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Article de revue

John Stuart Mill et le paternalisme libéral

Pages 279 à 290

Notes

  • [1]
    De la liberté, tr. F. Pataut, Paris, Presses Pocket, 1990, p. 39.
  • [2]
    Cf. R. Ogien, L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, 2007.
  • [3]
    De la liberté, op. cit., p. 39.
  • [4]
    Selon Mill, la société n’a pas à intervenir sur « cet aspect de la vie et de la conduite d’une personne qui n’affecte qu’elle-même ou qui, si elle en affecte également d’autres, ne le fait qu’avec leur participation et leur consentement volontaire, et en toute connaissance de cause » (Ibid., p. 43).
  • [5]
    Ibid., p. 147-149.
  • [6]
    Ibid., p. 41, p. 134, p. 161.
  • [7]
    Ibid., p. 161.
  • [8]
    Ibid., p. 134.
  • [9]
    John Gray, Mill on Liberty : A Defense. Second edition, London and New York, Routledge, 1996.
  • [10]
    John C. Rees, John Stuart Mill’s On liberty, Oxford, Clarendon Press, 1985.
  • [11]
    L’utilitarisme, tr. C. Audard, Paris, PUF, 1998, p.134.
  • [12]
    Cf. H.L.A. Hart, « Natural Rights : Bentham and John Stuart Mill », in Essays on Bentham, Oxford, Oxford University Press, 1982, p. 79-104 ; David Lyons, Rights, Welfare and Mill’s Moral Theory, New York, Oxford University Press, 1994.
  • [13]
    De la liberté, op. cit., p. 42.
  • [14]
    Ibid., p. 134.
  • [15]
    L’utilitarisme, op. cit., p. 116.
  • [16]
    De la liberté, op. cit., p. 141-142.
  • [17]
    Ibid., p. 143
  • [18]
    Ibid., p. 166.
  • [19]
    Selon Mill, « l’individu est souverain sur lui-même, son propre corps et son propre esprit » (Ibid., p. 40). On peut rapprocher cette conception de la souveraineté personnelle de celle sur laquelle s’appuie Joel Feinberg pour définir le concept d’autonomie (Harm to Self, Oxford, Oxford University Press, p. 52-62).
  • [20]
    De la liberté, op. cit., p. 41.
  • [21]
    Selon C.L. Ten, Mill est « un libéral cohérent dont la conception est incohérente avec l’utilitarisme hédoniste et avec l’utilitarisme des préférences » (« Mill’s Defense of Liberty », in J. Gray, G.W. Smith (eds.), J.S.Mill : On Liberty in Focus, London, Routledge, 1991, p. 220). Cf. aussi C.L. Ten, Mills On Liberty, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
  • [22]
    C’est précisément ce qui caractérise une conception utilitariste des droits. Cf. R. Brandt, Morality, Utilitarianism and Rights, Cambridge University Press, 1992, p. 179-214.
  • [23]
    De la liberté, op. cit., p. 107.
  • [24]
    Ibid., p. 136.
  • [25]
    Selon Mill, le meilleur moyen de pourvoir au bien d’un individu est « de lui laisser choisir ses propres moyens pour l’atteindre » (Ibid., p. 172). Pour une critique libérale de cet argument : cf. H.L.A. Hart, Law, Liberty and Morality, Stanford, Stanford University Press, 1963, p. 31-34.
  • [26]
    Ibid., p. 136.
  • [27]
    Ibid., p. 108.
  • [28]
    Ibid., p. 110-111.
  • [29]
    Mill le précise, « ce qui importe réellement, c’est non seulement ce que les hommes font, mais également le genre d’hommes qu’ils sont en le faisant » (Ibid., p. 111).
  • [30]
    Ibid., p. 123. Ce principe ne vaut pas pour les individus qui n’ont aucune expérience (les enfants) ou ceux qui sont privés des facultés requises par l’autonomie (ceux qui présentent des déficiences mentales par exemple). C’est pour la même raison que Mill estime que le principe de non-nuisance ne s’applique pas aux peuples « primitifs » (Ibid., p. 40-41).
  • [31]
    Sur cette interprétation de l’utilitarisme indirect, cf. Johnatan Riley, Mill on Liberty, London, Routledge, 1998 ; John Gray, « Mill’s Conception of Happiness and the Theory of Individuality », in J. Gray, G.W. Smith (eds.), J. S. Mill : On Liberty in Focus, London, Routledge, 1991, p. 190-211.
  • [32]
    De la liberté, p. 41.
  • [33]
    Le terme d’autonomie n’apparaît pas dans De la liberté. En revanche, Mill l’utilise dans une lettre de 1871 : « vous savez probablement par mon essai sur la liberté dans quel sens et avec quelles limites j’entends notre principe commun, celui de l’autonomie de l’individu » (Collected Works of John Stuart Mill. The Latter Letters, vol. XVII, London, Routledge, 1996, p. 1831-1832).
  • [34]
    Cf. John Gray, Mill on Liberty : A Defense, op. cit., p. 73-86 ; R.J. Arneson, « Mill versus Paternalism », Ethics, vol. 90, n°4, 1980, p. 470-489 ; Chaïbi RIDHA, Liberté et paternalisme chez John Stuart Mill, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 171-183.
  • [35]
    De la liberté, op. cit., p. 40.
  • [36]
    Ibid., p. 176-177.
  • [37]
    Ibid., p. 164.
  • [38]
    Ibid., p. 40 : « Le despotisme est un mode légitime de gouvernement quand on a affaire aux barbares, pourvu que le but visé soit leur perfectionnement ». Cf. M. Levin, J. S. Mill on Cilivization and Barbarism, Routledge, New York, 2005.
  • [39]
    De la liberté, op. cit., p. 164.
  • [40]
    Cf. Jon Elster, Le laboureur et ses enfants, tr. A. Gerschenfeld, Paris, Minuit, 1986, p. 101-114 ; Gerald Dworkin, « Paternalism », in R. Sartorius ed., Paternalism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1983, p. 30-32.
  • [41]
    Cf. Rosemary Carter, « Justifying Paternalism », Canadian Journal of Philosophy, VII, n°1, 1977, p. 133-145.
  • [42]
    Cf. G. Dworkin, « Paternalism », op. cit., p. 29.
  • [43]
    Joel Feinberg, Harm to Self, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 106-109.
  • [44]
    Cf. Joel Feinberg, Harm to self, op. cit., p. 98-142. Pour qu’une action soit volontaire elle doit, selon l’auteur, remplir les conditions suivantes : (1) l’individu doit être capable de faire des choix ; (2) le choix ne doit pas être fait sous la menace ni sous la contrainte ; (3) il ne doit pas être l’objet d’une manipulation ; (4) il ne doit pas résulter de l’ignorance ni d’une croyance fausse.
  • [45]
    De la liberté, op. cit., p. 172.
  • [46]
    Joel Feinberg, « Legal Paternalism », in R. Sartorius ed., Paternalism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1983, p. 3-18.
  • [47]
    Ridha Chaibi, op. cit., p. 217-219.
  • [48]
    Gerald Dworkin, « Paternalism », op. cit., p. 235.
  • [49]
    Joseph Raz, The Morality of Freedom, Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 422-424.

