Notes
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[1]
Comme le montre la longue tradition française de la critique du jugement, qui s’illustre notamment chez François Rabelais, Blaise Pascal, Jean Racine ou encore Victor Hugo.
-
[2]
Gilles DELEUZE, Critique et clinique, chapitre xv, « Pour en finir avec le jugement », Paris, Minuit, 1993.
-
[3]
Paul AUDI, Qui témoignera pour nous ? Albert Camus face à lui-même, Paris, Verdier, 2013.
-
[4]
Michel FOUCAULT, Mal faire, dire vrai. Fonction de l’aveu en justice. Cours de Louvain 1981. Édition établie par Fabienne Brion et Bernard E. Harcourt, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2012.
-
[5]
Ibidem.
-
[6]
Jean-Pierre DUPUY, Aux origines des sciences cognitives, Paris, La Découverte, 1994, p. 172.
-
[7]
CRPC : procédure de jugement simplifiée, réservée, pour certains délits, aux auteurs qui reconnaissent l’infraction qui leur est reprochée, le ministère public proposant une peine qui devra être acceptée par le délinquant et homologuée par un juge.
-
[8]
Antoine GARAPON, Pierre SERVAN-SCHREIBER, Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée, Paris, PUF, 2013.
-
[9]
Stéphane LAUER, « Standard & Poor’s paie la facture des subprimes », Le Monde, 5 février 2015.
-
[10]
« Lessons from Ferguson », The Economist, 12 mars 2015.
-
[11]
C’est le débat que nous avons connu en France à propos des « ordonnances Macron ».
-
[12]
Principe de courtoisie internationale.
-
[13]
Corentin de SALLE, « Fin de l’histoire et légitimité du Droit dans l’œuvre de F.A. von Hayek », Archives de philosophie du droit, Paris, Dalloz, 2003, 47, p. 149-187.
-
[14]
Michaël FOESSEL, État de vigilance. Critique de la banalité sécuritaire, Paris, Le bord de l’eau, 2010, chapitre Un : « l’État libéral-autoritaire ».
-
[15]
Diagnostic à visée criminologique, à destination des parquets et des juges d’application des peines, qui n’est plus utilisé aujourd’hui.
-
[16]
Mesure judiciaire d’investigation éducative, confiée à un service éducatif et destinée à aider le juge des enfants dans sa prise de décision.
-
[17]
Logiciel prédictif sur les risques de récidive, utilisé aux États-Unis afin d’aiguiller les juges dans leur prise de décision.
-
[18]
Léon BRUNSCHVICG, La modalité du jugement, Paris, Félix Alcan, 1897, p. 169-170.
-
[19]
Laurent ALEXANDRE et Olivier BABEAU, « Confions la justice à l’intelligence artificielle ! », Les Échos, 21 septembre 2016.
-
[20]
Henri François d’AGUESSEAU, Extrait de la seizième Mercuriale, L’emploi du temps, (1714).
-
[21]
Léon BRUNSCHVICG, La modalité du jugement, op. cit., p. 174.
-
[22]
Paul RICŒUR, Le conflit des interprétations. Essais d’herméneutique, Paris, Seuil, 1969, p. 339.
-
[23]
Antoine GARAPON et Jean LASSÈGUE, Justice digitale. Révolution graphique et rupture anthropologique, Paris, PUF, 2018.
-
[24]
Hannah ARENDT/Karl JASPERS, Correspondance (1926-1969). Trad. de l’allemand par É. Kaufholz-Messmer (« lettre à Karl Jaspers, 18/8/1946 »), Paris, Payot, p. 100.
-
[25]
Ibidem.
1Le jugement judicaire a de tout temps été contesté : pour son artificialité [1], pour son lien consubstantiel avec la faute et la culpabilité [2], pour les séparations inutiles et injustes qu’il dresse entre les hommes [3] et pour bien d’autres raisons. Mais l’on a vu ces dernières années une nouvelle menace peser sur lui, plus profonde car, à la différence des précédentes critiques, elle concerne moins ses énoncés ou ses ressorts moraux que sa forme symbolique, ce que Michel Foucault appelait sa « forme de vérité ». Ce que l’on choisira d’appeler à la suite d’Ernst Cassirer la forme symbolique du jugement judiciaire est un bloc de ritualité et d’idéalité, une conjonction difficilement démêlable d’espace, de temps, de construction d’un tiers, le tout orienté vers le droit. La vérité alêthurgique [4] du jugement judiciaire était produite par un cadre procédural et symbolique particulier, celui du procès. Ces formes ont fait preuve d’une remarquable stabilité et si la procédure s’est considérablement sophistiquée, son architecture profonde s’est montrée relativement peu « modernisable ».
2 Il ne faut pas chercher la crise contemporaine du jugement judiciaire dans des imperfections formelles (son illisibilité ou l’imprévisibilité de son contenu par exemple) ni dans son inadaptation factuelle (due au manque de formation des juges ou à leur incapacité à suivre le temps social par exemple) mais dans la substitution de nouvelles formes de vérité à l’ancienne forme rituelle du procès. Les menaces actuelles sur le jugement judiciaire concernent moins sa partie proprement langagière que sa production symbolique désormais en concurrence avec de nouvelles formes de vérité : le marché, le calcul du risque et le numérique.
