Couverture de ARSS_205

Article de revue

L'économie de la passion

Formation professionnelle et turn-over des moniteurs(trices) équestres sous conditions sociales et affectives

Pages 20 à 41

Notes

  • [1]
    Vérène Chevalier et Brigitte Dussart, « De l’amateur au professionnel : le cas des pratiquants de l’équitation », L’Année sociologique, 52(2), 2002, p. 463-464 ; Maud Simonet-Cusset, « Penser le bénévolat comme travail pour repenser la sociologie du travail », Revue de l’Ires, 44(1), 2004, p. 144-147.
  • [2]
    Valérie Boussard, Didier Demazière et Philip Milburn, L’Injonction au professionnalisme. Analyses d’une dynamique plurielle, Rennes, PUR, 2010.
  • [3]
    Vérène Chevalier et Fanny Le Mancq, « Bénévoles, amateurs et travailleurs. Le monde des activités équestres », in Jean-Michel Faure et al., Excellences sportives. Économie d’un capital spécifique, Paris, Éd. du Croquant, 2010, p. 145-148.
  • [4]
    Sur ces luttes et transformations institutionnelles, voir Denis Bernardeau-Moreau, « La professionnalisation dans les organisations associatives. Le cas des dirigeants bénévoles de la fédération française d’équitation », Gérer et comprendre, 73, 2003, p. 55-75.
  • [5]
    BE1 dans la suite du texte. Jusqu’à son remplacement par l’arrêté du 28 juin 2003, la validation de cette formation dite « professionnalisante » de niveau IV est subordonnée à l’obtention d’une partie théorique ou « tronc commun » à tous les sports et d’une partie pratique ou « spécifique » à l’activité.
  • [6]
    BP dans la suite du texte. Le BP s’inscrit dans les dispositions de la loi de modernisation sociale qui prévoit le développement du système de validation des acquis de l’expérience et la création du « répertoire national des certifications professionnelles ». La validation de ce diplôme est désormais subordonnée à l’obtention de dix unités capitalisables (UC), les quatre premières communes à l’ensemble des BP, les trois suivantes communes à la spécialité Activités équestres et les trois dernières spécifiques à chacune des cinq mentions (Équitation, Tourisme équestre, Équitation de tradition et de travail, Western et Attelage), dont l’UCA 10 « d’Adaptation ».
  • [7]
    Sur les luttes de représentation professionnelle au sein de la CPNE-EE, voir Vérène Chevalier, « Les activités équestres », in Jean Camy et Nathalie Leroux (dir.), L’Emploi sportif en France : situation et tendances d’évolution, Paris, AFRAPS/RUNOPES, 2002, p. 134.
  • [8]
    Vérène Chevalier et Marie-Odile Lebeaux, « La dynamique des emplois salariés de la filière cheval cotisant à la MSA (1999-2004) », 33e Journée de la recherche équine, Paris, INRA-Haras nationaux, 2007, p. 135-136, 142.
  • [9]
    Matthieu Hély, « À travail égal, salaire inégal : ce que travailler dans le secteur associatif veut dire », Sociétés contemporaines, 69, 2008, p. 125-147.
  • [10]
    Le drame social du travail renvoie ici aux rapports de dépendance des un(e)s et des autres dans leur réussite professionnelle respective, à l’apprentissage du métier avec ceux et celles qui en ont une connaissance pratique et pas seulement une habilitation officielle à l’enseigner, à un certain nombre d’informations auxquelles les individus, relativement à leur position sociale, n’ont et n’auront jamais accès (les « secrets ») et à l’exercice d’un métier pour lequel ils ou elles n’ont pas été formé(e)s. Voir Everett Hughes, « Le drame social du travail », (1976, trad. Jacques Mailhos, révisée par Jean-Michel Chapoulie), Actes de la recherche en sciences sociales, 115(2), décembre 1996, p. 94-97.
  • [11]
    Alors que la durée des études longues se stabilise à la fin des années 1990, cette déscolarisation, subie ou souhaitée, relève de populations qui sont soit en fin de cursus (après la classe de 3e, de CAP-BEP ou de BTS, parfois agricole), soit en rupture avec le système scolaire (avant l’obtention du baccalauréat ou dans le supérieur). Voir Sébastien Durier et Pascale Poulet-Coulibando, « Formation initiale, orientations et diplômes de 1985 à 2002 », Éducation & formations, 74, avril 2007.
  • [12]
    V. Chevalier et F. Le Mancq, « Bénévoles, amateurs et travailleurs… », op. cit.
  • [13]
    Fanny Le Mancq, « Des carrières semées d’obstacles : l’exemple des cavalier-e-s de haut niveau », Sociétés contemporaines, 66(2), 2007, p. 127-150. Les travaux propres aux enjeux de patrimonialisation des petites entreprises familiales florales aux Pays-Bas ou ceux des charges d’une profession d’élite économique et sociale des commissaires-priseurs en sont d’autres exemples typiques. Voir Alex Strating, « “Les gens des fleurs restent, les diplômés partent”. Parenté, famille et négoce des fleurs dans une communauté néerlandaise » (trad. Christine Langlois), Terrain, 36, 2001, p. 85-96 ; Alain Quemin, « Modalités féminines d’entrée et d’insertion dans une profession d’élites : le cas des femmes commissaires-priseurs », Sociétés contemporaines, 29, 1998, p. 87-106.
  • [14]
    À différencier, un tant soi peu, de l’engagement altruiste, notamment dans des associations à causes d’utilité sociale et/ou caritatives. Voir Matthieu Hély, Les Métamorphoses du monde associatif, Paris, PUF, 2009 ; Maud Simonet, Le Travail bénévole : engagement citoyen ou travail gratuit ?, Paris, La Dispute, 2010.
  • [15]
    Elle peut ainsi être évoquée avec le même vocable par des individus aussi éloignés socialement et économiquement qu’une vétérinaire, un ingénieur, une fille d’agriculteurs et un fils d’enseignants en réussite ou en échec scolaire.
  • [16]
    Le tuteur ou le maître d’apprentissage doit être titulaire du BE1 option Équitation ou Activités équestres ; le formateur titulaire du BE2 option Équitation, tout en exerçant à plein temps dans l’organisme de formation. La formation « optionnelle » (ou la « spécialité » en BP) nécessite un BE1 (BP) doté d’une expérience professionnelle (bénévole) d’au moins cinq ans (trois ans). Annexe VII de l’arrêté du 6 février 1987 modifiée le 8 janvier 1999 pour le BE1 et arrêté du 18 avril 2002 pour le BP.
  • [17]
    Par exemple dans les jurys du BP, même si désormais leur présence est proportionnelle à celle « des professionnels du secteur d’activité, à parité employeurs et salariés désignés sur proposition des organisations représentatives ». Décret n° 2001-792 du 31 août 2001.
  • [18]
    Sur plus d’un million et demi de pratiquant(e)s, environ 15 % participent à des compétitions, soit 21,2 % des licencié(e)s en France et de 23,2 % en PDL. Si les femmes sont 2,2 fois plus nombreuses que les hommes à détenir une licence « compétitions » en 2002 (1,6 en PDL) et 4 fois plus en 2012 (3 en PDL), elles le sont toujours moins souvent proportionnellement (surtout en catégorie « seniors ») malgré un taux de croissance 6,6 fois plus élevé (5,8 en PDL) que les hommes (117,6 % pour seulement 17,7 % aux hommes au niveau national et 128,5 % pour 22,2 % en PDL).
  • [19]
    BE2 dans la suite du texte. Cette certification de niveau II permet de devenir formateur de formateurs ou instructeur et d’asseoir une légitimité professionnelle, technique et sportive comme cavalier, voire comme dirigeant d’établissement, jury de formation et/ou représentant d’institutions fédérales. Le BE2 a également fait l’objet, à partir de novembre 2006, d’une rénovation en diplôme d’État (DEJEPS, niveau III) Perfectionnement sportif et diplôme d’État supérieur (DESJEPS, niveau II) Performance sportive, mise en application par arrêté du 25 janvier 2011 ; DE et DES dans la suite du texte.
  • [20]
    Titulaire d’un bac scientifique, il termine un deuxième cycle universitaire en sciences après deux ans d’école vétérinaire sans réussite au concours. Il dirige, avec sa femme, un centre équestre de 30 poneys et 35 chevaux (14 de propriétaires, 10 de club, 3 de formation, le reste pour le commerce et la compétition).
  • [21]
    En 2009, 89 % des établissements proposent une pratique compétitive à leurs cavalier(e)s, ministère des Sports, Livret référentiel DEJEPS, mars 2011, p. 10.
  • [22]
    Propre à chaque discipline équestre, cette distinction hiérarchisée de 1 à 9, attribuée au sein de chaque établissement, marque la progression des cavaliers. Le Galop 7, sanctionné par un examen fédéral, donne accès aux compétitions.
  • [23]
    Issue d’une famille d’agriculteurs, elle est aussi détentrice d’un BEPA hippique et d’un BTA élevage tout en échouant au certificat de capacité technique agricole et rurale.
  • [24]
    De 1995 à 2003, 370 BE2 Équitation ont été délivrés en France, soit en moyenne 41 par an. Voir Alain Le Rohellec et Guy Truchot, « 100 000 diplômes professionnels sportifs ont été délivrés depuis 1995 », Stat-Info, 05-03, 2005, p. 6.
  • [25]
    En 2006, ils sont 13 % en tourisme équestre, 2 % en attelage, 1 % en western et 0 % en équitation de travail et tradition. Voir Christèle Wagner, Étude sur les perspectives d’emploi et les besoins de formation dans les établissements équestres de Picardie, DRJSCS de Picardie, 2010, p. 71. En PDL en 2009, la mention Équitation représente de 61 à 80 % du total. Voir Thibaut Despres et Cédric Van Gertruy, Étude nationale relative aux formations habilitées en 2009 BPJEPS Activités équestres, DRJSCS de Picardie, 2010, p. 13.
  • [26]
    Pour être reconnus centres de formation, les établissements équestres doivent nécessairement être habilités auprès de la Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et être déclarés établissement d’activités physiques et sportives auprès de la DRJS. En formation initiale, les stagiaires doivent suivre 600 heures d’enseignement dans l’un des organismes régionaux de formation (CREPS Nantes, CFPPA Laval, ENE Saumur).
  • [27]
    En 2008, le BP Équitation en PDL peut coûter du simple au double : de 600 € à 1 400 €/mois.
  • [28]
    ATE, brevet d’animateur poney (BAP), guide de tourisme équestre, tous subordonnés à un BE1, et les Galops. 240 000 Galops ont été validés en 2008.
  • [29]
    Apprentis comme lycéens, ceux et celles qui poursuivent leur formation en dehors de l’enseignement agricole (EA) par un diplôme Jeunesse et Sport sont le plus souvent détenteurs d’un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) de niveau III ou d’un bac pro de niveau IV. « Le devenir en 2006 et 2007 des apprentis diplômés des niveaux V, IV et III sortis en 2002 et 2003 », Bulletin d’informations statistiques de la DGER, StatEA, 08-07, juin 2008, p. 2-3 ; « Le devenir en 2008 des diplômés du BTSA sortis en 2004 », StatEA, 09-06, juin 2009, p. 2.
  • [30]
    Son père est directeur d’une entreprise de bateaux et sa mère secrétaire hospitalière. Il est titulaire d’un bac pro comptabilité gestion, exploitation agricole option élevage équin, après avoir obtenu un CAP de palefrenier-soigneur et un BEP agricole.
  • [31]
    Les taux de rupture de contrat d’apprentissage sont plus élevés dans les entreprises de moins de dix salarié(e)s et sont dans un cas sur deux attribués à l’apprenti(e). Les principales causes de ruptures sont dues, selon des employeurs qui reconnaissent l’utilité économique d’accueillir des stagiaires, à un manque de « maturité », de « motivation » et/ou d’une « inadaptation » physique et technique à exercer le métier choisi. Selon les apprenti(e)s, il s’agit plutôt d’un manque d’intérêt de l’employeur pour leur formation, des demandes de tâches en inadéquation avec le métier préparé, d’une surcharge de travail et du ressentiment d’être « exploité ». « Apprentissage : les ruptures de contrat vues par les jeunes et leurs employeurs » et « Apprentissage : ruptures, enchaînements de contrats et accès à l’emploi », Notes d’information 95.38 et 97.22, MEN-Direction de l’évaluation et de la prospective, septembre 1995 et avril 1997 ; « Les causes de rupture des contrats d’apprentissage. Synthèse », DRTEFP PDL, 2000 ; « Contrat d’apprentissage, les raisons de la rupture », Bref, 272, Cereq, mars 2010.
  • [32]
    Jacky Lebrun, « Les enjeux et les perspectives de la filière équine en France », Avis et rapport du Conseil économique, social et environnemental, juin 2010 ; Florence Delisle, « Pour une optimisation de la prise en compte des enseignants d’équitation en formation continue », master 2 « Ingénierie et conseil en formation », sous la direction de Philippe Astier, Rouen, Université de Rouen, 2008, p. 9, 16.
  • [33]
    En 2002, l’activité compte 447 139 licencié(e)s (22 820 en PDL), 706 449 (40 303 en PDL) en 2012, et au moins l’équivalent de non licencié(e)s à chaque période. La fréquence de renouvellement d’une clientèle relativement jeune est de près d’un tiers par an, plus de 40 % sont des novices et la durée moyenne de pratique ne dépasse pas deux ans. Voir Vérène Chevalier, « Une population de pratiquants sportifs et leur parcours : les cavaliers titulaires d’une licence », Population, 3, 1996, p. 573-608 ; Fanny Le Mancq et Florence De Bruyn, « Les apports de la démographie dans la connaissance des populations sportives. Regards croisés sur les licenciés de la FFN et de la FFE », STAPS, 80(2), 2008, p. 59, 63.
  • [34]
    Par extrapolation à taux constant de 5,7 % sur dix ans à partir de Sandrine Bouffin et al., « Les sports de nature en France en 2006 », Stat-Info, 08-01, 2008, p. 7. Tous sports confondus, le BE1 Activités équestres est le diplôme qui a enregistré une des plus fortes progressions entre 1994 et 2000. Sur les dix diplômes de sport de nature les plus délivrés en 2006, le BP Équitation est classé en première position (n = 814) et le BP Tourisme équestre en 7e position (n = 137). Ibid., p. 6. 1 186 BP Activités équestres ont été délivrés en 2008.
  • [35]
    Emmanuelle Bour-Poitrinal, « Point économique et social sur la filière cheval », in Jacques Brulhet et al., Agriculture, alimentation et espaces ruraux, Cahiers du Conseil général, 10, 2009, p. 11.
  • [36]
    V. Chevalier et M.-O. Lebeaux, « La dynamique des emplois salariés de la filière cheval… », op. cit., p. 134.
  • [37]
    Véronique Melquiond, « Flux d’emplois sport animation en Pays de la Loire », CARIF-OREF PDL, janvier 2006, p. 11 ; « Enquête sur l’emploi 2003 », INSEE Première, 958, avril 2004, p. 3 ; Sophie Lemaire, Économie et avenir de la filière chevaline, INRA Prod. Anim., 16(5), 2003, p. 363.
  • [38]
    Avenant n° 40, du 13 octobre 1987, de l’article 47-2 « Formation des jeunes : formation illicite », du chapitre XI « Apprentissage et formation professionnelle ».
  • [39]
    V. Chevalier et F. Le Mancq, « Bénévoles, amateurs et travailleurs… », op. cit., p. 164.
  • [40]
    Ibid., p. 168.
  • [41]
    Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 98.
  • [42]
    Les Haras nationaux, Caractéristiques socio-économiques des entreprises de la filière équine : les observatoires économiques régionaux, FCCEF, 2009, p. 9.
  • [43]
    A. Le Rohellec et G. Truchot, op. cit., p. 3.
  • [44]
    Brigitte Belloc, « Le sport et les femmes », Stat-Info, 01-03, 2001, p. 3 et A. Le Rohellec et G. Truchot, op. cit., p. 2.
  • [45]
    Pourcentages calculés à partir du tableau « Nombre de clubs, licences et autres titres de participation, année 1999 », Mission bases de données et informations statistiques, DPA, 2001 ; voir aussi « De plus en plus de femmes… à la base », La REF. La Revue de l’équitation, 51, novembre 2004, p. 46.
  • [46]
    Monique Meron et al., « Les femmes et les métiers : vingt ans d’évolutions contrastées », Données sociales, 2006, p. 225-234.
  • [47]
    En 1999, l’indice d’homogamie est toujours plus fort dans les professions agricoles et indépendantes non agricoles, l’effet d’origine sociale renforçant celle-ci. Voir Mélanie Vanderschelden, « Position sociale et choix du conjoint : des différences marquées entre hommes et femmes », Données sociales, 2006, p. 33-42.
  • [48]
    De 2000 à 2004, les taux bruts de turn-over des femmes sont toujours supérieurs à son taux moyen (32,7 %) et dépassent ceux des hommes de 4,5 à 8 points. Plus souvent sur des contrats précaires, « à statut égal, elles sont plus stabilisées que ces derniers ». Un entrant sur deux, âgé de 20 à 24 ans, ne renouvelle pas son contrat, tout comme ceux ayant signé un CDD. Seuls 11,3 % des apprenti(e)s entrés en 2000 ont signé un premier contrat stable. Voir V. Chevalier et M.-O. Lebeaux, « La dynamique des emplois salariés de la filière cheval… », op. cit., p. 137-139, 141, 143. La population des enseignant(e)s se caractérise par une surreprésentation des femmes de moins de 30 ans (62 %) et une sous-représentation au-delà de 50 ans (20 %). Voir V. Chevalier et B. Dussart, « De l’amateur au professionnel… », art. cit., p. 467.
  • [49]
    Nathalie Missègue, « L’activité des couples d’indépendants et des salariés », Économie et statistique, 319(1), 1998, p. 89-111 ; Thomas Amossé, « Professions au féminin. Représentation statistique, construction sociale », Travail, genre et sociétés, 11(1), 2004, p. 31-46.
  • [50]
    Les Haras nationaux, op. cit., p. 9 et graphique « Semaine type dans un centre équestre », p. 25.
  • [51]
    Marc-Antoine Estrade et Nathalie Missègue, « Se mettre à son compte et rester indépendant. Des logiques différentes pour les artisans et les indépendants des services », Économie et statistique, 337-338, 2000, p. 159-181 ; Nathalie Blanpain et Dominique Rouault, « Les indépendants et dirigeants dans les années quatre-vingt-dix », Données sociales, 2002, p. 427-438.
  • [52]
    L’année coûte 11 000 € par an, hors frais d’inscription au CNED, de pension de son cheval, d’inscription en compétition, etc. Son père, paysagiste à son compte, et sa mère, cadre en communication dans l’armée, sont divorcés.
  • [53]
    Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
  • [54]
    Pierre Bourdieu, Le Bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, Seuil, 2002.
  • [55]
    Propos rapportés par Catherine Tourre-Malen, « Le mal-être actuel des enseignants d’équitation », maîtrise de sociologie, Angers, Université d’Angers/IUP-ESTHUA, 1999, p. 62. En 2005, 1/4 des 47 stagiaires enquêtés en PDL étaient célibataires, 1 sur 6 vivait en concubinage et 1 sur 12 était marié (pour 59,6 % âgés de 20 à 24 ans et 25,5 % de plus de 25 ans). 3 sur 5 avaient un conjoint pratiquant l’équitation, 5 sur 9 un membre de leur famille cavalier et 1 sur 8 travaillait dans ce secteur. Calculs réalisés à partir de Karine Lesage, « Le BP JEPS « activités équestres » dans les Pays de la Loire : constat d’une année expérimentale », master 1 STAPS, sous la direction de Gildas Loirand, Nantes, Université de Nantes, 2005, p. 28, 31.
  • [56]
    Fille d’un père cadre supérieur dans une grande maison de liquoreux et d’une mère professeur d’EPS, elle arrête l’école après un bac économique et social, obtient son BE1 à 19 ans (en 1997) puis groome (i.e. prépare les chevaux de compétition) à l’ENE et chez un cavalier professionnel pendant huit ans. Elle obtient entre temps son BE2 en échange des services rendus. L’aînée de ses deux sœurs, également détentrice du BE1, est monitrice dans son club et le gère lorsqu’elle part en concours. Avec elle, deux autres monitrices, quatre élèves monitrices, une secrétaire et deux employés d’écurie accueillent environ 400 licencié(e)s pour une cavalerie de 22 chevaux de propriétaires, 18 poneys, 17 chevaux de club, dont une jument pour faire naître un poulain par an.
  • [57]
    Margaret Maruani, « L’emploi féminin à l’ombre du chômage », Actes de la recherche en sciences sociales, 115(2), décembre 1996, p. 48-57.
  • [58]
    Jean-Pierre Vernant, La Traversée des frontières, Paris, Seuil, 2004.
  • [59]
    Pierre Bourdieu, « La double vérité du travail », Actes de la recherche en sciences sociales, 114(1), septembre 1996, p. 89-90.
  • [60]
    Voir les deuxième et troisième parties du livre dirigé par Serge Paugam, Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales, Paris, PUF, 2007.
  • [61]
    V. Boussard et al., op. cit., p. 17.
  • [62]
    F. Le Mancq, « Des carrières semées d’obstacles… », art. cit.
  • [63]
    Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
  • [64]
    P. Bourdieu, La Domination masculine, op. cit., p. 113.
« La passion est un problème sans en être un, parce que si vous n’êtes pas passionné vous tenez encore moins longtemps [dans le métier] que les passionnés. […] Quand on pense qu’il y a des gens qui payent une formation entre 450 et 750 euros par mois, pour quoi ? Pour avoir le droit, un jour, de gagner le SMIC… il y a un problème quelque part ! »
Diplômé du brevet d’État d’éducateur sportif 2e degré, sorti du secteur équestre.
figure im1
LES REPRÉSENTATIONS DOMINANTES des sports équestres tendent à faire oublier les conditions de survie des emplois dont ils dépendent. [Haut] Concours de saut d’obstacles (CSO) en compétition officielle pour une cavalière de 12 ans sur un poney de taille D. [Bas] Groupe d’enfants en balade dans le vignoble nantais.
Photo. © Guy Bertin (haut). Photo. © Hassen Slimani (bas).

