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Article de revue

Bulletin de la société française d'Archéologie classique (XL, 2008-2009)

Pages 159 à 217

Notes

  • [1]
    Rédacteur : Fr. Prost (Université Paris I), avec la coll. de C. Saliou (Université Paris VIII).
  • [2]
    Cette communication est présentée en étroite collaboration avec D. al-Talhi, directeur saoudien de ce programme. Pour une présentation des travaux antérieurs aux fouilles, voir L. Nehmé et al., Mission archéologique de Madâ’in Sâlih (Arabie Saoudite) : recherches menées de 2001 à 2003 dans l’ancienne Hijrâ des Nabatéens, Arabian Archaeology and Epigraphy, 17, 2006, p. 41-124. Un rapport complet sur la fouille de 2008 est sous presse : L. Nehmé, D. al-Talhi, Fr. Villeneuve éd., Hegra I. Report on the First Excavation Season at Madâ’in Sâlih, Saudi Arabia, Riyadh.
  • [3]
    J.-M. Dentzer, Espace urbain et environnement dans les villes nabatéennes de Pétra, Hégra et Bosra, dans Fr. Dumasy, Fr. Queyrel éd., Archéologie et environnement dans la Méditerranée antique, Genève, Droz, 2009, p. 143-192 (p. 156-175 sur Hégra).
  • [4]
    Les partenaires scientifiques sont le Service des Antiquités d’Arabie Saoudite dans le Haut Conseil pour le tourisme et les antiquités ; les UMR 8167 « Orient et Méditerranée » et 7041 « Archéologie et Sciences de l’Antiquité ». Le ministère des Affaires étrangères (Direction des sciences sociales et de l’archéologie) exerce une tutelle scientifique et apporte un soutien financier. Le programme a obtenu en 2008 le prix archéologique de la Fondation Del Duca, qui constitue, à partir de 2009, la principale ressource financière du programme. Celui-ci est également soutenu par le Sénat et par l’Ambassade de France en Arabie Saoudite, ainsi que par les sociétés Clio,Total et OTV–Île-de-France et par des donateurs privés.
  • [5]
    Mission conduite avec une vingtaine d’archéologues, céramologues, anthropologues et restaurateurs. Les résultats de 2008 sont ponctuellement corrigés ou complétés ici par des acquis de la campagne 2009 ou des résultats d’analyses obtenus en 2009.
  • [6]
    Le site de Madâ’in Sâlih est matériellement défini par une clôture enserrant un parc archéologique de 1 460 ha.
  • [7]
    D. al-Talhi, M. al-Daire, Roman Presence in the Desert: A New Inscription from Hegra, Chiron, 35, 2005, p. 205-217.
  • [8]
    I. Vocotopoulou, La Macédoine. Présentation géographique et historique, dans La civilisation grecque, Macédoine, royaume d’Alexandre le Grand, Athènes, 1993, p. 12-15.
  • [9]
    P. Adam Véléni, From the Kingdom of Macedonia to the Province of Roman Empire, dans P. Adam Véléni éd., Kalindoia, an ancient city in Macedonia, Athènes, 2008, p. 1-24.
  • [10]
    D. M. Robinson, J. W. Graham, Excavations at Olynthus, vol. 1-12, Baltimore, 1938-1952.
  • [11]
    M. Lilimbaki-Akamati, ????????? ??????, AEMTh, 17, 2003, p. 465-484 ; ead., ibid., 19, 2005, p. 391-406 ; ead., ibid., 20, 2006, p. 591-614 ; I. Akamatis, ?????????????? ???????? ?????? ??????, AEMTh, 17, 2003, p. 485-495 ; id., ibid., 19, 2005, p. 407-426 ; id., ibid., 20, 2006, p. 615-626.
  • [12]
    I. Vocotopoulou, ???????? ??????, AEMTh, 3, 1989, p. 409-424 ; ead., ?????-???????, AEMTh, 4, 1990, p. 399-410
  • [13]
    J. Kambitoglou, J. Papadopoulos, ????????? ???????, AEMTh, 3, 1989, p. 439-450.
  • [14]
    Ch. Koukouli-Chryssanthaki, Thasos, dans La civilisation grecque, Macédoine, royaume d’Alexandre le Grand, Athènes, 1993, p. 60-63.
  • [15]
    P. Adam Véléni, ??????????? ????????? ?????????, dans Studies in honor of N. G. L. Hammond, Thessalonique, 1997, p. 1-16.
  • [16]
    J. Perrault, Z. Bonias, ??????? 2005, AEMTh, 19, 2005, p. 81-87.
  • [17]
    K. Sismanidis, Ancient Stageira, Birthplace of Aristotle, Athènes, 2003
  • [18]
    N. G. L. Hammond, A History of Macedonia, I, Oxford, 1972 ; id. et G. T. Grifith, A History of Macedonia, II, 550-536 B.C., Oxford, 1979 ; ?. Sakellariou éd., Macedonia, 4000 Years of Greek History and Civilisation, Athènes, 1982 ; R. Ginouvès et al., La Macédoine de Philippe II à la conquête romaine, Paris, 1993.
  • [19]
    I. Worthington, Philip II of Macedonia, Londres, 2008, p. 74-135.
  • [20]
    Ibid., p. 36-151.
  • [21]
    P. Adam Véléni, ??????????? ????????? ??? ?? ?????? ?. ????????????, dans Ancient Macedonia VI: International Congress, Thessalonique, 15-19 October 1996, Thessalonique, 1999, t. 1, p. 1-14.
  • [22]
    P. Adam Véléni, E. Poulaki, K. Tzanavari, Ancient Country Houses on Modern Roads, Central Macedonia, Athènes, 2003.
  • [23]
    P. Adam Véléni, ????????? ??? ?????????: ?? ??????? ??? « ??????????? », AEMTh, sous presse.
  • [24]
    G. Karamitrou-Mendesidi, Aiani, Athènes, 1996.
  • [25]
    E. Anagnostopoulou-Chatzipolichronia, ?? ????????????? ??????? ??? ?????????, AE?Th, 10?, 1996, p. 189-204.
  • [26]
    A. Kottaridi, ? ?????? ???? ?????, ??? ???? ???? ?????, AE?Th, 20, 2005, p. 773-780 ; St. Drougou, Chr. Saatsoglou-Paliadeli, A. Kottoridou, B. Tsigarida, ?????, Athènes, 2002.
  • [27]
    Voir n. 11.
  • [28]
    Ch. Makaronas, E. Giouri, ?? O????? ??? ??????? ??? ?????? ??? ??? ???????? ??? ??????, Athènes, 1989.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    P. Adam Véléni, ???????????, ???????, ?????????, ???????, ???????????? ??????????? ??? ???? ????????????? ??? ???? ????????? ???????, Thessalonique, 2001 (avec bibl.) ; G. Velenis, P. Adam Véléni, ?????? ????? ????????????, Thessalonique, 1996 ; P. Adam Véléni, ?????? ????? ????????????, 1, Thessalonique, 2001.
  • [31]
    K. Sismanidis, ??????? ???? ?????? ??????????? ??? ??? ?????? ????????, AEMTh, 4, 1990, p. 371-384.
  • [32]
    D. Grammenos éd., Roman Thessaloniki, Thessalonique, 2003.
  • [33]
    D. M. Robinson, J. W. Graham, Excavations at Olynthus, vol. 1-12, Baltimore, 1938-1952.
  • [34]
    D. Lazaridis, Amphipolis, Athènes, 1997.
  • [35]
    D. Pandermalis, Discovering Dion, Athènes, 2000, et Th. Stefanidou-Tiveriou, Excavation at Dion, 1. The Fortress, Thessalonique, 1998.
  • [36]
    K. Sismanidis, ?? ?????????? ??? ?????????? : ????????? ??? ???????, AEMTh, 19, 2005, p. 145-155, et id., The Sebasteion Building Complex (Rooms A-E), dans P. Adam Véléni éd., Kalindoia, an ancient city of Macedonia, Thessalonique, 2008, p. 124-131.
  • [37]
    V. Allamani, Véroia, dans La civilisation grecque, Macédoine, royaume d’Alexandre le Grand, Athènes, 1993, p. 55-56.
  • [38]
    Ch. Koukouli-Chryssanthaki, Ch. Bakirtzis, Philippi, Athènes, 1997.
  • [39]
    M. Lilimbaki-Akamati, I. Akamatis, ??????????? ???? ??? ????????, AEMTh, 13, 1999, p. 587-596.
  • [40]
    P. Adam Véléni, ?????? ????????, ?????? ?????? ?????????, AEMTh, 10?, 1996, p. 1-22, et ead., Petres Florinas, Guide to the Excavation of the Hellenistic City, Thessalonique, 2000 (2e éd.).
  • [41]
    Pour ce sondage et les suivants, on se reportera aux chroniques publiées chaque année dans Anatolia Antiqua.
  • [42]
    L’inscription sera publiée par D. Feissel.
  • [43]
    Toutes les datations sont proposées par C. Rocheron, du Centre Ausonius, responsable de l’étude du matériel céramique du secteur.
  • [44]
    Voir les actes de la journée d’études « Basiliques civiles de Grèce et d’Asie Mineure », 7 avril 2008, Ausonius, Bordeaux, à paraître.
  • [45]
    P. Baker, G. Thériault, Prospection épigraphique, Anat. Ant., 2002, p. 304.
  • [46]
    Dirigée par R. Vergnieux. G. Riet, E. Coulon et M. Chayani, stagiaires, ont participé au projet.
  • [47]
    E. Fossel-Peschl, Die Basilika am Staatsmarkt in Ephesos, Vienne, 1982.
  • [48]
    A. Machatschek, M. Schwartz, Bauforschungen in Selge, TAM Ergänzh., 9, Vienne, 1981.
  • [49]
    L. Robert, CRAI, 1951, p. 254 ; Bull. ép., REG, 1953, n° 196.
  • [50]
    Communication orale.
  • [51]
    Appien, BC, 5. 7.
  • [52]
    M. Reddé coord., H. U. Nuber, St. Jacomet, J. Schibler, C. Schucany, P.-A. Schwarz, G. Seitz, avec la coll. de F. Ginella, M. Joly, S. Plouin, H. Höster-Plogman, Chr. Petit, L. Popovitch, A. Schlumbaum, P. Vandorpe, B. Viroulet, L. Wick, J.-J. Wolf, B. Gissinger, V. Ollive, J. Pellissier, Oedenburg. Une agglomération d’époque romaine sur le Rhin supérieur. Fouilles françaises, allemandes et suisses sur les communes de Biesheim et Kunheim (Haut-Rhin), Gallia, 62, 2005, p. 215-277. M. Reddé dir., Oedenburg, I. Fouilles françaises, allemandes et suisses à Biesheim et Kunheim, Haut-Rhin, France. Les camps militaires julio-claudiens (Monographien RGZM, 79-1), Mayence, 2009.
  • [53]
    Traduction A. Martin.
  • [54]
    S. Reinach, Antiquités de Maronée et d’Abdère, BCH, 5, 1881, p. 87-95 ; id., Inscriptions de Maronée, BCH, 8, 1884, p. 50-53 ; W. Regel, Abdera, AM, 2, 1887, p. 161-167.
  • [55]
    Ch. Avezou, Ch. Picard, Inscriptions de Macédoine et de Thrace II. Côte thrace, BCH, 37, 1913, p. 117-154.
  • [56]
    G. Bakalakis, ?????????????? ??????? ??? ?????, Thessalonique, 1958 ; id., ????????????? ??????? ??? ?????, Thessalonique, 1961.
  • [57]
    Voir par ex. la nécropole d’époque impériale du site moderne de Lithochori, localisée dans le territoire de la ville antique de Topeiros, mise au jour lors des travaux pour la construction de la nouvelle voie Egnatia : V. D. Poulios, D. D. Meggides, ???????? ???????. ??????? ???????? ??? ???????? ??????? ???, AEMTh, 20, 2006, p. 151-163. Voir aussi le portail www.yppo.gr/2/g22.jsp?obj_id=18730.
  • [58]
    L. D. Loukopoulou, M.-G. Parissaki, S. Psoma, A. Zournatzi, ????????? ??? ?????? ??? ???????, Athènes, 2005.
  • [59]
    K. Chryssanthaki-Nagle, L’histoire monétaire d’Abdère en Thrace (VIe s. avant J.-C.–IIe s. après J.-C.), ME????????, 51, Athènes, 2007 ; S. Psoma, Ch. Karadima, D. Terzopoulou, The Coins of Maroneia and the Classical City at Molyvoti, A Contribution to the History of Aegean Thrace, ME????????, 62, Athènes, 2008.
  • [60]
    Ces rapports sont bien illustrés par l’influence « macédonienne » sur l’iconographie du monnayage de la cité d’Orthagoreia qui, grâce aux monnaies de fouilles, doit être localisée avec certitude en Thrace égéenne et non plus en Macédoine, dans les environs de Maronée : K. Chryssanthaki-Nagle, Le monnayage d’Orthagoreia, RN, 2004, p. 49-62 ; S. Psoma et al., op. cit. n. 59, p. 193-206.
  • [61]
    Je remercie pour leur aide Mmes Chr. Karadima et P. Tsatsopoulou, épimélètes de la XIXe Éphorie des Antiquités de Komotini.
  • [62]
    L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 121-125.
  • [63]
    Pour l’histoire de la colonisation grecque de cette partie du littoral thrace égéen, voir B. Isaac, The Greek Settlements in Thrace until the Macedonian Conquest, Studies of the Dutch Archaeological and Historical Society, 10, Leyde, 1986, p. 72-140 ; A. Avramea éd., Thrace, General Secretariat of the Region of East Macedonia-Thrace, Athènes, 1994, p. 48-87 ; L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 126-141 ; M. Tiverios, Greek Colonisation of the Northern Aegean, dans G. R. Tsetskhladze éd., Greek Colonisation. An Account of Greek Colonies and Other Settlements Overseas, II (Mnemosyne, Suppl. 193), Leyde/Boston, 2006, surtout p. 85-86 et 91-118.
  • [64]
    D. Lazaridis, ? ????????? ??? ? ?????? ???, Athènes, 1971 ; P. Tsatsopoulou, ? ???????? ???????? ??? ?. ??????. ?? ???????? ??? ??????????, ??????? ?????????, 7, 1987-1990, p. 323-334 ; P. Tsatsopoulou-Kaloude, ?????????-????, Athènes, 2001, p. 7-11.
  • [65]
    M. Zahrnt, Gab es in Thrakien zwei Städte Namens Mesambria, Thrakika Zetemata I, ME????????, 58, Athènes, 2008, p. 87-120.
  • [66]
    P. Tsatsopoulou, ???? 2006, AEMTh, 20, 2006, p. 3-6.
  • [67]
    G. Bakalakis, op. cit. n. 56, p. 68-70 ; D. Lazaridis, ?????? ??? ??????, Athènes, 1971, p. 45 et 223.
  • [68]
    B. Isaac, op. cit. n. 63, p. 109-110
  • [69]
    Ibid., p. 79-80 ; L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, E13 et E30 et p. 158-159, n. 9.
  • [70]
    G. Bakalakis, ???????? ???????, Thessalonique, 1967.
  • [71]
    D. Lazaridis, op. cit. n. 67 ; D. Lazaridis, ???????? ??? ?????????, Athènes, 1971 ; Ch. Koukouli-Chryssanthaki, O? ??????????? ??????? ??? ?????? ??????, ???????? ??? ????????? ? ????????, ???????????? ??? ?????????? ?????? ??? ?? ?????, Xanthi-Komotini-Alexandroupolis 1985, Thessalonique, 1988, p. 39-74 ; D. Triantaphyllos, ? ????? ??? ??????? ???? ??? ??? ???????? ?????????, ??????? ?????????, 7, 1987-1990, p. 297-322 ; Ch. Koukouli-Chryssanthaki, ? ??????? ???? ??? ???????. ?. ????????????? ???????, ?????? ?????, ???????? ??? 2?? ???????? ????????? ???????? ???????, Komotini, 1997, p. 715-734 ; ead., The Archaic City of Abdera, Klazomenai, Teos and Abdera, dans A. Moustaka, E. Skarlatidou, M.-C. Tzannes, Y. Ersoy éd., Klazomenai, Teos and Abdera, Metropoleis and Colony, Proceedings of the International Symposium held at the Archaeological Museum of Abdera, october 2001, Thessalonique, 2004, p. 235-248.
  • [72]
    S. Psoma et al., op. cit. n. 59, p. lvii-lxxviii.
  • [73]
    Pour une présentation de la bibliographie sur la question de la datation du site, voir L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 130-131.
  • [74]
    M. Tiverios, op. cit. n. 63 p. 101-103.
  • [75]
    L. D. Loukopoulou, S. Psoma, Maroneia and Stryme revisited, Thrakika Zetemata I, ME????????, 58, Athènes, 2008, p. 55-86.
  • [76]
    S. Psoma et al., op. cit. n. 59, p. 123-185 et 243-254.
  • [77]
    L. D. Loukopoulou, S. Psoma, op. cit. n. 75, p. 72 et fig. 9-12.
  • [78]
    Dans notre discussion sur les premières phases de la ville de Maronée, il faut inclure les reliefs datant du ve s. ou du début du ive s. qui sont soit des trouvailles fortuites de la région de Maronée, soit des fragments réutilisés dans les constructions de l’époque byzantine ou dans les murs des maisons du village moderne : L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 338 et n. 12.
  • [79]
    D. Terzopoulou, ?????? ??????? ????????????? ??? ??? ?????? ??????, Nom. Chron., 22, 2003, p. 9-22.
  • [80]
    OGIS, 229 (= Ins. Magn. Sipylos, 1 ; Ins. Smyrna, 573), l. 55.
  • [81]
    Voir déjà Y. Labaune, Les nécropoles antiques d’Autun (Saône-et-Loire) : état de la question, RA, 2008, p. 162-167 (Bull. de la SFAC).
English version

Séance du 15 novembre 2008

1À titre exceptionnel, la séance de la SFAC du 15 novembre 2008 a eu lieu à l’Institut d’art et d’archéologie de la rue Michelet. À 15 h, la séance est ouverte par Pascale Ballet, présidente, devant 45 participants. Catherine Saliou, secrétaire adjointe, fait la lecture du procès-verbal de la séance du 10 mai 2008 et du compte rendu de la sortie du 21 juin 2008, approuvés à l’unanimité. P. Ballet met ensuite aux voix la demande d’adhésion de M. Ludovic Laugier, ingénieur d’études au Département des antiquités grecques, romaines et étrusques du Musée du Louvre, parrainé par Mmes S. Descamps et M.-Chr. Villanueva-Puig. Cette adhésion est acceptée à l’unanimité. P. Ballet donne ensuite la parole à P. Leriche (CNRS, UMR 8546, AOROC) pour une brève intervention au sujet d’un projet de barrage sur l’Euphrate. Ce projet, s’il était réalisé, entraînerait la disparition, sous l’effet de la montée des eaux, de toute la partie basse du site archéologique de Halabiyé-Zénobia, dont les vestiges, notamment une spectaculaire enceinte restaurée par Justinien, étaient jusqu’à présent remarquablement conservés et sont encore peu étudiés. Les membres présents votent à l’unanimité une motion aux termes de laquelle la SFAC exprime son extrême préoccupation à l’égard des projets de barrage qui pourraient compromettre l’existence d’une partie du site de Halabiyé et fait confiance au gouvernement syrien pour prendre toutes les mesures nécessaires à sa préservation — en particulier un déplacement en amont du barrage projeté. P. Ballet remercie P. Leriche d’avoir alerté la SFAC. Elle présente ensuite M. François Villeneuve, professeur à l’Université de Paris I, et Mme Laïla Nehmé, chercheuse au CNRS, et leur cède la parole pour une communication sur leurs travaux à Hégra. À l’issue de cet exposé a lieu une discussion au cours de laquelle interviennent Mmes P. Ballet et V. Marigo, et MM. M. Reddé, W. Abu-Azizeh, P. Leriche et J.-M. Dentzer. La séance est levée à 17 h 10.

La fouille d’Hégra (Madâ’in Sâlih), par Laïla Nehmé, CNRS, UMR 8167, et François Villeneuve, professeur à l’Université de Paris I, UMR 7041 ArScAn[2]

2En 2003, J.-M. Dentzer a présenté à la SFAC [3] le site de Madâ’in Sâlih dans le Hejâz : l’antique Hégra, ville la plus méridionale de la Nabatène puis de la Provincia Arabia. Le programme de prospection générale du site, alors conduit par une équipe française, s’acheva en 2005. En 2008, année où l’UNESCO inscrivit Hégra sur la liste du Patrimoine mondial, débuta un programme quinquennal de fouilles franco-saoudiennes [4]. Nous présentons ici les résultats de la campagne de l’hiver 2008 [5].

3Parmi la dizaine de fouilles désormais en cours en Arabie, Madâ’in Sâlih fait partie d’un groupe de quatre sites du nord-ouest, avec Taymâ’ (environ 100 km au nord-est) ; Dadan, moderne al-‘Ulâ (20 km au sud) ; Mâbiyât (45 km au sud). Ils couvrent la période comprise entre le IIIe millénaire av. J.-C. et l’époque omeyyade incluse et furent les centres d’importantes oasis : successivement Taymâ’, Dadan, Hégra, Mâbiyât. Les trois derniers se trouvent au centre, nord et sud d’une grande vallée nord-sud, point de passage obligé entre le golfe d’Aqaba et l’Arabie du Sud.

4Le programme de Hégra prévoit dans un premier temps des fouilles dans les différents secteurs de ce vaste site [6] (fig. 1) : il est nécessaire d’obtenir d’abord un panorama typologique et chronologique de l’occupation de cette zone très étendue, où les espaces résidentiel, cultuel et funéraire sont éloignés les uns des autres et se mêlent peu. Dès la première campagne, quatre thèmes ont été concernés, représentant une douzaine de chantiers : les tombeaux rupestres monumentaux de deux nécropoles, dans les massifs gréseux du Qasr al-Bint et du Jabal al-Ahmar ; les tombeaux de type tumulus, abondants surtout sur les hauteurs à l’ouest du site ; les sanctuaires rupestres du Jabal Ithlib, au nord-est ; la ville proprement dite et son rempart, au centre de la zone archéologique. Nous sommes guidés par des questions d’ordre historique, issues de la phase de prospection. La période nabatéenne est-elle la première qu’ait connue le site, ou y eut-il une occupation plus ancienne, comme le suggérerait du matériel d’époque hellénistique en surface ? Les tombeaux monumentaux nabatéens, dont le dernier exemplaire épigraphiquement daté est de 75 apr. J.-C., furent-ils abandonnés vers cette date, ou au iie s. après la création de la Provincia Arabia, ou ont-ils été réutilisés plus tard encore ? Les formes traditionnelles de la religiosité nabatéenne — sanctuaires rupestres pour un culte bétylique, confréries réunies dans des salles de banquet — perdurent-elles au-delà du iie s. ? Et même : le site est-il occupé à l’époque romaine ? Combien de temps et comment ?

1
1
Hégra, « carte » du site sur l’image satellite. © Th. Arnoux et L. Nehmé.

5Il existe à Hégra trois catégories d’architecture funéraire : les tombeaux monumentaux à chambre creusée dans le rocher, avec ou sans façade décorée ; les tombes à fosses creusées dans le sol rocheux (1 600 unités cartographiées) ; les cairns ou tumuli (325 cas enregistrés). Les deux premières catégories sont sans doute d’époques nabatéenne et romaine ; les tumuli sont supposés plus anciens. Aucune tombe à fosse ne contient suffisamment de sédiments pour être fouillée : nos fouilles se sont portées sur les tombeaux monumentaux et les tumuli.

6Certains tombeaux monumentaux présentent deux états d’occupation successifs. Dans le premier état, des chambres funéraires, sans façade décorée, se trouvent en hauteur sur la paroi rocheuse. L’ouverture domine de plusieurs mètres le niveau de circulation. Le plan est cruciforme. Elles contiennent exclusivement des tombes à fosse, jamais de niches funéraires ni de caissons pariétaux. Le second état est celui des célèbres monuments à façades décorées, qui contiennent en nombre variable des aménagements funéraires (niches, caissons et fosses) et parfois des chambres secondaires. Cet état a parfois partiellement détruit des chambres plus anciennes. Nous avons cherché à élucider ces deux états par la fouille, en 2008 et 2009, de trois tombeaux. La chambre funéraire IGN 125, du premier état, n’a malheureusement livré que quelques ossements humains et des fragments de cuir et de textiles. IGN 20, du second état, tombeau d’un personnage de haut rang dans la hiérarchie nabatéenne, était précédé d’une cour à banquette, où des convives pouvaient prendre place, peut-être pour des repas funéraires. Les niches et caissons creusés dans les parois de la chambre sont vides, mais les huit fosses dans le sol sont encore emplies de sédiments, dont seule une partie est ancienne. Textiles, cuirs, objets en os ou pierre, fragments de verre romain sont abondants, comme les fragments de bois travaillé appartenant à des coffrages, de la vaisselle, des boîtes ou des peignes. Il s’agit surtout d’essences locales (genévrier, jujubier, tamaris), mais des objets en bois non local (buis, frêne ou noyer) sont présents aussi. De grandes quantités de morceaux de résines collés à des tissus laissent supposer des traitements destinés à retarder la décomposition des corps. Un seul squelette, très perturbé mais provenant d’une sépulture primaire, est en place dans une fosse : une femme de 20 à 30 ans, de petite taille, enveloppée dans du cuir et des textiles. Sa datation C14 est 90-101 ou 124-236 apr. J.-C. Les autres fosses fouillées contiennent des os appartenant à un minimum de 24 adultes et 8 enfants de tous âges, dont 2 périnataux. Les huit tombes à fosse fouillées représentent le quart des emplacements funéraires de ce tombeau : sa population totale pouvait donc être de l’ordre d’une centaine d’adultes et d’une trentaine d’enfants.

