Couverture de APHI_653

Article de revue

Bulletin de Philosophie médiévale VI

Pages 1 à 23

Notes

  • [*]
    Bulletin rédigé dans le cadre des activités du GDR 2522 du CNRS, « Philosophie de la connaissance et philosophie de la nature au Moyen Âge et à la Renaissance » – adresse : CESR, 59 rue Néricault-Destouches, B.P. 1328,37013 Tours cedex 01. Responsable du Bulletin : Joël Biard, professeur à l’université François-Rabelais de Tours (département de philosophie / Centre d’études supérieures de la Renaissance), directeur du GDR 2522. Ont collaboré au présent bulletin : Gad Freudenthal, Alain Galonnier, Christophe Grellard, Max Lejbowicz, Jacob Schmutz, Jean-Luc Solère, Christian Trottmann.
  • [1]
    On trouvera toutefois, à la suite des rubriques consacrées à l’année principalement recensée, un certain nombre de comptes rendus concernant des ouvrages parus l’année antérieure. Archives de Philosophie 65/3 (2002)
  • [2]
    Ce qui n’est pas toujours le cas. Les ouvrages doivent être envoyés à la revue : Les Archives de philosophie (Bulletin de philosophie médiévale), 14 rue d’Assas, 75006 Paris.
English version

AVERTISSEMENT LIMINAIRE

1Ce Bulletin se présente sous une forme légèrement différente des précédents. Il est plus bref et ne comprend que des comptes rendus. L’allègement du bulletin répond pour partie à une décision collective de la rédaction des Archives de Philosophie. Dans notre cas s’y ajoutent des difficultés conjoncturelles. Nous pouvons espérer que la création, au CNRS, d’un Groupement de recherches sur la philosophie du Moyen Âge et de la Renaissance favorisera les coopérations entre les forces qui travaillent en France sur la philosophie du Moyen Âge et de la Renaissance et par conséquent, entre autres, la relance du Bulletin de philosophie médiévale.

2L’abandon de la partie consacrée à la simple documentation bibliographique (la partie qui était la plus difficile à réaliser sans structure de travail permanente), nous conduit à rappeler qu’il existe de bons instruments de documentation, beaucoup plus complets que ce que nous offrions – mais, il faut le reconnaître, utilisés sans doute par des publics différents et plus spécialisés : d’une part Medioevo latino, d’autre part, en France, la Bibliographie annuelle du Moyen Âge tardif, instrument précieux réalisé par l’Institut de recherche et d’histoire des textes (deux volumes par an). Bien qu’ils soient pluridisciplinaires, ces instruments permettent de retrouver assez facilement les publications intéressant la philosophie. La BAMAT, en dépit de son titre, inclut chronologiquement l’essentiel du Moyen Âge tel que nous le traitons ici et n’exclut guère que le « haut Moyen Âge » à la lisière de l’Antiquité tardive. Notre activité sera donc recentrée sur la publication groupée d’un certain nombre de comptes rendus de livres, selon une périodicité annuelle, en tâchant de respecter un délai de deux ans entre la publication et la recension afin de faciliter les recherches des lecteurs [1]. En faisant ce choix, à l’encontre de la formule « mixte » qui était jusqu’à présent la nôtre, nous avons conscience que la responsabilité du choix des ouvrages recensés s’en trouve accrue. Nous l’assumons, du moins dès lors qu’auteurs et éditeurs nous envoient leurs publications régulièrement [2]. Cela se fera dans le cadre des grandes orientations définies depuis la création du Bulletin et que nous rappelons. Il s’agit d’un bulletin consacré à la philosophie; il est bien entendu conduit à prendre en considération d’autres domaines de la pensée, tels que la théologie ou les sciences au Moyen Âge, mais cela ne se fait que du point de vue de l’intérêt de ces disciplines pour la philosophie au Moyen Âge. Par ailleurs le Bulletin doit tenir compte de la dimension internationale de la recherche en philosophie du Moyen Âge; mais il est aussi conduit à donner une place de choix aux publications avec lesquelles le lectorat d’une revue publiée en France est le plus immédiatement en contact. C’est pourquoi nous accordons une grande attention à la rubrique des traductions françaises d’œuvres médiévales.

3Durant les cinq années de son existence, le Bulletin de philosophie médiévale des Archives de philosophie a reçu un accueil favorable en France, mais aussi dans les pays voisins. Ainsi renouvelé, nous ne doutons pas qu’il puisse continuer à répondre pleinement à sa vocation : donner à voir, tant pour les spécialistes que pour tous les philosophes lecteurs des Archives, l’essentiel des travaux et les principales tendances de la recherche concernant la philosophie du Moyen Âge.

COMPTES RENDUS D’OUVRAGES PARUS DANS L’ANNÉE 2000

1. Éditions de textes

1. BOÈCE [Boethius], De consolatione Philosophiae. Opuscula theologica, ed. Claudio Moreschini, Bibliotheca Teubneriana, Monachii et Lipsiae, In aedibus K. G. Saur MM, 2000,263 p.

4En 1871 R. Peiper met au point, pour la même collection, la première editio minor de la Consolatio Philosophiae et des cinq Opuscula sacra de Boèce. Nous laisserons ici de côté le premier ouvrage, qui a bénéficié en moins d’un siècle de quatre éditions critiques et que la tradition manuscrite, bien que souvent commune avec celle des traités théologiques, ne rend pas indissociable de ces derniers. Pour cette pentalogie, Peiper avait isolé deux grandes familles de manuscrits, l’une et l’autre issues d’un archétype unique (? ), qu’il désignait par les lettres ? et ?. Le De fide et le De duabus naturis étaient toutefois édités comme incerti. Trente ans plus tard, en 1901, E.K. Rand, qui tenait le De fide pour seul inauthentique, reprochait à son compatriote d’avoir mobilisé des matériaux insuffisants et recouru à une méthode non rigoureuse. Il programmait alors, pour le Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, de réaliser une editio maior, forte du dépouillement de cent soixante-dix manuscrits, lesquels, répartis sur quatre grandes classes, toutes d’origine française, assimilaient ?, ? et ?. L’énorme projet était encore en chantier à la mort de son concepteur, en 1945. Dans l’intervalle, c’est-à-dire dès 1918, réhabilitant le De fide, il avait mis au point, avec H.F. Stewart et pour la Loeb Classical Library, un texte sans aucun apparat, fondé sur sa propre collation de plusieurs manuscrits importants à ses yeux, avec une linéation différente de celle de Peiper. S.J. Tester en donnera un second état, très légèrement amendé, en 1973. Il y a une vingtaine d’années, F. Troncarelli hérita du dossier Rand et se proposa d’achever le travail, sans y être parvenu jusqu’à présent. Au cours de la même période, Cl. Moreschini s’était attelé à une nouvelle editio minor, toujours pour la Teubneriana, de ce qu’il appelle les « Opuscules théologiques »; c’est celle-ci qui vient de voir le jour.

5 L’introduction, rédigée en latin, est entièrement consacrée à l’élaboration du conspectus siglorum. Elle donne à constater que, intégrant les travaux de ses devanciers, l’auteur double la répartition en quatre classes de Rand par un surclassement en deux familles. De plus, les treize manuscrits qu’il isole réorganisent un fonds déjà connu, néanmoins augmenté de quelques témoins ignorés de Rand ou non retenus par lui. Le texte qui en résulte a ainsi bénéficié à la fois de l’adoption de certaines leçons délaissées par les prédécesseurs et d’un retour à plusieurs choix faits par Peiper mais écartés par Rand. Sur le fond cependant le résultat ne bouleverse pas les précédents. Aucune des variantes introduites n’est de nature à modifier la teneur des traités. En outre, il ne paraît plus à l’ordre du jour de douter de l’authenticité du De fide et du De duabus naturis. On regrettera par ailleurs l’adoption d’une troisième linéation – choix sans doute imputable plus à l’éditeur Saur qu’à l’auteur –, très proche de celle de Peiper mais ne lui correspondant pas exactement, qui annule toutes les correspondances avec les références données depuis plus de huit décennies à partir de celle de Rand pour l’essentiel, et un titre courant qui manque de précision, gênant et ralentissant le repérage des divers opuscules. Cela ne saurait toutefois pas empêcher le travail de Moreschini, qui ne manque ni de rigueur ni de maîtrise, de devenir le nouveau texte de référence, bien qu’il ne rende point superflue l’édition annoncée de Troncarelli, qui devrait permettre d’infirmer pour une part ce que laisse peut-être apparaître à tort celle-ci, à savoir une stabilité dans la transmission des traités boéciens et une fiabilité de leur contenu.

6 Alain GALONNIER

2. Traductions françaises

2.1. AVERROÈS, Commentaire moyen sur le De interpretatione, introduction, traduction et notes par A. Benmakhlouf et S. Diebler, « Sic et non », Vrin, Paris, 2000,206 p.

