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Article de revue

L’ordre public et la Constitution

Pages 199 à 214

Notes

  • [1]
    Cité par Alain Le Pommelec, « La signification de l’ordre public en droit des contrats », in Ch.-A. Dubreuil (dir.), L’ordre public, éd. Cujas, 2013, p. 74.
  • [2]
    Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat (Les contrats contraires à l’ordre public). Étude de droit civil comparé : France, Angleterre, URSS, éd. Martot-Braine, 1953.
  • [3]
    P. Deumier, Th. Revet, V° « Ordre public » in D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, Lamy et PUF, 2003, p. 1120.
  • [4]
    « Conclusions générales » du colloque L’ordre public : Ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, M.-J. Redor (dir.), Bruylant, 2001, p. 415 et s.
  • [5]
    J. Combacau, article précité, p. 420.
  • [6]
    F. Terré, « Rapport introductif », in Th. Revet (coord. par), L’ordre public à la fin du XXe siècle, « Thèmes et commentaires » Dalloz, 1996, p. 4 ; v. aussi M. Mekki, L’intérêt général et le contrat. Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Bibl. de droit privé, tome 411, LGDJ, 2004.
  • [7]
    Id., p. 4.
  • [8]
    C’est le point de vue présenté par P. Deumier et Th. Revet, contribution précitée, p. 1120 : « L’ordre public participe des instruments juridiques par lesquels est structuré le groupe social. Il ressortit, ainsi, à un projet de type constitutionnel, car il articule les relations entre la loi nationale et la loi étrangère, entre la règle de jus cogens et les conventions particulières, entre la règle transnationale et le contrat international, entre la loi et le contrat, entre l’acte réglementaire et l’initiative individuelle. Fondant la suprématie de la norme qu’il caractérise, l’ordre public constitue, par suite, l’expression plus directe de l’autorité dans la règle de droit ».
  • [9]
    « Libertés et ordre public », présentation du Conseil constitutionnel, 8e Séminaire des Cours constitutionnelles, Erevan, 2 – 5 octobre 2003, source : site internet du Conseil constitutionnel : conseil-constitutionnel.fr, faisant référence par exemple à : C. const., n° 94-352 DC, 18 janv. 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Rec. 70, § 2 ; n° 99-411 DC, 16 juin 1999, Rec. 75, § 2.
  • [10]
    Déclaration de 1789, article 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
  • [11]
    Conseil constitutionnel, texte au Séminaire précité, p. 4.
  • [12]
    De ce point de vue, la question a déjà été largement et bien traitée par A. Roblot-Troizier, « L’ordre public dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Ch.-A. Dubreuil (dir.), L’ordre public, éd. Cujas, 2013, p. 309 et s., auquel on renvoie pour de plus amples développements.
  • [13]
    S. Roland, « L’ordre public », in Ch.-A. Dubreuil (dir.), L’ordre public, colloque précité, p. 15.
  • [14]
    C. const., n° 89-261 DC, 29 juil. 1989, Entrée et séjour des étrangers en France, § 13 ; n° 95-352 DC, 18 janv. 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, § 8.
  • [15]
    C. const., n° 80-127 DC, 19 et 20 janv. 1981, Sécurité et Liberté, § 56 ; n° 91-294 DC, 25 juil. 1991, Accord de Schengen, § 17.
  • [16]
    C. const., n° 2007-557 DC, 15 nov. 2007, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, § 11 : « l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, inclut la lutte contre la fraude ».
  • [17]
    C. const., n° 80-127 DC, 19 et 20 janv. 1981, Sécurité et Liberté, précité.
  • [18]
    C. const., n° 85-187 DC, 25 janv. 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie. Sur l’ordre public dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, outre la contribution d’A. Roblot-Troizier, in L’ordre public, Ch.-A. Dubreuil (dir.), précitée, v. aussi Ch. Vimbert, RD publ., 1994, p. 693 et s. Plus généralement : N. Jacquinot, Ordre public et Constitution, thèse, Aix-Marseille III, 2000.
  • [19]
    C. const., n° 2013-357 QPC, 29 nov. 2013, Société Wesgate Charters Ltd (Visite des navires par les agents des douanes), § 5.
  • [20]
    É. Picard, « Introduction générale », in M.-J. Redor (dir.), L’ordre public : Ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Bruylant « Droit et Justice », n° 29, 2001, p. 36. Dans ce même ouvrage v. J.-M. Larralde, « La constitutionnalisation de l’ordre public », p. 213 et s.
  • [21]
    Par ex. : C. const., n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, Rec. 252, § 78.
  • [22]
    Article 36 de la Constitution de 1958 : « L’état de siège est décrété en Conseil des ministres. Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement ».
  • [23]
    C. const., n° 85-187 DC, 25 janv. 1985, État d’urgence en Nouvelle-Calédonie, Rec. 43, § 3 et 4.
  • [24]
    C. const., n° 82-141 DC, 27 juil. 1982, Loi sur la communication audiovisuelle.
  • [25]
    Le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel, dans cette décision du 27 juillet 1982, mérite d’être reproduit : « 3. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" ;
    « 4. Considérant que l’article 34 de la Constitution dispose : "la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques" ; que cette réglementation, qui répond dans des circonstances données à la sauvegarde de l’ordre public, ne doit pas excéder ce qui est nécessaire à garantir l’exercice d’une liberté ;