7Le troisième tombeau fouillé, IGN 117 (fig. 2), possède une façade à deux rangées de merlons. Son important ensablement a favorisé la bonne conservation des sépultures, extrêmement nombreuses. Deux campagnes, en 2008 et 2009, n’ont pu permettre d’en achever la fouille, qu’on ne pourra terminer qu’en 2011. L’étude anthropologique montre qu’il n’y a eu de sélection ni d’après l’âge ni d’après le sexe. Deux phases d’inhumation ont été identifiées. La plus récente, post-nabatéenne sans doute mais non postérieure aux ve s.-vie s., a livré les squelettes, en connexion anatomique, de trois individus, enveloppés dans du cuir et des textiles. La plus ancienne a surtout livré des ossements sans connexion anatomique — en grande partie massivement déplacés —, des textiles, du cuir de linceuls, du bois de cercueils, de la céramique nabatéenne et parthe et une pointe de javelot. De plus, une fosse de 2 x 1 m et profonde de 1,35 m, dans un coin du tombeau, a d’abord accueilli quatre corps placés dans des cercueils avant de servir d’ossuaire pour les sépultures devenues encombrantes sur le sol du tombeau. Les datations C14 sur deux groupes d’os ont fourni des dates comprises entre 4 et 124 apr. J.-C. et entre 163 av. J.-C. et 217 apr. J.-C. Cette datation, corroborant celle de la céramique, correspond à l’occupation du tombeau par la famille de Hînat, fille de Wahbû, qui l’a fait tailler pour elle-même et sa descendance en 61 apr. J.-C., comme l’indique l’inscription de façade. Le nombre minimum d’individus pour l’ensemble du tombeau (fouille encore inachevée) est de 64 individus. Au total, la fouille de ce type de tombeaux donne des indications précieuses sur une population inhumée beaucoup plus nombreuse que l’architecture ne le laissait présager et a fourni une quantité inespérée de matériel : vaisselle, cuirs et textiles surtout. En revanche, le degré d’antériorité des chambres en hauteur par rapport aux tombeaux à façade n’est pas encore établi.

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Hégra, relevé de la chambre funéraire du tombeau IGN 117 après la campagne 2009. Les squelettes en connexion anatomique se trouvent à g. de la porte. © Mission archéologique de Madâ’in Sâlih. Relevé et mise au net N. Delhopital et I. Sachet, 2009.

8L’un des tumuli du secteur à l’ouest de la ville a été fouillé, pour tenter de situer dans le temps ces monuments funéraires a priori non assignables aux périodes nabatéenne et ultérieures : une carrière nabatéenne a « coupé » des tumuli. C’est une tour de 7,30 m de diamètre dans laquelle est emboîtée une autre tour, celle-là de 3,90 m de diamètre (fig. 3) ; l’intervalle entre les murs des deux tours est rempli de grosses pierres brutes. Au centre de la tour intérieure, une fosse construite rectangulaire (0,75 x 1,90 m) est destinée à la sépulture, qui a été pillée. L’ensemble était recouvert d’un amas de pierres. À quelques mètres au sud de la tombe, une petite pièce annexe rectangulaire pouvait être destinée à des réunions commémoratives. Trois petits restes d’ossements humains, dans la fosse, sur le sol extérieur et dans la chambre annexe, ont permis des datations C14 calibrées, toutes comprises entre 92 av. J.-C. et 208 apr. J.-C. Une réutilisation (suivie d’un pillage) à l’époque nabatéenne ou romaine paraît plus plausible qu’une construction à cette époque : l’architecture suggère plutôt l’âge du Bronze.

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Hégra, tumulus-tour fouillé à l’ouest du site. On voit bien les deux tours imbriquées et la fosse rectangulaire au milieu. © Mission archéologique de Madâ’in Sâlih.

9Dans le Jabal Ithlib, où se concentrent presque tous les sanctuaires rupestres du site, trois opérations ont été menées. La grande citerne de ce massif, alimentée par deux canalisations rupestres, est d’un type commun à Pétra mais unique à Hégra : une chambre rupestre creusée dans la paroi rocheuse, mais dont la porte ouvre sur une excavation quadrangulaire de presque 7 m de profondeur dont les parois sont enduites jusqu’au seuil. Le matériel céramique très restreint collecté dans le comblement sableux appartient au ier s. apr. J.-C. La seconde fouille a concerné une installation religieuse juste après le défilé d’accès, au pied d’une paroi rocheuse où sont taillés un bassin et deux niches cintrées abritant l’une trois bétyles et l’autre une protubérance difficile à interpréter. La fouille a révélé un triclinium construit et hypèthre. Son matériel date de la fin du ier s. av. J.-C. et du ier s. apr. J.-C. L’analyse des circulations permet de restituer le cheminement des fidèles depuis le défilé : les usagers passaient d’abord par le bassin d’ablutions puis se dirigeaient vers les niches et redescendaient vers le triclinium. Nous avons procédé, à l’aide de méthodes traditionnelles, au remontage de l’une des banquettes du triclinium. La dernière opération menée au Jabal Ithlib est le dégagement de l’espace interne d’une installation rupestre taillée à l’intérieur d’une conque naturelle, dans la paroi rocheuse qui domine un triclinium rupestre. Le remplissage du triclinium a livré plusieurs amphoriskoi, qui étaient certainement utilisés au cours des repas. Les techniques mises en œuvre pour l’aménagement de ce triclinium sont sommaires : le fond des tranchées de havage creusées par les tailleurs de pierre et le négatif des coins utilisés pour extraire les blocs de grès sont encore visibles sur le sol ; une plate-forme légèrement surélevée réservée au milieu semble témoigner d’un inachèvement de l’installation. Seules les parois qui bordent l’espace central présentent des traces régulières de taille au pic.

10Les travaux conduits au Jabal Ithlib permettent de conclure qu’à Hégra les installations cultuelles rupestres ont tôt été abandonnées (comme à Pétra), dès le iie s. apr. J.-C. : soit les usagers de ces sanctuaires sont allés ailleurs, soit les formes traditionnelles de religiosité qui dominaient jusqu’alors ont laissé place à des cultes centrés sur d’autres formes de réunions que les thiases, ces groupes de treize personnes décrits par Strabon (Géographie, XVI, 4, 26), dont on a de nombreux exemples dans le domaine nabatéen. Ensuite, la mise en évidence de nouveaux triclinia confirme la place essentielle qu’occupait ce dispositif dans l’organisation des cultes au Jabal Ithlib : l’installation cultuelle type y est une salle de banquet associée à un bassin et à une ou plusieurs niches à bétyle. Chacune de ces installations était fréquentée par des personnes dont les signatures sont encore visibles sur les parois rocheuses. Enfin, ce « jabal » apparaît maintenant comme un lieu de réunion de confréries religieuses, non comme un sanctuaire à part entière. Il faut chercher ailleurs les sanctuaires de Hégra, s’ils existaient : probablement dans la ville intra muros.

11Cette zone résidentielle s’étend dans une large plaine, sensiblement au centre du site. Ses limites sont bien définies au nord, à l’est et au sud, car les traces du rempart sont encore visibles sur ces trois côtés. À l’ouest, en revanche, sa limite est plus floue, en raison des perturbations causées par le passage de la voie ferrée du Hejâz. Plusieurs wadis qui traversent l’ensemble de la zone ont contribué à l’érosion des vestiges archéologiques, qui se réduisent en surface à d’importantes quantités de céramique, des monnaies, des fragments de meules en basalte, des bassins en pierre, des tambours, des éléments de colonnes, ainsi que des tronçons de murs. Deux puits sont par ailleurs aménagés intra muros. La surface couverte par cette ville est d’une soixantaine d’hectares mais elle n’a apparemment jamais été entièrement bâtie. Lors du premier programme de recherche, une détection géophysique, entreprise sur environ un sixième de la surface urbaine, a montré que l’agglomération était dense et contenait des îlots d’habitation, des bâtiments plus grands, des espaces moins densément bâtis, peut-être des marchés, des places ou des jardins, et très probablement des rues.

12Les fouilles entreprises en 2008 font ici suite à celles menées par D. al-Talhi pour le compte du Département des Antiquités saoudien en 1986-1990 (un quartier d’habitation proche du centre de la zone résidentielle, restauré par notre mission en 2008-2009), puis en 2003, au pied du massif rocheux IGN 132. Cette dernière a exposé une cour pavée de dalles en pierre et des pièces périphériques. Parmi le matériel découvert se trouvait une inscription latine complète, déplacée et remployée, datable entre 175 et 177 apr. J.-C [7]. Cette inscription indique que le [val]lum (plus probablement que le [temp]lum), l’enceinte, fut restauré en raison de sa vétusté et que les travaux furent payés par la civitas des Hégréniens, sous la conduite de deux centurions de la IIIe légion Cyrénaïque. Le maître d’ouvrage, qualifié de primus civitatis, porte un nom à consonance bien nabatéenne : ‘Amrû fils de Hayyân. Ce texte montre qu’il y avait à Hégra, en 175, un chef de communauté qui portait un titre prémonitoire de celui utilisé en 356 apr. J.-C., quand le chef de la ville est appelé, sur une inscription funéraire, ryš Hgr’, le chef de Hégra.

13Trois zones situées dans la partie nord de la ville ont été sélectionnées pour la fouille, sur la base d’une comparaison de l’image géophysique avec les vestiges et microreliefs de surface. En outre, un programme d’investigation générale a été lancé sur l’enceinte.

14La zone 1 (fig. 4) a été choisie parce que le niveau du sol avant fouille, plus haut qu’ailleurs, laissait espérer une stratigraphie développée, parce qu’un long mur est-ouest apparaissait en surface et qu’au nord de celui-ci une anomalie magnétique laissait supposer un four de potier (supposition erronée : les fouilles de 2009 l’ont montré). On a choisi à la fois d’ouvrir largement (215 m2 en 2008) et de réaliser des sondages profonds pour obtenir une stratigraphie jusqu’au sol vierge. Le terminus post quem pour la phase 3, la plus ancienne (fines couches cendreuses sur le sol géologique), est l’âge du Fer ou la période hellénistique, mais cette datation doit être précisée par le C14. La phase 2 est représentée par un mur en brique crue nord-sud, 10101, exposé sur une faible longueur. Elle n’est pas datée pour l’instant. À ces deux phases anciennes a succédé, sans hiatus apparent, la phase 1, d’occupation ininterrompue, subdivisée de 1d à 1a, du début du ier s. apr. J.-C. aux ve-viie s. vraisemblablement. À la sous-phase 1d, la plus ancienne, appartiennent deux grandes jarres enterrées trouvées en place, couvercle fermé. La sous-phase la plus récente, 1a, est caractérisée par une grande unité d’habitation. Le mur nord marque la limite du bâtiment, aménagé en bordure de la rue 10183 et compartimenté par des murs qui en partent vers le sud. Tous ces murs à fondation en pierre avaient une superstructure en brique crue, entièrement disparue par endroits. Sur les sols associés ont été trouvés en place mortiers, plats en pierre tri- et quadripodes, vases complets, etc. À cette sous-phase appartiennent également des seuils et montants de porte et un petit chapiteau de style sud-arabe. L’abandon, de cause inconnue, eut lieu rapidement : le matériel domestique, laissé sur les sols, a été partiellement brisé par la chute des éléments d’architecture. Il n’y a pas eu réoccupation postérieure.

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Hégra, zone 1, vue aérienne vers l’ouest. À dr., la rue ; à g., un grand bâtiment aux murs en briques crues. © Mission archéologique de Madâ’in Sâlih.

15La zone 2 (fig. 5) se trouve à 150 m au sud-est de la zone 1. Une importante anomalie magnétique y dénotait une rue d’orientation nord-ouest/sud-est. La fouille a porté sur la rue et sur les secteurs situés au sud (A) et au nord (B et C), qui se sont révélés très différents, tant par la nature de l’occupation que par les phases chronologiques identifiées.

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Hégra, zone 2, vue aérienne, vers l’est. Au milieu, en diagonale, la rue qui sépare la phase la plus ancienne, avec des structures en brique crue, du bâtiment qui se développe au nord. © Mission archéologique de Madâ’in Sâlih.

16La phase la plus ancienne, de la seconde moitié du ier s. av. J.-C. et du début du ier s. apr. J.-C., présente surtout au sud de la rue, est caractérisée par des constructions exclusivement en brique crue : d’une part un mur (20008) de plus de 2 m d’épaisseur, et d’autre part trois murs et peut-être la base d’un escalier, qui appartiennent peut-être à une tour. Ces éléments furent abandonnés dès le début du ier s. apr. J.-C. au profit d’autres, construits au nord de la rue. Là, on observe trois phases principales de construction et réaménagements qui, pour la plupart, concernent un bâtiment unique. Il est limité à l’ouest par un grand mur de façade, au sud par un mur longeant la rue ; ses limites nord et est ne sont pas encore connues. Il est accessible par une porte en façade. Deux murs de partition intérieurs divisent l’espace derrière la façade en trois pièces de dimensions inégales. Une canalisation d’eau en pierre, s’écoulant du nord vers le sud, construite en même temps que cet ensemble, court sous cette partie antérieure du bâtiment et débouche dans la rue. La construction de l’ensemble eut lieu entre la fin du ier s. av. J.-C. et le milieu du ier s. apr. J.-C. Entre le milieu du ier s. et le début du iie, ce bâtiment connut des aménagements divers, dont un pavement en grès pour la pièce principale. Après cela, il connut un abandon à la suite duquel, à nouveau occupé, il subit quelques transformations moins ambitieuses, dont l’abandon de la canalisation. Le terminus post quem de cette phase est la fin du iie s. apr. J.-C. Elle se termina avec l’abandon ou la destruction du bâtiment, dont témoigne une abondante vaisselle en céramique commune locale qui ne paraît pas postérieure au début du ive s. Une ultime et modeste occupation des lieux survint entre le ive et le vie s.

17La zone 3 se trouve à l’extrémité nord-ouest de la zone résidentielle. C’est un monticule (un tell) bas, de 70 x 45 m en superficie, dominant de 2 m une surface argileuse et craquelée très plate qui l’entoure : un qâ‘. Cet aspect et cette position isolée laissaient penser qu’on avait ici un des lieux d’implantation les plus anciens de la ville. Le rempart, très peu lisible ici, forme les flancs nord-est et nord-ouest de ce tell. Deux grands sondages, au sommet et sur le flanc nord-est, ont visé à localiser le rempart et à examiner la stratigraphie. L’élément le plus ancien découvert, un grand fragment de bol à décor peint typiquement nabatéen datable au plus tard au milieu du ier s. av. J.-C., est complètement isolé quant à sa date et paraît remployé : les couches et éléments bâtis les plus anciens sont du ier s. apr. J.-C. ; ils reposent sur plus de 80 cm d’épaisseur d’argile stérile, reposant elle-même sur la surface du qâ‘. Il n’est pas encore certain que cette couche surprenante reflète un phénomène naturel ou un apport anthropique ; mais l’hypothèse que ce tell serait à l’origine de la ville de Hégra doit être abandonnée, puisque des niveaux plus anciens ont été trouvés dans les zones 1 et 2, beaucoup plus centrales. Le tronçon ici sondé du rempart, bâti, selon toute apparence, au ier s. apr. J.-C., est entièrement en briques crues et présente une épaisseur étonnante : 3,80 m. Des habitations aux murs orthogonaux, intégralement en briques crues, ainsi qu’un mur de cour de tracé courbe ont été édifiés sur le tell, jusqu’au contact du rempart, peu après l’érection de celui-ci. Leur durée d’utilisation, brève, ne paraît pas avoir dépassé la fin du ier s. Ce tell en bordure de la ville a donc été rapidement abandonné. Il a cependant connu une réutilisation tardive (ive s. ?), dont les traces très ténues font penser à un quartier artisanal : scories métalliques, bassins rectangulaires construits en pierre, traces de débitage de pierres.

18Les observations faites sur le rempart en bordure du tell ont été complétées par des sondages en d’autres emplacements, qui vont être poursuivis. Plusieurs questions majeures se posent en effet : la ville a-t-elle été fondée, ou refondée, sous la forme d’une enceinte entourant un espace protégé, dont l’intérieur n’aurait été que progressivement bâti ? Le nom sémitique du site, hjr, pourrait en effet s’expliquer par l’existence de ce rempart, élément marquant du paysage : en araméen, la racine h-j-r signifie notamment « entourer, encercler ». Autre question, les secteurs bordant le rempart à l’intérieur et à l’extérieur étaient-ils bâtis ? Les tours accolées aux courtines dans la moitié sud-est du rempart leur sont-elles contemporaines ou postérieures ? Peut-on identifier une réfection de l’enceinte à la fin du iie s., à associer à la restauration d’un [val]lum (?) attestée par l’inscription latine ? Où se trouvaient les portes ? Deux opérations ponctuelles conduites en 2008, sur les tronçons sud-est et est du rempart (chantiers 31 et 32), s’ajoutant à deux sondages des années 1980 au sud-est, ont apporté quelques réponses. Le rempart fut construit en un seul temps et de façon expéditive, au ier s., mais par des équipes multiples et en tenant compte de la topographie et des matériaux immédiatement disponibles : l’épaisseur est donc très variable, de 1,50 à 2,35 m (et 3,80 m au tell nord-ouest), ainsi que la technique de construction (fondation sur le rocher, sur l’argile ou sur le sable ; présence ou non d’assises de fondation en pierre sous l’élévation en brique crue). Cette construction se fit autour d’un site urbain déjà occupé, comme en témoignent les couches d’occupation du ier s. av. J.-C. ou antérieures mises en évidence dans les zones 1 et 2 ; qui plus est, le sondage sur la courtine est montre que la fondation repose sur des couches sableuses contenant déjà un peu de matériel épars et qu’elle recycle des pierres utilisées précédemment. Il n’existe pas de constructions voisines du rempart à l’extérieur ; à l’intérieur, la situation est variable : habitations éloignées du rempart (à l’est), ou proches (au nord), ou contiguës (au tell nord-ouest). On peut donc exclure la construction d’une enceinte ex nihilo définissant une ville nouvelle. Mais la fortification de Hégra au ier s. apr. J.-C., limitée dans ses moyens (une muraille en briques crues épaisse en général d’1,50 m à 2,35 m ne peut dissuader une armée), a résulté d’une opération délibérée et unique : une extension importante du périmètre urbain (refondation ?), grosso modo concomitante à la grande phase de construction, tant en ville que dans les nécropoles rupestres, et à la grande phase d’utilisation du Jabal Ithlib. Le commanditaire — on songe, sans pouvoir le prouver chronologiquement, au grand roi nabatéen Arétas IV, 8 av. J.-C.-40 apr. J.-C. — a vu grand : l’intégralité de la superficie enclose n’a pas été bâtie. Plusieurs remaniements intervinrent ensuite sur le rempart : sur le tronçon sud-est des purges de parements usés, suivies de deux épaississements de la courtine ; sur l’ensemble de la partie est, l’adjonction de petites tours à base en pierre (4 x 3 m en moyenne), probablement emplies de sable. Mais, d’après les sondages effectués jusqu’ici, ces renforcements eurent lieu encore au ier s. apr. J.-C. : rien pour l’instant ne peut être mis en relation avec la restauration du vraisemblable [val]lum signalée par l’inscription latine datée de 175-177. Le matériel ne témoigne pas d’une utilisation du rempart après le iie s., et même l’activité du rempart dans un iie s. avancé n’est pas complètement établie. Enfin, aucune porte n’est encore sûrement localisée.

19Les principaux acquis de cette première campagne à Madâ’in Sâlih sont donc d’ordre à la fois chronologique et documentaire. Les premiers peuvent être rapidement résumés. Les fouilles et sondages réalisés dans la zone résidentielle, à la fois dans des quartiers d’habitation et le long du rempart, ont montré que celui-ci, établi au ier s., enserrait un espace qui n’était pas vierge au moment de son érection, puisque des traces d’occupation du ier s. av. J.-C. ont été mises en évidence dans les secteurs d’habitation fouillés. Des traces plus anciennes, de l’âge du Fer ou de l’époque hellénistique, encore très ténues, devront être corroborées par des fouilles prochaines. Le rempart est donc installé, à une époque qui pourrait correspondre au règne d’Arétas IV, autour d’une ville qui existe déjà. Dans les zones fouillées de la ville intra muros, il semble y avoir eu deux phases d’occupation principales : la première, au ier s. av. J.-C., a laissé des traces plutôt ténues, sauf dans la zone 2, où d’assez importantes structures en brique crue ont été mises au jour au sud et au nord de la rue ; la seconde phase commence au ier s. apr. J.-C., époque aussi de la construction du rempart puis de ses renforcements, et se caractérise par la construction de grandes unités d’habitations qui connaissent des réaménagements et occupations successifs jusqu’aux ve-viie s. (date finale encore approximative). En dehors de la zone résidentielle, la fouille de tombeaux a donné des résultats spectaculaires : important matériel mis au jour dans les tombeaux rupestres monumentaux, mise en évidence d’une grande tombe-tour (tumulus) au sommet du Jabal al-Khraymât, probablement réutilisée à l’époque nabatéenne ou romaine, mais d’origine plus ancienne. Les résultats de l’analyse anthropologique sont des acquis importants : toutes les catégories d’âge de la population (hommes, femmes, enfants et immatures) étaient inhumées dans les tombeaux rupestres, et le nombre de personnes inhumées dans chaque tombeau pouvait être très important. Au Jabal Ithlib, enfin, la fouille, avec l’épigraphie, a établi la faible durée de l’utilisation des sanctuaires (peu de temps au-delà de la fin du ier s. apr. J.-C.) et mis en évidence le rôle central d’une multiplicité d’installations de banquet associées à des niches cultuelles et des bassins d’ablutions. Ces deux observations conduisent à rechercher désormais dans la ville les sanctuaires majeurs, notamment pour le iie s. et au-delà.

Séance du 6 décembre 2008

20La séance est ouverte à 15 h par Pascale Ballet, présidente, devant environ 40 participants. C. Saliou fait la lecture du procès-verbal de la séance du 15 novembre 2008, approuvé à l’unanimité. P. Ballet met ensuite aux voix les demandes d’adhésion de Mmes Claire Balandier, maître de conférences à l’Université d’Avignon (parrainée par É. Deniaux et P. Leriche), Marie-Pierre Dausse, maître de conférences à l’Université de Paris VIII (parrainée par C. Saliou et M.-Chr. Hellmann) et Estelle Galbois, maître de conférences à l’Université de Toulouse-Le Mirail (parrainée par P. Ballet et Fr. Queyrel). Ces adhésions sont acceptées à l’unanimité. P. Ballet donne ensuite lecture de la motion suivante, préparée par le bureau de l’association : « La Société française d’archéologie classique fait part de ses vives inquiétudes au sujet de l’évolution du statut des enseignants-chercheurs et de la masterisation de la formation des futurs enseignants du second degré. Elle manifeste ses préoccupations sur les conséquences de ces réformes pour la pérennité des disciplines liées à l’Antiquité classique ». Cette motion, votée à l’unanimité des membres présents, sera envoyée au ministère de l’Éducation nationale, au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et au président de la République. P. Ballet présente ensuite Mme Polyxéni Véléni, directrice du Musée de Thessalonique, et lui cède la parole pour une communication intitulée : « La physionomie des villes du royaume de Macédoine de l’époque archaïque à l’époque romaine ». À l’issue de cet exposé a lieu une discussion au cours de laquelle interviennent notamment Mmes P. Ballet et M. Fourmont.

