Le thème
1 Cet article s’intéresse à l’usage des sciences comportementales dans les éléments de communication utilisés par le gouvernement français durant la pandémie de Covid-19. En posant comme constat que la communication comportementale, c’est-à-dire le recours à une communication privilégiant notamment les émotions pour influencer les comportements des individus et leur faire accepter certaines mesures, est devenue un paradigme dominant de l’argumentation politique en santé, l’auteure interroge ses effets sur les citoyens et leur participation à l’action publique.
Les données
2 L’article développe dans un premier temps une approche qui questionne les théories sous-jacentes de la communication comportementale. Pour ce faire, il met en discussion un ensemble d’articles académiques et scientifiques sur les sciences comportementales. Cette première revue de littérature, dont l’auteure précise qu’elle sera approfondie dans le cadre d’un projet de recherche ultérieur porté par le Cnam/CNRS et recourant à une approche méthodologique quantitative (questionnaire) et qualitative (enquête de terrain par des ateliers citoyens), est complétée par une analyse du contexte sociopolitique de développement du design des politiques publiques en santé, notamment déployée à partir de travaux et de rapports institutionnels produits par la DITP, le Sénat ou des instituts de sondage.
Les résultats
3 L’article aboutit à la conclusion que le recours à des dispositifs d’information et de communication comportementaux s’inscrit dans une gestion néo-libérale et biopolitique de l’action publique en santé. En mettant au cœur de la communication des éléments qui cherchent à agir sur les émotions des individus, notamment la peur, pour les persuader du bien-fondé des politiques conduites, ce type de communication cherche à obtenir des citoyens une forme de consentement en contournant leur raisonnement. Selon l’auteure, il pose donc des problèmes éthiques et ne laisse pas de place à la participation des individus dans la mesure où la communication ne se fonde pas sur la cohérence de discours raisonnés, obérant par là-même les possibilités de débat entre l’État et les citoyens. Enfin, l’article montre que la communication comportementale, en brouillant l’intention et le contenu des messages de communication, produit une communication dysfonctionnelle qui peut apparaître comme contradictoire aux citoyens. Selon l’auteure, l’exemple de l’attestation de sortie est emblématique, dans la mesure où ce document visait à responsabiliser les individus pour qu’ils aménagent leurs sorties, alors même que son design reposait sur un nombre important d’options possibles pour rendre cognitivement le choix plus difficile et dissuader les individus de sortir.
Date de mise en ligne : 01/07/2024