7Dans la perspective d’une traduction de l’ensemble du commentaire moyen d’Averroès sur l’Organon d’Aristote, Ali Benmakhlouf et Stéphane Diebler offrent un premier volume contenant la traduction du Commentaire moyen sur le De interpretatione. La traduction est précédée d’une introduction à la fois historique et philosophique. Les traducteurs y exposent d’abord brièvement la vie d’Averroès en donnant quelques éléments importants permettant de comprendre ce que commenter veut dire pour le philosophe andalou, puis retracent le parcours du texte d’Aristote depuis les premiers commentaires hellénistiques jusqu’à la diffusion arabe et latine. La seconde partie présente les enjeux philosophiques et logiques de ce traité. Il s’agit, en effet, de ne pas réduire simplement ce commentaire à une œuvre de logique aristotélicienne. Les traducteurs insistent à juste titre sur les problèmes épistémologiques soulevés par Averroès, et en particulier sur la question de l’assentiment (le fait de tenir pour vrai) puisque le traité d’Aristote a bien pour visée d’établir les conditions de vérité d’une proposition. En revanche, la place accordée à la question des futurs contingents n’est pas excessive, Averroès se gardant bien de rentrer dans le débat théologique sur la prédestination pour ne proposer qu’une solution logique à la question. Le texte lui-même s’accompagne d’une abondante annotation qui en facilite la lecture. En particulier, le problème de la copule, pour une langue qui n’en a pas l’usage, est clairement exposé. Enfin, les deux textes polémiques d’Averroès donnés en appendice constituent un apport bienvenu. Le contexte général dans lequel écrit Averroès est bien indiqué, et le rapport à Al-Farabi est constamment présent tant dans l’introduction que dans les notes. Un lexique latinfrancaisarabe complète utilement l’ouvrage. On dispose ainsi d’un texte qui devrait être profitable non seulement aux spécialistes de logique médiévale, mais plus largement à tous ceux qu’intéressent les questions d’épistémologie et de philosophie de la logique.

8 Christophe GRELLARD

2.2. BOÈCE, Traités théologiques, traduction et présentation par Axel Tisserand, GF Flammarion, Paris, 2000,263 p.

9 En 1991 Hélène Merle publiait la première traduction française, introduite et annotée, des Opuscula sacra de Boèce (Collection « Sagesses Chrétiennes », Cerf). Son travail, non sans mérite, péchait néanmoins par trop d’erreurs (entre autres : le De definitionibus n’est plus attribué à Boèce mais à Marius Victorinus depuis 1877 (p. 13), Nicomaque de Gérase ne vivait pas au IIe siècle avant J.-C. mais au IIe après J.-C. (ibid.) et en 522 Boèce ne fut point nommé préfet du prétoire (ce qu’il n’a probablement jamais été) mais maître des offices (p. 18)), ainsi que par des principes de traduction qui illustrent trop souvent le sévère adage italien : « traduttore – traditore » en confondant traduire et annoter : ainsi l’epistola évoquée par Boèce dans le prologue du Contra Euthychen et Nestorium, qui provoque une controverse depuis un siècle et demi quant à l’identité de son auteur, devient, par le seul prodige de la translation « la lettre des évêques de la mer Noire » (p. 50) – il est regrettable que leur nombre ne nous soit pas révélé. Une dizaine d’années plus tard le soin et la rigueur dont fait preuve Tisserand dans le même exercice lui permettent d’éviter ce genre d’impairs. Cela étant, son érudition est parfois trop assurée (la chronologie des pages 256-258), et il lui arrive de faire siens des emprunts sans les avoir suffisamment retravaillés (le tableau synoptique de l’œuvre de Boèce de la p. 22). En outre, à l’annexe I (p. 247) ce n’était pas le Cassiodore des Variae qu’il convenait de citer pour juger de la production boécienne mais celui des Institutiones. Hormis ces petits travers, et en dépit d’une biographie un peu sacrifiée, sa thèse d’un Boèce qui cherche à fonder rationnellement l’intelligence de la foi (p. 28), en intégrant l’une à l’autre la théologie métaphysique d’Aristote et la théologie chrétienne d’Augustin (p. 44), est bien présentée et synthétisée. On aurait cependant aimé voir l’auteur s’exprimer d’une part sur l’absence, dans la vie de Boèce, de toute trace d’engagement religieux, de l’autre sur le contraste très fort existant entre le De hebdomadibus, qui du début à la fin peut ressortir au néoplatonisme, et le De fide, un strict catéchisme pour adultes. Ce dernier opuscule est d’ailleurs quasi absent des pages introductives, comme s’il n’avait pu y trouver sa place. Enfin, la recherche des sources faisant l’objet d’une certaine attention, le devenir et l’influence des Opuscula auraient pu bénéficier de quelques lignes. Quant à la version proprement dite, elle concerne un texte latin (quel état reproduit-il ?) redécoupé et reponctué, matière de traités dont l’ordre traditionnel a été réorganisé (V, III, I, II, IV) en fonction d’une datation présumée. Tisserand a choisi, fidèle à son auteur, de traduire verbum verbo, ce à quoi il parvient dans l’ensemble avec une élégance un peu rugueuse, qui ne messied pas au style boécien. Sur une cinquantaine de pages denses, des notes savantes apportent en appoint les éclairages attendus.

10 Alain GALONNIER

3. Études

3.1. ÉTUDES GÉNÉRALES

3.1.1. Theo K OBUSH (ed.), Philosophen des Mittelalters, Primus Verlag, Darmstadt, 2000.

11 Dans ce recueil d’articles consacrés aux principaux auteurs du Moyen Âge, T. Kobush tient une position ferme au cœur du débat – qui a repris ces dernières années – sur ce qu’est la Philosophie au Moyen Âge. Dans une introduction très pugnace, il passe en revue les principales réponses à cette question. Il écarte avec vigueur les plus réductrices, qu’il s’agisse d’une compréhension étroite de l’École de Cambridge qui conduirait à ne reconnaître comme philosophes du Moyen Âge que les artiens, ou de l’historicisme de Kurt Flash. C’est qu’après l’éboulement de la réponse gilsonienne de la « métaphysique de l’Exode », la question est reposée à nouveaux frais comme l’atteste le titre du dernier congrès de la Société internationale pour l’étude de la philosophie médiévale qui s’est tenu à Erfurt en 1997 : « Qu’est-ce que la philosophie médiévale ? ». Derrière la réponse d’Alain de Libera tentant de dégager un « mode de vie » philosophique né chez les artiens de la seconde moitié du XIIIe siècle et transmis par Eckhart ou Dante, l’auteur reconnaît l’influence des thèses de P. Hadot. De même la lecture de la philosophie médiévale proposée par Lambert-Marie De Rijk est trop centrée sur la logique pour pouvoir rendre compte pleinement de cet « esprit » de la philosophie médiévale qu’il n’est pourtant plus possible de situer dans une philosophie chrétienne naïvement pensée dans les termes gilsoniens.

12 Car une conception unifiée de la philosophie médiévale doit aussi rendre compte des richesses méconnues des penseurs de l’époque carolingienne ou des X-XIIe siècles, influencés par le néoplatonisme et les Pères grecs. Même la tentative de Jan A. Aertsen de définir la philosophie médiévale comme pensée des transcendantaux, si elle ne manque pas de grandeur, ne parvient pas à unifier la conscience que la philosophie a pu avoir d’elle-même tout au long de cette très longue période. Et ce sont principalement ses deux extrémités (du début jusqu’au XIIe siècle et au tournant du XIVe siècle), c’est-à-dire avant et après la période dominée par la scolastique qui échappent à cette tentative d’unification. Il en ressort une contestation de la périodisation même de l’histoire et de celle de la philosophie suggérant un grand Moyen Âge allant au-delà même de celui de Le Goff, du IIIe au XIXe siècle, englobant donc une partie de l’antiquité tardive, mais aussi de l’Âge classique et la Renaissance entière.

13 Le sens même de toute périodisation historique risque de s’y perdre, et T. Kobush, qui n’est pas partisan d’une vision continuiste de l’Histoire, préfère lire dans celle de la philosophie des structures différentes, mises en œuvres par de grands auteurs. Reste à justifier le choix de ces auteurs, présentés par ordre chronologique de leurs dates de naissance. Les plus grands ne posent pas de problème, certains vont par paire, rappelle l’éditeur, Abélard et Bernard, Scot et Ockham... La présence de Robert Grosseteste et de son disciple Roger Bacon pourrait sembler plus contestable à certains, mais les travaux récents de James Mac Evoy, qui d’ailleurs rédige la contribution sur Grosseteste, et ceux de Jeremy Hackett sur Bacon ont assez montré l’importance de ces auteurs. On pourrait souhaiter une présence plus importante d’auteurs venant des deux périodes difficiles du début et de la fin du Moyen Âge. N’y avait-il place pour personne avant Érigène et entre lui et Avicenne ? Après Guillaume d’Ockham, sommes-nous déjà entrés dans la Renaissance ? Il est vrai que l’historiographie allemande par exemple atendance à ranger dans cette période un auteurcomme Nicolas deCues.

14 Pour le reste, la liste des auteurs choisis demeure d’un classicisme irréprochable, à l’exception peut-être de la place faite à Pierre Auriol dont T. Kobush se réserve la monographie. Ce n’est pas sans malice que nous nous demandons à ce sujet si pour voir, comme il le suggère, en Pierre Auriol non seulement le pont qui permet de passer de Scot à Ockham mais un pilier de celui qui unit les carolingiens à la Renaissance (p. 11), il ne faut pas attribuer à l’intentionnalité un rôle excédant peut-être celui que les médiévaux lui prêtaient, et que la phénoménologie est venue souligner.

15 Ayant choisi de nous arrêter plus longuement sur l’introduction qui indique l’esprit du volume, nous ne pouvons commenter chacune des monographies, d’une grande précision et dotées d’une précieuse bibliographie. Nous nous contentons de reproduire ici la liste des auteurs médiévaux avec le nom de celui de la monographie les concernant. Jean Érigène, D. Moran; Avicenne, D. Gutas; Anselme de Canterbury, B. Mojsich; Pierre Abélard, K. Jacobi; Bernard de Clairvaux, M. Enders; Averroès, J. P. Montada; Maïmonide, R. Brague; Robert Grosseteste, J. MacEvoy; Albert le Grand, G. Wieland; Roger Bacon, K. Hedwig; Henri de Gand, J. Decorte; Bonaventure, A. Spear; Thomas d’Aquin, J. A. Aertsen; Eckhart, R. Schönberger; Duns Scot, O. Boulnois; P. Auriol, T. Kobush; Guillaume d’Ockham, L. Honnefelder.