1Les critiques libérales du paternalisme politique et juridique font souvent appel au principe de non-nuisance (harm principle) formulé par John Stuart Mill au début de son essai De la liberté. Selon ce principe, « la seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d’user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d’empêcher que du mal ne soit fait à autrui [1] ». Avoir recours à la contrainte pour interférer sur la vie de quelqu’un, contre sa volonté, uniquement en vue de son propre bien ou pour l’empêcher de se nuire à lui-même constitue une violation de ce principe et une atteinte à la liberté individuelle. En d’autres termes, chacun est libre de mener la vie qu’il veut tant qu’il ne nuit pas à autrui. Formulé ainsi, le principe de non-nuisance a pu être interprété en faveur d’une éthique minimaliste qui juge totalement illégitime toute interférence de type paternaliste [2]. Les arguments développés par Mill pour justifier ce principe tendent toutefois à montrer que sa théorie de la liberté n’est pas totalement incompatible avec certaines formes de paternalisme. Pour comprendre la position de Mill, il est d’abord nécessaire de préciser les contours du principe de non-nuisance ainsi que son mode de justification. Nous proposons de l’interpréter à la lumière de la théorie de la justice développée dans L’utilitarisme, en partant de l’hypothèse que le principe de non-nuisance peut se déduire du principe d’utilité. Cette interprétation permet de mettre en évidence une conception de l’autonomie qui constitue un des fondements du principe de non-nuisance tout en justifiant certaines interférences paternalistes envers des personnes non autonomes ou dont le comportement nuit à leur propre autonomie. Selon cette hypothèse, la pensée de Mill peut ainsi être considérée comme la source d’un paternalisme libéral perfectionniste qui admet la légitimité de certaines interférences de la puissance publique afin de préserver ou de promouvoir l’autonomie des individus.

1 – Le principe de non-nuisance

2Mill présente le principe de non-nuisance comme « un principe très simple [3] » visant à déterminer les cas dans lesquels une interférence de l’autorité publique s’avère légitime. Mais si on s’en tient à la formulation exposée au début de l’essai, ce principe se révèle particulièrement flou. Dans quelle mesure peut-on affirmer que quelqu’un cause du mal à autrui ? Pour Mill, nuire à quelqu’un ne signifie pas simplement le faire souffrir. Il y a certaines souffrances auxquelles le principe de non-nuisance ne s’applique pas. Il s’agit en premier lieu des souffrances causées à autrui, mais auxquelles il consent volontairement [4] (pensons, par exemple, aux souffrances provoquées par la pratique d’un sport violent). Ne sont pas non plus concernées les souffrances émotionnelles dont certains pourraient se sentir affectés du fait que des personnes adoptent une conduite qui leur apparaît répugnante ou ignoble. Ainsi, remarque Mill, que les musulmans éprouvent une aversion viscérale et du dégoût envers ceux qui mangent du porc ne suffit pas pour justifier l’interdiction de la consommation de porc [5].

