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Article de revue

Quand les « meilleures » preuves échouent : de l’usage politique des méta-analyses pour légitimer une politique de lutte contre le redoublement en Belgique francophone

Pages 33 à 46

Notes

  • [1]
    En 1976, Gene Glass publie un article intitulé « Primary, secondary, and Meta-analysis of Research », dans lequel il souligne que, face à l’abondance de recherches sur de nombreux sujets, la synthèse de données permet de faire émerger « des sources d’information jusque-là inexploitées » (p. 4), et déterminer, en particulier en éducation, les pratiques qui sont réellement efficaces.
  • [2]
    Base de données relative aux publications en matière d’éducation financée par le département de sciences de l’Éducation des États-Unis.
  • [3]
    Un schéma similaire peut être observé dans l’enseignement primaire. Cependant, nous limitons ici notre propos aux trois premières années de l’enseignement secondaire, car c’est là que l’on trouve les taux de redoublement les plus élevés. En outre, c’est surtout sur les deux premières années de l’enseignement secondaire que se sont concentrées les tentatives de réduction du redoublement. Nos propres recherches empiriques ont donc porté sur ce segment de la scolarité.
  • [4]
    Cette étude s’est notamment appuyée sur des entretiens avec des enseignants et des observations sur les pratiques de redoublement dans les écoles.
  • [5]
    Notamment par la qualité de son échantillonnage de type aléatoire, son design longitudinal et les nombreuses données disponibles sur les élèves et leur histoire scolaire. La recherche est aussi inédite par sa durée : entamée en 1982, elle s’est achevée en 2002.
  • [6]
    Ce constat est aussi vérifié au sein de la communauté scientifique. Entre 2010 et 2020, nous avons calculé que ces trois méta-analyses obtiennent 83,8 % des citations au regard de la dernière méta-analyse alors en date (Allen C. S. et al., 2009) qui tenait compte des critiques énoncées sur les recherches antérieures. L’article présentant la méta-analyse de Jimerson se classe même au 46e rang des articles les plus cités en psychologie scolaire (McNicholas et al., 2022).
  • [7]
    Calculs réalisés en mars 2024 à partir de la base de données Scopus.
  • [8]
    Ce paragraphe est fondé sur une première enquête, menée en 2002-2003 qui avait pour objectif de comprendre les résistances aux réformes pédagogiques visant à réduire le redoublement. Les extraits sont issus d’entretiens menés à cette période auprès d’enseignants issus de trois établissements d’enseignement secondaire contrastés de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Draelants, 2009).
  • [9]
    Les enseignants constatent et déplorent qu’il devient très difficile de mettre les élèves au travail quand la menace que constituait le redoublement disparaît. Ayant développé un rapport instrumental à la scolarité, les élèves travaillent en effet essentiellement « pour les notes » et « pour passer de classe ».
  • [10]
    Toutes les recherches quantitatives ne procèdent pas de la sorte, c’était notamment le cas de celle conduite par Alexander et al. (2003) qui procédait à des comparaisons différentes, de type « pré-post » où les sujets ne sont pas comparés à d’autres élèves, mais à eux-mêmes. Leur étude étant menée sur une longue durée, les élèves pouvaient en effet être leurs propres contrôles puisque leurs résultats sont connus avant l’année de redoublement, pendant celle-ci et après celle-ci.
  • [11]
    Les deux comparaisons sont par principe affectées d’un biais d’échantillonnage. La première comparaison est défavorable au redoublant et risque de sous-estimer les effets du redoublement (les élèves du même âge sont plus loin dans leur scolarité et suivent donc un programme scolaire plus avancé), la seconde lui est favorable et risque de surestimer les effets du redoublement (le redoublant a déjà pu se familiariser une première fois avec la matière, ce que n’ont pu faire ses condisciples)

Cet article considère le rôle des preuves dans l’action publique à partir d’une étude de cas consacrée à l’utilisation des méta-analyses dans le domaine de l’éducation. Les méta-analyses sont considérées comme les meilleures preuves dans le paradigme de l’evidence-based policy, ce qui les rend particulièrement attractives pour les décideurs. En Belgique francophone, les méta-analyses ont été utilisées pour influencer la politique éducative, afin de légitimer la décision de supprimer le redoublement. Cependant, elles présentent des limites qui sont analysées dans l’article et dont les conséquences potentiellement négatives sont illustrées par l’échec de la politique de lutte contre le redoublement en Belgique francophone. Les auteurs concluent que l’usage des méta-analyses dans l’éducation confère aux décideurs un faux sentiment de certitude et qu’il nécessite une réflexion plus approfondie sur les finalités de l’éducation et les implications de ces preuves prétendument supérieures sur la politique éducative.

1 Depuis une cinquantaine d’années, le fait de mobiliser des « preuves » est devenu incontournable, non seulement pour informer, mais aussi pour déterminer la politique publique, conduisant à ce que l’on appelle aujourd’hui communément l’élaboration de politiques fondées sur des preuves (Evidence-Based Policy-Making) (Draelants & Revaz, 2022). Bien que l’utilisation des travaux de recherche par le politique conduise parfois à une sélection partielle, voire partiale, des preuves retenues pour fonder l’action publique (Policy-based Evidence-Making) (Chung, 2016), cette montée en puissance des preuves semble conférer une légitimité renouvelée, garantie par la science, à la politique (Helgetun, 2021).

2 Dans ce nouveau paradigme, des universitaires de diverses disciplines ont noté que la méta-analyse se situe au sommet de la hiérarchie des preuves, dans la mesure où elle est considérée comme un « étalon-or » (gold standard) de la recherche (Haidich, 2010 ; Knogler et al., 2022). Méthode scientifique qui consiste à synthétiser statistiquement les résultats d’études indépendantes pour tirer des enseignements généraux sur un problème donné, les méta-analyses sont de manière croissante consultées, encouragées et utilisées par les gouvernements du monde entier pour justifier leurs réformes (Ahn et al., 2012).

3 Cet article entend questionner les usages en plein essor des méta-analyses au cœur de l’action publique. En rappelant la définition et les origines de cette méthode, le texte qui suit interroge dans un premier temps l’attrait croissant que la méta-analyse a exercé sur les décideurs pour fabriquer l’action publique, alors même qu’elle présente d’importantes limites, notamment lorsqu’elle est appliquée aux sciences sociales. Dans un deuxième temps, l’article s’appuie sur une étude de cas consacrée à la politique de redoublement en Belgique francophone. Depuis maintenant des années, le taux de redoublement y est exception-nellement élevé par rapport à celui des autres pays de l’OCDE, ce qui a conduit à une volonté politique de le réduire. La politique initiée dans les années 1990 a donc été celle d’une lutte contre le redoublement, préalablement justifiée par des méta-analyses. En mettant en relief les effets nuancés de l’usage politique de cette méthode scientifique, l’article discute la place à accorder aux méta-analyses dans la politique éducative, et plus généralement dans l’action publique.