I. Un jugement par et pour le marché
3La première forme de vérité qui a concurrencé le jugement est celle du marché. Pour comprendre son action, il ne faut pas le réduire à des opérations marchandes mais y voir à la suite de Foucault une forme nouvelle d’organisation de la coexistence humaine [5]. C’est si vrai que dans les trois exemples qui suivent, aucun ne concerne directement la monnaie ou l’échange de biens.
4 Le marché est un mécanisme qui agit sans parole, ni réflexivité ; il ne se présente pas lui-même, pas plus qu’il n’avoue sa finalité sociale, si tant est qu’il en ait une. Le marché concurrence le jugement qui a partie liée avec un ordre juridique, c’est-à-dire une pyramide de normes qui se réfèrent ultimement à l’expression politique du souverain. À la légalité d’un ordre juridique territorialisé combinant une réalité physique, une société concrète, une volonté politique et un ordre symbolique, s’est insidieusement substitué le marché comme un système. Un système organise les relations entre des éléments disparates dans un ensemble abstrait en vue d’assurer un certain équilibre. « Le savoir qu’il mobilise est irréductiblement distribué sur l’ensemble de ses éléments constitutifs, il ne saurait être synthétisé en un lieu qui serait celui du “savoir absolu” du système sur lui-même [6] ». Or c’est précisément cette force de synthèse et cette capacité réflexive qui caractérisent l’ordre juridique.
Les modes alternatifs de règlement des conflits
5 Le système a pour centre de gravité non plus une référence externe mais des individus, c’est-à-dire toute entité indépendante dotée d’une volonté autonome (qui peut être aussi bien une personne physique, une personne morale comme une entreprise, voire une entité publique comme une agence d’État). Alors que le jugement s’adressait à ces différents individus de l’extérieur et en position de surplomb, en délivrant des injonctions ou des condamnations, le nouveau modèle qui se met en place leur propose – leur enjoint – de trouver une solution eux-mêmes. Il fait pression sur leur consentement de façon à ce qu’ils se disciplinent en fabriquant le jugement en quelque sorte. Le droit n’intervient plus par le truchement d’une forme symbolique préexistante, le procès, mais pousse les individus à créer les conditions de l’entente sous forme de protocole d’accord par exemple.
6La négociation couronnée par un accord à l’amiable connaît aujourd’hui une poussée extraordinaire qui se constate aussi bien en matière familiale (divorce par consentement mutuel, développement de la médiation) qu’en droit du travail (la rupture conventionnelle et la récente réforme du droit du travail), que dans le domaine pénal (la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité [7]) ou dans les pratiques du commerce mondialisé (les settlements avec le ministère américain de la justice (DOJ) qui illustrent les nouvelles relations entre les entreprises et les agences de régulation à travers le monde). Dans tous ces secteurs, en apparence très hétérogènes, se vérifie un même souci d’efficacité ainsi qu’une nouvelle place pour le droit qui se conçoit désormais non plus comme l’architecte d’un groupe social mais comme le facilitateur de relations efficaces.
La transaction avec l’autorité
7Arrêtons-nous sur une forme particulière de cette tendance, qui substitue au jugement classique une transaction avec l’autorité de poursuite que nous avons intitulée un « deal de justice [8] ». Cette pratique, qui tend à se généraliser en matière de commerce interne ou international, postule une homologie entre l’activité régulée et le régulateur. La même forme de vérité est mobilisée pour agir et pour le jugement de l’agir. Il n’y a plus de différence entre l’entreprise et le régulateur : tous sont considérés comme des entités systémiques de même nature, ce qui casse la perspective du tiers de justice. Pour comprendre le contournement du jugement judiciaire et son remplacement par des transactions entre les « délinquants » et l’accusateur, en l’occurrence le ministère de la justice américain, revenons sur une affaire qui a défrayé la chronique mais dont personne n’a véritablement tiré toutes les conséquences.
8 Au bout de deux ans d’âpres négociations, l’agence de notation Standard & Poor’s et la justice américaine sont parvenues le 3 février 2015 à un « deal de justice » qui mit fin aux poursuites engagées contre l’agence pour sa responsabilité dans la crise des subprimes. Le ministre américain de la justice, Eric Holder, estime en effet que S&P a fait passer son intérêt avant celui de ses clients en refusant de dégrader des actifs sous-performants. Des analystes seniors de l’agence avaient à plusieurs reprises alerté leur direction sur ces surévaluations mais la direction de S&P a fait la sourde oreille pour ne pas décevoir ses clients. Ainsi, le document du ministère conclut qu’« elle a porté gravement atteinte à l’économie, en contribuant à la pire crise financière depuis la Grande Dépression [9] ».
9 En acceptant de payer 1,5 milliard de dollars, S&P évite de reconnaître sa culpabilité, ce qui aurait durablement entaché sa réputation. L’accord est destiné à lui éviter une procédure longue, incertaine et coûteuse. Ces trois critères sont révélateurs de l’engouement actuel pour les « deals de justice ». Non seulement le jugement judiciaire est court-circuité par de telles transactions mais il agit comme repoussoir. L’incertitude qui constitue le jugement en tant que forme de délibération démocratique, devient son principal handicap et justifie qu’on lui préfère une négociation à l’ombre du droit. Ce qui est surprenant n’est pas que ce raisonnement soit fait par les parties, mais qu’il le soit par le détenteur de l’autorité dont la fonction est de poursuivre les infractions pénales.