16 Retenons que dans le concert parfois peu harmonieux des tentatives pour reconstruire une vision unifiée de la philosophie médiévale sur les décombres de la philosophie chrétienne d’Étienne Gilson, Theo Kobush élève une voix qui ne manque pas de sagesse en rappelant que les grands philosophes du Moyen Âge sont aussi le plus souvent ses grands théologiens. Il sait s’entourer des plus grands spécialistes apportant chacun leur contribution à ce qui est bien plus qu’une prosopographie des penseurs du Moyen Âge.

17 Christian TROTTMANN

3.1.2. LAMBERTINI, Roberto, La Povertà Pensata, Mucchi Editore, Modena, 2000, 327 p.

18 Dans ce livre d’une remarquable érudition, l’auteur organise, reprend et approfondit le contenu d’une quinzaine de publications antérieures. Doté d’un index des noms, le livre s’organise en trois parties où se répartissent inégalement les douze chapitres. Le premier est l’occasion de faire le point sur l’historiographie des cinq dernières décennies du siècle écoulé, concernant le rôle des franciscains dans la dispute entre mendiants et séculiers avant la Bulle Exiit qui seminat. L’auteur fait remonter en effet à cette querelle la quête de l’identité franciscaine par les intellectuels organiques de l’ordre, idée qu’il développe dans le deuxième chapitre. Le troisième, centré sur l’ecclésiologie de Jean Peckham, montre bien comment la pauvreté franciscaine se situe d’emblée dans une perspective eschatologique. L’archevêque franciscain retourne les accusations de millénarisme portées contre son Ordre par les séculiers et fait des Mendiants, spécialement des Mineurs, les défenseurs de l’Église, en particulier contre ses corruptions intérieures.

19 Plus courte, la deuxième partie est centrée sur Duns Scot : située d’abord dans la tradition franciscaine, sa pensée politique est ensuite replacée dans le contexte de la dispute concernant les pouvoirs spirituel et temporel qui connaît un premier sommet dans l’affrontement entre Philippe le Bel et Boniface VIII. Enfin, le troisième et dernier chapitre de cette deuxième partie s’arrête plus particulièrement sur le traité De perfectione statutum dont l’attribution à Scot est contestée. Godefroid de Fontaines apparaît comme une source probable du traité. La thématique centrée sur la défense de l’identité franciscaine dans la contribution présentée au colloque de Rome sur la Via Scoti en 1993 est développée ici selon l’axe de la question de la perfection évangélique, mais aussi en direction de ses implications ecclésiologiques.

20 Nous arrivons ainsi à la troisième partie, de loin la plus importante qui regroupe les six derniers chapitres et concerne la phase ultime de la défense franciscaine de la pauvreté dans l’affrontement avec Jean XXII. Le premier chapitre montre comment ce conflit fut, pour François d’Ascoli et le parti franciscain, l’occasion d’une évolution. La justification de la pauvreté par un communisme primitif laisse place à une propriété originelle d’Adam. Son dominium, concédé avant la création d’Ève est bien personnel, mais corrompu par le péché originel. Le chapitre 8 est consacré aux réponses à Jean XXII des partisans de la pauvreté franciscaine, tandis que le chapitre 9 est consacré aux attaques contre lui concernant la royauté du Christ. Reprenant les textes de l’Improbatio, de l’Appellatio et de l’Opus nonaginta dierum, il montre leur proximité argumentative. Le lecteur y reconnaîtra le caractère répétitif de cette littérature polémique, nié pourtant par l’auteur. Mais le fond importe plus en sa subtilité : « mon royaume n’est pas de ce monde »; est-ce à dire qu’il n’est pas en ce monde ou simplement qu’il n’en vient pas ? Contre Jean XXII qui affirme un dominium universel du Christ en tant qu’homme venant précisément de sa divinité, les franciscains entendent limiter son pouvoir au seul domaine spirituel. Dans la parole de Pierre, « il y a ici deux glaives », ils soulignent que celui-ci indique ainsi qu’ils ne sont pas siens. Cependant, le Christ lui demande de le remettre au fourreau. Si les deux glaives sont à la discrétion de l’Église militante, les franciscains schismatiques à la solde de l’empereur insistent que seul le pouvoir spirituel revient à Pierre. Prudemment, en bon disciple de C. Dolcini, R. Lambertini ne va pas plus loin. Mais de là à affirmer que l’Église triomphante ne triomphera qu’au jugement dernier et que jusqu’alors, le dominium de l’humanité du Christ Roi s’étend même sur les âmes des saints au ciel, il n’y a qu’un pas qui sera franchi par Jean XXII lors de la controverse de la vision béatifique. Permettez à l’auteur d’un livre connu sur ce thème de reformuler à la lecture de ce chapitre une idée déjà développée dans sa thèse, et pressentie différemment par A. Tabarroni. Il y a de fait un lien étroit entre les opinions christologiques, ecclésiologiques et eschatologiques de Jean XXII qui peut encore être davantage explicité.

21 Mais ce sont plutôt ses détracteurs qui intéressent l’auteur de ce livre : Guillaume d’Ockham et Marsile de Padoue en particulier dont les thèses politiques sont examinées dans les chapitres 10 et 11, en leurs sources aristotéliciennes et leurs conséquences sur la convocation d’un concile pour déposer un pape déclaré hérétique. Le douzième et dernier chapitre s’intéresse au traité inédit Proiectus est draco ille. Entendant donner plutôt un état des recherches qu’une synthèse personnelle, le livre ne conclut pas et s’achève sur un appendice bibliographique concernant les publications intervenues entre la remise du manuscrit à l’éditeur et la parution du livre. La rigueur de l’érudition pratiquée par R. Lambertini assume ainsi volontairement ses limites, non sans quelque grandeur.

22 Christian TROTTMANN

3.1.3. Dominik PERLER et Ulrich R UDOLPH, Occasionalismus. Theorien der Kausalität im arabisch-islamischen und im europäischen Denken, « Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Göttingen, Philologisch-Histo-rische Klasse, Dritte Folge » 235, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2000, 278 p.

23 Depuis longtemps, une rumeur courait parmi les historiens de la philosophie : les célèbres doctrines occasionalistes ou sceptiques de l’époque moderne au sujet du principe de causalité auraient déjà été défendues par toute une série de « Malebranche arabes » ou de « Hume médiévaux ». C’est avec ce soupçon qu’un arabisant et un médiéviste se sont associés pour « reconstituer une ligne de tradition centrale dans l’histoire de l’occasionnalisme » (p. 19) entre le IXe et le XVIIe siècle. La première partie, rédigée par Ulrich Rudolph (Zürich), analyse l’émergence des spéculations sur la toute-puissance divine dans le Kalam, propose un aperçu des développements dans l’école d’al-Ash’ari et se clôt sur une longue analyse des textes d’al-Ghazali et de Maïmonide qui résument à merveille tous les éléments constitutifs de l’occasionalisme islamique classique : « la négation d’une causalité dans la nature; la négation d’une puissance causale chez l’homme; la conviction que Dieu produit tous les événements en fonction de son habitude ; et enfin l’idée d’une creatio continua, dans la thèse de la momentanéité des accidents. » (p. 120). La seconde partie, confiée à Dominik Perler (Bâle), commence par un exposé de la solution « compatibiliste » du rapport entre cause première et cause seconde développée par Thomas d’Aquin, passe ensuite immédiatement à une longue analyse des thèses sceptiques de Nicolas d’Autrécourt quant à la certitude que nous pouvons avoir des relations causales (mais qui ne permettent nullement de conclure à un occasionalisme), puis à Gabriel Biel (auteur d’une doctrine des causes sine quibus non qui constitue une « radicalisation » de la théorie ockhamiste, p. 189), Luis de Molina et Francisco Suárez (dont les théories du concours revalorisaient les causes secondes), pour finalement terminer avec la critique adressée par Malebranche au concept aristotélicoscolastique de cause. Parallèlement à ce vaste panorama historique, l’ouvrage a également une vocation analytique, tant par un style plaisant généralement aux auditoires d’outre-Atlantique – la doctrine de Molina est illustrée à l’aide d’un couteau à trancher le pain électrique (p. 207) et celle de Malebranche à l’aide de la machine à café du bureau (p. 231) – qu’en tentant de reprendre à son compte l’ambition qui était déjà celle de l’oratorien, à savoir de considérer l’occasionalisme comme un modèle général valable pour toute relation causale naturelle. Les auteurs caractérisent en conclusion l’occasionalisme par quatre thèses fondamentales (p. 251-253), ce qui leur permet d’affirmer que personne – en dehors peut-être de quelques théologiens islamiques comme al-Ash’ari – n’a pleinement été occasionaliste avant le XVIIe siècle. En revanche, ce qui leur paraît finalement décisif, c’est que si la grande rupture réduisant la causalité à une considération épistémologique à propos de l’observabilité de phénomènes vient bien de Hume, l’occasionalisme a contribué à créer les conditions d’une nouvelle conception de la nature (p. 255), alors que la crux de toutes les doctrines scolastiques de la causalité avait précisément été leur formulation sur la base d’une physique hylémorphiste et sur l’idée de « propriétés intrinsèques » aux objets naturels. S’il s’agit assurément d’un bon résumé de doctrines sur lesquelles la bibliographie est déjà importante, l’ouvrage laissera néanmoins le lecteur un peu sur sa faim pour diverses raisons : d’abord, en se contentant d’analyser un certain type d’efficience, il ne s’agit aucunement d’un livre sur « les théories de la causalité » en général, comme l’annonce ambitieusement son sous-titre, puisque le lecteur ne trouvera rien sur ces causes dont tous les aristotéliciens s’accordaient à dire qu’elles étaient au nombre de quatre. Ensuite, s’il reconnaît se limiter délibérément à une série d’auteurs pour offrir un tableau synoptique, la prise en considération d’autres auteurs (le grand absent est Duns Scot, mais aussi la tradition latine plus néoplatonicienne, de même que Cordemoy ou La Forge) aurait peut-être permis de nuancer certaines thèses. Enfin, l’historien des concepts n’y trouvera guère son compte, car en dehors d’un renvoi en note aux remarquables études lexicographiques de Rainer Specht, on ne trouvera aucune analyse des concepts latins d’occasio, et encore moins d’enquête sur l’expression de causa occasionalis, que l’on cherchera en vain dans l’index de cet ouvrage. Sa valeur réside à la fois dans un ton clair et didactique, dans le fait qu’il vient nous rappeler qu’il y a encore beaucoup à étudier sur la question de la causalité au