Faire preuve par la synthèse : les méta‑analyses, nouvel outil de légitimation de la politique publique

Aux origines des méta-analyses

4 La méta-analyse est « une approche statistique qui a pour but de rassembler les résultats empiriques d’études singulières pour en faire une synthèse reproductible et quantifiée » (Laroche, 2015, p. 7). La méta-analyse se fonde donc sur deux éléments principaux : d’une part, elle synthétise les résultats d’études sur un sujet, nonobstant leurs qualités disparates. D’autre part, elle apporte un surcroît de savoir au regard des revues de littérature en faisant ressortir des résultats généraux, et augmente donc la capacité de la science à rendre compte d’une réalité sur un sujet. En se présentant comme la solution au problème posé par l’abondance d’informations dans la recherche (Glass, 1976), la méta-analyse a gagné en popularité, en particulier dans certains domaines. C’est en médecine qu’elle a acquis son statut actuel et s’y est imposée comme la norme d’excellence en matière de recherche. Depuis lors, elle est considérée comme une forme de connaissance essentielle prisée par les universitaires et les gouvernements qui cherchent à comprendre « ce qui fonctionne le mieux » (Goldacre, 2013). Ces promesses ont contribué au succès incontestable des méta-analyses dans divers domaines, dont la psychologie où elles ont obtenu un statut privilégié de synthèse de référence, ainsi qu’en éducation, où leur usage est en pleine expansion.

5 Des chercheurs n’ont pas attendu qu’un « label » soit inventé pour synthétiser des études quantitatives portant sur un objet de recherche similaire. Il y a cent cinquante ans, les astronomes s’interrogeaient déjà sur la manière d’exclure (Peirce, 1852) puis de combiner (Airi, 1861) des observations de mesures physiques de faible qualité. Ceci a abouti à l’élaboration d’une théorie générale à ce sujet (Newcomb, 1886). Deux décennies plus tard, en épidémiologie, Pearson (1904) combinait différentes séries de données sur la fièvre entérique, dont il estimait la taille trop petite pour élaborer des conclusions si elles étaient prises individuellement. Dans les années 1930, c’est au travers de questions d’optimisation agricole (Dunlop, 1933 ; Lush, 1931) qu’une série d’ouvrages voient le jour pour synthétiser les résultats de divers travaux (Cochran, 1937 ; Snedecor, 1937), en même temps que les statisticiens poursuivent leurs recherches sur ce thème (Fisher, 1934 ; Pearson, 1933). Au milieu des années 1960, l’enseignement des techniques de synthétisation sous-tendant la méta-analyse a déjà lieu dans les universités (Rosenthal, 1991). Le point de bascule de l’article de Glass (1976) [1], n’est donc pas tant de développer une méthode d’analyse inédite, que de la nommer et d’en dessiner les contours.

Une méthode présentant des limites scientifiques…

6 Depuis sa popularisation il y a près d’un demi-siècle (Glass, 1976 ; Smith & Glass, 1977), la méta-analyse a fait l’objet de réactions enthousiastes, mais aussi de vives controverses, y compris dans le champ où elle a été sans doute la plus développée, la médecine (Ioannidis, 2016).

7 Une des premières limites relevées par la littérature académique concerne la qualité des études incluses dans les méta-analyses. Ainsi, des données recueillies par des procédés de piètre qualité aboutissent à des méta-analyses de qualité tout aussi discutable (Ioannidis, 2016) (ce qui a été nommé le problème du « junk in – junk out »). Les limites de la méta-analyse proviennent aussi de caractéristiques méthodologiques qui lui sont propres, notamment lorsqu’il s’agit de saisir les causes des variations de résultats (Laroche, 2015). En outre, elle comporte parfois des défauts de conception spécifiques, liés aux critères de sélection des études intégrées dans l’analyse ainsi qu’aux problèmes de sélection des variables et d’hétérogénéité (Gurevitch et al., 2018 ; Kitsiou et al., 2017). Pour donner un exemple simple, si on synthétise des études qui évaluent l’effet de l’alimentation sur la prise de poids, mais qu’une étude inclut la présence d’écran lors des repas, tandis qu’une deuxième étude mesure par ailleurs l’activité physique, cela produira des résultats différents. Une méta-analyse a comme contrainte de tenir compte de cette hétérogénéité.

8 En somme, les critiques sur les méta-analyses s’articulent principalement sur deux principaux axes (Glass, 2015). La première critique consiste à se demander si on peut comparer des pommes et des poires. Après tout, sauf dans le cas de la réplication d’une autre étude, une méta-analyse va forcément intégrer des travaux qui ont porté sur des effets divers et des contextes différents. À cela, l’argument de Glass (2015) est de préciser que, dans le cas des pommes et des poires, la méta-analyse compare des fruits : c’est le critère de comparaison dont il faut évaluer la pertinence. Deuxième critique générale, celle de la terre plate (Glass, 2015) : les méta-analyses verraient le monde a fortiori social de manière trop lisse, ce qui favoriserait la possibilité de trouver des effets globaux, mais ferait perdre de vue les variations de contexte. Glass (2015) répond à cela que les discussions sur la variabilité deviennent inutiles dès lors que la méta-analyse prouve qu’un effet fonctionne. Il prend l’exemple du monde éducatif : si on prouve que la réduction de la taille des classes améliore la qualité de l’enseignement, il n’est pas nécessaire de prolonger la discussion dans l’étude des contextes. Cependant, les méta-analyses sont loin de produire des résultats toujours aussi univoques, ce qui montre que tous les effets n’ont pas la possibilité d’être généralisés de la même manière.

9 Mais, et c’est notre argument principal, ces critiques méthodologiques proviennent surtout de disciplines scientifiques, comme la médecine, où la place et la légitimité des méta-analyses, bien qu’ayant donné lieu à des critiques partielles, ne sont pas fondamentalement discutées. A fortiori, dans les champs issus des sciences sociales, le recours aux méta-analyses pose de nombreuses questions, alors même que ces dernières y sont utilisées de manière croissante.