1Le secteur des activités et des sports équestres est l’un de ceux qui, dans ses phases successives de « normalisation » [1], n’échappe pas à ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui, avec les spécialistes de la sociologie du travail, une « injonction au professionnalisme » [2]. En interne, parce qu’il s’est ouvert, dès les années 1950-1960, aux différents usages qu’il était possible de faire des chevaux, le monde des activités équestres a été l’un des premiers univers associatifs à se doter d’organes de régulation sociale et professionnelle. La première version de la convention collective nationale du personnel des centres équestres date de juillet 1975. Par arrêté du 23 avril 1997, signée par les ministères de l’Emploi et de l’Agriculture, elle est administrée par une Commission paritaire nationale de l’emploi des entreprises équestres (CPNE-EE) en charge des certifications de qualification professionnelle [3]. Pour autant, sous la pression de l’État et du ministère des Sports à la fin des années 1990, la Fédération française d’équitation (FFE), formée jusque-là des trois entités Sports équestres, Poney et Tourisme, se voit dans l’obligation de les unifier sans pour autant qu’elles privilégient les mêmes modalités et finalités de pratiques : les sports équestres se positionnent préférentiellement sur le versant compétitif, la monte sur poney sur celui de l’éducatif et le tourisme sur les prestations de loisirs [4]. Cette réforme est, par ailleurs, largement liée aux transformations économiques, sociales et récréatives d’une demande d’équitation en tout genre au sein d’établissements qui, face à un clientélisme de masse et une concurrence de plus en plus vive, se voient contraints de diversifier leur offre. Corrélativement à la nécessité d’un encadrement plus ciblé, cette injonction étatique a, entre autres, pris la forme d’une refonte des modalités de formation menant aux métiers de moniteur(trice) qui s’est traduite, en 2003, par la rénovation du brevet d’État d’éducateur sportif du 1er degré (BEES1) [5] en brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) [6]. Réglées législativement, la question de savoir ce que doit être ou devenir un(e) professionnel(le) de l’encadrement équestre et celle de la légitimité des différentes instances à définir les référentiels professionnels, de certification et leurs finalités, n’en posent pas moins, avant comme après cette date, débat à l’ensemble des acteurs de la filière [7].

2Dans cette temporalité institutionnelle et politique, la demande sociale de l’enquête ethnographique réalisée en 2002 [voir encadré « Les modalités d’enquête et ses enquêté(e)s », p. 26] est en l’occurrence partie du constat, non chiffré par les agents territoriaux du Conseil régional et de la Direction régionale jeunesse et sport (DRJS) en charge des financements et des formations du BE1 en Pays de la Loire (PDL), de désaffections professionnelles dans l’enseignement et l’animation des activités équestres. Les analyses sociodémographiques les plus récentes portant sur une population plus large que celle prise ici pour objet entérinent, en l’espèce, le constat récurrent d’une situation qui engendre mécaniquement un turn-over estimé en moyenne à 33 % d’une cohorte par an, soit 7 000 salarié(e)s, y compris pour mobilité professionnelle : même si la probabilité de rester en emploi augmente avec l’ancienneté, entre 35 et 41 % de salarié(e)s sortent du secteur avant d’entrer dans leur quatrième année d’exercice [8].