24Moyen Âge, et surtout par son illustration des vertus d’une historiographie de la longue durée. On ne peut d’ailleurs que souhaiter que de telles collaborations entre islamologues et médiévistes se nouent plus souvent autour d’autres questions.

25Jacob SCHMUTZ

3.2. ÉTUDES SUR UN AUTEUR, UN THÈME, UN PROBLÈME

3.2.1. Alain BOUREAU et Sylvain PIRON (éds), Pierre de Jean Olivi (1248-1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société. Actes du colloque de Narbonne (mars 1998), « Études de philosophie médiévale » LXXIX, Vrin, Paris, 1999,412 p.

26 Organisé par Alain Boureau et Sylvain Piron à l’occasion du centenaire de la mort de Pierre de Jean Olivi, le Colloque sur cet auteur persécuté dans son Ordre, vénéré dans sa région, aborde différents aspects du personnage et de son œuvre. Si la majeure partie des contributions est en langue française, certaines sont écrites en allemand, en anglais et en italien.

27 Plusieurs communications considèrent tout d’abord le philosophe confronté à des concepts majeurs. Tout d’abord celui de liberté (humaine : R. Pasnau, p. 15-25; divine : S. Piron, p. 71-89; liberté politique : L. Parisoli, p. 251-263). Conçue comme pure activité, la première entraîne dans son sillage les autres facultés humaines qui ne sauraient être conçues comme passives; la seconde exige une révision drastique du statut des idées en Dieu qui ne sauraient constituer un modèle s’imposant à son geste créateur. V. Mauro (p. 57-70), suggère toutefois que les limites imposées à la liberté humaine par une ratio ligata ne sont pas pleinement prises en compte par les augustiniens et par Olivi en particulier. A. Boureau (p. 41-55) envisage les conséquences de la critique du maître franciscain à l’égard de l’ontologie de la relation. Sur le problème du temps, R. Imbach et F.-X. Putallaz (p. 27-39) reconsidèrent les conclusions d’Anneliese Maier en recourant au manuscrit Vat. Borg. 322 dont ils considèrent l’authenticité comme probable (seulement). Manifestant une influence du Quodlibet III, 11 d’Henri de Gand, ce texte, s’il est d’Olivi, soulève des difficultés de datation. Les auteurs se demandent si la défense par le franciscain d’une réalité du temps hors de l’âme ne vient pas de sa conception de l’Histoire se déployant en âges successifs.

28 L’aspect visionnaire de son millénarisme et son influence sur les Begghards sont envisagés par D. Burr (p. 309-318) et L. A. Burnham (p. 319-339), tandis que W. Lewis (p. 135-156) assume le caractère hérétique de sa Lectura super Apocalypsim, pour mieux en dégager l’intérêt historique et doctrinal, et que R. Lerner (p. 207-216) envisage ses conséquences concernant le moment attendu de la conversion des juifs.

29 Les méthodes de l’activité exégétique du franciscain dissident sont examinées par G. Dahan (p. 91-114) pour les livres prophétiques, par J. Schlageter (p. 121-133) pour le Commentaire du Cantique, dans son recours à la Catena Aurea par L. J. Bataillon (p. 115-120).

30 Une autre série de contributions concerne les questions proprement franciscaines abordées par le maître narbonnais. Celle de la pauvreté en particulier envisagée dans sa vertu prophétique par D. Flood (p. 157-172), comme controverse opposant le leader spirituel au pouvoir pontifical par M. Bartoli (p. 173-191), comme confrontation des mendiants aux séculiers par R. Lambertini (p. 193-205). Plusieurs communications abordent les conséquences économiques et politiques de la position franciscaine : à propos du métier de marchand (G. Todeschini, p. 215-237), du risque (G. Ceccarelli, p. 239-250), de la liberté politique (L. Parisoli déjà cité).

31 Enfin une dernière série de conférences situe le personnage d’Olivi dans le contexte de son temps, tant sur le plan de la région narbonnaise (G. Larguier p. 265-276) ou languedocienne (J.-L. Biget, p. 277-308), que sur un plan culturel où il est rapproché de Dante (A. Forni, p. 341-372) ou de Raymond Lulle (D. de Courcelles, p. 373-387).

32 Le volume comprend encore une bibliographie pour les années 1989-1998 qui vient utilement compléter les précédentes, ainsi qu’un index des noms.

33 Christian TROTTMANN

3.2.2. Jean-Michel COUNET, Mathématiques et dialectique chez Nicolas de Cuse, « Études de philosophie médiévale » LXXX, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2000,458 p.

34 Nicolas de Cuse n’est pas seulement le métaphysicien résolu de la coincidentia oppositorum. Par les choix intellectuels qu’il opère au sein d’une situation historique déterminée, il illustre aussi une sorte d’esquisse de sa principale avancée conceptuelle : encore plongé dans un Moyen Âge dont il prolonge et infléchit la dynamique et dont il fait craquer les cadres, il explore déjà les virtualités de la Renaissance sans jamais aboutir à des résultats capables de susciter directement une ferme et forte tradition intellectuelle.

35 L’un des mérites de Jean-Michel Counet est de situer et de maintenir constamment son auteur sur la ligne de crête de ce XVe siècle européen à visage de Janus : les figures de l’héritier et du novateur se disputent la maîtrise d’un esprit hors du commun sans que l’un d’eux parvienne à couvrir la voix de l’autre et à lui imposer les normes de sa conduite. L’héritier est imprégné des écrits de Denys l’Aréopagite, de Boèce, de Jean Scot, d’Anselme de Cantorbery, de Thierry de Chartres et d’Albert le Grand – bref de ce courant néoplatonicien qui traverse tout le Moyen Âge et n’en occupe que par intermittence la première place. Quant au novateur, il cultive les mathématiques mais ne dépasse pas le stade de l’amateur éclairé. S’il s’interroge sur le bien-fondé du modèle cosmographique de Ptolémée et s’il tend à le récuser, il n’accomplit jamais le pas décisif qui l’en détacherait. Il reste fondamentalement le fidèle en quête d’intelligence dont Anselme de Cantorbery lui fournit, à l’aube de la scolastique, le modèle inégalé.

36 L’autre mérite de Jean-Michel Counet est d’aborder et de traiter son sujet en dépassant les enjeux proprement historiques pour atteindre les structures de la pensée. Dès le début de son étude, il remonte au Platon des derniers paragraphes du livre VI de la République (509d-511c) et pose les deux modes de connaissance que Nicolas de Cuse rend à tout instant complémentaires, la connaissance dianoétique et la connaissance intuitive et anhypothétique – dans le titre du livre, respectivement, les mathématiques et la dialectique. Cette double démarche simultanée rend compte des visées totalisantes du Cusain : penser à parts égales et congrues le minimum et le maximum, les parties et le tout, le fini et l’infini, l’identité et l’altérité, l’homme et Dieu.

37 L’ouvrage, dense et nourri, est excellemment informé. Jean-Michel Counet a réalisé une véritable somme sur un auteur dont l’itinéraire est sans précédent ni postérité immédiatement repérables – un auteur qu’il est facile d’enfermer dans sa singularité alors qu’il ambitionne d’exprimer l’essence d’une culture millénaire.

38 Max LEJBOWICZ

3.2.3. Chris SCHABEL, Theology at Paris, 1316-1345. Peter Auriol and the Problem of Divine Foreknowledge and Future Contingents, « Ashgate Studies in Medieval Philosophy », Ashgate, Aldershot, 2000,368 p.