    « 5. Considérant qu’ainsi il appartient au législateur de concilier, en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme, avec, d’une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auquel ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ».
  • [26]
    C. const., n° 89-261 DC, 28 juil. 1989, Rec. 81, § 12 : « Si la sauvegarde de l’ordre public constitue un objectif de valeur constitutionnelle, le législateur peut, s’agissant des mesures applicables au séjour des étrangers en France, décider que les modalités de mise en œuvre de cet objectif reposeront, soit sur des règles de police spécifiques aux étrangers, soit sur un régime de sanctions pénales, soit même sur une combinaison de ces deux régimes. Les diverses dispositions édictées par le législateur doivent, en tout état de cause, se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ». V. aussi C. const., n° 93-325 DC, 13 août 1993, Rec. 224.
  • [27]
    Justices, n° 3, 1996, spéc. p. 330.
  • [28]
    B. Mathieu, M. Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, LGDJ, 2002, p. 425.
  • [29]
    C. const., n° 98-401 DC, 10 juin 1998 ; n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 ; n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003.
  • [30]
    Sur ce rôle du juge v. l’étude du Rapport 2013 de la Cour de cassation, « L’ordre public » (coord. G. Drago), dont on tire certains éléments pour la présente contribution.
  • [31]
    S. Roland, « L’ordre public », colloque précité, p. 16.
  • [32]
    V. la présente contribution du président Bernard Stirn, « Ordre public et libertés publiques ».
  • [33]
    Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, JO, 26 Juillet 2015. V. Aperçu rapide par M.-H. Gozzi, « Sed quis custodiet ipso custodies », JCP G 2015, act. 961 ; R. Parizot, « Surveiller et prévenir... à quel prix ? Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement », JCP G, n° 41, 5 oct. 2015, doctr. 1077. Le président de la République a, à cette occasion, saisi pour la première fois le Conseil constitutionnel d’une loi ordinaire, ce qui veut souligner l’importance des enjeux en cause.
  • [34]
    C. const., n° 2015-713 DC, 23 juil. 2015, Loi relative au Renseignement. V. le commentaire de M. Verpeaux, « La loi sur le renseignement, entre sécurité et libertés. À propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 », JCP G, n° 38, 14 sept. 2015, doctr. 981.
  • [35]
    C. const., n° 2015-713 DC, 23 juil. 2015, § 9. Le Conseil constitutionnel avait déjà exercé un tel contrôle de la finalité des mesures administratives, dans une décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, § 6. Il avait ainsi contrôlé les finalités définies par le législateur pour la procédure de réquisition administrative de données techniques de connexion informatique, en estimant que « les réquisitions de données permises par les nouvelles dispositions constituent des mesures de police purement administrative ; qu’elles ne sont pas placées sous la direction ou la surveillance de l’autorité judiciaire, mais relèvent de la seule responsabilité du pouvoir exécutif ; qu’elles ne peuvent donc avoir d’autre finalité que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions ; que, dès lors, en indiquant qu’elles visent non seulement à prévenir les actes de terrorisme, mais encore à les réprimer, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ».
  • [36]
    C. const., n° 2003-467 DC, 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, Rec. 211, § 7 à 9 : « Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l’article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l’autorité judiciaire. Les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public ».
  • [37]
    R. Polin (dir.), L’ordre public, PUF « Politique aujourd’hui », 1996, p. 7-25, spécialement p. 7.
  • [38]
    C. const., n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
  • [39]
    C. const., n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, § 22.
  • [40]
    C. const., n° 2010-92 QPC, 28 janv. 2011, § 9.
  • [41]
    C. const., n° 74-54 DC, 15 janv. 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse.
  • [42]
    C. const., n° 94-343/344 DC, 27 juil. 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (« Bioéthique »).
  • [43]
    C. const., n° 2012-249 QPC, 16 mai 2012, Société Cryo-Save France (Prélèvement de cellules du sang de cordon ou placentaire ou de cellules du cordon ou du placenta).
  • [44]
    C. const., n° 2010-39 QPC, 6 oct. 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. (Adoption au sein d’un couple non marié).
  • [45]
    C. const., n° 2010-92 QPC, précitée.
  • [46]
    Commentaire du Conseil constitutionnel, p. 18 et 19.
  • [47]
    C. const., n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, § 14.
  • [48]
    Cf. S. Pierré-Caps, « La Constitution comme ordre de valeurs », in La Constitution et les valeurs. Mélanges Dmitri-Georges Lavroff, Dalloz, 2005, p. 283.
  • [49]
    On se permet de renvoyer à notre article « La qualité de l’argumentation constitutionnelle », RFD const., n° 102, 2015, p. 335.
  • [50]
    Op.cit., p. 1.
  • [51]
    Eod. loc., p. 8.
  • [52]
    Eod. loc., p. 11.

