrale de la littérature non conformiste du Groupe 47 en RFA, entre forme esthétique et fonction politico-moraliste. Ces deux groupes défendaient l’idée éclairée d’un public littéraire ayant des revendications politiques d’opposition. À partir (de la fin) des années 1970, ces auteurs et leur littérature « aspirant à une reconnaissance universelle » ne réussissaient plus qu’à toucher une audience restreinte en raison de la pluralisation des styles de vie culturelle tant en RFA qu’en RDA.
10Après 1968, la perte de la position centrale qu’occupait la littérature au sein de la société est allée de pair avec l’émergence de la « critique artiste » et avec la rupture entre « critique sociale » et art [24]. Au temps esthétique a succédé le temps social plus bref des « événements » qui ont progressivement déterminé le champ littéraire [25]. L’association entre valeurs littéraires et valeurs politico-morales a fait place à une association entre littérature et valeurs « événementielles » relevant de l’économie des médias, incarnée par la littérature pop (Popliteratur) dans le sillage de la Beat generation américaine. Le Groupe 47, qui n’hésitait pas à se mettre lui-même en scène, a joué un double rôle dans ce processus, contribuant à la fois à l’émergence d’un public politico-littéraire et à la médiatisation de la littérature [26]. Ce dernier est le fruit du jeu entre les interactions des deux pôles du champ littéraire, à partir duquel s’est développé un espace intermédiaire.
11En Allemagne, la dévalorisation de la littérature engagée qui a débouché sur la querelle littéraire germano-germanique de 1990 a préparé le terrain à la percée d’une « littérature moyenne ». À la suite de la publication du récit de Christa Wolf, Was bleibt ? (Ce qui reste), un débat a éclaté sur son rôle en RDA. Il est toutefois rapidement apparu que la polémique portait sur la littérature engagée et sur le rôle social de l’écrivain. Les critiques littéraires (néo)conservateurs à l’origine du débat (Ulrich Greiner, Frank Schirrmacher et Karl-Heinz Bohrer), ont adressé des reproches d’ordre général aussi bien aux représentants de la littérature de l’après-guerre de la RFA qu’à ceux de la RDA, qualifiés de « poètes d’État » et critiqués pour leur « esthétique idéologique ». Ils reprenaient à ce propos la critique de « l’intellectuel généraliste » de 1968, cherchant à ôter toute légitimité à son mandat de « porte-parole et de représentant de la nation ».
12La disparition du prestige associé à la figure de l’auteur engagé au nom de la « fin de l’idéologie » marque une phase nouvelle du long processus de découplage entre le champ littéraire et la politique. En fait, plutôt que de découplage, il serait plus juste de parler de recouplage. À la place du public littéraire politisé s’est progressivement imposée une alliance avec la logique économico-symbolique du public médiatique. Les scandales mis en scène par les médias et les acteurs de leurs réseaux ont remplacé les débats politiques suscités par les intellectuels. La puissance croissante du discours des médias interconnectés a atteint un nouveau palier dans les années 1990. C’est ce que montre l’échec de Günter Grass s’essayant à critiquer la rhétorique de l’unité après la chute du mur ou la tentative ratée de Peter Handke de critiquer le traitement médiatique de la guerre au Kosovo (1999) [27]. La voix individuelle de l’intellectuel protestataire a clairement montré ses limites. Elle s’est désormais heurtée au pouvoir des « manipulateurs de symboles » professionnalisés et interconnectés qui s’exerçait dans la sphère médiatique.
13La dévalorisation de la littérature à visée esthétique dans la tradition de l’avant-garde et du modernisme a entraîné le discrédit de la littérature engagée. Au début des années 1990, de nouveaux auteurs, tel Maxim Biller [28] tout droit issu du journalisme lifestyle, dénoncent toute forme de littérature revendiquant une autonomie artistique élitaire ou avant-gardiste [29]. Biller prend parti pour un récit « jubilatoire » en prise sur le présent, ce qui revient à légitimer la position des auteurs du nouveau réalisme dans l’espace intermédiaire du journalisme littéraire. Comme nous le verrons plus loin, c’est cette position qui sera institutionnalisée quelques années plus tard par la création de la filière « Écriture créative et journalisme culturel » proposée par l’Université de Hildesheim. Il fallait toutefois qu’une position semblable soit d’abord prise par la critique littéraire, ce dont se chargea notamment Uwe Wittstock au milieu des années 1990 [30].