La physionomie des villes du royaume de Macédoine, de l’époque archaïque à l’époque romaine, par Polyxéni Véléni, directrice du Musée de Thessalonique

21La deuxième colonisation grecque, depuis le milieu du viiie s. av. J.-C. jusqu’au début du viie, a été une période de grands bouleversements en Grèce. Les populations grecques se sont déplacées vers les côtes de la Méditerranée orientale et en Occident, vers l’Italie et la Sicile. C’est alors que sont fondées de nouvelles colonies et que les établissements antérieurs sont consolidés sur les côtes de la Macédoine, depuis la Piéride (Pydna-Méthonè) et la Chalcidique (Mendè, Skionè, Sanè, Néapolis, Aphytis, Potidée, Toronè, Sermylè, Akanthos, Stagire) jusqu’au Strymon (Argilos) et à Thasos, et dans la région entre le Strymon et le Nestos [8].

22Presque toutes les colonies connurent un grand épanouissement économique à l’époque archaïque, qui s’est poursuivi à l’époque classique. Cette prospérité allait de pair avec le développement des habitats macédoniens et thraces dans l’arrière-pays et sur les côtes. Elle était fondée sur les échanges économiques et culturels et sur le commerce intensif avec l’Eubée, l’Ionie et Corinthe, au viie et au vie s., puis avec l’Attique à partir du vie s., en même temps que sur l’exploitation des mines (or, argent, cuivre, fer) et du bois de construction.

23Pour les colonies des côtes de Macédoine centrale, nous avons surtout des informations par les nécropoles qui ont été fouillées systématiquement ces dernières décennies. Mais nous avons encore une image très partielle des villes archaïques des côtes de Macédoine et des habitats de l’intérieur [9]. Nos connaissances quant à l’évolution des villes dans l’espace macédonien sont encore très restreintes, en dépit des multiples fouilles qui ont été menées en Macédoine depuis trente ans. À l’exception d’Olynthe [10] — qui a fait l’objet de fouilles et de publications détaillées au cours de la première moitié du xxe s. — et de Pella [11] — qui fait l’objet de fouilles depuis trente ans —, il n’y eut pas de fouilles étendues ni nombreuses de villes macédoniennes. Les recherches se limitent habituellement à des fouilles de sauvetage dans des terrains situés dans des régions contemporaines habitées. On évite de mener des recherches systématiques dans les villes, étant donné qu’il s’agit d’un processus qui prend du temps et n’offre pas toujours des résultats rapides ni des trouvailles impressionnantes. On préfère les nécropoles ou les édifices funéraires, tels que les tombes macédoniennes. En effet, leur contenu est souvent intact et aboutit à une mise en valeur plus immédiate, tant des trouvailles que de ceux qui menèrent les fouilles.

24Au cours de la période archaïque et du début de la période classique (première moitié du ve s.), les villes coloniales qui furent fondées l’une après l’autre sur les côtes du golfe Thermaïque et dans la péninsule de Chalcidique connurent un grand essor. Les fondateurs des colonies choisirent habituellement des emplacements situés en hauteur, toujours à proximité de la mer, pour faciliter le chargement et le déchargement des marchandises, puisque leur principale activité était le commerce. En même temps, ce type d’emplacement leur permet d’observer toute la région. Les habitations sont aménagées en groupes de trois ou quatre, en petits îlots de taille inégale, dont les dimensions dépendent du relief du sol en pente. Au rez-de-chaussée se trouvent les locaux de stockage, et pour la majorité de ces habitations des indices montrent qu’il existait des étages. Certaines d’entre elles comportent une petite cour intérieure. Des passages et des ruelles séparent les propriétés et les îlots bâtis selon une forme habituellement irrégulière.

25De telles habitations ont occasionnellement fait l’objet de fouilles dans les hameaux de Polichni, Stavroupoli, Liti ainsi qu’à Anchialos. Dans les colonies plus éloignées, telles qu’Akanthos, Mendè, Toronè et Stagire en Chalcidique ou telles qu’Argilos et Amphipolis — où il semble que l’espace disponible ait été plus important —, on note une organisation plus commode avec des habitations plus grandes, des propriétés plus homogènes et des rues plus larges.

26À Mendè (aujourd’hui Poseidi), on a fouillé sur la partie côtière de la ville antique des murs de soutènement et des bâtiments du vie s. av. J.-C., conservés sur une hauteur de 1,50 m. Au point le plus élevé de l’acropole ont été fouillées des fosses-dépotoirs avec de la céramique de la fin de l’époque mycénienne, mais aussi protogéométrique et géométrique, qui donne une dimension nouvelle au problème de la chronologie de la fondation des colonies eubéennes [12] (fig. 1). À Toronè, les dénombrements ont montré une ville bien fortifiée qui a joué un rôle important dans la guerre du Péloponnèse [13].

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Le sanctuaire à Poseidi (ancienne Mendè). © P. Adam Véléni.

27À l’époque archaïque, la Macédoine orientale a été prise dans la mouvance culturelle directe des colonies grecques qui, depuis le viie s., avaient été fondées sur les côtes. Un rôle de premier plan dans la colonisation des côtes et l’hellénisation des tribus thraces de la Macédoine orientale et de la Thrace égéenne a été joué par Thasos [14]. Colonie de Paros, Thasos est très vite devenue la métropole d’un vaste État colonial qui s’est déployé sur les côtes, dans la région maritime entre le Strymon et le Nestos. Les colonies thasiennes sont des acropoles fortifiées qui contrôlent des ports naturels et un arrière-pays riche en produits agricoles ou en métaux précieux. Avec les richesses naturelles de l’île et de sa pérée, Thasos, en tant que colonie, connut une période de grande prospérité entre la fin du viie s. et le début du ve s. av. J.-C.

28Sur la rive ouest du Strymon, les habitants d’Andros avaient fondé, probablement au milieu du viie s., la colonie d’Argilos, dans la région de l’antique Bisaltie [15]. À Argilos, une des quatre colonies d’Andros en Macédoine, les principaux axes urbanistiques ont été tracés au cours du vie s., telle la rue centrale, large de 5 m, qui parcourt la ville dans le sens nord-sud [16]. Deux habitations archaïques comportent une seule pièce. Au cours du ve s., les mêmes édifices sont transformés en habitations à trois pièces, avec l’adjonction de deux pièces au local initial. Les deux pièces en question comportaient également un second niveau. Ce type d’habitation en trois parties est très caractéristique d’Argilos, mais n’est pas habituel en Grèce du Nord.

29Stagire, la ville natale d’Aristote, était également une colonie d’Andros, bâtie au milieu du viie s. Les habitations s’y déploient sur deux collines protégées par un mur de fortification, datant des environs de 500. L’acropole archaïque fut aménagée sur la colline sud. L’impressionnante enceinte fortifiée, d’une épaisseur de 2 m, fondée sur la roche, a été bâtie selon deux appareils de murs : l’appareil égyptianisant, ou trapézoïdal irrégulier, et l’appareil lesbien. Par intervalles, elle est renforcée de tours circulaires ou carrées [17] (fig. 2).

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Stagire, l’acropole archaïque et classique. © P. Adam Véléni.

30En plus des édifices publics — une galerie, une citerne à eau, des dépôts, un temple —, certaines habitations des ve, ive et iiie s. ont également fait l’objet de fouilles. Elles sont construites en pierres brutes et en pierres taillées, et avec du torchis ; les pièces sont larges et comportent un foyer. Elles sont séparées par des rues pavées ou aménagées dans la roche. Pour faire face aux particularités du sol, en pente abrupte vers la mer, les fondations des habitations sont jetées sur des terrasses artificielles et les murs extérieurs sont puissants. Les inclinaisons du sol imposent l’aménagement des habitations en gradins et, en même temps, forment des espaces souterrains utilisés comme entrepôts ou ateliers.

31Le puissant système de la cité-État ne connut pas une large diffusion dans l’espace macédonien. Il semble avoir été appliqué uniquement dans les villes coloniales qui suivirent le modèle de leur métropole respective. Les colonies qui avaient été fondées ont initialement fonctionné en tant que postes commerciaux d’où des produits macédoniens étaient revendus au sud, et où des produits qui n’existaient pas en Macédoine étaient importés de tout le monde connu à l’époque. Un important réseau de communication avait été créé non seulement entre les villes coloniales du Nord et leur métropole, mais, aussi, entre celles-là et les grands centres commerciaux de l’espace ionien, de la mer Égée du Nord et de la Méditerranée orientale. Cependant, nous ne disposons d’aucune source ou information archéologique concernant l’exploitation des terres macédoniennes. Il semble qu’au cours des époques géométrique et archaïque, ainsi qu’au début de l’époque classique, la production ait été réalisée au niveau des familles ou des clans. Elle permettait ainsi, tout au plus, de répondre aux besoins de la ville et du pays, grâce à l’exploitation des étendues disponibles, c’est-à-dire de celles dont chaque ville était entourée.

32À partir des dernières années du vie s. et pendant les guerres Médiques, les rois macédoniens jouèrent un rôle actif dans les affaires de la Grèce du Sud [18]. Alexandre Ier, bien que vassal des Perses, fut d’une aide précieuse par les informations qu’il fournissait aux Grecs ; selon Hérodote, il affirmait : « Moi aussi, hommes d’Athènes, je suis Grec depuis les temps anciens et je n’aimerais pas voir la Grèce esclave, mais libre ». Dans la seconde moitié du ve s., pendant la durée des hostilités entre Sparte et Athènes (guerre du Péloponnèse), les Macédoniens, qui possédaient d’immenses forêts dont le bois était capital pour la flotte athénienne, jouèrent un rôle positif dans ce grand conflit en aidant au développement du « front de Chalcidique ».

33Mais la Macédoine atteignit son apogée au ive s. av. J.-C. Philippe II, père d’Alexandre le Grand, réussit d’abord à stabiliser son trône et assurer les frontières au nord et à l’est après une suite de campagnes victorieuses contre les Illyriens, les Paioniens et les Thraces [19]. Après la conquête de la péninsule de Chalcidique, qui se termina par la destruction d’Olynthe en 348, les Athéniens réalisèrent, mais trop tard, l’importance de la menace nordique. La bataille de Chéronée (en 338) confirma la suprématie de la Macédoine sur pratiquement toute la Grèce [20].

34Plusieurs villes coloniales présentent des phases de construction remontant à l’époque géométrique, voire antérieures à celle-ci, tandis que leur vie se déroule de façon ininterrompue jusqu’à l’époque classique tardive. À cette époque, avec la stabilisation de la force de la maison royale, elles entrent dans une phase de décadence et d’autres villes, situées dans l’arrière-pays et habitées par des populations locales, prennent la relève. En outre, plusieurs d’entre elles, telles qu’Amphipolis, Potidée et Apollonia, furent entièrement détruites par le roi Philippe II, pour unifier son royaume et imposer sa présence. Certaines ont été reconstruites par la suite. Les villes des côtes du golfe Thermaïque et de la Chalcidique, qui avaient connu un important essor tout au long des époques géométrique, archaïque et jusqu’à la première moitié du ve s., indépendamment du fait de savoir si elles étaient dépendantes de leur métropole ou autonomes, ont finalement été soumises au pouvoir du dynamique roi Philippe II, qui en a détruit plusieurs pour les refonder ensuite selon ses propres volontés.

35En dépit de la rareté des sources littéraires directes, c’est à cette époque du règne de Philippe II que semble survenir un bouleversement radical dans l’économie, le commerce et la gestion des terres. Le système fermé d’exploitation des espaces vitaux dont les villes étaient entourées — système introduit par les fondateurs des colonies lors de la seconde colonisation de l’espace macédonien — semble avoir été abandonné lorsque les rois macédoniens ont dominé. D’ailleurs, dans la seconde moitié du ve s., la maison royale des Argéades, sortie politiquement renforcée des guerres Médiques grâce à l’attitude qu’elle adopta sur la question perse, établit sa puissance et fut à la recherche de modes de modernisation et de développement du royaume.

36Philippe II est le premier chef d’État à avoir conçu et réussi, à un important degré, la mise en œuvre, même embryonnaire, d’une idée de globalisation. En effet, il s’est aperçu à temps que les colonies économiquement autonomes qui se trouvaient sur les côtes de son royaume, ainsi que certaines villes de l’arrière-pays de la Chalcidique, pouvaient se muer en de puissants obstacles à ses plans d’unification. Aussi a-t-il commencé à les éliminer les unes après les autres, en les soumettant à sa puissance. En même temps, et dans le but d’établir son pouvoir à l’intérieur de son royaume, il a veillé à assurer ses frontières au nord et à l’est de façon à ce que, puissamment fondé dans son État, il puisse dorénavant entamer sa descente vers le sud et unir toute la Grèce sous son sceptre.

37Cependant, il n’était pas sans savoir qu’un État puissant requiert aussi une économie solide, une économie qui doit s’appuyer sur une production suffisante de biens. Ainsi, favorisant la classe supérieure des aristocrates macédoniens, les hétairoi, il leur a distribué des terres et atteint ainsi un double objectif. D’une part, il obtint l’exploitation des ressources naturelles et, d’autre part, par l’intermédiaire de ses hétairoi dévoués, il prit le contrôle des diverses régions de son royaume. Comme nous l’apprennent les différences fonctionnelles caractérisant les grandes fermes des époques classique et hellénistique qui ont fait l’objet de fouilles, certaines d’entre elles remplissent simplement des fonctions de production, mais il en existe d’autres, telles que la forteresse de Vrasna, qui sont dotées de compétences de « police » dans leur région de juridiction. D’ailleurs, leurs opérations sont placées sous le strict contrôle de la ville puissante la plus proche qui est, elle-même, sous le contrôle des astynomes [21].

38La continuité des productions nous indique également que certaines des fermes mentionnées précédemment sont spécialisées dans la production de biens précis. En fonction de leur situation, du climat et des particularités du sol, certaines fermes produisent du vin, comme celle de Tria Platania en Piérie, d’autres produisent de l’huile, comme celle de Vrasna à Thessalonique, tandis que d’autres encore sont dotées d’installations suffisantes pour l’élevage systématique et professionnel, comme la ferme d’Asprovalta où l’on a découvert de grandes aires pour l’accueil de bovins, de porcs, d’ovins et de caprins. Dans tous les cas, on constate une production suffisante de céréales et de produits transformés, tels que les tissus, pour répondre aux besoins de la ferme et à l’habillement de ceux qui l’habitent [22].

39En plus du fait qu’ils disposent d’espaces suffisants pour entreposer des produits, ces grands complexes sont également fortifiés et assurent la sécurité tant de leurs habitants que des précieuses productions de la terre qui y sont conservées. En même temps, leur situation avantageuse, à proximité des axes de circulation, leur permet de charger et de décharger leurs produits destinés à l’exportation et à la vente, par voie aussi bien terrestre que maritime. Ce mode d’administration, de contrôle et d’exploitation de la campagne, de type « féodal », qui domina en Europe centrale et occidentale pendant plusieurs siècles, au cours du Moyen Âge et de la Renaissance, inventé par Philippe II (le prévoyant) et renforcé par son successeur Alexandre le Grand (le perspicace), fut poursuivi et accentué pendant l’époque romaine [23]. D’ailleurs, ce sont les Romains qui ont établi les grands latifundia, ces énormes propriétés agricoles dotées de villae dont plusieurs présentaient un double caractère, une pars rustica et une pars urbana, et ce sont eux encore qui ont organisé de façon plus systématique la distribution des terres parmi les riches propriétaires terriens et leur imposition, aussi bien en péninsule italienne que dans l’ensemble du territoire de l’Empire romain.

40Du berceau des rois macédoniens, l’Aianè [24] archaïque, nous ne connaissons que très peu de choses. Une partie de la nécropole archaïque a fait l’objet de fouilles, ainsi que des édifices funéraires datant de la première moitié du ve s. av. J.-C. Toutefois, la ville des premiers temps n’a pas été mise au jour. En tout cas, à l’époque hellénistique, elle s’est développée en adoptant un urbanisme libre. Les habitations sont déployées sur les terrasses de la colline par groupes de trois ou quatre, elles comportent de petites cours intérieures et des étages. Ainsi, il s’agit d’un urbanisme de type mixte, où l’adaptation aux particularités du sol est libre, mais, en même temps, il existe un tracé directeur qui divise le hameau au moyen d’axes routiers verticaux et horizontaux, en créant des îlots de tailles inégales. Le système urbanistique que l’on trouve dans l’Aianè hellénistique fut également appliqué dans d’autres villes de Macédoine datant de la même époque, telles que la Thessalonique hellénistique, la ville de Florina, celle de Palatiano (peut-être l’ancienne Ioron) [25] et dans la petite ville de Pétrès.

41Un urbanisme mixte a probablement aussi été appliqué dans la première capitale des Macédoniens, Aigai, qui s’étend depuis le flanc de la colline qui accueille le palais (fig. 3) jusqu’à la plaine au-devant, sur une superficie d’environ 70 ha [26]. La ville archaïque demeure inconnue. Une grande partie de l’enceinte fortifiée des époques classique et hellénistique a fait l’objet de fouilles — dont les résultats ne sont toutefois pas encore publiés —, ainsi qu’une partie de son agora avec le sanctuaire d’Eucléia et celui de la Mère des dieux, et une habitation datant des iiie-iie s.

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Aigai, le palais royal. © P. Adam Véléni.

42La situation géographique purement continentale de la première capitale, Aigai, cessa de satisfaire les rois, car elle ne remplissait pas les critères d’ouverture politique et économique sur le monde qui se trouve au-delà des frontières du royaume macédonien. Ils choisiront donc pour capitale Pella qui, située dans la plaine, offrait la possibilité d’y développer un nouveau système urbanistique, l’urbanisme « hippodamien », qui passe pour exprimer les idéaux du régime démocratique de l’Athènes au siècle d’or de Périclès. En même temps, la nouvelle capitale a directement accès à la mer et dispose d’un port. Ainsi, elle remplit toutes les conditions pour la création d’une flotte puissante, élément nécessaire à tout grand État de l’époque.

43Pella sera transformée en une brillante capitale. Son palais domine, depuis le point le plus élevé de la région, les habitations luxueuses des hétairoi, au sud de son énorme agora centrale (fig. 4). La ville deviendra un nouveau modèle d’urbanisme ; plusieurs autres s’efforceront d’en imiter l’immensité majestueuse et le prestige [27].

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Pella, l’agora et des habitations privées. © P. Adam Véléni.

44Les habitations de Pella, de même que celles d’Olynthe, sont réparties dans le tissu urbain en fonction de leur taille et de leur luxe. Les habitations de la première et de la deuxième zone se développent au sud de l’agora, en présentant la forme caractéristique de l’habitation grecque de l’Antiquité. Les pièces d’accueil, c’est-à-dire l’espace de la maison où le maître des lieux recevait ses amis lors des banquets, sont aménagées autour d’une grande cour à colonnade (péristyle). Ces pièces officielles sont ornées de sols en mosaïque conçus avec beaucoup d’art, ainsi que d’enduits muraux qui imitent le revêtement de marbre et l’appareil en pierres de taille. Les habitations plus petites relèvent du modèle de la maison à pastas, où une galerie longe la cour intérieure sur laquelle donnent deux ou trois pièces. Dans les deux types, l’élément caractéristique est la cour intérieure, qui assure l’éclairage et l’aération de l’habitation. Dans la ville, les îlots d’habitation, allongés, ont une largeur de 47 m et une longueur qui varie en fonction de leur situation dans le centre urbain, entre 110 et 150 m.

45La première zone de construction comprend les habitations les plus luxueuses et les plus grandes [28], datant environ du dernier quart du ive s. La maison du Dionysos (ainsi nommée d’après la représentation du dieu assis sur une panthère, sur un sol en mosaïque), d’une superficie de 3 160 m2, occupe toute la largeur d’un pâté de maisons. Elle est composée de deux parties chacune à cour péristyle, avec une colonnade d’ordre ionique. Il existe deux andrones (appartements des hommes) qui communiquent avec la cour par d’imposants vestibules. Toutes les pièces officielles sont ornées de sols mosaïqués d’une qualité et d’une beauté extraordinaires, comme ceux qui représentent Dionysos et la scène de la chasse au lion. La deuxième grande demeure de Pella est celle du rapt d’Hélène. Elle occupe, elle aussi, toute la largeur d’un pâté de maisons. Elle couvre 2 350 m2 et comporte une cour centrale à colonnade d’ordre dorique. Dans la partie nord, les fouilles ont mis au jour trois appartements des hommes, disposés en série. Dans l’appartement central se trouve la représentation en mosaïque, au sol, du rapt d’Hélène. Le sol de la pièce contiguë, à l’est, est orné d’une représentation de chasse au cerf, qui porte la signature de l’artiste Gnosis. Une troisième grande habitation, au sud de la maison d’Hélène, offre de l’intérêt pour ses décorations murales. Elle suit le modèle habituel à péristyle ; parmi les différentes pièces, quatre ont conservé leurs décors muraux. Dans la zone inférieure on observe des orthostates de couleur blanche, puis des enduits qui imitent un revêtement mural en marbre et, enfin, le rendu conventionnel d’un édifice à deux niveaux [29].

46À la fin de l’époque classique, en 315, les hameaux situés aux abords du golfe Thermaïque sont au nombre de vingt-six et constituent le noyau des populations que le roi Cassandre réunira pour fonder Thessalonique [30]. Il fondera encore une autre grande ville, en Chalcidique, et lui donnera son propre nom : Cassandreia [31]. Sa superficie intra muros est comparable à celle de Pella, puisqu’elle atteint quasiment les 400 ha. De toute évidence, son ambitieux fondateur — qui sera plus tard le roi Cassandre, celui qui éliminera la génération d’Alexandre le Grand — a souhaité créer un centre urbain plus important que celui de ses prédécesseurs sur le trône royal. Toutefois, l’évolution historique le démentit : la vie de Cassandreia fut limitée.

47Au contraire, Thessalonique se développa, grandit et devint la capitale de la province de la Macédoine lors de l’occupation romaine, ville « co-régnante » au cours de l’Empire byzantin et deuxième ville importante de la Grèce actuelle. De la ville de Cassandre, nous ne connaissons quasiment rien. Il est probable que sa partie initialement protégée d’une enceinte se limitait, pour des raisons de défense, à l’actuelle Ano Poli, la partie la plus forte et la plus abrupte du site. Là, quelques rares vestiges de bâtiments indiquent l’application d’un système libre d’urbanisme, adapté au relief et aux particularités du sol. Plus tard, à l’époque de Philippe V ou immédiatement après la conquête romaine, il y eut une importante extension vers la mer.

48Le site où Cassandre fonda la nouvelle ville présentait de nombreux avantages : occupant une situation géographique clé pour la communication de l’État macédonien avec le reste du monde, Thessalonique se trouvait très près de la partie la plus profonde du golfe Thermaïque et, en même temps, au pied du mont Chortiatis, là où ses secteurs semi-montagnards arrivaient à la mer. La ville et son port étaient naturellement protégés. Thessalonique disposait d’un espace suffisant pour se développer dans la direction de la mer et était dotée d’une sortie sûre vers la mer Égée. De plus il était aisé, partant de la ville, d’avoir accès à l’arrière-pays, tant occidental qu’oriental, ainsi qu’à la plaine du fleuve Axios. Ainsi, Thessalonique devint rapidement un remarquable centre commercial et l’une des bases militaires les plus importantes. Elle développa des relations commerciales avec les grands ports de la Méditerranée (Rhodes, Délos, Alexandrie) et avec tous les grands centres urbains de la région (Pella, Amphipolis, Apollonia), ainsi qu’avec les centres commerciaux plus éloignés de la Thessalie, de la Grèce centrale et de l’Attique. Ce développement commercial et économique attira des habitants d’autres villes grecques qui vinrent bientôt s’y établir.

49Les fortifications bâties par Cassandre entouraient uniquement la partie semi-montagnarde de Thessalonique, qui occupait environ 60 000 ha, au nord de l’actuelle rue Hagiou Dimitriou. Dans sa partie sud-ouest, extra muros, devaient se trouver les sanctuaires urbains.

50Les rois de la Macédoine avaient doté Thessalonique d’une garde permanente. Il semble également que ces mêmes rois, surtout depuis l’époque d’Antigonos Gonatas, effectuaient de longs séjours dans la ville, dans un palais luxueux situé au centre de Thessalonique. Mais les vestiges d’édifices datant de l’époque de Cassandre sont extrêmement rares. Tout ce qui restait des phases de construction qui se succédèrent tout au long de l’histoire de la ville a été emporté lors de la « tornade » de construction immobilière dont elle fut victime au cours des dernières décennies. Il est particulièrement difficile de recréer le plan urbain de la ville hellénistique au moyen des données archéologiques existantes. Les seuls points sur lesquels, aujourd’hui, nous disposons d’informations concernent les emplacements des sanctuaires (extra muros, dans la partie ouest de la ville), d’un seul édifice public officiel (probablement une demeure royale, située sur la place Kyprion Agoniston), d’une stoa (sur la place Navarinou) qui était probablement liée au port, ainsi que l’emplacement des bains de l’époque hellénistique tardive (à l’angle sud-est de ce qui est devenu l’agora de l’ère impériale) et d’une partie des murailles est et sud, datant de l’époque de Cassandre.