1On connaît le mot de Portalis selon lequel « le maintien de l’ordre public dans une société est la loi suprême », l’expression « loi suprême » ne devant évidemment pas ici être comprise, par facilité d’interprétation, comme signifiant la Constitution.

2Les relations entre la notion d’ordre public et la Constitution doivent être envisagées selon des perspectives différentes. On ne peut considérer, comme on va essayer de le montrer, qu’un seul type de relation entre la notion d’ordre public et la norme constitutionnelle.

3Évidemment, il faudrait en préalable savoir de quel « ordre public » on parle quand on le rapporte à la Constitution. On ne peut reprendre l’ensemble des réflexions et définitions doctrinales ou jurisprudentielles de l’ordre public. Selon une première définition sommaire, l’ordre public peut être défini comme une notion qui encadre et, à la fois, légitime l’action des pouvoirs publics.

4C’est ici simplement la reprise de la vieille définition de Planiol selon laquelle « une disposition est d’ordre public toutes les fois qu’elle est imposée par une considération d’intérêt général qui se trouverait compromise si les particuliers étaient libres d’empêcher l’application de la loi » [1] ; ou encore celle de Philippe Malaurie : « l’ordre public, c’est le bon fonctionnement des institutions indispensables à la société » [2].

5Ces considérations d’intérêt général et de bon fonctionnement des institutions renvoient à la notion de « bon ordre », au sens le plus classique du terme, tel qu’on l’emploie par exemple en droit administratif, à travers la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale, en son article 97, à propos de la police municipale : « assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques ».

6Sur un autre plan, on souscrit également à l’affirmation de Thierry Revet et Pascale Deumier selon laquelle « l’ordre public n’est pas qu’un contenu, il constitue aussi un ensemble d’effets juridiques nécessaires à l’accomplissement de sa fonction d’instrument de structuration et cohésions sociales » [3]. Autrement dit, le Droit porte en lui-même un principe d’ordre public.

7Plus exactement, il faut d’abord voir dans la notion d’ordre public l’expression d’une autorité qui s’impose aux destinataires de la règle de droit. Ainsi, dans une première acception, la plus large, l’ordre public est l’expression de l’impérativité d’une règle de droit à laquelle on ne peut déroger.

8Selon cette perspective, l’ordre public autorise la restriction de certaines libertés, liberté d’agir, de contracter, ou au contraire impose d’agir d’une certaine façon conformément à une prescription d’ordre public, ce qui est une autre forme de restriction de la liberté.

9Ce caractère impératif de l’ordre public se manifeste de deux façons, pour reprendre les deux catégories identifiées par Jean Combacau [4].

10D’une part, l’ordre public concerne le maintien d’un ordre, face à certains désordres qui se traduisent par des « agissements matériels ». C’est l’ordre public au sens classique du maintien de la sécurité, tranquillité et salubrité publiques et des impératifs de la loi pénale. Il vient réguler les comportements par des interdictions ou des injonctions de faire ou de ne pas faire. C’est un ordre public de police, au sens le plus général et le plus classique du terme.