3Dans De la liberté, causer du mal à autrui signifie essentiellement nuire à ses intérêts [6]. Néanmoins, cela ne justifie pas pour autant le recours à la contrainte chaque fois qu’un individu s’oppose aux intérêts et aux préférences d’autrui. Ainsi, pour reprendre un exemple que donne Mill, dans une compétition ou un concours, celui qui l’emporte vient en quelque sorte entraver l’intérêt des autres concurrents, en les privant de ce qu’ils désirent, mais cela ne justifie pas une intervention de la puissance publique, sauf dans certains cas déterminés par la loi (fraude, usage de la force…). Dès lors, « il ne faut en aucune façon s’imaginer que, parce qu’il est seul à pouvoir justifier l’intervention de la société dans certains cas, un dommage ou un risque de dommage aux intérêts d’autrui justifie une telle intervention dans tous les cas [7] ». Qu’une action ou un comportement constitue un dommage pour autrui est donc une condition nécessaire, mais non suffisante de l’application du principe de non-nuisance. Quels sont alors les dommages pouvant justifier une interférence ? Pour Mill, il n’est légitime de faire usage de la contrainte que pour protéger les intérêts d’autrui qui, « soit par disposition légale expresse, soit par accord tacite, doivent être considérés comme des droits [8] ». Or, dans une perspective utilitariste, c’est le principe d’utilité qui permet de déterminer quels intérêts doivent être reconnus comme des droits. En ce sens, l’hypothèse, développée notamment par John Gray [9] ou John C. Rees [10], qui consiste à analyser le principe de non-nuisance à partir de la théorie de la justice nous paraît la plus pertinente. Mill considère en effet que « le genre de justice qui est fondée sur l’utilité est la partie la plus importante et certainement la plus sacrée et la plus contraignante de toute moralité [11] ». C’est donc ce modèle de justice qui permet de déterminer les intérêts essentiels auxquels s’applique le principe de non-nuisance. Il est évidemment impossible de détailler ici la théorie des droits de Mill ni les discussions qu’elle a pu susciter au sein de la philosophie du droit [12]. Elle apparaît toutefois comme un élément essentiel du principe de non-nuisance qu’on peut reformuler de la manière suivante : la seule raison légitime de recourir à la contrainte est d’empêcher un individu de porter atteinte aux droits accordés à autrui conformément au principe d’utilité.

4Cette formulation peut paraître incomplète dans la mesure où Mill considère qu’on peut nuire aux intérêts d’autrui aussi bien par ce qu’on fait que par ce qu’on s’abstient de faire [13]. Tel est le cas du mauvais samaritain qui choisit de ne pas porter assistance à une personne en détresse ou victime d’un accident ; même s’il n’est pas lui-même la cause du dommage, on peut considérer qu’il nuit indirectement aux intérêts d’autrui. Mais ce type de cas relève-t-il vraiment du principe de non-nuisance ? Si une interférence est légitime chaque fois que quelqu’un s’abstient de faire ce qui est dans l’intérêt d’autrui, alors on institue un devoir de bienveillance. Ce n’est évidemment pas la position de Mill qui prend soin de faire la distinction entre, d’une part, ne pas accomplir ce qui est nécessaire « pour défendre la société ou ses membres contre les préjudices et les vexations » et, d’autre part, ne pas accomplir ce qui est nécessaire au bien-être d’autrui sans pour autant constituer une violation de ses droits [14]. Cette distinction recoupe celle évoquée dans L’utilitarisme, entre des devoirs d’obligation parfaite, qui sont corrélatifs à des droits, et des devoirs d’obligation imparfaite [15]. Le principe de non-nuisance ne s’applique donc que dans les cas où un individu nuit à autrui en s’abstenant de faire ce qu’il est tenu de faire en vertu d’une obligation parfaite, portant ainsi atteinte aux droits d’autrui. En ce sens, il est légitime de contraindre quelqu’un à témoigner devant un tribunal dans la mesure où, s’il ne le fait pas, il risque de porter atteinte au droit d’autrui (notamment le droit à un procès équitable). En revanche, aucune poursuite ne semble justifiée envers l’égoïste qui s’abstient de venir en aide à des personnes dans le besoin, même si son comportement peut être blâmable. La société peut, par l’éducation et par la réprobation, inciter les individus à promouvoir le bien d’autrui, mais elle ne peut les contraindre à faire preuve de bienveillance.

5On comprend alors mieux la distinction que pose Mill entre les choses qui ne concernent que soi et celles qui concernent autrui. Une objection au principe de non-nuisance – et qu’on retrouve constamment dans les débats autour du paternalisme – repose sur l’idée que même si une action ne cause pas directement un dommage à autrui, elle peut cependant lui nuire indirectement. Cette objection de type holiste implique qu’on ne peut se nuire à soi-même sans nuire indirectement à autrui, justifiant ainsi une extension du principe de non-nuisance. Mill reconnaît que le comportement de l’intempérant qui dilapide sa fortune ou détériore délibérément ses facultés physiques ou mentales a des effets sur autrui, en particulier sur sa famille et sur ceux dont le bonheur dépend de lui [16]. Cependant le recours à la contrainte ne se justifie que lorsque l’individu, par son comportement, s’abstient ou se rend incapable d’accomplir ses devoirs envers autrui et lui cause un préjudice, se rendant ainsi « coupable d’un crime contre la société [17] ». Une action qui affecte indirectement autrui sans pour autant le priver de ses droits ne rentre pas dans le champ du principe de non-nuisance et fait partie des choses qui ne concernent que soi. Il n’y a donc aucune raison d’interférer sur la vie de l’intempérant tant qu’il accomplit ses obligations envers autrui et respecte ses droits. Mill critique ainsi l’institution de mesures légales contre l’ivresse ou l’oisiveté, tout en admettant la possibilité que la puissance publique interfère lorsque, en raison de son ivresse ou de son oisiveté, « un homme manque aux devoirs envers autrui que la loi lui impose [18] ». On le voit, l’enjeu du principe de non-nuisance est donc bien, en dernière instance, de garantir et de protéger les droits d’autrui.