Les modalités d’enquête et ses enquêté(e)s[1]

Cette enquête repose sur une première série d’une vingtaine d’entretiens approfondis auprès d’élus et d’acteurs régionaux dont un conseiller technique régional Jeunesse et Sport, des formateurs brevet d’État d’éducateur sportif 2e degré, un responsable de formation au brevet d’aptitude professionnelle d’assistant animateur technicien, le vice-président de la Ligue équestre, la présidente du Comité fédéral de poney, des dirigeants d’établissements équestres (en particulier des employeurs), la conseillère en financement de formations au FAFSEA [2] et deux formateurs de l’École nationale d’équitation de Saumur. Une deuxième série d’une quinzaine d’entretiens, dont deux entretiens collectifs, a été programmée avec des diplômé(e)s et stagiaires BE1, tous âgés de 18 à 24 ans, et des BE2 plus âgés. Enfin, trois autres entrevues ont fait l’objet de rencontres avec des « auto-exclus » du monde équestre.
Ces investigations portent essentiellement sur la vingtaine d’établissements équestres habilités à accueillir des stagiaires, soit environ 9 % des employeurs potentiels en PDL. Quelles que soient leurs formes juridiques, sous statut d’association loi 1901 (pour un tiers) ou sous celui d’établissement professionnel à forme commerciale (près des deux tiers), hors centres ou fermes de tourisme équestre, qu’ils soient affiliés ou non à la FFE, ils sont définis comme des lieux ouverts au public où sont utilisés des équidés aux fins de prestations de services (pension, enseignement, location). Les établissements dits « loueurs d’équidés » n’ont pas été enquêtés, tout comme les secteurs des courses et de l’élevage.

3Bien que conscients des fragilités de leur marché du travail, parce qu’en prise directe avec les réalités économiques et sociales des établissements dans lesquels ils sont formés, les stagiaires font, eux aussi, face à des impératifs qui, s’ils ne s’objectivent pas uniquement dans des collectifs de travailleurs ou dans la loi, s’immiscent dans les relations de travail. Ainsi, les injonctions à « la passion », à faire de la compétition pour être professionnellement plus légitime et à posséder des prérequis officieux pour se positionner sur les marchés de la formation, à intérioriser la précarité comme condition nécessaire à l’exercice du métier [9] au risque de passer pour incompétent, mais encore à mobiliser sa famille ou à en fonder une pour durer dans le métier, en sont autant de lieux d’expression. Faute d’être appliquées, une à une ou cumulativement, ces injonctions finissent par produire une instabilité professionnelle qui constitue d’autant plus une forme de « drame social du travail » [10] qu’elle se pose à une catégorie d’individus en partie prématurément déscolarisés [11].

4Enfin, à côté des explications qui privilégient la porosité des statuts professionnels de chacune des activités équestres, et du jeu qu’elle autorise ou limite, nécessitant des réajustements de représentations du métier [12], nos analyses montrent combien les perspectives de pérennisation des emplois de moniteur(trice) tiennent autant, sinon plus, à un marché de l’emploi impacté par l’effet de structure d’une « sur-féminisation » des populations qui s’engagent en formation et aux conditions dans et par lesquelles s’envisage et s’effectue leur apprentissage plus qu’à son contenu même. La survie professionnelle, dans un secteur pour le moins ancré dans une économie domestique et patrimoniale (terrains, bâtiments, engins agricoles, stocks, cavaleries, équipements, selleries, etc.), tiendrait alors plutôt au rapport qu’entretiennent les (futur(e)s) éducateurs(trices) avec un marché matrimonial préférentiellement équestre et à des conduites familiales qui viseraient à constituer et/ou à préserver ce patrimoine [13].

La passion ou la nécessité d’un malentendu

5À la lecture des rapports de « pré-qualification » d’entrée en stage et à celle de la totalité des entretiens approfondis, le processus par lequel se construit le goût pour l’équitation est marqué par la prépondérance de la relation affective qu’entretiennent, dès leur plus jeune âge, cavaliers et cavalières à des équidés considérés comme des animaux domestiques. La socialisation équine s’opère ainsi sur le mode de l’enchantement et se traduit dans les discours des stagiaires, comme dans ceux des dirigeants d’établissements, par un même mot : « la passion ». Observable dans bien d’autres univers associatifs [14], sa spécificité est ici qu’elle passe par le corps du cavalier et se vit à travers un animal avec pour enjeu de former un couple en osmose. Si ce rapport passionnel varie selon les ressources sociales et économiques de le vivre et des probabilités d’en faire un métier au prorata des possibles et impossibles professionnels qu’offre ou non la consécration scolaire [15], il est reconnu par tous comme une qualité chaudement recommandée. La passion en devient par là même une compétence indispensable pour entrer dans les meilleures dispositions en formation et espérer, un jour, la convertir en profession.

6Si la passion et ses « bienfaits » sont unanimement pensés comme une nécessité, ils génèrent néanmoins des conflits d’intérêts. Aussi souhaitable soit-elle, la naïveté passionnelle des débuts doit par la suite, du point de vue des employeurs du secteur marchand, être maîtrisée, en partie du moins : « Notre rôle est de les dépassionner, nous dit l’un d’entre eux. La passion c’est bon pour les clients, le professionnel il n’a plus à être passionné […]. Pour être un bon enseignant, il faut surtout être passionné par les gens. Ce qui est intéressant c’est d’apprendre à quelqu’un, de répondre à une demande des élèves et non pas d’avoir la passion des chevaux. C’est pourquoi, dans les gens que j’ai recrutés, monter à cheval c’est un plaisir, mais la passion c’est davantage dans le contact avec nos élèves et dans le relationnel qu’on l’exprime, plutôt que dans le fait d’être un cavalier. Ce qui peut poser un problème, c’est quand on est passionné par sa propre image sur le cheval et qu’on se retrouve à être enseignant parce que, du coup, le métier ne répond pas à notre passion, là les gens sont déçus et ils abandonnent. On ne peut pas faire ce métier en étant fonctionnaire. »

7Élément moteur du choix professionnel, la passion assure pourtant aux employeurs qu’effectivement les apprenti(e)s et les salarié(e)s ne se comportent pas comme des « fonctionnaires », qu’implicitement ils ne sont pas trop regardants sur les horaires qu’impose la maintenance d’un établissement équestre [voir graphique « Semaine type dans un centre équestre, p. 25]. Même sous couvert d’une convention de stage ou d’un contrat de travail, leur engagement va tacitement au-delà du strict cadre contractuel, tant du point de vue du temps de travail que de la nature des tâches à accomplir au quotidien : « On va leur demander d’avaler des couleuvres, de bosser dur, d’avoir des horaires difficiles, déclare un autre employeur de société commerciale. » Même sur le registre sportif, un dirigeant d’association raconte que « quelque part, la participation aux compétitions fait partie du bénévolat des salariés, ça fait partie de leur investissement dans le monde fédéral. On essaye de recruter des gens avec cette philosophie. Donc, ou ils sont adhérents à ça et ils ont envie d’emmener des gens ou ils disent non et du coup ils font 35 heures d’enseignement et ils n’ont pas d’équipe de compét’… »

Graphique

Semaine type dans un centre équestre

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Semaine type dans un centre équestre

Sources : Document reproduit à partir de Réseaux équins de Picardie, Pays de la Loire et Basse-Normandie, Création et conduite d’un centre équestre. Fiche technico-économique, Références (Réseau économique de la filière équine), Institut de l’élevage ? Les Haras nationaux, 2009, p. 5.

8La passion du cheval « fait homme » est alors à intégrer dans des rationalités économiques qui font plus souvent le jeu des exploitants des très petites entreprises équestres que celui des associations à fortes populations bénévoles. Au demeurant, ces dispositions au « bénévolat » acquises au cours de multiples expériences associatives constituent, dans l’intérêt de tous, une source de profits inépuisables, difficilement quantifiables et surtout rarement quantifiés. Si toutes ces conditions de formation et de travail sont consciemment acceptées par l’ensemble des stagiaires, c’est qu’elles ont pour contrepartie l’aboutissement d’un cheminement qui les mène de leurs premières expériences passionnées à l’acquisition d’un niveau de qualification et de compétences professionnelles certifiées par un diplôme.

La double sélection des stagiaires sur les marchés de la formation

9Au sein des établissements habilités par le ministère des Sports à accueillir des stagiaires, si le respect d’un certain nombre d’engagements inscrits dans les conventions de stage, dont l’assurance de proposer un minimum d’infrastructures et de cavaleries pour la mise en œuvre des contenus de formation, contribue à les hiérarchiser entre eux, il n’en demeure pas moins qu’ils se distinguent plus spécifiquement par la renommée sportive de leurs formateurs. Cette « réputation » évoquée en entretien va régulièrement de pair avec l’ancienneté dans le métier [16] et/ou l’investissement dans les instances fédérales locales ou professionnelles de régulation de la profession [17]. Avant même d’avoir pu jauger leurs savoir-faire pédagogiques, c’est aussi et surtout leur maîtrise technique qui est (re)connue de tous à travers leurs résultats sportifs. Pour le BE2 comme pour le DE ou le DES, quelles qu’en soient les mentions, l’entrée en formation et les équivalences qui dispensent de valider telle ou telle UC sont déterminées par des minima de pratiques compétitives : Corrélativement à la croissance relative des pratiques compétitives [voir tableau 1, p. 28][18], la distribution de ce capital sportif a pour conséquence de répartir les pratiquants selon les spécialités des différents centres équestres et, à tout le moins, de diviser au quotidien le travail de monte de leurs personnels. Les différentes catégories de chevaux de plus ou moins grande valeur (de propriétaire, de valorisation pour la vente, de compétition, de club, en pension ou personnel) ne sont ainsi pas accessibles à n’importe quel(le) cavalier(e), employé(e) et stagiaire. Cette valeur, économique et compétitive, des chevaux détermine ainsi les rôles de chacun à ne pas outrepasser.

Tableau 1

Effectifs et proportions de licences « pratiquant(e)s » et « compétitions » par genre et taux de croissance en % en France et Pays de la Loire entre 2002 et 2012

Tableau 1
2002 2012 taux de croissance sur 10 ans France Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total France Pratiquant(e)s 83,3 78,3 82,0 79,3 76,4 78,8 51,7 Compétitions 16,7 21,7 18,0 20,7 23,6 21,2 86,8 Effectifs 332 798 114 341 447 139 582 789 123 660 706 449 58,0 PDL Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total PDL Pratiquant(e)s 80,5 72,9 78,2 78,1 71,7 76,8 73,3 Compétitions 19,5 27,1 21,8 21,9 28,3 23,2 88,4 Effectifs 15 903 6 917 22 820 32 224 8 079 40 303 76,6

Effectifs et proportions de licences « pratiquant(e)s » et « compétitions » par genre et taux de croissance en % en France et Pays de la Loire entre 2002 et 2012

Source : Tableau réalisé à partir de la base statistique de la FFE (www.ffe.com).