10 L’exemple de la recherche en éducation est à ce titre probant. L’éducation est en effet entrée dans un paradigme médical (Tröhler, 2015) fondé sur un positivisme social qui suppose qu’on peut, par exemple, décrire la meilleure manière d’enseigner. La méta-analyse a alors d’autant plus séduit qu’elle devait permettre de faire le tri au sein d’une littérature foisonnante et parfois contradictoire sur un même sujet (Glass, 1976). Dans ce contexte, le nombre de méta-analyses progresse plus rapidement que le nombre d’autres méthodes d’analyses.

Comparaison des taux d’augmentation des publications et des méta-analyses dans le domaine de l’éducation

Comparaison des taux d’augmentation des publications et des méta-analyses dans le domaine de l’éducation

Source des données : Education Resources Information Center (ERIC) ProQuest[2]

11 Ainsi, les méta-analyses se présentent comme étant capables d’établir non seulement ce qui marche, mais surtout ce qui marche le mieux. Or, la question de ce qui marche le mieux n’est pas neutre : c’est une question axiologique qui ne peut se départir des finalités des systèmes éducatifs (Biesta, 2007). Bref, en éducation, ce qui marche dépend des missions de l’école qui sont aujourd’hui plurielles, à l’image de la pluralité même du monde social. L’usage de la méta-analyse en éducation pose donc un problème normatif dans la mesure où la valorisation intrinsèque du quantifiable et l’argumentaire démonstratif qui l’accompagnent (du type « evidence shows ») tendent à occulter la réflexion sur les finalités de l’éducation (Helgetun & Menter, 2022 ; Lynch et al., 2020).

12 Il peut paraître paradoxal que le nombre de méta-analyses, une méthode de synthèse, augmente plus rapidement que l’ensemble des autres travaux académiques en matière éducative. Au-delà des controverses purement scientifiques, il nous semble que l’une des explications au recours académique de ce type de travaux résulte du fait qu’ils sont jugés comme attractifs par le politique (Weingart, 1999).

Un effet de « science » contestable

13 Bruno Latour (2004) distingue deux types de faits scientifiques, ceux établis à de purs desseins de connaissance (matters of fact) et ceux conçus pour interpeller (matters of concern), pour capter l’atten tion et peser dans le débat public, à l’instar des faits rassemblés par le GIEC (Bensaude-Vincent et Dorthe, 2023). Les méta-analyses produisent des faits de ce second type puisqu’elles ont explicitement vocation à résumer toute l’information scientifique sur un sujet, en disant ce qui « marche » ou pas. Si elles ont été critiquées dans le champ académique, c’est justement sur des points qui en font tout l’attrait pour le politique.

14 En effet, en science, on reproche aux méta-analyses d’agréger des phénomènes hétérogènes, mais aussi d’aller trop loin et de manière trop caricaturale dans l’abstraction, qui pourtant est nécessaire dans les sciences (Demeulenaere, 2006). La question pertinente est donc celle de la qualité de l’abstraction, de son caractère plus ou moins valide pour rendre compte des phénomènes étudiés. Si le risque d’une modélisation excessivement simplifiée de la réalité peut donner lieu à des débats vifs dans le champ scientifique, dans le champ politique les enjeux sont tout autres et la simplification y est généralement prisée. Comme l’indique Latour, la politique est un travail de traduction, de médiation et de représentation, les décideurs ne se soucient pas beaucoup de l’exactitude et d’un « transfert d’information exacte et sans déformation sur le monde social ou naturel » (Latour, 2002, p. 145). Il importe aussi de pouvoir trancher les débats, et la méta-analyse est un outil très puissant de ce point de vue, permettant de condenser un ensemble de recherches à la lumière d’un critère commun et de dire de quel côté penche la balance. En disant ce qui marche le mieux et donc ce qu’il faut faire, la méta-analyse intéresse a priori tout décideur.

15 De plus, s’appuyer sur ce type de connaissances permet de clore les débats et de dire ce qu’il faut faire avec autorité (compte tenu du statut éminent de la méthode). Les conclusions des méta-analyses sont perçues comme particulièrement solides et difficilement contestables. Les faits établis permettraient alors de dépolitiser les débats en dépassant les clivages partisans et in fine de (re)légitimer l’action publique, censée être plus rationnelle, puisque fondée sur la science. Autrement dit, l’attrait du politique pour les méta-analyses, comme pour les statistiques, tient dans ce que Pierre Bourdieu (1984) appelle l’« effet de science », ce qui est d’autant plus le cas ici puisque la méta-analyse est placée au sommet de la « pyramide des preuves ».

16 Enfin, la méta-analyse identifie des effets globaux. Là encore, cela peut paraître réducteur d’un point de vue scientifique, car les contextes ne sont pas pris en compte, mais c’est aussi ce qui intéresse les politiques. Les gouvernements sont confrontés à des populations, et l’action publique doit s’appliquer à grande échelle (Draelants et Revaz, 2022). Les méta-analyses facilitent la décision dans la mesure où elles permettent des mesures qui évitent de considérer les cas particuliers, de raisonner en moyenne et de faire émerger une action publique « efficace en probabilité ».

17 Pour toutes ces raisons, les méta-analyses sont faites pour intéresser l’action publique. Mais le prestige particulier dont jouit cette méthode est-il vraiment justifié ? L’efficacité politique est-elle au rendez-vous ? L’examen des usages politiques des méta-analyses dans la politique de redoublement en Belgique francophone fait apparaître des effets contrastés.

Rendre l’action publique plus efficace par les méta‑analyses : l’espoir déçu de la politique de redoublement en Belgique

Les éléments-clés des réformes récentes de la politique belge sur le redoublement

18 La Belgique compte l’une des plus grandes proportions d’enfants ayant redoublé dans le monde occidental : en 2020 30,2 % des élèves de 15 ans ont redoublé dans l’ensemble de la Belgique. Dans le même temps, 46 % des jeunes de 15 ans de la Fédération Wallonie-Bruxelles (ou FWB, la partie francophone de la Belgique) ont redoublé. La FWB a le taux de redoublement le plus élevé de l’OCDE. À titre de comparaison, en 2020, la moyenne de l’OCDE est de 11 % (OCDE, 2020). Le redoublement a généré un coût supplémentaire d’environ 387,5 millions d’euros pour l’année 2019 (FWB, 2021). Ces taux de redoublement hors-norme sont donc devenus une préoccupation centrale des politiques éducatives en Belgique depuis le début des années 1990.

19 À ce jour, trois textes législatifs différents ont explicitement visé à réduire ces taux de redoublement dans l’enseignement secondaire [3] (voir tableau).

