Notes
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[1]
F. Aura Jorro, Diccionario griego-micénico, Madrid, 1985-1993, vol. 1., s.v. « ka-te-ro », indique bien la prudence nécessaire pour l’interprétation de ce terme.
-
[2]
H. La Marle, Linéaire A, La première écriture syllabique de Crète, L’histoire et la vie de la Crète minoenne, Textes commentés, Paris, 1998.
-
[3]
Le sujet a fait l’objet d’une abondante bibliographie récente ; voir en particulier les travaux de M.-L. B. Nosch (avec référence aux travaux antérieurs), « Craftsmen in the Linear B Archives », dans C. Gillis, C. Risberg et B. Sjöberg éd., Trade and Production in Premonetary Greece, Production and Craftsmen, Proceedings of the 4th and 5th International Workshops, Athens, 1994-1995 (SIMA, Pocketbook, 1), Jonsered, 1997, p. 43-55 ; « Pylian Craftsmen : Payment in Kind / Rations or Land », dans P. Betancourt, R. Laffineur éd., TEXNH, Proceedings of the 6th International Aegean Conference at Philadelphia, Temple University, April 1996 (Aegaeum, 16), Liège, 1997, p. 397-406 ; L’administration des textiles en Crète centrale, hors des séries Lc / Le / Ln, BCH, 122, 1998, p. 404-406 ; The Organization of the Mycenaean Textile Industry, Ph.D. Université de Salzbourg, 2000 ; « Acquisition and Distribution : ta-ra-si-ja in the Mycenaean Textile Industry », dans C. Gillis, C. Risberg et B. Sjöberg éd., Trade and Production in Premonetary Greece, Acquisition and Distribution of Raw Materials and Finished Products, Proceedings of the 6th International Workshop, Athens, 1996 (SIMA, Pocketbook, 154), Jonsered, 2000, p. 42-62 ; « Kinderarbeit in den mykenischen Palästen », dans F. Blackholmer, H. Szemethy éd., Akten des 8. Österreichischer Archäologentag, vom 23. bis 25 April 1999 (Wiener Forschungen zur Archäologie, 4), Vienne, 2001, p. 37-43 ; et « Entre collecteurs et travailleurs : les “reponsables” dans l’industrie textile de Cnossos », dans P. Carlier éd., Actes des Journées égéennes, Paris, 8-10 mars 1999 (Ktèma, 26), Strasbourg, 2001 (2002), p. 133-144, ainsi que la synthèse récente par J. T. Killen, « Textiles in the Mycenaean Palatial Economy », dans B. Burke éd., Ancient Textiles : Production, Craft and Society, Proceedings of the Conference held in Lund / Falsterbo, Sweden, and Copenhagen, Denmark, on 19-23 March 2003 (sous presse).
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[4]
M. Lejeune, Les documents pyliens des séries Na, Ng et Nn, Mémoires de philologie mycénienne, première série (1955-1957) (1958), p. 134, suivi par Y. Duhoux, Le groupe lexical de didomi en mycénien, Minos, 9, 1968, p. 89, n. 62.
-
[5]
M.-L. B. Nosch, E. Andersson, « With a Little Help from my Friends », dans K. P. Foster, R. Laffineur éd., METRON, Measuring the Aegean Bronze Age, 9th International Aegean Conference organized by the University of Liège and Yale University / 9e Rencontre égéenne internationale organisée par l’Université de Liège et l’Université de Yale, Yale University, 18-21 April 2002 (Aegaeum, 24), Liège, p. 197-208.
-
[6]
Cf. M. Ventris, J. Chadwick, Documents in Myceanean Greek2, p. 549, et Y. Duhoux, « Les premiers phytonymes grecs : les données mycéniennes », dans Actes du Colloque international « Les phytonymes grecs et latins », Nice, 14-16 mai 1992, 1993, p. 97-122.
-
[7]
Plusieurs éléments de cette présentation sont aujourd’hui dépassés par l’avancement des fouilles du site. Ainsi, le secteur pressenti comme une agora (p. 32) est en fait occupé par des maisons. Voir les deux volumes de publication des fouilles : J. Bouzek, M. Domaradzki, Z. H. Archibald éd., Pistiros, I, Prague, 1996 ; J. Bouzek, L. Domaradzka, Z. H. Archibald éd., Pistiros, II, Prague, 2002.
-
[8]
V. Chankowski, L. Domaradzka éd., Nouvelles perspectives pour l’étude de l’inscription de Pistiros, BCH, 123, 1999, p. 247-371.
-
[9]
Cf. déjà B. Bravo et A. Chankowski, Cités et emporia dans le commerce avec les barbares à la lumière du document dit à tort « inscription de Pistiros », BCH, 123, 1999, p. 275-317.
-
[10]
V. M. Strocka, Das Markttor von Milet (Winckelmannsprogramm der Archäologischen Gesellschaft zu Berlin, 128), Berlin, 1981.
-
[11]
P. Gros, « La sémantique des ordres à la fin de l’époque hellénistique et au début de l’Empire. Remarques préliminaires », in Splendida civitas nostra, Studi di archeologia in onore di Antonio Frova, Roma, 1995, p. 23-33.
-
[12]
P. Bonnard-Yersin, Ph. Bridel et al., Nyon (GAS, 25), Nyon, 1989.
-
[13]
R. Laur-Belart, Guide d’Augusta Raurica, 5e éd. augmentée et revue par L. Berger, Bâle, 1991.
-
[14]
F. Rossi éd., Nyon, une colonie romaine sur les bords du lac Léman (Dossier d’archéologie, 232), avril 1998.
-
[15]
Ch. Goudineau éd., Aux origines de Lyon (Documents d’archéologie en Rhône-Alpes, 2), Lyon, 1989.
-
[16]
Ainsi faut-il, par ex., un peu de pratique pour développer (p. 80-81) Bellon et Perrin, 1992, Perrin et Bellon, 1997, Desbat et Plassot, 2000 : voir C. Bellon, F. Perrin et A. Richardson, Nouvelles découvertes de l’Âge du Fer à Lyon-Vaise (Rhône) : le site de la rue du Dr Horand, RAE, 42, 2, 1992, p. 269-293 ; F. Perrin et C. Bellon, « L’occupation du Premier Âge du Fer des bords de Saône à Lyon (Rhône) », dans P. Brun et B. Chaume éd., Vix et les éphémères principautés celtiques, Les VIe-Ve s. av. J.-C. en Europe centro-occidentale, Actes du Colloque de Châtillon-sur-Seine, novembre 1993, Paris, 1997, p. 157-164, et A. Desbat et E. Plassot, « Le site de la rue du Souvenir à Lyon », dans Les processus d’urbanisation à l’Âge du Fer, Actes du Colloque de Glux-en-Glenne, 8-11 juin 1998, Glux-en-Glenne, 2000, p. 189-190.
-
[17]
Voir J.-C. Béal, « Les territoires des cités antiques : notes de géographie historique en région lyonnaise », à paraître dans les Cahiers d’Histoire.
-
[18]
Voir sur ce point J.-L. Brunaux, « Les guerriers à la table des dieux, Les fragments de Poseidonios dans les Deipnosophistes d’Athénée », dans Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule, Actes du XXVe Colloque de l’AFEAF, Charleville-Mézières, 2001, Bull. de la Société archéologique champenoise (1, 2001, suppl. 16, p. 273-284).
-
[19]
Sur cette question, voir un bilan récent dans M.-O. Lavendhomme et V. Guichard, Rodumna (Roanne-Loire), le village gaulois (DAF, 62), Paris, 1997, p. 425-427.
-
[20]
B. Mandy, « Le forum de Lyon : état de la question », dans Los foros romanos de las provincias occidentales, Madrid, 1987, p. 179-183.
-
[21]
Sur ces questions, voir P. Gros, « Théâtre et culte impérial en Gaule Narbonnaise et dans la péninsule Ibérique », dans W. Trillmich, P. Zanker éd.., Stadtbild und Ideologie, Die Monumentalisierung hispanicher Städten zwischen Republik und Kaiserzeit, Munich, 1990, p. 381.
-
[22]
A. Desbat, « Lyon, 5e, Parc archéologique de Fourvière », dans DRAC Rhône-Alpes, Service régional de l’Archéologie, Bilan scientifique, 1994, Paris, 1995, p. 151-153.
-
[23]
D. Paunier, A. Desbat, F. Meylan, « Les premiers habitats romanisés en Gaule du Centre-Est, un témoignage de l’aristocratie indigène ? », dans V. Guichard et F. Perrin éd., L’aristocratie celtique à la fin de l’Âge du Fer, Actes de la Table ronde des 10-11 juin 1999 (Glux-en-Glenne, 58), Glux-en-Glenne, 2002, p. 271-287.
La Revue Archéologique donne, dans chacun de ses numéros, la liste des ouvrages reçus, mais elle ne peut s’engager à rendre compte que des ouvrages qu’elle aurait elle-même demandés.
Chevalier Nicole, La recherche archéologique française au Moyen-Orient, 1842-1947 (Université de Paris I, Centre de Recherche d’Archéologie orientale, 14), Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, 2002, 1 vol. 16 × 24, XII + 630 p., fig. ds t.
1Les archéologues français qui fouillent au Moyen-Orient évoluent dans un cadre institutionnel qui leur est familier mais dont ils ne connaissent pas toujours l’histoire. Décrire sa mise en place constitue l’objet de ce remarquable ouvrage de N. Chevalier, issu d’une thèse soutenue à l’Université de Paris I. Elle s’est intéressée à la période fondatrice qui va de 1842, date des premières fouilles de P.-É. Botta à Khorsabad, à 1947, date de la création de la Commission consultative des fouilles archéologiques du ministère des Affaires étrangères. Archiviste de formation, l’auteur a travaillé à partir des documents conservés aux Archives nationales, au ministère des Affaires étrangères et dans les Instituts français de Beyrouth et d’Istanbul.
2Après l’introduction qui expose les cadres chronologiques et géographiques (les régions d’Asie de l’Empire ottoman, la Perse et l’Afghanistan), l’ouvrage décrit minutieusement l’activité archéologique française dans cette région avant la Première Guerre mondiale, puis entre les deux guerres, avant d’analyser le cadre institutionnel dans lequel elle s’est développée. L’auteur distingue toujours la situation dans l’Empire ottoman puis dans les États nés de sa désintégration, de la situation en Perse, devenue l’Iran après le coup d’État de Reza Pahlavi, et en Afghanistan. C’est pleinement justifié : dans le premier cas, la France était en concurrence avec les autres pays européens ; dans le deuxième, elle était en situation de monopole archéologique. Mais ce choix ne facilite pas l’analyse globale de la politique archéologique française au Moyen-Orient.
3Avant la Première Guerre mondiale, bien que beaucoup de recherches aient été impulsées par des Français, l’archéologie française est restée peu développée dans l’Empire ottoman. Elle fut confrontée à la concurrence des Anglais en Mésopotamie, et surtout des Allemands, dans l’ensemble de l’empire, ainsi qu’à la volonté des fonctionnaires ottomans, et plus particulièrement de Hamdi Bey, directeur du Musée impérial, de réglementer et de contrôler l’archéologie ottomane. Les Français réussirent moins bien que les autres à s’en accommoder, même s’ils purent faire nommer A. Joubin puis G. Mendel au Musée impérial. La situation était telle qu’un rapport de G. Mendel provoqua une réaction énergique à la veille de la guerre : une commission consultative des fouilles archéologiques dans l’Asie Mineure fut créée en 1913 et plusieurs chantiers de fouilles furent ouverts.
4Il en fut autrement en Perse où la France s’investit largement. Après de longues négociations, elle obtint en 1895 la concession exclusive des fouilles dans l’ensemble du pays. L’activité archéologique se concentra sur le site de Suse, exploré une dizaine d’années auparavant par les époux Dieulafoy, et fut organisée par la Délégation scientifique française en Perse dépendant du ministère de l’Instruction publique et dirigée par J. de Morgan. Les difficultés ne tardèrent pas à s’accumuler malgré l’important investissement financier consenti. La Délégation reposait largement sur les épaules de son directeur, au caractère entier, et manquait d’une organisation administrative et financière clairement définie. Elle se trouva en butte aux attaques de l’administration financière, à la comptabilité sourcilleuse, et devint un enjeu du débat politique français car ses fonds étaient votés par le Parlement (ce dernier point aurait pu être davantage étudié). En Perse aussi, la Délégation rencontra des difficultés : faute de moyens, elle ne put concrétiser le privilège de la concession exclusive des fouilles et concentra ses activités à Suse. Elle fut violemment critiquée par les Persans mais aussi par les diplomates français en poste à Téhéran, soucieux de maintenir à tout prix l’influence française, et J. de Morgan ne parvint pas à faire prévaloir les intérêts scientifiques. Il démissionna en 1912 et la délégation fut dissoute.
5Pendant l’entre-deux-guerres, la recherche archéologique devint un élément de la politique étrangère française au Moyen-Orient, ce qui la favorisa. C’est en Syrie, sous mandat français, qu’elle fut la plus performante. En Turquie, fut surtout créé en 1930, à l’initiative de R. Dussaud, l’Institut français d’Archéologie de Stamboul, aboutissement d’un long projet élaboré par P. Cambon à la fin du XIXe siècle et qui n’avait pu se réaliser en raison de l’hostilité de T. Homolle, directeur de l’École française d’Athènes. Dans les pays sous mandat anglais, la Palestine et l’Irak, l’activité archéologique française resta faible. En Palestine, l’École biblique et archéologique française de Jérusalem fut créée à partir de l’École biblique des Dominicains, dirigée par le R. P. Lagrange. Mais cela n’eut que peu d’incidence sur les activités de terrain. En Iraq, les fouilles reprirent quelque temps à Tello, mais le site de Larsa fut jugé plus intéressant. H. de Genouillac et A. Parrot s’en virent confier l’exploration au début de l’année 1933. Après l’abandon du mandat anglais sur l’Iraq et la prise en main par les Iraquiens de leurs antiquités, les Français se replièrent à Mari, en Syrie. Dans ce pays et au Liban, il était du devoir de la France, puissance mandataire, de créer un service des antiquités et de donner un cadre légal à l’activité archéologique. La France était aussi dans son rôle du fait de l’ancienneté de sa présence dans la région. Le général Gouraud, premier Haut-commissaire de la France en Syrie, est à l’origine des décisions les plus importantes : la création en 1920 d’un service syrien et libanais des antiquités, avec l’aide de J. Chamonard et de C. Virolleaud qui le dirigea jusqu’en 1929, date à laquelle H. Seyrig prit sa succession, réorganisa le Service et élabora un règlement des antiquités ; la création en 1921 d’une mission archéologique permanente ; la création, en 1919, de l’Institut français d’archéologie et d’art musulman de Damas. Ce dernier fut réorganisé en 1930, en devenant un institut plus spécifiquement scientifique et archéologique, puis en 1938, après la dissolution du Service des antiquités, dont il récupéra les activités. Si l’implication de la France fut très importante en Syrie, les structures mises en place ne reçurent pas toujours des moyens de fonctionnement suffisants, notamment financiers. Seuls les risques que faisait peser la concurrence étrangère, et plus particulièrement allemande, sur l’archéologie française forcèrent l’État français à poursuivre son investissement et à l’amplifier.
6En Iran, le problème du monopole archéologique de la France et de sa mise en application continua à se poser. Les Iraniens, désireux de moderniser leur pays, voulaient en outre développer une archéologie iranienne et contrôler leurs antiquités. Ils pouvaient aussi arguer de la présence de savants étrangers de plus en plus entreprenants, notamment l’Allemand E. Herzfeld. Le monopole prit fin en 1927, mais le Français A. Godard devint directeur des Antiquités iraniennes, solution de compromis qui préservait d’autant plus les intérêts de la France qu’A. Godard effectua un travail remarquable. L’activité archéologique française se développa aussi en Afghanistan à partir de 1922, date de la conclusion d’une convention avec le gouvernement afghan qui donnait aux Français le monopole des fouilles dans le pays, dont A. Foucher fut l’artisan. Il fut aussi l’organisateur de la Délégation archéologique française en Afghanistan qu’il dirigea jusqu’en 1925. Faute de crédits suffisants, l’activité de la DAFA fut mise en péril, mais J. Hackin parvint à redresser la situation.
7Dans la troisième partie de l’ouvrage, plus réduite mais tout aussi intéressante, l’auteur analyse la façon dont l’activité archéologique au Moyen-Orient a été organisée et gérée depuis Paris. Elle montre de manière éclatante que celle-ci ne s’est développée que lorsqu’elle devint un élément de la politique culturelle française à l’étranger. Le premier chapitre expose l’implication limitée de la France jusqu’à la Première Guerre mondiale. La recherche archéologique dépendait du ministère de l’Instruction publique et de son Service des voyages et des missions scientifiques. Faute d’un financement suffisant et malgré l’activité de X. Charmes qui dirigea le Service pendant plusieurs années, elle resta globalement limitée alors que la plupart des travaux avaient été initiés par la France. Le deuxième chapitre étudie le rôle du ministère des Affaires étrangères avant la Première Guerre mondiale. Il agit par l’intermédiaire des diplomates en poste dans les différents États, soucieux de défendre les intérêts français face à la concurrence étrangère. Leur action fit prendre conscience de l’importance qu’il y avait à soutenir et à défendre l’activité scientifique à l’étranger pour asseoir l’influence culturelle de la France. Mais, comme le montre le troisième chapitre, c’est après la Première Guerre mondiale que le ministère des Affaires étrangères prit le relais de celui de l’Instruction publique. Il permit la création des Instituts français d’Istanbul et de Damas et surtout finança l’essentiel de l’activité archéologique à travers le Service des œuvres françaises à l’étranger, devenu la Direction générale des Relations culturelles après la Seconde Guerre mondiale, et à travers la Commission consultative des fouilles archéologiques, réorganisée en 1947.
8L’ouvrage comprend en annexe les documents administratifs qui fondent le travail, plusieurs tableaux relatifs au financement des missions archéologiques, de remarquables cartes géographiques et la liste des sources et de leurs lieux de conservation. L’index des personnes permet de retrouver les très utiles notices biographiques placées en notes de bas de page, tout au long des chapitres. Quelques photographies d’archives en agrémentent la lecture.
9Il faut donc remercier N. Chevalier de nous livrer ainsi un pan entier de l’histoire de notre discipline. Son livre doit être lu et médité ; la situation actuelle de l’archéologie française au Moyen-Orient est héritée de ce qu’elle décrit avec rigueur et talent. Elle met en évidence l’importance de l’action individuelle. C’est grâce à des savants pugnaces, à des diplomates et à des hauts fonctionnaires éclairés que l’activité archéologique a pu se développer. Elle montre aussi l’importance du rôle de l’État et de ses ministères. Jamais l’archéologie française au Moyen-Orient ne fut soutenue ou financée par des organismes privés comme ce fut le cas dans d’autres pays. Or, ce n’est que tardivement qu’il apparut que la France avait intérêt à développer sa présence archéologique à l’étranger, non pour des raisons scientifiques mais pour des raisons stratégiques. Ainsi s’expliquent les tracasseries administratives, les problèmes récurrents de financement, et l’absence de suivi et de constance dans les décisions prises. Les orientalistes français ne semblent pas avoir réussi à susciter l’enthousiasme du grand public pour leur discipline, ou n’y sont arrivés que de manière épisodique : ainsi, l’enseignement ne leur a jamais réservé une grande place. L’engouement du public aurait sans doute favorisé le développement du mécénat et une plus grande implication des pouvoirs publics. Constatons que la situation n’a pas vraiment changé. Comment se fait-il qu’un jeune enfant, avant même d’entrer à l’école primaire, connaisse l’Égypte et ses pharaons, mais n’ait jamais entendu parler des civilisations du Proche-Orient ? L’avenir de notre recherche passe certainement par une meilleure diffusion de ses résultats et par une plus grande ouverture.
10Laurianne Martinez-Sève,
11Université de Paris X - Nanterre,
21, allée de l’Université,
92023 Nanterre Cedex.
Hopkins David C. éd., Across the Anatolian Plateau, Readings in the Archaeology of Ancient Turkey (The Annual of the American Schools of Oriental Research, 57, 2000), Boston, American Schools of Oriental Research, 2002, 1 vol. 22 × 28,5, II + 210 p., fig. ds t.
12Sous ce titre, D. C. Hopkins rassemble seize contributions, dont neuf correspondent à la mise à jour d’articles récents et sept à des articles originaux. D’entrée, R. L. Gorny (« An Overwiew of Anatolian Archaeology », p. 1-4) affirme les ambitions du volume : donner à l’archéologie anatolienne la place qui lui revient. Il en retrace les grandes lignes. Elle s’est trouvée confrontée là à des cultures prodigieuses et variées, et, longtemps sentie comme à la périphérie des archéologies classique et biblique, elle occupe à présent une place de premier plan. Cette place, elle la doit non seulement à la richesse du terrain, mais encore à deux aspects où nos collègues américains occupent une place de choix : a - mise en œuvre, pour la détection, d’une technologie spectaculaire ; b - prise de conscience du rôle décisif de l’environnement dans le devenir des sociétés humaines, d’où le recours à la climatologie et l’émergence de disciplines telles que la paléobotanique. Incontestablement, l’archéologie anatolienne est à la pointe de l’interdisciplinarité. – C’est ce qu’illustre à merveille la contribution de M. Nesbitt, « Plants and People in Ancient Anatolia », p. 5-18 : dans les sociétés préindustrielles, les plantes occupent une place primordiale. Pourtant, il faut attendre la fin des années 1960 pour voir émerger la paléobotanique. L’examen des restes végétaux et de la flore sauvage actuelle, et l’interrogation de l’agriculture traditionnelle révèlent que la Turquie du Sud-Est a probablement joué un rôle crucial dans les origines de l’agriculture. – Autres produits de l’environnement : les minerais. Une spécialiste de l’archéométallurgie, K. A. Yener, « Swords, Armor and Figurines », p. 35-42, se penche sur les sources métallifères préhittites et hittites. L’analyse isotopique des métaux permet d’identifier deux sources majeures, les montagnes pontiques et le Centre-Sud du Taurus. Ainsi s’explique la précocité de la métallurgie dans ces zones (dès le VIIIe millénaire). Ainsi se crée, dès avant les Hittites, un modèle d’échanges entre centres de production des métaux et centres urbains, producteurs des artefacts, et l’on comprend l’intérêt hittite pour la zone syro-anatolienne, riche en minerais.
13Les articles suivants sont consacrés aux principales cultures qui se sont succédé ou côtoyées dans l’Anatolie antique. – On a cru longtemps que le Nord de la Mésopotamie n’était qu’une extension périphérique du Sud, culturellement plus avancé. Or une série de sites viennent de bousculer cette perspective. C’est ce que montre T. Matney, à partir des fouilles de Titri3 Höyük, sur un petit affluent de l’Euphrate, « Urban Planning and the Archaeology of Society at Early Bronze Age Titri3 Höyük », p. 19-34. De village, le site devient brutalement une ville au milieu du IIIe millénaire, avant de s’effondrer trois ou quatre siècles plus tard. L’étude de l’habitat, du plan d’urbanisme et des artefacts indique des liens idéologiques avec le Sud de la Mésopotamie, mais montre aussi que Titri3 Höyük était devenue l’une des capitales régionales et un centre du commerce international et que « Syro-Anatolia, rather than a peripheral backwater, was a center of indigenous development where vigourous local polities thrived in a social milieu of marked internationalism ». – Le monde hittite occupe naturellement une place royale dans le volume. R. L. Gorny, « Environment, Archaeology, and History in Hittite Anatolia », p. 43-58, insiste sur les moments forts de l’histoire hittite : constitution, dans la 2e moitié du IIIe millénaire, de l’entité composite désignée comme hittite, ascension d’Hattusa avec centralisation économique et politique de l’Anatolie centrale, lien possible, sinon probable, entre fluctuations climatiques et chute de l’Empire. – Avec « The History of the Hittites », p. 59-75, Gr. McMahon emprunte le même parcours, mais de façon plus classique : sources, caractéristiques des époques successives et des différents règnes. En appendice, il examine les mentions de Hittî dans la Bible : elles se réfèrent à deux groupes distincts : 1 - les descendants de Canaan, par l’intermédiaire de l’ancêtre éponyme Heth, au cœur de la « Terre promise », 2 - les royaumes néo-hittites du Nord de la Syrie. Liens génétiques entre les deux groupes non exclus. – Après l’historique des fouilles, P. Neve, « The Great Temple in Boxazköy-Hattusa », p. 77-97, propose une description minutieuse, avec interrogation sur la fonction de ses différentes parties, de l’immense sanctuaire consacré au dieu de l’orage et à son épouse la déesse solaire d’Arinna. – Avec « The Power of Narrative in Hittite Literature », p. 99-121, Ah. Ünal nous livre un remarquable panorama de la littérature hittite, illustré par de nombreux extraits donnés en traduction : les sources, les scribes, la capacité des Hittites à mener une narration complexe, les genres, l’évolution de l’idéologie royale véhiculée, les influences hourrite et babylonienne (élaboration dans un milieu cosmopolite). – Comme le montre G. Beckman, « The Religion of the Hittites », p. 133-143, des tablettes, qui, pour la plupart, datent des cinquante dernières années de l’Empire et qui concernent la vie des temples, l’administration des cultes et la régulation des cérémonies, on déduit une religion qui reflète les préoccupations majeures d’une population agraire (cf. les deux divinités qui règnent sur Hattusa), donc en accord avec l’écologie, mais aussi avec le système social (dispensant punitions et récompenses, les dieux sont loin au-dessus de l’homme ordinaire). – L’avant-dernière contribution hittite nous mène à la périphérie de l’Empire, à Gordion, R. C. Henrickson, « Hittite Pottery and Potters: The View from Late Bronze Age Gordion », p. 123-132. Au Bronze Tardif (1400-1200), Gordion n’est qu’un petit établissement qui subit fortement l’impact hittite. L’A. le montre en illustrant magistralement l’information que l’archéologue peut tirer de la céramique. – Avec « A Hittite Seal from Megiddo », p. 145-147, I. Singer nous entraîne en Palestine, à Megiddo : le sceau hittite qu’on y a retrouvé appartient à un diplomate hittite. C’est que, après la paix de 1258 avec l’Égypte, Megiddo était devenue un important relai sur la route diplomatique entre les cours hittite et égyptienne. – P. Zimansky, « An Urartian Ozymandias » [référence à Shelley], p. 149-156, apporte le premier article sur les autres cultures anatoliennes : on a longtemps cru à l’effacement du royaume d’Ourartou après le VIIIe siècle. Or diverses découvertes archéologiques montrent que Rusa II (2e quart du VIIe siècle), le dernier grand roi, a construit autant de forteresses (cinq) que tous ses prédécesseurs réunis. – E. R. M. Dusinberre, « King or God ? Imperial Iconography and the “Tiarate Head” Coins of Achaemenid Anatolia », p. 157-171, s’appuie sur l’étude de la sculpture et de la glyptique de Persépolis pour montrer comment, dans l’empire de Darius, l’idéologie royale pouvait manipuler l’image. L’A. le fait à propos de deux types monétaires répandus à l’Ouest : 1 - les dariques d’or et les sicles d’argent avec, au droit, un personnage vêtu d’une robe de cour et portant un arc ; 2 - les monnaies d’argent et de bronze présentant au droit une tête barbue, coiffée d’une tiare. – Avec « Lydian Houses, Domestic Assemblages, and Household Size », p. 173-185, N. Cahill soulève les problèmes posés par deux maisons vraisemblablement incendiées lors de la prise de Sardes par Cyrus en 546. Le matériel retrouvé dans la maison Nord ne laisse pas d’intriguer : grande quantité de vaisselle, mais aussi très nombreux poids de tisserands et débris de fer et de verre témoignant du travail, là, de ces matériaux ; ce ne pouvait manifestement pas être la maison d’une famille nucléaire. – Enfin, dernière étude avant la période gréco-romaine, celle que M. M. Voigt consacre à la capitale phrygienne, Gordion : « Gordion : The Rise and Fall of an Iron Age Capital », p. 187-196. Avec une extrême précision, elle parcourt l’histoire du site, mettant l’accent sur l’émergence de Gordion, à partir du Xe siècle. L’incendie, naguère attribué aux Cimmériens, est désormais situé entre 830 et 800. – Le volume est clos par Chr. Ratté, « New Research on the City Plan of Ancient Aphrodisias », p. 197-203 : il nous apprend que l’exploration géophysique du sol a abouti à un nouveau plan de la ville, conforme à celui des cités grecques des époques classique et hellénistique, sans l’axe central typique des cités romaines.
14Un index (205-208) complète le livre. – On aura compris que nous sommes là en présence d’une excellente introduction à l’archéologie et à l’histoire du plateau anatolien. On sera sensible non seulement à l’utilisation, par la plupart des acteurs, des techniques d’investigation les plus modernes, mais aussi à leur prise de conscience de l’importance de l’environnement. J’ajouterai que l’ouvrage est pédagogiquement remarquable : riche illustration (plans, cartes, photos, graphiques), encadrés définissant certaines techniques ou précisant certains points, bibliographie choisie après chaque article, rapide biographie de l’auteur.
15Claude Brixhe,
163, rue des Acacias,
57000 Metz Magny.
Vanhaverbeke Hannelore, Waelkens Marc, The Chora of Sagalassos, The Evolution of the Settlement Pattern from Prehistoric until Recent Times (Studies in Eastern Mediterranean Archaeology, 5), Turnhout, Brepols, 2003, 1 vol. 21 × 30, XII + 362 p., 141 fig., croquis ds t.
17Parallèlement à la série de rapports dont j’ai déjà rendu compte dans l’Ant. cl., 1997 (Sagalassos, I, II et III) et dans la RA, 1997 (Sagalassos, III), 2000 (Sagalassos, IV), 2003 (Sagalassos, V), l’Université catholique flamande de Leuven/Louvain a publié plusieurs monographies synthétiques (voir N. de Chaisemartin, RA, 2000, p. 496-497). Le présent volume, sixième de la série, présente une vue d’ensemble de la chôra de Sagalassos. Il est issu d’une thèse de doctorat. L’impression est lisible mais compacte, l’illustration photographique et graphique de bonne qualité.
18La matière embrassée est vaste. Après une introduction sur l’histoire et les méthodes de l’exploration de surface (p. 1-14), et une présentation de la géographie physique et humaine du territoire (p. 15-88), une troisième partie traite longuement (p. 89-134) de l’histoire et, plus brièvement (p. 135-147), de l’archéologie du territoire. On passe alors à l’essentiel, un long développement (p. 149-326) sur l’évolution des établissements humains (The Evolution of the Settlement Pattern) en fonction des conditions environnementales. Le livre se clôt sur une brève conclusion et une copieuse bibliographie. Il n’y a pas de notes infrapaginales : les références sont données entre parenthèses. Il n’y a pas d’index, ce qui est un gros inconvénient pour un ouvrage où les questions traitées sont multiples et la documentation très diverse.
19La nécessité et l’intérêt de ces différents chapitres ne sont pas égaux. À mon sens, la section historique (Historical Background) aurait pu sans dommage être réduite, et sa matière intégrée à la section principale. Il s’agit pour l’essentiel d’une compilation consciencieuse. Mais son amplitude géographique (toute l’Asie Mineure et au-delà) et chronologique (depuis le Paléolithique anatolien jusqu’à la République turque) est excessive et, à la limite, inutile. Alors que les premières traces d’occupation humaine apparaissent à l’Épipaléolithique, était-il nécessaire de remonter à l’homo habilis en Afrique de l’Est (p. 89) ? Les démêlés de l’Empire hittite avec le royaume d’Arzawa sont évoqués dans le cadre anatolien p. 102-103, mais on les retrouve de façon beaucoup plus opportune p. 200-201, où ils sont mis en perspective par rapport à Sagalassos. L’époque romaine impériale est traitée de façon générale p. 113-125. Mais, si l’on veut comprendre ce qu’elle signifie à Sagalassos, on se reportera aux p. 241-297. C’est que, dans l’exposé général, la documentation est fondée sur des synthèses récentes et souvent excellentes, comme la Cambridge Ancient History et les ouvrages de M. Sartre. Mais, à force de synthétiser les synthèses, on en vient à fausser la perspective historique et historiographique. Ce n’est pas faire preuve de chauvinisme que de s’étonner que le chapitre sur l’histoire hellénistique ne mentionne pas le nom d’Édouard Will. Enfin, il arrive que l’information soit simplifiée à l’excès : p. 112, il est question d’une inscription inédite de Patara « traitant de la maintenance des routes en Lycie » qui mentionne le site de Typallion, de localisation douteuse ; il s’agit en fait du « Miliarium Lyciae » publié par F. Isik et ses collaborateurs dans Lykia, 4, 1998-1999 [2001]. Le site de Typallion y est identifié p. 96.
20Ces réserves nécessaires ne doivent pas masquer le grand intérêt du chapitre principal, qui donne son sous-titre au volume : celui qui traite des variations, à travers le temps, des formes de l’occupation et de l’exploitation du territoire de Sagalassos. L’A. a réussi à combiner et fusionner les résultats obtenus par les méthodes traditionnelles (prospection et fouille des centres urbains), les méthodes de prospection extensive (et tout récemment intensive) et les analyses de laboratoire. Les premières pages du livre (p. 1-5) retracent à grands traits l’histoire des prospections depuis le XIXe siècle. Certains jugements de valeur sur ceux que j’appellerai les « héros solitaires » (de Schönborn à Bean) sont d’une excessive sévérité et ne prennent pas assez en compte le manque de moyens et les conditions matérielles difficiles qu’ont connus ces pionniers. On ne peut attendre d’eux ni relevé ni description minutieuse, mais on leur doit l’essentiel, la découverte. Ce n’est pas une question d’époque : de nos jours, Mehmet Özsait a, à lui seul, multiplié le nombre des tells reconnus. Inversement, dès la fin du XIXe siècle, Lanckoronski et Benndorf montaient des « expéditions lourdes », inaugurant l’ère des grands relevés urbains. Cette « archéologie urbanistique » est loin d’être dépassée, comme le montre l’exemple de St. Mitchell. Mais Waelkens a grandement raison de souligner le progrès décisif qu’a constitué, à partir de 1993, la possibilité d’avoir accès aux cartes à grande échelle, puis l’introduction du GPS. Reste que les photos aériennes sont toujours, sauf erreur, officiellement inaccessibles.
21De nos jours, la méthode reine est la prospection qu’on appellera extensive ou intensive selon l’étendue du territoire parcouru et la densité de la collecte. Les résultats, à Sagalassos, sont spectaculaires : plus de 250 sites ruraux découverts. Le grand mérite des prospecteurs est d’avoir pleine conscience des limites de la méthode (p. 7-14) : nécessité de calibrer les statistiques en fonction de la couverture végétale ; influence de l’alluvionnement ; compétence limitée des acteurs sur le terrain, entraînant un tropisme sur les céramiques fines aux dépens de la céramique commune ; incertitude sur la définition des notions de site et des seuils de densité (voir dans le même sens la conclusion, p. 327). Tout cela est d’une réconfortante lucidité et renforce la nécessité de faire converger toutes les sources possibles : documents écrits, des archives hittites au Tarif de Dioclétien ; analyse des habitats ruraux et urbains ; prélèvement et analyse en laboratoire des pollens : le lecteur ne peut qu’être impressionné par l’abondance et la cohérence des résultats, que je n’ai pas la place d’analyser en détail.
22Dernier point de méthode, et non le moindre : le recours à la notion de modèle. H. V. utilise d’abord (p. 251) le « modèle de von Thünen » sur l’ « État isolé » (1826) qui prévoit la distribution spatiale des activités agricoles autour d’un centre mercantile : il peut être vérifié (p. 260) moyennant adaptations à la réalité locale. Il eût été intéressant de le confronter à la loi de Ricardo sur les avantages comparatifs. Autre exemple : l’application (p. 290) du « modèle de Tainter » (1990) sur « l’effondrement des sociétés complexes », fondé sur le décroissement du retour sur investissement, l’augmentation des coûts et le déclin de la productivité. Ce modèle est valide pour la crise du VIIe siècle byzantin, même si la cause déterminante du déclin est le séisme qui détruisit Sagalassos à cette époque.
23L’analyse des évolutions les plus récentes emprunte beaucoup, comme il se doit, aux travaux de X. de Planhol. Passons sur la conclusion générale, qui n’est pas exempte de redites (ainsi p. 313 et 335). On aura compris que la richesse de ce livre est dans sa seconde moitié, qui met en œuvre avec lucidité une copieuse documentation.
24Christian Le Roy,
25Émérite de l’Université de Paris I,
2, rue Alphonse-Daudet,
75014 Paris.
Procopiou Hara, Treuil René éd., Moudre et broyer, L’interprétation fonctionnelle de l’outillage de mouture et de broyage dans la préhistoire et l’Antiquité, Paris, CTHS, 2002, 2 vol. 21 × 27,5 ; vol. 1 : Méthodes, pétrographie, chimie, tracéologie, expérimentation, ethnoarchéologie, 238 p., fig. ds t. ; vol. 2 : Archéologie et histoire, Du Paléolithique au Moyen Âge, 238 p., fig. ds t.
26Ces deux volumes constituent la publication, très attendue, d’une table ronde qui s’est tenue en 1995. Pas moins de trente contributions cherchent à aborder, tant à travers le temps et l’espace que de manière pluridisciplinaire, ces outils dont la fonction ne se limite pas à la seule mouture des céréales. Il était en effet important de rejeter d’emblée les postulats du type « meules antérieures au Néolithique = broyage des colorants », « meules néolithiques et postérieures = mouture des céréales ». L’ouvrage est très dense, et si les communications sont de qualité inégale, beaucoup sont très riches et tout archéologue ou historien des techniques y trouvera des idées stimulantes et des informations précieuses.
27Ces artefacts ne constituent pas des marqueurs chrono-culturels fins et par suite ce mobilier lourd a pendant longtemps été négligé ; depuis peu ils connaissent toutefois un regain d’intérêt car ils peuvent contribuer à l’approche socio-économique des cultures concernées, approche qui intègre la fabrication et l’utilisation de ces outils dans un ensemble technique tel que la préparation des denrées alimentaires, l’archéométallurgie (broyage du minerai) ou la parure (façonnage des perles, préparation des baumes et onguents). Dans ce contexte, il y avait beaucoup à dire sur l’utilisation, la fonction de ces artefacts, et tel était l’objectif affiché de la rencontre ; il est néanmoins dommage que seul l’objet archéologique achevé ait été analysé (matériau et fonction), sans que la première partie de la chaîne opératoire soit examinée (extraction de la matière première et techniques de façonnage), hormis dans quelques situations très marginales (Sud-Ouest des États-Unis). La question de la typologie a elle aussi été très peu envisagée et, s’il est vrai que dans toutes les études de matériel archéologique la typologie n’est plus une fin en soi, elle n’en demeure pas moins une étape initiale indispensable et dont la qualité conditionne souvent toute la suite de l’étude. Or, il faut constater qu’il existe pour l’heure presque autant d’essais de nomenclature que de chercheurs ; il est donc dommage que cette rencontre n’ait pas donné lieu à une tentative de réflexion commune sur la normalisation du vocabulaire, d’autant plus que ce dernier a souvent une connotation fonctionnelle. Le temps et la place manquaient certainement pour ces développements, mais alors pourquoi avoir consacré trois contributions à la fin du Moyen Âge (traitement du minerai) et au XVIe siècle, alors que la table ronde était censée ne concerner que la Préhistoire et l’Antiquité ?
28Si l’on s’en tient à l’objectif annoncé de l’interprétation fonctionnelle, il faut regretter qu’il n’ait pas été possible d’intégrer les apports des textes anciens et de l’iconographie dans les grandes civilisations circum-méditerranéennes (Égypte, Proche-Orient, Grèce...).
29Une première partie (deux contributions) concerne les études pétrographiques orientées vers la reconnaissance des sources de matière première, vers la caractérisation des qualités mécaniques de ces roches, en relation avec les mécanismes d’usure et avec la fonction envisagée. Ces qualités mécaniques ont pu constituer un critère de choix dont la réalité est confirmée dans la suite de l’ouvrage, notamment par une étude ethnoarchéologique (Népal) et par une étude relative à l’Espagne du IIIe millénaire.
30La seconde partie (cinq contributions) concerne la reconnaissance des fonctions par le biais des traces d’utilisation (traces d’usure) et de l’analyse des résidus organiques ou minéraux. Outre la mouture et le broyage, une étude soulève la question du travail des matériaux souples comme dans le cas des galets plats utilisés pour le travail des peaux.