10Parce que les informations sur le palmarès et le passé sportif des formateurs circulent vite, en particulier sur les lieux de concours, elles rejaillissent inévitablement sur les représentations, parfois fausses, que peuvent se faire les stagiaires de la valeur des enseignements qu’ils dispensent. « Amener en compétition les élèves moniteurs et une partie de la clientèle », comme ils disent, est alors reconnu comme un gage de qualité de l’encadrement. Le propriétaire d’un établissement commercial, BE2 [19] et ancien vainqueur en Hunter à La Baule, investi au comité régional d’équitation, en fait ainsi une question de crédibilité professionnelle [20] : « Les enseignants qui n’ont pas été sur un terrain de concours depuis dix ans, y sont complètement largués. […] La compétition, c’est la motivation de l’enseignant, ça remet en question en permanence, ça permet de ne pas rester isolé chez soi […]. J’ai beau être BE2, en haut de la pyramide, s’il y a besoin de tenir un shetland, je le fais, parce que dans nos structures il faut être polyvalent. Il faut que je puisse prouver que, dans chacun des domaines, je suis efficace. C’est pourquoi je m’accroche à faire des cours de poney. Je ne veux pas dire que c’est une simple compétence technique mais si je les prends à cheval [les stagiaires] dans le domaine purement technique et si je suis incapable de faire la performance que je leur demande, je suis moins crédible. Je pourrais l’être si j’avais un cursus d’entraîneur derrière, c’est-à-dire si tous mes élèves gagnaient les concours le dimanche, je n’aurais pas besoin de gagner en concours. » Il en va de même pour cette instructrice d’une association qui sort en concours Classique et collabore régulièrement avec des entraîneurs nationaux : « On dégringole vite si on ne pratique pas, on perd de la technique et de la crédibilité. » Sans prétendre à l’exhaustivité, cette prégnance de l’aspect technique sur la pédagogie autorise les formateurs à étalonner les élèves moniteurs qui, eux-mêmes, doivent impérativement atteindre un premier niveau de compétition pour se présenter à l’examen et, une fois en poste, encadrer a minima les pratiques sportives [21]. Le témoignage d’une stagiaire animatrice dans un centre d’aide par le travail spécialisé en activité poney, titulaire d’un Galop 6 [22] et certifiée Accompagnateur de tourisme équestre (ATE), atteste des mécanismes par lesquels se construisent des formes d’auto-sélection avant même l’entrée en formation [23] : « Plus ça allait, plus les centres “classe découverte” et “poney” prenaient des moniteurs d’équitation… Alors du coup, j’ai passé mon 7e Galop… J’avais fait un peu d’obstacle, mais j’étais en BTA donc j’étais dans le truc… le dressage ça a été, mais l’obstacle ça faisait dix ans que j’en avais pas fait […]. Fallait savoir faire un cabré retourné, girouette, pirouette… Je me disais : “Ça va pas le faire ! Je peux pas passer le monitorat et puis je peux pas trouver de boulot…” […]. Le monitorat ça ne me tentait pas du tout… ça me paraissait inaccessible parce que je n’ai jamais fait de compétition… » Or, après avoir travaillé pendant un an et demi « au black » dans une ferme équestre fraîchement créée par un couple de propriétaires non diplômés, la question du BE1 se pose de manière d’autant plus pressante que l’établissement « s’est cassé la gueule pour des raisons familiales […]. Pour entrer en formation, je me suis donc renseignée sur mes droits et puis j’ai eu des réponses du genre : “Ah, ben oui, mais si vous avez jamais fait de compétition, vous pouvez pas passer le monitorat. Il faut faire de la compétition !” »

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CET ENTRETIEN avec une directrice de poney-club a permis de repérer les principales problématiques abordées dans l’article : le patrimoine équin et sa valorisation (exploitation agricole, élevage, prestations de services associatifs), positionnements institutionnels (Fédération, Comité régional, Comité poney), la hiérarchisation technique entre chevaux et poneys, « la passion » comme problème, les concurrences entre formations agricoles, brevet d’État (ou BP) et tourisme, les dispositions au recrutement (entre autres Galops 6 et 7), la division du travail hommes/femmes, le dépassement de fonction des salarié(e)s en bénévolat en s’investissant par exemple dans la compétition.

11Même si, depuis 2003, la dimension compétitive de l’activité pour le BP n’est plus explicitement mentionnée dans les prérequis officiels, elle demeure pourtant présente à travers l’évaluation technique du « niveau équestre professionnel du candidat ». En ce sens, la « dé-sportivisation » ou la « dé-technicisation » du BP correspond à ce qui se pratiquait à l’entrée en BE1 où des points de bonification étaient alloués à celles et ceux obtenant, individuellement ou par équipe, des résultats en compétition nationale et à la sortie où l’examen final comprenait une épreuve orale dont l’un des thèmes portait sur l’évaluation de « l’esprit sportif » des candidats. L’aspect compétitif est également spécifié dans son référentiel de certification qui favorise, malgré tout, la minorité de cavaliers et cavalières qui sortent en concours, ne serait-ce que pour la gestion du stress le jour de l’examen. Le nombre de BE2 formés jusqu’en 2003 [24] et la concentration de 84 % de stagiaires dans la mention Équitation du BP tendent, encore aujourd’hui, à reproduire en partie cet ordre sportif [25]. Cette hiérarchie engendre par là même une concurrence entre offres de formation dont l’économie constitue une ressource non négligeable.

12La sélection des stagiaires se fait également par l’économie dans la mesure où au-delà d’une « Charte de qualité immersion professionnelle » et d’une « Charte régionale de qualité », les habilitations délivrées en 2002 par la DRJS [26] à la vingtaine d’établissements équestres des PDL les autorisent à déterminer plus ou moins arbitrairement le prix d’une formation. Pouvant s’étaler de 12 à 24 mois, pour un volume horaire de 1 630 heures ou de 2 200 heures selon les modalités respectives d’agrément de Jeunesse et Sport ou du Conseil régional, le prix moyen de la formation, hormis celui du stage de « pré-qualification » (92 €), se situe aux alentours de 400 € en moyenne par mois, même s’il varie en fonction des publics à former (demandeurs d’emploi, salarié(e)s, apprenti(e)s) et des conditions équines d’apprentissage (accès aux chevaux plus ou moins adaptés aux épreuves d’examen) [27]. Viennent s’y ajouter les frais d’hébergement, de restauration, le prix de la pension des chevaux des stagiaires, également variable et souvent dégressif (230 € par mois), et celui des inscriptions en compétition (hors logistique). En PDL, troisième région dénombrant le plus de formations en 2009, le coût moyen est de 8 000 € sur 14 mois, hors prestations connexes. Au regard des charges qui pèsent sur eux – les établissements de la région accueillent, en moyenne, une cavalerie de plus d’une trentaine d’équidés et un tiers en a à gérer au moins une quarantaine –, l’économie du BE1 (1 400 stagiaires en 2006), mais aussi des formations fédérales [28], est devenue l’un des plus sûrs moyens de stabiliser financièrement son établissement.

Les concurrences invisibles des socialisations scolaires et des sociabilités professionnelles

13Si du côté des établissements, l’économie des formations et le capital sportif des formateurs structurent le marché de son offre, du côté des stagiaires autant l’entrée en formation demande des pré-acquis officiellement inscrits dans les textes, autant elle exige des prérequis beaucoup moins explicites. En l’occurrence, le profil scolaire avant l’entrée en formation « spécifique » du BE1 est un des éléments déterminants quant au choix maîtrisé d’un établissement d’accueil [29]. Ainsi, les stagiaires issus des cursus agricoles ont des clés de compréhension et d’action sur et dans le monde équestre que n’ont pas ceux qui ont suivi une filière générale. À la fois par le réseau de relations de tuteurs qu’ils y ont tissé en stage et les savoirs agricoles acquis, en particulier l’élevage et la commercialisation animale, le rapport à la formation et à la profession n’est pas le même : « Le monitorat ça va être un plus, ça va permettre de donner des cours pour avoir un revenu en plus tous les mois et à côté je veux faire de l’élevage car c’est ma passion, vendre mes produits, faire du renouvellement de cheptel. […] Mes parents m’ont laissé le choix des études [30]… ils voyaient que ça marchait, tandis qu’en 3e j’avais 6 de moyenne ! ». Quand les diplômé(e)s agricoles entrevoient ainsi le BE1 comme complément à leur expertise, d’autres ont une vision à plus court terme de leur carrière : « Je vais pas faire ça toute ma vie. Je ne me vois pas à 40-45 ans dans une carrière avec pluie battante ou avec 45 degrés à l’ombre, à faire des cours jusqu’à la fin de ma vie. […] J’en profite d’être encore jeune pour reprendre des études [elle les a arrêtées en 1ère année de psychologie après le bac]. J’vais essayer le concours du ministère de la Culture pour m’occuper de patrimoine architectural. […] Et puis au niveau financier, l’équitation [sous entendu l’enseignement et non pas l’élevage], c’est comme tous les métiers passion, ça ne paie pas. Mes parents [père médecin et mère secrétaire de mairie] étaient contre parce que c’est un métier à la con où on ne gagne rien, où on se crève pour pas grand-chose ». Sans pour autant la vivre et la dénoncer comme telle, la valorisation de ressources scolaires agricoles reconnues sur les marchés de la formation, qui se poursuit sur celui du travail, engage des concurrences invisibles et une distribution des individus des moins aléatoires.

14Ce n’est ainsi pas tant une « connaissance du milieu professionnel », comme le soulignent explicitement les textes officiels du BE1, que celle de connaître des « professionnels du milieu », au sens de monopole, de centralité et de fermeture, qui est implicitement demandée. Le sort réservé à l’une des stagiaires interviewées, au niveau compétitif très faible (trois ans de 5e catégorie sans victoire), confirme les difficultés à poursuivre sa formation et à mener à terme son projet professionnel ; d’autant qu’en le finalisant elle en vient à représenter une concurrence potentielle pour les établissements équestres établis de longue date à proximité de chez elle :

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Fille de directeur régional d’une firme pharmaceutique de renom et d’une mère diplômée en biologie, qui revendique « ne pas être du milieu » tout en étant devenue « éleveur », la connaissance des « professionnels du milieu » et les jugements qu’elle leur porte sont fondés sur ses expériences de stages en « bac pro » puis en brevet de technicien supérieur en « production animale ». Alors que son ATE ne lui permet plus d’encadrer en toute autonomie, obligeant sa mère à embaucher un guide de tourisme équestre, elle entreprend de passer un BE1 « pour, dit-elle, changer les choses… ». La réussite au BE1 constitue donc une étape décisive dans la poursuite de l’entreprise familiale : « On vient tout juste, avec ma mère, de comprendre à peu près quelles étaient les personnes à qui on pouvait faire confiance… et les autres, c’est ceux qui font tourner le système… donc y a aucune chance de s’en sortir, si on veut suivre, il faut faire comme eux. »
La définition qu’elle donne de l’activité équestre prend le contre-pied de ce qui, d’après elle, se fait dans la majorité des autres établissements du coin : « Eux proposent des cours et éventuellement des balades. Nous, on commence par de la balade… on veut faire le système inverse… les élèves doivent se rendre compte par eux-mêmes que pour évoluer dehors on n’est pas obligé de faire deux ans de cours pour faire une petite balade ! » Cette formule permet à l’entreprise familiale de doubler son chiffre d’affaires en deux ans, « que [par] du bouche-à-oreille », et à la fois contribue à dégrader très vite ses conditions d’apprentissage. Le logement et la nourriture sont plus que rudimentaires et les heures de travail s’accumulent au détriment des temps de formation : « Les gens y nous prennent pour moins bien qu’eux… ils se disent : “Toi, t’es qu’un stagiaire. Tu vas apprendre, mais faut pas apprendre trop vite non plus, etc.” Un moment, y a saturation. […]. Ils vous détruisent en vous disant que vous êtes… vraiment nulle… de la merde, pour être sûr que vous leur preniez pas leur place après. »
Poussée à bout, elle rompt d’un commun accord sa convention après six mois de formation, estimant qu’elle n’aura jamais le niveau nécessaire pour passer six mois plus tard l’examen [31]. Elle se résout alors, par l’intermédiaire d’un « ami à Jeunesse et Sport », à prospecter des centres de formation en dehors de son département de résidence où elle dit connaître « quand même pas mal de monde et y sont tous pareil ici… »

16Cet exemple paradigmatique montre à quel point, pour augmenter les chances d’aller au bout de sa formation, il ne s’agit pas tant de connaître les « professionnels du milieu » que de se soumettre à l’ordre sportif (voire compétitif), professionnel et économique local qu’ils instaurent : « C’est un vrai panier de crabes dans les Pays de la Loire, raconte cet autre stagiaire. » Cavalier compétiteur « par nécessité », d’un père kinésithérapeute cavalier lui-même (éperon d’argent), il est renvoyé de son collège en classe de 5e, passe un BEP Activités hippiques, entraînement cheval de compétition au CFPPA de Laval et intègre le lycée expérimental de Saint-Nazaire. Après avoir été renvoyé pour absentéisme, il s’inscrit en candidat libre en bac pro production du cheval et l’obtient avec mention AB : « Le milieu est tellement petit qu’à partir du moment où tu te fais griller chez un employeur, le mot passe tellement vite que tu te fais griller sur toute la région pour tout et n’importe quoi… comme fainéant chez untel, parce que tu t’entends pas avec untel chez l’autre… Les gérants se connaissent tous. Ta réputation est vite faite quand ils te demandent où tu étais en formation ! » Les figures inédites et potentiellement concurrentielles du travail d’encadrement et de formation permettent d’appréhender, dans le même temps, les mécanismes par lesquels le turn-over en vient à se justifier de lui-même par des formes d’incompétences qui résultent moins d’une évaluation rationnelle des savoirs, savoir-faire et savoir-être acquis et en cours d’acquisition que d’une désignation d’employeurs menacés économiquement et professionnellement.