20 Depuis 30 ans, les discours politiques sur le redoublement en Belgique répètent que celui-ci produit des effets négatifs et qu’il faut le supprimer. Mais les taux de redoublement ne baissent pas. On peut donc affirmer que les réformes n’ont pas eu les effets escomptés aux yeux des principaux responsables politiques de l’enseignement. À cet égard, des politiciens et chercheurs belges ont identifié une série de causes à l’échec de la politique : il existerait une culture de l’échec scolaire et du redoublement en FWB ; les réformes auraient envoyé un mauvais signal aux enseignants en leur disant que les années supplémentaires étaient utiles pour réussir le diplôme ; les enseignants seraient favorables au redoublement et croiraient en ses effets bénéfiques, ce qui traduirait leur méconnaissance de la recherche sur le sujet (Crahay, 2019 ; Désir, 2014).

Tableau

Législations visant à réduire le redoublement dans l’enseignement secondaire en FWB depuis 1990.

Nom du texteContenu
Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 19 juillet 1993 modifiant l’arrêté royal du 29 juin 1984 relatif à l’organisation de l’enseignement secondaire.Passage automatique de la première à la deuxième année de l’enseignement secondaire, suppression du redoublement pour les deux premières années de l’enseignement secondaire. À partir de la rentrée 1995-1996, le premier diplôme doit être obtenu en 3 ans maximum, avec la possibilité d’une année supplémentaire à la fin de la deuxième année qui est censée être différente du simple redoublement.
Décret relatif à l’organisation du 1er degré de l’enseignement secondaire du 19/07/2001 (M.B. du 23/08/2001).Abandon du principe de promotion automatique, introduction d’une année complémentaire qui « ne peut en aucun cas constituer une répétition de l’année précédente » (p. 1). À partir de la rentrée 2001-2002, un élève peut compléter le 1er degré en 3 ans maximum et a la possibilité de faire des années complémentaires à la fin de la première année (1AC/1S) ou après la deuxième année (2CC/2S).
Circulaire n° 5795 du 30/06/2016 Circulaire générale relative à l’organisation de l’enseignement secondaire ordinaire et à la sanction des études.Suppression de la 1re année complémentaire dans l’enseignement secondaire à partir de la rentrée scolaire 2015-2016. Les élèves peuvent encore effectuer une deuxième année complémentaire (2S) à la fin de leur deuxième année d’enseignement secondaire.

Législations visant à réduire le redoublement dans l’enseignement secondaire en FWB depuis 1990.

21 L’étude approfondie de la conception et de la réception des réformes menées [4] montre que les enseignants ne sont pas clairement en faveur du redoublement (De Pascale et Draelants, 2022) et que, si les politiques publiques belges n’ont pas atteint leur objectif de réduction du redoublement et d’amélioration des résultats de l’apprentissage, c’est – pour partie – parce qu’elles se sont trop exclusivement appuyées sur des méta-analyses au détriment d’autres savoirs disponibles. Ce faisant, l’expérience belge peut être vue comme un cas d’école d’élaboration d’une politique fondée sur certaines preuves (ce à quoi se réduit une politique dite « evidence-based »), bien plus que d’une politique informée par les connaissances (knowledge-informed policy). Dans le premier cas, c’est un éventail limité de prétendues « meilleures preuves » qui détermine ce qu’une politique devrait être, tandis que dans le second, c’est un éventail plus large de sources qui documente la politique, incluant les divers types de recherches et les savoirs professionnels (Draelants et Revaz, 2022).

Les méta-analyses dans les rapports d’expertise au fondement de la politique

22 Avant de revenir sur ce qui a été ignoré par l’action publique lorsqu’elle se fondait sur les méta-analyses, il nous faut expliquer comment ces dernières ont été mobilisées concrètement pour bâtir une politique de lutte contre le redoublement. Précisons que le lien avec cette politique n’est bien entendu pas direct : jamais les débats parlementaires n’évoquent les méta-analyses en tant que telles. Le lien est toujours médié. Les responsables politiques évoquent plutôt « la recherche », les rapports qu’ils ont commandés pour s’informer de l’état de la recherche sur le sujet, ou le nom des experts mandatés, auteurs de ces rapports. Nous ne soutenons pas non plus que la recherche en éducation, par le biais des méta-analyses sur le redoublement, soit la seule cause d’inefficacité de la politique de réduction du redoublement. Le contexte dans lequel cette politique a été menée et les motivations budgétaires qui furent premières dans la décision de remplacer le redoublement par la promotion automatique ont également joué un rôle important. Le ministre de l’Éducation reconnaissait le fait sans ambages. Dans la presse de l’époque, il déclarait : « C’est au seuil du secondaire que l’échec sévit le plus ; si l’on veut faire des économies, c’est là qu’il faut agir en priorité » (interview donnée au journal Le Soir, 21 juin 1994).

23 En 1991, un rapport réalisé par des experts belges pour l’OCDE dans la série « Examen des politiques nationales d’éducation » et intitulé Les systèmes éducatifs en Belgique : similitudes et divergences, comparait la situation de la Belgique francophone avec celle de ses voisins. La FWB y apparaît comme la championne du redoublement. Ce rapport est important, car il fut parmi les premiers à dénoncer les taux de redoublements particulièrement élevés et à mettre en évidence de notables disparités de performance en fonction des établissements, mais surtout car il fit grand bruit dans la presse à l’époque. Des rapports internationaux comme le Rapport mondial sur l’éducation 1993 de l’UNESCO confirmeront la singularité de la FWB à cet égard. Par ailleurs, d’autres écrits d’origine nationale ont contribué à problématiser la situation du système scolaire belge francophone. Un document crucial à cet égard fut la Radioscopie de l’enseignement menée par une équipe interuniversitaire et parue en mars 1992. Selon la Radioscopie, le gonflement de la population scolaire imputable au redoublement s’élève au minimum à 8,17 %, soit environ 50 000 élèves, ce qui équivaut à une classe d’âge complète ajoutée à l’effectif scolaire. La Radioscopie met dès lors en évidence qu’il est possible de réaliser des économies significatives en supprimant le redoublement. Cet argument du coût du redoublement va, d’après les observateurs de l’époque, peser lourd dans la décision en raison de la situation financière délicate de la FWB qui, dans un contexte de crise budgétaire, cherche à tout prix à faire des économies. Intervient alors l’avis des chercheurs en éducation et un rapport de 1993 signé par Marcel Crahay (voir encadré 1).