39 C’est à un jeune Américain enseignant à Chypre que les Parisiens devront d’enfin savoir ce qui s’est passé dans leur célèbre Université au début du XIVe siècle. Issu d’une thèse dirigée par Katherine Tachau, cet ouvrage a l’immense mérite de combiner à la fois l’analyse philosophique et la rigueur philologique et historique dans l’exposé de l’un des plus beaux problèmes de la philosophie et de la théologie médiévale : la querelle des futurs contingents. Il contribue non seulement à nous faire mieux connaître l’un des théologiens les plus originaux du Moyen Âge, Pierre Auriol, mais aussi une multitude d’autres auteurs qui représentent autant d’autres solutions ingénieuses. Il convient d’ailleurs de lire cet ouvrage en regard des nombreuses éditions critiques réalisées ces dernières années par l’auteur et publiées dans diverses revues (à commencer par les textes de Pierre Auriol lui-même, dont on sait à quel point l’édition imprimée de 1596 est peu fiable : voir à ce propos en particulier l’édition par Schabel de I Sent., dist. 38-39, dans les Cahiers de l’Institut du Moyen Âge grec et latin 65 (1995), p. 63-212). Le livre est rédigé dans un anglais s’autorisant volontiers quelques écarts par rapport à l’« esprit de sérieux » académique (la solution d’Auriol est par exemple qualifiée de catch, p. 116) et se divise en quatre parties organisées de manière chronologique, prenant chaque fois soin de résumer les positions et l’état du débat, ce qui facilite considérablement sa lecture. La première partie offre un panorama général sur l’histoire du problème et ses sources avant 1300, jusqu’à son traitement par Duns Scot et les premières réactions post-scotistes (Durand, Thomas Wylton), et peut être recommandée à tout étudiant à titre de résumé. La deuxième partie est consacrée à l’exposé de la position de Pierre Auriol lui-même, unique en son genre : affirmant que l’immutabilité divine équivaut à la nécessité – ce qui fait d’ailleurs du Dieu d’Auriol une sorte de « Dieu des philosophes » plutôt que des théologiens (p. 124) –, Auriol en vint à nier toute idée de pré-science, au profit d’une solution inédite basée sur le concept d’indistantia entre Dieu et les actualités des événements temporels, y compris le présent. Il en découle la thèse pour laquelle Auriol devint célèbre et qui suscita tant de défiances et finalement sa condamnation par Sixte IV : les propositions sur les futurs contingents ne sont ni vraies ni fausses, mais neutres, parce que l’indistantia de la connaissance divine ne précède pas le futur et ne les rend donc pas vraies ou fausses. Une troisième partie, non moins volumineuse que la précédente, est consacrée aux réactions à cette doctrine : l’auteur analyse ainsi Landolphe Caracciolo, François de Meyronnes, Guiral Ot, Nicolas Bonet, François de Marchia, Aufredo Gonteri Brito, Guillaume de Brienne, Guillaume de Rubio et enfin Michael de Massa. La quatrième et dernière partie nous entraîne en Angleterre, afin de montrer la relative indépendance entre Paris et Oxford à cette époque et l’impact des discussions anglaises, mieux connues par l’historiographie, sur le continent (Ockham, Holcot, Chatton, Fitzralph, Bradwardine, Thomas Buckingham, et leur réception chez Thomas de Strasbourg, Pierre d’Aquila) jusque Grégoire de Rimini, qui lit les Sentences en 1343-44 et procède à une longue réfutation de la doctrine d’Auriol sur la neutralité des propositions. Sont encore abordés Alphonse Vargas de Tolède, Jean de Mirecourt, Jean de Ripa et Hugolin d’Orvieto. Une dernière section est consacrée à retracer les routes qui mèneront à la renaissance de la position d’Auriol chez Pierre de Rivo à Louvain en 1465 (notamment le commentaire des Sentences de Pierre de Candia); elle tient aussi lieu de conclusion. Cet impressionnant panorama historique ne manquera dès lors pas d’éclairer également ceux-là mêmes qui n’ont guère d’intérêt pour la question des futurs contingents, puisque l’auteur est parvenu à nous fournir la première cartographie d’une période encore largement terra incognita des chercheurs, et qui se révélera dès lors précieuse pour partir en exploration sur d’autres questions. Ce brillant ouvrage (publié dans une nouvelle collection de philosophie médiévale lancée par Ashgate) nous fournit également régulièrement des aperçus sur d’autres aspects d’une théologie particulièrement originale, parfois au parfum de protospinozisme chrétien par sa conception d’une Deitas conçue comme pur vouloir et pur penser sans « puissance » volitive ni intellective, et on ne peut dès lors que souhaiter qu’il vienne donner une nouvelle impulsion aux études auréoliennes.

40 Jacob SCHMUTZ

SUPPLÉMENT POUR L’ANNÉE 1999

Éditions de textes

4.1.1 J EAN LE CHASSEUR [J OHANNES VENATOR ANGLICUS], Logica, éd. L. M. de Rijk, « Grammatica speculativa » 6, Frommann-Holzboog, Stuttgart-Bad Cannstatt, 1999,2 vol., 607 p. (numérotation continue).

41Ces deux volumes édités par L.-M. de Rijk constituent la première édition exhaustive de la Logique d’un certain Johannes Venator, désigné aussi dans un manuscrit comme « anglicus », et identifié de ce fait (mais sans plus de certitude) à John Huntmann, qui était fellow du collège d’Oriel à Oxford en 1373 et se trouvait encore en activité dans cette ville en 1390.

42L’éditeur se contente d’une brève introduction donnant quelques informations sur l’auteur probable du texte et se consacrant surtout à la description des manuscrits. La publication livre donc essentiellement l’édition critique de cette œuvre, agrémentée d’indices assez fournis – index locorum, index nominum, index sophismatum et exemplorum, index rerum notabilium. On trouve aussi à la fin de l’introduction un glossaire, une bibliographie de l’introduction, et une table détaillée des deux volumes – que tout cela soit placé entre les pages 18 et 45 n’aide toutefois pas à le retrouver.

43La Logique de Jean le Chasseur comprend quatre traités, dont l’organisation est assez curieuse. Chaque traité comprend quelques chapitres portant sur des objets privilégiés de la logique au XIVe siècle, puis des chapitres en forme de dubia qui traitent de difficultés. Le premier traité commence par les termes, mais il ne ressemble pas aux traités terministes que l’on pouvait trouver du XIIIe siècle jusqu’à Guillaume d’Ockham. Il insiste d’emblée sur les exponibles, puis sur les termes officiales, parmi lesquels on trouve certains syncatégorèmes mais aussi les verbes signifiant des actes mentaux. Il discute longuement les théories du Speculum puerorum de Richard Billingham. Puis ce premier traité se poursuit par les conséquences, comme un certain type de propositions mentales.

44Le second traité évoque les propositions universelles, puis enchaîne avec des doutes sur divers sujets parmi lesquels je mentionnerai la supposition des termes communs ou la contradiction comme plus grande opposition. On constate qu’il n’y a plus de traité spécialement dévolu à la supposition et à ses subdivisions. Le troisième traité comprend des chapitres sur la vérité et la fausseté des propositions, les propositions modales, sur scire et dubitare, sur les propositions de incipit et de desinit... Le quatrième comprend essentiellement des chapitres sur les diverses espèces de propositions, mais aussi sur d’autres termes exponibles, sur les deux sens de la négation (niante et infinitante), sur les relatifs. Bref tout cela paraît un peu désordonné au regard des grandes sommes classiques de logique médiévale. La raison en est que, comme le souligne l’éditeur, il s’agit surtout de rassembler le matériel qui a donné lieu à des développements originaux dans la logique, durant un demi-siècle. L’auteur présente différentes positions, les arguments et contre-arguments; il utilise Gauthier Burley, Guillaume Heytesbury, Richard Billingham ou Richard Ferribridge. A ce titre, c’est un aboutissement de la logique qui s’est développée en Angleterre au

45XIVe siècle. C’est aussi un relais de son expansion : la Logique de Jean le Chasseur eut en effet une certaine influence, elle participa à la diffusion de la « logique anglaise » en Italie et sera encore citée à plusieurs reprises par Paul de Venise.

46Joël BIARD

Études

4.2.1. Joël BIARD (éd.), Langage, sciences, philosophie au XII e siècle, Actes de la table ronde (25-26 mars 1998) organisée par le C.N.R.S.-Paris VII-É. P.H.É. et le Programme international de coopération scientifique France-Japon, « Sic et non », Vrin, Paris, 1999,258 p.

47Le XIIe siècle, seconde « renaissance » que connut le Moyen Âge après la renovatio carolingienne, est une période d’effervescence intellectuelle. Plusieurs courants la traversent et s’y croisent, l’enrichissant de leurs affinités ou de leurs contrastes. Pour l’illustrer dans les domaines de la philosophie, de la cosmologie, des mathématiques et des arts du langage, Joël Biard a collationné onze contributions émanant de spécialistes de l’Europe et du Japon, réunis dans le cadre d’échanges franco-japonais. En raison de l’orientation retenue, sept d’entre eux ont choisi de s’intéresser, directement ou indirectement, à l’œuvre d’Abélard, les quatre autres ayant opté pour une problématique non abélardienne ou un auteur différent. Sans respecter l’ordre d’intervention, reflété par la table des matières, nous organiserons notre présentation survolée en fonction de ces deux groupes, en commençant par le second.