2 – Liberté, utilité et autonomie

6Selon cette interprétation du principe de non-nuisance, un individu jouit d’une souveraineté [19] totale sur sa vie tant qu’il respecte les droits d’autrui. Ceci, précise Mill, ne découle pas de l’idée d’un « droit abstrait », mais bien de l’utilité, « l’arbitre ultime dans toutes les questions éthiques [20] ». Contrairement à ce qu’affirme C.L. Ten, il y a une certaine cohérence entre la doctrine libérale de Mill et son utilitarisme [21]. Mais la difficulté est de comprendre l’articulation entre le principe de non-nuisance et le principe d’utilité. On peut admettre qu’une interférence est légitime pour empêcher de porter atteinte aux droits d’autrui, dans la mesure où l’existence et la protection de ces droits sont une condition de la maximisation de l’utilité [22]. Mais cela n’implique pas pour autant que chacun jouisse d’une liberté absolue dans toutes les choses qui ne concernent que soi. Le principe d’utilité ne pourrait-il pas également justifier d’interférer sur la vie d’un individu, même s’il respecte les droits d’autrui ? Au nom de quoi une politique utilitariste devrait-elle s’abstenir d’instituer certaines dispositions légales pour imposer à chacun une manière de vivre qui soit la plus conforme au plus grand bonheur pour le plus grand nombre ?

7La thèse avancée par Mill est qu’il est plus utile de laisser à chacun la liberté de choisir la manière de mener sa vie tant qu’il respecte les droits d’autrui, plutôt que d’imposer par la contrainte un modèle de vie. De la même manière qu’il est plus utile de tolérer des opinions fausses ou scandaleuses que de les interdire, il est « utile qu’il y ait différentes expériences dans les façons de vivre [23] » même si certaines sont désapprouvées par la majorité. Les arguments en faveur de cette thèse sont étroitement liés à la théorie de l’individualité présentée au chapitre trois de l’essai De la liberté.

8Un premier argument, souvent invoqué par les critiques du paternalisme, est qu’il n’y a aucune raison de penser que le modèle de vie que chacun choisit selon ce qu’il juge être son propre intérêt a une valeur inférieure à celui que la société prescrirait à tous au nom de l’utilité. En effet, l’intervention de la société ne repose que sur « des présomptions générales qui peuvent très bien être totalement erronées et qui, même si elles étaient justes, risquent encore d’être fort mal appliquées aux cas individuels [24] ». On résume parfois cet argument en disant que personne n’est mieux placé que moi pour savoir ce qui est bon pour moi [25]. Mill va plus loin en suggérant qu’à défaut d’une méthode globale permettant de déterminer la conduite de tous les individus afin de maximiser l’utilité, il convient de laisser à chacun la possibilité de choisir son propre plan de vie.

9Le second argument suggère que l’utilité qui résulte de l’interdiction d’actions ou de conduites qui ne concernent que soi est toujours inférieure à l’utilité qu’on obtient en s’en tenant à une application stricte du principe de non-nuisance. Même en supposant que quelqu’un se trompe sur son propre bien, ses erreurs sont un « moindre mal au vu de celui qui résulterait s’il laissait les autres le contraindre à faire ce qu’ils estiment être son bien [26] ». En d’autres termes, il est probable que certains adoptent des conduites qu’il serait souhaitable de voir disparaître en vue de maximiser l’utilité. Cependant, tant que ces conduites n’affectent pas les droits d’autrui, instituer une législation afin de proscrire totalement ce type de comportement peut avoir pour effet une utilité encore moindre. Les moyens les plus appropriés pour éliminer ce type de conduite sont l’éducation ou la réprobation et non la contrainte.