14Wittstock est représentatif d’une critique littéraire néoconservatrice, qui se raccroche au concept d’œuvre tout en l’élargissant aux fins d’une popularisation « post-moderne ». Dans un plaidoyer publié en 1995, il se prononce pour une littérature actuelle, qui doit distraire tout en conservant une exigence esthétique orientée vers la « vérité » [31]. Il formule ainsi non seulement l’idéal d’une « littérature moyenne », mais aussi celle de la critique littéraire journalistique : il s’agit de « grands livres » qui sont aussi d’accès facile (« nombre de grands livres de l’histoire de la littérature sont faciles à lire, accessibles sans connaissances préalables particulières et pourtant incommensurables »). Cette esthétique ambivalente correspond à l’idéal esthétique du « magicien », alliance d’« artisanat » (faisabilité) et de « génie » dont Umberto Eco constitue un excellent exemple, et avec lui le roman post-moderne de renom international. Chez les germanophones, Wittstock en voit des exemples parmi les auteurs de best-sellers comme Sten Nadolny (Die Entdeckung der Langsamkeit – La Découverte de la lenteur, 1983), Patrick Süskind (Das Parfum – Le Parfum, 1985) ou Christoph Ransmayr (Die letzte Welt – Le Dernier Monde, 1988).
15Par son plaidoyer en faveur d’une nouvelle littérature divertissante et actuelle, Wittstock, lecteur chez Fischer, s’oppose à Christian Döring, lecteur chez Suhrkamp, qui défend la haute littérature et représente la critique littéraire « contemplative [32] ». Ces prises de position opposées sont caractéristiques d’une confrontation historique autour de la définition de la littérature contemporaine. Ce sont surtout les lecteurs des éditeurs du groupe Holtzbrinck, comme Fischer, Rowohlt et Kiepenheuer & Witsch, qui ont pris parti pour une littérature contemporaine divertissante et compatible avec le marché international. De fait, les éditeurs ont commencé à encourager davantage les auteurs de fiction en langue allemande, avec l’appui croissant d’agences littéraires telles que l’agence Graf & Graf créée à Berlin en 1995. Wittstock a par exemple défendu Judith Hermann, dont le recueil de nouvelles Sommerhaus, später (Maison d’été, plus tard), paru en 1997 dans la collection « S. Fischer », s’est très bien vendu et a lancé le courant de la littérature allemande baptisé « littérature de demoiselle » (Fraüleinliteratur). Chez Suhrkamp, maison qui pouvait compter sur les rentrées assurées de long-sellers comme les œuvres de Hermann Hesse, Bertolt Brecht et Max Frisch, on a pendant un temps oublié d’encourager les débutants.
Professionnalisation littéraire : l’écriture s’apprend
16La prise de position pour une nouvelle littérature de divertissement est l’expression discursive d’un décalage structurel de la production du « neuf » du pôle de l’avant-garde vers l’espace intermédiaire, sous l’influence de l’économie et des médias. C’est le fait d’une professionnalisation axée sur le marché qui n’a rien à voir avec la professionnalisation de l’art autonome [33]. Ce décalage a débouché sur la création de filières universitaires d’écriture littéraire et sur la mise en place du Prix du livre allemand (Deutscher Buchpreis).
17En Allemagne comme en France, l’idée que l’écriture littéraire puisse s’apprendre a toujours été catégoriquement rejetée. Jusqu’aux années 1990, il n’y avait en Allemagne (de l’Ouest) quasiment aucune formation d’écrivains. Dans l’intervalle, le modèle anglo-américain du creative writing s’est répandu et institutionnalisé, à l’image du cursus d’« écriture créative et de journalisme culturel » de l’Université de Hildesheim et de l’« Institut de littérature allemande » de Leipzig. Des écrivains connus donnent des cours dans ces deux institutions : Hanns-Josef Ortheil [34] à Hildesheim, Hans-Ulrich Treichel [35] et Josef Haslinger (entre autres) à Leipzig [36]. Leurs parcours professionnels permettent de faire le lien entre étude de la littérature et pratique littéraire.