10 La grosse somme d’argent qui est rentrée sans difficulté dans les caisses de l’État a permis de dépasser un blocage : le dysfonctionnement est ramené par cette forme de vérité à un irritant, à quelque chose qui grippe, à un nœud qui empêche la fluidité. Le settlement en tant que « para-jugement » est certes efficace mais rend-il justice ? L’opinion ne pourra pas arguer de la faute de S&P puisque celle-ci n’est pas reconnue. Il n’y a pas de réparation et à aucun moment du raisonnement n’intervient une quelconque évaluation du dommage. L’autorité de poursuite, c’est-à-dire le gouvernement américain, se donne l’impression d’agir par cette amende colossale, mais n’a rien fait pour apurer et corriger le système qui a failli. Les victimes ne sont pas indemnisées car cet argent ne va pas abonder un fonds de solidarité pour les victimes les plus touchées par la crise. Il n’y a pas de remise en cause du système en tant que tel. Il n’y a plus de tiers de justice à qui en appeler (puisque l’État américain est noté et mis sur le même plan que ses sujets), mais plus non plus de vérité ni de réalité sociale qui puisse remplir le rôle de fonction tierce.
11Cette affaire illustre par ailleurs un autre trait de cette absorption du jugement par le marché : la justice devient un centre de profit, tendance que l’on a vue dans d’autres secteurs comme le montre la triste affaire de la police et de la justice de Ferguson qui rackettaient la population noire de la ville pour pallier son déficit [10].
Mise en concurrence des jugements et darwinisme judiciaire
12Le modèle du marché est d’autant plus invasif qu’il a partie liée avec la mondialisation. Celle-ci met en présence les hommes, les biens, les cultures et aussi les jugements. Le jugement de droit n’est donc plus exclusivement référé à un ordre juridique interne mais il est mis en concurrence avec les autres décisions judicaires. Il en résulte que les gros contentieux, ceux qui enrichissent la profession d’avocat qui remplit un rôle irremplaçable dans la démocratie, mais qui permettent également aux juges de peser pour moraliser le commerce global, se porteront sur les juridictions les plus business friendly. D’où la pression sur les ordres juridiques nationaux pour se montrer les plus attractifs possible.
13La mondialisation en ce qu’elle constitue une réalité économique à laquelle ne correspond aucune unité morale et politique du monde, génère une interdépendance de fait qui précède le droit et se ressent dans les jugements. Ceux-ci vont avoir à cœur de se montrer « crédibles » et de ne pas handicaper, par leur idiosyncrasie ou leur rigidité, l’attractivité économique d’un pays [11].
14Alors qu’autrefois, les juges ne se posaient pas la question de savoir si leurs décisions allaient plaire aux milieux financiers internationaux, ni si elles étaient de nature à rendre leur pays attractif pour les investissements étrangers, ils ne peuvent plus ignorer aujourd’hui l’impact économique de leurs jugements. C’est la raison pour laquelle on a vu se développer dans la jurisprudence des cours suprêmes un nouveau type de concepts que l’on peut qualifier de « relationnels » en ce qu’ils s’éclairent moins par un souci de rigueur juridique que par le désir d’une meilleure coordination – voire par la volonté de dominer la compétition – avec les autres juridictions. Ces concepts vont prendre leur signification et leur portée non plus en référence à un ordre juridique, ni même au droit mais au regard d’une relation ; on peut ranger dans cette catégorie les idées de « rayonnement », de « crédibilité », d’« attractivité », d’« autorité persuasive », de « confiance légitime », de « comity [12] » et, bien sûr, d’« influence ». Toutes renvoient à ce mélange de coopération et de compétition que les auteurs américains appellent la « coopétition ».
15Cette nouvelle forme de vérité qu’est le marché via la concurrence généralisée, ne fait plus porter la contrainte sur le comportement – aucune cour internationale ne dicte aux juges français ce qu’ils doivent dire – mais sur le consentement ; la normalisation s’opère par le truchement du désir. Le marché opère ainsi une convergence par l’introduction d’un objet commun désirable – capter le business global. Cette évolution du jugement au contact des affaires globales donne raison à Hayek qui avait anticipé qu’une société ouverte allait engendrer un darwinisme juridique mais aussi judiciaire [13].
Le juge comme gate-keeper
16Ces évolutions du jugement qui soit lui substituent un accord négocié, soit le pervertissent par la compétition, ont en commun de se référer non plus à un ordre politique externe mais à une relation. Le jugement ne doit plus dire le droit mais patronner une relation qui devient le nouveau siège de la normativité. À chacun son droit, et aux organisations de sécréter leur propre droit. En témoigne l’évolution du droit du travail mais on pourrait en dire de même du droit de la famille. Est-ce à dire que le jugement en soit exclu ? Non, mais il migre. Le jugement cherche son équilibre non plus socialement (à l’image du droit du travail qui tentait de redresser la relation asymétrique entre l’employé et l’employeur) mais de manière interne à la relation. Le jugement « général » se confond avec la manière optimale (notion qui vient de l’économie) de débloquer une relation – qu’il s’agisse d’une relation avec une autorité ou d’une relation entre particuliers. La finalité n’est plus la restauration d’un ordre juridique mais la fluidité de relations (en témoigne la popularité de l’adjectif « fluide » aujourd’hui), la circulation des flux, la bonne communication entre régulés et régulateurs.