51Les informations littéraires sur l’organisation politique de Thessalonique remontent à l’époque des Antigonides. Cette organisation suivait le modèle des autres villes grecques : les principaux organes de l’État étaient la boulè et l’assemblée du peuple. La ville disposait de son propre seigneur, qui portait le titre de prêtre. Toutefois, les textes officiels étaient datés selon l’année du roi de l’époque concernée et le calendrier était macédonien. En d’autres termes, Thessalonique était une ville autonome dotée de sa propre administration, tout en étant une composante organique du royaume macédonien, dépendant du gouvernement central, c’est-à-dire du roi.

52À l’époque impériale, lorsque la ville devint la plus importante de la Macédoine, en tant que capitale de la province romaine du même nom, un plan hippodamien régulier fut appliqué, avec des îlots de taille égale [32] (fig. 5).

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Le forum romain de Thessalonique. © P. Adam Véléni.

53Les maisons les plus luxueuses d’Olynthe [33] s’adaptent au plan hippodamien sur les deux hauteurs de la ville entre lesquelles étaient établis l’agora et les autres édifices publics. On y trouve des habitations dotées de grandes cours péristyles décorées, comme les appartements des hommes, de sols en mosaïque de pierre naturelle, au dessin recherché. En même temps, il existait aussi des habitations plus petites, à pastas.

54Seule une partie d’une maison datant du iie s. av. notre ère a fait l’objet de fouilles à Amphipolis [34], tandis que l’organisation urbanistique de la colonie athénienne classique nous est encore inconnue. La trouvaille la plus importante dans cette habitation est son décor peint dans le « premier style pompéien » : d’après les trouvailles faites depuis quelques années, ce style fut utilisé en premier lieu en Macédoine et il faudrait peut-être plutôt l’appeler « style macédonien ». Ces peintures sont composées de panneaux rectangulaires d’une hauteur de 1,40 m, séparés par des colonnes ioniques rendues en chiaro-scuro, le foyer de lumière supposé étant situé dans l’angle sud-est de la pièce. Au-dessus des panneaux de cette zone inférieure, sont peintes une zone à encadrements de couleur rouge et une troisième qui imite le marbre. La pièce contiguë est décorée d’enduits blancs qui imitent l’appareil en pierres de taille.

55À 5 km seulement des côtes de la Piérie, sur les contreforts de l’Olympe, s’étend l’ancienne cité de Dion. Les Macédoniens avaient coutume de se rassembler à Dion [35] pour honorer les dieux olympiens par des sacrifices et des offrandes. Le roi Archélaos (413-399) anima ces fêtes en y ajoutant des concours d’athlétisme et des représentations théâtrales. Les sanctuaires des dieux, les théâtres grec et romain et les stades ont été localisés dans une large zone à l’extérieur des murs de la ville. L’ancienne Dion était une cité bien agencée ; un réseau élaboré de voies pavées, à l’époque impériale, délimitait les bâtiments et permettait la libre circulation des piétons et des véhicules. Seize rues ont été repérées et fouillées ; elles entourent les blocs de bâtiments qui comportent non seulement des maisons privées, mais également de nombreux ateliers, boutiques et bâtiments publics.

56Une très intéressante partie de l’ancienne Kalindoia a été fouillée ces dernières sept années [36], ville identifiée par une inscription de l’époque d’Alexandre le Grand. On y a trouvé une stoa du début de l’époque romaine, entre la deuxième moitié du ier s. av. J.-C. et la première moitié du ier s. apr. J.-C. ; dotée de salles consacrées au culte impérial, elle faisait peut-être partie d’un forum. Malgré plusieurs trouvailles significatives de sculptures et des inscriptions, qui ont été exposées de manière temporaire au musée de Thessalonique, on ne sait encore rien sur le plan de cette ville macédonienne de la région de Bottiée.

57Véroia [37], située sur un plateau du mont Vermion, près de la capitale Pella et de l’ancienne capitale Aigai, est à la limite occidentale de la Basse Macédoine. Son premier essor date de l’époque hellénistique. Le centre de la ville occupe une zone relativement restreinte ; il s’étend des deux côtés d’une route centrale qui mène à la porte nord. Les fouilles ont relevé l’existence d’autres rues parallèles et perpendiculaires à l’artère centrale, mais jusqu’à présent il s’avère impossible de déterminer le plan urbain. Les données archéologiques pour cette période sont fragmentaires, la cité s’étant développée au même emplacement à l’époque romaine et plus tard. On a toutefois découvert le stade, ainsi que des parties de bâtiments publics appartenant probablement à l’agora de la cité.

58La ville de Philippes [38] doit son nom au roi Philippe II, qui arriva en 356 dans l’arrière-pays du mont Pangée et conquit la colonie thasienne de Krénidès. Le roi la fortifia, la réorganisa et y installa des colons macédoniens. De la ville macédonienne de Philippes, très peu de monuments ont jusqu’à présent été mis au jour, car ils sont recouverts par les édifices monumentaux de la ville romaine. Contemporain de la construction des remparts, le théâtre, dans son état primitif, est encore visible sous les remaniements de l’époque romaine. Des vestiges de constructions appartenant à la ville tardo-classique et hellénistique n’ont encore été exhumés que de façon sporadique, sous l’état architectural postérieur, dans le forum et dans le complexe de l’octogone paléochrétien. La colonie romaine de Philippes a suivi le système urbanistique hippodamien et était naturellement régie par la législation romaine, avec le latin comme langue officielle de l’administration. À partir du iiie s. apr. J.-C., avec le déclin de plus en plus net de l’empire romain, le lien entre Philippes et le pouvoir central s’affaiblit, et la langue grecque fut même réintroduite dans les actes officiels de la cité.

59Un urbanisme « hippodamien » libre a également été appliqué dans une autre ville du royaume macédonien, aux frontières occidentales, dans la région de Lyngystis [39]. Les fouilleurs considèrent que le hameau fut créé sous Philippe II ; il a été détruit par un incendie au cours du ier s. av. notre ère, ainsi que le prouve la couche continue d’incendie. Le hameau présente un caractère à la fois agricole et artisanal. L’espace fouillé, d’une superficie d’environ huit stremmas (80 a), comprend des parties de quartiers séparés par trois rues perpendiculaires de 3 m de large. En plus de ces rues, il en existait d’autres plus étroites (d’une largeur de 1 à 1,5 m) entre les pâtés de maisons, qui facilitaient l’accès aux habitations tout en favorisant l’évacuation des eaux de pluie. Les rues pavées comportaient des escaliers en pierre, là où cela était nécessaire, et étaient traversées par des conduits d’évacuation des eaux. Chaque pâté de maisons était composé de quatre ou cinq unités d’habitation, nanties du même nombre de pièces, dont l’une, habituellement orientée vers l’est, était ouverte. De petites dimensions, les habitations étaient séparées par des murs mitoyens ou par d’étroites ruelles ; les pièces étaient dotées de foyers et de moulins à céréales, de cours intérieures et de locaux où étaient entreposées les jarres pour la conservation de la récolte annuelle. Lors des fouilles, on a découvert un nombre élevé de vases et plusieurs statuettes en terre cuite, qui nous informent sur l’idéologie et le contexte religieux des habitants, un nombre important de monnaies en cuivre ainsi que plusieurs outils en fer, qui révèlent les occupations des habitants. Sur le versant est de la colline ont été trouvées trois tombes taillées en forme de chambre, datant de l’époque hellénistique, très probablement liées à la nécropole de la ville.

60La ville hellénistique de Pétrès [40], dans l’Antiquité, se trouvait aux limites de l’ancien département d’Éordée, aux frontières du territoire de Lyngystis, c’est-à-dire à la frontière entre la Haute et la Basse Macédoine, puisque la région d’Éordée fut intégrée au royaume macédonien après la campagne victorieuse de Philippe II, en 358 av. notre ère. Il s’agit d’une ville satellite de la capitale, Pella.

61Une enceinte fortifiée en poros entourait la partie bâtie de l’agglomération, assurant sa protection. La superficie totale comprise dans l’enceinte couvre environ 20 ha (fig. 6). Il s’agit donc d’un centre urbain relativement petit, d’un bourg peut-être, assez densément peuplé, puisque sa population devait atteindre les 5 000 habitants. L’agglomération était aménagée suivant un urbanisme libre, adapté aux pentes et aux courbes de la colline. Des îlots de maisons ont été créés, aux dimensions irrégulières, dont la taille varie en fonction de l’espace qu’occupent les terrasses, petites ou grandes, des flancs ouest, sud et est de la colline. Les habitations aménagées dans ces îlots, par groupes de trois ou quatre, en contact les unes avec les autres, sont séparées par des murs mitoyens ou des murs doubles. Leurs axes varient en fonction de leur situation et de leur forme et sont orientés soit nord-sud, soit est-ouest ; mais, dans tous les cas, elles ont une vue sur le lac de Pétrès, au sud-est, et sur la plaine qui s’étend au sud, devant la ville. L’accès aux complexes résidentiels se faisait par les rues principales dont le tracé était parallèle aux courbes naturelles de la colline. Des ruelles plus étroites, des passages, des venelles ou des impasses conduisaient à des entrées secondaires, latérales, permettant une meilleure aération et un éclairage des habitations ainsi que l’écoulement des eaux de pluie venant des toits. Chaque maison a une superficie utile variant entre 180 et 200 m2, partagée, en règle générale, sur deux niveaux. Les pièces du rez-de-chaussée servaient d’entrepôts et d’ateliers. La partie inférieure était construite en pierre, avec des murs extérieurs dont l’épaisseur pouvait atteindre les 80 cm, alors que les cloisons étaient plus minces. Les principales formes adoptées par les habitations du plateau sud sont au nombre de deux : à façade étroite, transversale par rapport aux courbes hypsométriques de la colline, et à façade large, en forme de gamma. À cause de la pente du sol, les habitations disposent souvent de deux niveaux d’un côté, et d’un seul niveau (le rez-de-chaussée) de l’autre. Du niveau supérieur arrière, la pièce avait directement accès à la rue, et dans la partie avant de cet étage était aménagé le gynécée. La grande ouverture au rez-de-chaussée et la présence d’un escalier extérieur nous conduisent à admettre qu’il existait à l’avant un espace semi-ouvert, qui offrait une meilleure aération et un éclairage plus important de la maison, et qui permettait aux habitants de se rendre à l’extérieur. Dans trois des habitations à façade étroite, un escalier de pierre extérieur reliait les étages et conduisait directement à cet espace semi-ouvert. Ainsi, nous observons ici un type d’habitation à véranda, le hayat, élément caractéristique que l’on retrouve jusqu’au xixe s. dans toute la Grèce continentale du Nord et dans les îles. Cette conservation d’une tradition constructive pendant des siècles représente probablement la constatation la plus importante des fouilles menées dans la ville hellénistique de Pétrès. En effet, elle démontre une continuité dans les pratiques de construction, imposée par les conditions climatiques et le relief du sol de la région.

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Pétrès, vue générale de la ville hellénistique. © P. Adam Véléni.

62On a vu que l’urbanisme orthogonal a été appliqué en Macédoine dans cinq grandes villes de l’époque classique : Olynthe, Pella et, très probablement, Amphipolis, Apollonia et peut-être Kalindoia. À l’époque romaine, ce système a également servi à organiser Dion, la ville sacrée des Macédoniens, la Thessalonique romaine et Philippes. L’enceinte fortifiée mise au jour dans toutes ces villes donne leur étendue. Elles se déploient sur des plaines qui varient, en fonction de la population de chacune d’entre elles, entre 40 et 400 ha. Olynthe s’étend sur environ 80 ha, Amphipolis sur 60, Apollonia sur 40, de même que Dion. La capitale, Pella, atteint les 400 ha, laissant loin derrière elle les autres villes. Une autre ville importante de Macédoine, Véroia, dont la forte présence marque l’espace depuis l’époque hellénistique et qui est le siège du Koinon des Macédoniens, couvre à l’époque romaine 70 ha environ ; elle est bâtie suivant un système mixte, une combinaison de l’urbanisme hippodamien et de l’urbanisme libre. Quant à Édesse, elle comptait parmi les plus petites villes, s’étendant sur environ 20 ha, de même que la ville de Pétrès qui en occupe environ 15.

63En conclusion, nous pouvons essayer de dresser le bilan des éléments et des types d’agglomération et d’urbanisme remarqués jusqu’à présent dans les villes de Macédoine. Nous ne disposons pas encore de plans pour ces villes, faute de fouilles extensives majeures et de restitutions possibles. Nos connaissances sur la documentation épigraphique, sur la sculpture et l’architecture doivent encore être systématiquement approfondies et leur étude doit être constamment mise en relation avec de nouvelles trouvailles quotidiennes. Ces recherches en cours contribueront à nous donner une image plus complète de la Macédoine dans l’Antiquité.

Séance du 11 janvier 2009

64À 15 h est ouverte la première séance de la SFAC de l’année 2009. Devant 44 membres de la société, la présidente, Pascale Ballet, inaugure la séance en ouvrant l’assemblée générale annuelle de la SFAC par son bilan moral pour l’année 2008. En préambule, elle remercie chaleureusement le Comité de la société. Le décès récent du professeur Robert Étienne, qui a joué un rôle fondamental dans le développement des recherches et des centres liés à l’histoire et l’archéologie de l’Occident romain, est évoqué avec tristesse. Selon la coutume, les conférences organisées au cours de l’année ont concerné aussi bien le domaine grec que romain jusqu’à l’Antiquité tardive, en accueillant également des zones plus périphériques, telle l’Arabie. Parmi les événements de nature politique qui ont marqué cette année, la présidente rappelle le vote de deux motions : l’une, le 15 novembre 2008, en faveur de la sauvegarde du site de Halabiyé en Syrie ; l’autre, le 6 décembre 2008, concerne l’évolution de l’enseignement supérieur, en particulier le statut des enseignants-chercheurs et les concours d’enseignement. L’événement scientifique important de l’année 2008, le colloque de la SFAC, que la présidente a organisé sur le thème Grecs et Romains en Égypte. Territoires, espaces de la vie et de la mort, objets de prestige et du quotidien, s’est tenu le 15 mars 2008 à l’Institut d’art, et a été un grand succès. Les actes seront publiés par l’Institut français d’archéologie orientale. En outre, la présidente annonce la sortie des actes du colloque de la SFAC de 2006, Archéologie et histoire des techniques du monde romain, aux éditions De Boccard, actes réunis par Michel Molin. Enfin, elle donne la parole au trésorier, Jean-Yves Carrez-Maratray, qui souligne la bonne santé financière de la société et qui livre les comptes de l’année. Le rapport moral de la présidente, comme le rapport financier du trésorier, sont approuvés à l’unanimité. P. Ballet met ensuite aux voix le renouvellement du Comité. Trois membres actuels doivent être renouvelés : il s’agit de J.-P. Morel, Fr. Queyrel et Fr. Prost, qui sont candidats à leur propre succession, approuvée par l’assemblée. Fr. Dumasy et G. Nicolini ayant décidé de démissionner du Comité, il convient de les remplacer. Deux candidatures sont soumises au vote : celles d’Hélène Dessales, maître de conférences d’archéologie classique à l’École normale supérieure (Paris), et d’Olivier de Cazanove, professeur d’archéologie classique à l’Université de Bourgogne (Dijon). Leurs candidatures sont approuvées à l’unanimité.

65Enfin, P. Ballet, dont le mandat de présidente est arrivé à terme, et qui part sous les applaudissements des membres de la SFAC, passe le relais à Fr. Villeneuve, professeur d’archéologie classique à l’Université de Paris I. Il commence par donner la parole au secrétaire, Fr. Prost, pour lecture du procès-verbal de la séance du 6 décembre 2008, approuvé à l’unanimité, puis il met aux voix l’adhésion de M. G. Bonanno (parrains : M. Fourmont et G. Nicolini), approuvée à l’unanimité. Enfin, il donne la parole à Mme Laurence Cavalier, maître de conférences d’archéologie classique à l’Université de Bordeaux III, pour une conférence intitulée « Les aménagements architecturaux de l’agora supérieure de Xanthos ». Cette conférence est suivie de nombreuses questions, dont celles de Mme N. de Chaisemartin et de MM. Fr. Villeneuve, M. Sève et J. des Courtils. La séance est close à 17 h 15.

Les aménagements architecturaux de l’agora supérieure de Xanthos, par Laurence Cavalier, maître de conférences à l’Université de Bordeaux III, Ausonius, Maison de l’archéologie

66La ville de Xanthos et son sanctuaire, le Létôon, se trouvent en Lycie, au sud-ouest de l’Asie Mineure, dans une vallée fluviale densément occupée dès l’époque classique (fig. 1). Si les monuments funéraires et les remparts reflètent bien la puissance de la ville à cette époque, nous avons observé, depuis la reprise des fouilles en 1996 par J. des Courtils, que les vestiges d’époque hellénistique étaient particulièrement peu nombreux, alors qu’au même moment, le sanctuaire voisin du Létôon connaissait son apogée avec la construction des trois temples dédiés à la triade apollinienne. Cette bizarrerie est confirmée par la récolte d’inscriptions effectuée par l’équipe québécoise dirigée par P. Baker et G. Thériault qui, en cinq ans, a rassemblé plus de 320 textes et fragments inédits, parmi lesquels seulement quatre d’époque hellénistique.

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Carte du Sud-Ouest de l’Asie Mineure. © Ausonius.

67La grande majorité des inscriptions retrouvées date de l’époque impériale, et c’est aussi le cas d’une grande partie des vestiges architecturaux. On le verra plus tard, la plupart des édifices importants de la ville, construits à l’époque impériale, ont été utilisés jusqu’à l’époque protobyzantine et parfois au-delà, ce qui ne facilite pas leur restitution.

68À l’époque impériale, la ville (fig. 2) s’est développée sur les deux versants d’un vallon dont le fond est aujourd’hui occupé par une route moderne, sous laquelle sont encore visibles par endroits les vestiges de la voie antique qui menait de la ville au sanctuaire en franchissant le fleuve Xanthe. L’entrée dans la ville se faisait, au sud, par un arc honorifique élevé en 69 apr. J.-C. en l’honneur de Sextus Marcius Priscus, gouverneur de Lycie, un peu en retrait de la porte classique du rempart. Il s’agit là de l’unique monument xanthien daté avec certitude par son inscription. La voie montait en pente assez raide en longeant, à gauche, le diateichisma de l’acropole lycienne, puis le théâtre qui était accessible depuis la voie par sa parodos orientale et, enfin, le quadriportique nommé « agora romaine » par les premiers fouilleurs. À droite, la voie passait en contrebas de la terrasse supportant le Monument des Néréides, puis d’un quadriportique que nous appelons « agora inférieure » et longeait enfin les thermes. Immédiatement au nord de ceux-ci, une grande voie dallée est-ouest, bordée de colonnades, faisait la transition entre les deux parties de la ville. Le visiteur qui empruntait cette voie, d’ailleurs piétonnière, trouvait sur sa droite un troisième quadriportique lui-même bordé, à l’est, par un vaste édifice à trois nefs. À l’extrémité de la voie dallée, un petit arc honorifique à deux baies marquait la transition avec une place d’où descendait, vers le sud, une seconde voie dallée qui longeait l’édifice à trois nefs mentionné précédemment, puis le portique est de l’agora inférieure avant d’aboutir à proximité de la terrasse du Monument des Néréides.

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Plan de la ville de Xanthos. © J. des Courtils, DAO N. Pexoto.

69C’est l’Anglais Ch. Fellows qui découvrit le premier les vestiges de la ville antique de Xanthos. Il effectua sur place quatre séjours, entre 1838 et 1843, au cours desquels il déposa les reliefs du Monument des Néréides et démonta les sarcophages de Payava et de Merehi, transportés à Londres en compagnie d’autres reliefs provenant des monuments funéraires de l’acropole lycienne, qui avaient été remployés dans le rempart à l’époque byzantine.

70La ville fit un peu plus tard l’objet de prospections épigraphiques systématiques, conduites par O. Benndorf et G. Niemann, puis par E. Kalinka et E. Hula, dont les résultats furent publiés dans les Tituli Asiae Minoris (TAM) I et II. Ces savants accordèrent peu d’attention aux édifices d’époque impériale, qu’ils qualifièrent de « tardifs ». Seul D. G. Hogarth, au début du xxe s., avait en partie reconnu le plan de la ville romaine et écrivait en 1910 dans son livre Accidents of an Antiquary’s Life : « le théâtre, dont la courbe est si bizarrement brisée pour éviter un pilier funéraire, est un enchevêtrement de fourrés, mais la grande stèle cubique en marbre, gravée dans l’étrange écriture lycienne sur toutes ses faces, est encore dégagée et intacte ; et vous pouvez marcher à l’est depuis là tout au long de la rue principale jusqu’à une vaste aire pavée, d’où de moindres chemins dallés tournent à droite et à gauche. Tout le plan de la cité est là et, manifestement, il en subsiste depuis les anciens jours plus que sur tout autre site anatolien. » (trad. Chr. Le Roy)

71Lorsque J. des Courtils a lancé le programme d’étude de l’urbanisme de Xanthos, le secteur est de la ville était totalement inexploré, à l’exception de la basilique byzantine dont J.-P. Sodini avait entrepris la fouille et l’étude. La basilique était alors le seul monument dégagé de cette zone susceptible d’attirer les touristes qui, de là, pouvaient gagner facilement la nécropole est de Xanthos. Touristes et archéologues empruntaient donc un chemin qui menait à un petit espace plat dallé. Pour atteindre celui-ci, il fallait contourner un amas de blocs enchevêtrés qui résultait de l’effondrement d’un petit arc à deux baies. Ce dipylon enjambait une large voie dallée à colonnades qui reliait les secteurs est et ouest de la ville, celle-là même qui avait été reconnue par Hogarth au début du xxe s. et qui, depuis, avait disparu. Cette rue croisait à angle droit une autre rue dallée de direction nord-sud et, dans l’angle, se trouvait un espace vide de vestiges dont la seule partie visible se réduisait à un mur en appareil rectangulaire couronné par une sorte de balustrade munie de piédestaux en saillie.

72Après des travaux de débroussaillage assez importants, nous avons mis au jour un grand espace plat pratiquement carré (60 x 55 m), muni d’une crépis assez bien conservée sur les côtés est, nord et ouest et réduite à une seule assise sur la plus grande partie du côté sud. À l’est, l’ensemble était bordé par un bâtiment à trois nefs, dont le rez-de-chaussée ouvrait sur la place alors que le soubassement était accessible depuis la voie nord-sud située en contrebas (fig. 3). Le plan ainsi dévoilé rappelait fortement une formule courante en Asie Mineure, qui consiste à établir une place et, sur un de ses côtés, un édifice à trois nefs, accessible depuis la place par une colonnade (« Basilika am Staatsmarkt » d’Éphèse, forum-basilique de Cremna en Pisidie, agora de Smyrne).

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Secteur est de la ville de Xanthos, vue générale aérienne. © B. Chagny.

73Le centre civique de la ville antique de Xanthos, au carrefour des deux axes principaux, était donc constitué, à l’époque impériale, par une place à portiques et un édifice public à trois nefs ayant sans doute la fonction de basilique civile (fig. 4). Cette identification s’est trouvée appuyée par le grand nombre d’inscriptions honorifiques découvertes dans ce secteur.

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L’agora supérieure de Xanthos, vue du nord. © J. des Courtils.

74Le premier sondage a été entrepris à l’intérieur du portique ouest en 1998 [41], mais l’exploration systématique de l’ensemble, dont la superficie avoisine les 4 000 m2, n’a réellement commencé qu’en 2000. Nous avons décidé d’étudier simultanément la « basilique » et les portiques, l’une ne pouvant exister sans les autres.

Les sondages du portique ouest

75Le mur de fond du portique, qui comportait deux nefs, s’est écroulé dans le ravin et la crépis du portique est partiellement conservée. L’intérieur du portique était revêtu d’une mosaïque à grosses tesselles polychromes que nous avons pu dater par la céramique du ve s. apr. J.-C. Cette mosaïque n’est conservée qu’au nord, et encore a-t-elle été très abîmée par des remaniements tardifs. Une partie d’un cartouche inscrit a été miraculeusement épargnée [42]. On voit sur ce cartouche un joueur d’hydraule, assisté d’un autre personnage qui, si l’on compare la mosaïque de Xanthos à celle de la villa de Nenning près de Trèves, pourrait être un joueur de cornu. Mais il pourrait aussi s’agir d’un joueur de salpinx, comme dans le cas d’une terre cuite du Louvre, datée du ier s. av. J.-C. Le reste de la représentation, en dehors de la tête d’un troisième personnage à droite, n’est pas clair. Il faut sans doute mettre ce tableau en rapport avec des embellissements apportés à l’ensemble monumental, travaux auxquels il est fait allusion dans un autre cartouche inscrit qui se trouve dans la « basilique ».