Produire de l’incompétence pour un marché de l’emploi instable et sur-féminisé

17Malgré l’application de la TVA à 5,5 % à toutes les activités équestres, puis à 7 % en 2012 ré-évaluable début 2014 [voir l’article de Ouest-France, p. 35], la stabilité financière des établissements n’est, en effet, pas systématiquement assurée [32]. La moitié existe depuis moins de dix ans et seuls 11 % existent depuis plus de vingt ans, en particulier les associations les moins employeuses (hors contrats aidés). Alors que sur dix ans (de 2002 à 2012), le taux de croissance des établissements commerciaux est près de cinq à six fois supérieur à celui des associations, en France comme en PDL (soit 57,8 % et 68,4 %), que ceux des licencié(e)s atteignent respectivement 57,8 % et 77,9 % malgré un turn-over non négligeable [33] et celui des diplômé(e)s 74,1 % [34], le volume des emplois n’a progressé que de 25 % entre 1999 et 2008 [35]. La proportion de contrats de travail à durée déterminée est sept fois supérieure à celle des actifs en France (55 % contre 7,6 % en 2003) et la part des contrats à durée indéterminée presque deux fois inférieure à celle des autres secteurs (45,8 % pour 86,9 % [36]). 67 % des contrats y sont à temps plein, pour un taux moyen régional de 68 % et national de 76,6 % [37], dont environ un quart pendant la saison estivale. Un tiers est à temps partiel et la moitié sous forme de contrat d’apprentissage, d’aide à l’emploi ou d’insertion. Les trois quarts des établissements n’emploient, tout au plus en moyenne, que deux à trois salarié(e)s. Enfin, les ressources financières contribuant à la pérennité de ces emplois sont issues de l’activité « poney », en pleine expansion depuis la fin des années 1980. Alors que les taux de croissance des licencié(e)s Poney et Tourisme, entre 1992 et 2001, sont de 240 % (en effectifs de 53 622 à 182 391) et de 82,4 % (de 25 000 à 45 601), celui du Cheval (i.e. des Sports équestres) n’est que de 28,2 % (159 521 à 204 506). Monopole féminin, cet ascendant demeure sur la décennie suivante [voir tableau 2, p. 33].

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CET ARTICLE DU QUOTIDIEN Ouest-France rappelle combien la fiscalité pèse indistinctement sur les différents secteurs de la filière équestre.
Anaïs Guérard, « Les centres équestres se font des cheveux », vendredi 16 août 2013. © Ouest-France.
Tableau 2

Effectifs des licences « Poney », « Tourisme » et « Cheval » et taux de croissance par genre en % en France et Pays de la Loire entre 2002 et 2012

Tableau 2
En France taux de croissance sur 10 ans taux de croissance sur 10 ans Femmes Hommes Eff. 2002 Eff. 2012 France Poney 102,5 17,9 193 303 335 422 83,9 Tourisme 105,3 26,8 49 698 88 642 78,4 Cheval 40,9 -5,3 204 138 262 385 28,5 Total 75,1 8,2 447 139 706 449 58,0 En PDL taux de croissance sur 10 ans Femmes Hommes Eff. 2002 Eff. 2012 PDL Poney 127,8 27,2 10 745 22 003 104,8 Tourisme 130,9 26,5 2 858 5 249 83,7 Cheval 60,9 4,7 9 217 13 051 41,6 Total 102,6  16,8 22 820 40 303 76,6

Effectifs des licences « Poney », « Tourisme » et « Cheval » et taux de croissance par genre en % en France et Pays de la Loire entre 2002 et 2012

Source : Tableau réalisé à partir de la base statistique de la FFE (www.ffe.com).

18Ainsi, la fragilité latente des emplois, leur taux de rotation, le turn-over de la clientèle, la massification et la sectorisation des pratiques à la défaveur des Sports équestres en viennent régulièrement à bousculer, au gré des situations, la conception dominante du métier de moniteur(trice). Même si, au tournant des années 2000, le projet de réforme du BP prend en compte ces transformations, les discours abordent déjà cette problématique par le biais de la stigmatisation de comportements considérés comme « désajustés » à ce qui est attendu en apprentissage ou dans l’exercice du métier. Les formes d’illégitimité professionnelle observées sur le terrain portent ainsi principalement sur les capacités d’« auto-évaluation » des stagiaires dans leur rapport au travail, sur le rejet de l’animation comme pédagogie à part entière, autant lié au succès commercial du poney qu’à une sorte « d’indignité » pédagogique et compétitive de ses futurs encadrants, et enfin sur les obstacles récurrents dans le recrutement de personnels « compétents ».

19Quel que soit l’endroit où les stagiaires reçoivent la formation, leur mise à contribution pour des tâches, disent-ils, « contraignantes » se révèle incontournable. Malgré un avenant à la convention collective les préservant de toutes formes d’exploitation [38], les enjeux de survie économique prennent régulièrement le pas sur les finalités pédagogiques de l’apprentissage. Non seulement ces sortes d’« obligations » consenties leur sont imposées mais, lorsqu’elles ne remplissent pas les attentes des employeurs ou n’émergent pas « d’initiatives personnelles », elles sont assimilées à de l’incompétence : « J’étais pas d’accord avec ce qu’ils faisaient [pédagogiquement], raconte ce stagiaire. Fallait pas trop en parler… parce que c’était chez eux. […] On avait le droit de donner son avis, mais il était pas forcément suivi. Ça pouvait soit être bénéfique, soit aussi on pouvait se tromper… On savait pas trop à quoi s’en tenir. Moi, j’osais plus prendre d’initiatives, si on en prenait et que c’était pas les bonnes… Mais, par contre, quand on n’en prenait pas non plus, ben… soit disant on était inadapté au milieu du cheval. Ils arrivaient à nous tenir un petit peu sur les deux points. » Le recours aux arguments d’incompétence s’amplifie avec la récurrence de situations dénonçant l’empiètement des charges de travail sur les temps d’apprentissage les plus profitables. Sous couvert du discours assénant que « c’est le métier qui rentre » et que « ça se passe comme ça dans tous les centres », les stagiaires sont nombreux à se voir imposer des responsabilités pas toujours couvertes réglementairement comme c’est le cas pour les gardes du week-end. L’exploitation d’une main-d’œuvre corvéable à merci sert aussi à justifier d’autres (in)compétences (résistance au mal et au rythme effréné des heures de travail, polyvalence, disponibilité, etc.) relativement éloignées de ce qui est évalué le jour de l’examen : « C’est une génération [de stagiaires] qui ne sait pas comment tenir physiquement un balai et une fourche. Tenir une fourche avec les mains écartées pour porter un poids, c’est un apprentissage qui est normal chez quelqu’un qui a une formation agricole ou qui sait manier des outils. Mais il y a un très net recul de la population qui a cette compétence… » déplore cet instructeur-directeur de club. Sur d’autres terrains d’enquête, on retrouve cette même idée dans les propos d’un dirigeant-enseignant « chevronné » de centre équestre : « Un bon enseignant, s’il n’est pas avant tout un bon palefrenier, ça ne sera jamais un bon enseignant, parce que si on ne connaît pas bien l’outil de travail, on saura jamais bien s’en servir » [39].

20Pour les tenants de l’orthodoxie équine, que représentent les formateurs du Cadre Noir de Saumur où se déroulent les épreuves « spécifiques » des BE1 et 2 (BP-DE-DES) des PDL, l’illégitimité professionnelle est justement liée à la diversification et à la commercialisation de l’offre équestre : « Aujourd’hui, on parle d’“enseignant/animateur”, regrette cet écuyer de l’ENE. Il y a le mot “animateur” derrière… le BE1 qu’on formait il y a 25 ans passait peut-être 50 à 60 % à cheval. Aujourd’hui, il passe beaucoup moins de temps parce qu’on lui demande à côté tellement de choses que la convention collective décrit comme des fonctions de bases : enseignement, accueil, gestion, valorisation des chevaux et animation. […]. Il y a une baisse de niveau technique général en France qui est due au développement du poney qui se dresse facilement et est peu monté… donc certains se sont dit qu’ils n’avaient pas besoin d’un très haut niveau technique pour rentrer de la clientèle et faire de l’initiation poney. » La dévalorisation technique des détenteurs du BE1 et plus encore du BP constitue un argument pour les travailleurs des Sports équestres, amateurs comme professionnels : « Le monitorat, ça ne sert à rien et en plus, les trois quarts c’est des incompétents ! Regarde les moniteurs, aujourd’hui, ils ont à peine le niveau “Galop 5” ! Si y’a un cheval qui va mal avec un cavalier, ils sont incapables de poser leur cul dessus ! […]. Pour trouver une place de moniteur, déjà, il faut y aller et si on n’a pas les parents pour investir derrière ou une réputation monstrueuse au niveau compétition, ce n’est même pas la peine, ça sert à rien le monitorat, ou à finir par croupir, à faire la merde dans une petite structure, à faire tourner des shetlands [petits poneys] en rond, super ! » [40] Ce que rejette cette directrice de ferme équestre, BE2 compétitrice de niveau régional, présidente du comité fédéral du poney, issue d’une famille d’éleveurs de chevaux de course et localement pionnière dans la création d’un poney-club d’une cinquantaine de montures : « Il y a une séparation très nette entre les gens qui touchent aux poneys et ceux qui touchent aux chevaux. On ne se parle pas. Certains pensent qu’ils pratiquent un sport noble, que le poney est une “sous-équitation”, mais on fait une chose plus porteuse au niveau commercial, alors que les techniques équestres sont les mêmes. […] C’est le seul sport où les hommes et les femmes se battent à totale égalité. On est dans les mêmes épreuves, avec les mêmes chevaux et les mêmes barèmes. Les garçons sont cependant plus compétiteurs [deux de ses équipes masculines sur shetlands ont participé au championnat de France], alors que les filles ont un contact plus doux, meilleur avec les chevaux. »

21À cette stigmatisation technique s’ajoutent d’autres discriminations qui se manifestent au quotidien dans les discours des unes et des autres : « Dans le milieu poney, poursuit-elle, la parité [dans les instances] est beaucoup mieux représentée que dans le cheval. Dans le milieu du cheval, ils ont du mal à élire des femmes et à penser qu’on puisse avoir un cerveau qui s’utilise comme celui des hommes. » Eux rappellent que « pour faire un métier de paysan, les minettes c’est moins efficace, ça marche pas forcément… et si c’est le cas c’est des garçons manqués », qu’il faut être « robuste » sinon s’orienter vers des secteurs qui demandent de la « finesse » et où prime « le côté important de la petite enfance avec une relation plus maternelle, le côté amour de l’enfant sous-jacent chez les femmes ». La fréquence et la récurrence de ces discriminations sont relatives à un espace de pratiques sur-féminisées et un espace de décisions sur-masculinisées où, dans les institutions, comme dans les compétitions, les formations et les certifications, « la structure des écarts [entre hommes et femmes] se maintient » [41]. Malgré l’augmentation significative de la population de compétitrices [voir tableau 3, p. 34], les femmes sont proportionnellement toujours plus nombreuses à sortir en concours aux niveaux les plus bas. La sur-féminisation des flux d’entrée dans la pratique et en formation se répercute mécaniquement dans l’encadrement, en particulier en accompagnement et animation poney. Elle l’est, dans une moindre mesure, en enseignement où la mixité des postes est de mise et les enjeux de légitimité professionnelle plus exacerbés. En 2008, 75 % de stagiaires et d’apprenti(e)s en formation sont des femmes et 53 % des salariés le sont aussi [42]. Si seulement 28 % de l’ensemble des BE1 sont délivrés à des femmes, ils le sont à 70 % dans la spécialité « équitation » [43]. Cette sur-féminisation des diplômes, à l’échelle nationale comme à celle des PDL, touche essentiellement les premiers niveaux (IV et V), laissant le niveau II occupé par une majorité d’hommes. Seuls 15 % des diplômés du BE2 en 2000 sont des femmes, 14 % trois ans plus tard [44]. Sur les 36,5 % de dirigeantes d’établissements, 29 % sont à la tête d’une association et 42 % d’un organisme commercial. Enfin, la FFE est la seule fédération qui compte le pourcentage d’élues le plus faible au prorata du nombre de ses licenciées, soit 29,6 % pour 72,7 % de cavalières en 1999 (16,4 % en 2004) [45].

Tableau 3

Effectifs et proportions de licences des catégories de compétitions « Professionnels », « Amateurs » et « Clubs » par genre et taux de croissance en % en France et Pays de la Loire entre 2002 et 2012

Tableau 3
france taux de croissance sur 10 ans 2002 2012 France France Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total Professionnels 1,4 9,5 3,9 0,9 6,6 2,0 40,1 -17,8 -3,1 Amateurs 33,8 43,7 36,8 18,2 32,9 21,1 17,6 -11,3 7,0 Clubs 64,8 46,8 59,3 80,8 60,5 76,9 171,3 52,0 142,3 Effectifs 55 516 24 758 80 274 120 781 29 148 149 929 117,6 17,7 86,8 PDL Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total Professionnels 0,9 9,9 4,3 0,9 6,8 2,3 117,2 -15,7 2,3 Amateurs 30,1 39,9 33,8 16,7 33,4 20,8 26,5 2,3 15,7 Clubs 68,9 50,2 61,9 82,4 59,8 76,9 173,2 45,5 134,1 Effectifs 3 095 1 873 4 968 7 071 2 289 9 360 128,5 22,2 88,4

Effectifs et proportions de licences des catégories de compétitions « Professionnels », « Amateurs » et « Clubs » par genre et taux de croissance en % en France et Pays de la Loire entre 2002 et 2012

Source : Tableau réalisé à partir de la base statistique de la FFE (www.ffe.com).