11D’autre part, une seconde conception de l’ordre public relève de techniques juridiques qui « se rassemblent toutes sous une idée commune : les titulaires d’un pouvoir légal, c’est-à-dire d’un pouvoir de produire des effets de droit par leurs agissements, ne peuvent l’exercer en toute liberté car des règles s’imposent à eux dans la façon dont ils en usent » [5].

12Cette seconde conception est celle de l’article 6 du code civil selon lequel « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ».

13Cet ordre public là vient de l’extérieur imposer ou interdire, en fonction d’exigences supérieures étatiques, extra-étatiques, internationales – conventionnelles ou non conventionnelles – ou supranationales comme celles du droit de la Convention européenne des droits de l’homme ou du droit de l’Union européenne.

14Historiquement, l’article 6 du code civil ne propose pas une définition de l’ordre public mais en fait une limite à l’exercice de la liberté contractuelle. Ce « refoulement dans le domaine contractuel », François Terré l’explique ainsi, et on ne saurait mieux dire : « en matière contractuelle, la liberté était première, sinon au fondement de l’engagement obligatoire, du moins dans la hiérarchie des préoccupations. L’ordre public remplissait un rôle, mais principalement afin d’assurer le plein exercice de la liberté contractuelle » [6].

15Et François Terré de souligner une deuxième manifestation de l’ordre public, hors la matière contractuelle : « Ailleurs, sa fonction était bien différente : il servait à la sauvegarde de tout un ordre social ; celui d’un État et d’une société donnés. En cela il était inséparable d’un ordre politique et social, de sorte que sa fonction protectrice avait là un objet différent. Il était médiateur entre l’individu et la société globale, par l’intermédiaire de la famille, ce qui a fait l’ordre public familial, une manifestation par excellence de l’ordre public » [7].

16Or, le contrat et la famille sont des matières bien peu constitutionnelles…

17Comment relier alors Ordre public et Constitution ?

Ordre public et Constitution

18Constatons d’abord que l’ordre public procède de la règle de droit. Au premier rang de ces règles, il faut placer la Constitution qui forme un ensemble juridique d’ordre public « par nature » s’imposant nécessairement par sa place la plus élevée dans la hiérarchie des normes juridiques, d’abord, parce que la Constitution fait naître un ordre politique en forgeant les institutions de l’État, bien plus, parce que la Constitution organise la règle de droit, son processus d’édiction certes, mais aussi la hiérarchie entre ces normes, cette hiérarchie étant la manifestation d’une puissance qui s’impose à tous les organes de l’État.

19Rapportée à l’ordre constitutionnel, la notion d’ordre public fait donc référence à l’action de l’État, au sens de pouvoirs publics constitutionnels, dont l’une des fonctions est justement d’assurer l’ordre public au sein de la société. Plus exactement, la Constitution organise l’État de façon qu’il soit garant de la paix civile et sociale, permettant la structuration de la société politique autour de principes « simples et incontestables », pour reprendre l’expression de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

20Plus largement encore, on peut considérer que la Constitution est « essentiellement » d’ordre public en ce qu’elle exprime l’autorité la plus haute de la règle de droit, réglant par son autorité les relations entre les normes de l’ordre juridique, tant du point de vue de leur hiérarchie que dans les relations entre droit interne et droit d’origine externe [8].

La mention de l’ordre public dans la Constitution

21En droit constitutionnel français, le bloc de constitutionnalité ne fait référence explicitement que deux fois à la notion d’ordre public, dans des situations spécifiques qui ne révèlent pas une notion constitutionnelle d’ordre public ayant une signification particulière.

22L’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonce ainsi que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Cette mention de l’ordre public est classique et signifie que la loi peut légitimement réglementer l’exercice d’une liberté. La rédaction de l’article 10 de la Déclaration est l’expression la plus courante de l’ordre public, celle de la sécurité publique. Elle renvoie au régime administratif d’organisation de la liberté d’expression et de religion.

23La seconde mention de l’ordre public se trouve à l’article 73, alinéa 4 de la Constitution qui fixe les domaines dans lesquels la loi et le règlement ne peuvent conférer aux régions et département d’outre-mer une habilitation à fixer les règles applicables sur leur territoire. Parmi ces restrictions, figurent les règles qui portent sur « la sécurité et l’ordre public ». L’ordre public est ici une restriction à l’habilitation que peuvent donner le législateur ou le pouvoir réglementaire à certaines collectivités d’outre-mer. Il fixe une limite de délégation de compétences.