76Dès 1998, nous avions dégagé, sous le remblai associé à la mise en place de l’agora, les vestiges d’un édifice contre lequel la crépis du portique ouest était venue s’appuyer. Il nous restait de ce bâtiment des murs bien construits, faits de petits moellons. Ces murs, d’orientation nord-sud et est-ouest, portaient une superstructure en brique crue dont nous avons repéré l’existence grâce aux empreintes des poteaux d’huisserie conservées dans l’argile, au-dessus d’un seuil. Un beau dallage en terre cuite revêtait le sol de l’édifice.

77L’agrandissement du sondage, au sud, a dévoilé la suite du bâtiment déjà partiellement mis au jour. Deux autres seuils de même facture que le premier ont pu être dégagés. Là encore, l’empreinte des poteaux de bois des portes dans la brique crue est toujours bien visible.

78Nous avons poursuivi en 2006 la fouille de ce bâtiment. Dans une des pièces, le rocher a été travaillé et des genres de rigoles, ainsi que des degrés, ont été creusés dans la partie la plus méridionale du sondage. Nous avons trouvé, en place sur le rocher, les restes d’un grand pithos de terre cuite et, à proximité, les restes d’un mur (une assise) fondé sur le rocher, qui appartenait sans doute à une maison (fig. 5). Un ultime sondage a été pratiqué en 2007 dans le portique ouest, encore plus au sud. Cette fois, nous avons dû renoncer à atteindre le rocher, le remblai atteignant à cet endroit plus de 4 m d’épaisseur. Nous avons une fois de plus dégagé un mur de petites pierres, construit avec soin, semblable aux précédents.

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Le portique ouest de Xanthos : fouille de la « stoa » d’époque augustéenne. © L. Cavalier.

79L’édifice dégagé lors de la fouille du portique ouest apparaît donc comme un grand bâtiment, peut-être à deux nefs, composé d’au moins trois pièces en façade, ouvrant vers l’est. Nous sommes tentés d’identifier ce bâtiment comme un édifice public, peut-être une stoa. Sa technique de construction et les matériaux mis en œuvre sont assez rudimentaires : murs de moellons correspondant sans doute aux fondations et à la partie basse des murs, utilisation de la brique crue revêtue d’un enduit pour les parties hautes et bois pour les montants de porte. Cette installation, sans doute assez modeste, a été entièrement remblayée lors de la mise en place de la terrasse artificielle qui devait porter l’agora. Les tessons de céramique les plus récents donnent un terminus post quem à l’époque d’Auguste pour la mise en place du bâtiment. Son abandon et son remblaiement ne sont pas datables avec précision, mais ont pu intervenir au cours du ier s. apr. J.-C. Quant aux céramiques découvertes dans les couches les plus profondes en place (pithos remployé, petits murs), elles indiquent une période d’utilisation au ier s. av. J.-C. [43] De ces derniers vestiges qui nous semblent appartenir à des maisons, on ne peut rien dire de plus.

Les sondages de la place

80Nous avons d’abord tenté de retrouver sur la place un niveau de circulation correspondant à l’édifice dégagé dans le portique ouest et implanté le premier sondage vis-à-vis de ceux de l’intérieur du portique. Nous avons dégagé le dallage, très abîmé, de la place, fait de grandes dalles de calcaire de faible épaisseur, puis, sous celui-ci, un caniveau bien construit qui court le long de la crépis du portique. Le rocher a été atteint sans que l’on trouve trace d’une première place que nous aurions pu attribuer à la même phase que l’édifice du portique. Un second sondage, situé dans la moitié sud, a donné des résultats inattendus et, encore aujourd’hui, difficiles à interpréter. Assez rapidement, la quasi-totalité de la surface de ce sondage s’est avérée être occupée par un gros mur très fruste, à double parement de petites pierres juste équarries et remplissage de cailloux et petits moellons, le tout sans mortier. Aucun niveau de circulation n’a été décelé. Le matériel céramique était particulièrement riche et le tesson le plus récent, découvert sur le rocher naturel, porte une signature de potier qui le situe à l’époque de Tibère.

81Nous avons réalisé un dernier sondage dans la place, mais cette fois encore nous n’avons pas pu atteindre le rocher : à une profondeur d’environ 3 m en dessous du niveau de circulation moderne, nous avons rencontré un bloc de corniche ionique d’un type nouveau pour Xanthos, ainsi que plusieurs blocs quadrangulaires d’un module que nous ne connaissions pas, dont deux semblaient en place. L’espace se trouvant considérablement réduit, il aurait fallu élargir le sondage, mais nous nous trouvions une fois de plus confrontés à l’épaisseur considérable du remblai et au manque de temps. Nous avons tout de même pu constater qu’aucun niveau de circulation n’était visible. La céramique recueillie date le niveau atteint du milieu du iie s. av. J.-C.

82Les résultats des sondages que nous avons pratiqués sur la place ont été finalement assez décevants, car ils n’ont pas prouvé l’existence d’une première place en relation avec l’édifice du portique ouest. Il nous faut par conséquent considérer que ce premier aménagement a été totalement occulté par l’insertion définitive du quadriportique actuellement visible. La question du mur rudimentaire découvert dans la partie sud de la place n’est pas non plus résolue : il ne s’étend pas sur toute la largeur de la place, sa technique de construction pousse à l’interpréter comme un mur de soutènement.

Les sondages du portique nord

83Les travaux concernant ce secteur ont débuté en 2007. Notre objectif était de localiser l’entrée du quadriportique et de comprendre l’organisation intérieure du portique nord.

84Un premier sondage avait été implanté à l’endroit où nous pensions trouver l’entrée de l’agora, c’est-à-dire au milieu du portique. Nous n’avons pas découvert d’entrée et nous nous sommes rapidement retrouvés en train de fouiller entre quatre murs, dans un espace très restreint. Deux de ces murs, le mur de fond du portique et un mur de refend nord-sud datent d’un aménagement du portique antérieur à l’état actuel. Ce mur de refend repose sur un reste de mur plus ancien qui a conservé un peu de l’enduit qui le revêtait. Sur le rocher sont construits deux murs est-ouest faits de petites pierres, d’orientation différente par rapport au mur de fond du portique. Ces murs, qui rappellent fortement par leur facture les murs de l’édifice du portique ouest, ne sont conservés que sur quelques centimètres de hauteur. Le matériel céramique prélevé à leur contact fournit un terminus post quem à l’époque augustéenne.

85Un autre sondage a été ouvert dans la salle située à l’extrémité ouest du portique. Sous une épaisse couche de destruction datable d’entre le ve et le viie s. apr. J.-C. est apparue une mosaïque très calcitée composée de grosses tesselles polychromes. Un seuil de plus de 2 m de long, bien conservé, indique que l’on pouvait accéder à cette salle depuis le portique sud de la voie dallée est-ouest. Un second seuil, sur le côté opposé de la pièce, permettait d’entrer dans l’agora. Contre le mur est de la salle, on a posé, à une époque indéterminée, un système de canalisations en terre cuite. Cette installation a détruit la mosaïque et un genre de coffrage a été mis en place pour protéger les canalisations. Il est vraisemblable que cette salle constituait l’entrée de l’agora, en tout cas dans le dernier état de celle-ci, soit au ve s. apr. J.-C.

86Un troisième sondage, lui aussi commencé en 2007 et poursuivi l’été dernier, a donné des résultats plus prometteurs. Limité au nord par le mur de fond du portique, à l’ouest et à l’est par des murs latéraux d’apparence très tardive, le sondage a été établi à l’ouest de la salle constituant l’entrée de l’agora. Nous avons rencontré la même couche de destruction que dans le deuxième sondage et, en dessous, contre le seuil donnant accès à cette pièce depuis la voie dallée, quelques tesselles subsistant d’une mosaïque tardive.

87Nous avons poursuivi l’exploration sous le niveau de la mosaïque et atteint la crête d’un mur construit contre le mur latéral ouest de la pièce. Ce mur est revêtu d’un stuc imitant un appareil quadrangulaire qui rappelle les réalisations romaines dites « du Premier style ». Un autre mur parallèle au premier a été dégagé sur le côté est, lui aussi revêtu de stuc. Entre ces deux murs, dont les moulurations d’ante sont conservées, nous avons mis au jour deux bases de colonne, en place sur un genre de stylobate assez grossier. Les moulurations des bases, mal exécutées, sont de type attique-ionique. Le travail de la pierre est grossier, mais des traces conservées de stuc expliquent ce médiocre degré de finition. Ces vestiges appartiennent à un petit édifice distyle in antis, sans doute d’ordre ionique (un chapiteau ionique stuqué fragmentaire a été dégagé pendant la fouille). À l’intérieur, un mur de refend, construit à un peu plus d’1 m au nord des colonnes de façade, est sans doute contemporain de l’édifice. À environ 1 m au nord de ce nouveau mur, on voit les vestiges d’un mur en petites pierres qui était recouvert de stuc et qui lui aussi semble dater de la même phase de construction pour laquelle la céramique fournit un terminus post quem à l’époque augustéenne.

88À l’extérieur, nous n’avons pas trouvé de niveau de circulation associé au bâtiment. Nous avons poursuivi le sondage pour atteindre le rocher, mais nous avons rencontré sur toute la surface du sondage, à moins d’1 m en dessous du niveau du stylobate, une couche compacte de petites pierres qui a imposé l’arrêt momentané du sondage.

89Un quatrième sondage, à l’ouest du précédent, a dévoilé un angle de bâtiment construit sur le rocher préalablement aplani. Le haut du mur porte encore des traces de stuc. Contre cet angle, il y a eu un rebouchage au cours duquel un chapiteau dorique recouvert de stuc a été remployé. Côté sud, on a mis au jour les fondations du mur de refend du portique dans lesquelles a été remployé un bloc de corniche ionique de médiocre apparence, tout à fait similaire au bloc retrouvé dans le sondage du milieu de la place.

90Nous n’avons pas suffisamment exploré l’intérieur du portique nord pour avoir une idée précise de l’aménagement qui l’a précédé, mais nous savons désormais qu’il existait dans le secteur, autour de l’époque augustéenne, un petit édifice ionique distyle in antis orienté nord-sud. La fouille n’étant pas suffisamment avancée, nous n’avons pas la moindre idée de la fonction de cette construction qui pourrait être aussi bien un petit édifice de culte qu’un bâtiment civil (fig. 6). Par ailleurs, les restes de deux autres murs stuqués, de direction nord-sud, indiquent l’existence d’édifices contemporains.

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Le portique nord de Xanthos : édifice in antis. © J. des Courtils.

Le sondage du portique est

91Ce dernier sondage concerne aussi la « basilique » dont la nef ouest correspond au portique est du quadriportique. Nous avons une fois de plus dégagé des murs faits de petites pierres, datables du premier aménagement de la place. Ce sondage a également permis d’examiner les fondations de la nef ouest de la basilique et nous avons identifié, tout au fond du sondage, des blocs appartenant à un premier portique d’ordre dorique : un bloc de frise dont un triglyphe est conservé, un tambour de colonne cordiforme, des tambours de colonne à facettes. Un système de drainage ou d’approvisionnement en eau a été installé dans le portique à une époque pour laquelle la céramique donne un terminus post quem au ier s. apr. J.-C.

92Après l’abandon de la place, on a installé quelques tombes dans le portique est. Ces sépultures, très modestes et vides de tout matériel exploitable, sont en rapport avec la construction, contre la crépis du portique, d’une petite chapelle que nous n’avons pas pu dater précisément.

93Les résultats des fouilles menées dans les portiques ouest et nord, ainsi que dans la place, pour fragmentaires qu’ils soient, indiquent que ce secteur a connu une première phase d’utilisation à l’époque hellénistique, puis un nouvel aménagement à partir de l’époque augustéenne : celui-ci comprenait l’édifice découvert à l’intérieur du portique ouest, le petit édifice ionique distyle in antis du portique nord, et au moins deux autres édifices que nous prévoyons de dégager lors des prochaines campagnes de fouille.

Les sondages dans la « basilique »

94La « basilique civile » de Xanthos, ou, suivant les termes de P. Gros, « le portique à claire-voie » [44], est un grand édifice de plan rectangulaire, de 75 x 16,50 m. Il est composé, au rez-de-chaussée et de plain-pied avec la place, de trois nefs à colonnades (un bas de colonne est in situ) et, à son extrémité nord, d’une grande salle rectangulaire qui fut revêtue, au ve s. apr. J.-C., d’une mosaïque à tesselles polychromes comportant deux cartouches inscrits. L’inscription du premier est une citation tronquée d’Homère qui rappelle la vaillance des Lyciens. Le second cartouche a été étudié par D. Feissel qui reconnaît dans le personnage mentionné dans l’inscription un certain Tranikios, gouverneur de Lycie au ve s. apr. J.-C. Cette mosaïque appartenait à un ensemble dont il ne nous reste qu’une autre partie, la mosaïque du portique ouest, qui célébrait sans doute l’« inauguration » de l’ensemble monumental restauré par ce même Tranikios.

95L’entrée dans cette salle, depuis les nefs, se faisait par trois arcs reposant sur les piles dont les bases sont toujours in situ. À l’est, le soubassement était couronné par une sorte de balustrade alternant piédestaux et éléments de parapet. La nef orientale du soubassement de la basilique donnait sur la voie nord-sud située en contrebas de l’ensemble. Elle abritait plusieurs pièces contiguës dont la fonction initiale nous échappe, car la transformation de la nef ouest en citerne a oblitéré toute trace d’un premier aménagement.

96Les travaux de déblaiement préalables à la fouille nous ont apporté un cippe portant une dédicace à Hadrien, « sôter tou kosmou ». Il se trouvait pratiquement en surface, dans la nef centrale dont le sous-sol était aménagé en citerne. Un peu plus au sud, dans la citerne, nous avons trouvé une autre base honorifique datable de la fin du iie s. mentionnant un Marcus Aurelius, ayant exercé diverses magistratures à Xanthos [45]. Ces découvertes renforçaient l’hypothèse selon laquelle nous nous trouvions dans le secteur officiel de la ville. Nous avons fait deux sondages à l’extrémité nord de la basilique : ils ont encore révélé des restes de murs semblables à tous ceux que nous avons déjà rencontrés dans les portiques de la place.

97L’exploration de la citerne nous a apporté de nouveaux renseignements sur la basilique dont les vestiges in situ sont, il faut le reconnaître, peu loquaces. En effet, lorsque la superstructure de l’édifice s’est effondrée, les blocs qui la constituaient ont transpercé la voûte en briques de la citerne et y sont restés jusqu’à notre fouille. Il s’agit pour l’essentiel d’éléments appartenant aux arcs que nous avons mentionnés. Les dégagements effectués à l’extrémité sud du bâtiment ont également livré quantité de blocs lui appartenant, de même que les nettoyages du pied de la façade est. C’est ainsi que nous avons inventorié plus de 650 blocs provenant de l’édifice, dessinés en majorité par Fr. Goirand, architecte, et que nous avons pu, avec le concours de la plateforme technologique 3D d’Ausonius [46], tenter une restitution de l’ensemble.

La « basilique » ou « portique à claire-voie » de l’agora supérieure : essai de restitution

98À partir du relevé pierre à pierre, nous avons modélisé les vestiges in situ de l’édifice (fig. 7), puis les arcs nord, car la majeure partie des éléments architecturaux qui constituaient ce dispositif était conservée.

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Modélisation des vestiges in situ de la « basilique » de Xanthos. © L. Cavalier et G. Riet.

99La restitution de la façade est nous a posé davantage de problèmes. En effet, seule sa partie nord, couronnée par une balustrade constituée de piédestaux en saillie alternant avec des éléments de parapet, est partiellement conservée, mais plusieurs colonnes de conglomérat rougeâtre ont été retrouvées au pied de la façade, ce qui nous a poussés à restituer une colonnade sur les piédestaux en saillie de la balustrade.

100Nous avons commencé en 2005 à explorer la façade sud de l’édifice qui était littéralement enfouie sous un amas de blocs et de terre. Parmi les 200 blocs inventoriés, nous avons trouvé des blocs à parapet et piédestaux de même type que ceux de la façade, ainsi que de nouveaux blocs de bas de pile à effet de pilastre, du même type que les bas de pile conservés in situ, à l’extrémité opposée du bâtiment. Il nous fallait dès lors supposer l’existence d’un ou plusieurs arcs dans cette partie de l’édifice et, plus précisément, en raison du point de chute des blocs, à l’extrémité du bâtiment. Cette surprenante solution trouve deux parallèles : le premier, si l’on en croit la restitution d’E. Fossel [47], se trouvait à Éphèse, à l’extrémité ouest de la salle ouest de la « Basilika am Staatsmarkt ». L’autre exemple est encore visible aujourd’hui : il s’agit d’une tombe monumentale du site de Comama en Cappadoce, transformée en église (d’où son nom de Kirik Kilise) et qui date dans son premier état du ive s.

101En ce qui concerne l’étage, qui pose toujours problème dans les restitutions, nous avons pour le moment opté pour un système à nef centrale surélevée formant lanterneau, car nous n’imaginons pas d’ajouter de nouvelles colonnades à un édifice qui en possède déjà quatre et qui devait offrir une considérable prise au vent.

102Le modèle 3D, dans sa version actuelle qui sera sans doute améliorée (fig. 8), voire modifiée par les résultats des fouilles et des études à venir, montre donc un édifice de plan basilical que ses proportions rapprochent davantage d’une stoa (comme à Éphèse ou Hiérapolis) que d’une basilique romaine. La bizarrerie de ce bâtiment tient au fait qu’il ne possède pas de mur de fond et se présente comme une salle hypostyle à trois nefs ou, comme le dit P. Gros, une sorte de portique à claire-voie, ce qui en fait un exemple unique en Asie Mineure. Il n’existe pas de bâtiment à quatre colonnades sans mur de fond en Asie Mineure, à part l’édifice de Selgé, d’époque hellénistique, aujourd’hui complètement ruiné et qui n’a pas été vraiment étudié [48]. En revanche, le dispositif des arcs qui marquent l’accès à une salle à fonctions sans doute spécifiques est présent à Éphèse, mais aussi à Aphrodisias et Magnésie du Méandre. Notre étrange édifice est, de ce point de vue, apparenté à une série.

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Restitution 3D de la façade est de la « basilique » de Xanthos. © L. Cavalier, M. Chayani et G. Riet.

Les transformations de la partie sud de l’édifice

103Une bizarrerie dans l’appareil du mur de façade de la basilique semblait traduire une reprise dans la maçonnerie. Nous avons donc fait un sondage à cet endroit précis et découvert un mur de refend en place à cet endroit. Au sud de ce mur, le mur intérieur de la basilique a été totalement reconstruit avec des blocs de remploi. Par ailleurs, la façade de l’édifice est, dans sa partie sud, percée de trois portes : une porte centrale flanquée de deux portes latérales moins larges. Ce dispositif, s’il n’identifie pas à coup sûr un bouleuterion, y fait quand même fortement penser et nous nous demandons maintenant s’il n’y aurait pas eu, à l’origine, deux édifices mitoyens, une basilique sur soubassement et un bouleuterion, qui auraient été transformés en un seul (basilique) après une destruction.

Épigraphie et datation

104Nous possédons une inscription, incomplètement publiée, mais qui, d’après L. Robert [49], indique la construction d’un bouleuterion à Xanthos entre 81-82 et 84. Le terminus post quem au ier s. apr. J.-C. retenu pour la dernière phase d’aménagement du secteur est compatible avec cette date. Mais nous avons retrouvé, dans les décombres de la façade sud de la basilique, un bloc portant une inscription en l’honneur d’un Quadratus, originaire de Pergame, proconsul d’Asie. Selon P. Baker et G. Thériault, cette inscription daterait d’entre 102 et 109-110 [50]. Les blocs provenant de ce secteur sont très homogènes et appartiennent à la « basilique ». Ce bloc inscrit ne peut pas, à notre avis, appartenir au mur d’origine du bâtiment. Dès lors, soit il faisait partie d’une base placée quelque part devant ou contre la façade et, dans ce cas, il donne un terminus ante quem pour la construction du bâtiment, soit il a été remployé dans l’édifice : dans ce cas, il donne un terminus post quem au début du iie s. apr. J.-C. Les autres inscriptions — trois textes et fragments —, découvertes dans les décombres au sud de la basilique, datent du ier s. ou de la période ier-iie s.

Analyse stylistique et datation

105L’étude stylistique ne donne pas non plus de date précise. La décoration des blocs d’entablement attribuables à coup sûr à l’édifice, c’est-à-dire ceux qui font partie des arcs nord, indique une date au iie s. et, plus précisément, dans sa seconde moitié. Rien dans le décor de la « basilique » ne prouve qu’elle a été construite avant 150, mais un remaniement consécutif à un séisme aurait pu occulter les premières phases de construction.

Conclusions chronologiques provisoires

106Les travaux menés ces dernières années sur l’agora supérieure de Xanthos confirment la modestie de la ville à l’époque hellénistique. Ils montrent qu’un premier aménagement a eu lieu au début du ier s. apr. J.-C., qui a été assez vite détruit. Cette destruction ne correspond pas à celle de Xanthos par Brutus [51], mais elle pourrait en revanche correspondre à la reconstruction de la ville demandée par Antoine. Ce chantier a été abandonné plutôt que détruit (nous n’avons pas trouvé de trace de destruction violente) et un nouveau complexe de plus grande envergure, dont les vestiges sont visibles aujourd’hui, a été mis en place, au cours du ier s. apr. J.-C. Ce type d’aménagement, qui tire parti au mieux des contraintes du terrain tout en nécessitant des travaux considérables de terrassement, et qui établit, en bordure de l’agora, un édifice polyvalent à plusieurs niveaux, rappelle les exemples d’Assos, Aigai, Alinda et Selgé. De ce point de vue, les aménagements de l’agora supérieure de Xanthos se placent dans une tradition bien connue de l’urbanisme hellénistique.

107Vers la fin du iie s., voire au début du iiie s. apr. J.-C., l’ensemble monumental a connu une seconde phase (réparation ? reconstruction ?), qui correspond stylistiquement à une deuxième phase de construction ou reconstruction du théâtre. Enfin, l’agora supérieure a bénéficié d’un grand programme d’embellissement au ve s. apr. J.-C., avant de péricliter et de perdre ses fonctions civiques à une époque qui ne peut pas encore être précisée.

Séance du 7 février 2009

108En l’absence du président, François Villeneuve, en mission archéologique en Arabie Saoudite, la séance est ouverte à 15 h devant 30 participants par la vice-présidente, Catherine Saliou. Elle donne aussitôt la parole à Pascale Ballet pour la lecture du procès-verbal de la séance du 10 janvier 2009, approuvé à l’unanimité, puis à Marie-Christine Hellmann qui signale brièvement l’exposition « Histoires d’archéologie, de l’objet à l’étude », organisée à l’INHA en partenariat avec le Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France. C. Saliou présente ensuite l’orateur du jour, Marc Griesheimer, professeur d’histoire romaine à l’Université de Provence et actuellement directeur scientifique pour l’Antiquité à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO) ; elle lui cède la parole pour une conférence intitulée : « La nécropole de Pupput (Tunisie) ». Cette présentation détaillée et largement illustrée de la très vaste nécropole de l’antique Pupput, dans la zone touristique au sud de l’actuelle Hammamet, a retenu l’attention du public, qui n’ignorait pas la riche monographie parue à Rome en 2004 : A. Ben Abed, M. Griesheimer dir., La nécropole romaine de Pupput (Coll. ÉFR, 323). À l’issue de cet exposé a lieu une discussion au cours de laquelle interviennent Mmes C. Saliou, P. Ballet, M.-Chr. Comte et P. Clauss-Balty, et MM. N. Duval, P. Leriche, G. Nicolini et J.-P. Morel, qui rend hommage à la mission archéologique franco-tunisienne de Pupput pour la qualité et l’originalité, en terre africaine, de ses recherches. La séance est levée à 17 h.

Séance du 7 mars 2009

109Devant un auditoire de 28 personnes, le président de la SFAC, François Villeneuve, ouvre la séance en confiant le soin à Catherine Saliou de lire le procès-verbal de la séance précédente. Ce dernier est approuvé à l’unanimité. Puis le président met aux voix l’adhésion à la société de Mme Maria-Chiara Conti (marraines : M.-Fr. Billot et M. Fourmont), acceptée à l’unanimité. Il donne ensuite la parole à M. Fourmont, qui évoque la mémoire de M. Vincenzo Tusa, décédé le 6 mars 2009, grande figure de la recherche archéologique en Italie et membre de la SFAC. Enfin, le président laisse la place à M. Michel Reddé, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, qui prononce une communication sur le thème « Fouilles françaises, allemandes et suisses sur le site d’Oedenburg (Biesheim-Kunheim, Haut-Rhin) ». Cette communication a été suivie de nombreuses questions, dont celles de Mme C. Saliou et de MM. Fr. Villeneuve, N. Duval et Fr. Braemer. La séance est levée à 17 h 15.