31La troisième partie est dédiée à l’expérimentation, avec une seule étude, même si plusieurs autres ont abordé cette question, notamment pour l’obtention de séries de comparaison. Cette contribution a le mérite de soulever la question des outils percutants utilisés non pas pour le broyage ou la mouture, mais pour le bouchardage (gravure sur pierre, façonnage de la vaisselle de pierre, ravivage des meules...) ou le débitage des industries de pierre taillée.
32La quatrième partie (trois contributions) porte sur l’approche ethnoarchéologique avec des exemples au Népal, en Europe et en Anatolie. L’analyse de l’outillage de broyage et de mouture d’un village népalais montre le caractère multifonctionnel du mobilier lourd, et sa répartition spatiale apparaît très irrégulière et même aléatoire, alors que les activités associées sont pratiquées dans toutes les maisons. Cet aspect confirme les difficultés qu’il y aurait à vouloir trop inférer de la répartition précise de ces instruments de transformation, à trop vouloir y déceler des indices relatifs à la structuration sociale des populations (hiérarchie, spécialisations...). Cette étude très riche apporte aussi de précieuses informations sur la question de l’usure des meules en liaison avec le ravivage de leur surface utile. Dans un tout autre contexte environnemental et socioculturel, l’étude ethnographique en Anatolie centrale confirme la diversité de ces instruments et de leurs usages pour la transformation des matières organiques végétales (céréales, épices...), mais aussi animales (viande pilée) et minérales.
33Les cinquième et sixième parties (vol. 2, sept études) concernent des outils préhistoriques, depuis l’usage du broyage chez les primates jusqu’aux outils égéens d’Akrotiri, en passant par le façonnage d’éléments de parure en coquillage dans le Néolithique grec. Au fil de ces contributions, il est attristant de constater la persistance d’a priori, de postulats, tels que « la mouture [...] consiste à broyer et à réduire en poudre les graines de céréales pour séparer la farine du son ; elle est intrinsèquement liée à l’existence de la domestication des plantes » (vol. 2, p. 27). Que faire alors de la longue période (tout l’Épipaléolithique du Proche-Orient) où l’homme a récolté des céréales sauvages avec des faucilles et où les campements saisonniers nous livrent des meules et des mortiers ?... Cette partie met en évidence les difficultés liées à l’absence de clarification sur le vocabulaire et la typologie ; ainsi voit-on parler de « lissoirs pour aplanir les peaux et les cuirs », l’A. voulant probablement parler de l’action d’assouplir les peaux. De même, alors que l’usage courant voit dans la meule un instrument passif, dormant (répercutant), le lecteur s’y perd lorsqu’il est question de « meules actives » (vol. 2, p. 66) à ne pas confondre avec « le matériel dormant sur blocs mobiles » (vol. 2, p. 57, même A., p. 103), constitué par les meules transportables car non fixées dans l’architecture. L’étude très claire des outillages d’Akrotiri confirme les limites de l’interprétation spatiale (cf. l’étude ethnographique au Népal). Dans ce village de l’Âge du Bronze, exceptionnellement préservé à la suite de l’éruption de Santorin, il est ainsi difficile de déterminer le niveau vertical (rez-de-chaussée, étages, terrasses) où les outils étaient utilisés, et des instruments placés dans les étages – ont-ils dû être projetés dans les espaces extérieurs aux bâtiments –, de sorte que la position de découverte ne permet pas d’inférer la position exacte d’utilisation.
34La septième partie (huit études) concerne l’Âge du Fer et l’Antiquité (classique), période pour laquelle les contributions ne se sont focalisées que sur l’invention (au plus tard au Ve siècle av. J.-C.) puis le développement du moulin rotatif à partir d’un foyer originel ibérique, d’où ce progrès technique incontestable n’a été diffusé que très lentement, pour n’arriver en Méditerranée orientale qu’avec la colonisation romaine. Une réflexion d’ordre historique reste à effectuer sur la question de l’apparition tardive (et importée) de ce moulin rotatif au Proche-Orient, alors que dans cette région le mouvement circulaire avait été maîtrisé depuis fort longtemps pour la céramique (tournette, puis tour de potier dès le Chalcolithique, au IVe millénaire).
35La huitième et dernière partie (deux contributions) concerne le traitement du minerai au Moyen Âge (XIIe-XIVe siècles, en fait), une question intéressante mais hors du sujet de l’ouvrage Moudre et broyer [...] dans la Préhistoire et l’Antiquité.
36Il faut regretter une mise en forme très variable des articles, notamment en ce qui concerne la bibliographie (en fin de contribution ou en notes infrapaginales), les dessins et photos souvent dépourvus d’échelle, ou même la juxtaposition du dessin et de la photo d’une même pièce avec des échelles différentes, alors que ceci aurait pu être aisément corrigé au stade final de la préparation de la publication. Si la plupart des contributions sont accompagnées d’un résumé bilingue (anglais et langue de l’intervention), pourquoi ne le sont-elles pas toutes ? Et pourquoi faire de l’Âge du Bronze un « Âge de la meule dormante », alors que celle-ci a largement dominé dès le Néolithique et qu’au cours de cet Âge du Bronze la meule dormante a été utilisée en complémentarité étroite avec le mortier (voir à ce sujet les figurations des tombes égyptiennes) ? De même, le fait de parler du « triomphe du moulin rotatif » risque de donner une impression de monopole, d’exclusivité, alors que ce triomphe a surtout concerné l’usage industriel en meunerie, sans par exemple que l’usage des mortiers pour le broyage ait nullement disparu.
37Nonobstant les remarques et regrets précédents, cette publication est un excellent outil qui rendra de grands services aux archéologues, car elle vient combler un vide. Il est à souhaiter que l’élan soulevé par cette table ronde soit poursuivi et que très bientôt une nouvelle réunion sur le sujet puisse être organisée. Ce sera alors l’occasion d’envisager les facettes qui n’ont pas pu être abordées dans cet ouvrage (fabrication de ce mobilier lourd, typologie, apport des textes et de l’iconographie...). Félicitations donc aux organisateurs pour avoir su monter une telle réunion, puis pour en avoir mené à bout la publication.
38Éric Coqueugniot,
39CNRS, UMR 5133 Archéorient,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée,
7, rue Raulin,
69007 Lyon.
Martinez-Sève Laurianne, Les figurines de Suse, De l’époque néo-élamite à l’époque sassanide (Musée du Louvre, Département des Antiquités orientales), Paris, RMN, 2002, 2 vol. 20 × 26 ; vol. 1 : p. 1-448, fig. 1-708 ds t. ; vol. 2 : p. 449-848, fig. 709-1103, pl. tableaux ds t.
40Dans un ouvrage en deux volumes, Laurianne Martinez-Sève nous présente les figurines anthropomorphiques qui ont été produites à Suse entre le VIIIe s. av. J.-C. et le début de l’Islam, et qui sont conservées au département des Antiquités orientales du Musée du Louvre. Cette étude contient également quelques objets du musée de Téhéran, qui sont connus par des croquis ou des notes.
41Le catalogue comprend quelque mille cent trois figurines, qui sont réparties en quatre grandes périodes chronologiques : néo-élamite, achéménide, séleuco-parthe – la partie la plus importante en nombre et en informations réunies –, enfin sassanide ou du début de l’époque islamique, moins bien documentée. L’A. a patiemment reconstitué les données stratigraphiques à partir d’archives, et elle a en particulier dressé un véritable rapport de fouilles pour les travaux inédits de R. de Mecquenem et de R. Ghirshman (des plans des fouilles et des tableaux des figurines classées par lieu et date de découverte sont donnés en Annexe). À l’intérieur des grandes divisions historiques, les figurines sont classées par thèmes iconographiques, à l’exception des figurines néo-élamites, qui sont divisées en deux groupes : les figurines glaçurées et celles qui ne le sont pas, cette technique étant le marqueur de cette époque.
42L’étude systématique de chaque figurine commence par la description des caractéristiques de production (c’est-à-dire qui ne dépendent pas du libre arbitre de l’artisan, mais qui lui sont imposées par la technique même) : moule simple ou bivalve, en argile ou en plâtre, pâte argileuse. On pourrait reprocher à l’A. de ne pas faire de description du revers, dont on ne comprend la forme qu’à la lecture du chapitre concernant la technique, et de ne pas préciser si la tête, et la base lorsqu’elle est présente, étaient comprises dans le moule ou rapportées.
43Le commentaire de chaque figurine est divisé en plusieurs parties : d’abord technique, décrivant les caractéristiques de facture (c’est-à-dire dépendant, cette fois, du libre arbitre du coroplathe), puis iconographique. Lorsque plusieurs figurines peuvent être attribuées à une même et unique série, elles sont traitées ensemble et sont classées par générations et par moules. Suit enfin un commentaire à la fois sur le type iconographique et sur le style, qui varie selon que nous avons affaire à des figurines grecques ou orientales. Ce développement est l’occasion de faire des comparaisons très documentées sur les figurines traitant du même type iconographique, produites ou trouvées dans des sites de Grèce ou, plus souvent, de Mésopotamie.
44L’A. se réfère dans ses descriptions au vocabulaire établi par A. Muller dans ses publications de 1996 et 1997, mais s’en détache toutefois en utilisant les termes de « moulage » et de « surmoulage » pour nommer aussi bien le procédé que son résultat. Elle crée aussi l’appellation de « figure-patrice indirecte » ou encore « figurine-ancêtre » pour la figurine la plus ancienne que l’on peut identifier à l’origine de plusieurs générations de surmoulage (p. 691). Notons qu’il aurait été préférable de qualifier certaines figurines retouchées avant surmoulage de prototypes secondaires, et non de figurines-patrices, qui, par définition, ne subissent pas de transformation pour la prise d’empreinte du surmoule (142, 206-207). Enfin, l’emploi du terme de « type », à la fois au sens préconisé par A. Muller pour désigner l’image virtuelle commune à tous les éléments d’une série et au sens de représentation iconographique commune à plusieurs types, c’est-à-dire à plusieurs séries, crée une réelle confusion sur laquelle on butera tout au long de l’ouvrage lorsque l’adjectif « iconographique » n’est pas ajouté.
45Un travail minutieux de synthèse suit le catalogue, qui prend toujours en compte les différences entre les figurines grecques et orientales. Tout d’abord est étudiée la technique, dans l’ordre même de la fabrication des figurines. Rien ne met en doute qu’il s’agisse bien d’un artisanat local, utilisant une argile récoltée près de Suse. Sur l’ensemble des figurines, 60 % ont été fabriquées dans des moules bivalves ou, le plus souvent, simples (six moules ont été retrouvés, y compris un estampoir de substitut de gâteaux en terre cuite). Elles appartiennent majoritairement à l’iconographie grecque, car celles d’iconographie orientale sont plus volontiers modelées, bien qu’un petit nombre sortent aussi de moules simples. L’A. se livre à la démonstration très probante que les moules d’argile étaient fabriqués à partir de prototypes et que, contrairement à ce qu’avait supposé M.-Th. Barrelet, les motifs n’avaient pas été travaillés en intaille dans l’empreinte. Il faut d’ailleurs, à ce propos, ajouter que la gravure dans le moule n’est techniquement pas possible, sinon pour indiquer des détails ponctuels. L’A. note la part non négligeable de la production faite à partir de moules en plâtre (20 % des figurines moulées) dès le IIIe ou la première moitié du IIe siècle av. n. è., date relativement haute pour cet emploi qui était exclusivement réservé aux figurines d’iconographie grecque, à l’exception d’un prêtre iranien (633).
46L’A. décrit chaque étape de la fabrication des figurines moulées et modelées jusqu’à la mise en peinture et met en relief les traits régionaux susiens. Aussi bien pour le moulage que le modelage, elle insiste sur la volonté des artisans de faire vite plutôt que bien. Notons qu’un seul exemple de trou d’évent est connu (882), de même que de fenêtre d’assemblage (104).
47L’A. aborde ensuite le problème délicat de la production dérivée, c’est-à-dire obtenue à partir de surmoulage. Elle démontre que les artisans susiens en ont usé, voire abusé. En effet, même si les séries que l’on peut suivre sur plusieurs générations sont relativement peu nombreuses, les figurines qui sont les uniques représentantes de leur type n’en sont pas moins elles-mêmes des surmoulages. Devant les différences de pourcentages dans les rapetissements entre figurines de générations consécutives, l’A. fait la déduction ingénieuse que certaines séries sont composées de surmoules d’argile et de surmoules de plâtre (qui ne connaissent pas de retrait), ce qui n’avait jamais été suggéré jusqu’à présent et qui montre la complexité de ces séries (80-82, 115-120). Cet emploi intensif de surmoulages indique qu’il y avait peu d’ateliers créateurs.
48En conclusion à cette étude technique, l’A. se propose de présenter la spécificité de la coroplathie susienne. Elle souligne deux caractéristiques importantes : la simplicité de la production dérivée, qui comptait peu de versions, et la coexistence de types (au sens de séries) très proches. L’A. considère que les figurines moulées et les figurines modelées, plus rudimentaires, forment deux productions indépendantes, bien que contemporaines et probablement dues aux mêmes officines. Enfin, elle précise que le surmoulage ne fut pas introduit au Proche-Orient par les Grecs, car les figurines antérieures au Ier millénaire peuvent elles aussi être issues de surmoules simples. Enfin, pour clore ce chapitre sur la technique, l’A. s’interroge sur les artisans eux-mêmes et sur l’organisation des ateliers. Elle remarque qu’avec l’arrivée des Grecs à Suse apparaissent des nouveautés dans la technique, mais constate aussi la permanence de la tradition orientale, et conclut que la technique utilisée n’est pas révélatrice de l’origine des coroplathes et qu’elle est davantage liée à l’iconographie.
49L’A. examine ensuite la gamme des types offerts à la clientèle susienne, en faisant la part de ceux appartenant à l’iconographie grecque ou orientale. Relèvent de l’iconographie grecque les dieux et les héros, avec comme grand favori Héraclès, les musiciens et musiciennes, le plus souvent des harpistes ou des aulètes, ainsi que les acteurs et les masques théâtraux. Un tiers des figurines de femmes, qui forment l’écrasante majorité de la production susienne avec 625 exemplaires, est grec, toujours vêtu. Parmi elles, les Tanagréennes sont plus nombreuses que ne l’estime l’A., si l’on admet que les figurines 327-333, de même que 339-350, en sont également, sans compter des figurines mi-grecques, mi-orientales, qui peuvent être considérées comme sont des adaptations locales (351 et 352). Les femmes nues, en revanche, sont orientales et appartiennent à des types iconographiques traditionnels de la coroplathie du Proche-Orient, tel que celui de la femme nue aux bras allongés contre le corps qui fut le plus populaire à Suse (388-451). Les statuettes masculines sont rattachées en plus grand nombre à l’iconographie orientale qu’à l’iconographie grecque. Parmi les figurines modelées, les pantins aux jambes articulées sont particuliers au répertoire susien (655-692). Les cavaliers, le plus souvent modelés, dont les plus populaires portent la kausia (726-760), sont également une des productions les plus courantes de la coroplathie susienne.
50Afin de mieux saisir l’originalité de ce répertoire susien, L. M.-S. le compare avec celui des grands sites producteurs mésopotamiens : Séleucie du Tigre, Babylone, Nippur, Uruk, Faïlaki. Elle n’inclut pas Assur qui n’a pas reçu d’influence grecque. Elle reconnaît un certain nombre de types communs et conclut que la différence stylistique dépend de l’intégration plus ou moins forte des modèles grecs. Des divergences toutefois existent, communes à Suse et à Faïlaka, dans le taux de représentativité des types et l’absence de certains d’entre eux.
51Dans le troisième chapitre, l’A. s’interroge sur la part des traditions orientales et des traditions grecques dans la coroplathie susienne. Considérant avec raison que le « lieu privilégié de la diffusion des modèles est l’atelier et les premiers vecteurs de leur transmission sont les coroplathes eux-mêmes » (p. 740), elle souligne l’importance de la tradition locale qui remonte au IVe millénaire av. n. è. et qui se manifeste, par ex., dans le hiératisme des personnages statiques et frontaux. La création et la diffusion des types orientaux revenaient probablement à quelques ateliers plus actifs, tels que Séleucie-du-Tigre et Suse, tandis que les autres officines devaient se contenter de copier ou de surmouler. Quant aux modèles grecs, les coroplathes les trouvaient sur place dans les villes du Proche-Orient où la culture grecque était dominante. On n’observe pas de syncrétisme, mais certains types iconographiques grecs étaient conçus selon des schémas orientaux, donnant naissance à une iconographie nouvelle, propre au Proche-Orient hellénisé : on peut le voir, par ex., sur deux bas-reliefs d’inspiration orientale (111 et 112), où Héraclès combattant le lion de Némée a une position figée et frontale qui rappelle celle de Gilgamesh. Cette réinterprétation « à l’orientale » des thèmes grecs conduit l’A. à supposer que les coroplathes étaient eux-mêmes orientaux.
52Reste à l’A. à s’interroger dans le dernier chapitre sur le sens que les acheteurs donnaient aux figurines et sur leurs motivations d’achat. Pour cela, elle examine tout d’abord la fonction des figurines, qui peut être symbolique, comme le montre le bris intentionnel de certaines, ou encore ornementale, dans le cas des appliques. Elle cherche aussi un élément de réponse dans la signification qui était donnée à l’iconographie des figurines. Elle reprend ainsi quelques types iconographiques dont l’interprétation peut poser problème, puis énumère les principales divinités grecques et orientales représentées à Suse : Héraclès Kallinikos, dieu de la victoire, qui prit au Proche-Orient un caractère guerrier plus marqué qu’ailleurs, Éros et Apollon exclusivement représentés comme des musiciens, Artémis Dadophore, peut-être à mettre en relation avec le culte de l’Artémis Tauropole de Faïlaka. Il est probable enfin que les femmes nues orientales étaient rattachées au culte de Nanaia, déesse tutélaire de Suse.
53Dans un autre domaine iconographique, le nombre élevé de statuettes en rapport avec la musique constitue une caractéristique du répertoire susien et des autres sites de Mésopotamie. L’A. décrit avec précision les principaux instruments de musique représentés et en fait un bref historique : luths et auloi, qui sont très nombreux, flûtes de Pan, tambourins, cithares. Ceci l’amène à faire un développement sur le rôle de la musique dans le Proche-Orient, d’où elle fut transmise à la Grèce qui, à son tour, développa une tradition musicale indépendante. Le contact des deux traditions musicales est une composante marquante de la culture du Proche-Orient hellénisé. L’A. explique la prédominance des femmes et jeunes enfants musiciens comme un reflet de pratiques réelles, et elle déduit par ailleurs que les harpistes, produites en nombre impressionnant à Suse, devaient remplir une fonction précise, peut-être dans un rituel destiné à Nanaia.
54Grâce à une parfaite connaissance et compréhension du matériel, non seulement de Suse, mais aussi des autres sites hellénisés de Mésopotamie, L. S.-M. nous livre une étude approfondie de tous les aspects de la coroplathie susienne. La spécificité, aussi bien technique qu’iconographique de cette production artisanale modeste, mais très active, apparaît clairement et révèle à la fois l’hellénisation de la population locale et l’acculturation des Grecs. Avec cette publication, faisant suite à celle d’Agnès Spycket en 1992, consacrée aux figurines anthropomorphiques produites depuis le IVe jusqu’au IIer millénaire, c’est donc une vue d’ensemble de la coroplathie susienne qui nous est désormais accessible.
55Dominique Kassab Tezgör,
56Dpt of Fine Arts,
Faculty of Art, Design and
Architecture, University of Bilkent,
TR-06800 Bilkent-Ankara.
Panagiotaki Marina, The Central Palace Sanctuary at Knossos (ABSA, Suppl. 31), Londres, The British School at Athens, 1999, 1 vol. 19,5 × 25, XVI + 300 p., 64 fig. ds t., 45 pl. h. t.
57Cet ouvrage étudie un secteur du Palais de Cnossos particulièrement important par sa fonction religieuse supposée – Evans y a vu le Central Palace Sanctuary – et par la richesse du matériel qu’il a fourni – la « Déesse aux serpents », entre autres objets. Il s’agit de la partie principale de l’aile Ouest du palais, donnant sur la cour centrale. Mise au jour par Evans dès les premières années de sa fouille (de 1901 à 1903), elle a livré notamment, sous les sols de pièces voisines de deux salles à pilier gravé du signe de la double hache, des dépôts de matériel précieux : celui du Vat Room Deposit et les deux cistes baptisées Temple Repositories.
58Utilisant des notes inédites d’Evans et les résultats de sondages récents, s’appuyant sur un réexamen de l’ensemble du matériel, l’A. cherche, par une étude minutieuse de l’architecture et des trouvailles, à établir la chronologie des différents éléments de cet ensemble et à en préciser la fonction.
59Si un rôle cultuel de ce secteur n’a jamais été mis vraiment en doute, la nature exacte des vestiges conservés et la continuité ou non de la fonction religieuse en cet endroit, au cours de l’histoire du palais, restent en question.
60L’ouvrage est composé de trois parties principales. Après une introduction rappelant l’histoire des fouilles et l’état de la recherche, l’A. étudie les dépôts de matériel et, en premier lieu, le Vat Room Deposit, dont la date semble désormais bien fixée, même s’il reste une marge d’imprécision (vers la fin du Minoen Moyen I B). Ce dépôt, qui contenait des fragments d’objets de luxe ou rares (ivoire, or, faïence, fragments d’œuf d’autruche, etc.) et des documents d’archive (scellés), était probablement, comme le pense l’A., un matériel de sanctuaire de l’époque du Premier Palais. Elle en donne un inventaire détaillé (p. 43 : lire « gypsum [et non marble] lids » ; le bras en ivoire no 1122 est mentionné par inadvertance dans le texte et l’index comme faïence arm).
61Le chap. le plus important (p. 71-179) est consacré à l’étude des deux grandes cistes découvertes en 1903 par Evans et connues sous le nom de Temple Repositories. De là provient une collection unique d’objets en faïence, vases, plaques décoratives à scènes animales, figurines aux serpents, ainsi qu’un ensemble varié d’objets, coquillages marins, naturels ou imités, dont on a ici le premier inventaire complet, nombreux vases, certains importés des Cyclades, et un lot de scellés sur argile (pour une illustration complète de ces scellés, voir maintenant le volume II, 8 du Corpus der minoischen und mykenischen Siegel, paru en 2002).
62L’intérêt de ces objets, dont plusieurs ont souvent été reproduits dans des manuels d’histoire de l’art minoen, rend évidemment souhaitable une datation exacte de ces dépôts. Ce matériel a été scellé sous un dallage, après une destruction accompagnée d’incendie. De quelle destruction du palais s’agit-il, et le dallage est-il lui-même contemporain de cette destruction, ou postérieur ? Les vases appartiennent, comme il est naturel, à différentes phases. Evans les avait finalement placés au Minoen Moyen III. Certains ont pu être datés, plus récemment, de la période suivante, le Minoen Récent I A. Les scellés sont généralement attribués aujourd’hui à cette dernière période. Les comparaisons stylistiques établies avec le matériel trouvé sur le site d’Akrotiri (Théra), aussi bien dans la couche de destruction sismique des environs de 1600 que dans la couche de destruction finale du site (éruption du volcan vers 1520), compliquent encore la discussion. La fermeture des cistes date-t-elle de la grande destruction de la fin du Minoen Moyen III à Cnossos, ou d’une destruction postérieure, au début ou dans le courant du Minoen Récent I A ? La position de l’A., qui ne choisit pas (p. 148 : « Whether the destruction of the TR shrine was the result of the seismic or the main and final destruction at Thera... must remain an open question »), reste sans doute trop indécise. Les comparaisons stylistiques (qui ne permettent guère, pendant l’époque des seconds palais crétois, d’assurer la chronologie d’objets souvent fort similaires) ne peuvent sans doute pas, à elles seules, inciter à descendre trop avant dans le Minoen Récent I la date des Temple Repositories.
63Un dernier chap. étudie l’architecture et la stratigraphie de l’ensemble du secteur. Cet examen, qui cherche à reconstituer toute l’histoire de ce secteur, particulièrement complexe, pendant les diverses phases d’existence du palais, est extrêmement méticuleux (et l’usage immodéré de sigles n’en facilite pas la lecture). Si tous les problèmes chronologiques ne sont pas résolus, du moins l’A. parvient-elle à certaines précisions. Le « Sanctuaire tripartite », reconstitué par Evans à partir d’une représentation de fresque, et dont rien ne confirme la présence au niveau de la cour centrale du palais, ne pourrait avoir existé qu’à l’étage. L’A. penche pour une continuité cultuelle de l’époque du premier palais à la fin du second, bien que, stratigraphiquement, subsiste une lacune entre la clôture du Vat Room Deposit et les vestiges du second palais. Il est bien indiqué cependant que l’on est ici dans le domaine des hypothèses plausibles, et non des certitudes.
64On saura gré à l’A. d’avoir présenté d’une manière très méthodique et ordonnée tous les éléments d’un dossier auquel elle a apporté beaucoup, tant par ses propres recherches à Cnossos que par le réexamen du matériel ancien. Des études plus approfondies sur certaines catégories de matériel sont annoncées (notamment sur la faïence, par l’A. elle-même). Tel quel, ce livre est un ouvrage de référence indispensable pour l’étude du palais de Cnossos.
65Jean-Claude Poursat,
66Émérite de l’Université de Clermont II,
2, rue de Roche-Bonnet,
63400 Chamalières
Michailidou Anna éd., Manufacture and Measurement, Counting, Measuring and Recording Craft Items in Early Aegean Societies (Mélétèmata, 33) Athènes, Fondation nationale hellénique de la Recherche, Centre de Recherche sur l’Antiquité grecque et romaine / Paris, Diffusion De Boccard, 2002, 1 vol. 21 × 29, XVI + 350 p., fig., tableaux ds t.
67Le volume publié par A. Michailidou est composé de dix contributions rédigées par huit auteurs. Cette publication marque un vif intérêt pour les écritures égéennes (bien qu’un seul des auteurs en soit effectivement spécialiste), domaine de recherche jusque-là paradoxalement assez peu représenté, en Grèce. Les articles sont ordonnés en deux parties, la première (Counting and Measuring in Prehistory) regroupant les trois études les plus techniques (méthodes de comptage, unités de mesure, problèmes métrologiques), et la deuxième (Recording Products of Technology) s’intéressant à des exemples illustrés (métaux, textiles, parfums, condiments et teintures, cuir). L’objectif de ce livre est ambitieux, puisqu’il consiste en une tentative d’évaluation des quantités de différents matériaux, soit sous forme brute, soit sous forme de produits artisanaux finis enregistrés dans les textes en linéaire B, évaluation qui fait ensuite l’objet de comparaisons avec les données archéologiques disponibles. Le point commun à la plupart des contributions est de rassembler une masse impressionnante de données et de bibliographie, qui ne peut être que très utile à consulter ; on appréciera en particulier les données archéologiques rassemblées par A. Michailidou, p. 53-82, et A. Sarpaki, p. 195-265, ainsi que la bibliographie théorique synthétisée par C. Marangou.
68Toutefois, certains de ces travaux ne peuvent être utilisés par le lecteur sans de sérieuses précautions. En effet, plusieurs erreurs, de nature et de conséquences différentes, entachent ce livre ; on notera pour commencer que nulle part il n’est tenu compte des nombreux cas où les chiffres indiqués dans les tablettes sont pointés, c’est-à-dire que leur lecture est difficile, voire douteuse. Dans un volume consacré aux problèmes de quantification, une marge d’erreur aurait pour le moins dû être prise en compte (elle peut, dans certains cas, être très importante). Il semble aussi que la base de données (telle qu’elle transparaît dans les tableaux proposés) n’en tienne pas non plus compte. Dans le domaine philologique, on remarquera qu’il est question, à plusieurs endroits, de coppersmiths pour traduire le mot mycénien ka-ke-we (grec /khalkewes/, « forgerons »), ce qui constitue une interprétation discutable ; on parle aussi de cuivre, voire d’étain, pour le mot ka-ko (grec /khalkon/, « bronze »). L’idéogramme AES (dont la désignation latine est conventionnelle), étant glosé par le mot mycénien ka-ko, grec alphabétique /khalkon/, il semble inutile de s’étendre sur la possibilité qu’il ait désigné du cuivre ou de l’étain. Dans le même ordre d’idées, l’hypothèse selon laquelle le mot ]ka-te-ro, dans la tablette Og 5515, pourrait désigner du plomb (grec /kassiteros/) est exclue [1]. En ce qui concerne les métaux, qui font l’objet de deux contributions (A. Dialismas, p. 121-143 ; A. Michailidou, p. 85-119), un petit tableau récapitulant les différents termes désignant des métaux ou susceptibles de s’y rapporter aurait pu être utile. La bibliographie utilisée ne fait pas toujours l’objet de critiques suffisantes : ainsi la proposition de lecture d’un groupe de signes en linéaire A attesté sur un poids par « a-re-tar-wi », suivi d’une traduction par « araire » (p. 126, n. 124) avec un simple renvoi à l’ouvrage de La Marle dont le seul titre [2] devrait suffire à indiquer qu’il n’est pas fiable, le linéaire A n’étant pas déchiffré. On notera pour finir que, contrairement à ce qui est affirmé p. 108, les tablettes, au Proche-Orient, n’étaient pas cuites systématiquement (en particulier pas les textes économiques) : elles étaient le plus souvent simplement séchées, comme les documents mycéniens.
69La première contribution, par C. Marangou (« Evidence for Counting and Recording in the Neolithic ? Artefacts as Signs and Signs on Artefacts », p. 9-43), est consacrée au Néolithique. L’A. offre une synthèse théorique assez complète, et s’efforce de couvrir un champ à la fois chronologique (remontant au Paléolithique) et géographique (le Proche-Orient et le monde égéen) très vaste. L’information bibliographique est très riche, et un point de vue critique est systématiquement exposé.
70La contribution d’A. Karnava (« Fractions and Measurement Units in the Cretan Hieroglyphic Script », p. 45-51) concerne les fractions et les unités de mesure attestées en hiéroglyphique crétois, c’est-à-dire la plus ancienne des trois écritures égéennes proto-historiques, attestée environ de 1900-1650 av. J.-C., qui reste non déchiffrée (comme le linéaire A). L’état d’avancement de l’étude de cette écriture autorise essentiellement des hypothèses sur son mode de fonctionnement (études de combinaisons de signes, etc.) ; le système numérique, qui est, dans une large mesure, identique à celui du linéaire A et du linéaire B, est, lui, bien connu. L’étude proposée ici concerne les signes qu’on appelle klasmatogrammes (du grec /klasma/, fraction). Un logogramme peut être suivi soit d’un nombre, soit d’un klasmatogramme, soit encore d’un klasmatogramme et d’un nombre. Le premier problème abordé est donc de savoir si ces klasmatogrammes représentent des unités de mesure ou des fractions. Les klasmatogrammes sont interprétés comme des signes représentant des fractions, c’est-à-dire des divisions d’un nombre entier. L’attestation de klasmatogrammes en séquence, dans un ordre fixe dont on peut supposer, comme pour les entrées numériques, qu’il s’agit d’un ordre de grandeur décroissant, permet d’établir une échelle de valeur relative pour les klasmatogrammes ainsi attestés, faute de pouvoir leur attribuer une valeur absolue. Pour terminer, le cas de la lame à deux faces, mise au jour dans le sanctuaire de Symè Viannou, est discuté, sans qu’une conclusion définitive puisse être apportée.
71A. Michailidou (« Script and Metrology, Practical Processes and Cognitive Inventions », p. 53-82), après quelques considérations théoriques générales, propose un inventaire des objets portant des signes incisés qui sont ou pourraient avoir été des poids dans le monde égéen et envisage différentes interprétations, en s’appuyant sur des parallèles égyptiens, notamment.
72La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre par un deuxième article d’A. Michailidou, centré plus spécifiquement sur les métaux (« Recording Quantities of Metals in Bronze Age Societies in the Aegean and the Near East », p. 85-119). L’A. propose un inventaire des mentions possibles et certaines de métaux dans les documents en linéaire B et en linéaire A, et les confronte à la documentation archéologique, en rappelant les différents débats en cours.
73La contribution suivante, par A. Dialismas (« Metal Artefacts as Recorded in the Linear B Tablets », p. 121-143), est consacrée aux objets métalliques enregistrés dans les textes en linéaire B. Il propose un inventaire très utile de tous les objets métalliques attestés dans les tablettes ; les quantités sont présentées dans des tableaux (sans toutefois tenir compte des chiffres pointés, voir ci-dessus). On regrette qu’il y ait au début de cet article quelques imprécisions ou erreurs fondamentales, notamment philologiques, qui auraient pu être évitées en consultant des usuels aisément accessibles.
74L’article de K. Voutsa (« Mycenaean Craftsmen in Palace Archives : Problems in Interpretation », p. 145-165) est consacré aux artisans dans les archives palatiales [3]. L’objectif est de nouveau la confrontation des données archéologiques et épigraphiques, ainsi que la présentation des différents éléments et des phases du processus de transformation, du matériau brut au produit fini, tel qu’on peut le reconstituer. Dans de rares cas, les références bibliographiques sont incomplètes ou inexactes, par ex. p. 158, où l’A. attribue à I. Tzachili l’interprétation du mot mycénien ma-ra-te-we par « calfats », alors qu’elle est due à M. Lejeune [4].
75La première contribution d’I. Tzachili (« Circulation of Textiles in the Late Bronze Age Aegean », p. 167-175) offre un aperçu général des productions textiles telles qu’on les connaît par les textes mycéniens, et de ce que l’on peut savoir de leur circulation. Sa deuxième contribution (« Counting and Recording Textiles in the Myceanean Archives of Knossos », p. 177-193) se propose d’évaluer les quantités de tissus de différents types attestés par les tablettes. Comme précédemment, les chiffres pointés ne sont pas pris en compte, et l’A. admet elle-même qu’elle additionne dans ses tableaux les chiffres tirés des enregistrements simples et ceux tirés des récapitulatifs, d’où de très probables recoupements qui faussent l’évaluation (avec une marge d’erreur, dans certains cas, du simple au double). En ce qui concerne, p. 189, l’idée, effectivement répandue, selon laquelle les quantités impliquées dans le processus de la ta-ra-si-ja montreraient que c’était une activité à temps partiel, on notera que le contraire a été récemment démontré par M.-L. Nosch et E. Andersson [5], grâce à des comparaisons précises avec des données expérimentales.
76A. Sarpaki (« Condiments, Perfume and Dye Plants in Linear B : A Look at the Textual and Archaeobotanical Evidence », p. 195-265) propose un tour d’horizon très exhaustif des différentes plantes aromatiques attestées dans les textes en linéaire B et de leurs identifications possibles. Quelques-unes des interprétations proposées peuvent être contestées ou discutées. Elle considère (p. 201) que pa-ko-we et wo-do-we sont des termes se référant à « une substance (eau ou huile ?) parfumée à la sauge ou à la rose ». Il ne peut s’agir que d’huile, l’idéogramme concerné étant OLE, dans tous les cas. Elle accepte apparemment, p. 208, l’interprétation de KAPO par « cannelle » ; l’interprétation généralement admise est karpos, « fruit ». Pour le terme ka-da-mi-ja, elle envisage la cardamome : une interprétation plus généralement admise en fait du cresson [6]. D’un point de vue purement pratique, dans le tableau 1, p. 198, la traduction des termes mycéniens, quand elle est possible, aurait été utile au non-spécialiste. Enfin, l’emploi de l’expression « the Myceanean archive » pour parler des archives de Mycènes risque de prêter à confusion : on l’emploie de manière assez générale pour parler des archives en linéaire B, quel que soit le site de provenance.
77Cet ouvrage offre, dans l’ensemble, une quantité de données, tant bibliographiques qu’archéologiques, qui sont très utiles à condition de les vérifier systématiquement (en particulier pour les quantités et marges d’erreur, et pour certaines interprétations des termes en linéaire B). On ne peut qu’espérer que ce projet de recherche donnera une impulsion nouvelle à l’étude des écritures égéennes en Grèce.
78Françoise Rougemont,
79CNRS, UMR 7041,
Maison René-Ginouvès,
21, allée de l’Université,
92023 Nanterre Cedex.
Nicolet-Pierre Hélène, Numismatique grecque (coll. “ U », Histoire), Paris, Armand Colin, 2002, 1 vol. 16 × 24, 302 p., fig. ds. t.
80C’est une grande satisfaction que d’observer la parution successive de plusieurs manuels modernes de numismatique grecque en français. Après l’œuvre collective de D. Gerin, C. Grandjean, M. Amandry et Fr. de Callataÿ, parue chez Ellipses en 2001, voici un volume de dimensions nettement plus importantes, dû à Hélène Nicolet, ancienne conservatrice en chef du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France.
81Disons tout de suite, haut et fort, tout le bien qu’il faut penser de cet ouvrage, que j’ai déjà recommandé à mes étudiants. Aucun des aspects n’a été négligé : la technique de fabrication et les contraintes de la matière, la redécouverte des pièces et leur étude par les modernes ; ensuite la naissance de la monnaie, enfin l’étude chronologique des principales séries entre le VIe et le Ier s. av. J.-C. La plus grande qualité de ce manuel est sans doute l’équilibre que l’A. a maintenu entre le résumé chronologique attendu des séries monétaires, d’une part, les éléments généraux, la réflexion et l’historiographie de la discipline, d’autre part. Si ce volume ne peut qu’enrichir les connaissances des collectionneurs, il n’a pas été écrit d’abord pour eux : il s’agit d’un livre d’histoire qui montre, à chaque instant, combien le recours simultané aux textes, en particulier aux plus tardifs ou aux plus méconnus, lexicographes ou compilateurs, peut éclairer l’interprétation historique du phénomène monétaire. Au fil du texte, on rencontrera ainsi un grand nombre de citations (traduites) d’auteurs anciens, mais aussi modernes, pour des questions importantes ou discutées : les candidats à l’agrégation que les monnaies rebutent gagneront à faire leur profit du neuvième chapitre relatif au monnayage hellénistique (p. 207-250).
82Par ailleurs, le lecteur trouvera à chaque page référence aux livres et aux articles les plus récents : il existe bien une actualité dans la recherche numismatique, et Hélène Nicolet mentionne bien des travaux parus jusqu’en 2001. On doit aussi adresser toutes les félicitations à l’auteur (et à l’éditeur !) pour la présence de l’illustration : 448 reproductions réparties dans les pages du livre, toujours situées à proximité du passage de référence, et auxquelles les chiffres dans le texte permettent de se reporter rapidement.
83Cela dit, sans entrer dans les détails, je signalerai ce qui m’est apparu comme de petits défauts que le lecteur regrettera à l’occasion : le premier chapitre, évoquant la mondialisation de la civilisation grecque en deux circonstances, la colonisation de l’époque archaïque, et l’aventure d’Alexandre, est intéressant en lui-même, mais il m’a semblé plutôt comme un hors-d’œuvre. Enfin et surtout, j’ai trouvé curieux que soit réservée pour le dixième et dernier chapitre l’analyse par les modernes des causes expliquant l’apparition de la monnaie (p. 251-265). Plus gênante, peut-être, est l’organisation de la bibliographie, dont j’ai signalé toute la richesse. Son importance (30 p. pour 500 ou 600 titres) en fera un outil de référence très précieux, y compris pour les enseignants. Malheureusement, la liste récapitulative est ordonnée par chapitre, et à l’intérieur de chaque chapitre, dans l’ordre chronologique de la parution : un tel ordre, s’il peut être instructif du point de vue historiographique, se révèle peu pratique à l’usage, parce qu’il entraîne des répétitions, et surtout parce que des erreurs sont plus faciles sur les dates que sur les noms. Et, plusieurs fois, la date indiquée est différente entre le bas de page et la bibliographie à la fin, ou bien la forme du titre diffère : le lecteur attentif aura quelques occasions de s’agacer avant de trouver ce qu’il cherche. Enfin, si l’illustration est abondante, elle est de provenance variée, et de ce fait de qualité inégale. Souvent excellentes et précises, les images sont quelquefois trop grises et mal lisibles.
84Ce ne sont que des réserves de détail, mais ces quelques regrets sont à la mesure de l’intérêt que j’ai pris à ce volume, qui honore la numismatique française. Ce n’est que pour un très bon livre qu’on se prend à rêver de la perfection...