22Contrairement à ce qui s’observe sur d’autres segments féminisés du marché de l’emploi [46], la sous-masculinisation du sas de formation et du salariat demeure ici une problématique à résoudre d’un point de vue institutionnel. Le recrutement de salariés de sexe masculin, insuffisants en nombre en amont et en aval du marché du travail, pose manifestement problème pour satisfaire la demande équestre, comme l’explique ce dirigeant d’établissement commercial : « Idéalement, je cherche un homme, de préférence célibataire, avec 3-4 ans d’expérience, qui ait la motivation pour l’enseignement. J’ai cherché au niveau national, j’ai eu trois ou quatre appels, c’est tout. Pour nous, le bon profil, c’est une population rurale… ou le petit chasseur, des fils d’artisans qui ont bossé avec leur père… J’en ai eu un. Qu’il pleuve, qu’il vente, il prend ses bottes et il sort… S’il faut traverser les ronces, il le fait. » Ici, la double discrimination, sexuelle et professionnelle, se traduit tel un manque de sens pratique régulièrement stigmatisé et interprété en termes d’« inaptitudes ». Productions sociales sous contraintes (économiques, symboliques et techniques), les multiples formes d’incompétences évoquées en cours d’enquête justifient du même coup tout le travail de sélection informelle des stagiaires et des futurs salarié(e)s à l’aune de l’érosion de leur passion et, par conséquent, la nécessité d’aspirer de nouveaux stagiaires pour alimenter l’économie des établissements et les déperditions du marché du travail.

Une survie professionnelle sous conditions sociales et affectives

23Si l’imbrication de ces premières explications permet d’entrevoir en quoi elles favorisent les conditions d’un turn-over aussi persistant, la relative pérennisation des emplois admet un ultime éclaircissement, et non des moindres. Reconsidérant la chaîne de sur-féminisation des publics et des pratiques, de la monte à celle des métiers de l’encadrement, la survivance des postes semble aussi liée à des conduites faisant appel à d’autres atouts ou propriétés sociales que les seuls savoirs, savoir-faire et savoir-être acquis sur le tas, puis en formation, ne peuvent complètement compenser. Plus précisément, aux formes d’illégitimités professionnelles s’ajoutent des formes d’illégitimités sociales. Les propos des élèves moniteurs et monitrices sur leur avenir ont fini par livrer l’un des mécanismes sociaux les plus sous-jacents d’une insertion pérenne tenue à trois alternatives exclusives : s’inscrire dans des perspectives matrimoniales d’homogamie et/ou de mobilisations familiales [47], rester dans le célibat ou s’auto-exclure [48].

24Il n’a ainsi pas été rare de s’entendre dire, au gré de l’avancement des recherches, que tel dirigeant « emploie », sur le modèle d’activité participatif d’aide familiale [49], son épouse à des tâches administratives ou encore que tel couple se partage les activités d’animation et d’enseignement dans le même établissement – l’élevage demeurant le plus souvent une « affaire d’hommes ». La situation inverse est plus rare tant la division sexuée du travail est prégnante et l’emprise masculine des postes les plus prestigieux importante. La fiche conseil « RÉFÉrences de création d’un établissement » rappelle à cet égard que le « conjoint collaborateur ne peut prétendre à une rémunération de son travail les premières années » [50]. Nous avons pourtant appris qu’une animatrice poney a été recrutée par son époux, que cette autre monitrice avait récemment officialisé sa relation amoureuse par des fiançailles avec son employeur. Si bien que, selon les stagiaires, « dans la région, les enseignantes sont mariées à des enseignants ou à des gens qui travaillent dans les centres équestres… » Par le truchement de possibles unions matrimoniales, des couples se forment dès l’entrée en formation autour du projet commun de « monter sa propre affaire » : « Nous on est à deux, c’est vrai qu’on est plus forts, on essaie de trouver le mieux pour nous. » Quand bien même, le fait de vouloir passer le BE2 pour devenir soi-même formateur ou de cibler des niches d’activités subventionnées comme l’équithérapie ou la réinsertion, la perspective la plus motivante, la plus valorisante et la plus rentable de s’installer à son compte, ne peut, dans la plupart des cas, se passer d’importantes ressources familiales [51] comme l’explique ce stagiaire qui, sans réseau local et à court de moyens financiers pour continuer par le CNED son cursus sport-étude au lycée équestre de Conches en classe de première [52], sait que son insertion professionnelle sera compliquée : « Il faut être pistonné… Moi, avec mes propres moyens, sans personne dans le milieu, c’est très dur… ou alors, il faut être très très fort en compet’ […]. Monter une structure, c’est facile, la gérer c’est plus compliqué. En plus, c’est un milieu où on casse par derrière. » À l’inverse, cette élève monitrice explique que l’obtention du BE1 a pour principale finalité de garantir la qualité des services offerts au sein de l’établissement équestre entièrement financé par ses parents et attenant à leur résidence principale. Cet autre moniteur, fraîchement breveté, a lui entrepris de reprendre ses études en économie et gestion en vue d’ouvrir un établissement sur les fonds et le terrain que ses parents comptent mettre à sa disposition :

25

Âgé de 22 ans et diplômé depuis un an au moment de l’entretien, il sait que son BE1 est nécessaire mais non suffisant pour s’inscrire durablement dans la profession d’enseignant. Sa pratique précoce de la compétition, l’obtention express de ses sept Galops et l’ancrage professionnel et amoureux d’une sœur aînée, elle aussi BE1, employée dans l’établissement équestre de son conjoint, finissent par le convaincre d’en faire sa profession. Après son baccalauréat, il intègre la filière universitaire STAPS [53], la même que ses parents, tous deux professeurs d’éducation physique et sportive. En échec en première année, il décide de se réorienter vers le BE1 tout en sachant qu’être « enseignant d’équitation c’est pas être cavalier. Première chose, c’est donner des cours et puis toutes les petites tâches un peu ingrates, faire les boxes s’il n’y a pas de palefrenier, passer le balai, faire de l’accueil. Naturellement, on monte à cheval quand on est enseignant, mais c’est pas l’objectif. » Lucide sur les réalités du métier grâce à une expérience associative intense et un large réseau de relations, il décide de reprendre des études d’économie et de gestion au CNAM soit pour anticiper une sortie précoce soit pour finaliser le projet familial : « Avant de rentrer en formation, j’étais très clair avec moi, je savais que je ne serais pas moniteur toute ma vie, c’est par rapport aux exigences du métier et au salaire, pour moi on peut pas vivre trente ans dans le milieu à fond. »

figure im8
UN CENTRE ÉQUESTRE FAMILIAL. Cet établissement est une société commerciale gérée par un couple. Le mari s’occupe de l’élevage de chevaux. Sa femme et sa fille, diplômées d’État, sont toutes deux monitrices. Ils accueillent des cavaliers de l’initiation à la compétition, font de la balade et des journées de stage. Les infrastructures regroupent deux manèges (un intérieur et un extérieur), une carrière éclairée, 23 box, plusieurs stabulations poney, deux selleries, un club house et des paddocks. Les poneys et chevaux peuvent y être accueillis en pension ou demi-pension et être régulièrement sortis.
Dépliant publicitaire du Centre équestre du Bois Brûlé, Basse-Goulaine, Loire-Atlantique.

26Au même titre que les soutiens familiaux, les perspectives matrimoniales euphémisent, dans un premier temps, la confrontation brutale aux conditions de formation puis au marché du travail. Elles ont permis, par exemple, de dissiper des tensions liées à l’inadéquation des conditions de formation aux objectifs de l’examen final entre les stagiaires et un formateur tout juste recruté dans un centre équestre localement réputé : « Je me sentais exploité par rapport à quelque chose qui ne m’apprenait rien, déplore ce stagiaire résigné… Je paye pas pour faire les boxes […]. C’est Lucie qui a hurlé la première !

27– Les autres ne connaissaient pas Wilfried, renchérit- elle. Moi, je suis plus investie dans le club parce que je sors avec le fils du proprio. Je connais le club depuis hyper longtemps et je voulais pas que ça tourne mal… J’aurais pas osé en parler sinon. »

28À terme, la (dé)stabilisation économique des établissements en vient à être suspendue aux variations des relations affectives de et entre leurs employeurs et/ou employé(e)s. Cette fragilité, et parfois celle des conditions de formation, n’en devient que plus aléatoire comme le déclare un ancien BE2 reconverti dans le commerce d’articles de sports : « Les propriétaires de cette petite structure [ses employeurs de l’époque] ont divorcé, donc ils ont partagé les biens et le centre a fermé. Là je me suis dit : “J’en ai marre de ces structures équestres qui ne tiennent pas debout”. » Sans exclure donc les ruptures et les divorces, le maintien de l’homogénéité du marché matrimonial vise non seulement à préserver un patrimoine équin, immobilier, matériel, économique et symbolique constitué ou hérité [54], mais aussi à reproduire les conditions de survie professionnelle.

29En l’occurrence, la coupure avec le monde ordinaire se réalise si fortement dans des temporalités socioprofessionnelles inversées qu’il devient difficile d’appréhender son avenir en dehors du monde équestre, comme l’exprime ce stagiaire : « On est vachement refermé sur notre univers. […] On fait pas comme les autres jeunes, le week-end on va pas dans les boîtes de nuit et dans les bars. On n’a pas trop d’amis extérieurs. » Cette autre monitrice célibataire raconte qu’« en équitation, c’est le désert [masculin], et puis on n’a jamais le temps. Nos horaires sont incompatibles avec une vie sociale normale [55]. » Le choix du conjoint, d’autant plus confronté à d’impossibles alliances, est subordonné aux enjeux économiques et organisationnels liés aux capacités d’absorption des charges de travail : « C’est pas évident de se marier avec quelqu’un de l’extérieur, avoue cette élève monitrice… se marier avec quelqu’un qui n’est pas dans le monde de l’équitation, pour une fille, c’est… parce que quelqu’un qui accepte tout ça !… » Pour faire face au nombreux public féminin à encadrer, les difficultés des employeurs à recruter un BE1 masculin, qui plus est célibataire, présupposent qu’un tel emploi demeure inconciliable entre ce qui relève d’une part du travail et de l’autre de la famille : « C’est le décalage entre la vie de famille et cette profession, confirme ce moniteur, devenu directeur d’établissement professionnel. Les enfants c’est les samedi, dimanche et mercredi, et c’est là où on travaille quand même le plus. C’est un problème spécifique à notre métier. Quand les femmes sont jeunes ça ne pose pas de problème, mais quand on va plus loin dans la vie affective, là c’est… c’est quelque chose qui n’est pas dit mais ça pèse, mois après mois, année après année. » Ce que confirme cette directrice d’association communale qui a bien conscience de faire des « sacrifices financiers et personnels » pour « mener de front le centre équestre, être instructrice et m’obliger à aller en compétition pour me remettre au niveau […]. L’autre inconvénient, c’est que du coup j’ai pas d’enfant… [silence]. C’est très difficilement conciliable avec une vie de famille, avec des enfants tout de suite. […] Les concours [elle sort en Pro élite 2 étoiles], c’est une vitrine pour le club, du coup ça ramène des propriétaires, ça me donne de la crédibilité. […] Ma vie c’est ça. Soit je trouve quelqu’un qui l’accepte et qui vit ma passion, soit ça ne peut pas aller [son mari, compétiteur amateur, juge arbitre et vice-président de l’association la groome sur ses concours [56]]. » Si les modalités de capitalisation de toutes les formes de qualification et certification dépendent plus souvent de mobilisations familiales pour les plus pourvus en capitaux sociaux et économiques, et de perspectives matrimoniales pour les plus pourvus en capital scolaire, en particulier agricole, elles le sont d’autant plus pour les femmes sur un marché de l’emploi caractérisé par une activité cumulant travail et « obligations familiales », voire un « sur-chômage toléré » [57].

30Sans nul doute, la passion équine est le carburant de l’économie équestre. Elle l’est à la fois pour les pratiquant(e)s, pour les stagiaires en formation et pour les professionnel(le)s de l’encadrement. Sur fond de renouvellements réguliers, cette économie demande à refaire le plein de passions de différentes natures et à des instants particuliers des cycles de vies équestres. Si la passion du (de la) jeune cavalier(e) s’avère plus souvent éphémère, celle des stagiaires est plutôt mise à l’épreuve des réalités économiques des établissements dans lesquels ils sont formés et celle des employeurs constitue un des leviers de sélection de salarié(e)s qui ne se méprennent pas sur les finalités commerciales de l’activité. Les stratégies de progressions professionnelles récurrentes qui ont pour objet de monter sa propre affaire, de coupler l’enseignement à de l’élevage et/ou de passer le BE2 pour devenir soi-même formateur en sont d’autant plus affirmées. Pour autant, si chacune de ses perspectives professionnelles est respectivement soumise à des exigences économiques, à la détention d’une formation initiale agricole et à un bon niveau de compétition, elles le sont aussi sous d’autres conditions allant moins de soi.