Fouilles françaises, allemandes et suisses sur le site d’Oedenburg (Biesheim-Kunheim, Haut-Rhin), par Michel Reddé, directeur d’études à l’École pratique des hautes études

110Lancé en 1998, le projet d’une fouille trinationale sur le site d’Oedenburg intéressait les trois pays riverains (France, Allemagne, Suisse). Implantée sur la rive française du Rhin, presque en face de la ville allemande de Breisach, un ancien oppidum celtique occupé pendant La Tène finale, l’agglomération gallo-romaine d’Oedenburg (littéralement « le village déserté ») appartenait probablement au petit peuple des Rauraques, sans doute un rameau des Séquanes, installés sur les deux rives au coude du Rhin, en Bade, en Alsace du Sud et dans la Suisse du Nord-Ouest. On ignore toujours, dix ans après le début des fouilles, le nom antique : peut-être « Argentovaria », une des deux « polis » mentionnées chez les Rauraques par Ptolémée, à côté de la colonie romaine d’Augusta Raurica.

111Les débuts de l’agglomération doivent être datés du tout début de notre ère, mais on débat encore pour savoir s’il existait ou non un établissement indigène avant l’installation d’un premier camp militaire vers 15-20 (fig. 1). Ce poste semble contemporain de ceux de la XIIIe légion à Vindonissa, et de la IIe légion à Strasbourg. Sa taille (un peu plus de 3 ha) ne lui permettait pas d’accueillir une unité au complet et nous avons probablement affaire ici à un détachement mixte comprenant aussi des auxiliaires. De ce premier camp, qui dura jusque vers la fin du règne de Tibère, nous connaissons essentiellement le système défensif et des blocs de casernements. Il fut suivi, sans doute après une brève interruption, par un second camp entre la fin des années 40 et le tout début de l’époque flavienne. Son rempart, ses magasins et ses principia ont été fouillés.

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Plan du site d’Oedenburg. © M. Reddé.

112L’agglomération civile proprement dite est installée à la fois sur la terrasse fluviale, à l’abri des inondations, et dans les zones basses, au milieu des chenaux du Rhin, alors non canalisé. On en connaît assez bien le plan général, grâce à une prospection géomagnétique de grande étendue (près de 70 ha) réalisée par la firme allemande Posselt & Zickgraf. Ce document permet de tracer assez bien le réseau viaire, les zones d’habitat, les grands monuments publics. Il apparaît ainsi que l’agglomération n’était pas dotée d’un système de voirie orthonormée ni d’un centre civique (forum et basilica forense). On connaît en revanche un grand complexe cultuel, un peu à l’écart de l’habitat, vers le sud-est, probablement plusieurs ensembles thermaux, un vaste bâtiment avec cour centrale dont le plan rappelle celui de stations routières connues ailleurs, un mithraeum. De cet ensemble ont été fouillés les abords des camps julio-claudiens, l’ensemble cultuel. Le mithraeum avait été dégagé avant nos propres recherches.

113Des abords des camps, on retiendra surtout la mise en évidence de zones d’ateliers et de dépotoirs, mais aussi une bien meilleure connaissance de la géomorphologie d’un site naturel parsemé de chenaux et de bas marais, que l’homme a sans cesse aménagés en tâchant de les combler avec des fascines et des apports de gravier. Les principaux cours d’eau actifs ont été canalisés et aménagés à de fréquentes reprises, ce que la dendrochronologie permet de bien apprécier. Plusieurs niveaux d’inondation ont pu être mis en évidence vers la fin du ier s. de notre ère. On observe aussi, vers la fin du iiie s., l’abandon des zones basses et la concentration de l’occupation humaine sur les buttes moins inondables.

114Les temples, fouillés par l’Université de Bâle, semblent dater du tout début de l’ère chrétienne, puisque les premiers bois de l’enclos du sanctuaire sont datés de 3 apr. J.-C. Le sanctuaire est caractérisé dans un premier temps par des dépôts d’armes, de céramiques, des troncs monétaires, sans que les vestiges architecturaux, mal conservés, puissent être bien appréhendés. C’est seulement à partir de l’époque flavienne que l’on perçoit véritablement ceux-ci et que l’on voit se succéder une série de temples à plan centré. L’un d’eux a livré une dédicace à Mercure et Apollon associés.

115L’agglomération perdure pendant l’Antiquité tardive, au-delà même des invasions du début du ve s. L’Université de Fribourg en Brisgau a pu ainsi mettre en évidence un praetorium routier d’époque constantinienne et un grand « palais-forteresse » attribué à Valentinien. Aucune preuve d’une fortification de la fin du iiie s., contemporaine ou postérieure à la chute du limes de Germanie supérieure, en 260, n’a pu pour l’instant être identifiée, ni non plus aucune trace matérielle d’invasion alémanique. Une église s’installe ensuite dans les ruines de la fortification du ive s.

116La nature humide de ce site a permis une excellente conservation des matériaux organiques, notamment des plantes, étudiées à l’Université de Bâle. On observe ainsi très tôt l’importation de plantes méditerranéennes (noix, lin, pavot, olives, chanvre, lentilles, melon, concombre, mûres, fraises, framboises, coriandre, aneth…), mais aussi celle de plantes exotiques africaines (calebasse) ou indiennes (poivre). Combinée avec ce que nous apprend l’étude de la consommation carnée, cette liste (non exhaustive) permet de bien mesurer l’impact réel de la romanisation dans ce milieu indigène, dès le début de l’occupation militaire, ce qui fait désormais d’Oedenburg un site de référence [52] pour l’Europe romaine au nord des Alpes.

Séance du 4 avril 2009

117Devant un auditoire de 35 personnes, le président de la SFAC, François Villeneuve, ouvre la séance en confiant le soin à Hélène Siard, secrétaire adjointe, de lire le procès-verbal de la séance précédente. Ce dernier est approuvé à l’unanimité. Puis le président laisse la place à M. Rosario Pintaudi, professeur à l’Université de Messine et directeur des fouilles d’Antinoopolis (Institut papyrologique Girolamo Vitelli, Université de Florence), qui présente une communication intitulée « Fouilles récentes à Antinoopolis ». Cette communication a été suivie de nombreuses questions, dont celles de Mmes J. Napoli, A. Barbet, P. Ballet, M.-Chr. Comte, B. Redon et M.-D. Nenna, et de MM. Fr. Villeneuve et Fr. Braemer. La séance est levée à 16 h 45.

Fouilles récentes à Antinoopolis [53], par Rosario Pintaudi, professeur à l’Université de Messine

118La conférence d’aujourd’hui a pour thème la reprise des fouilles à Antinoé, sous la responsabilité de l’Institut papyrologique Girolamo Vitelli de l’Université de Florence.

119Une fois de plus, la papyrologie, dont le champ inclut le sauvetage, la restauration, l’étude et l’édition des textes écrits sur papyrus, a donné l’impulsion à une recherche archéologique en Égypte. Elle avait déjà joué ce rôle au début du siècle passé à travers une série d’initiatives britanniques, dans les villages et villes du Fayoum ou à Oxyrhynchos, ainsi que par une politique d’acquisition de papyrus sur le marché égyptien des antiquités, laquelle incitait malheureusement toujours plus les marchands à organiser des fouilles clandestines. Des trésors en termes de documents ou de témoignages littéraires, principalement grecs et latins, ont ainsi été ramenés au jour.

120L’effort italien, de la part de Florence en particulier, dont je vous entretiens ce jour, s’est développé à partir de 1903, avec les fouilles menées à Hermoupolis Magna, puis à Tebtynis dans le Fayoum, et à Théadelphie, en passant par Oxyrhynchos et Ankyrônpolis.

121Antinoé est la dernière localité ajoutée à cette liste. Les travaux y ont commencé au cours de l’hiver 1935-1936. Ils se poursuivent encore aujourd’hui, après quelques interruptions dues aux événements que vous connaissez tous : la seconde guerre mondiale, les conflits arabo-israéliens, le terrorisme fondamentaliste. En dehors de ces périodes obscures et tragiques, la maison de la mission entretenue par l’Institut papyrologique de Florence est toujours restée ouverte et opérationnelle.

122Dans un exposé consacré à une cité antique aussi importante qu’Antinoé, il s’impose, je crois, de rappeler quelques faits de base, ne fût-ce que de manière synthétique. Heureusement, nous disposons depuis 2005 de deux beaux volumes rédigés par une savante française, Fl. Calament, publiés au Caire sous le titre : La révélation d’Antinoé par Albert Gayet. Histoire, archéologie, muséographie. Titre et sous-titre sont excellemment choisis. Je vous invite à consulter cet ouvrage pour la précision et la richesse des informations qu’il offre.

123L’empereur Hadrien, au cours des longs voyages qui l’ont mené à travers presque tous les territoires de l’Empire romain, a atteint l’Égypte au début du mois d’août 130 apr. J.-C. Il y a séjourné jusqu’au printemps ou jusqu’à l’été de l’année suivante. Un poète alexandrin, du nom de Pankratès, nous a laissé une brève évocation de ce voyage dans un papyrus. Il rend compte d’une excursion dans le désert libyque en vue d’une chasse aux lions, à laquelle prit part Antinoüs, le favori de l’empereur. En octobre 130, Hadrien et sa suite se mirent en route vers le sud du pays, en remontant le cours du Nil. C’est pendant ce voyage qu’Antinoüs trouva la mort, dans les eaux mêmes du fleuve, à hauteur d’Hermoupolis.

124Diverses conjectures ont été avancées dès l’Antiquité sur les circonstances de cette mort et sur son motif (simple accident, suicide, sacrifice rituel pour conjurer un péril menaçant l’empereur). Dion Cassius s’est notamment penché sur la question, ainsi que l’auteur de la Vie d’Hadrien dans l’Histoire Auguste. Hadrien décida de dédier un monument à son favori sur le lieu même de sa mort. Les Anciens étaient enclins, dans leur culture païenne, à admettre des motifs nobles et élevés pour une attitude de ce genre ; ils pouvaient concevoir qu’un culte naisse de la douleur ressentie par la perte d’une personne chère.

125Nous ne nous embarrasserons pas de la pruderie et des polémiques des auteurs chrétiens, des Pères de l’Église, qui se sont moqués de cet empereur païen et amoureux, reconnaissant son bien-aimé dans le ciel, sous la forme d’un astre né de son âme. Nous ne nous attarderons pas non plus sur les historiens modernes qui parlent de la mort d’Antinoüs comme d’un incident fortuit, d’un suicide ou d’un véritable sacrifice humain commandé par Hadrien lui-même.

126Tenons-nous-en aux faits, tels que permettent de les établir les sources, parfaitement concordantes, étudiées par L. Dietrichson dans un travail désormais classique publié en 1884 : Antinoos. Eine kunstarchaeologische Untersuchung. Après la mort du beau jeune homme, destiné à devenir à jamais l’icône d’une forme de classicisme romantique, Hadrien éleva son favori au rang de dieu : de nombreuses monnaies et des inscriptions, contemporaines encore de son règne, le prouvent à souhait. Au dossier du dieu Antinoüs appartient aussi le fameux obélisque qui se trouve aujourd’hui au Pincio, à Rome. Celui-ci s’élevait à l’origine, peut-être en compagnie d’un second monument du même type, devant la tombe ou le cénotaphe d’Antinoüs, qui doit être recherché à Rome même, un peu en dehors de la Porte Majeure, ou dans la Villa d’Hadrien à Tivoli. L’unique auteur ancien qui évoque la destinée de la dépouille mortelle du jeune homme est l’évêque Épiphane, au ive s., et les informations qu’il fournit plaident plutôt en faveur d’une inhumation à Antinoé.

127Le culte d’Antinoüs se répandit rapidement dans les régions orientales de l’Empire, conformément à la volonté expresse d’Hadrien. D’après Justin, c’est par crainte de la répression impériale que tous auraient obéi et se seraient affichés comme dévots du nouveau culte. Dion Cassius mentionne des représentations élevées dans l’Empire entier, donc aussi à Rome. De fait, des statues, des bustes, des reliefs, provenant de Tivoli, de Rome et d’autres cités d’Italie, attestent la rapidité avec laquelle se diffusa le culte du nouveau dieu. Des monnaies à l’effigie d’Antinoüs ont été frappées dans les provinces. Des inscriptions portant son nom sont présentes à Athènes, à Éleusis, à Argos, en Bithynie (patrie d’Antinoüs), à Mantinée, et sur la côte de la mer Noire en Mésie inférieure.

128À cette émergence subite et cette diffusion immédiate succéda, à dire vrai, une décadence aussi rapide — sauf en Égypte, où tout ce qui se noyait dans le Nil était considéré comme saint et, par conséquent, pouvait prétendre à l’apothéose. C’est en Égypte que s’établit naturellement le centre du culte d’Antinoüs, en relation avec la fondation d’une ville par Hadrien en son honneur, c’est-à-dire Antinoopolis ou, comme nous l’appelons communément, Antinoé.

129Nous sommes libres, nous, modernes, de sourire de l’ingénuité des Anciens. Il est plus intéressant sans doute de mettre la fondation d’Antinoé en relation avec la création d’autres villes à l’initiative d’Hadrien, au cours de ses voyages à travers l’Empire. L’intention de l’empereur, en agissant de la sorte, était de renforcer le caractère grec des provinces orientales et d’en rénover l’urbanisation.

130En Égypte, le Delta disposait déjà de cités grecques, avec Alexandrie et Naucratis, de même que la Thébaïde avec Ptolémaïs, mais la partie centrale du pays, l’Heptanomie et le nome Arsinoïte, en était dépourvue. La fondation d’une cité grecque s’imposait dans cette zone et c’est ce que fit Hadrien le 30 octobre 130, en plaçant la ville sur la rive orientale du Nil, dans une position splendide, mettant à profit le vaste espace qui restait libre entre le fleuve et les contreforts rocheux du djebel. Un établissement d’époque pharaonique existait déjà à cet emplacement. Nous en ignorons le nom, mais il en subsiste des restes archéologiques tout à fait convenables et encore bien visibles : un temple de Ramsès II, qui reste en usage à travers tout le Nouvel Empire, au moins jusqu’en 1000 av. J.-C., et sans doute encore aux époques ptolémaïque et romaine, pour être ensuite abandonné.

131Antinoé se présente comme une grande cité de conception classique, hippodaméenne, avec un plan régulier, deux grandes avenues bordées de colonnes (le cardo et le decumanus), qui se croisaient en un complexe monumental, avec des réseaux de rues plus petites, flanquées de maisons, de boutiques, d’insulae, le tout sur une superficie de plusieurs kilomètres carrés.

132Un papyrus de 138 apr. J.-C. nous apprend que des habitants de villages et de districts situés au nord, dans les nomes Héracléopolite et Oxyrhynchite, étaient employés à Antinoé comme ouvriers dans la construction d’un théâtre. Un autre papyrus, daté de 154, parle lui de l’édification d’un temple de César. Le théâtre et les autres monuments ont, hélas, disparu, et nous devons, dans de nombreux cas, nous contenter des descriptions de voyageurs anciens, comme celle que le jésuite Cl. Sicard a laissée des ruines immenses dans ses lettres adressées en 1717 au comte de Toulouse, l’un des enfants issus des amours de Louis XIV et de la Montespan.

133Grâce à l’expédition de Bonaparte et aux travaux de la Commission d’Égypte qui lui firent suite, nous pouvons nous faire une idée au moins de la splendeur de la cité qu’Hadrien fit construire en souvenir d’Antinoüs. Fr. Jomard a examiné avec soin les ruines de la ville ; il fournit en 1809, dans la Description de l’Égypte, une description détaillée, enrichie de nombreux plans, de représentations, d’illustrations et de coupes de monuments.

134Des doutes doivent de toute évidence être exprimés sur tout ce que Jomard a vu et décrit. Certains pensent qu’il prétend avoir vu beaucoup plus que ce qu’il y avait à voir en réalité ; mais Jomard a assurément vu et décrit beaucoup de choses qui aujourd’hui sont irrémédiablement perdues. Les compagnons de Bonaparte, animés par de nobles intentions scientifiques, ont certainement été les derniers Européens à être en mesure de tracer et de transmettre une image de l’aspect extérieur de la ville antique.

135Un destin cruel a voulu qu’à leur intérêt scientifique succédât la destruction systématique de tout ce qui était encore récupérable. Sur l’ordre de Mehmed Ali, gouverneur de l’Égypte et fondateur de la dynastie des Khédives, mort en 1849, on utilisa en effet les matériaux antiques pour construire une sucrerie à El Rodha, sur la rive opposée du Nil, ainsi qu’une série d’édifices dans les villages voisins. La sucrerie existe encore, mais non Antinoé. Les belles colonnes de marbre ont été transformées en chaux, les pierres de la cavea du théâtre ont été réutilisées comme assises d’un monument dédié à un saint local… Le vicomte J. de Rougé, visitant les lieux en 1863, le constatait déjà : « Il ne reste pour ainsi dire plus rien aujourd’hui des traces extérieures de l’ancienne cité ». Un tableau plus sombre encore de l’état des ruines est dressé en décembre 1880 par Freund, compagnon de voyage de Dietrichson, dont j’ai déjà signalé l’importante contribution.

136Nous arrivons ainsi finalement aux années 1895-1896, lorsque le Français Albert Gayet entreprit des fouilles systématiques du site, qui devaient se poursuivre jusqu’en 1913. C’est à Gayet que nous devons la découverte du temple de Ramsès II, identifié dès la campagne de 1896. À dire vrai, l’égyptologue G. Ebers avait déjà aperçu en 1870 la partie supérieure de deux colonnes du monument, qui émergeaient de la masse des terres et des débris. Pour que ses structures fussent pleinement comprises et estimées, le temple dut attendre encore quelques décennies, jusqu’à ce que la Mission archéologique de l’Institut de papyrologie de Florence, sous la direction de S. Donadoni, dans les années 1939-1940 et surtout en 1966, prît l’initiative de dégager également les habitations voisines du temple. Au cours de la fouille de 1939-1940, on dégagea des fondations du pylône un beau groupe de talatat amarniennes, des blocs de mesure standard provenant des édifices de Tell el-Amarna, récupérés et réutilisés dans de nombreuses constructions des environs après la fin du règne si bref d’Akhénaton.

137Les travaux de Gayet fournirent un matériel très abondant. Le fouilleur explora systématiquement les nécropoles à l’extérieur de la cité, au nord et au sud, passant d’une tombe à l’autre, recueillant des masses d’étoffes et d’objets, des plus modestes aux plus précieux — le tout, hélas, sans encadrement archéologique convenable et sans documentation précise (bien qu’il eût annoncé la publication de rapports de fouilles en sept volumes). Qui plus est, pour financer ses missions successives, Gayet procéda à une série de ventes qui dispersèrent le matériel de manière irrémédiable, tout en enrichissant les fonds de différents musées.

138C’est ainsi que, le 17 juin 1901, le père fondateur de l’égyptologie belge, J. Capart, put se porter acquéreur d’un beau lots de pièces archéologiques en provenance des nécropoles d’Antinoé. La momie d’Euphémiâan, mieux connue sous le surnom de la « Brodeuse », prit alors le chemin de Bruxelles. Avec le suaire d’Aurelius Colluthus, les objets récoltés dans la tombe de la « Brodeuse » constituent aujourd’hui l’un des fleurons des Musées royaux d’art et d’histoire.

139Mais pour une momie conservée avec soin, avec une partie du matériel trouvé dans la tombe, combien d’objets définitivement dispersés et dépourvus de tout contexte ! Des rivières, des torrents de documentation archéologique sont encore à canaliser pour tenter de récupérer et de mettre en contexte l’information. Dans de nombreux cas, je le crains, il faudra se contenter de la beauté de pièces désormais isolées, sans qu’il soit désormais possible de les prendre en compte dans une vraie discussion scientifique. À cet égard, les deux volumes de Fl. Calament, déjà mentionnés, se révèlent tout à fait précieux ; en rassemblant du matériel et des pièces d’archives inédits, ils permettront assurément aux spécialistes de réaliser dans les années à venir des progrès significatifs dans la maîtrise de ce dossier.

140En 1912, E. Kuehn publie une partie de sa « Dissertation », réalisée sous la direction de celui que nous appelons le « prince des papyrologues », princeps papyrologorum, Ulrich Wilcken. Après avoir analysé les travaux de Jomard et de Gayet, il arrive à la conclusion, dans ce qui reste à cette heure le meilleur livre sur Antinoé, que les ruines encore visibles à l’époque de l’expédition de Bonaparte remontaient au iie s. apr. J.-C., plus exactement à l’époque même de l’empereur Hadrien. Le plan de la ville, avec son réseau de rues qui se coupaient à angle droit, rend évident le fait qu’Hadrien ne souhaitait pas simplement développer un site préexistant et pourvu d’une nouvelle dénomination, mais qu’il avait en vue une refondation complète, mettant en place une cité de conception purement hellénistique.

141Aux Français de Gayet succédèrent peu de temps après les Britanniques de l’Egypt Exploration Fund qui, avec J. Johnson, au cours de l’hiver 1913-1914, dévastèrent véritablement le site de l’antique Antinoé, à la recherche déclarée de papyrus : Antinoé subit alors le sort qu’avait déjà connu Oxyrhynchus. Des papyrus furent de fait découverts, en grand nombre et parfois de grand intérêt, au point de fournir la matière pour la publication de trois volumes. Signalons un fragment exceptionnel d’un codex contenant des vers de Théocrite, le poète qui avait célébré Ptolémée II, ainsi que des restes non négligeables d’un manuel pour l’apprentissage de la sténographie et un fragment de parchemin de Juvénal. Toutefois, la richesse de la documentation écrite récupérée par les fouilleurs anglais contrastait avec l’extrême pauvreté de leurs observations en matière d’archéologie et de monuments. La fouille avait été menée à travers les petites collines de décharge, kiman, et les montagnes de tessons de terre cuite qui recouvraient une grande partie de la cité. Du point de vue archéologique, s’il faut définir ce qui reste de la cité d’Hadrien, il faut bien, avec amertume, se rallier à l’avis prononcé par Thompson en 1981 : « Antinoupolis is truly a lost city ».

142En 1935 démarre l’entreprise italienne dont j’ai l’honneur d’assumer aujourd’hui la responsabilité. Entamée lors de fouilles dirigées par E. Breccia, ancien directeur du Musée gréco-romain d’Alexandrie, elle s’est poursuivie avec A. Adriani, S. Donadoni, S. Bosticco et M. Manfredi. Cette année encore, une mission a été conduite sur le terrain ; l’équipe a désormais le plaisir de compter dans ses rangs d’excellents collègues français et belges.

Séance du 16 mai 2009

143Devant un auditoire de 28 personnes, le président de la SFAC, François Villeneuve, ouvre la séance en confiant le soin à Hélène Siard, secrétaire adjointe, de lire le procès-verbal de la séance précédente. Ce dernier est approuvé à l’unanimité. Puis Fr. Villeneuve présente la candidature de Mathilde Gélin (CNRS), parrainée par lui-même et par M.-Chr. Hellmann ; cette candidature est acceptée à l’unanimité. Le président donne la parole à Mme Katerina Chryssanthaki-Nagle, maître de conférences à l’Université de Paris Ouest (Nanterre), pour une conférence intitulée : « Bilan de la recherche archéologique en Thrace égéenne ». Cette communication a été suivie de nombreuses questions, dont celles de Mmes M.-Chr. Hellmann et M.-Chr. Marcellesi, et de MM. Fr. Villeneuve, P. Ouzoulias, G. Nicolini et J.-Y. Carrez-Maratray. La séance est levée à 16 h 50.

Bilan de la recherche archéologique en Thrace égéenne, par Katerina Chryssanthaki-Nagle, maître de conférences à l’Université de Paris Ouest – UMR 7041

144La recherche archéologique et historique s’intéressant à la Thrace égéenne, et plus particulièrement au littoral situé entre les fleuves Nestos et Hèbre, dont les principaux sites antiques (Abdère et Maronée) étaient connus depuis la fin du xixe s. [54] et le début du xxe s. [55], a été entreprise de manière systématique par le Service archéologique grec à partir des années 1950 et 1960 [56]. De nouvelles fouilles systématiques et d’urgence réalisées ces dernières années ont mis au jour de nouveaux sites, principalement à l’intérieur du pays thrace [57]. Parallèlement à ces recherches de terrain, les études portant essentiellement sur l’histoire, les inscriptions [58] et la numismatique [59] ont ranimé la discussion sur la localisation de certaines cités grecques du littoral. L’apport de l’étude des monnaies de fouilles est devenu important dans cette remise en question de la localisation et dans la compréhension des rapports de ces cités grecques avec les différents pouvoirs politiques qui vont dominer la région au fil des années, en particulier le pouvoir macédonien de Philippe II [60]. L’objectif de notre bilan [61] est de présenter l’état actuel de la réflexion sur l’histoire des colonies grecques en Thrace égéenne et plus particulièrement de deux cités, Abdère et Maronée.