85Michel Debidour,
86Université Jean-Moulin - Lyon 3,
10, rue Montbrillant,
69003 Lyon.
Nielsen Inge, Cultic Theatres and Ritual Drama, A Study in Regional Development and Religious Interchange between East and West in Antiquity (Aarhus Studies in Mediterranean Antiquity, 4), Aarhus, Aarhus Univ. Press, 2002, 1 vol. 18 × 24,5, 396 p., 128 fig. ds t., 71 pl. h. t.
87Plusieurs sanctuaires grecs et romains comprennent des constructions à degrés qui, généralement dépourvues de bâtiments de scène, ne s’assimilent pas à de véritables théâtres. C’est à en définir la destination qu’I. Nielsen a consacré un ouvrage qui cherche à montrer que ces constructions étaient des « théâtres cultuels » destinés à recevoir des « drames rituels », représentations de mythes dans lesquels interviennent les divinités honorées. Contrairement aux drames littéraires, ces « drames rituels » étaient étroitement liés non pas à une cité, mais aux cultes et aux fêtes qui les accompagnaient. Ils n’étaient pas joués par des acteurs professionnels masculins, mais par des prêtres et des membres d’associations religieuses qui pouvaient être des femmes. Durant la période orientalisante, certains mythes et certains rites importés d’Orient furent à l’origine de l’apparition de « drames rituels » en Grèce et en Italie. Les anciennes relations entre la Grèce et l’Anatolie, où s’est développé le culte de Cybèle, n’en furent pas la seule cause. Les marchands et les colons phéniciens jouèrent un rôle important dans la diffusion de ces cultes et en particulier dans ceux d’Astarté / Aphrodite, de Melquart / Héraclès et d’Adonis. Les « drames rituels » se développèrent d’abord dans les sanctuaires de divinités protectrices de la végétation, en parallèle avec les drames littéraires, qui furent étroitement associés à l’organisation civique. Dans ces premiers temps, qui virent l’apparition en Grèce de constructions à gradins pour recevoir les spectateurs, l’influence orientale paraît avoir été surtout indirecte. Elle ne fut directe et massive qu’à partir de l’époque hellénistique, quand de nombreuses divinités orientales et égyptiennes furent introduites en Grèce et en Occident sous leur propre nom, avec leur culte et tout l’équipement de leurs sanctuaires. Il s’ensuivit un « boom » (p. 211) de la construction de « théâtres cultuels », présentant diverses combinaisons du temple et du théâtre. En Grèce, le théâtron fut généralement installé en bordure du parvis du temple où se trouvait l’autel ou, plus rarement, en face du temple. En Italie, en revanche, on adopta généralement une association du temple et du théâtre dans laquelle le temple et l’autel se trouvaient derrière la cavea et les surplombaient, selon un dispositif dont l’origine pourrait être à chercher en Étrurie. Le développement de ces cultes en Occident eut en retour une certaine influence sur leur organisation dans leur pays d’origine.
88Telle est la thèse défendue par I. N. Elle a le mérite d’attirer l’attention sur les très nombreuses constructions à degrés ou à gradins qui, dans les sanctuaires du monde antique, n’étaient pas destinées à recevoir le public assistant aux concours et aux jeux publics. Que ces « théâtres cultuels » aient été liés à certains rites, tout le monde en conviendra. Que ces rites aient pris la forme de drames, c’est une hypothèse que la documentation rassemblée par I. N. n’oblige pas à admettre. Ces installations ne forment pas un ensemble unitaire, en sorte que la méthode comparatiste à laquelle a recours I. N. pour les étudier paraît mal adaptée. Elles présentent des formes diverses ; elles ne sont pas toutes placées de la même façon par rapport au temple ou à l’autel ; elles ont été réalisées dans des temps, des lieux et des milieux extrêmement variés. Certaines se trouvent dans des sanctuaires de divinités traditionnelles du panthéon gréco-romain ; d’autres, dans des sanctuaires de dieux ou de héros dont le culte n’a connu qu’une diffusion locale ou régionale ; d’autres, enfin, se rencontrent dans les sanctuaires des divinités que l’on a qualifiées globalement d’orientales. Pour tenter d’en déterminer la destination, ou plutôt les diverses destinations, il conviendrait donc d’abord d’en affiner l’étude architecturale et de déterminer parmi elles celles qui forment des groupes cohérents, comme les temples à pronaos à gradins de Doura Europos, les sanctuaires du Hauran avec cour à portiques dotée de sièges, ou ceux du Latium à cavea adossée au temple. Dans bien des sanctuaires, on a affaire à de simples degrés, dont les faces antérieures et supérieures sont planes, et qui ne sont pas divisés en plusieurs sections par des escaliers. Certains ont assurément accueilli des spectateurs, mais d’autres ont pu servir d’escalier, de crépis, de présentoir étagé ou d’ouvrage de soutènement. À se limiter aux constructions à gradins, il serait ensuite souhaitable d’inventorier les différentes destinations qu’ont pu revêtir les sièges construits dans les sanctuaires, et l’on songera dans ce domaine non seulement à l’accueil des spectateurs de représentations dramatiques ou de rites spectaculaires, mais aussi à celui des fidèles qui participaient à des mystères, qui attendaient la réponse d’un oracle ou qui partageaient un repas après un sacrifice ; à celui des pèlerins qui souhaitaient simplement s’asseoir pour se reposer ; à celui des membres des assemblées religieuses, politiques ou judiciaires qui se réunissaient dans les sanctuaires. Ce n’est qu’au terme d’un tel inventaire qu’il sera possible d’évaluer, cas par cas, si l’on peut avoir des arguments ou, du moins, des présomptions favorables pour telle ou telle affectation.
89Jean-Charles Moretti,
90CNRS-IRAA,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée,
7, rue Raulin,
69007 Lyon.
Hägg Robin éd., Peloponnesian Sanctuaries and Cults, Proceedings of the Ninth International Symposium at the Swedish Institute at Athens, 11-13 June 1994 (Acta Instituti Atheniensis Regni Sueciae, series 4, XLVIII), Stockholm, Diffusion Paul Åström, 2002, 1 vol. 21 × 29,7, 232 p., fig. ds t.
91La parution des actes de ce colloque est la bienvenue, même si huit années se sont écoulées depuis qu’il s’est tenu à Athènes. Organisé pour célébrer le centenaire de l’archéologie suédoise en Grèce, il rassembla à l’Institut suédois quelque 200 participants autour de 23 communications et 4 posters. Dans ce volume est publié le texte de 21 des communications données à cette occasion, de même qu’une version des posters, version résumée pour deux d’entre eux (G. C. Nordquist, « A better time can not be found », à propos des toutes premières fouilles suédoises en Grèce, menées en 1894 par Sam Wide et Lennard Kjellberg ; M. Hielte-Stavropoulou et M. Wedde, « Sam Wide’s Excavation at Aphidna – Stratigraphy and Finds »), version développée pour les deux autres (F. de Polignac, « Cultes de sommet en Argolide et Corinthie : éléments d’interprétation » ; E. Lembidaki, « Three Sacred Buildings in the Asclepieion at Epidauros : New Evidence from Recent Archaeological Research »). Le texte de deux des communications ne figure donc pas dans ce volume. M.-F. Billot ne donne ici en effet qu’un résumé de sa communication qui a été publiée, dans une version très enrichie, dans Op. Ath., 22-23 (1997-1998), p. 7-52, sous le titre « Sanctuaires et cultes d’Athéna à Argos ». O. Palagia a également anticipé la publication de ces actes et a publié « Tyche at Sparta », dans Yale Bull., 47, 1994, p. 64-75.
92L’ensemble est organisé par thèmes. Après une présentation de l’histoire de l’archéologie suédoise en Grèce par Robin Hägg, les douze premières communications sont regroupées sous le titre « The Argolido-Corinthia ». Les trois suivantes sont consacrées au sanctuaire d’Athéna Aléa à Tégée, ainsi mis en exergue. Les cinq dernières figurent sous l’intitulé « The Western and Southern Peloponnese » : on y retrouve l’Arcadie (M. Jost à propos du mont Lycée, U. Walter Gans et U. Kreilinger à propos de Mégalopolis, U. Sinn à propos de Phigalie), puis Olympie (A. Moustaka) et Sparte (C. M. Stibbe). Entre-temps sont venues s’intercaler deux communications inclassables selon le critère géographique : celle de C. A. Salowey sur Héraclès et les cultes guérisseurs, et celle d’E. L. Brulotte sur le culte d’Artémis. Les discussions qui émaillèrent le colloque, demie-journée par demie-journée, sont également retranscrites et égrènent l’ouvrage. On louera cet aspect de la publication, bien des éléments de réflexion étant donnés lors des discussions, éléments autrement perdus pour tous ceux qui travaillent sur les actes. En fin de volume, différents index (Index Nominum, Index Locorum et Index épigraphique) facilitent l’utilisation de l’ensemble.
93Le caractère tardif de leur publication nuit, hélas, à l’apport de ces actes. Plusieurs interventions présentaient des travaux en cours en 1994, travaux ayant connu depuis une publication définitive : c’est le cas du texte de J. Hall, « Heroes, Hera and Herakleidai in the Argive Plain », dont les aspects les plus novateurs sont à notre disposition depuis la parution, en 1997, du même auteur, de Ethnic Identity in Greek Antiquity (chap. 4). C’est le cas également de la communication de N. Klein qui présente ici très brièvement les caractéristiques architecturales des temples qui se succédèrent, de la fin du VIIIe siècle à l’époque hellénistique, au sommet de la citadelle de Mycènes. La publication définitive de ces travaux est parue dans ABSA, 92, 1997, p. 247-322. Il sera également plus constructif de consulter, sous la plume de C. Morgan, Isthmia, VIII, et l’ensemble de ses articles plus récents sur Corinthe et la Corinthie d’époque géométrique.
94La plupart des textes ont été revus entre la tenue du colloque et la publication de ces actes. Ceux qui ne l’ont pas été, ou de façon incomplète, pour une raison ou une autre, présentent inévitablement des bibliographies incomplètes, ce qui remet en cause certaines conclusions. A. Gadolou propose une étude intitulée « The Formation of the Sacred Landscapes of the Eastern Argolid, 900-700 BC., A Religious, Social and Political Survey », sans avoir eu connaissance de l’étude de M. H. Jameson et al., A Greek Countryside, The Southern Argolid from Prehistory to the Present Day, publiée en 1994 et, depuis, incontournable lorsque l’on s’intéresse à cette région. On ne saurait par ailleurs écrire sur le sanctuaire de Poséidon à Calaurie, pierre angulaire de cet article, et la pseudo-amphictionie dont il était le siège, sans au moins citer l’article de J. Hall, How Argive was the « Argive » Heraion ?, AJA, 99, 1995, p. 577-613, qui renouvelle notre approche du sujet. C. A. Salowey énumère les occurrences péloponnésiennes d’un culte à Héraclès en tant que dieu guérisseur, aspect bien connu du fils de Zeus et d’Alcmène et depuis abordé par Annie Verbanck-Piérart, « Les héros guérisseurs : des dieux comme les autres ! », dans Héros et héroïnes dans les mythes et les cultes grecs (Kernos, Suppl. 10), V. Pirenne-Delforge et E. Suarez de la Torre éd., 2000, p. 292-293 et notes, avec une mise en perspective des sources littéraires et une attention portée à l’évolution du culte d’Héraclès au cours des siècles qui font défaut au travail de C. A. Saloway dans la présentation qui est ici proposée. On peut faire le même reproche au travail de E. L. Brulotte sur le culte d’Artémis.
95La lecture de l’ensemble de ces communications permet par ailleurs de mettre en exergue l’urgence qu’il y a à s’entendre sur les définitions à donner à certains termes propres à l’étude de la religion grecque. Le « héros » en est l’exemple le plus manifeste. Dans sa communication, J. Hall tente une classification des cultes dits héroïques pour constater « a considerable and confusing diversity of forms » (p. 93). Rien ne dit que la confusion était la même pour les Grecs. Nous sommes ici, manifestement, prisonniers de catégories établies par la recherche moderne et qu’une fréquentation assidue des sources nous impose de plus en plus d’affiner. La réflexion doit également être menée sur les cultes dits « chthoniens », mis en avant dans ce volume par V. Anderson-Stojanoviç à propos des cultes de Déméter et Koré sur le site de Rachi, par A. Banaka-Dimaki pour interpréter une fosse cultuelle découverte dans le sous-sol d’Argos et par E. Lembidaki à propos de l’enclos Y de l’Asclépieion d’Épidaure. Des travaux récents, sous la plume notamment de G. Ekroth, dans Kernos, 16, 2003, reviennent sur cette séparation classique entre cultes dits chtoniens et cultes dits olympiens pour y voir une construction littéraire, en partie tardive, plutôt qu’une pratique cultuelle réelle. Dans le même article, la chercheuse suédoise met en garde contre une lecture au premier degré des pièces d’Euripide pour étudier la religion grecque, alors qu’il s’agit avant tout d’œuvres littéraires. Voilà qui jette un jour nouveau sur la communication de B. Menadier qui tente, en s’appuyant sur quelques vers de Médée, de situer à Pérachora le culte rendu aux enfants de la magicienne. Ce culte aurait été abandonné après que Corinthe fut devenue colonie romaine, car trop lié aux élites locales, ce que semblent infirmer des études plus récentes consacrées à la religion de la Corinthe romaine (cf. M. Piérart, dans Kernos, 11, 1998, p. 85-109).
96L’intérêt essentiel de ce colloque reste de mettre à notre disposition les principaux acquis de fouilles entreprises aux débuts des années 1990, souvent reprises de travaux plus anciens, et dont on attend la publication définitive : fouille d’un sanctuaire mycénien à Méthoné (E. Konsolaki), de grottes utilisées comme hestiatoria au cours de l’époque classique dans le sanctuaire de l’Isthme (E. Gebhard), d’un sanctuaire attribué à Déméter sur le site d’habitat d’époque hellénistique de Rachi (V. R. Anderson-Stojanoviç), de deux petits sanctuaires découverts dans le sous-sol argien (A. Banaka-Dinaki), des édifices Y, O et P de l’Asclépieion d’Épidaure (E. Lembidaki), du sanctuaire de Zeus Sôter sur l’agora de Mégalopolis (U. Walter Gans et U. Kreilinger), de l’Achilleion de Sparte (C. M. Stibbe) et, enfin, fouille du sanctuaire d’Athéna Aléa à Tégée. Notre connaissance de la topographie de la zone Nord de ce sanctuaire progresse avec la communication d’E. Østby qui remet en question l’existence d’une rampe de ce côté du naos : il pourrait s’agir d’une plate-forme. De nombreuses questions restent cependant posées, la fouille n’ayant pas pu partout atteindre les couches d’époque géométrique et mettre au jour dans leur intégralité les structures préclassiques qui se trouvent toutes en limite de fouille. Dans sa présentation de la fouille du naos, G. Nordquist n’intègre pas les données de l’ultime campagne qui se déroula peu après le colloque. Bien des questions relatives à l’atelier de bronzier d’époque géométrique, installé devant les premiers temples, restent donc en suspens. Enfin, M. E. Voyatzis va au-delà d’une simple présentation du matériel du sanctuaire ; elle propose également de dégager, au travers des offrandes faites à Athéna, et en particulier les épingles des VIIIe et VIIe siècles, les principaux aspects de la personnalité de la déesse. Une certaine prudence semble cependant devoir s’imposer. On a garde ainsi d’oublier qu’à ces époques une épingle est avant tout un objet utilitaire, comme le prouve sa présence quasi systématique dans les tombes argiennes, que cet objet est pratiquement absent de l’Héraion de Samos et que les grands sanctuaires consacrés à des déesses sont bien plus nombreux que ceux consacrés à des divinités masculines.
97On retiendra enfin la prudence de M. Vink qui, dans son étude « Sanctuaries and Cults in Early Urban Context : Argos c. 900-500 BC », réfléchit aux modalités de l’émergence de la polis, en mettant notamment en évidence les évolutions au sein même de la période géométrique. On doit cependant toujours se garder de l’argument a silentio face à ce site où le hasard préside la plupart du temps à la répartition spatiale des fouilles. M. Vink ne fait aucune allusion au colloque Argos et l’Argolide, Topographie et urbanisme, A. Pariente et G. Touchais éd., paru en 1998, qui mit au point un système de références en archéologie argienne qui devrait dorénavant s’imposer. F. de Polignac s’attarde sur les cultes de sommet en Argolide et en Corinthie, sans ignorer pour autant ceux de l’Attique, lieux de rassemblement des petites communautés rurales lorsque celles-ci se multiplient au début de l’époque archaïque, perdant leur raison d’être au fur et à mesure que ces communautés sont intégrées dans la polis, ce qui pour-rait expliquer leur déclin au VIe siècle. À la lumière des publications de cette dernière décennie, M. Jost reprend, après l’avoir abordé dans Sanctuaires et cultes d’Arcadie, p. 258-269, et sans le refermer, le dossier du mont Lycée et des sacrifices humains qui y auraient été pratiqués, refusant, au vu des sources disponibles, de nier purement et simplement ces sacrifices et suggérant quelques pistes de réflexion pour les expliquer. U. Sinn propose de voir un sanctuaire dédié à Artémis dans les deux petits édifices du sommet du mont Kotilion, s’appuyant pour ce faire sur divers témoignages et offrandes et reprenant là une hypothèse déjà formulée partiellement par L. Deubner. A. Moustaka mène une intéressante réflexion sur l’absence de témoignages relatifs à un culte d’Héra à Olympie avant l’époque classique. Elle remet ainsi en cause l’attribution de l’Héraion à Héra à l’époque archaïque, attribution qui repose sur le seul témoignage de Pausanias. La déesse aurait pu ne faire son entrée sur l’Altis qu’au cours du Ve siècle. Le temple archaïque pourrait alors être, selon une hypothèse déjà émise par W. Dörpfeld et oubliée depuis, le prédécesseur du temple de Libon. Un ensemble de suggestions ici extrêmement variées et stimulantes qui contribuent largement à l’intérêt de ces actes.
98Isabelle Ratinaud-Lachkar,
99Université de Grenoble II,
151, rue des Universités
38400 Saint-Martin-d’Hères.
Balty Jean-Charles éd., Rites et cultes dans le monde antique, Actes de la Table ronde du LIMC à la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 8 et 9 juin 2001 (Cahiers de la Villa « Kérylos », 12), Paris, Diffusion De Boccard, 2002, 1 vol. 17 × 24, X + 108 p., fig. ds t.
100Cette plaquette, liée au futur Thesaurus Cultus Rituumque Antiquorum, après un hommage à Philippe Bruneau par Jean-Charles Balty, rassemble cinq contributions. V. Lambridounakis, « Rites de consécration des temples à Naxos », expose la découverte de traces de véritables rites de fondation avec sacrifices pour les deux états du temple d’Yria, pour le temple d’Apollon de l’îlot de Palati, pour le sanctuaire de Déméter à Sangri. – G. Camporeale, « Sui culti dell’abitato etrusco dell’Accesa (Massa Marittima) » : il s’agit ici de cultes et de rites privés, avec dépôt de vases, souvent fragmentaires, ayant servi à des banquets. – R. Olmos, « Rites d’initiation et espace sacrificiel en Ibérie préromaine », interprète des images de date et de contexte différents, où il retrouve diverses formes de sacrifices, ou des rapports entre les princes et la divinité. – P. Linant de Bellefonds, « Sanctuaire et asylie : à propos d’un relief figuré d’époque antonine à Aphrodisias de Carie », commente un relief d’Aphrodisias, montrant Dionysos et Pan combattant les Amazones, qui reprend, pour conférer du prestige à l’asylie récente du sanctuaire d’Aphrodite, une image liée aux mythes d’Éphèse. – E. Simon, « Lychnoukos Platonikos », présente un Éros porteur de torche, en bronze, au Musée Getty, qui a un diadème et une couronne de feuilles de platane : couronne inhabituelle qui, via le Phèdre, « lui confère quelque chose de platonicien ».
101Claude Rolley,
102Émérite de l’Université de Bourgogne,
38, rue du Surmelin,
75020 Paris.
Duchêne Hervé éd., Voyageurs et Antiquité classique, Dijon, DERTTECH / Presses Universitaires de Dijon, 2003, 1 vol. 14 × 23 cm, 236 p., 6 fig. ds t.
103Les archéologues du monde méditerranéen ne se sont pas toujours intéressés à la littérature de voyage. Le rassemblement des textes et des croquis de voyageurs en Orient, leur confrontation avec les fouilles, avec les ruines ou avec des restitutions récentes de monuments, toutes ces opérations ne sont vraiment reconnues comme indispensables que depuis un quart de siècle environ, grâce à des publications sans cesse plus nombreuses, qui accompagnent parfois des expositions de dessins ou de photographies. Admettons que ces relations et ces illustrations de voyage ne sont pas toujours directement exploitables par l’archéologue qui doit étudier aujourd’hui un site ou un monument – les plus utiles sont les architectes, les dessinateurs et les véritables pionniers de l’archéologie, comme Jacob Spon, tandis que les remarques de Flaubert à Delphes ou de Simone de Beauvoir à Délos sont surtout des curiosités littéraires –, mais dans tous les cas elles ont l’avantage de donner à réfléchir sur le sens de notre propre activité, en introduisant un autre regard, en imposant une distance salutaire.
104Voilà déjà plusieurs années qu’H. Duchêne suit méthodiquement à la trace plusieurs « voyageurs », surtout quand ils firent eux-mêmes des fouilles, tels Heinrich Schliemann ou Salomon Reinach qui sont, chacun à sa manière, un monument en soi. Il donne encore nombre d’informations sur S. Reinach dans ce petit livre, qui constitue les actes d’un colloque organisé en 2001 à Dijon. Ce colloque se distinguait par la réunion « d’une série d’études sur le voyage dans l’Antiquité et une autre sur les voyageurs modernes à la découverte des mondes anciens » (p. 5), un parti qui trouva son prolongement dans un Dossier d’archéologie paru en juillet-août 2003 (Périples antiques), après un gros volume de textes choisis par H. D. pour un public élargi, avec des introductions et une bibliographie savantes (Le voyage en Grèce, Anthologie du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Paris, 2003).
105La première partie, « Voyageurs dans l’Antiquité », retiendra sans doute plus les historiens, épigraphistes et spécialistes de la littérature gréco-romaine que les archéologues proprement dits. On notera toutefois qu’une enquête sur les voyageurs cyrénéens antiques souligne la profondeur de leurs liens avec le Nord, la mer Égée, plutôt qu’avec Alexandrie (C. Dobias-Lalou, p. 11-21). L’analyse des écrits d’Homère et de quelques poètes archaïques pousse B. Eck (p. 23-50) à s’interroger sur les connaissances qu’avaient les Grecs du Pont-Euxin avant leur colonisation de la mer Noire, alors que, sur place, la modification du niveau marin laisse peu de chances de découvrir un jour des traces archéologiques remontant au VIIe siècle. De son côté, D. Briquel revient sur Héraklès, le « héros voyageur par excellence », jusqu’en Gaule (p. 51-60), et M.-F. Baslez remarque le rôle du fleuve, frontière et point de passage lors du voyage vers l’au.delà, pour lequel on se munit de tablettes prophylactiques (p. 87-100).
106La seconde partie, où des modernes découvrent les mondes anciens, rassemble des études d’esprit aussi varié que la première. Haïssant le présent, Pétrarque vivait dans les villes antiques à travers le filtre des livres (p. 113-120), mais la majorité de ses successeurs eut plus ou moins la même attitude, surtout en Grèce où, comme le note justement P. Brun, « le passé a toujours fait du tort au présent » (p. 130 ; voir aussi les présupposés de Martin Heidegger visitant la Grèce, p. 198-199). Même si l’Athénien Paul Decharme explora en 1865-1866 le Val des Muses en portant la plus grande attention au paysage, il n’avait en tête que les Muses antiques (p. 167-178). Et les rapports des intellectuels grecs du XXe siècle avec l’Antiquité, où ils recherchent les archétypes originels, même et surtout lorsqu’ils voyagent en Occident, ne se définissent aussi qu’en termes de mémoire et d’héritage culturel, inscrit dans le paysage environnant (P. Doukellis, p. 197-201).
107Aux XVIIIe et XIXe siècles, peut-être les voyageurs en Asie Mineure et au Proche-Orient furent-ils un peu plus obligés de vraiment regarder dans des zones où les déplacements présentaient de sérieux dangers. A. Sartre-Fauriat détaille (p. 135-144) en quoi les 119 feuillets de William John Bankes, retrouvés en 1992 dans un château en Grande-Bretagne, modifient sérieusement notre vision de plusieurs monuments du Hauran, où Bankes séjourna en 1816-1817. Il avait dessiné avec soin des bâtiments aujourd’hui disparus ou en partie détruits, or ses croquis contredisent les reconstitutions proposées par H. C. Butler, dans des ouvrages qui font autorité depuis le début du XXe siècle. Prélude à une monographie, l’article d’A. S.-F. est illustré de quatre vues appariées, ce qui n’est hélas pas le cas de l’article très documenté de M. Kohl sur le séjour à Pergame du grand architecte Jean Nicolas Huyot (p. 145-165). L’apport de celui-ci à l’archéologie était déjà connu, mais la valeur de son dossier pergaménien demeurait occultée ; en comparant la qualité de son travail, effectué en 1818, à celle de ses prédécesseurs et successeurs, M. K. montre à quel point il était en avance sur son temps. Dommage que l’article de P. Ducrey, « Archéologues suisses en Méditerranée », qui était lié à une exposition de photographies prises en Grèce entre 1904 et 1939 par W. Deonna et P. Collart, deux archéologues très visuels, soit également privé de toute illustration (p. 213-222).
108Ces regrets n’amoindrissent pas l’originalité de ce livre, où les antiquisants, qu’ils soient ou non archéologues de terrain, trouveront toujours à glaner.
109Marie-Christine Hellmann,
110CNRS, UMR 7041,
Maison René-Ginouvès,
21, allée de l’Université,
92023 Nanterre Cedex.
Clarck Andrew J., Gaunt Jasper, Gilman Benedicte éd., Essays in Honour of Dietrich von Bothmer, Amsterdam, Allard Pierson Series, 2002, 2 vol. 22,5 × 32 ; vol. 1. : Text, 348 p., fig. ds t. ; vol. 2 : Plates, 88 pl.
111Dans cette belle présentation, 48 contributions offrent un large panorama reflétant les intérêts de D. von Bothmer. L’ample bibliographie s’étend jusqu’en 2002.
112P. Amandry, p. 29-36, « Hydries argiennes », étudie un groupe de vases en bronze, de fabrication locale, donnés en prix à Argos, entre 460 et 430, aux fêtes d’Héra, ce qu’atteste l’inscription sur la lèvre (dans les listes des prix argiens ne figure aucun bouclier). Une hydrie trouvée à Sinope porte, sous la formule du concours, une inscription postérieure se référant à un autre concours.
113W. R. Biers, p. 33-36, « A Lion in Kansas City : An East Greek Aryballos in the Nelson-Atkins Museum of Art ». Probablement rhodien, de 560 env., ce type, fréquent vers le milieu du VIe siècle, rappelle les vases de l’Âge du Bronze des pays de l’Est.
114E. Böhr, p. 37-47, « Mit Schoff an Brust und Kopf : der Jungfernkranich », ou comment reconnaître les jeunes grues ; H. A. Cahn, p. 59-61, présente « Ein Brief von Beazley », à Langlotz, conservé à la bibliothèque universitaire de Bonn ; A. J. Clark, p. 73-81, s’intéresse à « Three Red-Bodied Vases », des vases à figure noire dits « free-field » ou « red-bodied », par Beazley, et B. F. Cook, p. 99-105, reprend les « Red-Figured Lekythoi by the Phiale Painter ».
115D. Buitron-Oliver, A. Oliver, p. 49-58, « The Vicomte de Castillon Saint-Victor at Kourion ». Consul à Chypre de 1886 à 1891, il entreprit des fouilles à Kourion. Son plan de nécropole permet de localiser même la célèbre « tombe au trésor » de Cesnola. Un vase attique portait une course de bige et l’inscription « Megakles kalos », qui fait référence à la famille des Alcméonides.
116F. Causey, p. 63-67, « An Amber Pendant in the Form of a Ship with Sailors », au Musée J. Paul Getty. Existerait-il une relation magique entre la matière et la représentation, puisque l’ambre se plaît dans l’eau, ou un lien avec une légende ?
117J. Chamay, p. 69-72, « La frappe de la monnaie ». Au tondo d’une coupe attique à figure rouge, un homme est en train de battre monnaie devant un autre tenant une bourse, un archonte (le commanditaire), ce type d’activité se passant à l’abri des regards.
118B. Cohen, H. A. Shapiro, p. 83-90, « The Use and Abuse of Athenian Vases ». L’imagerie dévoile les utilisations auxquelles les Grecs soumettaient leurs récipients : urinoirs, olisbos, épanchements divers. Le réalisme de ces représentations cesse un peu avant le milieu du Ve siècle.
119R. Cohon, p. 91-98, « Romulus and Remus : Attachment and Separation ». Analyse du mythe à travers différents filtres : la sécurité ou l’insécurité de l’enfant doit beaucoup à la séparation ou non d’avec sa mère. Le personnage de la louve trouve également sa justification.
120M. Denoyelle, p. 107-112, « Some Little Vases by the Creusa and Dolon Painters » : analyse fine pour distinguer le style de chaque peintre dont le Céramique de l’agora de Métaponte a livré les restes des ateliers. L’A. présume, logiquement, que les similitudes stylistiques s’expliquent par une proximité physique. Ces témoignages archéologiques (coïncidences rares) confirment, écrit-elle, le bien-fondé des attributions par le style, remises en question récemment. Certes, la méthode a permis de beaucoup progresser. Mais elle n’en demeure pas moins trop prégnante, obsessionnelle même, au détriment de l’étude des formes et de l’imagerie qui se conjuguent dans les personnalités artistiques (l’A. en tient d’ailleurs compte, de manière instructive, dans son intervention au XXXIIIe Congrès de Tarente). Le formidable travail accompli pour reconnaître les différents peintres doit être mis à sa juste place et relativisé. Déterminer des périodes dans la carrière d’un de ces artisans peut se révéler aléatoire, les emprunts mutuels ne suivent pas nécessairement un ordre chronologique. D’autre part, le décor secondaire peut être dû à un autre peintre. Quant à la céramique italiote, sa chronologie suscite des débats. L’A. relève le goût miniaturiste du peintre de Créüse, et l’utilisation de récipients de petite taille, que le peintre de Dolon ne dédaigne pas non plus. Attributions et réattributions profitent de cette analyse pénétrante. À ce propos, la communication d’E. Simpson, p. 303-316, « The Andokides Painter and Greek Carpentry », tout en apportant une confirmation à la validité de la recherche des attributions et en donnant raison au discernement de Beazley, procède selon d’autres voies. En l’occurrence, il ne s’agit rien de moins que de valider l’existence du peintre d’Andokidès, initiateur de la figure rouge, et de le distinguer du peintre de Lysippidès qui peignait en figure noire. Le vase bilingue, figure rouge / figure noire, Munich 2301, sert de démonstration en mettant en évidence les différences dans le dessin du lit du banquet : les éléments de la construction de la menuiserie sont bien compris et détaillés par le peintre de la figure rouge, alors que le peintre de la figure noire n’en a pas saisi le vocabulaire. La comparaison emporte la conviction et prouve qu’il faut distinguer les deux personnalités.
121S. Descamps-Lequime, p. 113-119, « Une sphinx en bronze : élément de décor d’un trône archaïque ? ». L’analyse très minutieuse de Louvre BR 1680 (ED 4489) et une argumentation serrée conduisent à la probabilité que cette pièce fasse partie d’un trône.
122J. Gaunt, p. 121-136, « The Niobids on the Niobid Krater in the Louvre : Notes and Conjectures ». Le massacre des Niobides connaît deux versions : l’une le situe en Lydie ; l’autre, plus récente et athénienne, à Thèbes. Une réinterprétation de la scène du revers, qui n’a pas encore livré toute sa signification, pourrait permettre de trancher en faveur de l’une des options. Or une restauration récente a révélé des lignes en relief sous les pieds d’Héraclès, suggérant qu’il s’agit d’une statue et non du héros lui-même. Selon Hérodote (V,108), avant la bataille de Marathon, les Athéniens s’assemblèrent dans le sanctuaire d’Héraclès. D’où une mise en relation de ce massacre avec celui commis par les Perses : hybris de Niobé, hybris de Xerxès. Ainsi, le guerrier apparaissant derrière le monticule appartiendrait au contingent de Platées, arrivant par le Parnasse. Le peintre aurait donc choisi la version thébaine, avec la proximité du Cithéron. Cela est indiqué par les deux représentations qui ne présentent pas de séparation matérialisée, et sont liées par les scènes sous les anses, dont les espaces sont imbriqués.
123H. Giroux, p. 127-135, « Les acquisitions du Louvre aux ventes Canino ». Depuis de nombreuses années, l’A. rend d’inestimables services au département des AGER du Louvre en effectuant un travail d’archiviste-historien. Grâce à ses recherches des provenances ont pu être éclaircies, des numéros d’inventaire retrouvés, des achats précisés, qui ont permis de ne plus (ou de moins) errer à travers les collections des vases grecs. Parmi les acquisitions du XIXe siècle, celles de la collection du Prince de Canino furent effectuées en plusieurs fois et après plusieurs tribulations, dont les archives officielles ne reflètent pas toujours la réalité.
124E. B. Harrison, p. 137-147, « The Aged Pelias in the Erechtheion Frieze and the Meaning of the Three-Figure Reliefs ». Le fragment Acropole 1071, provenant de l’Érechtheion, permet de mieux préciser la date de certains reliefs et d’inclure celui-ci dans l’épisode de Pélias. L’A. met en outre en relation, par une nouvelle lecture, les reliefs avec Héraclès, le sanctuaire de Melité et l’autel des Douze Dieux de l’Agora.
125M. Iozzo, p. 147-151, « Novità “calcidesi” », dont une amphore « pseudo-chalcidienne » dans une collection privée, avec Silène, prisonnier des Phrygiens, conduit devant le roi Midas. Le sujet n’est mentionné par les sources écrites qu’au IVe siècle.
126I. Jenkins, p. 153-156, « The Earliest Representation in Greek Art of the Death of Ajax ». Un bronze du British Museum d’époque géométrique (GR 1865 . 11-18 . 230) figure un homme ithyphallique (effet de son angoisse) assis, tenant son poignard pointé vers lui. S’agit-il vraiment d’Ajax ?
127A. P. Kozloff, p. 165-170, « Looking at the Foundry Cup with an Egyptological Eye ». Nouvel et stimulant éclairage pour un vase célèbre. Les tableautins au mur de l’atelier renvoient aux ostraka des esquisses des artisans égyptiens et les deux têtes seraient des modèles en ronde bosse ; quant aux cornes, elles sont de gazelle ou d’antilope. L’artiste était-il Égyptien ou un bon connaisseur de l’Égypte ?
128E. R. Knauer, p. 157-163, « Fragments of a Life : Buddhist Sculpture from Gandhära » ; N. Kunnisch, p. 171-174, « Kriegerabschied in Bochum », sur une coupe du peintre de Penthésilée.
129J. de La Genière, p. 175-178, « Note sur la “tombe de Brygos” ». L’occupant de la tombe serait un Étrusque de Campanie et non un Grec fortuné. Les formes des vases orientent vers l’Étrurie.
130A. F. Laurens, p. 179-186, « Sombrer dans l’ivresse ». L’A. comprend comme des métaphores les images de deux coupes attiques. La signification du kétos, sur l’une, est indiquée par la louche à puiser le vin peinte sur le côté de la tête, liant vin et mer (de façon cauchemardesque). Sur la seconde, le symposiaste de chaque côté tient une ombrelle, tandis qu’une sirène surgit du sommet de son crâne. Signe des dangers de l’ivresse, elle est le daimon qui domine le fétard. Serait-ce « l’oiseau du vin », ou la déviance hors des normes et de la raison ? L’ombrelle, « manche mobile et instable », ne symboliserait-elle pas l’espace à la marge où se sont aventurés les fêtards ?
131A. Lezzi-Hafter, p. 187-194, « O dulcia, furta dolique... Zu einem henkellosen Gefäss des Mannheimer Malers ». Olla avec le départ d’Achille de Scyros en présence de tous les personnages de l’épisode, y compris Deidamie et Néoptolème.
132C. L. Lyons, p. 195-201, « The Duke of Noia’s Classical Antiquities ». La collection Carafa du XVIIIe siècle comprenait des vases passés depuis dans diverses collections. Ici l’on ne retiendra que l’amphore apulienne avec la scène typique du guerrier dans un naïskos, entouré de deux personnages aux miroirs. Or, la légende de la photo (pl. 53 d) indique « Aphrodite holds the arms of Achilles » : il est évident que le jeune défunt a été soit entièrement repeint en femme nue, soit mal reproduit par le dessinateur de l’époque. Il ne s’agit en aucun cas d’Aphrodite.
133E. A. Mackay, p. 203-210, « The Hairstyle of Herakles » ; J. R. Mertens, p. 211-212, « Leodamas and Hippolytos » : sur le vase de Sarpédon ; E. J. Milleker, p. 217-223, « The Bégassière Head : an Archaistic Apollo ? », en marbre parien ; M. B. Moore, p. 233-235, « Less is more » : petit fragment de lécythe à figure rouge attribué au Washing Painter ; J. H. Oakley, p. 245-248, « A New Black-Figure Sarpedon » : olpé à figure noire du Nicholson Museum.
134H. Metzger, p. 213-216, « “Un pot-pourri” de motifs éleusiniens sur un cratère en calice attique du musée Dobrée de Nantes ». Autour de Triptolème dans son char, figurent plusieurs personnages insolites et au revers satyres et ménades.
135H. Mommsen, p. 225-232, « Das Tritonabenteuer bei Exekias ». Fragments d’amphore portant Héraclès luttant contre Triton sur les deux faces, signées par le peintre et le potier.
136J. Neils, p. 237-243, « Karithaios epoiesen ». Hydrie à figure rouge portant des amazones et la signature du potier gravée sous le pied.
137J. M. Padgett, p. 249-266, « A Unique Vase in the Metropolitan Museum of Art ». Grand psykter-cratère à figure rouge à double paroi avec entonnoir sur l’épaule. Les représentations rassemblent des divinités, aux noms inscrits, autour de Dionysos et Ariane. Restes de signature et d’une dédicace à un kalos.
138M. Pfrommer, p. 267-274, « Eine Alexanderschlacht für skytische Fürsten ? ». Bataille entre Grecs et Perses sur un fourreau de poignard en or laminé, inspirée du sarcophage d’Alexandre, au Metropolitan Museum of Art.
139M. Pipili, p. 273-282, « The Penthesilea Painter in the Attic Countryside ». Disque en terre cuite provenant d’un yo-yo d’une tombe de Vari, peint d’un jeune homme tenant une lyre s’éloignant d’un autel sacrificiel ; dans le champ « o pais kalos ». M. Robertson, p. 283, « Victoria Domestica » : lécythe fragmentaire et mal conservé, avec Nikè tenant un miroir à côté d’un calathos.
140K. Schauenburg, p. 285-288, « Zwei apulische Vasen in Neapler Privatbesitz ». Un lécythe à figure rouge présente une tête coiffée d’un bonnet « phrygien » tenant un glaive : Amazone ou Athéna ? L’œnochoé (de forme VIII B) représente Éros tendant une phiale à un grand chevreuil, dans un lieu marqué par une colonne garnie d’offrandes.
141M. Schmidt, p. 289-292, « Mitleid mit Medusa : zu einer frühklassichen Lekythos mit Darstellung der Gorgo als Mutter » ; E. Simon, p. 297-300, « Zum Becherpaar des Cheirisophos » : timbales en argent, l’une avec Philoctète blessé, l’autre avec Achille et Priam et Achille à la tombe de Patrocle.
142K. A. Schwab, p. 293-296, « The Palladion and its Multiple Functions in the Parthenon North Metopes ». La céramique du Ve siècle, les sources écrites concernant des œuvres picturales témoignent de l’importance de l’image du Palladion, que le décor Nord du Parthénon confirme par le nombre de représentations. C’est également de ce côté que M. Korrès restitue un naïskos, à l’intérieur même de la colonnade (dans R. Economakis, Acropolis Restoration, Londres, 1994, p. 45-46 ; Id., dans The Parthenon and its Impact in Modern Times, P. Tournikiotis éd., Athènes, 1994, p. 57, fig. 2). Mais c’est également dans cette partie de l’Acropole que se trouvaient la plupart des images de la déesse, ce qui démontrerait le caractère intentionnel du programme décoratif, en concentrant sur le côté Nord les effigies d’Athéna.