18Dans les filières de Hildesheim et de Leipzig, on apprend aussi bien les règles d’une économie de la valeur et du temps relevant de l’esthétique autonome que celles de l’hétéronomie sociale. Les séminaires d’écriture y sont moins académiques et davantage orientés vers la transmission de capacités techniques [37]. Toutefois, ces deux centres de formation se distinguent par les objectifs qu’ils se fixent : la filière de Hildesheim, qui comprend aussi des cours obligatoires de politique culturelle, de management de la culture et de gestion d’entreprise, prépare moins à une existence d’écrivain indépendant qu’elle ne facilite l’accès à des professions de médiation culturelle [38]. En revanche, à l’Institut de littérature allemande de Leipzig, l’étude est entièrement axée sur la littérature et sur un profil d’écrivain indépendant. Avant la création de cette filière d’écriture littéraire, c’est à Leipzig que se trouvait l’« Institut de littérature Johannes R. Becher » de RDA, initialement axé sur le réalisme socialiste. L’Institut, qui a connu une restructuration en 1995, n’est plus orienté vers les traditions poétiques et pratiques de l’époque de la RDA mais s’inspire désormais plutôt de l’exemple anglo-américain des séminaires de creative writing. Toutefois, dans les cours qui y sont dispensés, « l’écriture de romans, récits et poèmes dans le cadre d’un statut personnel d’auteur prend nettement le pas sur les nouvelles formes médiatiques » [39].
19L’apparition de formations à l’écriture dans la deuxième moitié des années 1990 correspond à une professionnalisation axée sur le marché qui s’efforce de combiner écriture littéraire et journalisme culturel. Dans l’espace intermédiaire, il est légitime de penser que l’écriture littéraire s’apprend, ce qui revient à légitimer l’idée de l’écriture en tant qu’artisanat. La conception de l’écriture nécessitant une dose de « génie » impossible à fabriquer subsiste néanmoins, et avec elle l’idéal du chef-d’œuvre. Finalement, l’espace intermédiaire est, lui aussi, un espace de structure bipolaire où s’exercent des forces. L’Institut littéraire de Leipzig est orienté vers le pôle du capital culturel. Il représente la branche culturelle tandis que le cursus de Hildesheim, qui propose une formation adaptée au marché débouchant sur la profession de journaliste littéraire et de « manipulateur de symboles », représente la branche économique de l’espace intermédiaire.
La nouvelle instance de consécration de l’espace intermédiaire : le Prix du livre allemand
20Les différents types de production du champ littéraire se distinguent par leurs relations respectives au système des instances de consécration [40]. Globalement, la surproduction littéraire s’accompagne d’une augmentation significative du nombre des prix littéraires depuis le début des années 1980 : de 150 en 1978, leur nombre a grimpé à 519 en 2000. Parallèlement, le montant des récompenses a presque été multiplié par sept (passant de 1 044 000 à 6 904 000 euros) [41]. Ce phénomène ne correspond pas uniquement à un besoin de valorisation et de canonisation du littéraire mais reflète également l’influence économique du marché. Ces multiples prix littéraires génèrent surtout de l’attention médiatique et une publicité favorable aux ventes. Dans ce contexte, le Prix du livre allemand de l’Association des éditeurs et libraires allemands (Börsenverein des Deutschen Buchhandels) joue un rôle de premier plan.
21La création de ce prix en 2004 peut être considérée comme l’institutionnalisation d’une nouvelle instance de consécration, à base économique, de la « littérature moyenne ». Financé par divers partenaires des affaires et du journalisme, ce prix est doté de 25 000 euros [42]. Comme le Prix Goncourt [43], le Prix du livre allemand est attribué par une académie et un jury. Les membres de cette académie ont été nommés, une fois pour toute, en 2004 par le conseil d’administration de l’Association des éditeurs et libraires. Le comité consultatif est composé de représentants du secteur du livre et de la culture ainsi que des financeurs du prix [44]. Il a pour tâche principale la sélection annuelle du jury. Sa composition se caractérise par la prédominance des journalistes et l’absence de spécialistes de la littérature [45].
22Sur le modèle du Booker Prize britannique, le Prix du livre allemand se propose de distinguer le meilleur roman de langue allemande de l’année. C’est le prix du marché des succès de librairie. Il a pour principale fonction économique de transformer des succès de librairie potentiels en de véritables best-sellers. En l’occurrence, la préparation médiatique de la percée internationale est essentielle [46]. L’importante couverture dont bénéficient la présélection des candidats (long list), puis un peu plus tard le petit groupe des finalistes (short list) assure au prix une attention médiatique générale qui ne se limite pas au secteur des librairies. Il s’agit d’attirer l’attention sur des romans relevant d’un réalisme axé sur le présent. La « pertinence » sociale de la littérature se mesure ici à la présence médiatique et à la croissance des ventes [47]. Depuis sa création, le Prix du livre allemand favorise le roman réaliste, contemporain ou historique [48]. Il aspire au consensus et à la production de nouvelles représentations. Il se place par ailleurs dans une optique de comparaison, dans la logique de la distinction par la compétition (« meilleur roman de langue allemande de l’année »). Il manifeste enfin l’ambition de se relier au marché international des meilleures ventes littéraires ou d’une world literature, une littérature globalisée.