48Michel Lemoine s’arrête aux divers sens que revêt la philosophie, suscités tant par la confiance qu’elle inspire que par les défiances qu’elle provoque, pour quatre penseurs de l’École de Saint-Victor (Guillaume de Champeaux, Hugues, André et Gautier). Max Lejbowicz, lui, explique le contraste méthodologique qu’il a repéré chez Thierry de Chartres – celui-ci annonce, en ouverture de son Tractatus de sex dierum operibus, qu’il va commenter la Genèse en procédant « secundum physicam », alors qu’au début de la première partie du traité il procède « secundum rationum physicorum » pour gloser Genèse, I, 1 –, par un glissement de la réflexion du savoir vers ses praticiens, fondant l’originalité de l’auteur sur son évocation des activités techniques et sa conception d’une physique appliquée. Immédiatement après, Jennifer Moreton nous révèle l’existence du comput qu’un certain Constabularius (à ne pas confondre avec Constabulinus [846-923]) aurait composé au cours du dernier quart du XIIe siècle, qui présente entre autres caractéristiques d’intégrer certains apports de la tradition arabe, et dont elle édite un fragment en annexe, quand Charles Burnett se demande à sa suite dans quelle mesure Ahmad ibn Yusuf, un auteur cairote du tournant des IX-Xe siècles de l’ère chrétienne, aurait pu influencer Gérard de Crémone dans ses méthodes d’enseignement et de traduction. Constant Mews inaugure les communications sur ou impliquant Abélard, pour conforter l’attribution des Epistolae duorum amantium à Héloïse et à son amant, qu’il fonde sur une étude approfondie de leur vocabulaire, lequel manifeste notamment la remarquable tenue intellectuelle de ces échanges épistolaires. De son côté, Yukio Iwakuma a dépouillé une douzaine de manuscrits renfermant différents commentaires anonymes sur des questions afférentes à des problèmes de langage, dont il s’efforce, à grand renfort de citations comparatives, de répartir la paternité entre Abélard et Guillaume de Champeaux. L’évolution, chez le même penseur, de la notion de translatio (transfert de sens) à travers ses trois Theologiae et sa Logica ingredientibus, permet à Irène Rosier-Catach de s’attacher aux difficultés que rencontre l’auteur pour assigner un rôle précis au contexte dans la signification, alors que Jean Jolivet pointe les décalages internes que laisse apparaître l’œuvre du Maître du Pallet et les interrogations qu’elles suscitent lorsqu’on confronte entre elles quelques-unes de ses positions logiques et ontologiques à partir de la problématique des « universaux ». Quant à John Marenbon, il s’applique, dans une intention polémique, à montrer que les théories du verbe substantif (« être ») et de la prédication accidentelle présentes dans la Logica et la Dialectica, dont il affine encore la datation, ne font point d’Abélard le précurseur de Frege. Au cours d’une étude comparative entre l’infortuné amans d’Héloïse et Anselme du Bec, Tetsuro Shimizu examine leur conception respective de la signification qu’ils fondent l’un et l’autre sur la lecture boécienne du De interpretatione d’Aristote, tout en divergeant sur la manière de recevoir la thèse augustinienne de la parole intime de Dieu. Joël Biard lui-même clôt le volume en complétant une étude entamée il y a plusieurs années sur l’Ars meliduna, un texte anonyme de la seconde moitié du XIIe siècle provenant de l’école fondée par Robert de Melun, qui marquerait, sur le plan du statut logique et philosophique du langage et des questions au moyen desquelles il est précisé et approfondi (universel, ontologie des mots, signification), une certaine continuité avec les vues d’Abélard.

49Suffisamment diversifiés pour répondre à l’ambition du parcours programmé, ces Actes, quoique dominés par la figure abélardienne, rendent bien compte à la fois des recherches fructueuses qu’appelle une période d’essor qui constitue le cœur de l’ère médiévale, et de la richesse des orientations épistémiques que l’on y trouve tissées en réseau.

50Alain GALONNIER

4.2.2. Alain BOUREAU, Théologie, Science et Censure au XIII e siècle. Le cas de Jean Peckham, « L’âne d’or », Les Belles Lettres, Paris,1999, [8]-380 p.

51 Dans Comment on écrit l’histoire, Paul Veyne expliquait que nécessairement l’historien raconte une intrigue, c’est-à-dire trace un itinéraire qu’il choisit à l’intérieur d’un champ événementiel qu’il ne choisit pas. L’ouvrage d’Alain Boureau en est un exemple parfait. À travers le champ événementiel des prises de position philosophiques, théologiques, scientifiques, des censures, querelles doctrinales et conflits politico-religieux du dernier tiers du XIIIe siècle, il propose de suivre comme fil directeur les interventions de Jean Peckham, franciscain devenu archevêque de Canterbury. En cette qualité, ce dernier prononça en 1286 une condamnation en huit articles de thèses soutenues par certains maîtres (dominicains) à Oxford, et qui en première instance concernent principalement le statut du corps mort du Christ. À un premier niveau, le propos d’Alain Boureau est donc d’étudier les tenants et les aboutissants de cet épisode, et d’apporter une contribution à un ensemble de recherches qui, on le sait, traduisent l’intérêt actuel des médiévistes pour le phénomène de la censure et son rôle dans la vie intellectuelle du Moyen Âge. Du même coup, nous est donnée une monographie sur l’auteur de la condamnation, personnage qui présente l’intérêt particulier d’avoir vécu dans plusieurs mondes (un ordre religieux, le milieu universitaire et savant, le haut clergé). Mais ce portrait d’un intellectuel au Moyen Âge (l’hommage à Jacques Le Goff étant explicite) va bien au-delà de ces buts. Un autre des modèles avoués est l’ouvrage de B. Guenée sur l’assassinat du duc d’Orléans en 1407, Un meurtre, une société : « une censure, une société », pourrait-on dire du présent travail. À partir du fait de la condamnation, l’ambi-tion est en effet de restituer tout le paysage intellectuel et social qui l’entoure. Là se trouve la grande force de cette enquête. Alain Boureau (et c’est peut-être le fond des critiques qu’il adresse en conclusion à Hans Thijssen et Luca Bianchi, tous deux auteurs d’ouvrages récents sur la question de la censure) tente de faire une « histoire sociale des concepts », distincte de ce qu’on appelle classiquement l’histoire des idées. Non seulement les concepts sont des êtres historiques, qui naissent, évoluent et meurent, mais de plus leur portée ne se borne pas à l’espace clos des textes, dans lesquels trop souvent les philosophes les cantonnent. Ce qu’Alain Boureau prouve avec brio, c’est qu’il est possible et éclairant de mettre en rapport une question universitaire avec un ensemble de préoccupations sociales, d’ordre éthique et juridique, et aussi avec des luttes de pouvoir. Comme il est dit excellemment, la disputatio ne consiste pas seulement en un « pur affrontement de concepts », mais encore en « une série de frottements d’univers divers ». L’auteur retrace fort bien la genèse de la question du triduum (qui remonte au XIIe siècle), et les raisons de son utilisation dans la polémique sur l’âme humaine. Comme le dévoile le huitième et dernier article de la condamnation de 1286, à travers le problème du corps mort du Christ, c’est la théorie thomiste de l’unicité de la forme substantielle qui est visée : cette dernière mène, selon ses adversaires, à des hérésies concernant le premier point. Mais Alain

52Boureau montre également que le même problème renvoie à une série de représentations de la corporéité et de la mort, qui sont lestées de charge symbolique et d’enjeux concrets. Ainsi la même quaestio est susceptible de plusieurs niveaux d’analyse. Elle peut être traitée classiquement comme une question purement doctrinale, théologique, dont on retrace l’histoire dans le milieu étroitement universitaire. On peut aussi en repérer les implications extérieures.

53Premièrement, une pratique sociale de prestige qui se développe à la même époque : le dépècement des cadavres de grands de ce monde, de manière à ce qu’ils puissent être enterrés en plusieurs endroits – pratique qui heurte des consciences et que l’Église finit par condamner. Deuxièmement, le culte des reliques, qui est peut-être l’enjeu ultime derrière les affrontements sur la forme susbtantielle, car la conception aristotélico-thomiste met en cause l’identité réelle du cadavre avec le corps qui était vivant, et donc la valeur de cette pratique religieuse dont les Franciscains étaient de fermes soutiens. Troisièmement, la pratique juridique de la cruentation (désignation de l’assassin par le saignement du cadavre), croyance dont Peckham aura lui-même à pâtir, et qui renvoie en retour à un ensemble de conceptions théoriques médicales et même physiques (l’aimantation). Gain supplémentaire : toutes ces analyses permettent de comparer et relier les mentalités communes, l’imaginaire populaire avec la culture savante – alors que pour les médiévistes les barrières entre ces mondes sont le plus souvent hermétiques.

54Le rôle personnel de Peckham dans cette histoire aux ramifications multiples est bien situé dans le contexte politico-religieux : les luttes d’influence entre ordres religieux (à Paris et Oxford), entre mendiants et séculiers (d’où les nombreux conflits de Peckham archevêque avec ses évêques), les rapports des intellectuels avec le pouvoir, les réseaux d’influence (à l’égard desquels Peckham, de basse extraction, se trouve dans une situation bien plus défavorable que

55Thomas d’Aquin, Gérard d’Abbeville ou Godefroid de Fontaines). Ces considérations permettent de replacer les questions doctrinales dans la perspective d’une carrière intellectuelle et ecclésiastique qui fut plutôt tumultueuse. Ce n’est en rien céder aux facilités d’un certain genre biographique. Comme l’annonce judicieusement le sous-titre, il s’agit d’une étude de cas, qui permet de voir fonctionner, dans le particulier, les concepts, les théories, les tensions idéologiques et sociales que trop souvent l’historiographie ne traite que d’un point de vue général et abstrait. On pourra certes trouver à discuter çà et là quelques inexactitudes du point de vue philosophique. Mais ce livre peut être considéré, selon nous, comme un essai magistral d’« histoire totale », et comme un exemple à suivre.

56Jean-Luc SOLÈRE

4.2.3. Matthias LAARMANN, Deus, primum cognitum. Die Lehre von Gott als dem Ersterkannten des menschlichen Intellekt bei Heinrich von Gent († 1293), « Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters », neue Folge 52, Aschendorff, Münster, 1999, XII-528 p.