143M. S. Venit, p. 317-322, « Fit to be tied : The Punishment of Eros and two Vases by Euphronios in the Villa Giulia » : étude sur la symbolique de la sandale ; C. C. Vermeule III, p. 323-332, « Wandering stones » : panorama des voyages des œuvres sculptées, à travers rafles, achats, fouilles, depuis l’Antiquité ; C. White, p. 339-340, « Rubens’ Pan and the Syrinx in the British Royal Collections ».
144M. Vickers, p. 333-338, « “Shed no Tears ?” Three studies in Ancient Metrology », étudie trois séries d’objets en argent qui auraient fait office de lingots. Ces objets façonnés, provenant de productions royales contrôlées, obéissent à certains critères de poids ; peuvent-ils être de l’ « encaisse » ?
145D. Williams, p. 341-348, « Perfume Pots, Painters and a Puzzling Pursuit ». Réflexions sur les alabastres, par un fin connaisseur de la céramique grecque. L’A. relève, avec raison, l’incongruité de l’imagerie de ces récipients, majoritairement utilisés par les femmes, aux scènes souvent violentes et cruelles, ou d’autres fort éloignées des préoccupations des vertueuses Athéniennes. Dans ce cas, cette variété iconographique pourrait révéler une variété plus importante d’utilisateurs. Quant à la scène de poursuite sur l’alabastre d’une collection privée (pl. 88 d-e), le nom de Médée nous paraît mieux convenir à cette femme tenant un glaive, étant donné son expression et l’absence de tout signe indicatif dans le champ, ou près de son poursuivant : elle a déjà tué, elle fuit, elle est poursuivie. Enfin, en ce qui concerne l’origine d’Amasis, malgré les incertitudes quant à un lien entre son nom et l’Égypte, on ne peut la considérer « of little relevance » : voir à ce propos les remarques de J. Boardman, « Amasis : The Implications of his Name », Papers on the Amasis Painter and his World, Malibù, 1987, p. 141-152, où le problème de ces surnoms est traité.
146Hélène Cassimatis,
147Chercheur honoraire du CNRS,
20, rue La Fontaine,
75016 Paris.
Nørskov Vinnie, Greek Vases in New Contexts, The Collecting and Trading of Greek Vases, An Aspect of the Modern Reception of Antiquity, Aarhus, Aarhus University Press, 2002, 1 vol. 17 × 25,5, 407 p., 87 fig. ds t.
148Si l’on découvre cet ouvrage sur les rayons d’une librairie, on pourra se tromper un instant sur son contenu : la jaquette, joliment illustrée, ne porte en effet que la première phrase du titre, Greek Vases in New Contexts. Or le mot de « contexte », appliqué aux vases grecs, évoque surtout une tendance de la recherche actuelle visant à rendre compte de leurs significations multiples dès lors qu’on les étudie dans leur contexte de production et de réception : les « nouveaux contextes » pourraient donc être à bon droit considérés comme ceux qu’envisage aujourd’hui l’archéologie, dans son effort pour dépasser la traditionnelle approche du vase grec comme objet de musée et de collection, et pour le comprendre dans son milieu d’origine. Le sous-titre nous tire de cette erreur, en nous apprenant qu’il s’agit précisément du contraire ; comme l’indique l’auteur (p. 12), « nouveau » signifie ici « moderne » : l’ambiguïté, surprenante, relève peut-être d’une exigence éditoriale.
149Il s’agit donc d’un livre traitant de la réception moderne des vases grecs, qui se divise en deux parties, la première (chap. 1 à 3) consacrée à l’histoire de leur collecte et de leur connaissance scientifique, la seconde (chap. 4 à 6) à l’état actuel du marché depuis la Seconde Guerre mondiale, aux pratiques et aux choix du collectionnisme privé et public ainsi qu’à la muséographie, perçue comme un indice significatif du sens et de la valeur qu’on leur accorde dans différents musées. Les critères de sélection de ces derniers (8 en tout, répartis entre Angleterre, États-Unis, Danemark et Allemagne) restent assez peu clairs : en sont absents, sans grande explication, quelques institutions comme le Louvre, l’Ermitage ou le Musée archéologique de Madrid ainsi, entre autres, que les grands musées d’Italie (Musée étrusque du Vatican, musée de Naples) au motif que les pays méditerranéens s’enrichissant essentiellement par l’apport des fouilles, les musées n’y sont que rarement concernés par les pratiques actuelles de l’acquisition (p. 115). On notera que ces établissements ne sont pas davantage traités dans la partie historique, alors même que, la plupart des grands musées d’antiquités italiens étant des musées de collections plutôt que des musées de fouilles, l’histoire de leur formation s’inscrit pleinement dans les processus et dans les réseaux du collectionnisme européen des XVIIIe et XIXe siècles. La prise en compte de plusieurs livres et articles publiés ces dernières années sur l’histoire des collections italiennes aurait permis de réduire, au moins en partie, ce déséquilibre ; voir en particulier : I Greci in Occidente, La Magna Grecia nel Museo di Napoli, dir. par S. de Caro et M. Borriello, Naples, 1996 ; E. Fileri, La « stanza delle terrecotte » del Museo del Cardinale Gualtieri, Arch. Classica, 62, n.s. 2, 2001, p. 343-384 ; M. E. Masci, La collezione di vasi antichi figurati riuniti da Giuseppe Valletta : identificazione parziale dei pezzi raccolti e ricostruzione della dispersione, Annali della Scuola normale superiore di Pisa, série 4, vol. 4,2, 1999, p. 555-593 ; ead., « Il vaso Cawdor : da Napoli a Londra. Appunti sul collezionismo napoletano all’epoca del Grand Tour », Napoli Nobilissima, série 5, vol. III, fasc. I-II, janvier-avril 2002, p. 7-20 ; S. Sarti, Giovanni Pietro Campana, 1808-1890, The Man and his Collection, Studies in the History of Collections, II, BAR International Series, 971, Oxford, 2001. On y ajoutera à présent un certain nombre d’informations contenues dans la seconde partie (Réappropriations modernes du vase grec, p. 195-325) du volume Le vase grec et ses destins, édité par P. Rouillard et A. Verbanck-Piérard, Munich, 2003.
150Conçue peu ou prou comme une enquête de sociologie culturelle, la partie « contemporaine » formait en fait le sujet de thèse de l’A., qui a ressenti dans un deuxième temps le besoin de la compléter en l’inscrivant dans une perspective historique permettant de mieux comprendre les phénomènes en cause.
151Ces deux parties, à la lecture, apparaissent très différentes dans leur nature et dans leur construction : à l’investigation personnelle menée par l’A., dans la seconde auprès de différents acteurs, marchands et conservateurs (voir les entretiens retranscrits en Appendice A), s’oppose une histoire du collectionnisme et du développement de la science issue d’un consciencieux dépouillement bibliographique, et qui, à ce titre, pourra être considérée comme une utile compilation pour ceux qui souhaitent s’informer sur le sujet. La différence d’investissement personnel entre les deux périodes traitées suscite des phénomènes gênants. On relèvera par exemple le contraste entre la position critique adoptée vis-à-vis de certains personnages historiques (voir, p. 97, le diagnostic douteux établi sur le lien entre communauté homosexuelle romaine de la fin du XIXe siècle et intérêt pour les vases, porteurs des nombreuses « scènes érotiques, et en particulier pédérastiques »), contrastant avec l’absence quasi totale de remise en cause, ou même d’analyse critique, des témoignages directs contemporains recueillis au cours des entretiens ; les commentaires qui en sont faits se révèlent parfois assez naïfs (p. 130, sur les deux vases les plus importants acquis par le British Museum depuis la guerre, et qui sont les seuls à être exposés dans une vitrine isolée), et on discerne entre les lignes une absence de recul, et même une fascination envers le monde du marché de l’art (description du succès des grandes ventes, p. 286-287), qui sont peut-être les corollaires obligés de la façon dont le sujet d’étude a été initialement abordé. Dans son introduction, l’A. explique son intérêt pour les vases par le bruit fait autour de l’acquisition du cratère de Sarpédon peint par Euphronios, que certains accusèrent à l’époque d’être un faux : « I had always been enchanted by the mystery of fakes, the experience of finding that things are not always what they seem to be. » Malheureusement, les témoignages directs peuvent contribuer eux aussi à la construction du monde des apparences, surtout quand sont en cause des opérations délicates ou confidentielles liées aux acquisitions des œuvres d’art, comme on le perçoit à travers certaines réponses ambiguës ou même surprenantes à ses questions : de cela, l’A. ne semble pas avoir vraiment conscience. Plus grave est l’indifférence manifestée envers le matériel de base de cette étude, les vases eux-mêmes, qui apparaissent ici sous la forme d’une masse labellisée sommairement et disséquée en nombreux graphiques, tableaux et diagrammes (qui auraient pu sans dommage être rejetés en annexe), dont émergent des pièces qui ne semblent remarquables qu’en fonction du nom de leur auteur (l’iconographie est très peu mentionnée) ou du prix qu’ils ont atteint à la vente. La connaissance superficielle de l’ensemble du domaine est source de nombreuses approximations, et interdit par ailleurs à l’A. de se prononcer sur certaines propositions qu’il serait temps de revisiter, comme la mention de vases grecs à propos des trouvailles faites à la Renaissance à Arezzo (il s’agit beaucoup plus vraisemblablement de céramique arétine), ou du vase décrit en 1501 par Publius Faustus Andrelinus, pièce antique de fantaisie dont l’iconographie est impossible pour un vase grec (p. 30). De même, dans la section portant sur les recueils antiquaires (p. 35-39), les premières œuvres connues et illustrées sont-elles désignées vaguement et sans souci d’identification précise : un cratère, un alabastre... La gravure représentant le cabinet de curiosité d’Andrea Vendramin (fig. 3) montre des niches contenant non pas des vases grecs de terre cuite, mais essentiellement des vases en pierre et en verre d’époque romaine ; elle n’a donc pas la valeur de témoignage qu’on lui accorde généralement pour la réception des vases antiques. Aucune appréciation n’est livrée sur le type de vases composant les trois volumes du Picturae Etruscorum in Vasculis (1767-1770) de Passeri, dont un tableau donne simplement (tableau 1, p. 39) la liste des collections utilisées, en latin, avec des erreurs de transcription (Hadriani Sarri pour Hadriani Sani ; Museo Monasteri Cassimensium pour Cassinensium). Le duc de Braunschweig, sur le célèbre portrait de Pompeo Batoni (fig. 5), ne s’appuie pas sur un « cratère en cloche apulien » mais sur un cratère en cloche paestan de Python, aujourd’hui au Vatican ; les autres vases du portrait ont été en partie identifiés par Greifenhagen. On relèvera aussi de nombreuses et irritantes erreurs de transcription ou coquilles dans le texte et dans l’index des noms de la p. 397 (Albergotti, Marchese Alberia ; Arias, Paulo ; Bandinelli, Bianchi ; Boardmans, Sir John ; Valetta, Joseph...). Enfin, très significatif d’un raisonnement trop superficiel est le commentaire final fait sur l’aménagement de la villa de Gianni Versace à Miami (fig. 87, p. 324), dont l’entrée est meublée par des copies contemporaines de cratères à volutes : l’A. voit un peu trop rapidement, dans le fait de rassembler des imitations plutôt que des originaux, le retour à un collectionnisme de pure délectation et une solution possible au conflit entre archéologues et collectionneurs, sans identifier la référence manifeste, architecturale et archéologique à la collection Jatta de Ruvo ; ce qui donne un sens très différent à l’ensemble.
152Témoin d’un souci d’exhaustivité dans l’information qu’il faut reconnaître à l’A., le débat sur la légitimité des acquisitions archéologiques faites aujourd’hui n’est pas oublié ; il est même exposé en détail à plusieurs reprises (p. 3 ; p. 103-111), mais à un niveau plutôt général qui le réduit à un problème sans incidence sur le propos du livre, ou du moins sans relation précise avec l’enquête menée. En déclarant laisser le lecteur juge de ses opinions sur ce sujet, l’A. ferme tout simplement la porte à une réflexion essentielle sur le rôle et sur les modes d’enrichissement actuels des grandes collections d’archéologie, réflexion qui aurait été l’issue logique de la mise en perspective des deux époques, celle de la formation des collections et du savoir, et celle de leur rayonnement à l’échelle internationale. Cette absence de profondeur se lit clairement dans les deux idées-forces que l’A. définit dès les premières pages, et qui, ne se rencontrant jamais, acquièrent rapidement le statut de banalités ou, du moins, d’assertions qui ne sont en rien propres aux vases grecs : d’une part, « la disponibilité et le goût personnel sont les critères les plus importants dans l’histoire du collectionnisme des vases grecs » (p. 18) ; d’autre part, l’évolution de la connaissance a influé sur la formation des collections et sur la perception des vases (p. 16 ; mais la nature des collections a tout autant influé sur l’évolution du savoir et sur celle du goût : de tels phénomènes ne tiennent pas en une seule définition).
153On se demande parfois, en somme, où est le vase grec dans tout cela, et s’il ne constitue pas par moments, au moins dans la deuxième partie de l’ouvrage, un simple marqueur destiné à mettre en évidence les pratiques du monde de l’art. De ce point de vue, et grâce aux nombreuses informations objectives et chiffrées qu’elle contient, l’étude pourra sans doute se révéler intéressante (en particulier le chap. IV, consacré aux modalités de la formation de quelques grandes collections et aux grandes ventes archéologiques). Mais la démarche adoptée ouvre la question de savoir si l’histoire des collections peut être conçue indépendamment des œuvres qu’elle concerne sans se réduire à un survol historique global ; et il est permis de douter de la nouveauté des conclusions exposées ici pour ce qui est de la connaissance des vases grecs et de celle de leur réception à l’époque moderne.
154Martine Denoyelle,
155Musée du Louvre,
Département des Antiquités grecques,
étrusques et romaines,
36, quai du Louvre,
75001 Paris.
Domaradzki Mieczyslaw et al. éd., Pistiros et Thasos, Structures économiques dans la Péninsule balkanique aux VIIe-IIe SIeCLeS AVANT J.-C., Opole, Zuk Vogar, 2000, 1 vol. 15,5 × 25, 274 p., fig. ds t.
156Cet ouvrage rassemble une partie des communications présentées lors d’un colloque organisé par M. Domaradzki à Septemvri (Bulgarie) du 22 au 23 avril 1998. Cette rencontre, sous l’égide de l’Institut archéologique de Sofia, de l’École française d’Athènes, de l’Université Charles de Prague et de l’Université d’Opole (Pologne), envisageait de proposer un bilan des recherches sur les échanges commerciaux entre le monde grec et les communautés thraces dans la péninsule Balkanique. L’étude se concentre essentiellement sur trois zones : la Thrace centrale et pontique, le Pont Nord et l’île Nord-égéenne de Thasos. Ce volume rassemble plusieurs synthèses utiles, en anglais, en allemand ou en français, en particulier en ce qui concerne des fouilles ou des prospections réalisées récemment en Bulgarie et peu connues en dehors du pays : on notera ainsi les études de T. Stoyanov sur la Thrace du Nord-Est, de P. Balabanov sur la Thrace pontique, les trois études de A. Bozhkova, P. Delev et leur équipe sur la Thrace du Sud-Ouest et le site très prometteur de Koprivlen, celle de M. Tonkova sur les collines de Chirpan au centre de la plaine thrace, de G. Nehrizov et R. Mikov sur les Rhodopes de l’Est et les deux études de Ch. Popov, B. Koleva, M. Martinova et M. Bospatchieva sur Plovdiv. On notera également la présentation faite par N. Conovici du site gète de Satu Nou sur le Danube. Pour la zone pontique, à côté d’autres travaux présentés dans le volume, la synthèse de G. Tsetskhladze sur les emporia pontiques apporte des éléments de comparaison précieux et stimulants. Le domaine thasien fournit à cet ensemble des cadres méthodologiques autant que des éléments de réflexion sur les échanges, avec les études de M. Brunet sur la prospection du territoire thasien, de F. Blondé sur la céramique d’usage courant, de M. Sgourou sur l’orfèvrerie. L’ouvrage vaut donc par la multiplicité des éléments de comparaison qu’il propose sur un problème, celui des structures économiques et commerciales balkaniques, sur lequel une réflexion de synthèse reste encore à mener. Dans quelle mesure les pouvoirs indigènes locaux ont-ils favorisé les échanges avec les Grecs ? Quelle influence le développement de ces échanges a-t-il exercée sur l’organisation des territoires ? Quelles sont les caractéristiques des établissements à vocation commerciale ? Sur ces questions, les différentes communications rassemblées ici apportent des informations très inégales et de nature très diverse.
157Au centre de cette problématique, pour l’organisateur de cette rencontre, se trouve le site dit de Pistiros, à une cinquantaine de kilomètres à l’Ouest de Plovdiv, exploré depuis 1988 sous la direction de M. Domaradzki, et dont il propose dans l’ouvrage une présentation générale [7]. Ce site de caractère mixte, grec et thrace, apparaît à la fin du Ve s. et connaît sa période d’activité principale au cours du IVe s. Il peut être défini comme un emporion de l’intérieur des terres, dont le réseau d’échanges s’est trouvé précisé par la découverte d’une inscription comportant un acte de chancellerie thrace par lequel sont garantis les droits d’Emporitains venant de Thasos, Maronée et Apollonia. Une séance du colloque de Septemvri a également été consacrée à l’interprétation de cette inscription. Elle a donné lieu à une publication séparée dans le BCH, où sont rassemblées plusieurs études sur ce document [8].
158En réalité, l’interprétation du statut de ce site, aussi bien à partir des témoignages archéologiques que des informations épigraphiques, reste sujette à controverses. Le dossier du BCH en témoignait, et la lecture du volume d’Opole relance plusieurs interrogations. J. Bouzek y envisage la pénétration grecque en Thrace centrale en s’appuyant sur l’attrait que constituaient les matières premières du pays, d’une part, la présence avérée de techniques grecques dans certaines constructions et de matériel céramique d’importation, d’autre part. Comme en réponse à cette analyse, G. Tsetskhladze montre combien ces facteurs, à eux seuls, ne sont pas déterminants dans l’évaluation de l’intensité des contacts : le site appelé Pistiros n’a livré qu’une très faible proportion de céramique grecque contre une grande quantité de matériel thrace, contrairement à la répartition observable dans des emporia pontiques de l’intérieur des terres, et présente davantage les caractéristiques d’un établissement dynastique. Ces divergences de vues et de méthode montrent que le débat gagnerait à être poursuivi non seulement à propos du site dit de Pistiros [9], mais aussi dans l’analyse du rôle commercial des différents établissements thraces présentés ici. Seule l’étude systématique et statistique du matériel et la mise en série des données permettront de parvenir à une véritable typologie de ces établissements.
159Sur le plan formel, on regrettera que les éditeurs n’aient pas pris le soin de faire corriger les nombreuses coquilles et erreurs de langue qui gênent souvent la lecture, ni d’harmoniser les transcriptions des noms de lieux et de personnes. Mais on leur saura gré, surtout, d’avoir réalisé, dans des conditions souvent difficiles, un volume riche d’informations sur l’archéologie balkanique.
160Véronique Chankowski,
161Université de Lille 3, HALMA - UMR 8142,
Domaine du Pont-de-Bois, BP 149,
59653 Villeneuve d’Ascq Cedex.
Garlan Yvon éd., Production et commerce des amphores anciennes en mer Noire, Colloque international organisé à Istanbul, 25-28 mai 1994, par le GDR 830, avec le concours du CNRS, du GDR 1056, de l’Institut français d’Études anatoliennes, du ministère des Affaires étrangères et de l’Université de Haute-Bretagne, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1999, 1 vol. 21 × 30, 288 p.
162Cette présentation des timbres amphoriques thasiens – dits protothasiens et anciens – était attendue ; elle est la bienvenue et on espère désormais que celle des « timbres récents », dont une étude inédite, due à M. Debidour, a été proposée à Lyon 2, en 1999, à l’occasion d’une soutenance d’habilitation, paraîtra bientôt, afin que l’on puisse avoir une vue d’ensemble sur la pratique du timbrage thasien. Le corpus, très soigneusement établi et accompagné de photographies parfaitement lisibles, réunit, à côté des exemplaires trouvés à Thasos même, des timbres recueillis en différents endroits du monde grec, notamment à Athènes et dans les cités de la côte thrace, mais aussi sur tout le pourtour de la mer Noire et dans l’arrière-pays proche. C’est ainsi qu’ont été inventoriés 8 193 timbres – dont dix sur tuiles –, parmi lesquels on dénombre 175 timbres protothasiens et 8 018 timbres anciens. Le corpus est précédé d’une étude substantielle où sont abordées un certain nombre de questions relatives au timbrage thasien ancien, voire au timbrage en général : aspect et composition des timbres, pratique et fonction du timbrage, établissement d’une chronologie relative et absolue, forme et typologie des supports, production et commerce des amphores thasiennes marquées d’un timbre ancien.
163On entend par « protothasiens » des timbres anépigraphes, à emblème, de forme et de taille variables. Quant aux timbres anciens, ils présentent, dans leur grande majorité, à l’intérieur d’un rectangle, le nom ou parfois simplement le symbole d’un magistrat éponyme dont la fonction était annuelle. S’y ajoutent le nom du « fabricant » – un terme commode, mais qui recouvre des réalités sociologiques diverses –, l’ethnique – ce dernier peut parfois manquer – et un emblème imposé au fabricant par le magistrat éponyme. Ce qui rend certaines analyses difficiles, c’est l’existence, à côté d’amphores timbrées, d’amphores non timbrées. Les coefficients de timbrage variant suivant les époques et les ateliers, il n’est pas possible de définir la production annuelle d’amphores thasiennes, pas plus que l’on ne peut arriver à des conclusions assurées sur les volumes des exportations amphoriques thasiennes, comparées aux exportations d’autres centres de production : « Il est vain de vouloir dresser des tableaux comparatifs précisément chiffrés des différentes exportations d’amphores dans le monde grec durant les deux premiers tiers du IVe s. » (p. 84).
164Les développements consacrés au rôle et à la signification du timbrage montrent qu’il n’existe pas encore sur ces questions de réponse assurée. Cette pratique n’était pas liée au contenu, puisqu’on trouve des timbres sur tuiles ; ce n’était pas une garantie de capacité. Pour l’A., le timbrage aurait été la conséquence d’un contrôle fiscal au sortir de l’atelier, mais comment expliquer alors la présence, dans les dépotoirs d’ateliers, d’amphores non timbrées ? En tout cas, toujours selon l’A., les timbres n’étaient pas destinés à être lus ; il s’agissait moins « de les identifier que de les authentifier » (p. 79) ; mais à quoi pouvait servir cette authentification ? On appréciera les quelques pages consacrées aux « amphores anciennes de Thasos » (p. 58-69), illustrées par douze planches de photographies ou de dessins de récipients complets ou fragmentaires. Toutefois, si l’on excepte la catégorie des amphores « protothasiennes », dont l’origine et la forme ont pu être précisées grâce aux fouilles du quartier de la porte du Silène, on ne constate pas, par rapport à la première publication des timbres thasiens par A. M. Bon et A. Bon (Ét. thas., IV, 1957), d’avancée notable en ce qui concerne l’étude typologique des amphores associées au timbrage ancien, toujours réparties entre le type biconique et le type « en toupie », déjà signalés par A. M. et A. Bon. On aurait aimé que la recherche, sur ce point, soit affinée, mettant en évidence d’éventuelles variations de formes entre les ateliers ou de possibles évolutions dans les profils du début à la fin de la période considérée.
165La chronologie du timbrage ancien retiendra davantage l’attention. Le classement des éponymes s’appuie sur différents critères : indications stratigraphiques, association d’éponymes dans les dépotoirs d’ateliers ou dans les rebuts de consommateurs, considérations stylistiques, mais ce classement doit être considéré avec prudence, comme l’A. le souligne lui-même, en raison des nombreuses incertitudes qui pèsent sur les données disponibles. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer la classification proposée ici pour les groupes E, F et G à celle qu’a présentée A. Avram pour les timbres correspondants trouvés à Histria (Histria, VIII, 1996). En ce qui concerne la chronologie absolue, l’A. place le prototimbrage entre la fin du VIe s. et le troisième quart du Ve s. Pour le timbrage ancien, tout dépend en fait du moment auquel apparaissent les timbres récents. S’appuyant notamment sur la date butoir que constitue à ses yeux le camp de Koroni (267-262) et sur le remblai de la période III de la Pnyx, au sujet duquel est adoptée la chronologie basse (330-326), l’A. propose, pour le passage des timbres anciens aux timbres récents, une date autour de 330. Comme une soixantaine d’éponymes anciens ont été reconnus, le début du timbrage ancien se situe donc autour de 390. Il convient alors de le mettre en rapport avec une période de l’histoire thasienne au cours de laquelle, « après la rupture avec Sparte survenue peu après 394, ... s’opéra une réorganisation profonde de la cité thasienne sur de nombreux plans, politique, religieux, économique » (p. 53).
166Or, la fin de l’occupation du camp de Koroni, où ont été découverts quelques timbres thasiens, ne constitue qu’un terminus ante quem qui ne permet en aucune manière d’affirmer que ces timbres sont contemporains des dernières années d’occupation du camp, surtout si l’on se rappelle que le vin thasien était un vin de garde. Les amphores thasiennes, comme les petits vases à boire trouvés in situ et souvent bien antérieurs à la date d’occupation du camp, ont dû très vraisemblablement être réquisitionnées chez l’habitant. Les recherches récentes d’I. Rotroff et surtout de J. McCamp (The Date of the Third Period of the Pnyx, Hesperia, 1996, p. 263-294) conduisent à dater, au plus bas, le remblai III de la Pnyx autour de 340, ce qui oblige à remonter d’autant l’apparition du timbrage récent. Si, enfin, l’on s’en tient aux textes disponibles et si l’on se refuse à inventer des retournements de situation imaginaires, on doit renoncer à cette prétendue mainmise athénienne sur Thasos en 394, envisagée par J. Pouilloux de manière très hypothétique, sur la base d’analyses textuelles pour le moins surprenantes (Ét. thas., III, 1954, p. 193-204), et considérer que Thasos est restée soumise à Sparte entre 404 et 389, date où la cité se libère elle-même en chassant la garnison lacédémonienne et en ouvrant ses portes aux troupes de Thrasybule. Pour une interprétation un peu plus objective de cette période, plus respectueuse des textes, et pour une critique argumentée de la thèse de J. Pouilloux, voir M. Osborne, Naturalization in Athens, II, 1982, p. 48-57 ; voir déjà les objections et mises en garde justifiées et pleinement fondées de Fr. Chamoux, REG, 72, 1959, p. 358, qui apparemment n’ont pas eu, auprès de certains chercheurs, l’audience que, pourtant, elles méritaient. On s’étonne d’ailleurs que l’A., qui a critiqué à plusieurs reprises, et à juste titre, les tendances historicistes de certains spécialistes du timbrage (voir encore p. 52, n. 259), soit tombé dans le même travers, et en se référant, qui plus est, à une phase de l’histoire thasienne inventée de toutes pièces.
167Ainsi, plutôt qu’une fourchette de cinq ans – car finalement l’A., après avoir pourtant proposé de situer vers 330, voire 325 (p. 52-53), le passage des timbres anciens aux timbres récents, avance, sans aucune explication, une datation entre 335 et 330 (p. 53), ce qui conduit par voie de conséquence à placer le début du timbrage ancien v. 395-390 (d’où la référence « historiciste » mentionnée plus haut) –, il vaudrait mieux adopter une fourchette plus large, d’une dizaine d’années (400-390 pour l’apparition du timbrage ancien, 340-330 pour le passage aux timbres récents) ; dans l’état actuel de nos connaissances, rien ne s’y oppose, et l’A. lui-même s’est demandé (voir Un nouveau centre de timbrage amphorique : Ouranopolis, AEMth., 10A, 1997, p. 347-351) si la date 335-330 n’était pas un peu basse. L’idéal serait de pouvoir dater les timbres thasiens à l’année près ; mais, même avec une fourchette d’une dizaine d’années, ceux-ci constituent encore la référence chronologique la plus sûre et la plus précise, comparés aux monnaies et à la céramique. Quoi qu’il en soit, ces remarques sur la chronologie des timbres thasiens ne remettent pas en cause l’intérêt intrinsèque d’un ouvrage dû à l’un des meilleurs spécialistes du timbrage amphorique : par rapport au corpus établi par A. M. et A. Bon, le progrès est ici spectaculaire. La voie est désormais ouverte, et de belle manière, pour la publication des timbres récents de Thasos.
168Yves Grandjean,
169Université de Nancy 2,
3, place Godefroy-de-Bouillon,
BP 3397, 54015 Nancy Cedex.
Sporn Katja, Heiligtümer und Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit (Studien zu antiken Heiligtümern, 3), Heidelberg, Archäologie und Geschichte, 2002, 416 p., 30 pl. h. t.
170Le livre de Katja Sporn est la publication de sa thèse dirigée par le Pr Angelos Chaniotis et présentée à l’Université Ruprecht-Karls de Heidelberg en 1997-1998. Il constitue le troisième volume de la série Studien zu antiken Heiligtümern, dirigée, depuis 2001, par le Pr Tonio Hölscher.
171Ce travail, résultat d’une recherche approfondie et minutieuse, présente en deux grandes parties le monde sacré de l’île de Crète. L’A. n’aborde pas la question de l’origine de la religion en Crète, ni de la continuité ou de la rupture entre l’époque minoenne et les temps plus récents, mais, comme son titre l’annonce clairement, elle étudie les sanctuaires et les cultes crétois tels qu’ils se présentent aux époques classique et hellénistique. Dans son introduction, elle présente son choix et sa méthode, expliquant que la Crète est un univers clos qui évolue en dehors des grands événements du monde grec, formant ainsi une sorte d’unité qu’on peut étudier dans son ensemble malgré les diversités politiques, culturelles et cultuelles locales. Elle constate que, malgré la multitude d’études particulières consacrées à ce domaine, il manque toujours une étude de synthèse ; elle se propose donc de donner une présentation de l’ensemble en utilisant toutes les sources disponibles, ce qui contribue à la valeur de ce travail : on y voit défiler non seulement les sources littéraires, archéologiques, numismatiques et iconographiques, mais aussi la toponymie, les noms des tribus crétoises, les épithètes des dieux et même les récits des voyageurs du XVe au XXe siècle. L’A. connaît bien les publications et les recherches modernes sur le sujet, qui sont toutes présentées, à quelques exceptions près.
172La première partie, sur la topographie des villes et des sanctuaires (p. 35-318), est la plus longue puisqu’elle offre une description détaillée de tous les sanctuaires et cultes de l’île, présentés dans un ordre géographique. Le premier chapitre (p. 35-110) présente la Crète orientale, avec les cités d’Itanos, Praisos, Hiérapytna, Malla, Istron, Latô, Olonte, Dréros, Milatos, Katô Symi Viannou, Biannos, Priansos, Arkadès, Lyttos, Chersonèse, Astritsi-Ariaioi (?). Le deuxième chapitre (p. 111-223) concerne la Crète centrale, avec les cités de Cnossos, Hérakleion, Éltynie, Lycastos, Rhaucos, Tylissos, Aghia Pelaghia-Apollonia (?), Gortyne, Rhytion, Lébéna, Lasaia et Phaistos. Enfin, le troisième chapitre (p. 224-318) étudie la Crète occidentale, avec les cités d’Axos, Éleutherna, Rithymna, Sybrita, Melambès-Korion (?), Lappa, Anopolis, Aradéna, Phœnix, Aptère, Cydonia, Polichna, Polyrrhénia, Allaria, Keraia, Moda, Phalasarna, Hyrtakina, Élyros, Lissos et Tarrha. La description de tous ces sites est fort détaillée, et est complétée par des notes de bas de page, très riches. Pour chaque cité, l’A., après une introduction, décrit les lieux de cultes urbains, suburbains et ruraux, ainsi que les divinités qui y sont honorées. Elle essaie de situer ces cultes dans le temps, de comprendre leur fonction dans la cité, de distinguer les cultes urbains des cultes ruraux ; enfin, elle examine les cultes communs. Mais, étant donné la pauvreté des informations, due surtout à l’absence de fouilles, l’A. n’a pas toujours la possibilité de décrire avec précision le plan du sanctuaire étudié, ou de conclure avec certitude sur le type de culte dont il s’agit. Dès lors, elle désigne par la lettre « d » les cultes douteux, par « w » les probables, par « m » les possibles. Ceux qu’elle considère comme sûrs n’ont pas de lettre. Le tableau 1 (p. 376-377) résume pour chaque cité les divinités honorées, et le tableau 19 (p. 392-395) présente l’ensemble des sites crétois avec leurs lieux de culte et leur situation dans la ville, les trouvailles et les divinités associées, et leur datation.
173La deuxième partie, appelée « systématique » (p. 319-373), nettement moins importante, reprend les divers aspects de la religion détaillés dans la première partie, pour les présenter d’une manière synthétique. Dans un premier chapitre sur les dieux de Crète et leur culte (p. 319-343), sont présentées, par ordre d’importance, toutes les divinités attestées, en commençant par Zeus, Apollon et Athéna pour aboutir aux divinités étrangères, aux cultes mineurs et aux personnifications de Nikè et de Tychè. On remarquera l’absence de certaines divinités comme Héphaïstos. À ce chapitre correspondent 17 tableaux (p. 378-391), donnant pour chaque divinité ses lieux de culte, ses épithètes et la source d’information. Le deuxième chapitre sur les sanctuaires (p. 343-356) reprend la description des différents types de constructions, temples, autels, etc., et donne dans un second temps un aperçu complet et une classification des types de trouvailles mises au jour dans ces lieux sacrés. Enfin, un troisième chapitre sur les poleis, leurs habitats et leurs sanctuaires (p. 356-370), discute la situation des sanctuaires par rapport à la ville, la fonction des cultes, l’administration des sanctuaires, les sanctuaires privés, les fêtes et les sacrifices. L’A. termine par un aperçu historique, qui n’apporte cependant rien de nouveau à nos connaissances.
174Les 30 planches de la fin du volume présentent des cartes, des plans et quelques objets. C’est une documentation plutôt pauvre par rapport à la richesse des sources archéologiques, mais elle peut s’expliquer par la pauvreté des publications et les contraintes liées aux droits de reproduction.
175L’A. aurait pu inclure dans son étude les sanctuaires de l’époque archaïque, qu’elle mentionne d’ailleurs systématiquement. Le tableau, alors plus complet, aurait permis, comme elle le précise dans son introduction, de mener une étude approfondie sur l’origine des cultes. On constate que l’A. aboutit parfois à des conclusions sans présenter des arguments, et qu’elle est peu attentive dans l’utilisation de certains termes, notamment en ce qui concerne « ville » et « cité », les notions correspondantes n’étant guère distinguées dans le livre. Par ailleurs, l’organisation de l’ouvrage, peu claire, n’en facilite pas la consultation : un renvoi systématique aux notes, très nombreuses, et l’absence d’index complet rendent la lecture et la recherche parfois ardues.
176La réussite de l’A. tient à l’exploitation d’un énorme matériel, avec pour ambition de présenter les sanctuaires et les cultes de l’ensemble de la Crète, ce qui n’est pas facile : malgré l’étendue limitée de l’île, on est confronté à une grande diversité régionale et à la multiplicité des sources. L’A. réussit néanmoins à nous donner un aperçu complet, offrant ainsi un nouvel outil indispensable à qui veut étudier la Crète classique et hellénistique.
177Daphné Gondicas,
178Université du Littoral-Côte d’Opale,
Centre universitaire du Musée,
Département d’histoire,
34, Grande-Rue, BP 751,
62321 Boulogne-sur-Mer.
Eretria, XII, Ausgrabungen und Forschungen : Mekacher Nina, Matrizengeformte hellenistische Terracotten, Mareck Palaczyk, Esther Schönenberger, Amphorenstempel, Grabungen, 1964-2001, Gollion, In-folio Éditions, 1 vol. 22 × 30, 234 p., pl. ds t.
179Ce volume de la collection Eretria, qui publie les résultats des fouilles menées sur le site d’Érétrie par l’École suisse d’Archéologie en Grèce, est consacré à la fois aux figurines hellénistiques, présentées dans la première partie de l’ouvrage, qui constitue aussi la plus importante (p. 9-162), et aux timbres amphoriques qui font l’objet de la deuxième partie (p. 163-233).
180Dans la première partie sont publiées toutes les figurines en terre cuite de la deuxième moitié du IVe siècle et du IIIe siècle av. J.-C., issues des fouilles effectuées entre 1964 et 1994, soit un lot de 192 pièces. Le chapitre I dresse un bilan des recherches antérieures sur les figurines en terre cuite moulées découvertes à Érétrie depuis la fin du XIXe siècle, et insiste essentiellement sur les difficultés rencontrées par les chercheurs et spécialistes pour prouver l’existence d’une production locale et définir les caractéristiques du style des figurines érétriennes, qui visiblement se distinguent assez mal des productions des ateliers béotiens, tant ces dernières sont proches, aussi bien d’un point de vue typologique et stylistique que technique. Le chapitre II présente rapidement les processus de fabrication et de production des figurines en terre cuite, en se référant, pour la plupart des termes techniques, aux travaux de R. V. Nicholls (BSA, 47 [1952], p. 217) et d’A. Muller (REA, 95, 1993, p. 163-189, et Le moulage en terre cuite dans l’Antiquité, 1997, p. 437-460). Toutes les figurines étudiées sortent d’un moule simple, en général sans abattis, et sont fermées à l’arrière, parfois en dessous, par une plaque modelée qui peut être percée ou non d’un évent. L’A. énonce alors les principes du moulage et du surmoulage ainsi que ses conséquences à la fois sur l’organisation de la production (diffusion rapide des moules, d’où constitution d’un répertoire typologique commun à de nombreux sites) et sur les recherches actuelles en coroplathie antique (difficultés pour déterminer l’origine des types, du fait de leur large diffusion, et pour dater les figurines, dans la mesure où les moules peuvent être utilisés sur une période plus ou moins longue). Le chapitre III comprend le corpus, accompagné par quelques réflexions sur la méthode utilisée pour l’étude et le classement des objets, et sur le problème de la définition des ateliers locaux. L’A. adopte la méthode appliquée par A. Muller, qui consiste à classer les figurines en fonction de leurs caractéristiques de production (définition des types et reconstitution des séries, avec mise en évidence de générations successives, de l’utilisation de moules parallèles et l’existence de variantes) et de facture (traitement des croûtes, forme des évents, retouches, qualité des terres). Quatre groupes ont ainsi pu être définis, chacun reflétant l’activité d’une même unité de production : l’observation des argiles, complétée par des analyses chimiques et minéralogiques effectuées par Y. Gerber et présentées en appendice, ainsi que la nature des thèmes représentés ont amené l’A. à la conclusion que les figurines des groupes 1 et 2, et peut-être celles du groupe 3, étaient de fabrication locale, tandis que celles du groupe 4 seraient attiques. Les terres cuites du groupe 2, dont les plus anciennes dateraient de la fin du IVe siècle, viennent en outre confirmer une hypothèse qui avait déjà été suggérée par I. R. Metzger (Eretria, VII, 1985) : l’existence d’une production locale antérieure au milieu du IIIe siècle. Ces groupes sont suivis d’un ensemble d’objets importés. À l’intérieur des groupes, les figurines sont classées par thèmes, puis selon leur type technique. Les pièces isolées sont présentées après les séries. Au début de chaque groupe, l’A. présente les caractéristiques de facture puis donne, pour chaque série étudiée, une liste des occurrences des mêmes types connues à Érétrie et ailleurs, ou, à défaut, des parallèles les plus proches, un tableau des dimensions qui met en évidence l’existence ou non de générations et de moules différents, et enfin un commentaire sur les caractéristiques de production. Pour chaque pièce publiée, sont fournies les indications suivantes : lieu de provenance, datation, dimensions, état de conservation et description technique. Toutes les figurines sont illustrées par une ou plusieurs vues à l’échelle, réparties sur 45 planches, précédées de 7 plans (ville, quartiers et maisons) qui situent les contextes de découverte. Le chapitre IV, qui aborde la question de la signification et de la fonction des figurines, s’ouvre sur une étude, iconographique, stylistique et statistique, des différents thèmes représentés. Sur l’ensemble des figurines, 80 % reproduisent des thèmes tanagréens, parmi lesquels les représentations féminines sont largement majoritaires (60 % de fillettes, de femmes drapées, de danseuses), les figurines masculines (garçonnets et adolescents) ne constituant qu’un quart du lot. Les autres thèmes comprennent des sujets mythologiques (11 %), des figurines articulées (3 %), des animaux (3 %) et, enfin, des représentations théâtrales (1 %). L’analyse s’affine ensuite en prenant en considération les différents contextes de découverte. La plupart des figurines ont été recueillies dans les maisons, d’autres faisaient partie de petits ou de grands dépôts, tandis qu’un petit nombre d’entre elles provient de contextes variés (tombe 25, bastion de l’acropole, porte Ouest, canalisation...). Les conclusions de cette étude statistique retiennent d’emblée l’attention. La comparaison des lots révèle en effet des différences importantes des points de vue technique et iconographique. Deux ensembles se constituent d’un côté : les terres cuites provenant des quartiers d’habitations, plus grandes et de meilleure qualité ; de l’autre, celles des dépôts et du « Thesmophorion », nettement plus petites et de qualité très moyenne. Si les sujets mythologiques (33 %), en particulier ceux qui renvoient à la sphère de Dionysos, occupent, à côté des dames drapées (34 %), une place non négligeable parmi les premières, les secondes sont essentiellement des représentations féminines (55 % de femmes et fillettes dans les grands dépôts, 70 % dans les petits et 92 % dans le « Thesmophorion ») et de garçonnets (27 % dans les grands dépôts et 26 % dans les petits), les thèmes mythologiques étant presque ou totalement absents (0,7 % dans le « Thesmophorion », 9 % dans les grands dépôts et aucun dans les petits). Un petit chapitre récapitulatif clôt cette première partie de l’ouvrage.