23L’internationalisme et l’universalisme traditionnels de l’art autonome, caractéristiques de la « littérature mondiale » consacrée (long-sellers) se retrouvent de plus en plus en concurrence avec un cosmopolitisme littéraire porté par le commerce et par les médias qui lui sont étroitement liés. Sous la forme de world literature, ce cosmopolitisme apparaît comme une construction du commerce du livre et de la critique littéraire [49]. Dans cette world literature, la production observe souvent des modèles esthétiques éprouvés dont les romans sur le « petit monde universitaire international » de Lodge et Eco fournissent un parfait exemple. À partir de la deuxième moitié des années 1990, le roman de voyage représente une autre variante des best-sellers littéraires mondiaux. Ceux-ci reposent souvent sur le modèle du roman d’aventure ou de fantasy, du roman historique ou de la saga familiale. Les best-sellers internationaux sont présentés par les instances de consécration correspondantes (Prix du livre allemand, Prix Goncourt en France ou Booker Prize au Royaume-Uni) comme les nouveaux étalons esthétiques mais aussi commerciaux du roman. La littérature allemande contemporaine s’est, elle aussi, rapprochée de cette world literature grand public comme l’illustrent les formes postmodernes ou « post-postmodernes » du roman historique, du roman de voyage ou d’aventure signés par des auteurs comme Christoph Ransmayr, Raoul Schrott, Ilija Trojanow, Christian Kracht et – le plus célèbre − Daniel Kehlmann, qui, avec l’énorme succès de librairie de son roman Die Vermessung der Welt (2005) (Les Arpenteurs du monde), peut être considéré comme une superstar de la « littérature moyenne » [50].
24Avec la mondialisation, la polarisation entre le sous-champ de la production restreinte et celui de la production de masse a conduit au développement d’une littérature moyenne. Ce développement correspond à une extension de la « sphère de légitimation potentielle ». La valorisation des produits culturels créés dans cette sphère peut aussi s’interpréter comme un décalage dans l’ordre dominant de la reproduction du champ littéraire : à la concurrence verticale entre « prêtres » et « prophètes » se substitue une concurrence horizontale entre « sorciers » (Weber). La montée en puissance d’une « littérature moyenne », nouvelle forme de popularisation liée à la mondialisation économique, n’est pas un phénomène national et mérite une étude comparative plus approfondie au plan international. En Allemagne elle semble majoritairement le fait de prestigieuses filiales du groupe Holtzbrinck (Fischer, Rowohlt et Kiepenheuer & Witsch). Outre les transformations économiques, médiatiques et socio-structurelles, le contexte discursif a son importance. En ce qui concerne la littérature allemande, les polémiques relatives à la définition légitime de la littérature contemporaine des années 1990 ont implicitement tourné autour du rapport à la littérature représentative de l’après-guerre. Dans le champ littéraire allemand, la nouvelle définition de la littérature s’est surtout imposée après la réunification, en liaison avec le discours de « fin des idéologies ». Dans le champ littéraire français, il semble que les polémiques autour d’une nouvelle conception de la littérature « débarrassée de la théorie » aient débuté dès les années 1980.
25Même si le phénomène de « littérature moyenne » concerne tous les genres, c’est dans la prose qu’il trouve son expression principale. Le style dominant, exportable à l’international, adopte un réalisme métonymique, c’est-à-dire sériel, qui fonctionne avec les éléments interchangeables des best-sellers littéraires mondiaux et est accessible à un large public [51]. La littérature mondiale à orientation économique entretient avec le canon traditionnel de la littérature mondiale en tant qu’art autonome un rapport comparable à celui qui existe entre la « sphère de légitimation potentielle » et la « sphère de légitimité à prétention universelle ».
26Le mélange entre logiques littéraire, journalistico-médiatique et économique a ouvert aux auteurs la possibilité d’adopter de nouvelles positions ambivalentes. Ces positionnements combinés ne rendent pas caduque la différenciation entre littérature relevant de la haute culture et littérature relevant de la culture populaire. Il va sans dire que la littérature autonome continue d’exister. Sa signification se manifeste dans la fonction de référence esthétique qu’elle assume pour la littérature contemporaine en tant qu’art. Son instance de consécration principale en Allemagne reste le Prix Georg Büchner. Tandis que le Prix du livre allemand distingue des livres individuels à succès, le Prix Georg Büchner, décerné par l’Académie allemande de langue et de poésie de Darmstadt, privilégie l’idée d’une œuvre importante pour la haute littérature.