17Une autre caractéristique commune est la capacité supérieure du marché et de la concurrence de mobiliser des énergies des différentes parties en jeu, voire de les contrôler ; c’est aussi vrai pour les divorçants que pour les juges de cours suprêmes.
18Une telle évolution modifie le lieu du jugement judiciaire qui déserte le territoire pour camper sur les frontières. Celui-ci ne s’intéresse plus à la conformité de la production autonome du droit mais surveille les relations susceptibles de produire du droit pour s’assurer qu’elles ne basculent pas dans une forme d’oppression. Qu’il s’agisse des relations de travail ou de famille, le jugement est maintenu en lisière de cette nouvelle production de mini-jugements particuliers, sauf quand on le mobilise exceptionnellement pour jouer un rôle de garde-frontière. Le jugement a alors une fonction de maintenance du système qui ne peut être productif que si ses éléments constitutifs – et donc la relation – sont intègres. Qu’il s’agisse de la corruption, du harcèlement, de la discrimination, de la fraude, à chaque fois le fondement de l’incrimination réside dans une relation qui est faussée, pervertie. Le juge devra, au cas par cas, décider du moment où les cadeaux d’affaires deviennent de la corruption, où une plaisanterie franchit la ligne rouge et doit être qualifiée de harcèlement, où une remarque génère de l’humiliation, où une caresse cesse d’être une marque d’affection parentale… À travers la nouvelle frontière de la dignité humaine ou des droits fondamentaux, ces jugements gardes-frontière du marché délimitent ce qui est en dehors du marché et doit le rester. On pourrait tracer un parallèle entre la marchandisation voire la monétarisation libérale et ce qui est mis hors-de-prix par le pénal ; on aurait là la clef de cette apparente contradiction du modèle libéral/autoritaire [14].
II. Un calcul de risques
19La seconde force qui dénature le jugement judiciaire est l’attraction qu’exerce sur lui le calcul. On constate partout cette tendance à transformer tout jugement en un calcul. Ainsi, le jugement académique ne consiste plus en un examen au fond des idées exprimées, de leur argumentation et de leur réfutation, mais en un simple décompte des citations. La maîtrise des incertitudes par le calcul se traduit à la fois par une réduction des activités humaines à une quantité chiffrée (à l’image du prix) et par la réinterprétation de l’incertitude en termes de risques et de probabilités (comme dans la théorie des jeux). Ce mouvement de fond va se traduire sur le plan du jugement judiciaire par l’apparition d’une nouvelle forme de vérité qui se distingue de l’enquête classique comme de l’examen : le dossier paramétré.
Scoring et dossier paramétré
20Pour Foucault, l’enquête est, à son origine, à la fois administrative et religieuse. Il établit une corrélation entre la constitution d’un État et la progression de l’enquête criminelle grâce à une association entre le pouvoir et le savoir. Une nouvelle figure, l’examen, apparue au XIXe siècle inaugure une recomposition entre le pouvoir et un savoir médico-social. Les générations de magistrats qui l’utilisèrent, notamment de juges des enfants, étaient moins intéressés par l’établissement précis des faits par une enquête minutieuse que par la signification qu’il fallait accorder au délit : s’agissait-il d’un malaise familial ? D’une inadaptation sociale ? Pour répondre à ces questions, les juges avaient besoin d’un examen.
21Ces dernières années, sont apparus de nouveaux instruments qui empruntent et combinent certains éléments de l’enquête classique sur des faits avec d’autres issus de l’examen de la personnalité : il s’agit du DAVC [15] ou de la MJIE [16] en France et, plus audacieux, du logiciel COMPAS [17] aux États-Unis. Ce dernier logiciel, obligatoire dans certains États américains, calcule la probabilité de récidive de toute personne déférée à un juge et exige de ce dernier qu’il en tienne compte dans son jugement.
22Le dossier paramétré doit à la fois réunir des éléments sur une situation et alimenter un savoir statistique sur un phénomène social. Plus qu’une enquête et qu’un examen, c’est une nouvelle forme de vérité qui cherche à saisir le particulier à partir d’un paramétrage de la situation grâce à un certain nombre d’indicateurs. Ce mixte d’enquête et de questionnaire construit un instrument de pouvoir particulièrement complexe, parce qu’il est à la fois un recueil d’informations spécifiques sur des situations particulières et, en même temps, un savoir généralisable. Un tel calibrage des informations permet de réaliser simultanément plusieurs objectifs très disparates qui vont du contrôle des professionnels à la maîtrise budgétaire en passant par le renouvellement des catégories des sciences sociales.
23Un premier déplacement consiste à remplacer les arguments par des chiffres et donc à mesurer le réel. La quantification est en effet une manière de produire de l’information, c’est-à-dire de passer de l’incertain au certain, de l’invisible au visible. Il est demandé de traduire le réel en valeurs numériques et non plus par une description par des mots liés par un récit. À la différence des enquêteurs ou des examinateurs, les paramétreurs doivent se livrer à une nouvelle opération qui consiste à faire entrer des observations dans des cases ou des colonnes. Ce faisant, ils renoncent à exercer une certaine faculté de jugement et à mobiliser leur expérience pour faire preuve d’une certaine sagesse pratique. Le travail d’évaluation ressemble à un jugement objectif, dépouillé de sa composante subjective. Le jugement de valeur se ramène à un jugement de fait. C’est la reformulation du vieux rêve positiviste d’un système qui, échappant au langage, permettrait de dépolitiser les relations sociales.