10Un dernier argument consiste à montrer que « le libre développement de l’individualité est l’un des éléments essentiels du bien-être [27] ». En effet, accorder à quelqu’un la possibilité de choisir comment mener sa propre vie c’est lui permettre d’actualiser et de perfectionner toutes les facultés humaines qui s’exercent en faisant des choix, à savoir « l’observation pour voir, le raisonnement et le jugement pour prévoir, l’activité pour recueillir les matériaux en vue d’une décision, le discernement pour décider », et enfin « la maîtrise de soi pour s’en tenir à sa décision délibérée ». Au contraire, « celui qui laisse le monde ou son entourage choisir à sa place le dessein de sa vie n’a besoin d’autre faculté que celle d’imiter à la manière des singes [28] ». Laisser à chacun la liberté de déterminer comment mener sa vie, c’est donc créer les conditions d’un perfectionnement de soi. Ce qui importe, c’est tout autant ce qu’on choisit de faire que ce qu’on devient en choisissant de le faire [29]. Or, l’usage et le développement de toutes ces facultés sont des composants essentiels du bonheur. Ce qui signifie que la valeur d’une conduite ou d’une action qui est choisie librement est toujours supérieure à la valeur qu’elle aurait si elle était imposée par la contrainte. Ainsi, précise Mill, « si une personne possède juste assez de sens commun et d’expérience, sa propre façon de tracer le plan de son existence est la meilleure, non pas parce que c’est la meilleure en soi, mais parce que c’est la sienne propre [30] ». En conséquence, imposer à tous un modèle de vie au nom de l’utilité ne peut conduire à une maximisation de l’utilité.

11Il s’ensuit que la maximisation de l’utilité ne peut être obtenue directement en imposant à chacun sa manière de vivre, mais qu’elle doit résulter de la liberté individuelle dans les limites du principe de non-nuisance [31]. Ce principe est donc bien compatible avec l’utilité, mais à condition, comme le souligne Mill, de considérer « l’utilité au sens le plus large, fondée sur les intérêts permanents de l’homme conçu comme être capable de progrès [32] ». On constate également que la justification de ce principe de non-nuisance repose en grande partie sur une certaine idée de l’autonomie personnelle. Même si Mill n’utilise pratiquement pas le concept d’autonomie [33], De la liberté présente incontestablement une théorie libérale de l’autonomie que plusieurs commentateurs ont su mettre en évidence [34]. Pour Mill, l’autonomie coïncide avec l’usage effectif et conscient d’un ensemble de facultés par lequel un individu choisit la façon de mener sa vie en fonction de ses préférences. Il faut en conclure que le principe de non-nuisance ne vaut que pour des individus autonomes.

3 – Mill et le paternalisme

12On a souvent tendance à présenter le principe de non-nuisance comme un argument décisif contre le paternalisme politique et juridique, si on entend par là le fait d’interférer sur la vie d’un individu, contre sa volonté, et uniquement en vue de son propre bien, au seul motif que par ce qu’il fait ou s’abstient de faire il se nuit à lui-même. L’antipaternalisme n’implique pas une indifférence égoïste envers la vie que mènent les autres. Il ne s’agit évidemment pas de proscrire toutes les manifestations de bienveillance, ni de sous-estimer le rôle que peuvent avoir l’éducation, l’information ou la persuasion pour guider les individus vers leur propre bien, mais bien de condamner l’usage d’un pouvoir coercitif pour imposer à quelqu’un une manière de vivre pour la seule raison qu’elle serait meilleure pour lui. Pour Mill, le paternalisme n’est le plus souvent qu’une façon de légitimer une forme de « police morale » qui constitue un obstacle majeur à l’individualité et à la liberté. Il nous semble toutefois que le principe de non-nuisance, au sens où nous l’interprétons, n’est pas totalement incompatible avec certaines formes de paternalisme.

13Il convient d’abord de rappeler que ce principe ne s’applique qu’à des personnes disposant des facultés requises pour juger ce qui est bon pour elles. C’est pourquoi Mill précise que sa doctrine ne concerne ni les enfants ni « les jeunes gens des deux sexes en dessous de l’âge de majorité fixé par la loi [35] ». Ainsi, contraindre un enfant à aller à l’école (rappelons que Mill est favorable à l’école obligatoire [36]) n’est pas en contradiction avec le principe de non-nuisance dans la mesure où l’individu ne dispose ni des capacités ni de l’expérience suffisantes pour décider par lui-même de la manière de mener sa vie. Ce qui signifie également que le rôle de l’éducation n’est pas d’imposer un modèle de vie, mais de faire accéder l’individu à l’autonomie, comme le montrent les critiques de Mill contre les abus de l’autorité paternelle à la fin du chapitre cinq. C’est pour les mêmes raisons que des interférences de type paternaliste se justifient envers des personnes qui, soit en raison de certaines déficiences, soit en raison de leur état momentané, sont incapables de faire usage des capacités nécessaires à une conduite autonome. C’est ce que suggère notamment un exemple que donne Mill et qui est fréquemment évoqué dans les discussions autour du paternalisme. Si une personne s’apprête à franchir un pont dangereux qui menace de s’écrouler, il est légitime de l’en empêcher s’il s’avère qu’elle est « dans un état de délire, d’excitation ou de distraction l’empêchant de réfléchir [37] ». Le principe de non-nuisance ne s’applique pas non plus aux peuples appartenant « aux âges arriérés de la société [38] » et qui n’ont pas encore accédé à l’autonomie. En bref, le principe de non-nuisance interdit d’interférer sur l’autonomie des individus tant qu’ils respectent les droits d’autrui, mais ne s’oppose pas aux interférences destinées à développer ou à préserver l’autonomie d’un individu.