181La seconde s’intéresse aux timbres amphoriques trouvés entre 1965 et 2001. Une brève introduction rappelle tout d’abord l’importance de ces objets, à la fois pour l’histoire économique, pour les relations commerciales entre cités, et aussi pour la datation des contextes archéologiques, puis renvoie aux différents travaux sur lesquels l’A. s’est appuyé pour l’étude de ce matériel et l’établissement du corpus. Suit un chapitre de présentation générale sur les timbres, qui annonce en quelque sorte le catalogue (chap. III). Ce dernier rassemble 219 timbres appartenant pour la plupart à des amphores qui ont été importées à Érétrie entre le deuxième quart du Ve siècle et 88 av. J.-C., le timbre le plus ancien provenant de Thasos (timbre protothasien), et la majorité datant des IIIe et IIe siècles. Plus de la moitié des timbres sont cnidiens (117 ex.), 25 sont rhodiens, 24 chiotes, 20 thasiens, 8 du groupe de Parmeniskè. Trois proviennent de Kos, un seul respectivement d’Ikos, d’Érétrie, de Paros et de Sinope. Dix-huit, enfin, sont d’origine indéterminée. Pour chacun de ces groupes, l’A. propose un classement chronologique des objets, précise les contextes archéologiques, et renvoie parfois aux mêmes types de timbres qui ont été mis au jour en dehors d’Érétrie. L’A. met ensuite en évidence le caractère original des timbres amphoriques trouvés à Érétrie, en comparant les pourcentages de timbres importés des différents centres de production évoqués ci-dessus, à Érétrie et dans d’autres sites de consommation. Il apparaît par exemple que les amphores thasiennes, surtout exportées dans le Nord et dans la région du Pont, sont particulièrement nombreuses à Érétrie, alors qu’elles sont plutôt rares dans le Sud et même à Athènes. Inversement, les timbres rhodiens, présents en grande quantité sur la plupart des sites (environ 60 % à Athènes, 70 % à Pergame et plus de 80 % à Tanaïs), sont sous-représentés à Érétrie. Cnide est l’un des grands centres exportateurs, mais son aire de diffusion semble avoir été limitée au Sud de la Grèce. Il faut également souligner le nombre important des timbres chiotes, nombreux aussi à Pergame, mais peu fréquents ailleurs (moins de 1 % à Athènes par ex.) : l’A. évoque le problème du prix du vin de Chios pour expliquer le phénomène, à moins qu’un grand nombre d’amphores chiotes exportées aient été non timbrées. En conclusion de cette trop brève analyse, il semblerait qu’Érétrie, à la différence de nombreuses autres cités, en particulier d’Athènes, pourtant proche, ait noué des contacts commerciaux essentiellement avec les centres du Nord de la Grèce. La présentation des timbres se termine avec le catalogue illustré par 14 pl., dont les 4 premières donnent le profil, à échelle 1/2, de certaines des anses timbrées, et les 10 suivantes reproduisent, à l’échelle, tous les timbres publiés. Ces derniers ont été classés en fonction de leur lieu de provenance, puis, dans un ordre chronologique, et enfin selon le nom de l’éponyme et du fabricant. Chaque groupe est introduit par un bref exposé sur la bibliographie disponible, sur les caractéristiques des timbres et leur aire de diffusion. La présentation de chaque pièce suit rigoureusement le même schéma : numéro d’inventaire, contexte de la découverte, dimensions, couleur de la terre, reproduction graphique du timbre avec inscription et / ou attribut, ainsi qu’un commentaire sur le type et sa diffusion, avec renvois bibliographiques. Plusieurs index, enfin, facilitent la consultation du catalogue.
182Les deux études présentées dans ce livre, qui s’articulent autour d’un corpus d’objets rigoureusement établi et illustré par des planches de bonne qualité, devraient fournir d’intéressants éléments de réflexion et de comparaison aux spécialistes travaillant dans les deux disciplines concernées.
183Stéphanie Huysecom,
184CNRS, HALMA-UMR 8142, Lille III,
Domaine du Pont de Bois,
BP 149,
59653 Villeneuve d’Ascq Cedex.
Rousset Denis, Le territoire de Delphes et la terre d’Apollon (BEFAR, 310), Athènes, EFA / Paris, Diffusion De Boccard, 2002, 1 vol. 21 × 30, XIV + 348 p., 29 fig. h. t.
185Denis Rousset publie, ici, une importante étude qui reprend les deuxième et troisième parties de sa thèse de doctorat, Territoires et frontières en Locride et en Phocide. Il veut répondre à une interrogation ancienne des spécialistes de Delphes, rappelée par G. Daux en 1936 : « Dans une question tout aussi élémentaire et fondamentale, celle de la différence entre le territoire sacré et le territoire de Delphes, nous en sommes réduits à l’incertitude la plus complète. » Pour mener à bien cette étude de la géographie politique et du statut des terres à Delphes et autour de Delphes du VIe s. av. J.-C. jusqu’à l’époque impériale, l’A. commence par situer et présenter les cités et les territoires limitrophes de Delphes et de la terre d’Apollon. C’est donc, d’abord, une étude de géographie historique qui permet de dresser le tableau de l’occupation des chôrai, de savoir ce que furent les campagnes autour de Delphes. Il présente, d’abord, les noms de cités (Locride, Étolie, Phocide), dont la diversité est bien résumée par le tableau de la p. 39, puis cherche à déterminer la localisation des centres urbains, avant d’étudier les campagnes autour de Delphes et de dresser la liste des sites qu’on y rencontre, reportés sur la carte fig. 2. Cette étude ne prétend pas correspondre à une analyse détaillée de l’occupation et de l’exploitation des terres, ni à une histoire des paysages et de l’environnement, qui ne pourront se réaliser que collectivement.
186La deuxième partie est consacrée aux frontières de Delphes et aux limites de la hiéra chôra, à travers la réédition et le commentaire détaillé d’inscriptions. La confrontation entre les différents documents, la comparaison entre les délimitations successives permettent de progresser dans l’édition des textes, dans l’interprétation chronologique et topographique, dans l’établissement de la carte des tracés frontaliers. Dans le chap. IV, D. Rousset étudie et commente avec soin les inscriptions relatives aux frontières de Delphes et aux limites de la terre sacrée. Il s’agit d’inscriptions des IIe-Ier s. av. J.-C. ou d’époque impériale : décrets de ca 179 av. J.-C. qui comprennent le décret de la cité de Delphes en l’honneur d’arbitres rhodiens et le décret en l’honneur d’un Athénien ; l’arbitrage athénien de ca 140 av. J.-C. ; la délimitation de la terre sacrée de ca 117 av. J.-C. ; les décisions de C. Avidius Nigrinus (ca 110 apr. J.-C.) et autres inscriptions du IIe siècle apr. J.-C. Il fait, ensuite, une étude chronologique et institutionnelle des arbitrages et délimitations (chap. V) présentés dans le chap. précédent, avant de définir les frontières de Delphes, les limites de la terre sacrée et de s’arrêter sur la géographie des confins.
187L’analyse des délimitations conduit D. Rousset à considérer comme distincts le territoire de la cité de Delphes, habité et cultivé, et la terre consacrée à Apollon, frappée d’interdits. Il s’efforce, ensuite, de préciser cette distinction, en examinant les statuts respectifs des différentes catégories de terres, terres sacrées, terres privées, terres publiques. Pour chaque catégorie de terres, il a rassemblé et commenté les sources disponibles, témoignages littéraires et épigraphiques. Après avoir présenté ce tableau des différentes catégories de terres qui existaient autour de Delphes, il examine le nœud du problème territorial et foncier à Delphes, les donations et restitutions faites en 191/190 av. J.-C. « au dieu et à la cité », et tente de retracer comment, à l’époque impériale, la terre consacrée à Apollon a fini, semble-t-il, par se fondre dans le territoire de la cité.
188D. Rousset fournit, par cet ouvrage, une contribution remarquable en vue de résoudre un problème qui était resté sans réponse depuis un siècle à Delphes même. Cette brillante étude est réalisée après une minutieuse enquête topographique que l’A. a menée, de 1989 à 1993, en compagnie de Jacques Ouhlen, en Locride et en Phocide ; elle révèle également une excellente maîtrise de l’épigraphie et l’A. a le mérite de fournir une traduction accessible à tous les lecteurs des textes qu’il commente. Il reste à souhaiter qu’il puisse, prochainement, consacrer une étude plus large à la question des délimitations de territoires entre États grecs, dont le IIe siècle av. J.-C. fournit bien des exemples, coïncidant avec l’intervention de Rome dans les affaires grecques.
189Pierre Cabanes,
190Émérite de l’Université de Paris X - Nanterre,
3, rue Saint-Hérem,
63000 Clermont-Ferrand.
Marc Jean-Yves, Moretti Jean-Charles éd., Constructions publiques et programmes édilitaires en Grèce entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C., Actes du Colloque organisé par l’École française d’Athènes et le CNRS, Athènes, 14-17 mai 1995 (BCH, Suppl. 39), Athènes, EFA / Paris, Diffusion De Boccard, 2001, 1 vol. 18,5 × 24, VIII + 587 p., fig. ds t.
191Le cadre géographique et les thèmes directeurs du colloque dont nous avons ici les Actes sont aisés à définir : une période charnière, la fin de la Grèce hellénistique ; un microcosme, celui de la Grèce propre ; l’établissement et l’illustration, dans l’architecture urbaine, des nouvelles structures et fonctions de l’État, où s’affirme l’influence de Rome. Les vingt-quatre communications publiées sont organisées en trois parties, selon une progression quantitative : on commence par les éléments constitutifs du décor architectural (sols et toits), on passe par l’étude d’édifices diversement caractérisés et individualisés (fontaines, temples, théâtres), et l’on aboutit à une vision d’ensemble de la topographie et de l’urbanisme civiques. Pour pallier l’impression de disparate que donne inévitablement une conception aussi ouverte du thème général, chaque partie est précédée d’un rapport de synthèse. L’introduction de F. Millar (p. 1-11) insiste sur l’importance de quelques documents récemment publiés et indique des pistes pour la recherche, de Strabon à Rostovtzeff. Le second rapport de synthèse, dû à P. Marchetti (p. 137-154), évoque bon nombre de sites (dont certains n’ont pas été étudiés au colloque, tel Messène) et d’acteurs (Agrippa) de l’architecture édilitaire. Enfin, le rapport de P. Gros (p. 287-399) analyse les programmes monumentaux (théâtres, thermes), l’activité des équipes augustéennes et le traitement de l’héritage culturel hellénistique.
192Comme il arrive dans les comptes rendus de colloques, il est impossible de concilier la brièveté nécessaire et l’exhaustivité souhaitable. J’ai choisi de ne « sauter » aucune communication, quitte à n’en donner qu’une vision réductrice. Que le lecteur, et surtout les auteurs, me pardonnent.
193Plusieurs communications se présentent comme un état de la recherche sur un thème, un monument ou un site donné. On rangera dans cette catégorie l’étude de M. Medri (p. 15-40) sur l’opus caementicium à Olympie, qui donne des critères de définition et de datation ; et celle d’A.-M. Guimier-Sorbets sur le décor des sols (p. 41-59), avec un essai de caractérisation des monuments publics, qui offrent un décor différent de celui des demeures privées. Le long article d’A. Badie et M.-F. Billot sur le décor des toits en terre cuite (p. 61-134) se présente comme la suite de l’étude sur les toits de pierre parue dans le BCH de 1997. C’est un catalogue raisonné, très complet bien qu’il se dise sélectif, et appelé à devenir la référence pour les trouvailles passées et futures. Les A. restent à juste titre prudents dans leurs propositions typologiques et chronologiques (« aucun style d’époque ne se définit sûrement, aucune esthétique régionale, aucune “évolution” » [p. 86]).
194Plusieurs études portent sur des bâtiments considérés individuellement. On doit à S. Walker et G. B. Waywell une mise au point sur le théâtre de Sparte au début de l’époque impériale (p. 285-295) ; Th. Hagn étudie le Tycheion d’Aigeira (p. 297-311) ; A. Martin et O. Schauer, des édifices d’Olympie (p. 314-322 et 323-328) ; M. Livadiotti et G. Rocco, le sanctuaire d’Asclépios, Hygie et Homonoia à Cos (p. 371-384).
195Deux communications portent sur Délos : Cl. Hasenohr fait le point sur ses recherches dans le secteur de l’agora des Compétaliastes et plus généralement sur les collèges des Italici (p. 319-347). Sur ce point, on se reportera désormais aux Actes du Colloque Les Italiens dans le monde grec, Paris, 14-16 mai 1998 (BCH, Suppl. 41), 2002. J.-Ch. Moretti, dans la logique de son identification du gymnase de l’Indépendance avec la Palestre du Lac, étudie (p. 349-370) le stade et les xystes, et est amené à supposer qu’il a existé un « xyste de l’Indépendance » dans le voisinage. Reste à le découvrir.
196Trois communications traitent de bâtiments influencés par Rome. S. Agusta-Boularot (p. 167-236) s’attache aux fontaines monumentales. Elle met en évidence une « renaissance monumentale » des fontaines à l’époque impériale, en relation avec l’exaltation du pouvoir du souverain. G. Sauron, étudiant de façon détaillée les Propylées d’Appius Claudius Pulcher à Éleusis (p. 263-283), développe une interprétation liée à la cosmologie de l’époque et à sa traduction dans les motifs décoratifs. Par ex., dans les griffons végétalisés en acanthe qui ornent les chapiteaux, il voit l’expression du désordre cosmique originel. L’art néo-attique traduirait ainsi « les contradictions idéologiques de la noblesse romaine à la fin de la République » et une « spiritualité de combat (...) caractéristique d’une époque où les Grecs disposaient de la totalité des moyens d’expression et les Romains de la totalité du pouvoir ». Il s’agit, on le voit, de donner du sens à un art dont l’exubérance est souvent traitée comme pure virtuosité. Enfin, dans la seule communication qui traite de Delphes, et dans un registre non dépourvu d’humour noir, A. Jacquemin (« De la méconnaissance à l’abus du sanctuaire : l’apprentissage de la Grèce par les chefs de guerre romains », p. 155-165) montre la diversité de comportement des généraux romains qui se manifestent, à Delphes et à Délos, « par la présence ou par le vide », c’est-à-dire par l’offrande, personnelle ou suscitée, ou par le pillage. C’est probablement « hors sujet » au sens strict du terme, mais c’est loin d’être sans intérêt.
197La dernière partie du volume est consacrée, on l’a dit, aux programmes urbanistiques de caractère public. Elle nous emmène d’Athènes à Gortyne en passant par Corinthe, Argos, la Macédoine et Thasos. Cela ne va pas sans lacunes, et l’on peut regretter l’absence d’exposé sur Philippes (P. Gros, p. 391). Pour ce qui est d’Athènes, P. Baldassari (« Lo specchio del potere, programmi edilizi ad Atene in età Augustea », p. 401-425) enchaîne avec rigueur les perspectives politiques liées aux travaux sur l’Acropole, à l’Olympieion et à l’Agora. Dans un exposé dense sur la colonie de Corinthe, X. d’Hautcourt (« Corinthe, financement d’une colonisation et d’une reconstruction », p. 427-438) passe en revue les opérations de rénovation (quadrillage des rues, constructions) et leur financement (gratuité des terres, argent public, familles influentes). Il n’y a pas lieu, je crois, d’hésiter sur l’identité de l’Euryclès qui a fondé les thermes (p. 431 et n. 49) : le contemporain d’Auguste n’est pas en cause, et il s’agit bien, comme l’a dit Spawforth, du sénateur contemporain d’Hadrien. C’est donc un télescopage chronologique que d’écrire que la famille des Euryclides exerçait son influence à Corinthe « parallèlement au pouvoir qu’Euryclès exerçait à Sparte » (p. 434).
198Traitant d’Argos, P. Aupert revient sur le Sarapieion (p. 439-454) auquel il a déjà consacré plusieurs études, en insistant sur les influences romaines sensibles dans l’appareil et les colonnes d’arcades libres. P. Marchetti (« Le substrat dorien de l’Apollon Palatin, de Rome à la Grèce et vice versa », p. 455-471) tente d’établir un lien culturel entre l’Apollon Karneios de Sparte / Amyclées et l’Apollon romain du Palatin. Il passe pour cela par l’intermédiaire de l’Apollon Agyeus, qui jouerait le rôle d’interface. La démonstration ne me convainc pas. Apollon Agyeus est bien, comme l’écrit P. M., un bétyle aniconique, mais Karneios est l’épiclèse d’un Apollon bélier, comme le montrent l’étymologie (Karnos / Krios) et l’iconographie (hermès-béliers retrouvés en Laconie).
199L’implantation de communautés romaines en liaison avec la Via Egnatia et les programmes édilitaires qui y sont liés sont évoqués par M. Vitti (p. 474-491). L’étude de J.-Y. Marc sur l’agora de Thasos (p. 495-516) est très éclairante. Retraçant son évolution architecturale, il s’efforce d’évaluer l’importance relative des programmes successifs. Le passage de l’agora ouverte, classique, à l’agora fermée est chose faite au Ier siècle av. J.-C., et l’époque impériale n’apporte pas de grandes modifications. Enfin, A. Di Vita montre à propos de Gortyne (p. 517-525) comment la cité romaine ne recouvre pas, mais se juxtapose à la ville hellénistique, avec pour conséquence que Gortyne devient l’appendice d’une grande neapolis.
200C’est A. D. Rizakis qui a tiré les conclusions du colloque (p. 527-535). Après avoir rappelé l’importance des deux dates charnières (146 av. J.-C. et Actium), il souligne que, dès le début, les empereurs cessent de favoriser l’émiettement politique, et, avec la création de koina, développent à la fois les entités provinciales et les chefs-lieux de régions. À partir des Flaviens, une nouvelle hiérarchie sociale se met en place et rivalise avec l’ancien « establishment » (je ne suis pas sûr qu’on puisse écrire que ce dernier « cède la place » [p. 531] : les Euryclides, dont il a déjà été question, se maintiennent au premier rang sous les Antonins). Mais le trait le plus frappant est la lenteur de la romanisation culturelle : modes et courants romains restent longtemps, dans les cités grecques, des phénomènes marginaux.
201Ce volume, dans sa diversité, est heureusement muni d’indices. Tel qu’il est, il offre une utile série de rapports d’étapes et de synthèses partielles. Les éditeurs reconnaissent que les délais de publication ont été trop longs, et donnent avec probité l’essentiel de la littérature parue entre-temps (p. VIII, n. 5 et 6). Cela ne doit pas dissuader de consulter ces Actes. On y trouvera presque toujours des pistes fécondes et des mises au point valables.
202Christian Le Roy,
203Émérite de l’Université de Paris I,
2, rue Alphonse-Daudet,
75014 Paris.
Damaskos Dimitris, Untersuchungen zu hellenistischen Kultbildern, Stuttgart, Franz Steiner, 1999, 1 vol. 17 × 24, XIV + 363 p., 8 pl. h. t.
204Coup sur coup ont paru deux dissertations allemandes sur les statues de culte à l’époque hellénistique, celle de D. Damaskos, à Berlin en 1999, après celle de E. Faulstich, à Fribourg-en-Brisgau, en 1997 (Hellenistische Kultstatuen und ihre Vorbilder). Damaskos passe en revue un bon nombre de statues de culte, subsistantes ou connues de manière indirecte, en les classant par ordre topographique en deux grandes catégories, les statues de divinités traditionnelles et les statues de rois et reines divinisés. Il ne prend en considération que les statues liées à un culte civique (p. 2, n. 5) et limite son propos à la Grèce propre, avec l’Archipel grec, et à la côte de l’Asie Mineure, ce qui est compréhensible, vu l’ampleur de la matière étudiée, mais on ne peut suivre D. quand il invoque le caractère « disparate » des témoins conservés dans le cœur des royaumes lagide et séleucide pour les exclure du champ de son étude (p. 2) : l’argument vaudrait tout aussi bien pour les œuvres ici rassemblées. L’ouvrage est clairement présenté, avec de rares coquilles (p. 147, « begünden » au lieu de « begründen ») ; l’illustration aurait pu être plus abondante, mais les contraintes liées à la publication ont sans doute leur part de responsabilité en la matière. On attendrait aussi une mention systématique des lieux de conservation et numéros d’inventaire des fragments considérés, ce qui aurait permis d’ajouter aux index des sources et des noms un index muséographique, toujours apprécié.
205La démarche suivie dans ce catalogue topographique se retrouve avec constance : D. présente d’abord l’état de la question, puis avance un point de vue qui se termine très souvent sur une suspension du jugement. On louera l’A. de cette prudence, qui a le mérite de mettre en doute des opinions reçues. Je regrette seulement que les interrogations nuancées qui tiennent le plus souvent lieu de conclusion soient précédées de déclarations péremptoires qui font attendre un jugement définitif. Dans quelques cas, D. a eu le mérite de fouiller la question en examinant de très près les circonstances de la trouvaille. Il a pu ainsi retrouver dans les réserves du musée de Bergama quelques vestiges des effigies qui accompagnaient dans le temple d’Héra la statue où l’on reconnaît souvent un Zeus ou un Attale II divinisé (p. 137-149, fig. 10-14). Par des voies différentes de celles que j’ai suivies dans une étude sur les portraits des Attalides, D. aboutit à la même identification comme Attale Ier de cette statue en pied. On appréciera aussi les pages consacrées à l’examen du fragment de l’Héraclès de Cléonai, identifié par G. Despinis (p. 20-22, fig. 2).
206Pour l’auteur du groupe cultuel de Ténos, D. aboutit à un non liquet (p. 74-79). J’avais, à la suite de P. Graindor, reconnu un reflet du groupe de Télésinos, de la haute époque hellénistique, dans les images d’un Poséidon et d’une Amphitrite reproduites sur des monnaies du début du IeR siècle apr. J.-C. D. fait observer à juste titre que le temple de Poséidon et d’Amphitrite a connu deux états et que le groupe cultuel a peut-être été remplacé. Je ne crois pas cependant que l’on puisse être certain que le groupe de Télésinos ne puisse être reproduit sur ces monnaies à cause du type statuaire qui trahirait une date de la basse époque hellénistique : c’est faire une confiance excessive à des a priori de la critique stylistique. Un argument que j’avançais, et qui me paraît toujours valable, n’est en revanche pas pris en considération par D. : Clément d’Alexandrie, grâce à qui l’on connaît l’attribution du groupe à Télésinos, cite des statues cultuelles qui étaient encore en honneur de son temps. Autre exemple d’une confiance trop grande apportée à l’analyse stylistique et d’un scepticisme qui verse dans l’hypercritique, la discussion sur la tête colossale du Dôdékathéon délien (p. 80-84). Il ne sert à rien d’envisager des hypothèses d’école contredites par les circonstances de la trouvaille : la statue n’a pu être exposée à l’extérieur du temple, sur une base à l’air libre, car elle était forcément à l’abri ; elle n’a pu non plus se dresser dans la cella sur une autre base que celles des statues cultuelles, car il n’y en a pas d’autre comparable (p. 83). Mais, surtout, pourquoi cette tête est-elle forcément de la fin de l’époque hellénistique ? D. aurait pu envisager l’hypothèse d’une effigie d’Alexandre, quand on sait que le Macédonien était qualifié de « treizième dieu » par l’orateur Démade. À cet égard, l’étude de B. Schmidt-Dounas sur les divinités synnaoi ne mérite pas les critiques que lui adresse D.
207L’étude de D. se recommande par son caractère minutieux. Sur un sujet encore mal connu, il offre une série de mises au point qui rendent compte de l’état de la documentation, notamment sur les questions épineuses liées à des sculpteurs hellénistiques comme Damophon ou Polyclès et sa famille. On sera reconnaissant à l’auteur d’avoir fait œuvre utile en apportant des éclaircissements sur un genre statuaire dont l’appréhension est rendue difficile par l’état des restes conservés et par des problèmes de chronologie.
208François Queyrel,
209École pratique des Hautes Études,
Sciences historiques et philologiques,
45, rue des Écoles,
75005 Paris.
Luca (De) Gioia, Radt Wolfgang, Pergamenische Forschungen, 12, Sondagen im Fundament des Grossen Altars, DAI, Berlin, Walter de Gruyter, 1999, 1 vol. 24 × 31,5, XXIV + 128 p., fig. ds t., 25 pl., 16 Beilage h. t.
210Ce volume des Pergamenische Forschungen présente l’état des connaissances sur le monument le plus célèbre de Pergame, qui a fait l’objet, après le début des fouilles allemandes en 1878, d’une publication dans la série des Altertümer von Pergamon, pour l’architecture en 1906, par J. Schrammen, et pour les frises sculptées en 1910, par H. Winnefeld. On trouvera ici la publication et l’interprétation des sondages faits en 1994 dans les substructions du Grand Autel, avec des conclusions destinées à éclairer sa date de construction.
211Wolfgang Radt présente d’abord une bibliographie raisonnée (p. XV-XIX) qui servira d’introduction à la connaissance des questions pendantes. Cette bibliographie s’est évidemment bien accrue depuis la parution de l’ouvrage en 1999. Je ne peux ici énumérer les publications importantes qui touchent à la question ; signalons cependant les études en cours de Volker Kästner qui apportent des précisions importantes sur l’architecture de l’Autel. W. Radt précise l’histoire des fouilles anciennes et donne ensuite la publication des sondages qui ont été faits dans des points où la stratigraphie n’avait pas été perturbée par les fouilles antérieures ; il dresse un catalogue de la céramique grossière trouvée. À Gioia De Luca est revenue l’étude de la céramique fine, utilisée comme vecteur chronologique.
212On sait qu’en 1981 P. C. Callaghan avait bousculé les idées reçues en montrant que la trouvaille de fragments de bols mégariens dans des couches en place du Grand Autel amenait à placer le début de sa construction dans les années 160 av. J.-C., alors que l’on estimait généralement que le monument avait été mis en chantier vers 180 et que la construction avait été interrompue une vingtaine d’années plus tard, à la mort d’Eumène II. La datation de Callaghan a été généralement acceptée, même si Gerhild Hübner, en 1994, défendait encore, d’après l’examen de certaines trouvailles de céramique, une datation des fondations vers 180.
213Dans ce volume, de nouvelles pièces sont versées au dossier :
214— d’abord, la terrasse du Grand Autel a été remblayée avec du matériel transporté d’ailleurs, dans des conditions qui ne permettent pas une datation très précise. Les tessons trouvés dans ces remblais fournissent donc un terminus post quem pour l’aménagement de la terrasse ;
215— les tessons datables remontent, selon G. De Luca, aux années 170 pour les plus récents.
216À partir de ces remarques s’ouvre le vaste champ des hypothèses. G. De Luca propose de mettre en rapport la décision de construire l’Autel avec le « miracle de Delphes » : en 172, Eumène II réchappe d’un attentat, alors qu’il est laissé pour mort sur le chemin de Delphes. Le Grand Autel aurait été offert en ex-voto pour commémorer le salut du roi.
217Sans entrer dans une discussion qui resterait sur le terrain des hypothèses, remarquons qu’aucun indice précis de datation n’a été trouvé pour la mise en chantier du monument et que certains céramologues ne sont pas d’accord avec une datation haute (vers 170) pour certaines catégories de céramiques qui se trouvent sur d’autres sites. Une datation plus basse me paraît plus défendable : la construction du monument se comprend mieux après la grande victoire remportée sur les Galates en 166, qui sauve le royaume de Pergame. La dédicace du monument a été faite par Attale II si l’on accepte d’y reconnaître un autel où le culte d’Eumène II était associé à celui des Douze dieux.
218Ce beau volume livre les pièces qui manquaient au dossier : il complète les deux volumes des Altertümer von Pergamon en publiant les données stratigraphiques et céramologiques, ce qui qui fait son intérêt et son originalité.
219François Queyrel,
220École pratique des Hautes Études,
Sciences historiques et philologiques,
45, rue des Écoles,
75005 Paris.
f. qqqqueyrel@ wanadoo. fr.
Dorl-Klingenschmid Claudia, Prunkbrunnen in kleinasiatischen Städten, Funktion im Kontext (Bayerische Akademie der Wissenschaften, Studien zur antiken Stadt, 7), Munich, Dr. Friedrich Pfeil, 2001, 1 vol. 24,5 × 32,5, 272 p., 173 fig. ds t., 3 pl. h. t.
221Nell’ormai vasta letteratura sul tema delle fontane antiche, le numerose testimonianze monumentali dei centri dell’Asia Minore non erano state finora oggetto di uno studio complessivo e sistematico. C. D.-K. si propone meritoriamente di colmare questa lacuna, assumendosi un compito senza dubbio ambizioso per l’ampiezza dell’arco cronologico prescelto, dal IV sec. a. C. all’età dei Severi, e, conseguentemente, per il numero assai elevato di monumenti, con caratteristiche molto eterogenee, che ricadono entro i termini geografici e cronologici individuati. Già nel titolo del volume, inoltre, la studiosa allude ad un preciso intento – esplicitamente dichiarato a p. 16 –, quello di definire il ruolo sia funzionale che rappresentativo di questo genere di monumenti all’interno del contesto urbano. Il tema è affrontato per esteso in quattro corposi capitoli nella prima parte del libro ; segue il catalogo, che annovera ben 120 monumenti, più due appendici relative l’una ad edifici di dubbia identificazione, l’altra ad edifici erroneamente considerati come fontane nella bibliografia precedente.
222La lettura del catalogo – che a buon diritto l’A. definisce « Grundlage der Studie » – permette di apprezzarne la completezza ed il poderoso lavoro di raccolta ed elaborazione dei dati disponibili. Lo studio dei singoli monumenti, dato il loro elevato numero, non poteva essere approfondito oltre un certo limite ; tuttavia non si può non rilevare il fatto che, in gran parte dei casi, si tratta di edifici sostanzialmente inediti, rispetto ai quali – a nostro avviso – un esame accurato e filologico dovrebbe rappresentare un passaggio obbligato e preliminare a qualunque studio complessivo della classe. Sotto questo profilo, l’analisi dei dati e la loro presentazione si rivelano non di rado deludenti. In diversi casi il carattere sintetico della descrizione non permette di distinguere tra le parti del monumento effettivamente esistenti e quelle frutto di ipotesi di ricostruzione più o meno fondate ; si vedano ad esempio le schede relative alla fontana a gradini di Cos (cat. n. 45) o a quella – impropriamente classificata come fontana a portico – dell’agorà di Magnesia (cat. n. 58), o ancora ai ninfei di Alessandria Troade (cat. n. 2) e di Selge (cat. n. 104). Lo stesso problema si riscontra nella documentazione grafica : per lo più, le piante presentate dall’A. sono molto schematiche e le parti accertate e quelle ipotetiche sono indistinguibili. D’altra parte, si rileva spesso la mancanza di un riesame personale di alcune questioni specifiche, in particolare di quelle relative alla datazione dei monumenti, per la quale la studiosa si limita in genere a riferire acriticamente e senza alcuna verifica le tesi già formulate. È vero che in molti casi i dati a disposizione sono talmente limitati da non consentire di prendere posizione in proposito ; tuttavia, ad esempio per le fontane di età imperiale, un esame più accurato della decorazione architettonica o della documentazione epigrafica avrebbe potuto offrire indicazioni cronologiche più precise. Per il ninfeo di Mileto (cat. n. 64) l’A. si limita a riportare l’iscrizione di dedica apposta sugli architravi del primo ordine nella ricostruzione proposta a suo tempo da H. Dessau, senza dare minimamente conto dei problemi da essa sollevati e delle differenti ricostruzioni del testo sostenute nella successiva storia della ricerca, con oscillazioni della cronologia dell’edificio tra età flavia ed età traianea che appaiono tutt’altro che irrilevanti. Inoltre, dalla problematica iscrizione del terzo ordine, con la menzione dell’imperatore Gordiano, si deduce tout court che il terzo ordine, appunto, venne aggiunto nel III sec. d. C., eludendo sia il fatto che la frammentarietà del testo rende tale conclusione tutt’altro che perspicua, sia il problema posto dalla chiara omogeneità tecnica e stilistica delle trabeazioni dei tre ordini, non sfuggita, del resto, ai primi editori del ninfeo.
223Altre volte l’A. si spinge ad interpretazioni dei singoli monumenti che un esame diretto degli stessi rende difficilmente condivisibili. Mi limito a riferire solo alcuni casi. Per il ninfeo di Aspendos (cat. n. 13), il fatto che sulla fronte non sia visibile attualmente alcun indizio dell’esistenza di una vasca, induce l’A. a dubitare dell’identificazione come ninfeo e a proporre invece una lettura quanto meno singolare (cf. p. 58-59), intendendo l’apertura nella nicchia centrale del primo ordine come « porta » (!) ed alludendo cosî ad una non meglio chiarita funzione di « passaggio », come se il monumento costituisse la facciata di un corpo di fabbrica retrostante, del quale però non esiste alcuna traccia. Si notano tuttavia nella parete posteriore del muro di fondo alcuni elementi che sembrerebbero relativi ad un sistema di adduzione dell’acqua ; il più chiaro è un incasso in corrispondenza della nicchia centrale, dove si conservano ancora i gomiti in pietra da cui dovevano salire due tubi montanti che portavano l’acqua alla nicchia. Il monumento reca chiare tracce di interventi successivi – cui l’A. accenna appena –, ma la sua funzione di fontana monumentale, almeno in una fase, risulta abbastanza verosimile.
224Non poche perplessità suscita l’individuazione di una prima fase del ninfeo di Antiochia di Pisidia (cat. n. 6), con vasche inserite nel muro delle ali e del fondo, in quello che in realtà è il nucleo interno in pietrame e malta delimitato da paramenti in blocchi squadrati ; oppure, nel cosiddetto ninfeo del Letoon di Xanthos (cat. n. 120), la cui identificazione come ninfeo è di per sé impropria, del tutto ingiustificata appare la restituzione di un bacino che occupa l’intera superficie dell’aula quadrangolare sul fondo del portico, nella quale invece non c’è alcuna traccia di apprestamenti idraulici. Una necessaria rettifica richiedono anche i dati forniti dall’A. sul ninfeo dei Tritoni a Hierapolis (cat. n. 35) : la pianta a fig. 122 a – per quanto schematica – presenta diversi errori sia nella restituzione della balaustra della vasca, sia nel numero delle colonne della struttura ipostile, indebitamente attribuite anche alla fronte dei risvolti, dove sono chiaramente visibili ancora in situ basi quadrangolari di pilastri. Nel testo, d’altra parte, si fa riferimento a due fasi costruttive, rispettivamente di età antonina e tardo severiana, chiamando in causa, tra l’altro, presunte differenze stilistiche dei partiti decorativi tra il primo e il secondo ordine, mentre invece il monumento – ancora in corso di studio da parte della Missione archeologica italiana – appare riferibile ad un progetto unitario ed è senza dubbio stilisticamente omogeneo.
225All’obbiettivo enunciato dall’A. nel titolo, « Funktion im Kontext », sono dedicati eminentemente i capitoli 2, 3 e 4 : attraverso un percorso che parte dall’esame delle caratteristiche architettoniche basilari ( « Grundform » ) dei singoli tipi di fontana (cap. 2), per poi passare all’analisi di singoli aspetti e componenti dei monumenti (cap. 3), fino allo studio delle loro relazioni con il contesto urbano (cap. 4), si tenta di delineare lo spettro dei valori simbolici e rappresentativi annessi alle fontane ed il loro rapporto con le funzioni proprie della distribuzione dell’acqua.
226Questo particolare punto di osservazione si delinea con chiarezza già nel capitolo 2 : l’attenzione si concentra esclusivamente sui tipi di « Prunkbrunnen » ( « fontane a gradini » ; « fontane a portico » ; « ninfei ad abside » ; « ninfei a facciata » ) nei quali la funzionalità pratica sarebbe, pur con diversi gradi, subordinata all’intenzione di manifestare valori semantici differenziati a seconda dei contesti e dei periodi. Viene enunciato qui un assunto di fondo, ribadito ed approfondito anche nei capitoli successivi, che si basa sulla constatazione, in molti impianti, di limitate tracce di uso effettivo, che farebbero pensare ad un sovradimensionamento rispetto al reale fabbisogno idrico. Già in età ellenistica, l’adozione del tipo della fontana a portico risponderebbe, accanto e più che a necessità pratiche, ad esigenze di autorappresentazione da parte della città, che l’A. individua, in generale, o nell’intenzione di esibire la propria ricchezza – non solo d’acqua –, o, ad esempio per i centri della Caria e della Pisidia, nella volontà di palesare, con l’assunzione di un modello architettonico greco – o di singoli elementi costruttivi e decorativi –, la propria appartenenza ad un « hellenistischen Kulturkreis ». Valutazioni del genere avrebbero forse richiesto un’analisi più approfondita e sistematica dei contesti culturali cui si fa riferimento. In ogni caso, pur senza negare l’aspetto dell’autorappresentazione, un’eventuale riduzione della funzionalità pratica dell’impianto andrebbe valutata caso per caso, in relazione ad uno studio complessivo della rete di distribuzione dell’acqua in città e della dislocazione dei punti di approvvigionamento pubblici e privati, un aspetto, questo, che nel corso del libro non viene mai affrontato.
227Poco spazio è dedicato ad un esame analitico delle forme architettoniche e decorative e delle loro trasformazioni nel tempo : se ne avverte la mancanza soprattutto in alcuni casi, come quello dei ninfei a facciata, per i quali l’A. si limita a tracciare sinteticamente i punti essenziali dell’evoluzione delle fronti ipostili, facendo riferimento esclusivamente al saggio del 1981 di V. M. Strocka [10]. Tuttavia, i dati messi a disposizione dalla ricerca archeologica degli ultimi decenni, permettono oggi di leggere lo sviluppo degli schemi compositivi delle facciate monumentali dei ninfei entro una trama di riferimenti molto più ricca di allora. Particolarmente significativi – e del tutto trascurati dall’A. – sono i dati relativi alle più antiche facciate monumentali di Afrodisia e Mileto, che consentono di formulare su nuove basi il tema dell’origine del tipo architettonico del ninfeo a facciata nella sua versione microasiatica ; a questo proposito l’A. si limita ad indicare possibili « precursori » in alcune fontane ellenistiche, quale quella di Hagios Stratigos a Pergamo (cat. n. 80) o la fontana dell’Heroon di Androklos ad Efeso (cat. n. 17). La soluzione al problema, tuttavia, non sta nel proiettare a ritroso l’origine del tipo architettonico alla ricerca di improbabili precedenti, ma va, a nostro avviso, cercata nell’introduzione nelle città dell’Asia Minore sin dalla prima età imperiale, di una nuova architettura monumentale che utilizza i prospetti a colonne come strumento di definizione e di scansione degli spazi urbani.