24Le centre de gravité intellectuel migre de ceux qui exploitent ces dossiers, c’est-à-dire entre autres les juges, vers ceux qui ont conçu la forme impérative du questionnaire, les ingénieurs du scoring. Ceux-là ne sont pas juristes mais le plus souvent statisticiens ou spécialistes du new public management. Les décisions les plus professionnelles, comme les jugements, sont prises par des non-professionnels, ce qui contribue à la banalisation voire à la dépréciation du jugement.
25Les conclusions des dossiers paramétrés doivent être réparties en deux colonnes – « avantages/inconvénients », « atouts/freins » – ce qui est révélateur du type de décision attendue : un choix rationnel entre des gains espérés et des risques mesurés. Les arguments ne valent plus pour eux-mêmes mais par leur nombre. La dimension proprement humaine, issue de la rencontre, est refoulée voire déconsidérée par cette nouvelle forme symbolique. L’organisation de l’avenir ne repose plus sur un engagement, ni sur un pari sur l’homme et sur sa capacité d’évoluer en sollicitant la promesse comme faculté proprement humaine.
26S’agit-il d’ailleurs encore d’un jugement ? C’est plutôt un calcul de risques, la balance des avantages et des inconvénients. On retrouve ce paradigme central du choix rationnel. Le juge ne va plus avoir véritablement un rapport d’enquête sociale qui va lui présenter un récit qu’il va tenter de comprendre pour y insérer la dimension de la loi, il va disposer de données et d’informations pour asseoir son jugement… et pour offrir en même temps les moyens de le contrôler. Il suffira de refaire le calcul, ce qui est à la portée de chacun. Il deviendra plus facile à tous – à l’instance supérieure d’appel comme à l’opinion publique éventuellement – de contrôler le bien fondé rationnel d’un tel choix.
27Cette nouvelle forme symbolique du jugement a pour conséquence de rendre le jugement judiciaire transparent à une revue qui n’est plus un appel : la critique ne s’opère plus sur la base du raisonnement effectué par le jugement, par le choix raisonné et motivé d’un argument mais par le mauvais calcul fait par le juge. « Avec les éléments dont vous disposiez vous deviez laisser cet homme en prison ; les arguments ‘pour’ l’emportaient nettement sur les arguments ‘contre’ ». Ce jugement sécuritaire ramène toutes les actions humaines à ce qu’elles peuvent produire, c’est-à-dire à leurs effets statistiquement prévisibles. On attend du jugement un effet – la sécurité – et non l’entretien d’une idéalité. Si un détenu, mis en liberté par respect de la présomption d’innocence, commet un nouveau crime, la responsabilité en incombera au juge. Alors que la fonction de juger doit établir les faits dans des situations d’incertitude, trancher des questions indécidables, mettre en rapport des objets incommensurables, une telle standardisation de la décision judiciaire tend à étouffer la part proprement judicatoire du jugement.
Le jugement comme risk assessment
28Le dossier paramétré transforme le juge en « risk manager ». Il est moins expert en droit qu’expert en dangerosité, ce qui veut dire, dans l’optique néolibérale, spécialiste de la probabilité. Une telle orientation au risque inverse le rapport du jugement au temps : alors qu’auparavant le présent du jugement avait en charge d’articuler un acte passé à l’avenir par la programmation du temps établi par la durée de la peine, dans ce nouveau modèle sécuritaire, il est demandé au jugement non pas de programmer l’avenir mais de le conjurer, en condamnant par exemple avant que le crime principal (on songe à l’attentat) ait eu lieu.
29L’impératif de sécurité est tel qu’il supporte de moins en moins une suspension de l’action par ce moment de réflexivité qu’est le jugement judiciaire. La séparation entre les moments de détection du risque, d’identification de l’agent menaçant et de la réaction de neutralisation s’évanouit au profit d’un enchaînement voire d’automatismes qui ringardisent le moment du jugement. Chaque juge qui se borne à calculer les scores de récidive se voit embarqué dans une immense machine à surveiller, à enfermer et à exclure sur laquelle il n’a plus de prise. Comme pour le jugement numérique, l’automaticité réinstalle l’idée de destin au détriment de l’histoire qui est le fruit d’une action politique.