145Délimité à l’ouest et à l’est par les deux grands fleuves de la région (fig. 1), le littoral thrace égéen comprend deux vastes plaines alluviales et fertiles, séparées par les monts Zônaia et le mont Ismaros. La plaine occidentale est recouverte par une série de marais, de lacs et de lagunes dont la plus importante et la plus connue est celle de Bistonis (liée au roi thrace Diomède et à ses célèbres chevaux anthropophages). La communication entre les deux plaines a été réalisée dès l’Antiquité par deux passages montagneux relativement accessibles qui contournent les monts Zônaia, l’un au nord et l’autre au sud, et par une troisième voie, cette fois côtière, d’accès plus difficile, tout au long de la ligne rocheuse de Zônaia [62].

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Carte du littoral thrace de la mer Égée.

146Cette partie du littoral thrace, bien que pauvre en métaux, a attiré très tôt l’attention des Grecs, principalement ceux de l’est (des Ioniens). Ces Grecs ont essayé de s’installer ici pour exploiter les riches pâturages favorables à l’élevage de bovins et de chevaux et les terres fertiles, très appropriées à la culture des céréales, à l’oléiculture et à la viticulture. La présence de Grecs sur cette partie du littoral, ainsi que sur les îles de Thasos et de Samothrace, leur a permis de contrôler les routes maritimes du nord de la mer Égée et de mettre en place un réseau commercial avec les tribus thraces installées sur la côte et dans l’arrière-pays. L’accès aux richesses et aux ressources minières de l’intérieur de la Thrace antique leur a été ainsi assuré.

147La colonisation [63] grecque de la côte entre le Nestos et l’Hèbre remonte à la première moitié du viie s., au moment où les Pariens, attirés surtout par les richesses minières, colonisent l’île de Thasos. Parmi les Grecs qui tentèrent de fonder ici des colonies, nous retrouvons les Clazoméniens à Abdère (660-650) et les habitants de Chios accompagnés par d’autres Ioniens à Maronée, probablement avant le milieu du viie s. Ces Grecs qui arrivent sur le littoral doivent affronter et/ou coexister avec les tribus thraces, comme les Sappaioi, les Bistones et les Cicones. Les Grecs, par exemple ceux de Chios installés à Maronée, ont fondé leur colonie dans la région d’Ismaros à l’emplacement d’un site thrace appartenant au territoire des Cicones. Ils ont maintenu le nom du site thrace et adopté comme héros fondateur de leur colonie le célèbre Maron, prêtre d’Apollon dont le temple se trouvait à Ismaros ou Ismara, une autre polis thrace située dans la région des Cicones. D’après les sources littéraires, Maron disposait d’un hérôon près de Maronée.

148Vers le milieu du viie s. et peut-être avant, au début du viie ou même vers la fin du viiie s., des Grecs de l’Éolide, probablement de Troade et de l’île de Lesbos, accompagnés par des Ioniens de Samos, s’installèrent sur l’île de Samothrace. On ne peut exclure la possibilité d’une première tentative de colonisation de l’île par les Samiens, suivis par les Grecs de l’Éolide. Les Pariens-Thasiens, une fois installés à Thasos, quittent l’île pour s’installer sur la côte située entre le Strymon et le Nestos et ils essaient même de consolider leur présence à l’est du Nestos avec la fondation de Strymè et d’un site connu sous le nom de Thasion Képhalai, localisé dans la région du lac Ismaris et d’Ismaros. Strymè qui, d’après Hérodote (VII, 108-109), est située à l’ouest de la cité de Mésambria et dans la contrée de Briantique appartenant aux Cicones, a dû être fondée un peu avant 650, au moment où Maronée et Thasos se disputent le contrôle de cette fondation thasienne.

149Cette première phase de colonisation de la côte thrace a été suivie par une seconde vague de colons grecs. À l’est de Maronée, du mont Ismaros et des monts Zônaia, les Grecs de l’île de Samothrace vont à leur tour, comme les Thasiens, essayer de s’installer sur la côte thrace, sur un littoral présentant des terres plus fertiles et plus appropriées à la culture que celles de leur île d’origine. Sur la date exacte de l’installation des habitants de Samothrace sur le littoral, nous ne disposons pas de renseignements précis, mais les archéologues la placent avant la fin du vie s., probablement vers le milieu du vie s. et même vers la fin du viie s. Comme Thasos, Samothrace va vouloir ainsi contrôler un territoire entre le mont Ismaros et l’embouchure du fleuve Hèbre. Six sites seront ainsi fondés sur ce territoire par Samothrace [64].

150La localisation exacte de ces fondations reste encore une question en suspens : la thèse la plus acceptée est qu’en partant de l’ouest vers l’est, nous aurions Mésambria, Drys, Zônè, Salè, Tempyra et Charakoma. Les sources littéraires utilisent des termes différents pour désigner ces installations de Samothrace, comme teichéa, emporia pour Drys et Zônè, polichnia pour Tempyra et Charakoma, ou encore poleis pour Mésambria et Zônè.

151Pour Mésambria, la colonie la plus occidentale de Samothrace, il a été récemment proposé qu’elle n’ait jamais existé et que la référence d’Hérodote (VII, 108), seule attestation littéraire de son existence, soit en réalité due à une incompréhension de l’adverbe mesembria qui se trouvait à l’origine dans le texte d’Hécatée, source utilisée par Hérodote lors de la description du passage de l’armée perse de Xerxès à travers le littoral thrace [65]. Cependant, si nous n’adoptons pas pour Mésambria cette solution radicale conduisant à sa disparition définitive, nous pourrions la localiser non plus sur le littoral, mais à l’intérieur des terres. À la suite d’une série de prospections menées depuis 2005 dans la région qui s’étend à l’ouest et au nord de la chôra de Zônè, différents sites fortifiés ont été répertoriés, sites construits sur les pentes orientales du mont Ismaros et sur les monts Zônaia entourant la plaine de Zôné. Ces sites nous rappellent le terme teichéa de Samothrace utilisé par Hérodote. En situant Mésambria au nord de Zôné (fig. 2), sur le plateau de Pérama qui se trouve près de la voie royale que l’armée perse a empruntée en contournant les passages côtiers fortifiés plus à l’ouest, nous rejoignons le récit d’Hérodote dans lequel il est indiqué que Xerxès passa près de la dernière fondation de Samothrace, Mésambria, avant de faire route vers l’ouest [66]. Cette hypothèse nous paraît intéressante, mais il est nécessaire d’attendre les résultats des fouilles des différents sites en question pour pouvoir la confirmer.

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Emplacement de Mesambria proposé par T. Tsatsopoulou. D’après Tsatsopoulou 2006, p. 2, carte 2.

152Lors de cette seconde phase de la colonisation grecque du littoral, sur la plaine occidentale entre le fleuve Nestos et le mont Ismaros, avant le milieu du vie s., la première colonie des Clazoméniens à Abdère reçoit des colons grecs de Téos qui maintiennent le nom de la colonie clazoménienne. À l’est d’Abdère, près du lac Bistonis, une autre cité grecque a été fondée. Il s’agit de Dikaia près d’Abdère ou de Dikaiopolis. Ce site a été localisé avec certitude sur la côte est de la baie de Porto Lagos, sur la colline de Katsamakia, à la suite de la découverte in situ et dans la région avoisinante de monnaies d’argent frappées en étalon thraco-macédonien datant du début du ve s. et des monnaies de bronze datant du ive s., qui portent toutes les lettres dik[67]. Les sources littéraires restent silencieuses sur l’origine des colons et la date de la fondation. On a voulu voir une présence samienne, déjà connue dans la région thrace sur l’île de Samothrace, en s’appuyant sur l’iconographie monétaire. Or, nous ne pouvons exclure la possibilité que Dikaia fût une colonie thasienne, étant donné que les Thasiens étaient déjà présents dans la région avec leur fondation à Strymè, localisée jusqu’à maintenant sur la péninsule de Molyvoti au sud-est de Dikaia et avec celle de Thasion Kephalai [68]. Il s’avère que les Thasiens avaient également essayé de s’installer dans la région d’Abdère après l’affaiblissement de la première colonie des Clazoméniens, présence attestée par deux documents épigraphiques provenant d’Abdère écrits en alphabet parien [69]. Il faut aussi souligner que l’étalon choisi pour la première série de monnaies d’argent correspond à celui de Thasos et que des fractions d’argent de Dikaia ont été retrouvées sur le site de Molyvoti, une fondation considérée jusqu’à présent comme thasienne.

153Si nous essayons d’associer les sources littéraires à la documentation archéologique à propos des fondations grecques du littoral, nous pouvons identifier avec certitude, grâce aux documents épigraphiques ou numismatiques, quatre sites : Abdère, Dikaia près d’Abdère, Maronée et une seule colonie de Samothrace, Zônè. De plus, la localisation par G. Bakalakis [70] de Strymè, la fondation thasienne, sur la péninsule de Molyvoti n’a pas été confirmée jusqu’à présent par des documents épigraphiques. Pour cette présentation de l’état de la recherche, nous allons nous limiter aux deux principales cités grecques du littoral thrace, Abdère et Maronée [71].

154La première tentative d’établissement d’une colonie à Abdère, confirmée par la documentation archéologique, a été réalisée par les habitants de la ville ionienne de Clazomènes sous la direction de Timèsios, au milieu du viie s. Les fouilles opérées dans les années 1980 et 1990 ont complètement changé nos connaissances sur l’histoire de l’urbanisme d’Abdère (fig. 3). Elles ont ainsi montré l’existence de deux noyaux urbains, un premier au nord, plus ancien, et un second au sud, plus récent. Les archéologues ont localisé une petite partie de la colonie clazoménienne à l’intérieur de la ville du nord et les nécropoles de l’époque archaïque au nord et au nord-est de la ville. Au moment où les colons de Clazomènes arrivent dans la région d’Abdère, la situation géomorphologique de la côte était différente, car la mer pénétrait à peu près de 2 km à l’intérieur des terres, en donnant naissance à un golfe. C’est aux abords de ce golfe que les Clazoméniens ont fondé leur colonie. Ce premier essai de fondation d’une colonie sur le littoral thrace n’a pas totalement abouti, car Timèsios a été expulsé par les Thraces.

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Abdère : les deux villes (nord et sud).

155Quand les Téiens sont arrivés dans la région d’Abdère en 545, la ville n’était pas totalement abandonnée et les descendants des premiers colons étaient toujours présents, affaiblis par les attaques thraces et par la malaria. La petite partie de la colonie clazoménienne et les nécropoles de l’époque archaïque qui datent de la période du milieu du viie s. au milieu du vie s. confirment aussi le fait que les Thraces n’ont pas expulsé toute la population de la première colonie d’Abdère. Les honneurs accordés par les Téiens à Timèsios, le fondateur clazoménien, indiquent que le nom de Timèsios est resté vivant dans l’histoire d’Abdère. Il était considéré comme le fondateur historique de la ville, même par les gens de Téos, arrivés sur la côte thrace un siècle plus tard. Les Téiens ont ainsi essayé de se lier à la fondation précédente, en admettant le culte d’un oikistès d’origine ionienne et en obtenant une coexistence pacifique avec les Clazoméniens.

156Les Téiens utilisèrent le rempart de la colonie des Clazoméniens sur lequel ils construisirent plus tard leur nouveau rempart. Hormis quelques bâtiments, le sanctuaire des divinités féminines et le port de la ville avec ses établissements, les sources archéologiques les plus riches de la phase archaïque de la fondation des Téiens restent, comme pour la première colonie des Clazoméniens, les tumuli de la nécropole localisée au nord et au nord-est de la ville d’Abdère. En outre, il existe des indices topographiques sur cette première ville nord d’Abdère, connus grâce à Hippocrate (la palestre, la Voie sacrée ou un téménos consacré aux nymphes).

157Les Abdéritains ont continué à habiter dans les limites de l’enceinte nord jusqu’au milieu du ive s. Les données archéologiques des fouilles d’Abdère ont montré qu’une couche de destruction a recouvert toute la ville archaïque et classique dans les limites de l’enceinte nord dans la deuxième moitié du ive s. L’abandon de l’ancienne ville nord n’a pas été immédiat et la vie a continué jusqu’au iiie s. À l’époque hellénistique, une nécropole a remplacé l’habitat de la ville nord.

158Au moment où les Abdéritains abandonnaient leur ville au nord, dans la seconde moitié du ive s., une nouvelle ville, plus grande et mieux urbanisée, fut fondée au sud de la ville archaïque et classique, plus proche du littoral. Un nouveau rempart, construit avec un appareil pseudo-isodome, entoura la nouvelle ville dessinée d’après le plan hippodaméen et protégea les deux nouveaux ports.

159Le transfert de la vie d’Abdère du nord au sud a été attribué aux changements géomorphologiques. Le changement de lit du fleuve Nestos et les alluvions ont transformé l’environnement de la cité et ont éloigné la ville archaïque de la mer, obligeant les Abdéritains à construire leur nouvelle ville plus au sud. Cependant, l’abandon de la ville ancienne du nord et la construction de la nouvelle ville peuvent également être reliés à la mainmise de Philippe II sur la région. Le roi, arrivant devant Abdère, a pu détruire la ville, déjà affaiblie par les changements géomorphologiques, et établir à sa place une deuxième ville plus grande et mieux organisée.

160Cette nouvelle ville est dotée d’un monnayage présentant une nouvelle iconographie monétaire. Le type du revers, au lieu de changer à chaque monétaire, comme c’était le cas auparavant, reste stable : la tête d’Apollon lauré occupe les revers de cette nouvelle série. Le modèle, pour ces nouveaux revers, provient de l’effigie d’Apollon présente sur les statères en or de Philippe II. Ce changement de l’iconographie monétaire, associé à la frappe des premières monnaies en or par Abdère, peut être mis en rapport avec la mainmise sur la ville par Philippe II et l’alliance de la cité avec le pouvoir macédonien. De plus, sur les monnaies d’argent et de bronze de cette nouvelle période du monnayage abdéritain, des noms macédoniens apparaissent pour la première fois dans l’onomastique ionienne du monnayage. Néanmoins, Abdère ne deviendra jamais une cité macédonienne. Elle a gardé son caractère ionien, ses institutions et ses magistratures tout au long de son histoire.

161La nouvelle ville sud d’Abdère a continué à exister jusqu’à l’époque paléochrétienne, pour être remplacée par le site byzantin de Polystylon, fondé sur l’emplacement de l’acropole de la ville classique.

162À l’est d’Abdère, sur la pente sud-ouest du mont Ismaros et sur la côte d’Haghios Charalambos, les restes d’une importante cité ont été signalés dès 1880. Les inscriptions utilisées comme matériel de construction par les habitants du village moderne, les fouilles menées dans la ville et dans les nécropoles et surtout les monnaies retrouvées sur place ont permis l’identification de ces vestiges comme ceux de Maronée (fig. 4).

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Maronée et Haghios Georgios.

163Les fouilles de Maronée ont mis au jour une partie des nécropoles (datant de la deuxième moitié du ive s.), la fortification de l’époque classique avec l’acropole située sur le site d’Haghios Athanasios (datée du ive s.) et le centre urbain partiellement fouillé. La majorité des monuments mis au jour sont localisés sur la partie méridionale de la ville avec des bâtiments de la fin de l’époque classique et hellénistique, comme le théâtre, le sanctuaire de Dionysos, principal sanctuaire de la cité, et des maisons de grande taille à péristyle. La phase romaine avec l’agora de la ville a été localisée non loin de la côte d’Haghios Charalambos [72].

164Le principal problème des données archéologiques de Maronée est qu’elles datent de la fin de l’époque classique et surtout des époques hellénistique, romaine, paléochrétienne et byzantine. Un grand hiatus existe pour les premières années de la vie de la colonie grecque. Ainsi, nous ne pouvons suivre et reconstituer l’ensemble de l’histoire de la cité. G. Bakalakis avait proposé que le site thrace de Maronée, la polis des Cicones, puisse être localisé sur le site fortifié d’Haghios Georgios, à l’est de Maronée. C’est ici que les premiers colons Ioniens se seraient installés pour fonder leur colonie à la place du site thrace. Sur ce sommet de 461 m d’altitude, une acropole a été construite avec deux murailles descendant vers la mer et enserrant une vaste surface non encore étudiée. Ce même site construit, selon G. Bakalakis, durant la période pro-perse, a été daté des xiiie-xiie s. et plus récemment [73] du ixe ou du viiie s. L’identification de l’acropole avec la Maronée des Cicones et avec le premier noyau de la colonie grecque de Maronée a été abandonnée et un autre site thrace des Cicones, Ismaros ou Ismara, a été proposé pour l’acropole d’Haghios Georgios.

165La question de la localisation de la phase archaïque et classique de Maronée reste en suspens. Récemment, M. Tivérios est revenu sur la proposition de G. Bakalakis et il a placé à nouveau l’acropole de la colonie grecque archaïque de Maronée sur le site d’Haghios Georgios [74]. Une nouvelle thèse sur l’emplacement de la première colonie des Ioniens à Maronée a été proposée par L. D. Loukopoulou et S. Psoma [75]. Cette thèse, qui mérite notre attention, remet en question la localisation actuelle de la fondation thasienne de Strymè sur le site de Molyvoti. Elle propose de faire correspondre aux vestiges de Molyvoti ceux de la phase archaïque et classique de Maronée, tandis que le site d’Haghios Athanasios serait associé à ceux de la phase de la fin de l’époque classique et hellénistique de Maronée. L. D. Loukopoulou et S. Psoma proposent de localiser la fondation thasienne de Strymè sur le corps rocheux du mont Ismaros, et plus précisément au sommet de l’acropole d’Haghios Georgios, à l’est de la cité classique, hellénistique et romaine de Maronée, là où G. Bakalakis a voulu voir l’emplacement de la première acropole archaïque de Maronée (fig. 5).

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Le littoral thrace de la mer Égée avec les deux sites proposés pour Maronée. D’après Psoma et al. 2008, p. 255.

166Cependant, la datation de la documentation archéologique provenant du site d’Haghios Georgios (remontant au ixe et au viiie s.) ne corrobore pas l’identification du site avec la fondation thasienne de Strymè (qui remonte au viie s.). L’abandon et l’absorption de Strymè par la ville classique et hellénistique de Maronée proposés par les deux auteurs ne se fondent, pour l’instant, que sur peu de preuves archéologiques.

167Si la localisation de Strymè à l’est du mont Ismaros nous paraît pour le moment difficilement défendable, les résultats de la récente étude des monnaies des fouilles provenant du site de Molyvoti et celles de Maronée par S. Psoma sont extrêmement intéressants et importants pour l’histoire du littoral [76]. La mise au jour, sur le site même de Molyvoti et ses environs, des quelques fractions en argent du ve s. attribuées à Maronée, d’un trésor de 28 monnaies (IGCH, 718) en argent de Maronée (enfoui dans la deuxième moitié du ive s.) et d’un grand nombre de monnaies de bronze émises par Maronée durant la première moitié du ive s., sont des arguments forts pour identifier la présence des Maronitains sur ce lieu. En effet, les monnaies de bronze circulent généralement dans les limites du territoire du pouvoir émetteur. Un autre élément très important pour témoigner des rapports étroits du site de Molyvoti avec Maronée est la découverte de poids officiels de Maronée sur le site même et dans la région avoisinante. Ces poids portent les lettres de l’ethnique M???[77].

168La présence numismatique forte de Maronée, l’utilisation des poids maronitains à Molyvoti et une onomastique funéraire de Molyvoti très proche de l’onomastique monétaire de Maronée ont conduit L. Loukopoulou et S. Psoma à proposer l’attribution des vestiges de Molyvoti à la première ville de Maronée, le plus ancien noyau de la colonie ionienne. D’après ces auteurs, les habitants ont dû quitter le site de Molyvoti, sur la baie de Porto Lagos, dans la seconde moitié du ive s., pour construire une nouvelle ville plus à l’est, sur le site de Haghios Charalambos. Maronée semble avoir connu une histoire parallèle à celle d’Abdère durant le règne de Philippe II. Comme Abdère, Maronée a été dotée d’une nouvelle ville sous le règne de Philippe II. Le culte de ce dernier apparaît à ce moment-là parmi les différents cultes de la cité.

169Bien que cette thèse nous apparaisse attrayante, il faut souligner un point qui l’affaiblit. Un des arguments invoqués par les deux historiennes contre l’identification du site de Molyvoti avec Strymè est l’absence d’une documentation archéologique datant du viie s., moment de la fondation de la colonie thasienne. Or, le même problème se pose si l’on accepte l’emplacement d’une première ville de Maronée à Molyvoti. L’absence actuelle de documents archéologiques provenant de Molyvoti permettant de soutenir la fondation de la colonie de Maronée par les Grecs de Chios (seconde moitié du viie s.) et les premières phases de la vie de cette cité (époque archaïque) peut laisser dans l’expectative et nous amener à être sceptiques sur l’hypothèse proposée.

170De plus, compte tenu de la documentation actuelle, ni l’abandon définitif du site de Molyvoti dans la seconde moitié du ive s. ni la thèse d’une nouvelle fondation de Maronée dans la dernière moitié du ive s., au pied du mont Ismaros, proposés par les deux historiennes, ne sont prouvés avec certitude [78]. Enfin, la distance de 22 km qui sépare les deux sites de Molyvoti et de Maronée est relativement importante pour une même ville et ne permet pas une comparaison avec le cas d’Abdère, où la distance entre les deux sites était beaucoup plus réduite. Il ne faut pas non plus oublier toute la mythologie de Maron, le héros thrace fondateur de Maronée, étroitement liée à la région de Maronée et au mont Ismaros, mythologie qui est restée longtemps vivante.

171Mais si l’on rejette l’identification de Molyvoti avec le premier noyau urbain de Maronée, comment peut-on expliquer la présence des monnaies de Maronée à Molyvoti ?

172Il est certain que les petites fractions en argent du ve s. retrouvées à Molyvoti peuvent soutenir la thèse de l’emplacement de la première ville de Maronée à Molyvoti, car les petites monnaies d’argent circulent principalement dans le territoire de la cité émettrice. Or, nous pouvons suivre cette thèse seulement si nous acceptons l’attribution du groupe des fractions anépigraphes retrouvées à Molyvoti à l’atelier monétaire de Maronée, attribution proposée essentiellement sur des critères de similarité iconographique de ces monnaies avec l’iconographie des émissions postérieures de Maronée. Cependant, même si ces petites fractions anépigraphes sont des émissions de Maronée, il est possible qu’elles soient arrivées sur le site de Molyvoti par la voie commerciale. Une observation similaire a été faite pour les petites fractions d’argent du ve s. de Dikaia, également découvertes à Molyvoti [79].

173Le vrai problème se pose avec les monnaies de bronze. La présence de monnaies en bronze de Maronée, associée à celle des poids officiels de la même cité à Molyvoti, pourrait être justifiée, à mon avis, par un épisode important de l’histoire de Strymè. Cet épisode correspond à la prise du contrôle de la colonie thasienne par les habitants de Maronée, qui peut être placée au viie s. lors du premier conflit avec les Thasiens, pendant le vie s. ou bien plus tard, durant la défaite et l’affaiblissement de Thasos dans les années 465-463. En 361-360, les Thasiens ont essayé de rétablir leur pouvoir à Strymè avec le soutien des Athéniens pour faire face à la résistance efficace des Maronitains. Ceux-ci étaient donc certainement à Strymè durant la première moitié du ive s. et ils auraient pu imposer l’utilisation de leur propre monnaie. De plus, les documents épigraphiques confirment la possibilité, pour une cité qui ne frappe pas sa propre monnaie, d’utiliser dans le cadre d’une alliance ou d’un traité la monnaie de la cité voisine [80]. Peut-on exclure la possibilité que la cité grecque de Molyvoti, jusqu’à maintenant identifiée avec Strymè, ait utilisé les monnaies de sa voisine Maronée (qui allait devenir au ive s. une cité importante dans la région) ?

174Pour le moment, nous devons rester prudents sur la question de l’emplacement du noyau archaïque et classique de Maronée, car une toute petite partie de la ville a été explorée et nous devons continuer à rechercher les couches plus anciennes de Maronée dans la région proche des vestiges de la ville classique et hellénistique.