27Les succès que connaît la littérature contemporaine de langue allemande depuis les années 1990, son ouverture à la logique du marché, des médias et de l’internationalisation, appellent une analyse des stratégies ambivalentes de recherche d’un compromis de la part d’acteurs qui sont confrontés à la nouvelle dynamique des interactions entre valeurs culturelles et valeurs économiques et doivent y trouver une « réponse ». Les stratégies littéraires incohérentes et contradictoires sont l’expression de « décalages […] entre les structures objectives et les structures incorporées » [52] et peuvent de ce fait s’interpréter comme des « stratégies de reconversion » [53]. L’espace intermédiaire du champ littéraire, avec sa « littérature moyenne », est un lieu d’observation privilégié de ces stratégies littéraires de reconversion et de recherche du compromis. Il s’agit ici de la relation aux détails, de la victoire magique des sorciers sur les « démons » qui contraste avec la manipulation systématique des « dieux » par les prêtres. La nécessité d’une relation ambivalente au temps est au centre de la confrontation. Ainsi, toutes les stratégies littéraires de reconversion dans l’espace intermédiaire représentent une lutte pour la présence et la pertinence. Celle-ci relève elle aussi d’un dosage permanent : tandis que la présence dans les médias et sur le marché concerne le temps social, la recherche de pertinence s’inscrit dans le temps plus long de l’esthétique et vise à assurer la survie d’auteurs qui ont tendance à disparaître très vite.
28Traduit de l’allemand par Françoise Wirth
Notes
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[1]
Heribert Tommek et Klaus-Michael Bogdal (dir.), Transformationen des literarischen Feldes in der Gegenwart. Sozialstruktur − Medien-Ökonomien – Autorpositionen, Heidelberg, Synchron, 2012.
-
[2]
Gisèle Sapiro (dir.), Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde, 2009 ; John B. Thompson, Merchants of Culture. The Publishing Business in the Twenty-First Century, Cambridge, Polity Press, 2010.
-
[3]
J. B. Thompson, ibid., p. 146-186.
-
[4]
Claudia Schalke et Markus Gerlach, « Le paysage éditorial allemand », Actes de la recherche en sciences sociales, 130, décembre 1999, p. 29-47.
-
[5]
Gisèle Sapiro, « Mondialisation et diversité culturelle : les enjeux de la circulation transnationale des livres », in G. Sapiro (dir.), Les contradictions…, op. cit.
-
[6]
En Allemagne, la production de livres est passée de 22 524 titres en 1960 à 61 538 en 2003 et à 81 919 en 2013 (premières éditions seulement). La littérature générale représentait 4 892 titres en 1960 contre 9 321 en 2003. Chiffres cités par Norbert Bachleitner et Michaela Wolf, „Auf dem Weg zu einer Soziologie der literarischen Übersetzung im deutschsprachigen Raum“, Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur, 2, 2004, p. 1-25 ; Markus Kessel, „Importartikel Buch : Zwischen Nischengeschäft und ‘heißen Titeln’“, in Heinz Ludwig Arnold et Matthias Beilein (dir.), Literaturbetrieb in Deutschland, Munich, Éd. texte + critique, 2009, p. 421-432 et le Börsenverein des Deutschen Buchhandels (http://www.boersenverein.de/sixcms/media.php/976/Titelproduktion_Erst_und_Neuauflage_2014.pdf ; site consulté le 30 décembre 2014).
-
[7]
Le chiffre comprend les premières éditions et les nouvelles éditions et il est arrondi vers le haut. Le « Börsenverein des Deutschen Buchhandels » donne le chiffre 93 600 pour 2013 (voir note 6).
-
[8]
Sigrid Löffler, „Wer bestimmt, was wir lesen ? Der globalisierte Buchmarkt und die Bücherflut : Wie literarische Moden gemacht werden und welche Rolle die Literaturkritik dabei spielt“, in H. Tommek et K.-M. Bogdal (dir.), op. cit., p. 101-117, voir en particulier p. 101-102.
-
[9]
Voir Pierre Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », L’Année sociologique, 22, 1971, p. 49-126, voir en particulier p. 81-100.