24Derrière la notion d’ordre public, se profile celle d’intérêt général, d’un intérêt général protégé et coercitif par la référence à la notion d’ordre public mais ces deux notions ne sont pas confondues. Le Conseil constitutionnel en particulier fait bien la distinction entre les deux. Ainsi, « l’ordre public est regardé par le Conseil comme le “bouclier” de certaines des plus fondamentales de nos libertés : “la prévention des atteintes à l’ordre public est nécessaire à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle” » [9].

25Selon l’acception qu’en présente le Conseil constitutionnel, le cœur de l’ordre public est la sûreté au sens de l’article 2 de la Déclaration de 1789 [10], ce qui signifie que « il n’est de liberté possible dans une société où les individus craignent pour la sécurité de leur personne » [11].

26Les relations entre l’ordre public et la Constitution peuvent être placées à différents niveaux, selon différents degrés d’intégration de la notion d’ordre public au sein de la Constitution. L’ordre public peut d’abord être considéré comme une norme d’habilitation constitutionnelle (I). Il apparaît ensuite comme une méthode de contrôle de constitutionnalité (II). Enfin, la Constitution est l’expression par nature de l’ordre public (III).

I. — L’ordre public comme norme d’habilitation constitutionnelle

27Le premier niveau de relations entre l’ordre public et la Constitution est de considérer l’ordre public comme une norme d’habilitation de valeur constitutionnelle. Cette norme permet au législateur de délimiter les conditions d’exercice des libertés, au regard d’exigences constitutionnelles au nombre desquelles il faut compter l’ordre public [12]. Ainsi, « l’ordre public est précisément cette ressource qui intervient dans la régulation des rapports entre les sujets et la collectivité elle-même. L’ordre public est ainsi le moyen autant que le mobile qui fonde les autorités publiques à limiter l’exercice par les individus de leur liberté dans l’ordre privé ou dans leur sphère privée » [13].

28De ce point de vue, on sait que l’ordre public exerce son influence dans deux directions principales. Il comprend d’abord des règles impératives, indérogeables, auxquelles le législateur est soumis. L’ordre public s’exprime alors par des exigences de sécurité publique, au sens le plus classique qui soit : sûreté [14], protection des personnes et des biens [15], ou encore lutte contre la fraude [16].

29Ensuite, l’ordre public est, selon une finalité différente, nécessaire à l’exercice des libertés, il est ce qui tend à assurer la garantie effective des droits et libertés constitutionnels, ce que rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel en disant par exemple que « la recherche des auteurs d’infractions et la prévention des atteintes à l’ordre public, notamment d’atteintes à la sécurité des personnes et des biens, sont nécessaires à la mise en œuvre de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle » [17].

30Ainsi, les pouvoirs publics doivent être attentifs à assurer une conciliation équilibrée entre libertés et ordre public, conciliation qui revient à la loi, selon l’article 34 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel le rappelle en disant que « en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; dans le cadre de cette mission, il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré » [18].

31Plus précisément encore, en 2013, le Conseil constitutionnel a mieux défini ce cadre constitutionnel. Il rappelle qu’il revient au législateur, en application de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ainsi que les règles de la procédure pénale. Dans ce cadre, il lui incombe en particulier « d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, le respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés » [19].

32Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel souligne le rôle du juge, gardien de l’ordre public, en l’espèce de l’ordre public constitutionnel. Il existe donc, comme le souligne Étienne Picard « cette clause générale et implicite d’ordre public qui veut que tout droit et toute liberté, même de rang constitutionnel, ne puisse s’exercer que sous réserve des exigences de l’ordre public » [20] et il importe de souligner qu’il appartient au juge de rappeler les exigences de l’ordre public.

Conciliation de l’ordre public avec des règles constitutionnelles

33Plus exactement, le législateur doit concilier l’ordre public avec d’autres règles constitutionnelles. Ce raisonnement de conciliation montre que la règle d’ordre public est de même valeur juridique que le droit ou la liberté qu’elle vient limiter, c’est-à-dire également de valeur constitutionnelle. Ceci ne signifie pas nécessairement que la notion d’ordre public a en elle-même valeur constitutionnelle mais que des considérations d’intérêt général, rangées sous la bannière de l’ordre public, peuvent limiter une liberté ou un droit constitutionnels, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

34Le raisonnement général tenu par le Conseil constitutionnel est bien connu : « Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figure la liberté d’aller et de venir » [21].