228La suggestione – di antica tradizione – di un’evoluzione unilineare da un tipo di fontana all’altro si sottende anche alla controversa questione dell’origine delle fontane ad abside ( « Sigmabrunnen » ), a proposito della quale l’A., da un lato, si oppone giustamente alla vulgata della derivazione dalla grotta sacra alle Ninfe e prospetta invece (senza svilupparla adeguatamente) l’ipotesi suggestiva di una derivazione dall’architettura degli edifici termali ; dall’altro, tuttavia, ricade nella fascinazione « evoluzionista » e delinea una diretta transizione dalle fontane a portico alle fontane ad abside, indicando come esempi di una « Experimentierphase », la fontana del teatro di Sicione – un monumento abbastanza isolato in Grecia e per giunta di incerta ricostruzione – e l’Hydreion presso il monumento di Memmio ad Efeso (cat. n. 23), del quale, anche a prescindere dai problemi ancora insoluti in merito alla restituzione della copertura, risultano poco plausibili le connessioni tanto con le fontane a portico, quanto, a maggior ragione, con le vere e proprie fontane ad abside sin dalle attestazioni più antiche, della prima età imperiale.
229Nel terzo capitolo viene posto l’accento su alcuni fattori ed elementi dell’architettura delle fontane, che più specificamente costituiscono, secondo l’A., parametri idonei a misurare l’intenzione di manifestare, attraverso il monumento, determinati messaggi ideologici ; gli elementi individuati come significativi sotto questo profilo sono molteplici e di diversa natura, e vengono « testati » attraverso una serie di casi esemplificativi.
230La facciata costituisce naturalmente, dalle fontane a portico ellenistiche ai ninfei di età imperiale, la sede privilegiata per il dispiegamento di elementi portatori di significati simbolici ed allusivi a vari livelli di intensità : un ruolo importante viene assegnato, in tal senso, all’uso degli ordini architettonici, alla decorazione figurata di trabeazioni e soffitti, alle nicchie e alle edicole, alle gronde a protome leonina e alle sculture con sbocchi per l’acqua, agli apparati figurativi, fino all’uso dell’acqua come ulteriore ed autonomo elemento simbolico e rappresentativo. Il numero limitato di casi analizzati a titolo di esemplificazione, tuttavia, non rende a nostro avviso pienamente giustizia della complessità dei temi affrontati ; ad esempio, a proposito dei valori simbolici annessi all’uso degli ordini architettonici, vengono citate esclusivamente la fontana ellenistica di Sagalassos (cat. n. 97) e il problematico « Laodikebau » di Mileto (cat. n. 63), mentre la questione andava forse affrontata su più larga scala sia per l’età ellenistica che per l’età imperiale e in riferimento al complesso tema della semantica degli ordini, secondo gli indirizzi di ricerca indicati recentemente soprattutto da P. Gros [11]. Più ancora che la facciata, la vasca rifletterebbe, con le trasformazioni che l’A. mette in evidenza, il lento ma inesorabile passaggio dalla fontana come impianto infrastrutturale alla fontana con una funzione prevalente, se non esclusiva, di mostra d’acque.
231In età ellenistica e nella prima età imperiale gli apprestamenti della vasca (parapetti, bocche dell’acqua) mantengono la loro funzione pratica di garantire l’approvvigionamento dell’acqua ; è nel corso del II sec. d. C., ma soprattutto in età severiana che l’A. ritiene di poter riconoscere i primi segni di trasformazioni che, pur lasciando inalterato l’aspetto complessivo del monumento, di fatto ne riducono la funzionalità : la realizzazione di parapetti troppo alti o troppo spessi per consentire di attingere l’acqua direttamente dalla vasca, la riduzione del numero delle bocche o ancora l’installazione di vaschette di attingimento di dimensioni troppo piccole. Il processo risulterebbe pienamente compiuto in età tardoantica, quando edifici come il ninfeo dell’ « Agora Gate » ad Afrodisia (cat. n. 9) o quello allestito davanti alla Biblioteca di Celso ad Efeso (cat. n. 29) costituirebbero veri e propri « Wassermonumente », in cui l’acqua viene solo esibita ma, di fatto, è inattingibile. I fenomeni delineati dall’A. richiamano l’attenzione su un aspetto senza dubbio fondamentale delle fontane monumentali di età imperiale, quello della mostra dell’acqua non solo per i suoi valori decorativi e scenografici, ma anche come mezzo di esaltazione del donatore del monumento ovvero del destinatario della dedica in relazione al messaggio esplicitato, spesso, dall’iscrizione o dall’apparato scultoreo. Meno condivisibili appaiono, a nostro parere, i termini troppo netti e generalizzati con cui viene descritta la drastica riduzione della funzione pratica della fontana soprattutto in età severiana. A differenza di quanto sostiene l’A., diversi ninfei di questo periodo presentano dispositivi per attingere l’acqua pienamente funzionali : si pensi al ninfeo dei Tritoni a Hierapolis (cat. n. 35) con grandi conche incassate nelle esedre della balaustra, o al ninfeo di Side (cat. n. 106) con le quindici vaschette inserite tra le lastre a rilievo del parapetto. Anche in altri casi cui l’A. fa riferimento, come i ninfei severiani F2 ed F4 di Perge (cat. nn. 86-87), o il ninfeo F1 (cat. n. 84) alle spalle del teatro della stessa città, non sembra si possa parlare di una riduzione della funzionalità dell’impianto.
232Anche il tema del rapporto tra le fontane ed il contesto urbano (cap. 4) riflette l’intenzione preminente, da parte dell’A., di identificare le funzioni simboliche e rappresentative cui il monumento assolve nel quadro della « Stadtbildgestaltung ». Viene selezionata, a tal proposito, una serie di « casi di studio » che coprono un arco cronologico dal IV sec. a. C. al tardoimpero e propongono situazioni specifiche ben differenziate relativate all’intensità dei valori simbolici e rappresentativi e ai contenuti ideologici. Talvolta le letture proposte dall’A. appaiono piuttosto forzate : tale è il caso del ninfeo nell’agorà superiore di Sagalassos (cat. n. 99), di età antonina, a proposito del quale nel ciclo di statue di divinità si ravvisa un riferimento non solo ai culti delle divinità stesse, ma anche ai rispettivi edifici di culto edificati dalla città, attribuendo cosî al ninfeo il significato di una sorta di manifesto dei programmi edilizi urbani attuati o in corso di attuazione ; lo stesso ruolo viene attribuito tout court al ninfeo tardoadrianeo dell’agorà inferiore (cat. n. 98), del quale per altro l’apparato figurativo è ancora praticamente sconosciuto. Letture del genere palesano a nostro avviso una tendenza alla sovrainterpretazione dei dati – da cui l’A. non è esente anche in altri casi –, laddove invece aspetti ancora poco chiari, soprattutto in merito alle cronologie dei monumenti chiamati in causa, inviterebbero ad una maggiore cautela.
233L’analisi di altri casi offre invece interessanti spunti di riflessione, come, ad esempio, quando viene messo in risalto l’effetto debole e poco incisivo di soluzioni urbanistiche quali la successione uniforme di facciate realizzata nella piazza « severiana » di Perge con la costruzione dei ninfei F2 e F4, oppure il moltiplicarsi delle fontane nel piazzale antistante la porta tardoantica di Side, ridotte a poco più che mero strumento di arredo urbano. Ma accanto a questi, si sarebbe potuto fare riferimento ad altri esempi, nei quali soprattutto i prospetti monumentali dei ninfei di età imperiale giocano un ruolo ben più forte nella definizione del paesaggio urbano, delineando un vero e proprio valore urbanistico che costituisce una componente essenziale, a nostro avviso, di questi monumenti come di altri edifici con caratteristiche architettoniche analoghe. Casi come quelli del ninfeo F3 di Perge o del ninfeo di Stratonicea, posti nel punto di fuga di grandi vie colonnate ; o quello del ninfeo di Laodicea, all’incrocio tra due principali assi viari urbani ; o, ancora, quello di Aspendos, che prospetta sulla vecchia agorà imprimendo ad essa una nuova delimitazione spaziale ed un preciso orientamento, riflettono la grande versatilità con cui si utilizzano queste quinte monumentali come strumento di pianificazione urbana in aree nevralgiche per la costruzione dell’immagine della città.
234Non a torto l’A. attribuisce ai ninfei un ruolo determinante nel quadro della « Stadtbildgestaltung », anche in relazione al fenomeno della rivalità municipale tra città vicine. Le due città prescelte per far luce su questo fenomeno, Hierapolis e Laodicea, costituiscono un caso interessante, anche se il quadro ricostruito in proposito dalla studiosa si traduce in una sorta di gara tra le due città giocata, colpo su colpo, sulla costruzione e ristrutturazione di ninfei, che appare irreale e un po’ naïve, e, tra l’altro, si fonda, almeno per i due ninfei di Hierapolis, su presupposti cronologici errati e sull’infondata individuazione, in entrambi, di più fasi costruttive.
235I rilievi mossi fin qui non intendono comunque sminuire un pregio fondamentale del volume, rispetto anche a pubblicazioni recenti sul tema delle fontane antiche : quello di avere considerevolmente ampliato le prospettive di studio su questo tipo di monumenti, facendo luce sulla complessità di aspetti che li caratterizzano e suggerendo una quantità di nuove chiavi di lettura. Non tutte, naturalmente, potevano essere adeguatamente sviluppate, ma costituiranno senza dubbio lo spunto per la prosecuzione della ricerca.
236Lorenzo Campagna,
237Via Ghibellina, 12
98121 Messine
Le Rider Georges, Alexandre le Grand, Monnaie, finance et politique, préface de P. Chaunu, Paris, PUF (coll. « Histoires »), 1 vol. 15 × 21,5, 2003, 363 p., 8 pl., index.
238On se tromperait fort en croyant avoir là une nouvelle histoire du grand conquérant. Si le plan suit les étapes de la grande expédition, l’ouvrage de G. Le Rider tranche résolument sur les innombrables biographies d’Alexandre. Toute cette surabondante bibliographie est certes présente en arrière-plan, l’A. la connaît à fond, mais son but est autre, comme l’indique le sous-titre. Il s’agit d’étudier la politique monétaire d’Alexandre, et au travers de celle-ci la politique tout court d’Alexandre le Grand. Nul n’était mieux préparé pour le faire que G. Le Rider dont les ouvrages et articles annonçaient de longue date cette synthèse. Le lecteur de la Revue archéologique retiendra sans doute deux aspects essentiels de ces pages. D’une part le recours aux trésors, anciens ou découverts depuis peu. L’analyse de ces trésors est fondamentale pour aborder non seulement la question de la provenance et des ateliers, mais aussi pour interpréter la circulation monétaire. Très évocatrice de ce point de vue est l’étude des tétradrachmes de Mazaios, frappés à Babylone, et qui dominèrent la circulation monétaire de la Babylonie pour un demi-siècle. On ajoutera l’étude des trésors fort nombreux apparus en Afghanistan dans les années troublées que l’on sait, et qui sont passés dans le commerce, à Peshawar d’abord, et ensuite en Occident. D’autre part, les spécialistes de sculpture et du décor seront sensibles à ce que l’étude poussée des coins au type de Zeus apporte quant à la provenance du type, à placer en Macédoine ou à Tarse : la fine analyse conduite par G. Le Rider lui permet de noter la présence d’éléments ciliciens (les pieds du siège du dieu, son sceptre, l’appuie-pieds), qui ont été reproduits non sans maladresse par les graveurs macédoniens à qui ils étaient étrangers. Le rapport que la numismatique entretient avec l’archéologie apparaît ici en plein lumière, et les quelques exemples évoqués ici ne donnent qu’une faible idée de la richesse et de la nouveauté de ce livre promis à un beau succès.
239André Laronde,
240Institut de France,
quai Conti,
75006 Paris.
Camporeale Giovannangelo éd., Gli Etruschi fuori d’Italia, Vérone, Arsenale Editrice, 2001, 1 vol. 28 × 22, 314 p., 200 fig. ds t.
241Ce livre a l’apparence d’une publication destinée au public cultivé : il bénéficie d’une très belle présentation et il est splendidement illustré, il semble écrit au fil de la plume et n’a pas de notes infrapaginales (ce qui est, hélas, de plus en plus fréquent !). Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas un simple volume de vulgarisation et ni le plan de l’ouvrage, ni le choix des collaborateurs, ni le propos même ne sont banals. Notre compte rendu sera très bref, mais il nous a semblé nécessaire de signaler ce volume à tous ceux qui chercheraient (et nécessairement en vain) une synthèse sur le rayonnement d’une civilisation souvent perçue comme étroitement locale, quand elle n’est pas cantonnée dans certains manuels à l’Étrurie propre et qu’on ne néglige pas ces terres étrusques que sont la plaine du Pô et la Campanie !
242Disons d’emblée que les deux chapitres consacrés par G. Camporeale à la présence étrusque en Méditerranée, et surtout aux contacts « européens » (traduisons vers l’Europe continentale et nordique), sont des plus féconds. Ajoutons les très belles pages de L. Aigner-Foresti sur la Rhétie et nous comprendrons l’originalité de ce travail. Les études sur la diffusion du matériel villanovien en Gaule et la carte de la p. 108, qui met en évidence la diffusion des ossuaires en forme de cabane, de l’île de Götland au Sud du Latium, sont une incitation à la réflexion sur les contacts dans l’Europe du premier Âge du Fer.
243Il faut également admirer les contributions d’A. Maggiani sur le domaine ligure, de G. Sassatelli sur la plaine du Pô, celle d’A. Naso sur le Latium, de P. Bruschetti sur l’Ombrie, celle de L. Donati sur la Corse, et, naturellement, de B. D’Agostino sur la Campanie – tous domaines où la présence étrusque, marquée par une originalité locale, est assez bien connue. Mais la connaissance d’autres espaces touchés par le monde étrusque et plus rarement abordés semble aujourd’hui essentielle pour comprendre cette civilisation ; ainsi le Picenum étudié par M. Landolfi, la Lucanie présentée par A. Bottini, les Pouilles et la Calabre, dont l’étude est conduite par E. De Juliis et C. Sabbione, et pour finir les îles, Sardaigne et Sicile (sans oublier les petits archipels comme les Lipari), étudiés par P. Bernardini et R. Albanese Procelli. Ces domaines, généralement connus des seuls spécialistes de la période, offrent un regard nouveau sur une Italie préromaine où l’influence et la diaspora étrusques jouent un rôle important.
244On aurait aimé que les traces étrusques de Tunisie (p. 101), tardives il est vrai, aient été un peu plus largement évoquées, mais ce n’est là qu’un point de détail. On regrettera peut-être que la bibliographie puisse sembler un peu brève : elle n’est certes qu’indicative, mais elle contient les références essentielles qui permettent au lecteur d’élargir l’information.
245L’intelligence de ce projet – qui doit une partie de sa thématique à la grande exposition de 1992 – est évidente : ce livre ouvre le regard du lecteur sur un monde que nous imaginons, à tort, trop étroitement cloisonné. On aimerait que d’autres civilisations dites « mineures » puissent bénéficier d’un semblable travail.
246Jean-René Jannot,
247Émérite de l’Université de Nantes,
40, rue de l’Île-aux-Moines,
56000 Vannes.
Versluys M. J., Aegyptiaca Romana, Nilotic Scenes and the Roman Views of Egypt (Religions in the Graeco-Roman World, 144), Leyde / Boston, Brill, 2002, 1 vol. 16 × 24,5, XVI + 512 p., fig. ds t.
248Depuis longtemps il manquait un travail de synthèse sur les thèmes nilotiques : une réflexion approfondie quant à leur origine – égyptienne ou romaine –, une étude nuancée de leur signification à la lumière du contexte décoratif au sein duquel ils apparaissent, un examen de l’évolution des motifs qui les constituent et bien d’autres points encore sur lesquels il conviendrait de s’interroger. Que l’on ne s’y trompe pas : le livre de M. J. Versluys ne comble pas cette lacune. En effet, son but est autre (chap. I) : les thèmes nilotiques ne sont pas envisagés ici comme une fin en soi, mais comme un moyen de mieux comprendre la relation Rome / Égypte (en d’autres termes : comment les Romains voyaient-ils « l’Autre » qu’était pour eux l’Égyptien ?). Le titre du livre est d’ailleurs sans ambiguïté : Nilotic Scenes and the Roman Views of Egypt. Selon l’A., ces scènes nilotiques, jusqu’ici négligées, constituent une source particulièrement appropriée pour mener l’enquête en ce domaine, entre autres parce qu’elles échappent à l’interprétation religieuse (surtout isiaque) traditionnellement proposée pour la plupart des aegyptiaca romana.
249Un inventaire (chap. II), le plus complet possible (on y reviendra ci-après), regroupe, pour tout le monde romain, 131 représentations, datant du IIe siècle av. au VIe apr. J.-C. (rangées par province, décrites et généralement illustrées), qui servent de base à une définition de l’image nilotique comme « illustration du Nil en crue et des rives du fleuve avec la flore, la faune, les bâtiments et les activités de la population » (p. 40). Le commentaire à ce corpus (chap. III) se développe ensuite selon quatre axes : distribution topographique, répartition chronologique, étude des différents types d’édifices où ces scènes sont utilisées et catalogue des éléments qui les constituent. Le chapitre s’achève sur une première conclusion relative aux scènes nilotiques elles-mêmes, leur développement dans le monde romain et ce qu’on peut « reconstruire » de leur fonction (p. 285-297) : en tant qu’illustrations de la crue qui amenait sa richesse à l’Égypte, les scènes nilotiques semblent se présenter comme des évocations de la fertilité, de l’abondance et de la vie facile (tryphé), comparables en quelque sorte aux scènes à caractère dionysiaque. Mais l’A. ne souhaite pas se contenter de cette interprétation trop générale qu’il juge superficielle. Ce qu’il recherche, en effet, c’est une interprétation à un autre niveau, qu’il appelle « syntagmatique », qui ferait de la scène nilotique l’expression de l’attitude des Romains « in respect of Egypt in particular and the exotic Other in general » (p. 296).
250À partir de ce brusque tournant du livre, les aegyptiaca romana en général – traités en une longue compilation d’environ 80 p. (chap. IV : p. 303-384) – et les scènes nilotiques en particulier ne servent plus que de « marqueurs » pour reconstruire le « discours romain » sur l’Égypte. Mais cette dernière partie (chap. V), où devrait être enfin clairement démontré ce que l’A. n’a fait jusqu’ici qu’affirmer, ne tient pas ses promesses : sur la cinquantaine de pages qui la compose, plus de la moitié est consacrée à des généralités sur le rapport à l’Autre (avec une très longue digression sur la perception de l’Amérique par les Européens après 1492, p. 390-413), sur la relation de Rome avec l’Autre (qu’il soit germain, grec, noir ou étranger, de manière générale). Le sujet est sans aucun doute intéressant, mais demanderait à lui seul tout un livre pour être traité correctement ! C’est seulement ensuite qu’est abordé le problème de l’image de l’Égypte dans la mentalité romaine ; une analyse très rapide des témoignages littéraires amène l’A. à conclure que la perception de l’Égypte était plutôt négative à Rome, impression confirmée par l’examen des scènes nilotiques qui, après la victoire d’Actium et la colonisation romaine de l’Égypte, représentent les Égyptiens sous la forme de nains ou de pygmées (le plus souvent dans des attitudes obscènes...), ce qui traduirait le sentiment de supériorité des Romains vis-à-vis d’un monde qu’ils considéraient comme exotique. Ce détail des nains et pygmées, dérisoire par rapport à l’ensemble du contenu de la scène nilotique, n’avait jamais été souligné auparavant par l’A. : mis en évidence dans les toutes dernières pages du livre, il constitue l’unique lien, infiniment ténu, qui relie entre elles les deux parties du sujet proposé (scènes nilotiques et vision romaine de l’Égypte). Était-il vraiment nécessaire de se livrer à l’étude complète des scènes nilotiques pour ne relever finalement que ce trait anecdotique et en tirer de telles conclusions ? Encore faudrait-il s’assurer que les nains et les pygmées représentaient bien, aux yeux des Romains, la population de l’Égypte. Rien n’est moins sûr, car ces images grotesques – qui remontaient singulièrement haut, on le sait – pourraient appartenir plutôt à un vieux fonds légendaire (grec ou égyptien ?...), devenu traditionnel. Quoi qu’il en soit, on regrettera ici l’absence d’une véritable démonstration. Je crois même que, en raison de leur caractère stéréotypé, les scènes nilotiques ne pouvaient pas fournir à l’A. les indications spécifiques qu’il en attendait.
251Il reste que, même si l’on considère que la thèse n’est pas convaincante, on dispose au moins d’un catalogue des scènes nilotiques pour l’ensemble du monde romain. Dans quelle mesure cependant s’y fiera-t-on ? Sans doute l’inventaire relatif à Rome et aux sites campaniens (domaines où l’A. se sent visiblement à l’aise) a-t-il quelque chance d’être complet, mais l’abondance exceptionnelle des témoignages pour ces régions biaise, de toute évidence, les statistiques qui nous sont proposées dans le commentaire. M. J. Versluys en est conscient, puisque, pour tenter de pallier cet inconvénient, il supprime Pompéi des tableaux récapitulatifs (quelle crédibilité accorder dès lors à de telles statistiques ?). Par ailleurs, pour les provinces du Proche-Orient, toutes les synthèses sont fausses pour la bonne raison que 12 sur 22 des témoignages connus sont rejetés en appendice (ils avaient sans doute été oubliés...) et le commentaire statistique porte seulement sur les 10 numéros retenus dans le catalogue. On signalera en outre que, pour la plupart de ces sites du Proche-Orient, les notices fourmillent d’erreurs (orthographe des noms, datations, indication des contextes, description...), au point qu’il paraît plus aisé de renvoyer à l’article d’où l’A. a tiré ses informations que d’établir une liste des corrections : Alessandria e il mondo ellenistico-romano, Studi in onore di A. Adriani, 1984, p. 827-834 (cependant cité par M. J. Versluys). On regrettera aussi que la scène nilotique de la mosaïque de Sarrîn soit reléguée en appendice, alors qu’elle constitue un des témoignages les plus complets et les mieux éclairés par le contexte iconographique. Enfin, pourquoi ne pas avoir inséré dans le catalogue l’exemple de l’église de Saint-Étienne d’Umm er-Rasas, en Jordanie, si intéressant par sa date au VIIIe siècle, au lieu de le citer incidemment dans le texte (p. 291) ?
252Un livre décevant, donc, à bien des égards, en dépit de la très abondante documentation mise en œuvre et de la riche bibliographie consultée.
253Janine Balty,
254Centre H. Stern - ENS,
1, avenue de la Résistance,
82600 Aucamville.
Spyropoulos Georg, Drei Meisterwerke der griechischen Plastik aus der Villa des Herodes Atticus zu Eva/Loukou, Francfort / Main, Peter Lang, 2001, 1 vol. 16 × 23, 208 p., 25 pl. h. t.
255La villa de Loukou, en Thyréatide – le fouilleur préfère dire « Eva », nom du lieu-dit –, est connue depuis longtemps par des découvertes de sculptures, et identifiée comme villa d’Hérode Atticus depuis 1906. Elle a été fouillée, de 1980 à 2000, par Th. Spyropoulos. Il a cédé à son fils et collaborateur, comme sujet d’une thèse de l’Université de Marburg, trois statues. Le travail est publié aux Éditions Peter Lang, comme beaucoup de thèses allemandes. L’illustration est correctement reproduite, mais avec un nombre limité de pièces de comparaison ; les photos elles-mêmes, de l’auteur, n’ont pas la qualité à quoi nous ont habitués les meilleures publications allemandes.
256Le livre comporte en fait deux parties, la première étant une présentation d’ensemble de la villa et du programme de son décor sculpté, avec de simples allusions rapides au très riche décor de mosaïques. Une biographie d’Hérode est suivie d’une rapide description de la villa, qu’on peut à peu près suivre sur un plan trop petit pour que les détails soient lisibles ; un inventaire des sculptures est donné pour chacune des parties du bâtiment, « stade-jardin » à l’Est, grand jardin-péristyle entouré d’un canal, ce qui pousse G. Sp. à le comparer au « teatro marittimo » de Tivoli, basilique de représentation au Nord, possibles Serapeion et hérôon d’Antinoüs au Sud, grande salle à exèdre à l’Ouest. Il y a eu plusieurs remaniements, les uns datant de la fin de la vie d’Hérode quand, après 165-170, il se retire à Eva et multiplie les images de ses proches et de ses disciples chers disparus ; mais d’autres sont plus récents, comme le montrent les restes de portraits d’empereurs, jusque vers le fin du IIIe siècle. G. Sp. reconstitue des choix précis pour les grands ensembles. Dans un premier temps, le souci principal est d’exalter la culture grecque, par des originaux et des copies. En particulier, le jardin péristyle est encadré sur ses petits côtés par six niches abritant, écrit G. Sp., une partie des Laconiennes dansant de Callimaque, à l’Ouest, et des copies de l’Amazone Mattei en Caryatides, dont l’une a été retrouvée. C’est dans la dernière phase qu’Hérode rassemble en particulier des reliefs funéraires du IVe siècle, banquets funéraires et cavaliers, en se fournissant, comme pour la plupart des rondes-bosses de la première phase, en Attique.
257Les trois œuvres étudiées en détail veulent illustrer trois aspects de ce programme, ou de cette collection : un original attique, une copie d’un groupe célèbre d’Asie Mineure, reflet du temps où Hérode était corrector en Asie, et une copie d’un type athlétique célèbre. L’original – il n’y a aucun doute sur ce point – où G. Despinis avait reconnu le pendant exact de l’Aura du Palatin, est une femme en course rapide, dans un style proche en tout cas de plusieurs acrotères attiques du temps de la guerre du Péloponnèse, du parapet d’Athéna Nikè et des Néréides de Xanthos. G. Sp. lui rattache, sans contact matériel, une tête du même style ; elle paraît, sur photos, un peu petite, mais on aurait la même impression pour plusieurs acrotères contemporains. Il y a des fragments d’une deuxième figure semblable, peut-être d’une troisième. Le personnage est vêtu d’un péplos à repli flottant, avec un jeu de plis très détachés et de zones où l’étoffe colle à la peau. L’attribution à Callimaque dépend de la répartition qu’on fait des Victoires du parapet, celle qui détache sa sandale étant la plus proche, et avec les figures où l’on reconnaît les Ménades du même sculpteur. Elle est, en tout cas, défendable. G. Sp. y ajoute l’Aphrodite du type dit de Fréjus.
258G. Despinis avait vu dans la statue de Loukou et l’Aura deux acrotères, des deux façades puisqu’elles courent dans le même sens. La statue nouvelle ajoute un élément de plus, puisque le socle irrégulier est conservé, mais il n’est pas décrit, et les photos ne permettent pas de voir s’il en manque une partie : il semble avoir été plus petit que ceux des deux Nikès cavalières d’Épidaure, mais guère plus, par ex., que celui du Satyre de Lamia, MNA 239, où S. Karouzou a reconnu un acrotère. Pour G. Sp. l’orientation de la tête, inclinée de trois quarts, empêche que ce soit un acrotère, alors qu’on la retrouve chez les Ménades. On accorderait autant d’importance au fait que le travail est aussi détaillé, et aussi virtuose, sur tout le pourtour de la figure. La tête, de très grande qualité, que G. Sp. rapproche de l’Aphrodite de Fréjus, porte au sommet un gros trou, où il suppose un goujon métallique fixant un calathos. Il en conclut que nous avons là les saltantes Lacanae de Callimaque. Mais, tout d’abord, le dessus de la tête, autant qu’on puisse juger sur une photo prise en biais, ne porte aucune trace de l’objet circulaire qu’est un calathos, même s’il est dans ce cas, comme on admet en général, une couronne de feuilles de roseau. D’autre part, combien y avait-il de Laconiennes dansant ? On s’en tient d’ordinaire au nombre de six proposé par W. Fuchs, qui se retrouve sur le péplos d’Athéna sur une amphore panathénaïque du IVe siècle. Ici, il en faudrait six pour les six niches du nymphaeum, plus une quatrième paire dont nous avons l’Aura du Palatin. Un argument en faveur de l’identification serait, écrit G. Sp., que les deux figures conservées ont un péplos ouvert sur le côté, qui serait typiquement laconien. On s’en tiendra à ce qui est admis, en pensant que, d’après plusieurs documents, de bronzes du VIe siècle au célèbre cratère « des Carnéades », ce n’est pas ainsi que les jeunes filles de Sparte montraient leurs cuisses : les Laconiennes de Callimaque étaient reconnues parce qu’elles portaient un chitoniscos court.
259Les deux œuvres suivantes, qui sont des copies, apportent pourtant aussi beaucoup de nouveautés, écrit G. Sp. La première est une bonne réplique du groupe bien connu d’Achille et Penthésilée, qui confirme pour l’essentiel la reconstitution du groupe par E. Berger ; les comparaisons sont enrichies par un des panneaux de mosaïque, qui reproduit précisément le groupe sculpté, auquel il manque surtout la tête de l’Amazone et une partie des bras des deux personnages. C’est une occasion de reprendre l’examen des répliques connues du groupe, ou de la tête d’Achille seule. À celles que connaissait E. Berger s’est ajouté surtout le groupe, incomplet, d’Aphrodisias. Il faut réunir les images des répliques pour pouvoir suivre les remarques minutieuses de G. Sp.
260La seconde copie montre un jeune homme appuyé à un tronc d’arbre sur lequel on voit une lyre : copie d’un bronze classique d’athlète dont le copiste a fait un Hermès. G. Sp. y voit une bonne copie du même original qu’une statue du Capitole, assez médiocre, généralement rattachée au même type que le « Berliner Knabe » qu’on a toujours, à juste titre, rapproché de la jeunesse de Lysippe, ou attribué au sculpteur lui-même. G. Sp. distingue là deux types différents, le type Loukou-Capitole étant antérieur à celui de la statue de Berlin, et n’étant probablement pas de Lysippe. La médiocre qualité de la statue du Capitole rend la conclusion un peu incertaine, sa pondération pouvant refléter le goût classicisant du copiste. Mais G. Sp. n’a pas vu le commentaire, tout différent, que propose de l’œuvre P. Zanker, Klassistische Statuen, p. 79 et n. 87.
261Claude Rolley,
262Émérite de l’Université de Bourgogne,
38, rue du Surmelin,
75020 Paris.
Nyon, Colonia Julia Equestris, Musée romain de Nyon (Collection Un site, un musée), Gollion, In-folio Éd., 2003, 1 vol. 15,5 × 21, 112 p., fig., plans ds t.
263Poux M., Savay-Guerraz H. éd., Lyon avant Lugdunum, cat. expo., Gollion, In-folio Éd., 2003, 151 p.
264Soucieux de faire comprendre et partager son patrimoine, le milieu des archéologues helvétiques a depuis longtemps contribué à la publication de guides archéologiques de bonne tenue. Ainsi, notamment, la série des Guides archéologiques de la Suisse (GAS), dans laquelle un volume consacré à Nyon, actuellement épuisé, avait paru en 1989 [12], comporte-t-elle aujourd’hui une trentaine de fascicules bien utiles. De son côté, le guide d’Augst reste une référence scientifique nécessaire [13].
265Mais le nouveau guide de Nyon, paraissant cinq ans après le bilan diffusé auprès du grand public en 1998 [14], se présente comme le premier ouvrage d’une nouvelle « Collection Un site, un musée », sous la forme d’un volume maniable, agréablement illustré de photographies et de cartes généralement en couleurs. Les trente premières pages sont consacrées à l’histoire de la recherche à Nyon, et à celle de la Colonia Julia Equestris. Les trente suivantes présentent les vestiges archéologiques de Nyon antique sans, du reste, et c’est dommage pour le visiteur, distinguer ce qui n’est pas accessible (l’amphithéâtre, par exemple) de ce qui l’est : une partie de la basilique, dans laquelle le musée est installé, et les éléments d’architecture appartenant à l’aire sacrée du forum, installés en 1958 sur l’esplanade des Marronniers – qu’on cherche vainement à localiser sur le plan général. La dernière partie est consacrée aux collections du musée.
266Mais ce guide de Nyon est un non-événement. En effet, le texte des deux premières parties est celui, à peu près sans modifications, de la publication de 1998. À peine a-t-on rendu quelques phrases plus courtes, quelques mentions plus simples (passage du chiffrage romain des siècles à un chiffrage arabe !), déplacé un paragraphe, ajouté un encart, supprimé l’évocation un peu complexe d’un bloc architectural de Coinsins, ou corrigé (p. 58) la pente moyenne de l’aqueduc venant de Divonne (8,5 ‰, et non 8,5 % comme dans la publication de 1998, p. 23).
267Les plans, eux, ont été actualisés. Ceux du deuxième état de la basilique font ainsi apparaître l’abside de l’annexe septentrionale, découverte en 2001. Symétrique de celle de l’annexe méridionale découverte en 1995, et où l’on propose de localiser la curie, elle est cependant de 1,10 m plus réduite, et vient buter contre un decumanus de la ville. Ces deux découvertes rendent caduque l’hypothèse d’une salle à colonnade ouvrant directement sur l’extérieur, encore illustrée par la maquette du monument : le voisinage du plan actualisé (p. 36) et de la maquette restée inchangée (p. 37) rend la discordance entre ces deux documents plus patente.
268De même, le plan général du site (p. 15) a été mis à jour, et surtout son emprise a été élargie : vers l’Ouest, on peut désormais localiser facilement la rive antique du lac, ainsi que le quartier repéré « récemment » (dans le texte de 2003, p. 14, comme dans celui de 1998, p. 22 !) à l’Est de l’amphithéâtre ; vers l’Ouest, d’autres vestiges de rues et de constructions invitent également à ne plus voir la ville que comme quelques domus prises dans l’étroit corset d’une voirie orthogonale aux abords immédiats d’un forum. Mais on s’interroge sur ce que peuvent être, ici ou là, les quelques lambeaux très ponctuels d’un « 3e état » de la ville romaine, en jaune sur ce plan.
269Dans la troisième partie du volume, certains articles de la publication de 1998 sont ici encore repris : c’est la meilleure part. Le reste, évoquant le mobilier du musée, accumule les poncifs (sur « la sculpture, art emblématique de la civilisation antique » (p. 80), sur les sculpteurs qui utilisaient « des matériaux locaux ou importés », sur les esclaves qui devaient être nombreux (p. 90 et 99), sur les notables (p. 98) qui « ont dû adopter la toge », etc.). La banalisation de ce mobilier est si forte qu’il devient, au sens littéral du terme, insignifiant : on en oublie qu’on est dans un musée de site, tant le lien est absent, ou trop allusif, entre le site et son musée. À peine mentionne-t-on que la mensa ponderaria pouvait se dresser au forum (p. 101), si ce n’est au macellum voisin ; quant à la statue acéphale d’un togatus, on propose d’y voir (p. 82) « très probablement » et bien gratuitement une image d’Auguste, sans souligner que, trouvée comme l’objet précédent dans les remblais du cryptoportique de l’aire sacrée du forum, elle est un témoin des statues qui ornaient ces espaces jusqu’à l’encombrement.
270Ainsi, pour cette nouvelle « Collection Un site, un musée », ce premier ouvrage, de belle apparence, nous paraît-il décevant : texte répété et glose superficielle, ce coup d’essai est une sorte de bégaiement.
271Au contraire, Lyon avant Lugdunum est, chez le même éditeur, un événement. Quatorze ans après un premier volume consacré aux origines de Lyon [15], ce catalogue d’exposition, qui réunit une vingtaine d’auteurs, cherche à faire connaître les découvertes de ces dernières années, inédites pour la plupart, tandis que d’autres n’ont pas déjà fait l’objet d’une diffusion en direction du grand public, et à mieux faire comprendre l’occupation du site de Lyon, de la préhistoire à la veille de la création de la colonie en 43 av. n. è.
272Le parti pris éditorial est clair : comme le précise un discret avertissement (p. 11), il fait alterner des textes de présentation générale et des notices en corps plus petits « destinées à un lectorat plus averti », qui peut prolonger sa réflexion par le recours aux indications bibliographiques qui accompagnent et étayent la plupart des notices. Moins clair est le refus – un effet de mode – de vrais alinea typographiques, qui aéreraient le texte.
273Ces dossiers sont réunis les uns et les autres en chapitres classés efficacement par ordre chronologique : tour à tour sont abordés « le cadre naturel », « les premières occupations », « l’invention du métal », « le contact des cités méditerranéennes », « le temps des festins » et « les prémices de la romanisation » ; seul le premier chapitre réunit une présentation historiographique des textes, l’évocation de découvertes anciennes et celle de la politique lyonnaise de sauvegarde du patrimoine en un assemblage discutable qui donne absurdement à croire que, « des textes à l’archéologie » préventive, ceux-là seraient désormais à négliger.
274Si le parti est clair, l’exécution semble un peu hâtive. Ainsi des relectures plus patientes auraient-elles évité des orthographes fautives (p. 9 : des évidences « assénée » pour « assénées » ; p. 19 : le Père de « Colona », pour « Colonia » ; p. 70 : « Chatherine » pour « Catherine » ; p. 80 : un « autel » de tabletier pour un « atelier » ; p. 89 : les traces « interprétés » pour « interprétées », etc.), ou d’expression (p. 14, 74, 133 : construction intransitive et fautive du verbe « attester » ; p. 15 : les banquets « ont cours », etc.). Elles auraient décidé pour nous du sexe de Lyon (« la Lugdunum romaine », p. 13, devient un Lyon « romain », p. 20). Elles auraient montré que quelques références abrégées dans le texte ne sont pas explicitées en fin de notices ou ailleurs [16]. De même, des erreurs dans les renvois internes au catalogue auraient été détectées (ainsi faut-il lire, p. 90 : « voir supra, p. 82 » et non infra, et « quai Saint-Vincent, voir p. 108 » et non 106). Elles auraient enfin empêché qu’une manipulation hâtive du texte ne le desserve : ce n’est évidemment pas le mot « Celtibèros » qui désigne « sans doute un endroit où il était possible de traverser un fleuve », tandis qu’Arar se rapporte à l’eau (p. 21), mais le mot « Brigoulos » qui est bien « le premier » évoqué des deux noms propres, dans l’ordre où ils apparaissent... p. 19 ! Et ce n’est heureusement pas un diagramme d’ « évolution des espèces sauvages » qui est présenté p. 83, mais celui de leur consommation.
275L’illustration est de qualité, que des légendes précises explicitent généralement. Peut-être cependant le « lectorat » le moins prudent s’étonnera-t-il de trouver ici le dieu gaulois « de Péronne », du nom de son lieu de conservation, et non de découverte (p. 23), comme il pourra croire de provenance lyonnaise quelques beaux objets dont la provenance n’est pas indiquée (p. 71, 140). Et le « lectorat » non lyonnais – il y en aura pour ce bel ouvrage – se demandera quelle est l’emprise du « Lyon » dont on parle, quand il verra les photos de dépôts métalliques de Saint-Priest et de Vernaison (p. 66-67).
276Mais c’est bien parce que ce catalogue est riche et suggestif qu’on le sollicite. Pour notre part, c’est sur la partie la plus récente de la période qu’il couvre que nous l’interrogerons.
277Dans quel paysage politique la ville de Lugdunum est-elle fondée ? Si l’on s’accorde aujourd’hui pour dire qu’aux abords de Lyon la rive gauche du Rhône était allobroge, la question de la rive droite est plus débattue. La carte de la p. 144, montrant Lyon « à la croisée de plusieurs peuples gaulois », ne doit pas faire illusion. Il est peu vraisemblable que les Ambarres préromains, amis et alliés des Héduens (César, BG, I, 11,4 et I, 14,3) soient dans la dépendance des Séquanes qui contrôleraient directement ou par leur intermédiaire la rive du fleuve et la rive droite de la Saône : nous avons récemment rappelé que la lecture des textes antiques imposait de réserver une large bande du territoire entre Saône et Rhône aux Ségusiaves préromains, et de faire apparaître le territoire colonial de Lyon, prélevé sur celui des Ségusiaves, comme la porte d’entrée vers la Lyonnaise et la Belgique, ce que dit en fait le célèbre passage de Strabon (Géographie, IV, 3,2) dont, par un faux-sens, on a cru qu’il désignait Lugdunum comme l’improbable capitale des Ségusiaves [17].