Encadré 1 : L’important rôle de médiation joué par les chercheurs, le cas de Marcel Crahay

Parmi les experts ayant joué un rôle important dans le débat public sur le redoublement durant la période considérée, citons en particulier Marcel Crahay. C’est à travers lui et ses écrits que les méta-analyses vont influencer la politique éducative. Marcel Crahay, à l’époque directeur du Service de pédagogie expérimentale de l’université de Liège, est l’expert le plus souvent mentionné dans les discussions au parlement et en commission de l’éducation. Il est également intervenu comme l’un des cinq grands experts en pédagogie chargés de former les formateurs d’enseignants ; enfin, il a participé avec son équipe aux premières évaluations de la mise en place de la réforme du premier degré. Par ailleurs, il intervient personnellement de manière régulière au fil de la controverse à travers la publication de rapports, d’ouvrages scientifiques, d’essais, de tribunes et d’interviews dans les journaux pour dénoncer le redoublement. Mobilisé par les uns pour justifier le bien-fondé de la réforme, mis en cause par d’autres comme le prototype du pédagogue déconnecté des réalités, il a été un acteur très présent qui a joué des rôles divers dans le déroulement de la réforme initiale (celle de 1993) et des débats qui ont pu l’entourer. En effet, Crahay est un des seuls scientifiques à avoir été actif pratiquement à toutes les étapes du processus politique de changement. Son rapport, Échec des élèves ? Échec de l’école ? La Communauté française de Belgique en échec scolaire (1993), a joué un rôle important dans les premiers pas du processus et figure parmi les rapports déclencheurs ayant attiré l’attention publique sur les méfaits du redoublement.
Nous ne voudrions cependant pas laisser croire que Marcel Crahay a été le seul expert impliqué. D’autres chercheurs en éducation, souvent collaborateurs de ce dernier, sont intervenus à l’époque et plus encore dans les années 2010, notamment pour coécrire un autre rapport d’expertise sur le redoublement, intitulé Le redoublement en Fédération Wallonie-Bruxelles et paru en 2014 (le rapport est signé par Ariane Baye, Florent Chenu, Marcel Crahay, Dominique Lafontaine et Christian Monseur). Soulignons aussi que Marcel Crahay, malgré son rôle d’expert, n’est pas dénué de réflexivité scientifique et de lucidité sur les rapports entre science et politique. Il est conscient des limites des connaissances scientifiques pour transformer l’école. Ainsi, il souligne avec justesse qu’« en éducation et, plus largement, dans les affaires humaines, les faits objectifs ont moins de réalité que les états psychologiques » (Crahay, 2012, p. 476). Il met également en garde contre le scientisme et les dérives technocratiques qui pourraient en découler. Il rappelle ainsi que « les questions soulevées ne sont pas uniquement scientifiques. L’éducation est inéluctablement le lieu de choix axiologiques et, partant, d’affrontements idéologiques. Ce serait « verser dans l’obscurantisme que de les taire » (Crahay, 2012, p. 33). Par ailleurs, Crahay, comme les auteurs de la Radioscopie, plaidait pour que les économies engendrées par la suppression du redoublement soient réinvesties dans l’organisation de remédiation, de soutien pédagogique préventif. Sur ce point, les responsables politiques n’ont pas suivi les recommandations des experts (Draelants, 2009), ce qui atteste bien un usage sélectif par le politique des preuves et recommandations formulées par les experts, comme nous l’évoquions en introduction.

24 Que contient ce rapport ? D’abord une reprise de la comparaison internationale : on y lit que « La Belgique a le triste privilège de présenter le taux de retard scolaire le plus élevé de l’Europe des Douze, mais aussi très probablement de l’Europe entière » (Crahay, 1993, p. 3). Ensuite, y est mentionné le « surcoût lié aux redoublements dans l’enseignement secondaire » qui « dépasse les 4 milliards de francs belges » (Ibid., p. 37). Enfin, le rapport reprend les résultats de certaines méta-analyses centrées sur le contexte américain, depuis décriées par la littérature scientifique, allant dans le sens de la suppression du redoublement (voir encadré 2). Il mobilise aussi deux autres études, l’une menée par Seibel en France, une autre réalisée par Bain dans le canton de Genève. Ce qui signifie que le rapport rédigé par Crahay, qui aboutit à une disqualification sans nuance du redoublement, se fonde uniquement sur des études menées dans d’autres contextes nationaux.

25 La même optique est également retenue dans le rapport Baye et al. de 2014, qui appuiera la réforme de 2016. Bien que mobilisant une bibliographie plus étoffée que le rapport de 1993, ses auteurs continuent d’une part d’invoquer la comparaison internationale et d’autre part de se fier essentiellement à certaines études quantitatives et aux méta-analyses centrées sur le cas américain, en citant cette fois les trois méta-analyses les plus anciennes (voir encadré 2), pour tirer des conclusions sur le phénomène du redoublement.

Encadré 2 : Les méta‑analyses sur le redoublement, des résultats scientifiques nuancés

Sur le thème du redoublement, cinq articles utilisant la méta-analyse ont été publiés au cours des cinquante dernières années : Allen et al. 2009 ; Goos et al. 2021 ; Holmes, 1989 ; Holmes et Matthews, 1984 ; Jimerson, 2001. En outre, l’article de Jackson (1975), encore influent dans les synthèses plus récentes bien qu’il s’agisse d’une synthèse narrative, constitue la première grande synthèse de tous les travaux réalisés sur le redoublement depuis la fin des années 1920 aux États-Unis (Draelants, 2018). En politique belge, parmi ces six références, quatre ont une visibilité particulière dans les débats et les textes politiques : la synthèse de Jackson (1975) et les trois plus anciennes méta-analyses (Holmes, 1989 ; Holmes & Matthews, 1984 ; Jimerson, 2001). Le rapport Crahay se réfère notamment explicitement à Jackson (1975) et à Holmes et Matthews (1984).
Ces trois anciennes méta-analyses ont pourtant été critiquées pour avoir intégré des études de qualité disparate (Lorence, 2006), contribuant à donner une image biaisée des recherches sur le redoublement (Allen et al., 2009 ; Draelants, 2018 ; Lorence, 2006) et dissimulant que « la littérature est mixte et non pas unilatérale » (Alexander et al., 2003, p. 30). En l’occurrence, ces méta-analyses ont diffusé l’idée que les effets du redoublement seraient globalement négatifs, alors même que d’autres études, certes moins nombreuses, ont mis en évidence les effets positifs du redoublement. En particulier, l’étude sociologique d’Alexander, Enwtisle et Dauber (2003) se distingue pour son caractère exceptionnel sur le plan méthodologique [5].
Les deux dernières méta-analyses en date réalisées sur la question du redoublement (Allen et al. 2009 ; Goos et al. 2021), ont prêté davantage attention à l’importance de la qualité des études incluses dans leur synthèse. Elles ont aussi montré que les méta-analyses antérieures étaient basées sur des recherches aux techniques analytiques médiocres, ce qui avait eu pour effet de renforcer les résultats en défaveur du redoublement. Dès lors que les études sont modérées en fonction de leur qualité, l’effet du redoublement apparaît globalement nul au lieu d’être négatif (Allen et al., 2009). La méta-analyse réalisée par Goos et ses collègues (2021) aboutit à un résultat proche. Elle précise en outre que, lorsque le redoublement est accompagné d’une remédiation spécifique, son effet est alors positif sur les résultats scolaires (avec l’effet le plus important recensé dans la méta-analyse). Bien qu’elles donnent une image fausse et désormais caduque des recherches sur le redoublement, les trois anciennes méta-analyses seront mobilisées tour à tour pour légitimer les réformes, et ce, sans que les critiques ultérieures ne soient mentionnées [6].