35Ces considérations d’intérêt général peuvent trouver parfois une source indirecte dans la Constitution, lorsque, par exemple, le Conseil constitutionnel fait référence à un régime général d’exception dont la compétence revient au législateur et qui trouve sa source générale dans le régime de l’état de siège prévu à l’article 36 de la Constitution [22], même si le Conseil le distingue bien du régime législatif de l’état d’urgence, conforme à la Constitution pourvu qu’il assure la conciliation entre « les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public » [23].

L’ordre public comme objectif de valeur constitutionnelle

36L’ordre public a ensuite été qualifié d’objectif de valeur constitutionnelle, à partir de la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1982 [24]. Dans cette décision, le juge constitutionnel reconnaît l’ordre public comme une limite constitutionnelle à l’exercice de certaines libertés, en l’espèce la liberté de communication tirée de l’article 11 de la Déclaration de 1789, et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, inscrites à l’article 34 de la Constitution [25].

37La « sauvegarde de l’ordre public » constitue ainsi un objectif de valeur constitutionnelle qui est une norme constitutionnelle à vocation téléologique : le législateur doit tendre à la sauvegarde de l’ordre public comme au respect d’autres principes constitutionnels avec lesquels l’ordre public doit être concilié, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

38Ainsi, par exemple, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public permet au législateur d’édicter des règles spécifiques de police des étrangers ainsi que des sanctions pénales appropriées, mais ne le libère pas du respect des autres règles et principes de valeur constitutionnelle [26]. Comme le soulignait justement Nicolas Molfessis, ces objectifs constituent une « contrainte de nature téléologique » pour le législateur, une « catégorie purement fonctionnelle », ils sont « l’intérêt général en situation », « ils expriment la poursuite d’un intérêt général constitutionnellement protégé » [27].

39Pour d’autres auteurs, ces objectifs de valeur constitutionnelle trouvent à s’appliquer principalement dans deux directions : d’une part, la recherche de l’intérêt général, décliné en préservation de l’ordre public en matière pénale, en droit des étrangers ou encore dans la maîtrise des dépenses de santé ; d’autre part, les droits économiques et sociaux, qu’il s’agisse du droit à la santé, de l’objectif de pouvoir disposer d’un logement décent, ou encore du droit à l’emploi [28].

40Ainsi, l’ordre public est l’une des expressions de l’intérêt général, tel que le comprend le législateur à un moment donné, dans un contexte donné, dans un domaine donné, de façon située, intérêt général que la Constitution vient alors protéger sous le contrôle vigilant du Conseil constitutionnel.

41On constate que cette conception de l’ordre public touche toutes les branches du droit, dans la mesure où la Constitution étant le réceptacle des droits fondamentaux, ceux-ci peuvent exprimer des considérations d’intérêt général qui peuvent limiter certaines libertés.

42Ainsi, par exemple, selon une certaine doctrine du « solidarisme contractuel », on peut limiter la liberté contractuelle afin d’assurer une certaine sécurité contractuelle, dans un but d’utilité publique et sociale. Dans ce but, la liberté contractuelle peut être ainsi conciliée avec des objectifs sociaux. Selon cette conception, le Conseil constitutionnel admet que le pouvoir législatif peut restreindre la liberté contractuelle, pourvu que ces restrictions soient proportionnées à l’objectif recherché, le législateur ne devant pas méconnaître, de façon manifeste, la liberté découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789 au point de porter atteinte gravement à l’économie des contrats légalement conclus [29].

Le rôle du juge

43Tout juge peut être conduit à déterminer lui-même les restrictions aux droits que peuvent exiger les nécessités de l’ordre public [30].

44L’ordre public manifeste donc une double limitation. Il crée d’abord un mécanisme d’habilitation donné aux autorités publiques pour restreindre légitimement certains droits ou certaines libertés. Cette limitation des droits et libertés est organisée et encadrée, sous le contrôle du juge.

45Dans le même temps, cet ordre public comporte en lui-même des limites, des restrictions qui imposent de ne pas dépasser un certain degré dans l’atteinte portée aux droits et libertés. C’est ici qu’intervient le juge pour identifier ce qui relève ou non de l’ordre public. Dans cette identification de l’ordre public et des atteintes qui lui sont portées se manifeste le rôle régulateur de la façon la plus éclatante. Qu’il s’agisse de la restriction portée à certaines libertés pour des raisons d’ordre public ou de la mise à l’écart d’effets habituellement attachés à une règle de droit telle que l’exception d’ordre public opposée à l’application de la loi étrangère ou à la reconnaissance d’un jugement étranger, le juge constate que l’exercice d’une prérogative légale cède devant un impératif qualifié d’ordre public et que ce juge a qualité pour identifier, qualifier et appliquer.