Jugement humain et jugement scientifique
30Est-il possible d’aligner un jugement humain sur un calcul ? Le premier a pour matière une situation humaine tandis que le calcul est purement abstrait et formel. Dans un cas, la matière du jugement est une réalité contestée, dans l’autre une suite de chiffres. Léon Brunschvicg voit dans cette disparité un obstacle majeur à l’assimilation d’un jugement judiciaire à un jugement scientifique. « Alors même que la réalité qu’il s’agit d’étudier ne peut pas être divisée en éléments, je ne dis pas homogènes, mais seulement distincts, alors qu’elle ne peut être conçue que comme totalité, et c’est le cas pour les êtres vivants, il semble cependant qu’il soit encore possible de prévenir et d’escompter l’avenir ; les déviations contingentes s’éliminent au profit des causes régulières, et les statistiques fournissent la base d’un calcul qui réussit. Mais c’est là un calcul aveugle qui ne laisse rien deviner de la relation qu’il constate, qui n’éclaire nullement l’esprit. Dès lors ce que le savant connaît ne peut plus se mesurer à ce qu’il ignore ; la nature du lien qui rattache le possible au réel échappe définitivement à l’esprit. Ainsi il y a une limite où la science méthodiquement établie abandonne le médecin, et le laisse en présence de perceptions complexes et confuses dont l’interprétation est comme une divinisation ; il ne s’agira plus pour lui de déduire des vérités, c’est-à-dire des conséquences intelligibles, mais de collaborer à cette activité pour lui mystérieuse qui s’appelle la vie [18] ».
III. Un jugement algorithmique
31La troisième forme de vérité, qui concurrence le procès et le jugement ritualo-procédural, est le numérique. C’est la forme la plus récente qui nous oblige donc à employer le conditionnel plutôt que le présent. Le numérique suscite les espoirs les plus fous, et surtout les plus improbables, au sens propre du terme de ne pouvoir être prouvés. Pour en donner un aperçu, rapportons cette prophétie d’un net evangelist (sic) qui annonce la disparition à terme du jugement judiciaire. « En quoi consiste le travail du juge, se demande un patron de start-up ? À synthétiser des milliers de pages de procédure, à lire des rapports d’experts, à consulter des textes de loi et de jurisprudence liée, pour enfin rendre une décision. Un travail de titan qu’aucun cerveau normal ne peut effectuer parfaitement, a fortiori s’il est placé dans un contexte de surcharge chronique. Les décisions judiciaires sont ainsi rendues dans un contexte de rationalité limitée. Ce travail deviendra graduellement à la portée d’une intelligence artificielle, infatigable et capable d’éviter tous les biais cognitifs induits par notre cerveau […] Si une machine est capable demain de “digérer” en quelques secondes l’ensemble des cas similaires et des jugements passés, en adaptant extrêmement finement sa décision au cas précis, ne pourrait-on économiser de lourdes procédures, supprimer des années de délai ? […] En réalité, une intelligence artificielle rendrait une meilleure justice qu’une personne influencée par sa propre idéologie et le contexte du jugement […] En science, le critère roi est la reproductibilité d’une expérience ; le critère de la justice ne devrait-il pas précisément être celui de la reproductibilité d’un jugement ? Ce dernier ne devrait dépendre ni de la personne qui juge, ni des circonstances [19] ».
32Quel meilleur aperçu donner des ambitions démesurées de la « justice prédictive » et de ses limites flagrantes ? Le numérique doit ainsi être conçu comme une véritable forme de vérité au même titre que le marché, le rituel juridique ou le calcul de risques. La légalité numérique se pose comme une forme symbolique (avec la part de mythe qu’elle nécessite) qui prétend mieux juger que les hommes, à moindre coût et plus rapidement. Le traitement algorithmique des données de masse (big data) permet d’établir toutes les corrélations entre les spécificités d’une affaire et les décisions déjà rendues par des juges. Le jugement judiciaire est absorbé par le codage numérique dans un ensemble plus grand qui fonctionne selon ses lois propres qui sont d’une nature différente de celles du droit.
33Cette nouvelle sorte de jugement prend une autonomie quasi complète par rapport aux jugements judiciaires dont pourtant elle se nourrit. Le produit du traitement numérique des données judiciaires devient normatif sans être juridique. Ce jugement prédictif est le fruit d’un calcul effectué à partir des décisions déjà rendues. L’intervention active de l’ingénieur dans le jugement s’efface devant des juges virtuels mais plus autoritaires que les juges en chair et en os. Dans un cas le sujet jugeant, la « conscience jugeante » dirait Hegel, intervient, dans l’autre non. N’importe quel mathématicien ou ingénieur aboutira nécessairement au même résultat. Du moins en théorie car en pratique on sait que les algorithmes procèdent de postulats et de choix de langage qui ne sont pas neutres.
34Ce rêve d’un jugement entièrement automatisé, déshumanisé, décontextualisé oublie qu’un jugement est nécessairement le fruit du temps. Veritas filia temporis. « L’esprit le plus pénétrant, écrit le Chancelier d’Aguesseau, a souvent besoin du secours du temps pour, par ses secondes pensées, s’assurer de la justice des premières [20] ». Léon Brunschvicg ne dit pas autre chose : « l’esprit, écrit-il, ne saisit pas tout d’un coup la vérité intégrale. La voie de la vérité est pour lui une voie lente, obscure et en apparence détournée, qui le contraint de faire violence à ses tendances spontanées vers le clair et le simple. Il faut que l’esprit combatte contre lui-même pour s’empêcher de se reposer dans une conclusion prématurée ; sans ce combat intime, il n’y a point de vérité [21] ». Le mal du jugement prend l’aspect d’une « synthèse prématurée » pour reprendre l’expression de Paul Ricœur [22].