26 Aucune recherche conduite en Belgique sur le redoublement n’est citée dans ces rapports. Cette ignorance du contexte, qui postule implicitement une validité universelle des résultats obtenus dans ces études, est pour le moins regrettable. En effet, dans les résultats scientifiques ambivalents des méta-analyses quant aux effets positifs, négatifs ou nuls du redoublement, nos lunettes de sociologues voient des signaux d’alerte d’hétérogénéités inobservables qu’il faudrait creuser davantage. Nous faisons l’hypothèse que cela masque des effets différenciés que l’on observe sur le terrain (De Pascale et Draelants, 2022), mais également entre États. En effet, il est intéressant de se pencher sur l’origine géographique des publications portant sur le redoublement (celles qui vont être synthétisées dans les méta-analyses). Historiquement, les recherches étaient presque exclusivement produites aux États-Unis ; sur la dernière décennie, il s’agit encore de la majorité (53,9 %). Le pourcentage d’études réalisées en Belgique augmente, il est passé de 0 % durant les années 1990 à 8,9 % (soit 16 études) entre 2014 et 2023 [7]. Or, si l’on peut considérer que ces 16 études portant sur le cas belge sont suffisantes (et même importantes relativement à la taille du pays), l’examen de l’origine de ces travaux montre qu’elles utilisent essentiellement des données produites dans la partie flamande du pays. Or, en Belgique, chaque communauté linguistique organise différemment son enseignement. Ces données ne sont pas forcément utilisables dans d’autres contextes, ce que précisent d’ailleurs régulièrement ces travaux (voir e.a. Baert & Picchio, 2021 ; Grabau & Van Damme, 2023 ; Van Canegem et al., 2021).

27 Retenons de tout ceci qu’il est difficile de tirer des conclusions définitives sur les effets du redoublement à partir des seules méta-analyses, et qu’il serait nécessaire de pousser plus loin les recherches, en mobilisant aussi des approches qualitatives avant de pouvoir fonder une politique pertinente en la matière. Si l’aspect pédagogique de la réforme a été en partie perçu par les enseignants comme un vernis masquant la réelle finalité du projet – réaliser des économies (Draelants, 2009) –, l’échec relatif de la politique de lutte contre le redoublement menée en Belgique francophone des années 1990 à nos jours s’explique aussi par les impensés d’une politique publique justifiée par les méta-analyses.

Les méta-analyses confrontées au terrain : mise en évidence d’une déconnexion des pratiques [8]

28 Le recours aux méta-analyses sur le redoublement, qui a vocation à établir la légitimité de la réforme, apparaît aux enseignants comme une manœuvre politique, un prétexte plutôt qu’un fondement authentique. Les entretiens menés à l’époque (au cours de l’année scolaire 2002-2003) montrent bien que les enseignants ne sont pas dupes de l’argument pédagogique : ils pensent que la réforme vise avant tout à faire des économies, en renonçant dès lors à accompagner la promotion automatique de mesures qui auraient permis de remédier efficacement aux difficultés d’apprentissage des élèves en échec scolaire.

« Je trouve, moi, personnellement, que toutes ces réformes ont amené un nivellement par le bas. J’estime que tout le monde a sa chance, mais, pour moi, ça n’a jamais été une réforme sur le principe de l’égalité ! Ça a été une réforme économique ! Donc ça, c’est déjà une chose. Qu’on fasse attention à l’élève, qu’on essaie de lui trouver l’enseignement qui lui convient le mieux, c’est une bonne chose. Mais je pense que ça coûterait beaucoup plus d’argent que ce qu’ils nous ont donné… »
(Enseignante de mathématiques et de sciences, Collège A)
« Politiquement parlant, ça n’a jamais été décidé que pour faire des économies. Point final. Et puis on a trouvé la façon la plus stratégique de nous faire passer ça. N’importe quoi ! Oui, je suis contre un redoublement abusif. Mais alors qu’on réfléchisse ! Et qu’on trouve une autre façon de faire. »
(Enseignant de géographie, Collège B)

29 Lorsqu’on analyse en détail les raisons pour lesquelles les enseignants continuent d’adhérer au redoublement, malgré le discours politique et académique décrivant ses effets délétères sur les élèves, on constate que le redoublement remplissait diverses « fonctions latentes » (Draelants, 2009) : gérer l’hétérogénéité des élèves en les « triant » au sein des établissements ; réguler l’ordre scolaire et le comportement des élèves ; se distinguer des écoles voisines ; et maintenir l’autonomie professionnelle des enseignants qui décident du sort des élèves en fin d’année.

30 Le fait d’ignorer ces fonctions latentes a eu des conséquences néfastes sur la mise en œuvre de la réforme, rejetée avec véhémence par les enseignants. Considérant qu’elle était irréalisable, ils ont affirmé qu’ils n’étaient pas tenus d’agir loyalement dans le cadre de la réforme. Ils ont revendiqué leur autonomie pédagogique et déclaré leur refus de changer leur façon de faire la classe ou d’adapter leurs méthodes d’enseignement.