II. — L’ordre public comme méthode de contrôle de constitutionnalité

46Le deuxième niveau de relations entre l’ordre public et la Constitution est le fait du Conseil constitutionnel, lorsque la notion d’ordre public est utilisée comme une méthode de contrôle de constitutionnalité de la loi. La notion d’ordre public est utilisée en contentieux constitutionnel des lois pour procéder à un contrôle de proportionnalité ou de conciliation entre des règles de valeur constitutionnelle. Comme le dit Sébastien Roland, « l’ordre public ne s’impose lui-même que dans la limite du principe de proportionnalité » [31].

L’exemple de la loi Renseignement de juillet 2015

47L’exemple du contrôle par le Conseil constitutionnel de la loi du 24 juillet 2015 relative au Renseignement illustre assez bien la conception de l’ordre public défendue par le Conseil constitutionnel, au regard d’un régime particulier de police administrative, l’ordre public étant considéré comme justifiant certaines limitations aux droits et libertés constitutionnels, sous réserve d’un contrôle de proportionnalité des mesures décidées par le législateur par le Conseil constitutionnel. On retrouve ici la même logique de raisonnement que celle utilisée par le juge administratif [32], qui combine un contrôle de la finalité des mesures administratives, de leur adaptation aux finalités recherchées, un contrôle de proportionnalité, et qui confie au juge administratif la compétence pour vérifier ces critères, dans un seul but de préservation de l’ordre public, qui forme la justification ultime de ces mesures de police, au même titre que les principes inscrits dans la Constitution.

48Le Conseil constitutionnel a été saisi en juin 2015 de la loi relative au Renseignement [33], qui vient renforcer les pouvoirs de l’autorité administrative dans la recherche des informations, particulièrement en cas d’infractions relevant du terrorisme. Ce renforcement des pouvoirs de police administrative est fondé sur des nécessités de maintien de l’ordre public, au sens le plus général et classique du terme. C’est un ordre public de prévention des infractions, qui s’exprime par l’exercice de pouvoirs administratifs exercés par le pouvoir exécutif, ses services et ses agents.

49Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet 2015 [34] révèle l’importance de la notion d’ordre public comme formant une justification à l’exercice d’une police administrative de prévention des infractions mais qui ne doit en aucun cas se transformer en action répressive, réservée au seul juge pénal et à l’autorité judiciaire.

50Ainsi, le Conseil rappelle d’abord « que le recueil de renseignement au moyen des techniques définies au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure par les services spécialisés de renseignement pour l’exercice de leurs missions respectives relève de la police administrative ; qu’il ne peut donc avoir d’autre but que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions ; qu’il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs », exerçant là un contrôle de la finalité des mesures de police administrative [35], constatant ensuite que « le législateur a précisément circonscrit les finalités ainsi poursuivies et n’a pas retenu des critères en inadéquation avec l’objectif poursuivi par ces mesures de police administrative » (§ 10).

51Le Conseil constitutionnel exerce ensuite un véritable contrôle de proportionnalité des mesures inscrites dans la loi en soulignant que « les dispositions de l’article L. 811-3 doivent être combinées avec celles de l’article L. 801-1, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée, aux termes desquelles la décision de recourir aux techniques de renseignement et les techniques choisies devront être proportionnées à la finalité poursuivie et aux motifs invoqués ; qu’il en résulte que les atteintes au droit au respect de la vie privée doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi ; que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et le Conseil d’État sont chargés de s’assurer du respect de cette exigence de proportionnalité » (§ 11). »

52On trouve les prémices de ce raisonnement du Conseil constitutionnel, pour justifier des mesures de police administrative, dès 2003 [36].

Moyens et conclusions soulevés d’office

53L’importance de l’ordre public en contentieux constitutionnels se traduit aussi, sur un autre plan, par l’existence de moyens contentieux, qualifiés de moyens d’ordre public et que le juge doit nécessairement soulever d’office si le requérant ne les soulève pas.