-
[10]
Voir C. Schalke et M. Gerlach, art. cit., p. 39-40.
-
[11]
P. Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », art. cit., p. 85.
-
[12]
Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965.
-
[13]
Pierre Bourdieu, « Champ intellectuel et projet créateur », Les Temps modernes, 246, p. 865-906, voir en particulier p. 887 ; P. Bourdieu (dir.), Un art moyen…, op. cit., p. 136.
-
[14]
Voir pour ce qui suit Hans-Otto Hügel, „Ästhetische Zweideutigkeit der Unterhaltung. Eine Skizze ihrer Theorie“, Montage/AV, 2(1), 1993, p. 119-141.
-
[15]
Ibid., p. 128.
-
[16]
L’évolution du théâtre « post-dramatique » vers de nouvelles formes de représentations et de publics se comprend plutôt comme une évolution des avant-gardes, historiques et nouvelles.
-
[17]
Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998, p. 557.
-
[18]
Robert Reich, L’Économie mondialisée, traduit de l’anglais par Daniel Temam, Dunod, Paris., 1993 ; voir Cornelia Koppetsch, „Symbolanalytiker im Feld der kulturellen Produktion. Zum Wandel der Intelligenzrolle in Gegenwartsgesellschaften“, in H. Tommek et K.-M. Bogdal (dir.), op. cit., p. 57-76.
-
[19]
Pierre Bourdieu, « Genèse et structure du champ religieux », Revue française de sociologie, 12(3), 1971, p. 295-334.
-
[20]
Ibid., p. 322.
-
[21]
Christophe Charle, La Crise littéraire à l’époque du naturalisme : roman, théâtre et politique. Essai d’histoire sociale des groupes et des genres littéraires, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1979, p. 161-162. Charle situe les naturalistes dans un « secteur intermédiaire » entre le pôle dominant des antidreyfusards (Académie française, Parnasse, etc.) et le pôle dominé des dreyfusards (avant-garde, symbolistes, etc.).
-
[22]
La fonction de représentation et de mémoire de l’ensemble de la société assumée par la littérature du Groupe 47 représentait une sorte de succédané culturel du centralisme d’État inexistant en Allemagne et caractéristique de la France.
-
[23]
Heribert Tommek, « Die Formation der Gegenwartsliteratur als Beziehungsgeschichte », in Irene Fantappiè et Michele Sisto (dir.), Deutsche und italienische Literatur 1945-1970 : Felder, Polysysteme, Transfer, Rome, Istituto Italiano di Studi Germanici, 2013, p. 39-57.
-
[24]
Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
-
[25]
Boris Gobille, „Literarisches Feld und politische Krise. Mobilisierung französischer Schriftsteller im Mai 68 und Verzeitlichungslogiken des Feldes“, Berliner Journal für Soziologie, 14(2), 2004, p. 173-185.
-
[26]
Helmut Böttiger, Die Gruppe 47. Als die deutsche Literatur Geschichte schrieb, Munich, DVA, 2012.
-
[27]
Ingrid Gilcher-Holtey, „Die ‘große Rochade’ : Schriftsteller als Intellektuelle und die literarische Zeitdiagnose 1968, 1989/90, 1999 », in H. Tommek et K.-M. Bogdal (dir.), op. cit., p. 77-97.
-
[28]
Maxim Biller, né en 1960 à Prague, de parents juifs russes, a émigré en Allemagne de l’Ouest en 1970 et a étudié la littérature à Hambourg et à Munich. Après des études à l’École allemande de journalisme de Munich, i l écrit pour la revue « lifestyle » Tempo, le magazine Der Spiegel et l’hebdomadaire Die Zeit, puis à partir de 2005 pour la revue « lifestyle » Faces. Son roman Die Tochter a été publié en 2003 sous le titre 24 heures dans la vie de Mordechaï Wind, dans la collection « folio » de Gallimard.
-
[29]
Maxim Biller, „Soviel Sinnlichkeit wie der Stadtplan von Kiel. Warum die neue deutsche Literatur nichts so nötig hat wie den Realismus“, Die Weltwoche, 25 juillet 1991.
-
[30]
Uwe Wittstock, né en 1955 à Leipzig, est lui aussi arrivé jeune en RFA. De 1980 à 1989 il travaille à la rédaction littéraire de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, où il prend la suite du « pape de la littérature » Marcel Reich-Ranicki, lequel se met habilement en scène dans la très influente émission de télévision « Das literarische Quartett » qui bénéficie d’une forte audience (1988-2001). De 1990 à 1999, Wittstock est lecteur responsable de la littérature de langue allemande aux éditions Fischer. Il s’occupe parallèlement de la publication de la célèbre revue littéraire Neue Rundschau (Groupe d’édition Fischer). En 2000 il passe au quotidien Die Welt (Éditions Axel Springer). Depuis octobre 2010, il est chef du service littérature du magazine Focus (équivalent du magazine français Le Point).