278Les banquets celtiques de Fourvière ne se sont donc pas déroulés à quelque « croisée des peuples » (p. 100) où la présence des « représentants des Cités éloignées » ou « environnantes » (p. 94-95) serait une évidence nécessaire, ni, comme l’hypothèse en est avancée p. 95, la préfiguration, sur une autre colline, de l’ara ad confluentem qui, à l’époque impériale, se dressera à la Croix-Rousse. Au reste, et cela n’enlève rien à leur intérêt, la lecture des textes qui concernent cette pratique suggère plutôt qu’il se soit agi de banquets des élites, et de reconnaissance des élites, au sein même de la natio, ségusiave en l’occurrence, même si « les étrangers de passage » pouvaient y être conviés [18]. Dans cette perspective, l’identification d’un « quinaire d’argent ségusiave » (p. 116) semble particulièrement intéressante, s’il se confirme qu’il ait été effectivement émis par ce peuple auquel on peine jusqu’ici à reconnaître un monnayage propre [19].
279Le même désir d’expliquer Lyon gallo-romain par un antécédent celtique a conduit également cet ouvrage à aventurer une hypothèse, à nos yeux – et pas à eux seulement, si l’on en juge par les réticences de la p. 10 – bien téméraire : ces banquets orchestrés, lieux parfois de combats mortels, se déroulent selon l’expression de Posidonios dans un theatron (Athénée, Deipnosophistes, IV, 154, b-c), où le personnage le plus puissant tient un rôle comparé à celui du coryphée (Ibid., 152 b). Cela suffit pour que le théâtre et l’odéon de Lyon, « à moins de 100 m des fossés du Verbe Incarné et de Sainte-Croix » (p. 94) et, au-delà, l’amphithéâtre de la Croix-Rousse, lié à l’autel du confluent (p. 95), soient présentés comme la version architecturée, d’époque impériale, des enclos à banquets dont « le rôle séculaire ne pouvait qu’inciter l’administration romaine à les occuper pour y instaurer son nouvel ordre » (p. 94).
280Mais le théâtre augustéen de Lyon, encore insuffisamment étudié, doit son emplacement à son adossement à la colline, et fait partie de l’équipement de base des colonies romaines ; il succède peut-être à un édifice à portique dont la chronologie et l’identification font problème [20]. L’amphithéâtre est un des éléments classiques des sanctuaires provinciaux, qu’on retrouve par exemple à Narbonne [21]. L’odéon, construit au plus tôt vers la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle de n. è., succède pour partie à des constructions entrevues en 1994 [22]. Il nous semble donc qu’on cherche ici des continuités topographiques ou fonctionnelles qui ne s’imposent pas et que les faits ne démontrent pas.
281Mais, à dire vrai, l’important n’est pas dans quelques pages qui provoquent la critique. Des faits incontestables et majeurs, il y en a dans ce volume. Par ex., le très remarquable site de la rue du Souvenir, dont on pouvait rêver à l’heure où ces lignes étaient écrites que le maintien d’une archéologie préventive publique de qualité permettrait de le connaître plus largement, pose la question, encore insoluble, de la romanisation précoce d’élites locales ou de la présence ancienne de negotiatores romains [23] : en tout cas, des éléments de construction et des enduits peints caractéristiques de Rome y sont attestés à la charnière du IIe et du Ier s. av. n. è. Des hypothèses intéressantes il y en a aussi, comme celle qui voit dans le site de Lyon, pendant tout l’Âge du Fer, un port of trade (p. 125), et l’on revient ici à Strabon et à sa lecture de Lyon comme porte de la Gaule interne.
282C’est assez dire que, au-delà des défauts de réalisation que nous avons soulignés, cet ouvrage stimulant sait parler à divers publics en les respectant.
283Jean-Claude Béal,
284Université Lumière - Lyon 2, UMR 5138,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée,
7, rue Raulin,
69007 Lyon.
Freeman Philip, Bennett Julian, Zbigniew T. Fiema, Hoffmann Birgitta éd., Limes, XVIII, Proceedings of the XVIIIth International Congress of Roman Frontier Studies held in Amman, Jordan (September 2000) (BAR International Series, 1084 [1]), Oxford, Archaeopress, 2002, 2 vol. 21 × 30 ; vol. 1 : XXXVIII + p. 1-534, fig. ds t. ; vol. 2 : p. 535-948, fig. ds t.
285Ce XVIIIe « Congrès du Limes » est celui du cinquantenaire ou presque, puisque le premier du genre avait eu lieu en 1949, à l’initiative d’E. Birley. Créé à l’occasion du centenaire du traditionnel « pèlerinage » au mur d’Hadrien, ce congrès réunit, de façon plus ou moins régulière, les spécialistes des frontières de l’Empire romain, mais il a, en un demi-siècle, beaucoup évolué : si l’histoire militaire, stricto sensu, y tient encore une part importante, l’archéologie « provinciale », au sens le plus large, les phénomènes d’acculturation, de romanisation, l’étude du monde « barbare », celle des relations à longue distance de l’Empire occupent aujourd’hui une place de plus en plus large. Le choix d’un site comme Amman était d’ailleurs révélateur de cette volonté de ne plus privilégier les frontières européennes. Seule la difficulté pratique d’organiser ces congrès au Sud de la Méditerranée a conduit à une forme de routine que chacun souhaiterait remettre en cause, sans y parvenir tout à fait.
286Les deux tiers, environ, des 150 communications prononcées à Amman sont présentées ici, sous une forme matérielle qui laisse, hélas, à désirer, car on ne peut pas dire que la qualité des illustrations constitue le point fort de ce volume des BAR, malgré les efforts méritoires des éditeurs scientifiques. On doit rappeler la publication, à chaque congrès, d’un « guide » archéologique des ouvrages militaires de la région. Celui d’Amman, publié par D. Kennedy, The Roman Army in Jordan (Londres, CBR Levant, 2000), est d’excellente qualité, et rendra d’éminents services à tous les scientifiques.
287Le présent congrès n’avait guère défini de thèmes prioritaires, à l’opposé d’une tendance qui s’était fait sentir depuis les années 1980. Ce sont donc les approches régionales qui ont ici prévalu. On observera, à ce propos, la quasi-disparition de toute recherche actuelle sur l’Afrique, et l’absence presque totale des communications en français. Dans la mesure où il m’est apparu impossible de rendre compte dans le détail de chaque contribution, je préfère insister ici sur les grandes tendances et les aspects les plus novateurs de ce XVIIIe Congrès, après un rappel du sommaire. Pour faciliter la compréhension et éviter les citations trop longues, j’ai affecté les communications d’un numéro d’ordre, qui sera reproduit dans le texte.
GENERAL THEMES
288 1 – A. R. Birley, Fifty years of Roman frontier studies
289 2 – Lukas de Blois, The onset of crisis : The reign of the emperor Severus Alexander (AD 222-235)
290 3 – Nicolae Gudea, Bezüglich der europäischen Wanderschaft der legio III Gallica zu Beginn des 3. Jh.
291 4 – William S. Hanson, Why did the Roman empire cease to expand ?
292 5 – Johann van Heesch, Mints and the Roman army from Augustus to Diocletian
293 6 – Fraser Hunter, Problems in the study of Roman and native
294 7 – Karl Strobel, Die Legionen des Augustus, Probleme der römischen Heeresgeschichte nach dem Ende des Bürgerkrieges : Die Truppengeschichte Galatiens und Moesiens bis in Tiberische Zeit und das Problem der Legiones Quintae
295 8 – Wolfgang Vetters, Heinrich Zabehlicky, The Northern, Southern and Eastern frontiers and the climate c. AD 200
296 9 – Zsolt Visy, Similarities and differences in the late Roman defense system on the European and Eastern frontiers
THE EASTERN FRONTIER
29710 – S. Thomas Parker, The Roman frontier in Jordan : An overview
29811 – Bill Leadbetter, Galerius and the Eastern frontier
29912 – Ariel Lewin, Diocletian : Politics and limites in the Near East
30013 – Chaim Ben-David, The Zoar ascent – A newly discovered Roman road connecting Zoar-Safi and the Moabite plateau
30114 – Tali Erickson-Gini, Nabataean or Roman ? Reconsidering the date of the camp at Avdat in light of recent excavations
30215 – Zbigniew T. Fiema, The military presence in the countryside of Petra in the C 6th
30316 – George Findlater, Limes Arabicus, via militaris and resource control in Southern Jordan
30417 – David F. Graf, Nomads and the Arabian frontier : The epigraphic perspective
30518 – Theodor Kissel, A reused milestone from Imtan (Southern Syria) – new evidence on the limes Arabicus in the second century AD
30619 – Maurice Lenoir, Le camp de la légion IIIa Cyrenaica à Bostra, Recherches récentes
30720 – Mordechai Gichon, 45 years of research on the limes Palaestinae – The findings and their assessment in the light of the criticisms raised (C 1st-C 4th)
30821 – Haim Goldfus et Benny Arubas, Excavations at the Roman siege complex at Masada – 1995
30922 – Israel Roll, Crossing the Rift Valley : The connecting arteries between the road networks of Judaea / Palaestina and Arabia
31023 – Yotam Tepper, Lajun – Legio in Israel : Results of a survey in and around the military camp area
31124 – Susan Weingarten, Road use in late antique Palestine
31225 – Martin Hartmann, Michael A. Speidel, Roman military forts at Zeugma, A preliminary report
31326 – Lars Petersen, Preliminary report on the Roman period at Kamid el-Loz (Lebanon)
ROME AND PARTHIA
31427 – Edward Dabrowa, « Ostentasse Romana arma satis... », The military factor in Roman-Parthian relations under Augustus and Tiberius
31528 – Gwyn Davies, The circumvallation at Hatra
31629 – Everett L. Wheeler, Roman treaties with Parthia : Völkerrecht or power politics ?
31730 – Josef Wiesehöfer, Die « Sklaven des Kaisers » und der Kopf des Crassus, Römische Bilder des Ostens und parthische Bilder des Westens in augusteischer Zeit
THE ANATOLIAN PROVINCES AND THE BLACK SEA REGION
31831 – Julian Bennett, The Cappadocian frontier : from the Julio-Claudians to Hadrian
31932 – Ergün Lafli, Notes on the history of Seleuceia Sidera in Pisidia (South-Western Turkey) : Second preliminary report on the inscriptions
32033 – Jeorgios Martin Beyer, δν1 α≤τοι 3λλοβς Βορ0δοι καα Γπτθοι γBνονται, Gregorios Thaumaturgos und die pontischen Beutezüge der Boranen und Goten im 3. Jh. n. Chr.
32134 – Oleg Savelya, Excavation of a new Roman base near Balaklava in the Crimea (1992-1999)
NORTH AFRICA
32235 – Alan Rushworth, Defensores Provinciae : The militarisation of frontier zone élites in C 3rd Mauretania Caesariensis
32336 – Steven E. Sidebotham, The Roman empire’s Southeastern-most frontier, recent discoveries at Berenike and environs (Eastern Desert of Egypt) 1998-2000
32437 – Gabriele Ziethen et Erik Klingenberg, Merchants, pilgrims and soldiers on the Red Sea route
THE GERMANIES
32538 – Harry van Enckevort, The Eastem canabae legionis of the legio X Gemina on the Kops Plateau in Nijmegen (NL)
32639 – Meingad Filgis, Holzfachwerkbauten im Kastellvicus von Wimpfen, Neckar-Odenwaldlimes : Topographie, Siedlungsstruktur, Nutzungszonen, Grundrisstypen sowie belegbare Nutzungen
32740 – J. K. Haalebos, Die früheste Belegung des Hunerberges in Nijmegen
32841 – Marcus Jae, Markus Scholz, Reduktion von numerus- und Kleinkastellen des obergermanischen Limes im 3. Jahrhundert
32942 – Stefan Neu, Matthias Riedel, Das Kölner Rheinufer im ersten und zweiten Jahrhundert n. Chr.
33043 – Gabriele Rasbach, Die spätaugusteische Siedlung in Lahnau-Waldgirmes – Zusammenfassende Bemerkungen zum Stand der Fundauswertung
33144 – C. Sebastian Sommer, Recent developments in South-West Germany (Eastern Germania Superior – Western Raetia)
33245 – J. Thyssen, The late Roman fort at the Valkhof in Nijmegen. Nijmegen at the transition from the Roman period to the middle ages
EARLY ROMAN GERMANY
33346 – Armin Becker, Die Ausgrabungen in Lahnau-Waldgirmes
33447 – Paul Bidwell, Timber baths in Augustan and Tiberian fortresses
33548 – Marjan C. Galestin, Early Roman military activity on the Frisian coast
33649 – Thomas Grane, Problems concerning the early Roman fortifications at Marktbreit (D) and Valkenburg ZH (NL) 489
33750 – Norbert Hanel, Zur Datierung der frühkaiserzeitlichen Militärlager von Novaesium (Neuss)
33851 – Andrea Hagendorn, Christine Meyer-Freuler, Das Legionslager von Vindonissa : Neue Forschungen zur Frühzeit
33952 – Katrin Roth-Rubi, Why Dangstetten ?
34053 – Susanne Wilbers-Rost, Kalkriese und die Varusschlacht – Archäologische Nachweise einer militärischen Auseinandersetzung zwischen Römer und Germanen
34154 – Siegmar von Schnurbein, Neue Grabungen in Haltern, Oberaden und Anreppen
THE DANUBIAN AND BALKAN PROVINCES
34255 – Claus-Michael Hüssen, Neue Forschungsergebnisse zu Truppenlagern und ländlichen Siedlungen an der Donau und im raetischen Limesgebiet
34356 – Markus Gschwind, The Flavian timber fort at Eining (Abusina) on the Upper Danube
34457 – Andreas Schaub, Neue Befunde zur Spätlatène – und frühen Kaiserzeit in Augsburg
34558 – Stefan Groh, Helga Sedlmayer, Neue Grabungen im Vicus des Auxiliarkastells Favianis (Noricum) – ein Handwerksbezirk im östlichen Kastellvicus
34659 – M. Kronberger, M. Mosser, Vindobona – Legionary fortress, canabae legionis and necropolis
34760 – Ingrid Mader, Vindobona – the Roman civil seulement at Vienna
34861 – Sylvia Sakl-Oberthaler, Patrizia Donat et al., Die Ausgrabungen am Michaelerplatz – Ein Bereich der canabae legionis von Vindobona
34962 – Raimund Kastler, Legionslager an der Wende zur Spätantike – Ein Überblick zu Carnuntum und vergleichbaren kaiserzeitlichen Standlagern des Rhein-Donau-Raumes in einer Periode des Umbruchs
35063 – Eszter Istvánovits et Valéria Kulcsár, The history and perspectives of the research of the Csörsz Ditch (Limes Sarmatiae)
35164 – Snezana Goluboviç, Decorated lead sarcophagi in Moesia Superior
35265 – Dorel Bondoc, Artillery troops detached North of the lower Danube in the late Roman period
35366 – Andrzej B. Biernacki, The Roman legionary bath from the C 2nd AD in Novae (Moesia Inferior)
35467 – Gerda v. Bülow, Iatrus – Spätantikes Kastell oder befestigte Zivilsiedlung am Unterdonaulimes ?
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35669 – Piotr Dyczek, Remarks on supply of the Roman army from the point of view of the valetudinarium at Novae (Moesia Inferior)
35770 – Elena Klenina, Some remarks about the Roman and early Byzantine pottery from Novae (Moesia Inferior)
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35972 – Mirjana Sanader, Tilurium, Burnum and Bigeste. A new contribution to the dating of the Delmatian limes
DACIA
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THE SPAINS
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36780 – Jorge López Quiroga, F. Germán Rodriguez Martin, Les castra et les castella aux extrémités de l’Empire après la fin de la domination romaine : le Nord-Ouest Ibérique et le Haut Rhin au Ve siècle
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BRITAIN
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37083 – Julian Bennett, A revised programme and chronology for the building of Hadrian’s Wall
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379 92 – Nicholas Hodgson, « Where did they put the horses ? » revisited : The recent discovery of cavalry barracks in the Roman forts at Wallsend and South Shields on Hadrian’s Wall
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FLEETS AND FRONTIERS
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382 95 – Thomas Fischer, Neue Grabungen an der Westseite des römischen Flottenlagers Köln – Alteburg
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DOCUMENTS AND ARCHIVES
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386 99 – John Pearce, Food as substance and symbol in the Roman army : A case study from Vindolanda
387100 – Margaret Roxan, Vespasianvs Velageno
388L’Orient a tenu naturellement une part importante des communications présentées à Amman. De ce point de vue, l’ouvrage désormais classique de B. Isaac, The Limits of Empire, The Roman Army in the East, Oxford, 1990, continue d’ébranler un milieu scientifique longtemps prisonnier d’une vision « européo-centriste » de la frontière romaine, considérée comme une barrière fortifiée face au barbaricum. Si M. Gichon (20), dans un vibrant plaidoyer pro domo, a défendu, envers et contre tous, les positions traditionnelles des recherches qu’il a menées pendant cinquante ans, si Th. Parker (10) a réitéré sa vision d’un monde sédentaire, protégé par le limes, face à des nomades toujours menaçants, d’autres s’inscrivent dans une logique moins simpliste. Il est ainsi très utile, pour un non sémitisant, de prendre connaissance, grâce à la communication de D. Graf (17), des informations qu’apportent désormais les très nombreuses inscriptions safaïtiques et thamudiques pour notre connaissance du monde classique. Ces textes Nord-arabiques ne doivent plus être considérés comme la marque de nomades extérieurs au limes, puisqu’on les retrouve tout autant à l’intérieur de ce qui deviendra la zone romaine, essentiellement avant sa conquête, et qu’elles proviennent aussi de sédentaires. L’unité culturelle et ethnique de ces populations, malgré des modes de vie différents, doit désormais être prise en considération dans tout raisonnement sur le rôle de la « frontière ». Cet apport linguistique doit être complété par des approches archéologiques comme celle que développe G. Findlatter (16), sur une zone de 60 × 60 km environ, prospectée au Nord-Est de Pétra. L’A. met de facto en cause le modèle traditionnel de frontière militaire, car la prospection fait apparaître des sites d’époques diverses, avec des fonctions variées mais purement civiles (caravansérails, tours, villages agricoles, domaines impériaux). Ce paysage aujourd’hui désertique était exploité et, sans doute pour partie, cultivé. Il manque malheureusement à cet article une cartographie lisible. On constate toujours, au demeurant, l’absence quasi complète d’un système défensif pendant tout le second siècle. Même dans le Negev, où les fouilles anciennes avaient cru reconnaître des postes fortifiés nabatéens, une relecture attentive du terrain ne permet plus d’identifier que des fortifications tardo-romaines : tel est le sens des recherches menées à Oboda par T. Erickson-Gini (14) dont les conclusions mettent à mal, par contrecoup, l’existence d’un modèle régional ancien pour les pseudo quadriburgi tétrarchiques, toujours postulé par M. Gichon (20). Cette absence de limes, au second siècle, n’exclut évidemment pas la construction de routes, qui s’enfoncent beaucoup plus loin, vers l’Est, que la via Nova Traiana. Celle-ci est donc loin de constituer l’axe unique de la province : la découverte d’un nouveau milliaire de Marc-Aurèle et Lucius Verus à Imtan (Mothana) montre que le Hauran a été contourné par l’Est et que des liaisons directes, non directement protégées par des postes frontaliers, existaient dès cette époque en limite du désert. Faut-il, dans ce cas, employer le terme de limes, certes correct d’un point de vue technique – il s’agit bien de routes bordières et de pénétrantes –, mais qui prête assurément à confusion dans ce contexte (Kissel [18]) ? En marge de ces réflexions très archéologiques, D. B. Saddington (90) a proposé une bonne étude des auxiliaires, relevant la présence proportionnellement plus grande de citoyens, voire d’Italiens, en Orient.
389Pour le principat, le seul camp véritablement identifié en Arabie reste celui de Bostra, dont M. Lenoir a redonné une description générale (19). Celui de la VIe légion, dans le Nord d’Israël, n’est toujours pas véritablement localisé, malgré les prospections de Y. Tepper (25), non plus que celui de la IVe Scythica à Zeugma, où M. Hartman et M. A. Speidel ont malgré tout mis en évidence deux camps successifs (11-12 ha) d’époque julio-claudienne, sur une terrasse occidentale de l’Euphrate, aujourd’hui ennoyée par le barrage moderne. Il s’agit d’un rempart sous poteaux, en brique crue et adobe (25). On est heureux de voir les archéologues israéliens entreprendre enfin des sondages à Masada, sur le camp F et sur la rampe ; mais pourquoi sont-ils aussi médiocrement illustrés (H. Goldfus / B. Arubas, 21) ?
390Ce n’est donc guère avant l’Antiquité tardive que se met en place un véritable limes en Arabie. Encore faudrait-il mieux le dater. A. Lewin (12), reprenant un vieil article d’E. Ritterling, s’interroge ainsi sur le rôle qu’Aurélien a pu tenir dans la réorganisation du système militaire de l’Arabie. Il revient malgré tout, au terme d’un examen des sources, à l’hypothèse tétrarchique, mais sans réellement apporter d’élément décisif. Il faudra désormais, sur cette question, considérer aussi l’argumentation contraire présentée par M. Christol et M. Lenoir, Qasr el-Azraq et la reconquête de l’Orient par Aurélien, Syria, 78, 2001, p. 163-178. De son côté, B. Leadbetter (11) revient sur la présence et l’œuvre militaire de Galère en Orient dans les années 293-299. Mais l’A. a tendance à rattacher à cette période et à cette région toute une série de sources et d’événements bien connus, valables surtout jusqu’au début du IVe siècle, et parfois empruntés à d’autres contextes géographiques. Plus intéressante me paraît l’étude de S. Weingarten (24) sur l’utilisation des routes de Palestine, durant l’Antiquité tardive, à travers l’examen des récits de voyage : il en ressort par exemple que la route côtière Césarée / Ascalon semble ne plus avoir été en usage (ceci est-il dû au déclin du port de Césarée ?). De même, Z. Fiema (15) démontre de façon convaincante que la défense de Pétra, jusqu’au VIe siècle, ne reposait pas sur des phylarques arabes, comme on le croit volontiers, mais sur des troupes régulières. Le système ne s’est effondré qu’au VIIe siècle, face à une menace perse de grande ampleur. La permanence des routes commerciales maritimes en mer Rouge aux IVe-VIe siècles est réaffirmée une nouvelle fois par G. Ziethen et E. Klingenberg (37) dans une revue des sources paléochrétiennes.
391Les rapports romano-parthes ont naturellement suscité plusieurs communications : E. Dabrowa (27) analyse l’importance de la force militaire de l’armée de Syrie, à l’époque augusto-tibérienne, dans les relations avec les Arsacides, montrant combien la diplomatie romaine s’appuie sur l’existence d’une force dissuasive, tout en poursuivant une politique prudente, qui ne s’engage jamais dans une aventure militaire. J. Bennett (31), de son côté, étudie de façon minutieuse et souvent séduisante la constitution de la garnison de Cappadoce dans les premiers temps de la présence romaine. Il suggère que la frontière de l’Euphrate supérieur a été organisée par Corbulon, et non sous les Flaviens. Les troupes auxiliaires, constituées de corps européens, en dehors des milices locales, semblent avoir peu changé jusqu’à Hadrien. Les sources épigraphiques et archéologiques restent hélas fort minces. E. Wheeler (29) et J. Wisehöfer (30) analysent séparément les rapports romano-parthes sous l’angle de l’idéologie et de la représentation que chacun a de la puissance adverse. Enfin, la célèbre « circonvallation » d’Hatra a fait l’objet d’une nouvelle étude de G. Davies (28). Elle serait plutôt parthe que romaine, selon l’auteur, mais la preuve archéologique fait toujours défaut. L’idée d’un proteichisma indigène, en revanche, est repoussée à juste titre.
392Mentionnons, toujours pour l’Orient considéré au sens large, plusieurs communications qui apportent des informations ponctuelles mais très intéressantes : ainsi Ch. Ben-David (13) fait-il état de la découverte d’une route militaire entre le Sud de la mer Morte (Zoar) et la via Nova Traiana, proposant d’identifier le site de Tharais, mentionné par la carte de Madaba, avec les vestiges situés au sommet de cette route. St. Sidebotham présente un nouvel article de synthèse sur Bérénice, où ont été mis au jour une église et un probable mithraeum (36). De nombreuses traces matérielles du commerce avec l’Inde sont désormais observées, ce qui contraste fortement avec leur absence totale sur les pistes caravanières qui conduisent à ce port à travers le désert. La découverte d’une nouvelle et importante inscription de Siket est en revanche peu commentée : on se référera sur ce point à l’article que lui ont consacrée R. Bagnall, A. Bülow-Jacobsen et H. Cuvigny dans JRA, 14, 2001, p. 325-333. De même mentionnera-t-on la présence d’un nouveau Dolichenum près de Cherson, en Crimée, sur un site contrôlé par l’armée de Mésie inférieure, mais qui n’est pas nécessairement un camp militaire (O. Savelya [34]).
393On appréciera enfin la relecture par A. Rushworth (35) de deux inscriptions de Taraess (Tatilti, en Césarienne), désormais réunies. Il faudra à l’avenir exclure la cohors IIII Flavia Chalcidenorum equitata sagittaria (au demeurant non autrement attestée) de la garnison de Césarienne, et la remplacer par la Cohors IIII Sygambrorum, sous les Sévères, à Tatilti, hiberna de ladite cohorte. Rapprochant ces inscriptions de trois autres carrières déjà connues (Q. Gargilius Martialis, CIL VIII,9047 + P. Aelius Primianus, CIL VIII,9045) + L. Iulius Capito (CIL VIII,9025), l’auteur conclut à l’engagement des notables locaux dans la défense de la région au IIIe siècle et à la militarisation de leurs carrières.
394On pourrait croire que le limes de Germanie ne réserve plus de surprises : loin s’en faut ! Plusieurs des communications prononcées à Amman ouvrent en effet des perspectives historiques très nouvelles, qu’il vaut la peine de relater.
395La chronologie de la conquête sort assez profondément bouleversée de la synthèse de C. S. Sommer (44). S’appuyant principalement sur une étude numismatique de K. Kortüm, Zur Datierung der römischen Militäranlagen im obergermanisch-rätischen Limesgebiet, Chronologische Untersuchungen anhand der Münzfunde, Saalburg-Jahrbuch, 49, 1998, p. 5-65, l’A. dresse un nouveau bilan des connaissances. Selon lui, la construction du « limes du Neckar » serait due non pas à Domitien, comme on le croit généralement, mais à la fin du règne de Trajan ; la municipalisation de cette région serait donc plus tardive qu’on ne le pense. C. A. Sommer suggère en outre l’hypothèse d’une continuation du limes du Neckar à l’Est du fleuve, au Sud de Bad Wimpfen. Autre nouveauté : des indices archéologiques laisseraient penser que la construction du limes extérieur commencerait avant Antonin. La fin de l’occupation romaine semble elle aussi plus progressive qu’on ne le croyait, et ne serait pas le fruit d’un effondrement brutal, en 260, comme on l’affirme dans tous les manuels. Cette dernière analyse est partagée, et brillamment démontrée, par M. Jae et M. Scholz (41). Réfléchissant sur le processus d’abandon du limes, les deux A. ne conçoivent plus celui-ci comme une chute brutale, mais comme un déclin progressif, lié aux retraits successifs de différentes unités, en raison des guerres persiques, depuis Alexandre Sévère. Ce serait la première cause de la catastrophe de 233. Pourtant, cette politique aurait été suivie par Maximin et Gordien III. M. Jae et M. Scholz expliquent ainsi la réduction de la superficie de plusieurs forts, phénomène qui se traduit par la construction d’une enceinte réduite, dans un angle. Cette situation se vérifie surtout dans le Taunus. Dans la Vétéravie, en revanche, on constate l’abandon de plusieurs petits postes, parfois incendiés, la pose d’une barricade devant plusieurs portes, mais la datation de ces événements reste encore imprécise. En revanche, le limes extérieur comprend encore des monnaies de Gallien. La situation militaire ne semble donc pas univoque sur tout le secteur de la Germanie supérieure. Les conclusions doivent être prises avec prudence, tout comme celles de C. S. Sommer. Elles n’en remettent pas moins en cause des certitudes jusqu’ici fortement ancrées et régulièrement réaffirmées.
396Différentes études ponctuelles viennent à leur tour préciser la chronologie de l’occupation augusto-tibérienne dans ces régions. Réexaminant le matériel des tours du Walensee et le comparant à celui de Dangstetten, K. Roth-Rubi (52) suggère de manière très persuasive que ce dernier site est lié aux débuts de l’offensive romaine, dès 20 av. J.-C., et n’a rien à voir avec la préparation d’une offensive vers l’Allemagne du Sud, à l’époque de Drusus. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une réhabilitation de la thèse de C. Wells, qui avait soutenu l’idée d’une pénétration précoce en Germanie, dès le début de la seconde décennie av. J.-C. Le regretté J. K. Haalebos (40) a présenté, peu avant sa mort, un état des dernières fouilles menées sur le camp augustéen de Nimègue, dont la date de fondation reste incertaine, car l’étude du matériel ne permet toujours pas de préciser si elle a été effectuée avant ou après la clades Lolliana. Sa fin correspond avec la mort de Drusus. Malgré une analyse très soigneuse des différents ensembles de matériel découverts à Neuss lors des fouilles anciennes, N. Hanel (50) ne parvient pas à établir une discrimination des différents camps qui se sont succédé sur le site. Reste que l’occupation de Neuss semble l’une des plus précoces de Germanie, peut-être antérieure à 16 avant notre ère. La découverte très importante d’un site civil fortifié d’époque augustéenne précoce à Waldgirmes, à l’Est du Rhin, avait permis de constater la réalité de la politique de romanisation en Germanie, avant le désastre de Varus. Deux communications de G. Rasbach (43) et A. Becker (46) font ici le point des nouvelles découvertes. De son côté, M. Galestin (48) réétudie les niveaux d’occupation contenant du matériel augusto-tibérien découvert sur la côte frisonne, souvent interprété comme signe d’une occupation militaire. En réalité, on ne constate pas de traces de fortifications, mais simplement l’existence de relations économiques avec les populations littorales, notamment à Winsum, qui ne doit plus être considéré comme le castellum Flevum. Toujours pour l’époque augustéenne, les fouilles menées par A. Hagendorn et Ch. Meyer-Freuler (51) dans et sous les principia de Vindonissa ( « in der Breite » ) ont révélé une succession de sept périodes de bois, avant la construction en pierre. Les quatre premiers niveaux sont antérieurs à l’arrivée de la XIIIe légion, sous Tibère. Le 1er daterait de l’horizon de Dangstetten / Oberaden, bien que la majorité des trouvailles appartienne à l’horizon de Haltern. Reste le problème de leur interprétation : il s’agit sans doute d’un habitat civil, mais on ne sait si celui-ci s’est développé près d’une fortification militaire, installée dans l’oppidum voisin, à l’Est, ou si l’ensemble du site est resté civil, jusqu’à l’installation de la XIIIe légion. Autrement dit, l’hypothèse d’un camp augustéen précoce n’est toujours pas démontrée. S. von Schnurbein (54) a fait le point, de son côté, sur les découvertes récentes des camps de la Lippe : un nouveau grand camp a été découvert à Haltern, au Nord-Est du « Hauptlager ». Il semble de même époque. À Oberaden ont été mis au jour des quartiers de tribuns, au Sud des Principia, et la porta praetoria est désormais complètement fouillée. À Anreppen, à l’Est de la porte Sud, ont été découverts un gigantesque horreum et deux casernes, de l’horizon de Haltern. Le site de Kneblinghausen devrait être aujourd’hui redaté, selon l’auteur, car la chronologie ancienne (flavienne) reposait sur la présence de claviculae, dont on sait, depuis les nouvelles fouilles d’Alésia, qu’elles existaient dès l’époque de César. Th. Grane (49) développe une réflexion pertinente sur l’architecture précoce des principia et praetoria dans les camps de Marktbreit, Oberaden, Haltern : l’absence d’aedes dans les principia implique que celle-ci devait se trouver dans le praetorium, identifié généralement avec le bâtiment arrière qui lui est lié. S. Wilbers-Rost (53) offre enfin quelques réflexions nouvelles sur Kalkriese, site de la bataille du Teutoburg : il apparaît désormais que le rempart sinueux établi par les Germains pour barrer le flanc Sud de la marche romaine était soigneusement construit et flanqué de bastions, ce qui suppose des capacités militaires très réelles et une bonne prévision du lieu de l’embuscade. La découverte de fosses d’ossements animaux et humains, très fragmentés, a permis en outre de constater que ceux-ci étaient restés à l’air pendant plusieurs années, avant d’être réensevelis, sans doute lors de l’expédition de Germanicus. L’A. souligne enfin l’importance, sur un site de bataille, d’une prospection de surface fine et d’une réflexion systématique sur les modes de dépôt et de transport des objets.
397Les périodes ultérieures ou les sites civils ont été nettement moins étudiés, mais on doit malgré tout signaler plusieurs communications importantes. Ainsi H. van Enckewort (38) confirme-t-il la découverte, effectuée en 1970, mais jusqu’ici incomplète, d’un forum-marché (166,25 × 132,75 m) à l’Est du camp légionnaire. Ce monument, daté du début des années 1990, offre la singularité de présenter un plancher de bois, implanté sur poteaux, sur toute sa surface interne. Ce serait le « vieux » marché de l’oppidum des Bataves, par opposition au nouveau ( « Noviomagus » ), situé dans la ville occidentale. M. Filgis (39) développe de son côté une réflexion particulièrement intéressante sur le parcellaire utilisé dans le vicus de Bad Wimpfen. Différents types de « Streifenhäuser » sont ici distingués et on devra confronter cette étude d’urbanisme avec celle qui a été présentée récemment à l’occasion de la très importante publication du vicus de Vitudurum, à Oberwinterthur (Th. Pauli-Gabi, Chr. Ebnöther, P. Albertin, A. Zürcher, mit einem Beitrag von K. Wyprächtiger, Beiträge zum römischen Oberwinterthur-Vitudurum 6. Ausgrabungen im Unteren Bühl, Die Baubefunde im Westquartier, Ein Beitrag zum kleinstädtischen Bauen und Leben im römischen Nordwesten, 1-Gesamtübersicht ; 2-Einzelbefunde ; Begleitmappe [Monographien der Kantonsarchäologie Zürich, 34], Zürich und Egg, 2002).
398Signalons, pour finir, les articles de St. Neu et M. Riedel (42) qui montrent que le bras intérieur occidental du Rhin, à Cologne, n’a été ouvert et n’a servi de port qu’au IeR siècle. Il se comble ensuite, à la fois par les apports du fleuve et les dépotoirs urbains. Enfin, J. Thyssen (45) présente une synthèse générale sur l’occupation de Nimègue dans l’Antiquité tardive, jusqu’au Moyen Âge, à partir de fouilles diverses effectuées depuis la guerre.
399Sur le long secteur danubien, les communications présentées au congrès d’Amman ont montré une certaine hétérogénéité des préoccupations et des problématiques, ce qui est souvent dû à l’état très inégal de la recherche récente d’un pays à l’autre. Peu de synthèses générales ont été faites, sauf celle de C. M. Hüssen (55) sur le secteur rhétique ou celle de M. Mirkoviç (75), pour le limes de Mésie supérieure. Dans le premier cas, on retiendra notamment, outre la mise à jour de nos connaissances, l’idée que la pénétration romaine s’est effectuée dans un pays qui n’était pas vide, contrairement à ce qu’on a souvent affirmé, mais seulement peu densément occupé. L’étude consacrée au limes de Mésie, après la conquête de la Dacie, contient quelques réflexions importantes, malheureusement provisoires, en raison de notre méconnaissance de la chronologie précise des différents sites reconnus. M. Mirkoviç suggère que les forts auxiliaires le long du Danube ont été abandonnés après 107, à l’Est de Viminacium, tandis que les légions seraient restées à Singidunum et à Viminacium. Jusque sous Hadrien, le fleuve n’a pas connu de véritable ligne de défense. La défense se faisait sans doute par le biais d’un contrôle plus ou moins effectif sur le Banat, en avant du Danube. En témoignerait la carrière de Q. Marcius Turbo qui fut un temps gouverneur de Dacie et de Pannonie, ce qui suppose l’utilisation de la ligne du Marisus comme moyen de communication in barbarico entre les deux provinces. Sous Antonin, en revanche, Claudius Fronto devient gouverneur des trois Dacies et de Mésie supérieure. La réorganisation de la défense s’est donc effectuée à partir de la Mésie et a concerné le Danube moyen. Celle-ci ne sera pourtant vraiment effective que sous les Sévères.
400N. Gudea (3) a repris l’examen des tuiles de la IIIa Gallica trouvées en grand nombre à Porolissum, et datables, selon lui, de l’époque sévérienne. La légion faisait alors partie de la garnison de Syrie, qui avait pris fait et cause pour Niger. On trouve sa trace (à la même époque ?) dans plusieurs autres régions, notamment à Dimmidi, Sirmium, Viminacium. L’hypothèse d’un morcellement de la troupe, pour la punir d’avoir pris le mauvais parti, est donc envisagée par N. Gudea, sans être réellement prouvée. I. Piso préférait, pour sa part, envisager un remplacement des troupes danubiennes fidèles, envoyées contre Clodius Albinus, en 195, par des détachements de la IIIa Gallica (mais l’article de I. Piso dans Y. Le Bohec, Les légions de Rome sous le Haut-Empire, Lyon, 2000, p. 207, n’est pas cité par N. Gudea). E. Dabrowa envisagerait plutôt une date dans le courant du IIIe siècle, sans pouvoir préciser (ibid., p. 312). La question reste pendante, à mon avis.
401On retiendra aussi l’étude riche et très documentée d’I. Bogdan CStSniciu (73) sur les routes de Dacie, à partir de Ptolémée, de la Table de Peutinger et du Ravennate. L’A. montre ainsi, de manière très convaincante, que la connaissance de l’espace provincial s’est faite à partir des routes que l’on traçait, pendant la phase de conquête et de romanisation. Ptolémée a disposé d’informations très à jour, contrairement à ce qu’on a cru. Les distorsions avec les sources postérieures sont liées aux événements politiques, mais l’analyse montre que l’abandon militaire ne s’est pas traduit par une rupture totale, les liens avec les communautés civiques étant maintenus. À l’époque tardo-antique et byzantine, les envahisseurs ont souvent été traités comme des fédérés, pour maintenir un semblant de domination sur cette région qui était toujours considérée comme « romaine ». On complétera cette analyse par celle de Ch. Gazdac (74), qui montre un déclin très net entre 253 et 268 dans l’approvisionnement monétaire des forts auxiliaires de la province. Enfin, au sujet du limes de Dalmatie, M. Sanader (72) passe en revue les sources disponibles sur Burnum, Bigeste, Tilurium.
402D’autres communications, quoique abordées par l’étude d’un site ou d’un monument, offrent en réalité une grande portée générale. P. Dyczek (69) présente ainsi une très fine analyse du ravitaillement militaire à partir du matériel trouvé dans le valetudinarium de Novae, assurément le mieux préservé du monde romain. Il en ressort une image très nuancée, évolutive, de la logistique. Si les provinces occidentales semblent avoir joué un rôle prépondérant dans ces régions, jusque vers le milieu du IIe siècle, le ravitaillement n’a pas été centralisé de manière systématique, et les réseaux privés, locaux ou régionaux, ont régulièrement fonctionné. Mentionnons au passage la découverte de sceaux de plomb militaires portant le mot annona. Pour l’Antiquité tardive, deux communications doivent être spécialement retenues. R. Kastler (62) propose une série de réflexions, à partir de l’exemple de Carnuntum, sur l’utilisation des anciens camps du Principat pendant l’Antiquité tardive et sur leurs transformations architecturales. Les informations archéologiques sur ce sujet, on le sait, manquent cruellement. L’A. constate un réel conservatisme dans le réaménagement des casernes (notamment à Carnuntum), au moins jusqu’au début du IVe siècle, ce qui ne plaide pas en faveur de l’hypothèse d’un bouleversement de la structure militaire à cette époque. L’installation des civils dans les anciens camps, devenus trop grands, s’est faite à des dates variables, généralement pas avant la fin du IVe siècle. On doit donc se demander à quoi ont servi entre-temps ces anciennes bases : cantonnements d’attente pour l’armée mobile, bases logistiques, fabricae ? Pour sa part, G. von Bülow (67) propose une excellente réflexion croisée sur les sources littéraires et l’archéologie. L’A. rappelle que les textes tardo-antiques semblent quelquefois imprécis dans l’usage des termes qui désignent les fortifications (castellum, burgus / civitas...), et on hésite souvent à déterminer le statut réel à partir de ces seules informations. L’exemple de Iatrus montre qu’on a affaire à plusieurs phases d’utilisation, avec des statuts variés : 1 – une phase clairement militaire, constantinienne, que reflète encore le terme de castellum dans la Notitia Dignitatum ; 2 – une phase dans laquelle les casernes sont transformées et donnent naissance à des maisons familiales plus vastes ( « chalets » ), mais aussi à de grands monuments publics, vers la fin du IVe siècle. À cette époque, le camp n’abritait sans doute plus des unités régulières mais des fédérés ; c’est alors que les premières églises apparaissent ; 3 – pour l’époque proto-byzantine, Procope parle tantôt de phrourion, tantôt de polis, ce qui reflète la réalité politico-militaire du temps, où la distinction forteresse militaire / forteresse civile n’a plus de sens.