175Ce bref bilan de l’histoire des colonies grecques du littoral thrace nous montre que, pour certaines d’entre elles, des problèmes concernant la topographie ne sont pas encore clos ; seules des fouilles systématiques pourront les résoudre. De plus, de nombreux sites à l’intérieur du pays thrace, aux confins des territoires des colonies grecques, là où les deux cultures (grecque et thrace) se sont croisées, ont été répertoriés ces dernières années. Les prochaines fouilles seront certainement fructueuses en informations et permettront peut-être d’éclaircir davantage les questions que nous avons abordées dans ce bilan.

Séance du 20 juin 2009

Excursion à Autun, par François Villeneuve, professeur à l’Université de Paris I, président de la SFAC

176L’excursion de juin 2009 à Autun a réuni 21 participants. Elle avait été préparée par Olivier de Cazanove, membre du Comité de la SFAC, en liaison étroite avec Yannick Labaune, archéologue municipal d’Autun. La SFAC a bénéficié pour cette journée d’un accueil exceptionnel de la part de la municipalité, du Service archéologique municipal et des responsables du Musée Rolin.

177La matinée a été consacrée à la visite, guidée par Y. Labaune, des environs immédiats, puis de la ville même. Après une reconnaissance rapide du réseau d’adduction romain sur les hauteurs au sud de la ville, une halte prolongée au pied de l’imposant noyau subsistant du tombeau d’époque impériale, dit « pyramide de Couhard », a permis, depuis cet excellent point de vue, de se familiariser avec les ressources (eaux, schistes) de la ville antique et avec son paysage, en repérant notamment l’emplacement de la demi-douzaine de nécropoles romaines et tardo-antiques, dont celle du « Champ Saint-Roch/Pont l’Évêque », qui a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouilles d’archéologie préventive entre 2004 et 2009 (surface dégagée d’environ 3,5 ha) [81] (fig. 1). Les abords immédiats de la pyramide de Couhard, en revanche, lieu présumé d’une autre nécropole, n’ont rien livré pour l’instant, en dépit d’une prospection géophysique réalisée en 2008. Un rapide passage au théâtre romain, en lisière sud-est de la ville, a suivi : d’un diamètre de 140 m, c’est le second par la taille dans le monde romain après le théâtre de Pompée ; mais seules les deux premières travées de la cavea sont conservées. La construction est datée de l’époque flavienne, par des monnaies prises dans la maçonnerie. Les autres édifices de spectacles intra muros sont un amphithéâtre, tout proche au nord (à l’état de traces) et un possible odéon dans le quart nord-ouest de la ville, à l’emplacement dit « la tour de Jouère ». La visite s’est poursuivie par le sanctuaire de la Genetoye, improprement dit « de Janus » (fausse étymologie de Genetoye), hors les murs, au nord-ouest. Il est implanté sur les alluvions de l’Arroux, dans un secteur où des clichés aériens réalisés par R. Goguey lors de la sécheresse de 1976 ont révélé la présence d’un théâtre associé au sanctuaire, mais également de vestiges plus anciens, notamment ceux d’un camp du Néolithique. Des clichés de 2003, ainsi que des prospections géophysiques réalisées en 2006, ont peut-être permis de découvrir la nécropole néolithique liée à l’habitat précité, ainsi que les traces d’une activité d’extraction de sable et graviers à l’époque romaine pour les chaussées de la voirie urbaine. Des datations au C14 récentes sur des charbons pris dans la maçonnerie assignent au temple une date de construction entre 150 et 250 apr. J.-C. Autour des vestiges impressionnants de l’élévation du temple, réalisée en petit appareil (opus vittatum), des sondages conduits en 2008 ont permis de placer des segments de la galerie (sol en opus signinum) qui en faisait le tour et de situer probablement l’entrée à l’est. Plus largement, une prospection géophysique réalisée en mars 2009 autorise à dessiner à grands traits certains éléments du plan d’un très vaste sanctuaire, en complétant les données fournies par les plans de fouilles du xixe s. et la photographie aérienne.

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Emplacement des nécropoles antiques d’Autun. © Conception et DAO : Yannick Labaune, ville d’Autun.

178Revenant vers la ville antique, nous avons pu observer de près la porte d’Arroux, porte romaine dans le tronçon nord de l’enceinte. Son décor pourrait suggérer une datation augustéenne. Fait remarquable, la conjonction d’observations de V. Barrière, dans une thèse en cours sur la documentation ancienne et sur les récits des voyageurs qui voyaient une porte plus intacte qu’elle ne l’est aujourd’hui, de l’architecte Al. Olivier sur le bâti (blocs laissés en bosse sur la face côté ville du passage piétonnier est, que l’on retrouve également à l’ouest) et de Y. Labaune en sondages (fondations d’un mur que l’on peut dater du ier s. de notre ère) alimente l’hypothèse d’une cour interne, et donc de deux passages, côté ville et côté campagne, ce dernier seul visible actuellement.

179La matinée s’est achevée, sous la conduite de M. Kasprzyk (INRAP Grand-Est Nord et UMR 5594, ARTeHIS, Dijon) par la découverte des résultats des fouilles conduites en 1987 et 2003 dans le centre antique (fig. 2), immédiatement à l’ouest du cardo maximus, notamment dans ce qui est à présent le sous-sol d’un bâtiment moderne. On peut dans cet endroit, au milieu des tuyaux de la chaufferie, fouler le pavement en granit du cardo principal de l’Antiquité tardive (terminus post quem vers 250 pour la mise en place des dalles), dont la chaussée était large de 8 m, contre 12 m pour le cardo augustéen sous-jacent.

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Plan d’Autun antique. © Yannick Labaune, ville d’Autun.

180La pause du déjeuner s’est faite dans le petit jardin du musée lapidaire installé dans les vestiges de l’hôpital médiéval Saint-Éloi. Sitôt ces agapes terminées, André Strasberg, membre de la Société éduenne et conservateur adjoint au Musée Rolin, nous fit découvrir avec sa grande érudition antique et médiévale ce charmant musée légèrement désordonné, nous montrant notamment, dans la chapelle, une possible statue de culte d’un Mercure, deux fragments non replacés de la mosaïque de Bellérophon et de la Chimère, un fragment de la mosaïque de la domus de Balbus Iassus, ainsi que nombre de stèles funéraires frustes dans le cloître.

181Nous avons ensuite gagné le Musée Rolin- où, accueillis et guidés par son conservateur en chef, Brigitte Maurice-Chabard, nous avons admiré successivement les œuvres et les objets des salles antiques, puis les éléments architecturaux de la salle romane. Par une faveur insigne de Br. Maurice-Chabard, nous avons pu in fine découvrir, une semaine avant l’ouverture de l’exposition consacrée à la mosaïque de Bellérophon, cette œuvre exceptionnelle totalement restaurée, avec ses couleurs vives, par le laboratoire de Saint-Romain-en-Gal entre 2006 et 2008. Restaurée, certes, dans l’état consécutif à ses restaurations successives : l’œuvre telle qu’elle se présente date à 75 % du xixe s. (trois restaurations successives entre 1830, date de sa découverte fortuite, et 1879).

182L’après-midi s’est achevée par une visite libre de la cathédrale d’Autun.

Notes

  • [1]
    Rédacteur : Fr. Prost (Université Paris I), avec la coll. de C. Saliou (Université Paris VIII).
  • [2]
    Cette communication est présentée en étroite collaboration avec D. al-Talhi, directeur saoudien de ce programme. Pour une présentation des travaux antérieurs aux fouilles, voir L. Nehmé et al., Mission archéologique de Madâ’in Sâlih (Arabie Saoudite) : recherches menées de 2001 à 2003 dans l’ancienne Hijrâ des Nabatéens, Arabian Archaeology and Epigraphy, 17, 2006, p. 41-124. Un rapport complet sur la fouille de 2008 est sous presse : L. Nehmé, D. al-Talhi, Fr. Villeneuve éd., Hegra I. Report on the First Excavation Season at Madâ’in Sâlih, Saudi Arabia, Riyadh.
  • [3]
    J.-M. Dentzer, Espace urbain et environnement dans les villes nabatéennes de Pétra, Hégra et Bosra, dans Fr. Dumasy, Fr. Queyrel éd., Archéologie et environnement dans la Méditerranée antique, Genève, Droz, 2009, p. 143-192 (p. 156-175 sur Hégra).
  • [4]
    Les partenaires scientifiques sont le Service des Antiquités d’Arabie Saoudite dans le Haut Conseil pour le tourisme et les antiquités ; les UMR 8167 « Orient et Méditerranée » et 7041 « Archéologie et Sciences de l’Antiquité ». Le ministère des Affaires étrangères (Direction des sciences sociales et de l’archéologie) exerce une tutelle scientifique et apporte un soutien financier. Le programme a obtenu en 2008 le prix archéologique de la Fondation Del Duca, qui constitue, à partir de 2009, la principale ressource financière du programme. Celui-ci est également soutenu par le Sénat et par l’Ambassade de France en Arabie Saoudite, ainsi que par les sociétés Clio,Total et OTV–Île-de-France et par des donateurs privés.
  • [5]
    Mission conduite avec une vingtaine d’archéologues, céramologues, anthropologues et restaurateurs. Les résultats de 2008 sont ponctuellement corrigés ou complétés ici par des acquis de la campagne 2009 ou des résultats d’analyses obtenus en 2009.
  • [6]
    Le site de Madâ’in Sâlih est matériellement défini par une clôture enserrant un parc archéologique de 1 460 ha.
  • [7]
    D. al-Talhi, M. al-Daire, Roman Presence in the Desert: A New Inscription from Hegra, Chiron, 35, 2005, p. 205-217.
  • [8]
    I. Vocotopoulou, La Macédoine. Présentation géographique et historique, dans La civilisation grecque, Macédoine, royaume d’Alexandre le Grand, Athènes, 1993, p. 12-15.
  • [9]
    P. Adam Véléni, From the Kingdom of Macedonia to the Province of Roman Empire, dans P. Adam Véléni éd., Kalindoia, an ancient city in Macedonia, Athènes, 2008, p. 1-24.
  • [10]
    D. M. Robinson, J. W. Graham, Excavations at Olynthus, vol. 1-12, Baltimore, 1938-1952.
  • [11]
    M. Lilimbaki-Akamati, ????????? ??????, AEMTh, 17, 2003, p. 465-484 ; ead., ibid., 19, 2005, p. 391-406 ; ead., ibid., 20, 2006, p. 591-614 ; I. Akamatis, ?????????????? ???????? ?????? ??????, AEMTh, 17, 2003, p. 485-495 ; id., ibid., 19, 2005, p. 407-426 ; id., ibid., 20, 2006, p. 615-626.
  • [12]
    I. Vocotopoulou, ???????? ??????, AEMTh, 3, 1989, p. 409-424 ; ead., ?????-???????, AEMTh, 4, 1990, p. 399-410
  • [13]
    J. Kambitoglou, J. Papadopoulos, ????????? ???????, AEMTh, 3, 1989, p. 439-450.
  • [14]
    Ch. Koukouli-Chryssanthaki, Thasos, dans La civilisation grecque, Macédoine, royaume d’Alexandre le Grand, Athènes, 1993, p. 60-63.
  • [15]
    P. Adam Véléni, ??????????? ????????? ?????????, dans Studies in honor of N. G. L. Hammond, Thessalonique, 1997, p. 1-16.
  • [16]
    J. Perrault, Z. Bonias, ??????? 2005, AEMTh, 19, 2005, p. 81-87.
  • [17]
    K. Sismanidis, Ancient Stageira, Birthplace of Aristotle, Athènes, 2003
  • [18]
    N. G. L. Hammond, A History of Macedonia, I, Oxford, 1972 ; id. et G. T. Grifith, A History of Macedonia, II, 550-536 B.C., Oxford, 1979 ; ?. Sakellariou éd., Macedonia, 4000 Years of Greek History and Civilisation, Athènes, 1982 ; R. Ginouvès et al., La Macédoine de Philippe II à la conquête romaine, Paris, 1993.
  • [19]
    I. Worthington, Philip II of Macedonia, Londres, 2008, p. 74-135.
  • [20]
    Ibid., p. 36-151.
  • [21]
    P. Adam Véléni, ??????????? ????????? ??? ?? ?????? ?. ????????????, dans Ancient Macedonia VI: International Congress, Thessalonique, 15-19 October 1996, Thessalonique, 1999, t. 1, p. 1-14.
  • [22]
    P. Adam Véléni, E. Poulaki, K. Tzanavari, Ancient Country Houses on Modern Roads, Central Macedonia, Athènes, 2003.
  • [23]
    P. Adam Véléni, ????????? ??? ?????????: ?? ??????? ??? « ??????????? », AEMTh, sous presse.
  • [24]
    G. Karamitrou-Mendesidi, Aiani, Athènes, 1996.
  • [25]
    E. Anagnostopoulou-Chatzipolichronia, ?? ????????????? ??????? ??? ?????????, AE?Th, 10?, 1996, p. 189-204.
  • [26]
    A. Kottaridi, ? ?????? ???? ?????, ??? ???? ???? ?????, AE?Th, 20, 2005, p. 773-780 ; St. Drougou, Chr. Saatsoglou-Paliadeli, A. Kottoridou, B. Tsigarida, ?????, Athènes, 2002.
  • [27]
    Voir n. 11.
  • [28]
    Ch. Makaronas, E. Giouri, ?? O????? ??? ??????? ??? ?????? ??? ??? ???????? ??? ??????, Athènes, 1989.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    P. Adam Véléni, ???????????, ???????, ?????????, ???????, ???????????? ??????????? ??? ???? ????????????? ??? ???? ????????? ???????, Thessalonique, 2001 (avec bibl.) ; G. Velenis, P. Adam Véléni, ?????? ????? ????????????, Thessalonique, 1996 ; P. Adam Véléni, ?????? ????? ????????????, 1, Thessalonique, 2001.
  • [31]
    K. Sismanidis, ??????? ???? ?????? ??????????? ??? ??? ?????? ????????, AEMTh, 4, 1990, p. 371-384.
  • [32]
    D. Grammenos éd., Roman Thessaloniki, Thessalonique, 2003.
  • [33]
    D. M. Robinson, J. W. Graham, Excavations at Olynthus, vol. 1-12, Baltimore, 1938-1952.
  • [34]
    D. Lazaridis, Amphipolis, Athènes, 1997.
  • [35]
    D. Pandermalis, Discovering Dion, Athènes, 2000, et Th. Stefanidou-Tiveriou, Excavation at Dion, 1. The Fortress, Thessalonique, 1998.
  • [36]
    K. Sismanidis, ?? ?????????? ??? ?????????? : ????????? ??? ???????, AEMTh, 19, 2005, p. 145-155, et id., The Sebasteion Building Complex (Rooms A-E), dans P. Adam Véléni éd., Kalindoia, an ancient city of Macedonia, Thessalonique, 2008, p. 124-131.
  • [37]
    V. Allamani, Véroia, dans La civilisation grecque, Macédoine, royaume d’Alexandre le Grand, Athènes, 1993, p. 55-56.
  • [38]
    Ch. Koukouli-Chryssanthaki, Ch. Bakirtzis, Philippi, Athènes, 1997.
  • [39]
    M. Lilimbaki-Akamati, I. Akamatis, ??????????? ???? ??? ????????, AEMTh, 13, 1999, p. 587-596.
  • [40]
    P. Adam Véléni, ?????? ????????, ?????? ?????? ?????????, AEMTh, 10?, 1996, p. 1-22, et ead., Petres Florinas, Guide to the Excavation of the Hellenistic City, Thessalonique, 2000 (2e éd.).
  • [41]
    Pour ce sondage et les suivants, on se reportera aux chroniques publiées chaque année dans Anatolia Antiqua.
  • [42]
    L’inscription sera publiée par D. Feissel.
  • [43]
    Toutes les datations sont proposées par C. Rocheron, du Centre Ausonius, responsable de l’étude du matériel céramique du secteur.
  • [44]
    Voir les actes de la journée d’études « Basiliques civiles de Grèce et d’Asie Mineure », 7 avril 2008, Ausonius, Bordeaux, à paraître.
  • [45]
    P. Baker, G. Thériault, Prospection épigraphique, Anat. Ant., 2002, p. 304.
  • [46]
    Dirigée par R. Vergnieux. G. Riet, E. Coulon et M. Chayani, stagiaires, ont participé au projet.
  • [47]
    E. Fossel-Peschl, Die Basilika am Staatsmarkt in Ephesos, Vienne, 1982.
  • [48]
    A. Machatschek, M. Schwartz, Bauforschungen in Selge, TAM Ergänzh., 9, Vienne, 1981.
  • [49]
    L. Robert, CRAI, 1951, p. 254 ; Bull. ép., REG, 1953, n° 196.
  • [50]
    Communication orale.
  • [51]
    Appien, BC, 5. 7.
  • [52]
    M. Reddé coord., H. U. Nuber, St. Jacomet, J. Schibler, C. Schucany, P.-A. Schwarz, G. Seitz, avec la coll. de F. Ginella, M. Joly, S. Plouin, H. Höster-Plogman, Chr. Petit, L. Popovitch, A. Schlumbaum, P. Vandorpe, B. Viroulet, L. Wick, J.-J. Wolf, B. Gissinger, V. Ollive, J. Pellissier, Oedenburg. Une agglomération d’époque romaine sur le Rhin supérieur. Fouilles françaises, allemandes et suisses sur les communes de Biesheim et Kunheim (Haut-Rhin), Gallia, 62, 2005, p. 215-277. M. Reddé dir., Oedenburg, I. Fouilles françaises, allemandes et suisses à Biesheim et Kunheim, Haut-Rhin, France. Les camps militaires julio-claudiens (Monographien RGZM, 79-1), Mayence, 2009.
  • [53]
    Traduction A. Martin.
  • [54]
    S. Reinach, Antiquités de Maronée et d’Abdère, BCH, 5, 1881, p. 87-95 ; id., Inscriptions de Maronée, BCH, 8, 1884, p. 50-53 ; W. Regel, Abdera, AM, 2, 1887, p. 161-167.
  • [55]
    Ch. Avezou, Ch. Picard, Inscriptions de Macédoine et de Thrace II. Côte thrace, BCH, 37, 1913, p. 117-154.
  • [56]
    G. Bakalakis, ?????????????? ??????? ??? ?????, Thessalonique, 1958 ; id., ????????????? ??????? ??? ?????, Thessalonique, 1961.
  • [57]
    Voir par ex. la nécropole d’époque impériale du site moderne de Lithochori, localisée dans le territoire de la ville antique de Topeiros, mise au jour lors des travaux pour la construction de la nouvelle voie Egnatia : V. D. Poulios, D. D. Meggides, ???????? ???????. ??????? ???????? ??? ???????? ??????? ???, AEMTh, 20, 2006, p. 151-163. Voir aussi le portail www.yppo.gr/2/g22.jsp?obj_id=18730.
  • [58]
    L. D. Loukopoulou, M.-G. Parissaki, S. Psoma, A. Zournatzi, ????????? ??? ?????? ??? ???????, Athènes, 2005.
  • [59]
    K. Chryssanthaki-Nagle, L’histoire monétaire d’Abdère en Thrace (VIe s. avant J.-C.–IIe s. après J.-C.), ME????????, 51, Athènes, 2007 ; S. Psoma, Ch. Karadima, D. Terzopoulou, The Coins of Maroneia and the Classical City at Molyvoti, A Contribution to the History of Aegean Thrace, ME????????, 62, Athènes, 2008.
  • [60]
    Ces rapports sont bien illustrés par l’influence « macédonienne » sur l’iconographie du monnayage de la cité d’Orthagoreia qui, grâce aux monnaies de fouilles, doit être localisée avec certitude en Thrace égéenne et non plus en Macédoine, dans les environs de Maronée : K. Chryssanthaki-Nagle, Le monnayage d’Orthagoreia, RN, 2004, p. 49-62 ; S. Psoma et al., op. cit. n. 59, p. 193-206.
  • [61]
    Je remercie pour leur aide Mmes Chr. Karadima et P. Tsatsopoulou, épimélètes de la XIXe Éphorie des Antiquités de Komotini.
  • [62]
    L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 121-125.
  • [63]
    Pour l’histoire de la colonisation grecque de cette partie du littoral thrace égéen, voir B. Isaac, The Greek Settlements in Thrace until the Macedonian Conquest, Studies of the Dutch Archaeological and Historical Society, 10, Leyde, 1986, p. 72-140 ; A. Avramea éd., Thrace, General Secretariat of the Region of East Macedonia-Thrace, Athènes, 1994, p. 48-87 ; L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 126-141 ; M. Tiverios, Greek Colonisation of the Northern Aegean, dans G. R. Tsetskhladze éd., Greek Colonisation. An Account of Greek Colonies and Other Settlements Overseas, II (Mnemosyne, Suppl. 193), Leyde/Boston, 2006, surtout p. 85-86 et 91-118.
  • [64]
    D. Lazaridis, ? ????????? ??? ? ?????? ???, Athènes, 1971 ; P. Tsatsopoulou, ? ???????? ???????? ??? ?. ??????. ?? ???????? ??? ??????????, ??????? ?????????, 7, 1987-1990, p. 323-334 ; P. Tsatsopoulou-Kaloude, ?????????-????, Athènes, 2001, p. 7-11.
  • [65]
    M. Zahrnt, Gab es in Thrakien zwei Städte Namens Mesambria, Thrakika Zetemata I, ME????????, 58, Athènes, 2008, p. 87-120.
  • [66]
    P. Tsatsopoulou, ???? 2006, AEMTh, 20, 2006, p. 3-6.
  • [67]
    G. Bakalakis, op. cit. n. 56, p. 68-70 ; D. Lazaridis, ?????? ??? ??????, Athènes, 1971, p. 45 et 223.
  • [68]
    B. Isaac, op. cit. n. 63, p. 109-110
  • [69]
    Ibid., p. 79-80 ; L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, E13 et E30 et p. 158-159, n. 9.
  • [70]
    G. Bakalakis, ???????? ???????, Thessalonique, 1967.
  • [71]
    D. Lazaridis, op. cit. n. 67 ; D. Lazaridis, ???????? ??? ?????????, Athènes, 1971 ; Ch. Koukouli-Chryssanthaki, O? ??????????? ??????? ??? ?????? ??????, ???????? ??? ????????? ? ????????, ???????????? ??? ?????????? ?????? ??? ?? ?????, Xanthi-Komotini-Alexandroupolis 1985, Thessalonique, 1988, p. 39-74 ; D. Triantaphyllos, ? ????? ??? ??????? ???? ??? ??? ???????? ?????????, ??????? ?????????, 7, 1987-1990, p. 297-322 ; Ch. Koukouli-Chryssanthaki, ? ??????? ???? ??? ???????. ?. ????????????? ???????, ?????? ?????, ???????? ??? 2?? ???????? ????????? ???????? ???????, Komotini, 1997, p. 715-734 ; ead., The Archaic City of Abdera, Klazomenai, Teos and Abdera, dans A. Moustaka, E. Skarlatidou, M.-C. Tzannes, Y. Ersoy éd., Klazomenai, Teos and Abdera, Metropoleis and Colony, Proceedings of the International Symposium held at the Archaeological Museum of Abdera, october 2001, Thessalonique, 2004, p. 235-248.
  • [72]
    S. Psoma et al., op. cit. n. 59, p. lvii-lxxviii.
  • [73]
    Pour une présentation de la bibliographie sur la question de la datation du site, voir L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 130-131.
  • [74]
    M. Tiverios, op. cit. n. 63 p. 101-103.
  • [75]
    L. D. Loukopoulou, S. Psoma, Maroneia and Stryme revisited, Thrakika Zetemata I, ME????????, 58, Athènes, 2008, p. 55-86.
  • [76]
    S. Psoma et al., op. cit. n. 59, p. 123-185 et 243-254.
  • [77]
    L. D. Loukopoulou, S. Psoma, op. cit. n. 75, p. 72 et fig. 9-12.
  • [78]
    Dans notre discussion sur les premières phases de la ville de Maronée, il faut inclure les reliefs datant du ve s. ou du début du ive s. qui sont soit des trouvailles fortuites de la région de Maronée, soit des fragments réutilisés dans les constructions de l’époque byzantine ou dans les murs des maisons du village moderne : L. D. Loukopoulou et al., op. cit. n. 58, p. 338 et n. 12.
  • [79]
    D. Terzopoulou, ?????? ??????? ????????????? ??? ??? ?????? ??????, Nom. Chron., 22, 2003, p. 9-22.
  • [80]
    OGIS, 229 (= Ins. Magn. Sipylos, 1 ; Ins. Smyrna, 573), l. 55.
  • [81]
    Voir déjà Y. Labaune, Les nécropoles antiques d’Autun (Saône-et-Loire) : état de la question, RA, 2008, p. 162-167 (Bull. de la SFAC).
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