14L’exemple du pont évoqué plus haut apporte une autre nuance au principe de non-nuisance. Mill considère que si une personne s’apprête à franchir un pont dangereux, il est légitime de l’en empêcher dès lors qu’on estime que cette personne n’est pas avertie ni informée du danger. Une telle interférence n’entrave pas la liberté individuelle puisque « la liberté consiste à faire ce que l’on souhaite, et une telle personne ne souhaite certainement pas tomber dans un fleuve [39] ». Dès lors, intervenir pour empêcher quelqu’un de faire quelque chose qu’il ne désirerait pas s’il était pleinement informé ne relève pas du paternalisme. Un tel argument repose sur l’idée que ce type d’interférence ne s’oppose pas à la volonté de l’individu dans la mesure où il consent indirectement à l’interférence qu’on lui impose, soit qu’il y ait consenti avant (c’est le célèbre exemple d’Ulysse et des sirènes [40]), soit qu’il y consente de manière rétroactive [41]. Dans l’exemple cité, on peut supposer que la personne, ne souhaitant pas risquer sa vie en traversant le pont, consentira rétroactivement à ce qui a été entrepris pour la stopper.

15Mais qu’est-ce qui permet d’inférer la volonté d’une personne en l’absence de toute déclaration expresse ? Selon G. Dworkin, il y a des biens premiers que toute personne rationnelle est supposée vouloir afin de poursuivre son propre bien [42]. Ce qui permet de justifier certaines interférences visant à empêcher qu’une personne se nuise à elle-même par des choix contraires à la raison. Il serait ainsi légitime de contraindre les motocyclistes à porter un casque dans la mesure où tout individu désire rester en vie et éviter des traumatismes graves et où le port du casque est le moyen le plus approprié pour lui permettre de parvenir à cette fin. Cette interprétation, Joel Feinberg l’a bien noté, fait appel à une conception de la rationalité qui peut conduire à une extension abusive du paternalisme [43]. Joel Feinberg montre ainsi que le fait que quelqu’un se comporte de façon « déraisonnable » ne constitue pas une raison suffisante pour recourir à la contrainte à partir du moment où l’individu agit de manière volontaire. L’exemple du pont semble indiquer que Mill adopte une position de ce type puisqu’il estime qu’à partir du moment où la personne est avertie du danger, c’est à elle seule de juger ce qu’il convient de faire. Autrement dit, si une personne choisit volontairement, en toute connaissance de cause et pour des motifs qui lui sont propres (gagner un pari, un besoin impérieux de franchir le fleuve…), de prendre le risque de franchir le pont, rien ne justifie qu’on interfère même si sa décision apparaît comme déraisonnable.

16Dans cet exemple, Mill semble donc défendre une forme de paternalisme « doux » qui se rapproche du modèle paternaliste développé par Joel Feinberg. Il est légitime d’interférer uniquement pour empêcher qu’une personne se cause un dommage à elle-même en agissant de manière non volontaire, soit parce qu’elle n’est pas totalement informée, soit parce qu’elle n’est pas en état de délibérer. Il s’agit de protéger l’individu contre des choix non volontaires et non pas contre des choix déraisonnables. Mill pointe par là certaines dérives des politiques de prévention de type paternaliste qui privent les individus de la liberté de s’exposer volontairement à certains risques qui n’affectent qu’eux-mêmes. Il appartient à l’État d’imposer une règlementation afin que les personnes soient parfaitement informées des dangers qu’elles encourent (c’est ce qu’il propose, par exemple, à propos du commerce des toxiques), de façon à ce qu’elles prennent leurs décisions en connaissance de cause, mais interdire des actions qui n’affectent absolument pas les droits d’autrui est une atteinte intolérable à la liberté individuelle.

17On peut ainsi voir dans le texte de Mill l’esquisse d’un paternalisme libéral visant à protéger les individus contre le mal qu’ils peuvent se faire à eux-mêmes involontairement. Tout l’enjeu de ce paternalisme libéral est donc de déterminer les critères qui permettent de juger une action volontaire ou non volontaire. Joel Feinberg suggère une hypothèse originale en tentant de dresser la liste de ces critères tout en montrant que leur application varie selon la nature des risques auxquels une personne s’expose : plus les risques sont grands, plus les dommages sont graves et irréversibles, plus l’application de ces critères doit être exigeante [44].