-
[31]
Uwe Wittstock, Leselust. Wie unterhaltsam ist die neue deutsche Literatur ? Ein Essay, Munich, Luchterhand, 1995.
-
[32]
Christian Döring (éd.), Deutschsprachige Gegenwartsliteratur. Wider ihre Verächter, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1995.
-
[33]
Gisèle Sapiro distingue différentes formes de professionnalisation :« A State-controlled path aiming at the control of cultural producers ; a market-driven one, which can be measured through sales and by the rhythm of production ; and a field-orientated mode of professionalization, based on the accumulation of symbolic capital within the field » (Gisèle Sapiro, « The literary field between the State and the market », in Mathieu Hilgers et Eric Mangez (éds), Bourdieu’s Social Field Theory : Concept and Applications, Oxon/New York, Routledge, 2014, p. 140-164).
-
[34]
Hanns-Josef Ortheil, né en 1951, a étudié l’histoire de l’art puis la germanistique, la philosophie, la littérature comparée et la musique. Après avoir passé sa thèse de doctorat, il devient assistant à l’Université de Mayence. En 1990 il obtient un poste à l’Université de Hildesheim où il enseigne l’écriture créative et la littérature contemporaine. En 1999 il met en place la filière d’écriture créative et de journalisme culturel. Depuis 2009, il est directeur du nouvel Institut d’écriture littéraire et de littérature. Ortheil connaît un certain succès en tant qu’auteur de romans historiques et contemporains qui paraissent soit chez btb soit chez Luchterhand (deux maisons d’édition qui appartiennent au groupe Random House, Bertelsmann).
-
[35]
Hans-Ulrich Treichel, né en 1952, a étudié la germanistique à Berlin, où il a aussi préparé une thèse de doctorat puis une habilitation. Depuis 1995 il est professeur à l’Institut de littérature allemande de Leipzig. Treichel est surtout connu pour sa prose. Son roman Der Verlorene (1998) (Le Disparu) raconte l’histoire d’inspiration autobiographique de parents qui fuient les « régions de l’Est » vers la fin de la guerre et perdent leur fils premier né. L’ouvrage évoque les répercussions de ces événements sur sa propre enfance. Ses livres paraissent chez Suhrkamp.
-
[36]
Josef Haslinger, né en 1955, a étudié à Vienne la philosophie, la germanistique et le théâtre et a passé une thèse de doctorat. Il est rapidement devenu écrivain indépendant, publiant d’abord des textes proches de l’avant-garde expérimentale (de 1986 à 1989 il est secrétaire général de l’Association des auteurs de Graz). Entre 1986 et 1995 il est co-organisateur des « Wiener Vorlesungen zur Literatur » et enseigne dans diverses universités, notamment aux États-Unis. En 1995, il publie aux éditions Fischer Opernball, un roman réaliste mêlé d’éléments noirs. C’est un best-seller qui donnera lieu à un film en 1998.
-
[37]
Voir pour ce qui suit Norbert Hummelt, „Schreiben lernen. Der Leipziger Weg“, in H. L. Arnold et M. Beilein (dir.), op. cit., p. 59-71.
-
[38]
La description du cursus de licence comprend ainsi l’enseignement des « techniques de l’écriture littéraire et du journalisme culturel […]. Cet enseignement se fait en liaison avec celui de connaissances approfondies de la théorie des médias et du développement du système médiatique » (http://www.uni-hildesheim.de/index.php?id=1552 ; site consulté le 3 septembre 2014).
-
[39]
N. Hummelt, art. cit., p. 69.
-
[40]
P. Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », art. cit., p. 81.
-
[41]
Michael Dahnke, „Auszeichnungen deutschsprachiger Literatur gestern und heute : Was wissen wir wirklich über sie ?“, in H. L. Arnold et M. Beilein (dir.), op. cit., p. 333-343, voir en particulier p. 334 ; voir base de données : http://www.kulturpreise.de/ ; site consulté le 9 septembre 2014).