57 Partant du constat que le problème de la connaissance humaine de Dieu a été une branche de la tradition de la théologie scolastique médiévale trop longtemps négligée, l’auteur consacre ce fort volume, dont L. Hödl est le dédicataire, à combler en partie cette lacune. C’est au XIIIe siècle que la problématique prit consistance et ampleur, le présupposé d’ensemble étant que dans tout acte de connaissance Dieu lui-même est appréhendé, mais sous une forme cachée, indirecte, pré-réflexive, en un mot implicite. Elle fut traitée entre autres par Bonaventure et Thomas d’Aquin, et surtout par Henri de Gand, que M. Laarmann. range au nombre des auteurs éminents de ce siècle finissant. Théologien séculier, l’un des tenants du néo-augustinisme, ayant par ailleurs subi l’influence d’Avicenne et d’Averroès, il qualifiait Dieu ainsi saisi de Primum cognitum, équivalent d’un proto- ou d’un primo-concept de notre pensée. Plus globalement encore, l’étude de Laarmann se présente comme une contribution à l’histoire de la théologie chrétienne de la connaissance naturelle de Dieu, qu’il élargit à la question de toute connaissance humaine, et situe dans les prolongements de la phase critique que traversa dès 1210 la Chrétienté, avec l’irruption massive du savoir profane et la pénétration de la pensée arabe venue d’Espagne. Sa méthode est à la fois descriptive et documentaire, en même temps qu’analytique quand il s’enquiert des sources littéraires et historiques. Quatre grandes parties découpent son itinéraire : I. Le portrait bio-bibliographique, mettant au net la production henricienne authentique, par une distinction entre l’incontestable, dont la Summa, qu’il utilise majoritairement, le vraisemblable, le controversé et le pseudépigraphique; II. L’importance et la portée de la connaissance a posteriori de Dieu : son fondement, son essor et sa critique chez Henri de Gand; III. Le processus de justification d’une préconnaissance de Dieu comme élément d’une preuve a priori de son existence chez le même; IV. Le devenir de la thèse du Primum cognitum d’Henri, en lien avec l’historique global de sa production. Mais cette dernière section, en tant que telle, ne va pas sans susciter une interrogation. Comment, en effet, réserver cent vingt pages, certes non inutiles, à recenser, d’un simple point de vue historiographique, les différentes manières dont sera reçue la théorie du futur Doctor Solemnis de la fin du XIIIe siècle à nos jours, en s’arrêtant notamment à son adoption comme Docteur par l’Ordre des Servites au cours du XVIe siècle, quand rien n’est dit par ailleurs sur la condamnation de 1277, dans laquelle Henri joua un grand rôle en sa qualité de consultant et de censeur, alors que le point de départ général de l’étude est explicitement la crise qui conduisit au grand Syllabus d’Étienne Tempier ? Cette rupture méthodologique n’empêche toutefois point l’Auteur d’atteindre son but principal : par des analyses très fouillées et toujours proposées, c’est-à-dire abondamment illustrées en note au moyen d’importantes citations textuelles et d’une riche bibliographie d’accompagnement, on le voit exploiter une matière abondante et peu façonnée, qu’il sait contrôler et organiser dans la grande tradition de l’érudition allemande.

58 Alain GALONNIER

4.2.4. Alain de LIBERA, Maître Eckhart et la Mystique rhénane, « Initiations au Moyen Âge », Les Éditions du Cerf, Paris, 1999,142 p.

59 L’auteur, qui n’est plus à présenter, notamment dans le domaine des études eckhartiennes, a réalisé pour le compte de cette collection d’initiation une introduction à Maître Eckhart qui ne se contente pas de reprendre et de synthétiser des éléments déjà connus. Notamment, malgré une certaine similitude de titre, cet essai est assez différent de son précédent ouvrage sur La Mystique rhénane. D’Albert le Grand à Maître Eckhart, et pas seulement parce que le propos est ici centré sur Eckhart. Le corpus des traités et des sermons passe quelque peu à l’arrière-plan, l’accent étant délibérément mis sur l’œuvre universitaire du célèbre dominicain, si réduite qu’elle soit dans l’état où elle nous est parvenue. Cette approche replace la réflexion profondément originale du Thuringien dans le contexte et la perspective des débats de l’époque sur la nature de la théologie, et jette une lumière fort intéressante sur les fondements d’une pensée qui va ensuite, et avec une grande cohérence, se déployer dans la prédication et la direction spirituelle.

60 Le point de départ de cette présentation est l’inévitable question : philosophie (ou théologie spéculative) ou bien mystique ? Alain de Libera entend dépasser ce dilemme. D’un côté, une indication nette est donnée p. 72 : « Si rien d’autre n’avait survécu de lui que son œuvre latine, la question de savoir si Eckhart est un mystique, un théologien ou un philosophe ne se poserait pas », en ce sens qu’il y apparaît clairement comme le représentant d’une « théologie forte » qui ne cède rien sur sa vocation de savoir. Une analyse détaillée des vestiges de l’Opus tripartitum, et d’autres traces de l’activité universitaire, conduit même à voir dans leur auteur un théologien typique du XIVe siècle, c’est-à-dire d’une période où la pensée se cherche de nouvelles formes et de nouvelles voies. En particulier, Eckhart participe de « l’approche propositionnelle » qui s’impose alors, en argumentant au moyen d’instruments que l’on pourrait qualifier d’analytiques, et en donnant un rôle prééminent aux consequentiae. Alain de Libera en administre la preuve en suivant pas à pas les raisonnements mis en œuvre dans le Prologue général, à propos de la fameuse proposition esse est Deus, et de leur application dans la première quaestio (an Deus sit) et la première expositio (Gn 1,1). Ce n’est que parce que l’ockhamisme nous apparaît, rétrospectivement et à tort, comme le seul modèle de la nouvelle scientificité, que la tentative d’Eckhart est rejetée « dans le champ épistémologiquement mal défini de la ‘‘ mystique ’’» (p. 72-73). Mais d’autre part, Eckhart a hérité du Pseudo-Aréopagite et d’Albert le Grand l’idée que la connaissance mystique (ici bien définie, au sens de Denys) est le couronnement de la connaissance de foi théologale. La théologie ne peut donc se satisfaire d’être une science seulement théorique. Cependant, elle ne doit pas pour autant basculer dans l’autre extrême, et donner le primat à la volonté sur la connaissance. Sagesse intellective et amour de charité peuvent être réconciliés dans l’acte pieux d’explication du texte sacré : d’où le fait que « l’essentiel de la théologie d’Eckhart soit exposé dans ses commentaires de l’Écriture ou dans ses sermons eux-mêmes conçus comme des exégèses » (p. 51) – en même temps que ces expositions sont nourries par les raisons des philosophes. C’est d’ailleurs bien ce que mettra en cause la procédure d’inquisition dirigée contre Eckhart : non tant l’excès « mystique » que « l’exégèse scientifique et la prédication, pour ne pas dire l’exégèse scientifique pour la prédication » (p. 74). Ces analyses denses et stimulantes, qui font de ce petit livre un accès indispensable à la pensée d’Eckhart, sont complétées par un chapitre sur les héritiers du Lebemeister, Suso et Tauler.

61 Jean-Luc SOLÈRE

4.2.5. LEVI BEN GERSHOM (GERSONIDES), The Wars of the Lord, Volume Three : Book Five, Book Six, translated with notes by Seymour FELDMAN, Appendix by Tzvi LANGERMANN, Philadelphie, The Jewish Publication Society/New York-Jérusalem, The Jewish Theological Seminary of America, 1999/5759,580 pages.

62 Levi ben Gershom, Gersonide (1288-1344), qui a vécu dans le Midi de la France (à Orange et à Avignon), a composé des ouvrages de science (logique, mathématiques, astronomie, sciences de la nature), de philosophie et d’interprétation biblique. Son opus magnum, Milhamot ha-Shem (Les Guerres du Seigneur), comprend six livres. Les quatre premiers furent traduits par M. Feldman en deux volumes, parus en 1984 et 1987 (voir Revue des études juives 146 [1987], p. 400-403 et 148 [1989], p. 379-384). Voici donc le troisième et dernier volume, qui comporte les livres V et VI. S’achève ainsi, enfin, la première traduction intégrale en une langue européenne d’un des ouvrages majeurs de la littérature philosophique hébraïque.

63 Le traducteur offre des synopsis détaillés des deux livres, situant les sujets traités dans le contexte historique; c’est d’autant plus utile que les développements du philosophe pèchent quelque peu par une longueur excessive. La traduction elle-même indique des sources ou des parallèles dans d’autres ouvrages. En fin du volume, on trouvera un essai de Y.T. Langermann sur l’attitude de Gersonide à l’égard de l’astrologie.

64 On se réjouira donc du fait que cette traduction ouvre aux non-hébraïsants un accès à cet ouvrage important et l’on ne reviendra pas sur les critiques exprimées jadis à l’égard de la traduction.

65 Gad FREUDENTHAL

4.2.6. Shlomo SELA, Astrology and Biblical Exegesis in Abraham Ibn Ezra’s Thought, (en hébreu), Bar-Ilan University Press, Ramat-Gan (Israël), 1999, 420 pages, Bibliographie, indices.

66 Abraham Ibn Ezra (1089/1092-1064/1067), commentateur biblique particulièrement populaire, mathématicien, grammairien, traducteur de l’arabe en hébreu et astrologue, fut certainement un des esprits les plus originaux – et énigmatiques – du Moyen Âge juif. Il a joué un rôle important dans la réception du « calcul indien » (comprenant le zéro) en Occident et dans le transfert de l’astrologie gréco-arabe aux communautés juives en Europe. Le présent ouvrage étudie en profondeur l’astrologie d’Ibn Ezra telle qu’elle s’exprime dans ses écrits proprement astrologiques d’une part et dans ses écrits d’herméneutique biblique d’autre part. Cette démarche est originale, dans la mesure où, jusqu’à présent, l’idée que l’astrologie pût avoir été au cœur même du judaïsme, c’est-à-dire à la base d’interprétations données aux textes bibliques, était perçue comme gênante et, donc, évitée; les travaux récents du professeur D. Schwartz, il est vrai, avaient déjà ouvert une brèche dans cette attitude récalcitrante à l’égard du sujet délicat.