18Cependant, la position de Mill va bien au-delà de ce paternalisme « doux ». Dans un passage abondamment commenté, Mill considère en effet qu’un contrat par lequel une personne consent volontairement à devenir l’esclave d’une autre ne peut être que nul et sans valeur. Même si un tel contrat ne nuit pas à autrui, il serait donc permis de limiter la liberté de l’individu au motif que « le principe de liberté ne peut exiger qu’il soit libre de ne pas être libre [45] ». Une personne serait donc libre de faire tout ce qu’elle veut tant qu’elle respecte les droits d’autrui, tant qu’elle agit volontairement et tant qu’elle ne renonce pas à sa liberté. Ce passage complexe qui mériterait à lui seul une analyse approfondie a donné lieu à des interprétations divergentes. Joel Feinberg y voit un glissement vers un paternalisme « fort » dans la mesure où Mill semble traiter la liberté comme une sorte de bien premier qui justifierait à lui seul une interférence de la puissance publique [46]. Il serait légitime de recourir à la contrainte pour empêcher les individus de renoncer volontairement à leur liberté ou, par extension, d’accomplir des actions ou d’adopter des conduites qui sont susceptibles de les priver de leur liberté. À l’opposé, selon Ridha Chaïbi, ce passage ne remet pas en cause la doctrine de la liberté de Mill dans la mesure où il n’est pas question, à proprement parler, d’une intervention visant à empêcher un individu de passer ce type de contrat, mais plutôt de montrer qu’on ne peut exiger que la société le tienne pour valide et le fasse respecter. L’invalidité de cette forme de contrat découlerait du principe d’utilité, mais ne serait pas fondée sur un argument paternaliste [47]. Gerald Dworkin suggère, quant à lui, une interprétation qui paraît particulièrement éclairante : invalider le contrat d’esclavage est une façon de préserver l’autonomie du sujet [48]. Selon l’argumentation de Mill, si un individu consent volontairement à se rendre esclave de quelqu’un d’autre, il choisit une forme de vie qui l’empêche à l’avenir de choisir par lui-même son propre plan de vie. Interdire ou invalider les contrats d’esclavage serait donc une manière de préserver l’autonomie des individus. Or, on l’a montré, cette protection de l’autonomie découle du principe d’utilité. Par conséquent, une interférence serait légitime dès lors qu’elle vise à protéger l’autonomie d’un individu. En bref, tout individu doit être libre de mener son propre plan de vie tant qu’il ne porte pas atteinte aux droits d’autrui et tant qu’il ne nuit pas à sa propre autonomie.

19Le principe de non-nuisance, tel que nous l’avons interprété, n’implique donc pas nécessairement le rejet de toute forme de paternalisme. Certes, De la liberté contient une condamnation radicale des politiques publiques ou des législations qui viennent interférer sur la vie des individus uniquement en vue de leur propre bien, alors même que leurs actions et leurs conduites n’affectent en aucun cas les droits d’autrui. Pour Mill, ce paternalisme moraliste constitue incontestablement une restriction non justifiée de la liberté individuelle. Mais ce principe de non-nuisance ne vaut que pour des sujets autonomes et se justifie en grande partie à partir d’une théorie de l’autonomie. En d’autres termes, un individu autonome doit avoir la liberté de mener le plan de vie qu’il juge préférable tant qu’il respecte les droits d’autrui. En revanche, Mill semble justifier certaines interférences envers des individus qui sont privés des capacités nécessaires à l’autonomie ou qui adoptent des comportements susceptibles de les priver de leur autonomie, ce qui autoriserait également des mesures paternalistes destinées à préserver ou promouvoir l’autonomie. L’œuvre de Mill peut ainsi être lue comme une des sources du paternalisme libéral et, plus précisément, d’un paternalisme qui s’inscrit dans un libéralisme perfectionniste, tel que le définit par exemple Joseph Raz. Dans The Morality of Freedom, ce dernier montre ainsi comment certaines formes de paternalisme peuvent trouver leur place au sein d’une société libérale et pluraliste dans la mesure où elles peuvent contribuer à promouvoir l’autonomie individuelle [49].