-
[42]
« Le Prix du livre allemand est soutenu par la Fondation de la Deutsche Bank. Il a également pour partenaires : la Foire du livre de Francfort, Paschen & Companie et la ville de Francfort-sur-le-Main » (http://www.deutscher-buchpreis.de/de/692946 ; site consulté le 9 septembre 2014).
-
[43]
Gisèle Sapiro, « Profil des producteurs de goût : l’évolution du recrutement social des membres de l’Académie Goncourt », in Jean-Louis Cabanès, Pierre-Jean Dufief, Robert Kopp et Jean-Yves Mollier (éds), Les Goncourt dans leur siècle. Un siècle de « Goncourt », Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2005, p. 423-435.
-
[44]
L’académie est présidée par Heinrich Riethmüller, président de l’Association des éditeurs et libraires allemands. Ses autres membres sont : Jürgen Boos (directeur de la Foire du livre de Francfort), Klaus-Dieter Lehmann (président du Goethe-Institut), Michael Münch (membre du comité directeur de la Fondation de la Deutsche Bank), Bernd Neumann (responsable de la culture et des médias auprès du gouvernement fédéral), Claudia Reitter (directrice adjointe de l’Association des éditeurs et des libraires), René Strien (directeur des éditions Aufbau), Daniela Strigl (critique littéraire), Dirk Vaihinger (directeur des éditions Nagel & Kimche), Wilfried Weber (associé-gérant de la librairie hambourgeoise Felix Jud) (http://www.deutscher-buchpreis.de/fr/694164 ; site consulté le 3 septembre 2014).
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[45]
Citons pour l’année 2014 Jens Bisky (Süddeutsche Zeitung), Katrin Hillgruber (critique littéraire indépendante), Manfred Papst (Neue Zürcher Zeitung), Wiebke Porombka (critique littéraire indépendante dont la signature se retrouve notamment dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung), Annemarie Stoltenberg (indépendante, collaboratrice de l’émission culturelle de la chaîne de télévision NDR). On y ajoutera encore Frithjof Klepp (libraire indépendant) et Susanne Link (directrice d’une librairie universitaire) ; voir http://www.deutscher-buchpreis.de/fr/694191 (site consulté le 3 septembre 2014).
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[46]
« L’objectif du prix est d’attirer l’attention sur les auteurs germanophones, la lecture et le média “livre” au-delà des frontières » (http://www.deutscher-buchpreis.de/fr ; site consulté le 3 septembre 2014).
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[47]
Christoph Jürgensen, „Würdige Popularität ? Überlegungen zur Konsekrationsinstanz’Literaturpreis‘ im gegenwärtigen literarischen Feld“, in Silke Horstkotte et Leonhard Herrmann (éds), Poetiken der Gegenwart. Der Deutschsprachige Romane nach 2000, Berlin, De Gruyter, 2013, p. 285-302.
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[48]
Citons parmi les lauréats : Arno Geiger : Es geht uns gut (2005), Julia Franck : Die Mittagsfrau (2007), Uwe Tellkamp : Der Turm (2008).
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[49]
Pascale Casanova, « La World fiction, une fiction critique », Liber, 16, supplément des Actes de la recherche en sciences sociales, 100, décembre 1993 ; La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999, rééd. coll. « Points », 2008, chap. 5.
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[50]
Die Vermessung der Welt est paru aux éditions Rowohlt, très en pointe dans la production des best-sellers littéraires. En 2008, le roman en était déjà à sa 40e édition avec 1,4 millions d’exemplaires vendus dans l’espace germanophone. Il est resté dans la liste des best-sellers du Spiegel pendant 129 semaines et a été proclamé best-seller de l’année 2006 par le magazine Focus. En 2005, il figurait dans la sélection du Prix littéraire allemand (Deutscher Literaturpreis). En 2008 il avait déjà été traduit en 35 langues. L’édition anglaise a également atteint le statut de best-seller. Elle figurait en deuxième place sur la liste du New York Times des livres les plus vendus dans le monde en 2006. Son tirage mondial est de l’ordre de 6 millions.
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[51]
Pour une étude comparée sur les palmarès voir : Marc Verboord, “Market logic and cultural consecration in French, German and American best-seller lists, 1970-2007”, Poetics, 39, 2011, p. 290-315.
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[52]
Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 189-193 (« Décalages, discordances et ratés »), voir en particulier p. 189.
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[53]
Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979, p. 145-188. Les stratégies de reconversion qui interviennent dans les transformations de l’espace intermédiaire correspondent principalement à des décalages transversaux, c’est-à-dire à la recherche de compromis avec le champ journalistique et économique.