Notes
-
[1]
Le budget vert autrichien est composé de quatre sections : la planification stratégique, la production d’éléments probants et la cohérence des politiques publiques, la responsabilité et la transparence et enfin, un cadre pour la gouvernance budgétaire.
-
[2]
Förderungen im Sinne des Klimaschutzes (oesterreich.gv.at)
- [3]
- [4]
- [5]
- [6]
- [7]
- [8]
- [9]
Dans la continuité des politiques publiques mises en place pour atteindre les objectifs de Paris sur le climat et la neutralité carbone d’ici 2040, le gouvernement autrichien a lancé, fin 2021, des green spending reviews. Instauré pour contrôler la concordance des dépenses publiques avec les objectifs environnementaux et climatiques du pays, ce nouvel instrument d’action publique s’inscrit plus généralement dans le budget vert mis en place en Autriche peu après la signature des accords de Paris [1]. Sans poursuivre d’emblée un objectif d’économies budgétaires, il vise à informer sur les impacts des politiques publiques en matière de transition écologique et énergétique (TEE) et à éventuellement réorienter la dépense publique vers des stratégies éco-responsables.
1 L’Autriche est un pays pionnier de la TEE. À la suite d’un référendum sur le nucléaire, elle bannit cette énergie du pays dès 1978 et s’oriente vers la production d’énergies renouvelables. Ainsi, en 2023, 79 % de l’électricité produite dans le pays provient de sources d’énergies renouvelables, dont 59 % de l’hydraulique, positionnant l’Autriche comme leader européen de la production d’énergie verte. Ce leadership apparaît comme la résultante de nombreuses incitations en faveur de la transition énergétique, d’une part pour les entreprises où de nombreuses subventions aux industries vertes ont été mises en place [2], d’autre part pour les consommateurs à travers par exemple une taxe de 12 euros sur les tickets d’avions en 2020 [3] ou un bonus-malus pour les voitures en 2010 [4]. Les revues de dépenses vertes s’inscrivent ainsi dans la continuité de ces mesures en souhaitant rationaliser les dépenses publiques à l’aune de critères environnementaux.
Les revues de dépenses vertes : nouvel instrument au service de la transition
2 En 2021, le Pacte vert européen est instauré et décliné à l’échelle nationale par chaque pays membre. Fortement axés sur les transitions écologique et digitale, les plans qui en résultent doivent contenir 37 % de mesures en faveur de la TEE et 20 % de mesures en faveur de la transition digitale [5], sous peine de ne pas être financés par les instances européennes. Dans ce contexte, l’Autriche adopte un plan de relance et de résilience dont l’ambition est de dépasser ces objectifs. En réponse à l’une des recommandations des accords de Paris, elle se dote alors d’un budget vert qu’elle consacre comme outil pivot du plan. Souhaitant développer une évaluation environnementale des politiques publiques, l’Autriche décide ainsi de mettre en œuvre des green spending reviews.
3 Au sein d’une coalition gouvernementale entre un parti d’extrême droite (ÖVP) et un parti écologique (Grünen), ces revues de dépenses vertes matérialisent une volonté de réaliser des économies budgétaires d’un côté, et de concrétiser la TEE de l’autre. Jugées par le ministre des finances autrichien comme « une transformation de l’Autriche qui soit à la fois rentable et socialement acceptable » [6], elles sont également justifiées comme une manière de continuer à investir dans un contexte financier public tendu par le maintien de l’activité économique lors de la crise de la Covid.
4 Assurées par le département du budget du ministère des finances autrichien, les revues de dépenses seront réalisées au niveau national à partir d’un découpage de l’action publique en six modules thématiques dont l’étude est programmée sur une période de trois ans : les subventions et incitations en faveur des TEE ; les potentielles synergies entre le niveau national et le niveau fédéral ; la mise en œuvre de la taxonomie de l’UE ; la participation des pouvoirs publics ; le caractère durable des marchés publics ; et la transition digitale. Afin de rendre la démarche transparente, les résultats complets de chaque module seront à la fois intégrés comme une annexe au projet de loi du budget autrichien et progressivement publiés sur le site du ministère des Finances.
Des effets déjà visibles
5 L’étude liée au premier module s’est achevée en 2023. Elle devait vérifier l’optimisation budgétaire des dépenses et leur non contre-productivité en matière environnementale. La méthodologie suivie a été définie selon trois critères [7] :
- la quantité produite d’émissions de gaz à effet de serre ;
- la réduction de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie ;
- la réduction de l’efficacité énergétique.
6 L’application de cette méthodologie a débouché sur un rapport contenant 35 recommandations d’actions visant à améliorer l’impact « vert » des dépenses étudiées. Y est incriminé notamment le secteur des transports qui, bien qu’étant le secteur le plus pourvu en aides publiques pour la transition, demeure celui qui émet le plus de gaz à effet de serre en Autriche. 41,6 % des subventions qui lui sont allouées sont ainsi jugées comme inefficaces ou contre-productives4. Afin de pérenniser l’efficacité des mesures budgétaires en faveur de la TEE, l’Autriche a annoncé que le module 1 des green spending reviews servira de cadre pour la rédaction du budget 2024. Cette conjonction entre les différentes étapes du processus budgétaire et les spending reviews, souvent citée comme une des conditions de leur efficacité, doit permettre à l’Autriche de calibrer ses dépenses en fonction des recommandations produites.
7 Dans le même temps, afin de développer les capacités d’analyse de la dépense publique, le ministère des finances autrichien a été restructuré dans le but de développer les compétences internes en matière d’évaluation environnementale. Un « hub » climat ministériel rassemblant des experts du climat provenant des sept principaux départements du ministère [8] a notamment été créé pour structurer l’expertise en matière environnementale ; une première au niveau international.
8 Bien que critiquées par certains observateurs, notamment pour le difficile respect des échéances annoncées lorsque les revues de dépenses ont été lancées ou pour des annonces gouvernementales non suivies des faits [9], l’expérience autrichienne montre un usage différent de cet instrument budgétaire. Elle met en évidence que les revues de dépenses sont un outil malléable, dont la potentielle portée tient surtout aux objectifs qui lui sont assignés. Si elles ont fréquemment été utilisées en vue d’une rationalisation budgétaire des dépenses publiques, elles peuvent aussi être un outil pivot pour permettre de reprioriser l’action publique vers d’autres fins que la seule gestion des comptes publics. Dans le cas autrichien, la crédibilité du dispositif repose désormais sur la capacité du gouvernement à traduire les recommandations produites en actions concrètes.
Date de mise en ligne : 24/01/2024
Notes
-
[1]
Le budget vert autrichien est composé de quatre sections : la planification stratégique, la production d’éléments probants et la cohérence des politiques publiques, la responsabilité et la transparence et enfin, un cadre pour la gouvernance budgétaire.
-
[2]
Förderungen im Sinne des Klimaschutzes (oesterreich.gv.at)
- [3]
- [4]
- [5]
- [6]
- [7]
- [8]
- [9]