Mots-clés éditeurs : autonomie, paternalisme, Mill, liberté

Mise en ligne 18/05/2012

https://doi.org/10.3917/aphi.752.0279

Notes

  • [1]
    De la liberté, tr. F. Pataut, Paris, Presses Pocket, 1990, p. 39.
  • [2]
    Cf. R. Ogien, L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, 2007.
  • [3]
    De la liberté, op. cit., p. 39.
  • [4]
    Selon Mill, la société n’a pas à intervenir sur « cet aspect de la vie et de la conduite d’une personne qui n’affecte qu’elle-même ou qui, si elle en affecte également d’autres, ne le fait qu’avec leur participation et leur consentement volontaire, et en toute connaissance de cause » (Ibid., p. 43).
  • [5]
    Ibid., p. 147-149.
  • [6]
    Ibid., p. 41, p. 134, p. 161.
  • [7]
    Ibid., p. 161.
  • [8]
    Ibid., p. 134.
  • [9]
    John Gray, Mill on Liberty : A Defense. Second edition, London and New York, Routledge, 1996.
  • [10]
    John C. Rees, John Stuart Mill’s On liberty, Oxford, Clarendon Press, 1985.
  • [11]
    L’utilitarisme, tr. C. Audard, Paris, PUF, 1998, p.134.
  • [12]
    Cf. H.L.A. Hart, « Natural Rights : Bentham and John Stuart Mill », in Essays on Bentham, Oxford, Oxford University Press, 1982, p. 79-104 ; David Lyons, Rights, Welfare and Mill’s Moral Theory, New York, Oxford University Press, 1994.
  • [13]
    De la liberté, op. cit., p. 42.
  • [14]
    Ibid., p. 134.
  • [15]
    L’utilitarisme, op. cit., p. 116.
  • [16]
    De la liberté, op. cit., p. 141-142.
  • [17]
    Ibid., p. 143
  • [18]
    Ibid., p. 166.
  • [19]
    Selon Mill, « l’individu est souverain sur lui-même, son propre corps et son propre esprit » (Ibid., p. 40). On peut rapprocher cette conception de la souveraineté personnelle de celle sur laquelle s’appuie Joel Feinberg pour définir le concept d’autonomie (Harm to Self, Oxford, Oxford University Press, p. 52-62).
  • [20]
    De la liberté, op. cit., p. 41.
  • [21]
    Selon C.L. Ten, Mill est « un libéral cohérent dont la conception est incohérente avec l’utilitarisme hédoniste et avec l’utilitarisme des préférences » (« Mill’s Defense of Liberty », in J. Gray, G.W. Smith (eds.), J.S.Mill : On Liberty in Focus, London, Routledge, 1991, p. 220). Cf. aussi C.L. Ten, Mills On Liberty, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
  • [22]
    C’est précisément ce qui caractérise une conception utilitariste des droits. Cf. R. Brandt, Morality, Utilitarianism and Rights, Cambridge University Press, 1992, p. 179-214.
  • [23]
    De la liberté, op. cit., p. 107.
  • [24]
    Ibid., p. 136.
  • [25]
    Selon Mill, le meilleur moyen de pourvoir au bien d’un individu est « de lui laisser choisir ses propres moyens pour l’atteindre » (Ibid., p. 172). Pour une critique libérale de cet argument : cf. H.L.A. Hart, Law, Liberty and Morality, Stanford, Stanford University Press, 1963, p. 31-34.
  • [26]
    Ibid., p. 136.
  • [27]
    Ibid., p. 108.
  • [28]
    Ibid., p. 110-111.
  • [29]
    Mill le précise, « ce qui importe réellement, c’est non seulement ce que les hommes font, mais également le genre d’hommes qu’ils sont en le faisant » (Ibid., p. 111).
  • [30]
    Ibid., p. 123. Ce principe ne vaut pas pour les individus qui n’ont aucune expérience (les enfants) ou ceux qui sont privés des facultés requises par l’autonomie (ceux qui présentent des déficiences mentales par exemple). C’est pour la même raison que Mill estime que le principe de non-nuisance ne s’applique pas aux peuples « primitifs » (Ibid., p. 40-41).
  • [31]
    Sur cette interprétation de l’utilitarisme indirect, cf. Johnatan Riley, Mill on Liberty, London, Routledge, 1998 ; John Gray, « Mill’s Conception of Happiness and the Theory of Individuality », in J. Gray, G.W. Smith (eds.), J. S. Mill : On Liberty in Focus, London, Routledge, 1991, p. 190-211.
  • [32]
    De la liberté, p. 41.
  • [33]
    Le terme d’autonomie n’apparaît pas dans De la liberté. En revanche, Mill l’utilise dans une lettre de 1871 : « vous savez probablement par mon essai sur la liberté dans quel sens et avec quelles limites j’entends notre principe commun, celui de l’autonomie de l’individu » (Collected Works of John Stuart Mill. The Latter Letters, vol. XVII, London, Routledge, 1996, p. 1831-1832).
  • [34]
    Cf. John Gray, Mill on Liberty : A Defense, op. cit., p. 73-86 ; R.J. Arneson, « Mill versus Paternalism », Ethics, vol. 90, n°4, 1980, p. 470-489 ; Chaïbi RIDHA, Liberté et paternalisme chez John Stuart Mill, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 171-183.
  • [35]
    De la liberté, op. cit., p. 40.
  • [36]
    Ibid., p. 176-177.
  • [37]
    Ibid., p. 164.
  • [38]
    Ibid., p. 40 : « Le despotisme est un mode légitime de gouvernement quand on a affaire aux barbares, pourvu que le but visé soit leur perfectionnement ». Cf. M. Levin, J. S. Mill on Cilivization and Barbarism, Routledge, New York, 2005.
  • [39]
    De la liberté, op. cit., p. 164.
  • [40]
    Cf. Jon Elster, Le laboureur et ses enfants, tr. A. Gerschenfeld, Paris, Minuit, 1986, p. 101-114 ; Gerald Dworkin, « Paternalism », in R. Sartorius ed., Paternalism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1983, p. 30-32.
  • [41]
    Cf. Rosemary Carter, « Justifying Paternalism », Canadian Journal of Philosophy, VII, n°1, 1977, p. 133-145.
  • [42]
    Cf. G. Dworkin, « Paternalism », op. cit., p. 29.
  • [43]
    Joel Feinberg, Harm to Self, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 106-109.
  • [44]
    Cf. Joel Feinberg, Harm to self, op. cit., p. 98-142. Pour qu’une action soit volontaire elle doit, selon l’auteur, remplir les conditions suivantes : (1) l’individu doit être capable de faire des choix ; (2) le choix ne doit pas être fait sous la menace ni sous la contrainte ; (3) il ne doit pas être l’objet d’une manipulation ; (4) il ne doit pas résulter de l’ignorance ni d’une croyance fausse.
  • [45]
    De la liberté, op. cit., p. 172.
  • [46]
    Joel Feinberg, « Legal Paternalism », in R. Sartorius ed., Paternalism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1983, p. 3-18.
  • [47]
    Ridha Chaibi, op. cit., p. 217-219.
  • [48]
    Gerald Dworkin, « Paternalism », op. cit., p. 235.
  • [49]
    Joseph Raz, The Morality of Freedom, Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 422-424.
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