31Le turn-over des enseignant(e)s ne s’explique, en effet, pas seulement au regard des conditions de travail si difficiles soient-elles et des difficultés à se construire une identité professionnelle. Il s’agit également, dans cette « traversée des frontières » [58] sociales, de penser la quête parallèle d’ancrages conjugaux et familiaux. Comme tout marché du travail, l’insertion professionnelle demande a minima une expertise certifiée, mais plus singulièrement ici la concentration et la combinaison d’un capital spécifiquement équestre, sorte de capital social « interne » par lequel, sans parfois même le savoir, le prévoir, ni le dire, les stagiaires ont tout intérêt à trouver l’âme sœur. En rien explicites, ces conduites permettent, par ailleurs, d’assurer un investissement sans limite de chacun(e) dans une configuration professionnelle où l’unité domestique correspond à la forme d’organisation économique la plus adaptée aux nécessités de ce type d’activités et où la passion transcende la simple gratification d’un salaire [59], tout comme les formes d’exploitations observées. Sans ces mobilisations connexes, qu’elles soient matrimoniales et/ou familiales [60], les probabilités de survie professionnelle demeurent relativement difficiles.

32La différenciation des finalités, valeurs et usages attribués à la formation mérite alors de se lire à l’aune de la structuration économique et sociale des emplois au regard des perspectives matrimoniales et projets familiaux de celles et ceux qui s’y installeront définitivement. Les déficits en héritages financier et patrimonial et/ou en capital social équestre, qu’il soit amical, familial, professionnel, sportif, voire compétitif, en viennent alors à être perçus ou ressentis comme autant d’« incompétences sociales » au sujet de travailleurs jugés « défaillants » [61]. Ces mises à l’écart attestent ainsi de rapports de force économiques (l’accès discriminant aux chevaux performants par exemple [62]), sociaux (l’inégalité dans la division sexuée du travail équin et fédéral) et symboliques (à travers les palmarès sportifs ou les responsabilités institutionnelles) spécifiques aux marchés de la formation et du travail qui, pour le reste, ont tout intérêt à demeurer les plus ouverts possible. Quelles qu’en soient les raisons, ceux et surtout celles qui ne peuvent s’appuyer sur ces stratégies finissent par subir une « déconstruction du monde du travail » [63] qui les pousse à démissionner. Et si de prime abord les femmes sont les plus touchées par cette « déconstruction » inavouable, et plus souvent inavouée, c’est parce que, contrairement aux hommes qui subissent tout autant l’ordre équestre dominant, la sur-féminisation des pratiques équines augmente les probabilités qu’elles s’engagent plus fréquemment en formation.

33L’ensemble de ces conclusions sont d’autant plus valides qu’elles s’appliquent à un univers où les intérêts à absorber les flux de formation par turn-over et à financer indirectement l’économie équestre par les politiques territoriales d’insertion professionnelle s’accommodent de l’illusion d’une séparation entre « l’économie domestique, donc la division du travail et des pouvoirs qui la caractérise, et les différents secteurs du marché du travail où les hommes et les femmes sont engagés [64]. » Dans un consensus « bien compris », l’alternative à cette professionnalisation est nettement plus acceptable pour des femmes, dans la mesure où elle consiste soit à adhérer au mode de fonctionnement contre lequel les plus diplômées et fortunées ont lutté, soit à faire une croix sur leur vie de famille ou de couple, lorsque le ou la conjoint(e) n’est pas lui-même ou elle-même cavalier ou cavalière, soit enfin à s’auto-exclure. Dans tous les cas, cette réflexion montre les limites des analyses qui, dans leurs conclusions, font l’économie de prendre en considération la production d’une catégorie d’incompétences sociales inévaluables professionnellement en compétences formalisées, se privant ainsi des moyens de comprendre et d’expliquer les véritables mécanismes d’une survie professionnelle durable ou à l’inverse provisoire.