35 À supposer qu’une chose pareille soit possible, ce dont il y a toutes les raisons de douter, encore faudrait-il qu’une telle justice soit reconnue par les citoyens comme juste. Que serait en effet une justice qui ne s’adresserait pas au sentiment de justice, à ce qu’il y a de plus humain dans les hommes ? On est surpris de constater que, dans certains cas, cette forme de décision est prisée par les justiciables, comme en cas de fixation de la pension alimentaire pour un divorce. Peut-être parce que cette nouvelle forme de vérité les dispense du face à face avec le juge et avec leurs ex-conjoints. Si, comme l’avance Gilbert Simondon, la technique accomplit toujours un désir secret d’une société, ce constat montre que le numérique permet à chacun d’éviter le contact avec autrui et avec les institutions (d’où le succès actuel des réseaux sociaux ou des sites de rencontres). Dans un siècle accéléré, individualiste et utilitariste, seules comptent désormais la part langagière, le résultat, mieux le chiffre (comme le montant d’une pension) sans trop se soucier des conditions de leur élaboration. Le numérique dispense du stress que provoque la participation au procès qui suppose le face à face ; à moins que ce constat n’indique une réalité plus désespérante, l’effritement de la confiance spontanée nécessaire à l’efficacité symbolique du procès. Et concomitamment l’apparition du nouveau mythe de délégation à la machine [23].
IV. Les impasses de ces nouvelles formes de jugements
36 Une fois présentées ces nouvelles formes de vérités prétendument plus performantes que le procès judiciaire, examinons quelques-unes de leurs faiblesses congénitales.
Un nouveau rapport au temps
37Qu’il s’agisse du business global, du terrorisme ou de la vie quotidienne, on constate que le temps est un enjeu essentiel voire le principal déterminant de la critique du jugement. Nos contemporains n’ont plus le temps de faire du droit, soulever des moyens de défense est perçu au plus haut niveau comme des « arguties juridiques » c’est-à-dire d’emblée comme une attitude dilatoire. On réclame ses droits tout de suite, ce que promettent les plateformes numériques et l’on ne veut plus perdre du temps et de l’argent pour enrichir ces rentiers de la procédure que sont les avocats. La justice, en allant dans tous les détails, ce qu’elle doit faire, en exigeant le respect des droits de chacun et en traitant toutes les parties, y compris les plus défavorisées, de manière simplement normale, n’arrive pas à juger ses affaires à temps. La procédure traditionnelle n’est plus adaptée aux affaires globales, en raison de leur dimension, en raison aussi de leur complexité et des connexions internationales qui les mettent hors de portée du droit national. La forme du procès n’est plus adaptée, la justice traditionnelle n’est pas à l’échelle.
Système et corruption
38La première opération du calcul consiste à déréaliser le réel. Le monde réel n’existe plus tant il a été converti en signes, recodé par la finance ou par internet : tout système déréalise. Mais la forme qui fait la force du système en fait également la faiblesse. Le second défaut est le risque de corruption propre à tout système : ce n’est pas un hasard si la hantise du droit global, c’est la manipulation de cours, le favoritisme, la prise illégale d’intérêts, etc. L’exaspération du formel engendre la corruption. La corruption est la faille du marché comme la manipulation celle du numérique.
39Si le jugement pénal est censé punir les transgressions, dans ces nouveaux modèles systémiques, l’objectif est plutôt de remettre d’aplomb un système qui a été faussé. Si un ordre juridique est transgressé, un système est faussé. Alors que la transgression est une attestation/contestation de l’ordre, la falsification est une neutralisation/dénaturation du système. Si la subversion procède d’une extériorité à l’ordre qui se veut radicale (d’où la proximité du délinquant, du rebelle et du révolutionnaire), la perversion opère une dégradation imperceptible par ceux-là mêmes qui ont en charge le bon fonctionnement du système et qui aboutit à rendre le système contre-productif, c’est-à-dire à ce qu’il produise des effets inverses à ceux que l’on attendait de lui. D’où la difficulté d’assimiler la criminalité en col blanc, et notamment les corrompus, à des délinquants, car non seulement ils sont à l’intérieur du système mais aussi souvent à son sommet. C’est pour cela que la corruption est si centrale aujourd’hui et son impunité si dévastatrice ; non seulement moralement mais pour la survie même du marché.
Des contradictions mortelles
40Il n’y a plus d’extériorité ou, plus exactement, l’extériorité n’est plus la loi commune et transcendante ou le « lieu vide de la loi ». C’est plutôt le marché qui est devenu le nouveau discours de vérité. Mais c’est un discours muet si l’on peut risquer cet oxymore. Toutes ces nouvelles formes de vérité ont également en commun un manque de réflexivité. Il ne faut d’ailleurs pas entendre ce terme de réflexivité dans un sens strictement délibératif. Il faut englober sous ce terme un bilan de ce que produisent ces jugements, notamment en matière de sécurité. Le calcul de risque et le profilage destinent un grand nombre de personnes à la prison mais sans jamais s’interroger sur le caractère criminogène de la prison. Cette contradiction est portée à son paroxysme en matière de terrorisme où la prison est devenue le principal foyer de radicalisation.