403Plusieurs sites ont fait l’objet d’études particulières. La grande nouveauté vient assurément de Vienne, grâce à la communication de M. Kronberger - M. Mosser (59). Il suffit de regarder la carte archéologique publiée lors du congrès de Carnuntum, en 1986, et de la comparer à celle qui est donnée désormais dans ce volume pour comprendre quels progrès la recherche a effectués, à l’aide de fouilles nouvelles (par ex. celles de la Judenplatz), mais aussi grâce à une bonne compilation des travaux anciens sur un même fond de carte. Il apparaît désormais que la forteresse en pierre a été précédée par d’autres installations militaires, qui ne sont connues que par du matériel, daté de la fin du IeR siècle de n. è. Il est possible qu’une phase plus ancienne soit attestée, à la fois par l’inscription d’un soldat de la XVe Apollinaris et par du matériel augusto-tibérien, reconnu en divers endroits de la ville. Faut-il y voir une base de départ lors de l’expédition contre Marbod, à l’instar de ce qu’on suspecte pour Carnuntum ? Cette communication doit être complétée par celles d’I. Mader (60) et de S. Sakl-Oberthaler - P. Donat (61). Signalons aussi un réexamen des vieilles fouilles d’Eining par M. Gschwind (56), qui met en évidence le plan d’un fort en bois (1,5 ha), daté vers 80, en même temps que les premiers castella installés le long du Danube. Le poste abritait une Cohors quingenaria equitata (IV Gallorum), malgré la relative étroitesse de l’espace. Pour Novae, on mentionnera le plan des thermes (avec palestre), présenté par A. Biernacki (66).
404Les recherches sur les territoires frontaliers ont été peu nombreuses, à l’exception de celles qui ont été présentées par S. Conrad et D. StanTev (68), sur la zone (limitée) de Novae / Iatrus, ou celle d’A. Dunn (71), qui analyse des sources littéraires et archéologiques sur la Macédoine romaine, à l’époque tardive. Mentionnons, pour finir, la communication de L. Petculescu (76), qui étudie le matériel des archers envoyés en Dacie. Il s’agit souvent d’Orientaux, qui utilisent leurs armes traditionnelles, mais disposent d’un équipement standard d’auxiliaires. De son côté, D. Bondoc (65) passe en revue les pièces d’artillerie anciennement trouvées sur la rive Nord du Danube, à l’époque tardo-antique.
405On a pu constater, à Amman, les progrès récents de l’archéologie hispanique : celle-ci a fourni cinq contributions qui montrent les avancées de la recherche, hélas encore insuffisamment publiées. On avait déjà eu un aperçu de cette vitalité lors du congrès de la ROMEC, tenu à Montpellier en 1996 (M. Feugère éd., L’équipement militaire et l’armement de la République (IVe-IeR S. AVANT J.-C.), JRMES, 8, 1997). Le point est fait ici par A. Morillo et V. Garcia-Marcos (78), qui donnent un aperçu général des nouvelles connaissances. Mentionnons notamment les importantes découvertes de Cila (près de Santander), attribuables aux guerres cantabriques, où apparaissent des ouvrages de sièges comparables à ceux d’Alésia, et les niveaux précoces de León. Ceux-ci font l’objet d’une autre communication de V. Garcia-Marcos et A. Morillo (79), qui ont mis au jour un rempart augustéen sous poteaux, suivi d’une enceinte julio-claudienne en mottes de gazon. Deux phases de baraques accompagnent ces défenses, qu’on doit sans doute mettre en relation avec la présence de la VIe légion. M. Luik (77) annonce un nouveau plan de Renieblas, mais il faudra attendre la publication définitive pour le voir. C. Fernández-Ochoa, V. García Entero, F. Gil Sendino, C. Valenciano Prieto (81) publient un petit sondage sur la porte tardo-romaine de Gichon. On n’est pas très convaincu, en revanche, par la comparaison inattendue entre les castros du Nord-Ouest hispanique et les Höhensiedlungen du Sud de l’Allemagne, au Ve siècle (80). Cette seconde région est depuis longtemps en dehors de l’Empire, à cette époque, et la confrontation avec les sites de l’Eifel eût été sans doute plus pertinente.
406L’occupation militaire romaine en Bretagne n’a pas occupé sa place ordinaire, lors du congrès d’Amman, puisque sept communications seulement lui ont été consacrées. On remarquera surtout la synthèse méthodologique de L. Allason-Jones (82) qui fait le point sur notre « connaissance » de la culture matérielle du mur d’Hadrien, où 2 % seulement des objets ont été publiés ! On note avec intérêt cette affirmation qu’aucun fort de cette frontière n’offre un spectre comparable à celui d’autres secteurs du monde romain. L’auteur rappelle en outre l’impossibilité d’identifier une unité uniquement d’après la nature du matériel retrouvé. De même n’est-il pas toujours possible de distinguer civils et militaires. Signalons l’existence du site web « armamentarium » (((((www. ncl. ac. uk/ antiquities),où les spécialistes peuvent consulter à la fois les archives de Russel Robinson et les nouvelles découvertes, qu’introduit régulièrement M. Bishop. L’information reste toutefois succincte, pour le moment.
407Les études sur le mur d’Hadrien ont fourni matière à deux autres communications. Dans un nouvel épisode du « Wall game », J. Bennett (83) propose une chronologie de la construction du mur totalement différente de celle qui avait été admise depuis E. Birley, avant d’être revue et corrigée par D. Breeze et J. Dobson, Hadrian’s Wall, 4th rev. ed., 2000. Brilliant, fascinating indeed ! Mais on s’y perd un peu... T. Wilmott (86), pour sa part, fait le point sur les récents travaux à Birdoswald. D. J. Wolliscroft (88) se livre au même exercice pour la « frontière » flavienne du Gask, en Écosse, où les nouveautés ne semblent toutefois pas considérables depuis le dernier congrès de Zalau. P. Wilson (87) publie quelques sondages à Cawthorn, qui permettent de corriger les interprétations anciennes. Pour le Pays de Galles, J. L. Davies, R. H. Jones (84) font connaître de nouveaux camps de marche et d’exercice. Enfin, A. Taylor (85) considère les Fens de l’East Anglia, peu peuplés mais riches, comme le grenier du mur d’Hadrien, avant d’être celui des Gaules, sous l’Antiquité tardive. La démonstration, en soi intéressante, reste un peu rapide et mal étayée.
408Une session spéciale avait été réservée à la question des flottes, mais on ne peut pas dire qu’elle ait fait recette, puisque seules quatre communications ont été classées dans ce chapitre, à quoi on peut ajouter la publication préliminaire d’un nouveau diplôme de marin. Th. Fischer (95) et N. Hanel (96) ont ainsi rendu compte des recherches en cours sur le camp de la classis Germanica à Cologne-Alteburg. Fouilles nouvelles et études d’archives sont importantes, dans la mesure où les camps de la flotte sont extrêmement mal connus et que celui de Cologne, dégagé dans l’entre-deux-guerres, n’a pas été réellement publié. On y distingue désormais au moins 6 phases constructives, de la fin de la période augustéenne, au plus tôt, à la fin du IIIe siècle. Dans le même cadre, M. Carroll (94) a proposé une intéressante analyse de la céramique indigène, mettant en évidence les circuits commerciaux qui permettaient le ravitaillement des marins. L’A. suppose l’existence de relations à longue distance avec la Belgique et la côte frisonne, ce qui n’est pas le cas dans la colonie même de Cologne, où les productions observées à Alteburg n’apparaissent pas. M. Carroll voit là l’indice de circuits de ravitaillement propres à l’armée. La diminution des importations de céramique indigène, dans le courant du IeR siècle, surtout à partir de Domitien, montrerait un changement dans l’organisation du ravitaillement, désormais plus local.
409Étudiant les flottes de l’Antiquité tardive, B. Rankov (96) estime, à juste titre, que Végèce IV,3-46, où sont mentionnés des naves exploratoriae, ne peut être cité à l’appui de l’existence d’une flotte de Bretagne au IVe siècle. S’ensuit une critique radicale des sources de Végèce, dont il est affirmé, un peu hâtivement, qu’on ne peut leur accorder aucun crédit. Enfin, M. Roxan (99) publie un nouveau diplôme militaire de la flotte de Ravenne, mentionnant une libération de marins en 71, sous le commandement de Sextus Lucilius Bassus, et leur déduction en Pannonie, déjà connue par CIL XVI,14.
410Différents articles historiques de portée générale, mais d’intérêt parfois inégal, ont été présentés à l’occasion de ce congrès. W. Hanson (4) a ainsi proposé une analyse de l’évolution de l’expansion romaine, qui ne s’arrête pas sous Auguste, mais plutôt, avec des variations et des ajustements divers, vers le milieu du IIe siècle, en raison de facteurs qui sont à la fois géographiques, militaires, démographiques, mais surtout liés à la structure politique et socio-économique des gentes externae proches du limes, finalement inutiles à conquérir et peu assimilables. L. de Blois (2) a livré ses réflexions sur les interactions entre la politique militaire et la politique monétaire pendant le règne de Sévère Alexandre. Plus novatrice m’a parue la communication de J. van Heesch (5), selon qui la multiplicité des ateliers monétaires provinciaux ne s’explique pas uniquement par la proximité de l’armée. Au IIIe siècle, et plus encore au Bas-Empire, la nécessité de recycler le billon déjà en circulation représente en effet une nécessité. F. Hunter (6) insiste pour sa part sur le caractère biaisé des trouvailles d’objets romains à l’extérieur des frontières. On ne tient pas assez compte, selon lui, du contexte archéologique, qui donne des résultats très différents, selon qu’il s’agit de tombes ou d’habitat, ni de la signification socioculturelle de la possession de tels objets pour les « barbares ». S. E. Phang (89) a repris, pour le critiquer, l’article désormais classique de R. P. Saller et B. D. Shaw (Tombstones and Roman family relations in the Principate : Civilian, soldiers and slaves, JRS, 1984, p. 124-155). L’âge du mariage des soldats serait plus tardif qu’on ne croit d’ordinaire, c’est-à-dire un peu avant 30 ans ou vers 30 ans, pour des raisons qui sont sans doute surtout financières, car c’est vers cet âge que les militaires reçoivent leur première promotion. Les différences régionales semblent moins affirmées qu’on ne l’a dit. Surtout, il faut considérer une réelle évolution dans le temps, les unions étant moins fréquentes au IeR siècle que par la suite.
411Deux articles méritent d’être cités, dans la mesure où ils offrent une synthèse commode sur ce document majeur, désormais bien connu, mais pas toujours analysé dans le détail, que sont les tablettes de Vindolanda. A. R. Birley (97) passe en revue l’apport global de cette découverte, tandis que J. Pearce (98) développe une réflexion sur le ravitaillement militaire, en essayant de montrer que le modèle alimentaire « général », autrefois tracé par R. Davies, peut subir différentes variations locales, qui dépendent de la nature de la troupe, mais aussi du rang des bénéficiaires, d’autant que les différents types de documentation apportent chacun une vision biaisée de la question. Les quantités mentionnées dans les tablettes doivent être soigneusement évaluées, si on veut les exploiter de manière pertinente.
412Plusieurs études archéologiques dépassent, par leur portée générale, leur strict point de départ. D. Breeze (91) s’interroge ainsi avec pertinence, mais sans trouver de solution évidente, sur la multiplicité des fossés dans certains forts. La réponse, à mon sens, réside peut-être dans la variété de situations locales que nous ne connaissons pas, et des armes défensives employées, qui peuvent varier sensiblement d’un poste à l’autre. Normalement, les camps romains ne sont pas destinés à subir un siège. L’exemple d’Alésia montre ainsi l’existence de systèmes défensifs plus développés que dans les camps permanents du Principat, et l’usage d’armes défensives à longue portée (flèches, frondes, ballistes), chacune avec une portée complémentaire, en liaison avec un type d’obstacle précis. Sous le Principat, l’utilisation de cette artillerie a souvent été niée, surtout pour les auxiliaires. Elle est aujourd’hui admise, mais nous ne connaissons pas nécessairement la réalité des situations militaires ni la nature des garnisons qui occupaient les postes. La multiplicité des obstacles d’approche répond donc, à mon avis, à des nécessités précises, même si celles-ci échappent presque toujours à l’observation de l’archéologue. De la même manière, B. Hoffmann (93) a étudié les constructions placées au pied du rempart, dans l’intervallum, sans pouvoir arriver à des conclusions certaines, en raison de la très grande diversité des cas. Pour sa part, P. Bidwell (47), à partir de l’exemple de Vindonissa, a gratifié le congrès d’un très remarquable article consacré à l’existence de thermes en bois à l’époque augusto-tibérienne. Ces balnéaires ne sont pas construits sur hypocaustes, mais chauffés par des braseros. Les bassins chauds proprement dits sont construits en bois et argile, et recouverts de plomb, dans la première phase. Cette découverte, ancienne, mais mal documentée, permet de réinterpréter des bâtiments de même type à Musov, Marktbreit et Anreppen, initialement considérés comme des fabricae. N. Hodgson (92) a posé une nouvelle fois la vieille question de l’emplacement des chevaux et de la singularité des camps de cavalerie, longtemps méconnue. Mais, aujourd’hui, une série de fouilles nouvelles, en Germanie / Rétie et en Grande-Brtetagne, permet de résoudre la question. À Wallsend et South Shields, notamment, les écuries ont été découvertes dans des blocs de casernements. Une moitié était réservée aux hommes, l’autre aux bêtes, de part et d’autre d’un couloir central, les gradés étant probablement logés avec le décurion. L’analyse permet en même temps de montrer, de manière très convaincante, que chaque turme comprenait 9 chambrées de 3 cavaliers, soit 27 hommes, sans compter les principales (probablement 3). L’exemple de Wallsend prouve en outre, malgré les doutes parfois exprimés, qu’une cohors quingenaria equitata comptait bien 4 turmes, infanterie et cavalerie étant réparties dans des zones différentes du camp.
413Pour finir, une mention spéciale, hors concours, à l’article de K. Strobel (7), qui fait preuve de son érudition habituelle en proposant plusieurs thèmes entremêlés : a – une histoire des légions césaro-augustéennes, qui reprend, pour les corriger, plusieurs articles parus dans Y. Le Bohec, Les légions..., op. cit. ci-dessus ; b – une réflexion sur la garnison de Galatie après la fondation provinciale ; c – une histoire de la garnison de Mésie, de César à Tibère ; d – des réflexions sur les legiones quintae mais aussi septimae (reprise et modification de l’article du même K. Strobel, paru dans l’ouvrage déjà mentionné de Y. Le Bohec).
414Au total, un ouvrage varié, avec, comme d’habitude, quelques communications particulièrement stimulantes. Mais l’embonpoint évident de ce congrès, désormais cinquantenaire, ne traduit-il pas un certain essoufflement de la formule ? Et l’abandon des sessions thématiques, inaugurées à Canterbury en 1989, ne conduit-elle pas à une grande dispersion du propos ?
415Michel Reddé,
416EPHE, IVe section,
45, rue des Écoles,
75005 Paris.
Guilleux Joseph, L’enceinte romaine du Mans, Saint-Jean-d’Angély, Éd. Jean-Michel Bordessoules, 2000, 1 vol. 17 × 24,5, 272 p., 194 fig., tableaux ds t., 1 dépliant h. t.
417Il faut saluer cette publication, car il s’agit de la première monographie d’une enceinte urbaine tardive de Gaule. Retard étonnant quand on songe que plus de soixante villes françaises ont gardé jusqu’à aujourd’hui des pans entiers de ces remparts et que ceux-ci ont en grande partie façonné le visage de la ville médiévale qui en a hérité. C’est la période moderne – et surtout le XIXe s. – qui a mis à mal ces édifices. Et c’est leur destruction qui a livré les centaines de blocs inscrits ou décorés réutilisés en fondation, qui constituent le fonds lapidaire de nos musées archéologiques. Ces enceintes forment encore aujourd’hui le capital monumental le plus riche, mais aussi le plus méconnu, des villes gallo-romaines. Il faut donc féliciter J. Guilleux d’avoir consacré sa thèse à l’étude du rempart du Mans et de la publier aujourd’hui. Sans doute cette enceinte est-elle l’une des mieux conservées – elle le doit à l’histoire – et l’une des mieux protégées – elle le doit aux efforts des collectivités publiques – ; elle est désormais la mieux étudiée.
418Avant de présenter ce travail, il paraît utile de faire un détour par l’historiographie. C’est en 1907 qu’A. Blanchet publie la première synthèse intitulée Les enceintes romaines de la Gaule, Études sur l’origine d’un grand nombre de villes françaises, qui a longtemps constitué la source essentielle sur le sujet et accrédité l’idée de constructions réalisées hâtivement à la suite des invasions de 276. Puis, presque rien pendant soixante-dix ans, sauf des études locales et des mentions dans des ouvrages généraux. En 1983, le sujet est repris à l’échelle de l’Empire romain par S. Johnson qui a le mérite de fournir un dossier comparatif intéressant, mais son enquête se révèle insuffisante pour la Gaule (Late Roman Fortifications, Londres, 1983). C’est le moment où émerge et s’affirme, d’abord dans les pays anglo-saxons, puis en France, le concept d’Antiquité tardive, qui modifie profondément l’approche de la période dite jusque-là du Bas-Empire. Des chercheurs comme R.-M. Butler au Mans, ou J. Wood et C. Mabire La Caille à Tours, remettent en cause les datations avancées. En 1996, P. Garmy et L. Maurin publient, aux DAF, Enceintes romaines d’Aquitaine, Bordeaux, Dax, Périgueux, Bazas : s’ouvre désormais une nouvelle ère dans l’étude archéologique et historique de ces structures. Réhabilitées et considérées comme une composante essentielle de la ville tardive puis chrétienne, les enceintes font l’objet de fouilles préventives et d’analyses qui apportent des données nouvelles sur la chronologie et les modalités de leur construction. C’est dans ce contexte que J. Guilleux entreprend l’étude de celle du Mans.
419Son livre s’ouvre sur les caractéristiques topographiques et urbanistiques de la ville du Haut-Empire, qui couvre entre 60 et 80 ha. La ville remparée de l’Antiquité tardive correspond à 9 ha. Des réductions analogues de leur superficie (de l’ordre de 6 à 8 ou 9 fois) caractérisent les villes de cette période : c’est ce que montrent une carte et un tableau d’ensemble, fort suggestifs. Si le phénomène est ici peu commenté (il fait pourtant l’objet de vifs débats), du moins est-il bien illustré. Les chapitres suivants sont consacrés à l’étude exhaustive des différents tronçons du tracé, puis des tours (entre 40 et 46 dont 18 visibles) et, enfin, des portes et poternes. Chacune des tours, réutilisées au Moyen Âge, porte un nom particulier et offre un visage original : c’est ce qui fait aujourd’hui le charme d’une visite de la vieille ville du Mans. L’ensemble est abondamment illustré de documents anciens, de photos en noir et blanc et d’une belle série de photos en couleurs. On a cependant un regret, c’est de ne pas disposer des relevés des élévations. Ceux-ci existent, mais J. Guilleux a fait le choix de publier presque uniquement des photos, sans penser à offrir aux spécialistes des dessins cotés, donc comparables d’un site à l’autre. C’est la première critique qu’il faut exprimer.
420Vient ensuite la partie proprement technique, consacrée aux caractéristiques de la construction. Des interventions archéologiques récentes ont permis de constater la présence d’un glacis défensif, de plus de 90 m de large, et de suivre de près les opérations de destruction systématique qui ont eu lieu pour libérer cet espace. Les fondations du Mans appartiennent à la série des enceintes lourdes qui se caractérisent par des fondations épaisses (4 m de largeur ici), typiques des villes Nord-occidentales de Gaule. Mais le volume des blocs de grand appareil utilisés dans le soubassement y est beaucoup plus faible qu’ailleurs, car les constructeurs ne les ont pas disposés sur la totalité de la largeur des fondations, comme c’est le cas à Tours, en particulier. Volonté d’économie ? Trop faible nombre de monuments détruits ? Refus de détruire des monuments encore debout ? J. G. fait des parallèles avec Orléans où les archéologues ont fait le même constat sans pouvoir avancer d’explication satisfaisante.
421L’A. aborde ensuite l’étude des élévations, dont les matériaux sont jointoyés au mortier de tuileau qui a donné sa couleur rouge si caractéristique aux murs du Mans, comme à ceux de Rennes qualifiée d’urbs rubra au Moyen Âge. Ce chap., accompagné des tableaux des hauteurs conservées au Mans et dans d’autres villes, est le seul à nous offrir un relevé : il s’agit des profils des différentes sections de la courtine. On apprécierait davantage ce document s’il était accompagné d’une échelle métrique et s’il n’était pas aussi réduit. Le chap. suivant est consacré aux matériaux utilisés : le grand appareil des fondations, puis les moellons ainsi que les briques et tuiles qui interviennent dans les parements. L’A. fournit des estimations chiffrées fort suggestives (400 000 briques employées dans la construction) et a pu déterminer 9 modules de briques, réparties indifféremment « au gré des arrivages » dans les cordons de briques si caractéristiques de l’architecture tardive. Vient ensuite un chap. intitulé « La décoration », dont on pourrait penser qu’il n’a guère sa place ici, s’agissant d’une enceinte. Or c’est là une des originalités des murs cénomans que d’offrir des motifs où alternent moellons de grès roussard et moellons de calcaire. J. G. a ainsi répertorié quatorze motifs géométriques qu’il décrit avec une grande précision et qu’il illustre avec d’excellentes photos couleurs et une série de dessins suggestifs. Ceux-ci occupent quatre pages, mais ne sont accompagnés d’aucune légende. On regrette vivement que la typologie de ces motifs ne soit pas mieux présentée ; on le regrette d’autant plus que ces préoccupations ornementales, dont J. G. fait une caractéristique de l’architecture cénomane – mais les enceintes de Rennes et de Nantes présenteraient des traits assez proches – sont un des arguments qui ont permis de rejeter l’idée d’enceintes construites à la hâte. Par ailleurs, on aurait apprécié une carte qui localise les carrières exploitées autour du Mans pour approvisionner le chantier de l’enceinte. L’étude technique se termine par des observations très précises sur les modalités de fonctionnement du chantier et en particulier sur sa division en tranches, selon le principe étudié à Jublains par R. Rebuffat.
422C’est sur le chapitre très attendu de la chronologie que s’achève l’étude. L’A., qui a mené des chantiers de fouille et suivi de près toutes les interventions récentes, nous fournit un dossier archéologique complet qui permet, grâce à l’étude des mobiliers céramique et numismatique, grâce aussi à des analyses archéomagnétiques, de dire que la conception de l’enceinte du Mans remonte aux années 270 (qui correspondent à la reprise en mains des territoires par l’empereur Aurélien), que le chantier de destruction du bâti préexistant était en cours en 275, et que c’est autour des années 280 que l’enceinte est réalisée. Une enceinte, donc, contemporaine de celles de Rennes, de Nantes ou d’Angers, mais dont l’A. rappelle qu’elle est en avance d’un siècle sur celle de Tours. L’on sait en effet que ces constructions s’échelonnent sur plus d’un siècle, qu’il s’agit là d’un phénomène complexe qui reflète les péripéties de l’histoire politique et militaire de cette longue période qui correspond à la fin de l’Empire romain. D’où l’importance d’une connaissance approfondie de chacune de ces enceintes.
423C’est ce qu’a réussi J. G. dans son étude. Mais il faut exprimer un certain nombre de regrets qui tiennent aux choix éditoriaux faits par l’A. Si le passage de la thèse à la publication exige des remaniements et des allégements, ceux-ci ne doivent pas se faire aux dépens de la bibliographie, réduite ici aux ouvrages de base, ni de la documentation archéologique. En éliminant les relevés et en recourant essentiellement aux photos, l’A. a fait le choix d’une publication grand public. Un éditeur scientifique aurait offert à J. G. la possibilité de proposer un texte mieux écrit et mieux illustré.
424F. Dumasy,
425Université de Paris I,
3, rue Michelet,
75006 Paris.
Andreae Bernard, Antike Bildmosaiken, Mayence / Rhin, Philipp von Zabern, 2003, 1 vol. 24,5 × 30,5, 320 p., 309 pl. coul., 12 pl. noir/blanc ds t.
426Issu d’une série d’articles publiés dans le mensuel romain Forma Urbis, à l’initiative de son éditeur Luciano Pasquali, le très beau livre que nous propose B. Andreae se veut d’abord un instrument qui permette à quiconque de prendre conscience de la spécificité de la mosaïque, en tant qu’art et technique. Contrairement à la peinture, où les couleurs se fondent les unes dans les autres sans que se perde la nature même de l’œuvre, la mosaïque ne peut être appréciée à sa juste valeur que si les minuscules tesselles qui la composent restent perceptibles à l’œil, chacune accrochant différemment la lumière. Ce n’est donc qu’en utilisant des images en couleurs d’excellente qualité et de grandes dimensions que ce but pourra être atteint et, afin qu’il le soit pleinement, B. Andreae limite volontairement son choix de reproduction aux mosaïques figurées (Bildmosaiken) les plus significatives, sur le plan de la qualité technique, et aussi les mieux conservées. Les pavements qui répondent à ces critères ne sont pas légion, et c’est au total une centaine d’exemplaires (p. 14) qui sont retenus ici, regroupant les emblemata les plus célèbres de la mosaïque hellénistico-romaine et débouchant dès lors sur un large panorama de la mosaïque à ses débuts.
427Les deux premiers chapitres, après l’introduction, reclassent les œuvres dans l’ordre chronologique et selon une répartition géographique : parmi les mosaïques de galets – les précurseurs –, les quatre tableaux choisis (Dionysos chevauchant une panthère ; chasse au lion ; mosaïque de Gnosis ; enlèvement d’Hélène) sont présentés comme les différents stades d’une évolution stylistique, marquée par un raffinement progressif de la technique, entre 330 et 310 (ne seraient-ils pas plutôt relativement contemporains, mais exécutés par des mains différentes ?). Ensuite, un long commentaire porte sur les premières créations en tessellatum/vermiculatum à Alexandrie, à Pergame et à Délos. À propos de l’importante question, encore controversée aujourd’hui, de l’invention du tessellatum, l’A. admet l’éventualité d’un développement simultané en différents endroits du monde méditerranéen, mais insiste cependant – avec raison, me semble-t-il – sur le rôle primordial joué par Alexandrie dans le domaine de l’art et de la culture au IIIe siècle av. J.-C. : les rapports privilégiés entre Alexandrie et la Sicile pourraient d’ailleurs expliquer l’apparition précoce de mosaïques en tessellatum dans cette région également. Pour le IIe siècle av. n. è., les témoignages ne manquent pas dans le palais V des Attalides à Pergame (sans oublier la mention par Pline l’Ancien du Pergaménien Sosos), ni dans les maisons de Délos, et c’est l’occasion pour B. Andreae de reprendre avec d’excellentes illustrations plusieurs pavements célèbres.
428Dans la suite de l’ouvrage, c’est l’option thématique qui s’impose : à la mosaïque d’Alexandre de la Maison du Faune à Pompéi, qui constitue à elle seule tout un chapitre (B. Andreae avait consacré un livre à cette œuvre en 1977), succède un développement sur le paysage nilotique, où la mosaïque de Palestrina occupe la première place ; ensuite, viennent les nombreux emblemata représentant poissons, oiseaux, ou encore « Raubkatzen und Hauskatzen », habile jeu de mots qui permet à l’A. de regrouper sous une même rubrique deux catégories d’images assez différentes (bêtes sauvages en contexte dionysiaque et chats domestiques - voleurs de volaille dans un contexte de xenia) ; enfin, une série de scènes familières – tant de théâtre que de vie quotidienne – donnent l’occasion d’ajouter à la collection ici réunie quelques exemplaires particulièrement caractéristiques (les emblemata de Dioscoride et de superbes masques de théâtre p. ex.). Quant aux images mythologiques, elles semblent moins nombreuses que les autres thèmes pour cette époque (ce qui peut être dû au hasard des trouvailles, comme le suggère l’A. Les deux derniers chapitres sont centrés chacun sur un site précis : la Villa Hadriana et la Villa présumée de Géta à Baccano, qui fournit le pavement le plus tardif de la série.
429Ce livre ne constitue pas, on le voit, une véritable histoire de la mosaïque pour une période déterminée, puisque aussi bien le choix des œuvres étudiées est absolument subjectif, surtout fondé sur la recherche de la qualité de l’exécution ou de la conservation : il échappe cependant au principal défaut que pareille option aurait pu engendrer, à savoir une certaine absence d’unité, car grâce à l’analyse stylistique très fine de chacune des mosaïques se tisse, au fil des pages, une évolution chronologique aisément perceptible, à l’intérieur même du genre particulier qu’est la mosaïque-emblema (l’A. insiste dans sa conclusion sur la spécificité de cette terminologie). Mais ce n’est pas là le seul mérite du livre (sans parler évidemment de l’excellence des illustrations) : chacun des chapitres est en effet traité sur la base de la bibliographie la plus récente et avec l’aide des techniques les plus modernes ; les théories nouvelles sont non seulement citées mais discutées, parfois complétées ou corrigées et les propositions personnelles éventuellement appuyées par une restitution virtuelle. De ces remarques dont le texte fourmille et qui contribuent, dans les différents domaines abordés, au progrès de la recherche, beaucoup mériteraient d’être relevées. Je n’en épinglerai que quelques-unes. D’abord l’identification proposée avec Séleucus Nicator pour le fantassin dont on aperçoit le profil – à peine visible, il est vrai – juste à côte d’Alexandre à cheval, sur la mosaïque de Pompéi (la présence du seul Séleucus à pied est confirmée par toutes les sources) ; le diadoque syrien pourrait être considéré dès lors comme le commanditaire du tableau qui a servi de modèle à la mosaïque (tableau ainsi daté vers 300 av. J.-C., juste après la victoire d’Ipsos). Une autre suggestion vaut qu’on s’y arrête : c’est la restitution virtuelle de la mosaïque nilotique de Palestrina (p. 108-109), qui tient compte à la fois du plan de la salle absidée où le pavement a été découvert et de la disposition d’origine des fragments, connue par les vignettes aquarellées, conservées au Château de Windsor. Au nombre des sujets controversés qui trouvent ici une solution (me semble-t-il) convaincante, on citera la datation à l’époque d’Hadrien de l’emblema des Colombes, parfois attribué à Sosos lui-même. Une dernière remarque : un troisième exemplaire de la scène des « Femmes au déjeuner » (συναριστωσαι) de Ménandre vient d’être découvert à Zeugma, signé par le mosaïste Zosimos. La prédilection marquée par les commanditaires pour cette scène précise doit bien tenir, ainsi que le pense B. Andreae, à l’allusion au verre de vin, qui fait de l’image – outre un témoignage de culture – un thème tout à fait adapté au décor d’un triclinium.
430À côté du commentaire général – tantôt historique, tantôt stylistique –, une copieuse notice accompagne chaque illustration, donnant au sujet de la mosaïque une série d’informations plus précises – et notamment techniques. Le livre se conclut sur une bibliographie bien documentée et sur une liste des lieux de conservation des œuvres commentées. L’illustration tient les promesses de l’introduction : certaines photographies de détail donnent au lecteur l’illusion qu’il est réellement en présence de l’œuvre. Voilà un ouvrage qui contribuera beaucoup à une meilleure connaissance de la mosaïque.
431Janine Balty,
4321, avenue de la Résistance,
82600 Aucamville.
Notes
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[1]
F. Aura Jorro, Diccionario griego-micénico, Madrid, 1985-1993, vol. 1., s.v. « ka-te-ro », indique bien la prudence nécessaire pour l’interprétation de ce terme.
-
[2]
H. La Marle, Linéaire A, La première écriture syllabique de Crète, L’histoire et la vie de la Crète minoenne, Textes commentés, Paris, 1998.
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[3]
Le sujet a fait l’objet d’une abondante bibliographie récente ; voir en particulier les travaux de M.-L. B. Nosch (avec référence aux travaux antérieurs), « Craftsmen in the Linear B Archives », dans C. Gillis, C. Risberg et B. Sjöberg éd., Trade and Production in Premonetary Greece, Production and Craftsmen, Proceedings of the 4th and 5th International Workshops, Athens, 1994-1995 (SIMA, Pocketbook, 1), Jonsered, 1997, p. 43-55 ; « Pylian Craftsmen : Payment in Kind / Rations or Land », dans P. Betancourt, R. Laffineur éd., TEXNH, Proceedings of the 6th International Aegean Conference at Philadelphia, Temple University, April 1996 (Aegaeum, 16), Liège, 1997, p. 397-406 ; L’administration des textiles en Crète centrale, hors des séries Lc / Le / Ln, BCH, 122, 1998, p. 404-406 ; The Organization of the Mycenaean Textile Industry, Ph.D. Université de Salzbourg, 2000 ; « Acquisition and Distribution : ta-ra-si-ja in the Mycenaean Textile Industry », dans C. Gillis, C. Risberg et B. Sjöberg éd., Trade and Production in Premonetary Greece, Acquisition and Distribution of Raw Materials and Finished Products, Proceedings of the 6th International Workshop, Athens, 1996 (SIMA, Pocketbook, 154), Jonsered, 2000, p. 42-62 ; « Kinderarbeit in den mykenischen Palästen », dans F. Blackholmer, H. Szemethy éd., Akten des 8. Österreichischer Archäologentag, vom 23. bis 25 April 1999 (Wiener Forschungen zur Archäologie, 4), Vienne, 2001, p. 37-43 ; et « Entre collecteurs et travailleurs : les “reponsables” dans l’industrie textile de Cnossos », dans P. Carlier éd., Actes des Journées égéennes, Paris, 8-10 mars 1999 (Ktèma, 26), Strasbourg, 2001 (2002), p. 133-144, ainsi que la synthèse récente par J. T. Killen, « Textiles in the Mycenaean Palatial Economy », dans B. Burke éd., Ancient Textiles : Production, Craft and Society, Proceedings of the Conference held in Lund / Falsterbo, Sweden, and Copenhagen, Denmark, on 19-23 March 2003 (sous presse).
-
[4]
M. Lejeune, Les documents pyliens des séries Na, Ng et Nn, Mémoires de philologie mycénienne, première série (1955-1957) (1958), p. 134, suivi par Y. Duhoux, Le groupe lexical de didomi en mycénien, Minos, 9, 1968, p. 89, n. 62.
-
[5]
M.-L. B. Nosch, E. Andersson, « With a Little Help from my Friends », dans K. P. Foster, R. Laffineur éd., METRON, Measuring the Aegean Bronze Age, 9th International Aegean Conference organized by the University of Liège and Yale University / 9e Rencontre égéenne internationale organisée par l’Université de Liège et l’Université de Yale, Yale University, 18-21 April 2002 (Aegaeum, 24), Liège, p. 197-208.
-
[6]
Cf. M. Ventris, J. Chadwick, Documents in Myceanean Greek2, p. 549, et Y. Duhoux, « Les premiers phytonymes grecs : les données mycéniennes », dans Actes du Colloque international « Les phytonymes grecs et latins », Nice, 14-16 mai 1992, 1993, p. 97-122.
-
[7]
Plusieurs éléments de cette présentation sont aujourd’hui dépassés par l’avancement des fouilles du site. Ainsi, le secteur pressenti comme une agora (p. 32) est en fait occupé par des maisons. Voir les deux volumes de publication des fouilles : J. Bouzek, M. Domaradzki, Z. H. Archibald éd., Pistiros, I, Prague, 1996 ; J. Bouzek, L. Domaradzka, Z. H. Archibald éd., Pistiros, II, Prague, 2002.
-
[8]
V. Chankowski, L. Domaradzka éd., Nouvelles perspectives pour l’étude de l’inscription de Pistiros, BCH, 123, 1999, p. 247-371.
-
[9]
Cf. déjà B. Bravo et A. Chankowski, Cités et emporia dans le commerce avec les barbares à la lumière du document dit à tort « inscription de Pistiros », BCH, 123, 1999, p. 275-317.
-
[10]
V. M. Strocka, Das Markttor von Milet (Winckelmannsprogramm der Archäologischen Gesellschaft zu Berlin, 128), Berlin, 1981.
-
[11]
P. Gros, « La sémantique des ordres à la fin de l’époque hellénistique et au début de l’Empire. Remarques préliminaires », in Splendida civitas nostra, Studi di archeologia in onore di Antonio Frova, Roma, 1995, p. 23-33.
-
[12]
P. Bonnard-Yersin, Ph. Bridel et al., Nyon (GAS, 25), Nyon, 1989.
-
[13]
R. Laur-Belart, Guide d’Augusta Raurica, 5e éd. augmentée et revue par L. Berger, Bâle, 1991.
-
[14]
F. Rossi éd., Nyon, une colonie romaine sur les bords du lac Léman (Dossier d’archéologie, 232), avril 1998.
-
[15]
Ch. Goudineau éd., Aux origines de Lyon (Documents d’archéologie en Rhône-Alpes, 2), Lyon, 1989.
-
[16]
Ainsi faut-il, par ex., un peu de pratique pour développer (p. 80-81) Bellon et Perrin, 1992, Perrin et Bellon, 1997, Desbat et Plassot, 2000 : voir C. Bellon, F. Perrin et A. Richardson, Nouvelles découvertes de l’Âge du Fer à Lyon-Vaise (Rhône) : le site de la rue du Dr Horand, RAE, 42, 2, 1992, p. 269-293 ; F. Perrin et C. Bellon, « L’occupation du Premier Âge du Fer des bords de Saône à Lyon (Rhône) », dans P. Brun et B. Chaume éd., Vix et les éphémères principautés celtiques, Les VIe-Ve s. av. J.-C. en Europe centro-occidentale, Actes du Colloque de Châtillon-sur-Seine, novembre 1993, Paris, 1997, p. 157-164, et A. Desbat et E. Plassot, « Le site de la rue du Souvenir à Lyon », dans Les processus d’urbanisation à l’Âge du Fer, Actes du Colloque de Glux-en-Glenne, 8-11 juin 1998, Glux-en-Glenne, 2000, p. 189-190.
-
[17]
Voir J.-C. Béal, « Les territoires des cités antiques : notes de géographie historique en région lyonnaise », à paraître dans les Cahiers d’Histoire.
-
[18]
Voir sur ce point J.-L. Brunaux, « Les guerriers à la table des dieux, Les fragments de Poseidonios dans les Deipnosophistes d’Athénée », dans Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule, Actes du XXVe Colloque de l’AFEAF, Charleville-Mézières, 2001, Bull. de la Société archéologique champenoise (1, 2001, suppl. 16, p. 273-284).
-
[19]
Sur cette question, voir un bilan récent dans M.-O. Lavendhomme et V. Guichard, Rodumna (Roanne-Loire), le village gaulois (DAF, 62), Paris, 1997, p. 425-427.
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[20]
B. Mandy, « Le forum de Lyon : état de la question », dans Los foros romanos de las provincias occidentales, Madrid, 1987, p. 179-183.
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[21]
Sur ces questions, voir P. Gros, « Théâtre et culte impérial en Gaule Narbonnaise et dans la péninsule Ibérique », dans W. Trillmich, P. Zanker éd.., Stadtbild und Ideologie, Die Monumentalisierung hispanicher Städten zwischen Republik und Kaiserzeit, Munich, 1990, p. 381.
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[22]
A. Desbat, « Lyon, 5e, Parc archéologique de Fourvière », dans DRAC Rhône-Alpes, Service régional de l’Archéologie, Bilan scientifique, 1994, Paris, 1995, p. 151-153.
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[23]
D. Paunier, A. Desbat, F. Meylan, « Les premiers habitats romanisés en Gaule du Centre-Est, un témoignage de l’aristocratie indigène ? », dans V. Guichard et F. Perrin éd., L’aristocratie celtique à la fin de l’Âge du Fer, Actes de la Table ronde des 10-11 juin 1999 (Glux-en-Glenne, 58), Glux-en-Glenne, 2002, p. 271-287.