Date de mise en ligne : 18/02/2015

https://doi.org/10.3917/arss.205.0020

Notes

  • [1]
    Vérène Chevalier et Brigitte Dussart, « De l’amateur au professionnel : le cas des pratiquants de l’équitation », L’Année sociologique, 52(2), 2002, p. 463-464 ; Maud Simonet-Cusset, « Penser le bénévolat comme travail pour repenser la sociologie du travail », Revue de l’Ires, 44(1), 2004, p. 144-147.
  • [2]
    Valérie Boussard, Didier Demazière et Philip Milburn, L’Injonction au professionnalisme. Analyses d’une dynamique plurielle, Rennes, PUR, 2010.
  • [3]
    Vérène Chevalier et Fanny Le Mancq, « Bénévoles, amateurs et travailleurs. Le monde des activités équestres », in Jean-Michel Faure et al., Excellences sportives. Économie d’un capital spécifique, Paris, Éd. du Croquant, 2010, p. 145-148.
  • [4]
    Sur ces luttes et transformations institutionnelles, voir Denis Bernardeau-Moreau, « La professionnalisation dans les organisations associatives. Le cas des dirigeants bénévoles de la fédération française d’équitation », Gérer et comprendre, 73, 2003, p. 55-75.
  • [5]
    BE1 dans la suite du texte. Jusqu’à son remplacement par l’arrêté du 28 juin 2003, la validation de cette formation dite « professionnalisante » de niveau IV est subordonnée à l’obtention d’une partie théorique ou « tronc commun » à tous les sports et d’une partie pratique ou « spécifique » à l’activité.
  • [6]
    BP dans la suite du texte. Le BP s’inscrit dans les dispositions de la loi de modernisation sociale qui prévoit le développement du système de validation des acquis de l’expérience et la création du « répertoire national des certifications professionnelles ». La validation de ce diplôme est désormais subordonnée à l’obtention de dix unités capitalisables (UC), les quatre premières communes à l’ensemble des BP, les trois suivantes communes à la spécialité Activités équestres et les trois dernières spécifiques à chacune des cinq mentions (Équitation, Tourisme équestre, Équitation de tradition et de travail, Western et Attelage), dont l’UCA 10 « d’Adaptation ».
  • [7]
    Sur les luttes de représentation professionnelle au sein de la CPNE-EE, voir Vérène Chevalier, « Les activités équestres », in Jean Camy et Nathalie Leroux (dir.), L’Emploi sportif en France : situation et tendances d’évolution, Paris, AFRAPS/RUNOPES, 2002, p. 134.
  • [8]
    Vérène Chevalier et Marie-Odile Lebeaux, « La dynamique des emplois salariés de la filière cheval cotisant à la MSA (1999-2004) », 33e Journée de la recherche équine, Paris, INRA-Haras nationaux, 2007, p. 135-136, 142.
  • [9]
    Matthieu Hély, « À travail égal, salaire inégal : ce que travailler dans le secteur associatif veut dire », Sociétés contemporaines, 69, 2008, p. 125-147.
  • [10]
    Le drame social du travail renvoie ici aux rapports de dépendance des un(e)s et des autres dans leur réussite professionnelle respective, à l’apprentissage du métier avec ceux et celles qui en ont une connaissance pratique et pas seulement une habilitation officielle à l’enseigner, à un certain nombre d’informations auxquelles les individus, relativement à leur position sociale, n’ont et n’auront jamais accès (les « secrets ») et à l’exercice d’un métier pour lequel ils ou elles n’ont pas été formé(e)s. Voir Everett Hughes, « Le drame social du travail », (1976, trad. Jacques Mailhos, révisée par Jean-Michel Chapoulie), Actes de la recherche en sciences sociales, 115(2), décembre 1996, p. 94-97.
  • [11]
    Alors que la durée des études longues se stabilise à la fin des années 1990, cette déscolarisation, subie ou souhaitée, relève de populations qui sont soit en fin de cursus (après la classe de 3e, de CAP-BEP ou de BTS, parfois agricole), soit en rupture avec le système scolaire (avant l’obtention du baccalauréat ou dans le supérieur). Voir Sébastien Durier et Pascale Poulet-Coulibando, « Formation initiale, orientations et diplômes de 1985 à 2002 », Éducation & formations, 74, avril 2007.
  • [12]
    V. Chevalier et F. Le Mancq, « Bénévoles, amateurs et travailleurs… », op. cit.
  • [13]
    Fanny Le Mancq, « Des carrières semées d’obstacles : l’exemple des cavalier-e-s de haut niveau », Sociétés contemporaines, 66(2), 2007, p. 127-150. Les travaux propres aux enjeux de patrimonialisation des petites entreprises familiales florales aux Pays-Bas ou ceux des charges d’une profession d’élite économique et sociale des commissaires-priseurs en sont d’autres exemples typiques. Voir Alex Strating, « “Les gens des fleurs restent, les diplômés partent”. Parenté, famille et négoce des fleurs dans une communauté néerlandaise » (trad. Christine Langlois), Terrain, 36, 2001, p. 85-96 ; Alain Quemin, « Modalités féminines d’entrée et d’insertion dans une profession d’élites : le cas des femmes commissaires-priseurs », Sociétés contemporaines, 29, 1998, p. 87-106.
  • [14]
    À différencier, un tant soi peu, de l’engagement altruiste, notamment dans des associations à causes d’utilité sociale et/ou caritatives. Voir Matthieu Hély, Les Métamorphoses du monde associatif, Paris, PUF, 2009 ; Maud Simonet, Le Travail bénévole : engagement citoyen ou travail gratuit ?, Paris, La Dispute, 2010.
  • [15]
    Elle peut ainsi être évoquée avec le même vocable par des individus aussi éloignés socialement et économiquement qu’une vétérinaire, un ingénieur, une fille d’agriculteurs et un fils d’enseignants en réussite ou en échec scolaire.
  • [16]
    Le tuteur ou le maître d’apprentissage doit être titulaire du BE1 option Équitation ou Activités équestres ; le formateur titulaire du BE2 option Équitation, tout en exerçant à plein temps dans l’organisme de formation. La formation « optionnelle » (ou la « spécialité » en BP) nécessite un BE1 (BP) doté d’une expérience professionnelle (bénévole) d’au moins cinq ans (trois ans). Annexe VII de l’arrêté du 6 février 1987 modifiée le 8 janvier 1999 pour le BE1 et arrêté du 18 avril 2002 pour le BP.
  • [17]
    Par exemple dans les jurys du BP, même si désormais leur présence est proportionnelle à celle « des professionnels du secteur d’activité, à parité employeurs et salariés désignés sur proposition des organisations représentatives ». Décret n° 2001-792 du 31 août 2001.
  • [18]
    Sur plus d’un million et demi de pratiquant(e)s, environ 15 % participent à des compétitions, soit 21,2 % des licencié(e)s en France et de 23,2 % en PDL. Si les femmes sont 2,2 fois plus nombreuses que les hommes à détenir une licence « compétitions » en 2002 (1,6 en PDL) et 4 fois plus en 2012 (3 en PDL), elles le sont toujours moins souvent proportionnellement (surtout en catégorie « seniors ») malgré un taux de croissance 6,6 fois plus élevé (5,8 en PDL) que les hommes (117,6 % pour seulement 17,7 % aux hommes au niveau national et 128,5 % pour 22,2 % en PDL).
  • [19]
    BE2 dans la suite du texte. Cette certification de niveau II permet de devenir formateur de formateurs ou instructeur et d’asseoir une légitimité professionnelle, technique et sportive comme cavalier, voire comme dirigeant d’établissement, jury de formation et/ou représentant d’institutions fédérales. Le BE2 a également fait l’objet, à partir de novembre 2006, d’une rénovation en diplôme d’État (DEJEPS, niveau III) Perfectionnement sportif et diplôme d’État supérieur (DESJEPS, niveau II) Performance sportive, mise en application par arrêté du 25 janvier 2011 ; DE et DES dans la suite du texte.
  • [20]
    Titulaire d’un bac scientifique, il termine un deuxième cycle universitaire en sciences après deux ans d’école vétérinaire sans réussite au concours. Il dirige, avec sa femme, un centre équestre de 30 poneys et 35 chevaux (14 de propriétaires, 10 de club, 3 de formation, le reste pour le commerce et la compétition).
  • [21]
    En 2009, 89 % des établissements proposent une pratique compétitive à leurs cavalier(e)s, ministère des Sports, Livret référentiel DEJEPS, mars 2011, p. 10.
  • [22]
    Propre à chaque discipline équestre, cette distinction hiérarchisée de 1 à 9, attribuée au sein de chaque établissement, marque la progression des cavaliers. Le Galop 7, sanctionné par un examen fédéral, donne accès aux compétitions.
  • [23]
    Issue d’une famille d’agriculteurs, elle est aussi détentrice d’un BEPA hippique et d’un BTA élevage tout en échouant au certificat de capacité technique agricole et rurale.
  • [24]
    De 1995 à 2003, 370 BE2 Équitation ont été délivrés en France, soit en moyenne 41 par an. Voir Alain Le Rohellec et Guy Truchot, « 100 000 diplômes professionnels sportifs ont été délivrés depuis 1995 », Stat-Info, 05-03, 2005, p. 6.
  • [25]
    En 2006, ils sont 13 % en tourisme équestre, 2 % en attelage, 1 % en western et 0 % en équitation de travail et tradition. Voir Christèle Wagner, Étude sur les perspectives d’emploi et les besoins de formation dans les établissements équestres de Picardie, DRJSCS de Picardie, 2010, p. 71. En PDL en 2009, la mention Équitation représente de 61 à 80 % du total. Voir Thibaut Despres et Cédric Van Gertruy, Étude nationale relative aux formations habilitées en 2009 BPJEPS Activités équestres, DRJSCS de Picardie, 2010, p. 13.
  • [26]
    Pour être reconnus centres de formation, les établissements équestres doivent nécessairement être habilités auprès de la Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et être déclarés établissement d’activités physiques et sportives auprès de la DRJS. En formation initiale, les stagiaires doivent suivre 600 heures d’enseignement dans l’un des organismes régionaux de formation (CREPS Nantes, CFPPA Laval, ENE Saumur).
  • [27]
    En 2008, le BP Équitation en PDL peut coûter du simple au double : de 600 € à 1 400 €/mois.
  • [28]
    ATE, brevet d’animateur poney (BAP), guide de tourisme équestre, tous subordonnés à un BE1, et les Galops. 240 000 Galops ont été validés en 2008.
  • [29]
    Apprentis comme lycéens, ceux et celles qui poursuivent leur formation en dehors de l’enseignement agricole (EA) par un diplôme Jeunesse et Sport sont le plus souvent détenteurs d’un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) de niveau III ou d’un bac pro de niveau IV. « Le devenir en 2006 et 2007 des apprentis diplômés des niveaux V, IV et III sortis en 2002 et 2003 », Bulletin d’informations statistiques de la DGER, StatEA, 08-07, juin 2008, p. 2-3 ; « Le devenir en 2008 des diplômés du BTSA sortis en 2004 », StatEA, 09-06, juin 2009, p. 2.
  • [30]
    Son père est directeur d’une entreprise de bateaux et sa mère secrétaire hospitalière. Il est titulaire d’un bac pro comptabilité gestion, exploitation agricole option élevage équin, après avoir obtenu un CAP de palefrenier-soigneur et un BEP agricole.
  • [31]
    Les taux de rupture de contrat d’apprentissage sont plus élevés dans les entreprises de moins de dix salarié(e)s et sont dans un cas sur deux attribués à l’apprenti(e). Les principales causes de ruptures sont dues, selon des employeurs qui reconnaissent l’utilité économique d’accueillir des stagiaires, à un manque de « maturité », de « motivation » et/ou d’une « inadaptation » physique et technique à exercer le métier choisi. Selon les apprenti(e)s, il s’agit plutôt d’un manque d’intérêt de l’employeur pour leur formation, des demandes de tâches en inadéquation avec le métier préparé, d’une surcharge de travail et du ressentiment d’être « exploité ». « Apprentissage : les ruptures de contrat vues par les jeunes et leurs employeurs » et « Apprentissage : ruptures, enchaînements de contrats et accès à l’emploi », Notes d’information 95.38 et 97.22, MEN-Direction de l’évaluation et de la prospective, septembre 1995 et avril 1997 ; « Les causes de rupture des contrats d’apprentissage. Synthèse », DRTEFP PDL, 2000 ; « Contrat d’apprentissage, les raisons de la rupture », Bref, 272, Cereq, mars 2010.
  • [32]
    Jacky Lebrun, « Les enjeux et les perspectives de la filière équine en France », Avis et rapport du Conseil économique, social et environnemental, juin 2010 ; Florence Delisle, « Pour une optimisation de la prise en compte des enseignants d’équitation en formation continue », master 2 « Ingénierie et conseil en formation », sous la direction de Philippe Astier, Rouen, Université de Rouen, 2008, p. 9, 16.
  • [33]
    En 2002, l’activité compte 447 139 licencié(e)s (22 820 en PDL), 706 449 (40 303 en PDL) en 2012, et au moins l’équivalent de non licencié(e)s à chaque période. La fréquence de renouvellement d’une clientèle relativement jeune est de près d’un tiers par an, plus de 40 % sont des novices et la durée moyenne de pratique ne dépasse pas deux ans. Voir Vérène Chevalier, « Une population de pratiquants sportifs et leur parcours : les cavaliers titulaires d’une licence », Population, 3, 1996, p. 573-608 ; Fanny Le Mancq et Florence De Bruyn, « Les apports de la démographie dans la connaissance des populations sportives. Regards croisés sur les licenciés de la FFN et de la FFE », STAPS, 80(2), 2008, p. 59, 63.
  • [34]
    Par extrapolation à taux constant de 5,7 % sur dix ans à partir de Sandrine Bouffin et al., « Les sports de nature en France en 2006 », Stat-Info, 08-01, 2008, p. 7. Tous sports confondus, le BE1 Activités équestres est le diplôme qui a enregistré une des plus fortes progressions entre 1994 et 2000. Sur les dix diplômes de sport de nature les plus délivrés en 2006, le BP Équitation est classé en première position (n = 814) et le BP Tourisme équestre en 7e position (n = 137). Ibid., p. 6. 1 186 BP Activités équestres ont été délivrés en 2008.
  • [35]
    Emmanuelle Bour-Poitrinal, « Point économique et social sur la filière cheval », in Jacques Brulhet et al., Agriculture, alimentation et espaces ruraux, Cahiers du Conseil général, 10, 2009, p. 11.
  • [36]
    V. Chevalier et M.-O. Lebeaux, « La dynamique des emplois salariés de la filière cheval… », op. cit., p. 134.
  • [37]
    Véronique Melquiond, « Flux d’emplois sport animation en Pays de la Loire », CARIF-OREF PDL, janvier 2006, p. 11 ; « Enquête sur l’emploi 2003 », INSEE Première, 958, avril 2004, p. 3 ; Sophie Lemaire, Économie et avenir de la filière chevaline, INRA Prod. Anim., 16(5), 2003, p. 363.
  • [38]
    Avenant n° 40, du 13 octobre 1987, de l’article 47-2 « Formation des jeunes : formation illicite », du chapitre XI « Apprentissage et formation professionnelle ».
  • [39]
    V. Chevalier et F. Le Mancq, « Bénévoles, amateurs et travailleurs… », op. cit., p. 164.
  • [40]
    Ibid., p. 168.
  • [41]
    Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 98.
  • [42]
    Les Haras nationaux, Caractéristiques socio-économiques des entreprises de la filière équine : les observatoires économiques régionaux, FCCEF, 2009, p. 9.
  • [43]
    A. Le Rohellec et G. Truchot, op. cit., p. 3.
  • [44]
    Brigitte Belloc, « Le sport et les femmes », Stat-Info, 01-03, 2001, p. 3 et A. Le Rohellec et G. Truchot, op. cit., p. 2.
  • [45]
    Pourcentages calculés à partir du tableau « Nombre de clubs, licences et autres titres de participation, année 1999 », Mission bases de données et informations statistiques, DPA, 2001 ; voir aussi « De plus en plus de femmes… à la base », La REF. La Revue de l’équitation, 51, novembre 2004, p. 46.
  • [46]
    Monique Meron et al., « Les femmes et les métiers : vingt ans d’évolutions contrastées », Données sociales, 2006, p. 225-234.
  • [47]
    En 1999, l’indice d’homogamie est toujours plus fort dans les professions agricoles et indépendantes non agricoles, l’effet d’origine sociale renforçant celle-ci. Voir Mélanie Vanderschelden, « Position sociale et choix du conjoint : des différences marquées entre hommes et femmes », Données sociales, 2006, p. 33-42.
  • [48]
    De 2000 à 2004, les taux bruts de turn-over des femmes sont toujours supérieurs à son taux moyen (32,7 %) et dépassent ceux des hommes de 4,5 à 8 points. Plus souvent sur des contrats précaires, « à statut égal, elles sont plus stabilisées que ces derniers ». Un entrant sur deux, âgé de 20 à 24 ans, ne renouvelle pas son contrat, tout comme ceux ayant signé un CDD. Seuls 11,3 % des apprenti(e)s entrés en 2000 ont signé un premier contrat stable. Voir V. Chevalier et M.-O. Lebeaux, « La dynamique des emplois salariés de la filière cheval… », op. cit., p. 137-139, 141, 143. La population des enseignant(e)s se caractérise par une surreprésentation des femmes de moins de 30 ans (62 %) et une sous-représentation au-delà de 50 ans (20 %). Voir V. Chevalier et B. Dussart, « De l’amateur au professionnel… », art. cit., p. 467.
  • [49]
    Nathalie Missègue, « L’activité des couples d’indépendants et des salariés », Économie et statistique, 319(1), 1998, p. 89-111 ; Thomas Amossé, « Professions au féminin. Représentation statistique, construction sociale », Travail, genre et sociétés, 11(1), 2004, p. 31-46.
  • [50]
    Les Haras nationaux, op. cit., p. 9 et graphique « Semaine type dans un centre équestre », p. 25.
  • [51]
    Marc-Antoine Estrade et Nathalie Missègue, « Se mettre à son compte et rester indépendant. Des logiques différentes pour les artisans et les indépendants des services », Économie et statistique, 337-338, 2000, p. 159-181 ; Nathalie Blanpain et Dominique Rouault, « Les indépendants et dirigeants dans les années quatre-vingt-dix », Données sociales, 2002, p. 427-438.
  • [52]
    L’année coûte 11 000 € par an, hors frais d’inscription au CNED, de pension de son cheval, d’inscription en compétition, etc. Son père, paysagiste à son compte, et sa mère, cadre en communication dans l’armée, sont divorcés.
  • [53]
    Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
  • [54]
    Pierre Bourdieu, Le Bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, Seuil, 2002.
  • [55]
    Propos rapportés par Catherine Tourre-Malen, « Le mal-être actuel des enseignants d’équitation », maîtrise de sociologie, Angers, Université d’Angers/IUP-ESTHUA, 1999, p. 62. En 2005, 1/4 des 47 stagiaires enquêtés en PDL étaient célibataires, 1 sur 6 vivait en concubinage et 1 sur 12 était marié (pour 59,6 % âgés de 20 à 24 ans et 25,5 % de plus de 25 ans). 3 sur 5 avaient un conjoint pratiquant l’équitation, 5 sur 9 un membre de leur famille cavalier et 1 sur 8 travaillait dans ce secteur. Calculs réalisés à partir de Karine Lesage, « Le BP JEPS « activités équestres » dans les Pays de la Loire : constat d’une année expérimentale », master 1 STAPS, sous la direction de Gildas Loirand, Nantes, Université de Nantes, 2005, p. 28, 31.
  • [56]
    Fille d’un père cadre supérieur dans une grande maison de liquoreux et d’une mère professeur d’EPS, elle arrête l’école après un bac économique et social, obtient son BE1 à 19 ans (en 1997) puis groome (i.e. prépare les chevaux de compétition) à l’ENE et chez un cavalier professionnel pendant huit ans. Elle obtient entre temps son BE2 en échange des services rendus. L’aînée de ses deux sœurs, également détentrice du BE1, est monitrice dans son club et le gère lorsqu’elle part en concours. Avec elle, deux autres monitrices, quatre élèves monitrices, une secrétaire et deux employés d’écurie accueillent environ 400 licencié(e)s pour une cavalerie de 22 chevaux de propriétaires, 18 poneys, 17 chevaux de club, dont une jument pour faire naître un poulain par an.
  • [57]
    Margaret Maruani, « L’emploi féminin à l’ombre du chômage », Actes de la recherche en sciences sociales, 115(2), décembre 1996, p. 48-57.
  • [58]
    Jean-Pierre Vernant, La Traversée des frontières, Paris, Seuil, 2004.
  • [59]
    Pierre Bourdieu, « La double vérité du travail », Actes de la recherche en sciences sociales, 114(1), septembre 1996, p. 89-90.
  • [60]
    Voir les deuxième et troisième parties du livre dirigé par Serge Paugam, Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales, Paris, PUF, 2007.
  • [61]
    V. Boussard et al., op. cit., p. 17.
  • [62]
    F. Le Mancq, « Des carrières semées d’obstacles… », art. cit.
  • [63]
    Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
  • [64]
    P. Bourdieu, La Domination masculine, op. cit., p. 113.

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