67 Sela étudie donc une série de sujets, ayant trait notamment à la perception du temps historique et de l’espace et, pour chacun, compare la présentation qu’en donne Ibn Ezra dans ses écrits astrologiques avec la façon dont il l’évoque dans ses commentaires bibliques. Il introduit ici un concept original, celui d’environnement, et tâche d’appréhender comment le fait d’avoir été exprimées dans un « environnement » herméneutique a influencé les vues émises par Ibn Ezra. L’auteur a accompli un tour de force en étudiant les ouvrages astrologiques d’Ibn Ezra non seulement dans des éditions imprimées, qui, presque toujours, ne sont guère fiables, mais également dans les nombreux manuscrits; dans le cas d’Ibn Ezra cette démarche est particulièrement importante, Ibn Ezra ayant rédigé ses ouvrages le plus souvent en deux, voire trois rédactions différentes.

68 L’ouvrage de M. Sela représente une contribution majeure non seulement à l’étude d’un auteur médiéval particulièrement important et difficile, mais également à l’histoire des idées, y compris des idées scientifiques, dans le judaïsme médiéval.

69 Gad FREUDENTHAL

4.2.7. Christian TROTTMANN, Théologie et Noétique au XIII e siècle. À la recherche d’un statut, « Études de philosophie médiévale » LXXVIII, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1999,224 p.

70 Cette enquête, comme le signale d’emblée l’auteur, se situe évidemment dans la ligne des célèbres travaux de Marie-Dominique Chenu sur la théologie aux XIIe et XIIIe siècles, qu’elle entend compléter ou prolonger, tant du point de vue chronologique (en allant jusqu’à Henri de Gand) que du point de vue documentaire (en tenant compte des sources éditées depuis lors). Mais, comme il est également précisé, la perspective a changé : le projet néoscolastique a vécu, et il ne s’agit plus de montrer dans la théorie thomiste de la subalternation la solution définitive au problème du statut de la théologie. Ce problème est d’ailleurs reformulé en ces termes : rapporter les essais de constitution de la théologie en science aux différentes conceptions des capacités noétiques de l’homme. La question déborde donc le cadre de l’épistémologie à strictement parler, pour intégrer une dimension anthropologique. Prendre en compte cette dernière dans la lecture des auteurs permet d’éviter certaines surinterprétations. Par exemple, que Guillaume d’Auxerre ait posé le donné révélé comme principe de la théologie n’autorise pas à voir en lui l’ancêtre de la conception thomasienne, déductive, de ce savoir. Il faut encore élucider ce qu’est d’après lui la foi; or il s’avère qu’elle est moins de l’ordre de l’intuition des principes que d’une sorte d’instinct, comparable à l’estimative, et à partir de ce sensus fidei la théologie ne saurait se déployer scientifiquement, sauf peut-être pour quelques esprits qui, par la grâce d’une intuition quasi prélapsaire, sont capables de percevoir la valeur axiomatique de ce qui est saisi par la foi.

71 Cependant, il faut entendre plus généralement par le terme de noétique l’« exploration des sommets intellectifs de l’âme humaine », de sorte que la tâche de la théologie est précisément localisée dans l’articulation de la connaissance intuitive que Dieu a de lui-même (qu’il communique dans un certaine mesure par la vision béatifique) et de la discursivité qui caractérise la raison humaine in via. Mais non moins que la scientificité (c’est-à-dire l’organisation systématique) de la théologie, c’est aussi son caractère sapientiel qui est examiné, c’est-à-dire le rapport entre l’aspect théorique et l’aspect pratique de ce savoir. Les différents essais de coordination sont examinés, depuis Guillaume d’Auxerre, en passant par les franciscains (Eudes Rigaud, la Summa halesiana, Bonaventure, Roger Bacon), les dominicains (Hugues de Saint-Cher, Roland de Crémone, Richard Fishacre, Robert Kilwardby, Albert le Grand, Thomas d’Aquin), pour finir sur un vaste chapitre consacré à Henri de Gand. Pour ce dernier, le principe du tiers exclu ne s’applique pas à l’opposition de la foi et de la science. Ces deux savoirs ne sont des contradictoires que si la science est conçue sur le modèle de la vision béatifique : son acquisition rend caduque la foi. Or il y a place pour un troisième mode de connaissance, qui est l’intellection discursive, comparable à la prédiction d’une éclipse par un calcul astronomique, qui n’est ni sa constatation expérimentale ni une croyance par ouï-dire – c’est donc une « connaissance abstractive » avant la lettre scotiste. Ce savoir théologique reste inférieur à la connaissance intuitive de la vision en présence et suppose toujours le fondement de la foi. Néanmoins, il s’élève à une intellection, laquelle requiert un don spécial, le lumen specialis, qui ne se confond pas avec la grâce sanctifiante et le don d’intelligence de l’Esprit, mais semble propre à la corporation des théologiens ès qualités – étonnante revendication professionnelle d’un habitus particulier.

72 Entre réexamen de textes célèbres et analyses d’œuvres moins connues, ce parcours est une contribution très importante à l’histoire de la scolastique au XIIIe siècle, en resituant les recherches tâtonnantes sur la nature et l’objet de la théologie dans le cadre plus général et philosophique des discussions sur les facultés cognitives humaines. On peut seulement regretter que l’éditeur accorde aussi peu de place, matériellement, à l’auteur, et comprime ces riches matériaux en une typographie aussi serrée.

73 Jean-Luc SOLÈRE

4.2.8. Yves-Charles ZARKA (dir.), Aspects de la pensée médiévale dans la philosophie politique moderne, « Fondements de la politique », PUF, Paris, 1999,278 p.

74 Ce collectif publié sous la direction de Yves-Charles Zarka s’assigne pour tâche de reposer le problème des rapports entre philosophies politiques médiévale et moderne, en évitant autant que possible tant l’écueil de la continuité que celui de la rupture pure et simple. Il s’agit, comme l’indique l’éditeur dans son introduction, d’étudier comment la scolastique continue de « travailler » la pensée politique moderne, c’est-à-dire de montrer comment les concepts modernes s’élaborent avec et contre les théories scolastiques.

75 L’ouvrage se partage en trois parties, une première partie présente quelques « positions médiévales » (avec des contributions de G. Fioravanti, B. Bourdin, M. Bastit, J. Quillet); la deuxième partie s’intéresse aux « synthèses tardives » (articles de A. Truyol Serra, M. Barbier, M. Pécharman, M.-F. Renoux-Zagamé); enfin la dernière partie concerne les « relances modernes » (études de Y. C. Zarka, L. Foisneau, J. Pen˜a, H. Bouchilloux, P. Magnard, J.-F. Spitz).

76 La dernière partie est, de loin, la plus intéressante et se caractérise par un souci d’exhaustivité dans la mesure où toutes les grandes figures de l’âge classique sont passées en revue. En revanche, la première partie n’apporte pas grandchose de neuf. Même si certains rappels ne sont pas inutiles, on pourra s’étonner de l’absence, en dépit de quelques allusions aux travaux fondateurs de J. Krynen, de toute réflexion sur le rôle des juristes dans la formulation des concepts de la philosophie politique médiévale. Par ailleurs, les études de la troisième partie montrent bien que la scolastique qui travaille les modernes est avant tout la scolastique tardive des XVIe et XVIIe siècles, bien davantage que celle des XIIIe et XIVe siècles. Il est dès lors regrettable que la deuxième partie, malgré la valeur des contributions (valeur que n’entachent pas quelques approximations, comme l’affirmation, p. 70, du nominalisme de Duns Scot), se consacre entièrement à deux philosophes, Vitoria et Suarez, d’inspiration plutôt thomiste, ignorant la présence d’un courant de philosophie politique nominaliste, d’inspiration gallicane et conciliariste, chez Jean Mair et Jacques Almain par exemple. Il est dès lors difficile de comprendre l’importance du nominalisme politique à l’âge classique, sinon comme une réaction, ce qui est peut-être simplificateur.

77 Ces quelques remarques ne diminuent en rien l’apport de ce collectif à toute réflexion sur la transformation des concepts de philosophie politique au tournant des XVIe et XVIIe siècles.

78 Christophe GRELLARD

Notes

  • [*]
    Bulletin rédigé dans le cadre des activités du GDR 2522 du CNRS, « Philosophie de la connaissance et philosophie de la nature au Moyen Âge et à la Renaissance » – adresse : CESR, 59 rue Néricault-Destouches, B.P. 1328,37013 Tours cedex 01. Responsable du Bulletin : Joël Biard, professeur à l’université François-Rabelais de Tours (département de philosophie / Centre d’études supérieures de la Renaissance), directeur du GDR 2522. Ont collaboré au présent bulletin : Gad Freudenthal, Alain Galonnier, Christophe Grellard, Max Lejbowicz, Jacob Schmutz, Jean-Luc Solère, Christian Trottmann.
  • [1]
    On trouvera toutefois, à la suite des rubriques consacrées à l’année principalement recensée, un certain nombre de comptes rendus concernant des ouvrages parus l’année antérieure. Archives de Philosophie 65/3 (2002)
  • [2]
    Ce qui n’est pas toujours le cas. Les ouvrages doivent être envoyés à la revue : Les Archives de philosophie (Bulletin de philosophie médiévale), 14 rue d’Assas, 75006 Paris.
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