« En première année du secondaire, on doit théoriquement remettre tout le monde sur un pied d’égalité, mais c’est impossible. Vu les classes super-nombreuses, c’est impossible de travailler individuellement pour les remettre à flot. Ces réformes, c’est du bla-bla : sur papier, c’est facile de changer les choses, mais sur le terrain, là, on se rend compte des contraintes qui pèsent sur les enseignants ! Ceux qui pondent ces décrets, ils ne savent pas ce que c’est, hein ! »
(Enseignant d’éducation physique, Collège A)
« Il y a des gens qui sont payés pour penser. Bon ben ils pensent et ils essaient de réaliser des choses, qui parfois sont bien, parfois qui sont irréalisables sur le terrain. Ça c’est très beau les discours, mais il faut venir dans les classes pour voir ça. »
(Enseignante de géographie et d’éducation scientifique, Collège C)

31 L’on observe alors que les enseignants n’adhèrent pas aux conclusions de la recherche issue des méta-analyses sur le redoublement dont ils ont entendu parler, ou que des conseillers pédagogiques leur ont présentées. Ils ont particulièrement du mal à croire que le redoublement est toujours négatif et que toutes les études sont unanimes à ce sujet, ce qui, on l’a vu, n’est en réalité pas le cas, mais qui tend à être présenté comme tel dans la mesure où les méta-analyses masquent les désaccords existants en mettant en avant l’effet moyen du redoublement. Dans certaines situations, ils estiment le redoublement utile, notamment pour se maintenir dans l’enseignement général et éviter une réorientation vers une filière technique ou professionnelle non souhaitée. Dans ce cas précis, la suppression du redoublement peut conduire à une relégation directe des élèves en échec, en empêchant les enseignants de leur donner une seconde chance.

« Je me souviens d’une élève qui est arrivée chez nous en deuxième. Elle a fait une première 2e nulle, une deuxième 2e faible et a trouvé le moyen de faire une troisième 2e puis n’a plus jamais eu aucun problème scolaire ! Alors, quand je pense à cela, je me dis, voilà une enfant qui [dans la situation actuelle de suppression du redoublement] aurait été en 3 P [3e année d’enseignement professionnel] et qui avait autre chose dans ses mains que pour faire une 3P ! Ça, c’est un cas exceptionnel peut-être. Une gamine qui n’a eu sa maturité de fin de seconde qu’à quinze ans, quinze ans et demi. Mais ceux-là, c’est fini maintenant. On ne peut même plus [leur donner une seconde chance de se maintenir dans l’enseignement général], même si on le voulait ! On ne peut pas ! »
(Enseignante de mathématiques, physique et sciences économiques, Collège A)

32 Si les enseignants ont du mal à comprendre la recherche, c’est aussi parce que la manière de concevoir le redoublement et de mesurer son efficacité dans les études que synthétisent les méta-analyses est déconnectée de celle qui prévaut sur le terrain. En effet, lorsque la réforme a été implantée, les spécificités des usages du redoublement dans le cas belge n’étaient pas connues. En conséquence, aucune alternative pour gérer l’hétéro généité des classes n’a été prévue. En outre, le recours à la note chiffrée et aux évaluations a été maintenu, et les programmes n’ont pas été changés. De la sorte, on a subitement demandé aux élèves qui travaillaient pour la note, parce qu’il y avait un bulletin, de s’intéresser intrinsèquement aux apprentissages. Cela n’a pas fonctionné [9].

33 Concernant le redoublement en tant que tel, les enquêtes quantitatives individualisent toujours la pratique. Tout se passe comme si chaque redoublement recouvrait le même sens, quel que soit le contexte dans lequel il intervient, quel que soit l’élève, l’établissement ou le niveau d’étude envisagé. Pourtant, sur le terrain, le redoublement revêt des sens différents. Il vise par exemple tantôt à apprendre des méthodes de travail, à améliorer l’estime de soi, ou à éviter une réorientation. Nos recherches récentes, qui étudient le redoublement qualitativement et du point de vue des acteurs concernés, montrent que la finalité qu’élèves et enseignants lui attribuent varie et qu’entre deux élèves qui sont maintenus dans l’enseignement général ou professionnel, les causes et donc aussi les expériences du redoublement ont peu de points communs (De Pascale & Draelants, 2022).

Conclusion

34 L’abstraction est inévitable en science, mais on peut légitimement se demander si celle qui consiste à subsumer sous un même terme des réalités disparates est une bonne abstraction, ou si nous n’avons pas besoin de concepts plus fins pour distinguer différents types de redoublements. C’est donc la question de l’hétérogénéité des redoublements, de ses effets différenciés qui sont éludés par les méta-analyses. Choses que certaines enquêtes quantitatives cherchent désormais à appréhender en recourant à des méthodes toujours plus sophistiquées (Gary-Bobo et al., 2016), mais que l’on peut aussi étudier qualitativement et que l’on perçoit alors de manière évidente lorsque l’on prend la peine d’interroger les acteurs scolaires concernés par le phénomène (les enseignants, les élèves).

35 Concernant la méthode employée dans la plupart des études quantitatives, on peut là aussi constater un décalage entre le raisonnement des chercheurs et le raisonnement naturel. Dans la plupart des études [10], on procède d’une manière quasi-expérimentale : les élèves qui redoublent sont soit comparés à des élèves du même âge que le leur, mais qui ont été promus (et qui sont donc scolarisés dans l’année supérieure), soit comparés à des élèves plus jeunes, mais qui fréquentent la même classe qu’eux (celle qu’ils redoublent). Autrement dit, les chercheurs adoptent un raisonnement contrefactuel. La méthode qu’ils utilisent pour mesurer l’efficacité du redoublement revient à se demander comment l’élève aurait progressé dans ses apprentissages s’il avait été promu plutôt que maintenu [11]. Ici aussi on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de l’abstraction employée, car cette façon de faire diffère de celle qui compare un élève non pas à un autre élève, mais à lui-même. Ce raisonnement, qui peut être qualifié de longitudinal, correspond davantage au mode de raisonnement auquel recourent spontanément les acteurs de terrain. La première méthode n’est pas forcément mauvaise, mais elle produit une abstraction en décalage avec le raisonnement naturel. Il est donc intéressant d’employer les deux méthodes et de comparer les résultats. En l’occurrence, les deux méthodes aboutissent à des conclusions différentes. Alors que la première tend à montrer des effets globalement nuls du redoublement (comme le montrent les dernières méta-analyses), la seconde adoptée dans certaines recherches, comme celle d’Alexander et al. (2003), met en évidence de nets progrès pour les redoublants. Pour leur permettre de rebondir et de réduire l’écart qui les sépare de leurs condisciples, le redoublement apparaît alors pertinent. Les études qualitatives suggèrent que cette manière de procéder est plus proche du raisonnement naturel, car sur le terrain l’objectif que les enseignants, mais aussi les familles et les élèves eux-mêmes, assignent communément au redoublement est de permettre au redoublant de se relancer et de s’améliorer (même si cela ne signifie pas la même chose pour chaque élève). Il s’agit moins de se comparer aux autres que de se comparer à soi.