L’aliénation aux machines
41Le jugement judiciaire, on le voit, se dématérialise, se « dé-cérémonialise » et se déshumanise. On ne sait plus au juste qui a pris la décision ni quand, ni sur quelles bases. Les juges corrompus, ignorants, manipulés ou inefficaces n’ont pas manqué dans l’histoire mais, à la différence d’aujourd’hui, ils finissaient pas se faire remarquer quand ils n’alimentaient pas les farces et autres parodies de procès. La pénétration des machines dans le jugement est plus profonde, plus subreptice et surtout moins visible, et donc sa critique plus difficile. C’est la raison pour laquelle revient le spectre de l’aliénation aux machines.
La persistance du procès judiciaire
42Aucune de ces formes de vérité ne s’avère, on le voit, à la hauteur de la tâche de justice. Cette vieille forme de vérité, en apparence non-modernisable mais en réalité en perpétuelle transformation, a la vie dure. C’est vers elle que l’on se retourne quand tout s’effondre. N’est-ce pas l’expérience qu’a faite le sanglant XXe siècle ? La monstruosité du crime contre l’humanité, dit Hannah Arendt, vient de ce que, « contrairement à toute faute criminelle, [il] dépasse et casse tous les ordres juridiques [24] ». Mais, ajoute-elle, « il est dans la nature de ces cas que les seuls instruments dont nous disposions soient ceux de la loi pour juger et condamner ce que ni les concepts juridiques ni les catégories politiques ne permettent même de représenter de manière adéquate [25] ».
43Sans aller jusqu’à cet extrême, plutôt que de les opposer, ne faudrait-il pas plutôt chercher à combiner ces différentes formes symboliques de jugement ? Leur multiplication n’est pas préoccupante tant qu’il sera possible d’en appeler devant des juges, des vrais.
Mots-clés éditeurs : Calcul, Numérique, Formes de vérité, Corruption, Marché, Système, Jugement
Mise en ligne 06/05/2019
https://doi.org/10.3917/aphi.822.0275Notes
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[1]
Comme le montre la longue tradition française de la critique du jugement, qui s’illustre notamment chez François Rabelais, Blaise Pascal, Jean Racine ou encore Victor Hugo.
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[2]
Gilles DELEUZE, Critique et clinique, chapitre xv, « Pour en finir avec le jugement », Paris, Minuit, 1993.
-
[3]
Paul AUDI, Qui témoignera pour nous ? Albert Camus face à lui-même, Paris, Verdier, 2013.
-
[4]
Michel FOUCAULT, Mal faire, dire vrai. Fonction de l’aveu en justice. Cours de Louvain 1981. Édition établie par Fabienne Brion et Bernard E. Harcourt, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2012.
-
[5]
Ibidem.
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[6]
Jean-Pierre DUPUY, Aux origines des sciences cognitives, Paris, La Découverte, 1994, p. 172.
-
[7]
CRPC : procédure de jugement simplifiée, réservée, pour certains délits, aux auteurs qui reconnaissent l’infraction qui leur est reprochée, le ministère public proposant une peine qui devra être acceptée par le délinquant et homologuée par un juge.
-
[8]
Antoine GARAPON, Pierre SERVAN-SCHREIBER, Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée, Paris, PUF, 2013.
-
[9]
Stéphane LAUER, « Standard & Poor’s paie la facture des subprimes », Le Monde, 5 février 2015.
-
[10]
« Lessons from Ferguson », The Economist, 12 mars 2015.
-
[11]
C’est le débat que nous avons connu en France à propos des « ordonnances Macron ».
-
[12]
Principe de courtoisie internationale.
-
[13]
Corentin de SALLE, « Fin de l’histoire et légitimité du Droit dans l’œuvre de F.A. von Hayek », Archives de philosophie du droit, Paris, Dalloz, 2003, 47, p. 149-187.
-
[14]
Michaël FOESSEL, État de vigilance. Critique de la banalité sécuritaire, Paris, Le bord de l’eau, 2010, chapitre Un : « l’État libéral-autoritaire ».
-
[15]
Diagnostic à visée criminologique, à destination des parquets et des juges d’application des peines, qui n’est plus utilisé aujourd’hui.
-
[16]
Mesure judiciaire d’investigation éducative, confiée à un service éducatif et destinée à aider le juge des enfants dans sa prise de décision.
-
[17]
Logiciel prédictif sur les risques de récidive, utilisé aux États-Unis afin d’aiguiller les juges dans leur prise de décision.
-
[18]
Léon BRUNSCHVICG, La modalité du jugement, Paris, Félix Alcan, 1897, p. 169-170.
-
[19]
Laurent ALEXANDRE et Olivier BABEAU, « Confions la justice à l’intelligence artificielle ! », Les Échos, 21 septembre 2016.
-
[20]
Henri François d’AGUESSEAU, Extrait de la seizième Mercuriale, L’emploi du temps, (1714).
-
[21]
Léon BRUNSCHVICG, La modalité du jugement, op. cit., p. 174.
-
[22]
Paul RICŒUR, Le conflit des interprétations. Essais d’herméneutique, Paris, Seuil, 1969, p. 339.
-
[23]
Antoine GARAPON et Jean LASSÈGUE, Justice digitale. Révolution graphique et rupture anthropologique, Paris, PUF, 2018.
-
[24]
Hannah ARENDT/Karl JASPERS, Correspondance (1926-1969). Trad. de l’allemand par É. Kaufholz-Messmer (« lettre à Karl Jaspers, 18/8/1946 »), Paris, Payot, p. 100.
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[25]
Ibidem.