36 Cette observation permet d’attirer l’attention sur le fait que les choix méthodologiques sur lesquels repose la science (dominante) du redoublement, celle synthétisée dans les méta-analyses, ne sont pas neutres. La question de l’efficacité du redoublement n’est neutre que d’apparence, en réalité elle n’est pas indépendante de valeurs puisque, pour répondre à la question, il faut d’abord définir de quelle efficacité il s’agit. Mais faire valoir la pluralité des définitions possibles de l’efficacité est difficile. En effet, le point de vue et les savoirs des enseignants ne sont pas considérés comme ayant de la valeur dans la politique fondée sur les preuves. C’est une chose que ressentent bien les enseignants qui s’estiment dépossédés de leur professionnalité quand les experts monopolisent la manière de définir et de poser les problèmes (Draelants et Revaz, 2022).

37 Les méta-analyses possèdent des particularités qui les rendent attractives pour les décideurs politiques et pour les scientifiques qui veulent se faire experts et intervenir dans l’arène politique. Elles semblent donc être d’efficaces outils de légitimation pour l’action publique, mais en réalité, comme nous l’avons vu, ce n’est pas le cas. Autrement dit, cette attractivité des méta-analyses est en quelque sorte un cadeau empoisonné. Celles-ci sont efficaces pour faciliter la prise de décision, mais ne le sont pas pour construire de l’acceptabilité, pour légitimer la réforme auprès des acteurs. Lorsqu’elles sont le seul type d’étude pris en considération, les méta-analyses renforcent plutôt la méfiance des acteurs scolaires envers la politique et l’expertise, et le sentiment que les experts sont déconnectés du réel.

38 En plaçant les savoirs produits par les méta-analyses au-dessus des autres et en légitimant la politique de lutte contre le redoublement essentiellement par une connaissance fondée sur des méta-analyses, qui plus est relativement anciennes et discutées, le risque est que les experts donnent un sentiment de fausse certitude aux décideurs. Cela laisse penser qu’il n’est pas nécessaire de nourrir l’information d’autres méthodes scientifiques (plus qualitatives) et d’autres savoirs (notamment professionnels). L’on peut supposer que les décideurs sont alors convaincus de disposer de données solides sur lesquelles fonder leur action plutôt que de préjugés idéologiques, or faits et valeurs politiques ne sont pas dissociables si aisément. Les choix méthodologiques sur lesquels la science du redoublement repose ne sont pas neutres.

39 Faire droit aux autres formes de preuve et cesser de placer les méta-analyses et les méthodes sur lesquelles elles se fondent sur un piédestal serait l’approcher à retenir. D’autres épistémologies, constructivistes ou post-positivistes, qui appréhendent différemment le monde social, et d’autres méthodologies, qualitatives notamment, sont nécessaires pour embrasser de manière plus large tout phénomène social, le situer dans son contexte et le comprendre en profondeur. Loin d’être antiscience, une telle démarche est au contraire plus exigeante d’un point de vue épistémologique. Faute de pluralisme épistémologique dans les données qui l’informent, l’action publique en éducation, mais également dans tout autre domaine, risque fort d’être confrontée à des déconvenues comme l’illustre l’échec de trente ans de lutte contre le redoublement en FWB.

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Date de mise en ligne : 01/07/2024

Notes

  • [1]
    En 1976, Gene Glass publie un article intitulé « Primary, secondary, and Meta-analysis of Research », dans lequel il souligne que, face à l’abondance de recherches sur de nombreux sujets, la synthèse de données permet de faire émerger « des sources d’information jusque-là inexploitées » (p. 4), et déterminer, en particulier en éducation, les pratiques qui sont réellement efficaces.
  • [2]
    Base de données relative aux publications en matière d’éducation financée par le département de sciences de l’Éducation des États-Unis.
  • [3]
    Un schéma similaire peut être observé dans l’enseignement primaire. Cependant, nous limitons ici notre propos aux trois premières années de l’enseignement secondaire, car c’est là que l’on trouve les taux de redoublement les plus élevés. En outre, c’est surtout sur les deux premières années de l’enseignement secondaire que se sont concentrées les tentatives de réduction du redoublement. Nos propres recherches empiriques ont donc porté sur ce segment de la scolarité.
  • [4]
    Cette étude s’est notamment appuyée sur des entretiens avec des enseignants et des observations sur les pratiques de redoublement dans les écoles.
  • [5]
    Notamment par la qualité de son échantillonnage de type aléatoire, son design longitudinal et les nombreuses données disponibles sur les élèves et leur histoire scolaire. La recherche est aussi inédite par sa durée : entamée en 1982, elle s’est achevée en 2002.
  • [6]
    Ce constat est aussi vérifié au sein de la communauté scientifique. Entre 2010 et 2020, nous avons calculé que ces trois méta-analyses obtiennent 83,8 % des citations au regard de la dernière méta-analyse alors en date (Allen C. S. et al., 2009) qui tenait compte des critiques énoncées sur les recherches antérieures. L’article présentant la méta-analyse de Jimerson se classe même au 46e rang des articles les plus cités en psychologie scolaire (McNicholas et al., 2022).
  • [7]
    Calculs réalisés en mars 2024 à partir de la base de données Scopus.
  • [8]
    Ce paragraphe est fondé sur une première enquête, menée en 2002-2003 qui avait pour objectif de comprendre les résistances aux réformes pédagogiques visant à réduire le redoublement. Les extraits sont issus d’entretiens menés à cette période auprès d’enseignants issus de trois établissements d’enseignement secondaire contrastés de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Draelants, 2009).
  • [9]
    Les enseignants constatent et déplorent qu’il devient très difficile de mettre les élèves au travail quand la menace que constituait le redoublement disparaît. Ayant développé un rapport instrumental à la scolarité, les élèves travaillent en effet essentiellement « pour les notes » et « pour passer de classe ».
  • [10]
    Toutes les recherches quantitatives ne procèdent pas de la sorte, c’était notamment le cas de celle conduite par Alexander et al. (2003) qui procédait à des comparaisons différentes, de type « pré-post » où les sujets ne sont pas comparés à d’autres élèves, mais à eux-mêmes. Leur étude étant menée sur une longue durée, les élèves pouvaient en effet être leurs propres contrôles puisque leurs résultats sont connus avant l’année de redoublement, pendant celle-ci et après celle-ci.
  • [11]
    Les deux comparaisons sont par principe affectées d’un biais d’échantillonnage. La première comparaison est défavorable au redoublant et risque de sous-estimer les effets du redoublement (les élèves du même âge sont plus loin dans leur scolarité et suivent donc un programme scolaire plus avancé), la seconde lui est favorable et risque de surestimer les effets du redoublement (le redoublant a déjà pu se familiariser une première fois avec la matière, ce que n’ont pu faire ses condisciples)

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