54Ce prisme contentieux est entièrement dans la main du Conseil constitutionnel. C’est lui qui considère que tel argument de constitutionnalité est ou non d’ordre public. Il n’emploie pas d’ailleurs l’expression de « moyen d’ordre public » mais de « moyen soulevé d’office », considérant qu’étant saisi de l’ensemble de la loi, dans le contentieux a priori, il peut soulever, de lui-même, des questions de constitutionnalité, soit à l’égard de dispositions législatives non contestées par les saisissants, qu’on appelle alors conclusions soulevées d’office, soit des moyens de constitutionnalité nouveaux à l’égard de dispositions contestées mais selon un argument de constitutionnalité auquel le Conseil substitue ce qu’on appelle alors un moyen soulevé d’office. Cette technique contentieuse est également utilisée dans le contentieux de la question prioritaire de constitutionnalité.

55On le voit, l’ordre public intervient aussi comme moyen d’exercice du contrôle de constitutionnalité, justifiant les finalités de l’action des pouvoirs publics, ou intervenant comme élément permettant un contrôle complet de la constitutionnalité de la loi.

III. — La constitution est, par nature, d’ordre public

56Le troisième niveau de relations entre l’ordre public et la Constitution est de considérer que la Constitution est, par nature, l’expression de l’ordre public. La Constitution peut être définie comme la règle d’ordre public par essence, dans un système juridique national. Non pas qu’elle soit une norme juridique indérogeable, puisque le constituant peut la modifier librement, mais d’abord parce qu’elle institue l’ordre juridique étatique et qu’elle pose d’une part des règles d’organisation de l’État et d’autre part des règles de fond – les droits fondamentaux constitutionnels – auxquels le législateur ne peut pas déroger.

57La deuxième raison de cette qualification d’ordre public que l’on doit donner à la Constitution est qu’elle est une norme d’habilitation, destinée aux autorités normatives, en premier lieu le législateur. La Constitution habilite le législateur à édicter des lois selon un cadre procédural et substantiel qui forme pour lui des règles qui s’imposent en tant que règles d’ordre public, auxquelles le législateur ne peut déroger ou se soustraire qu’en se transformant en constituant, selon des règles de composition et de majorité au sein des assemblées parlementaires qui autorisent seules la révision constitutionnelle.

58La Constitution est même ce que l’on peut appeler, selon nous, une « norme d’ordre public par nature », par son caractère impératif et indérogeable. Elle conduit le constituant, au nom d’un intérêt général supérieur, à poser des règles juridiques, de valeur constitutionnelle – c’est-à-dire au plus haut niveau de la hiérarchie juridique de l’État –, règles qui expriment un ordre des choses et des valeurs qui s’impose à toutes les autorités constituées ainsi qu’aux citoyens. Et cet ordre des choses et des valeurs rejoint les trois composantes de l’ordre public identifiées par Raymond Polin : « l’ordre des mœurs, l’ordre proprement politique et enfin l’ordre du social » [37].

59L’ordre politique se traduit par des institutions constitutionnelles, par des compétences conférées par la Constitution aux organes de l’État, qui puisent leur impérativité, caractéristique de l’ordre public, dans leur valeur suprême et leur légitimité, par la volonté du constituant.

Ordre constitutionnel et ordre des mœurs

60Si l’on accepte de reconnaître ces trois composantes dans la définition de l’ordre public, et que cet ordre public est intimement lié à la notion de Constitution, il faut bien constater que ces trois dimensions se retrouvent peu ou pas dans les constitutions contemporaines. La Constitution n’est pas, ou plutôt n’est plus, aujourd’hui une règle comportant des normes morales, fixant les mœurs ou en délimitant les contours de la vie en société. L’ordre des mœurs a disparu de l’ordre constitutionnel. On constate au contraire que ces normes morales sont volontairement évacuées du niveau constitutionnel par le constituant et par l’autorité chargé d’assurer le respect de la Constitution par les autorités publiques, c’est-à-dire, en France, par le Conseil constitutionnel. Un exemple récent le montre de façon significative.

61Dans sa décision du 17 mai 2013 relative à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe [38], le Conseil constitutionnel considère que la législation sur le mariage relève de la seule compétence du législateur et qu’il revient donc à celui-ci seulement de définir ce qu’est le mariage ainsi que les conditions permettant d’accéder à l’institution du mariage, qu’il s’agisse de couples hétérosexuels ou homosexuels.

62

Il le dit avec clarté : « en ouvrant aux couples de personnes de même sexe l’accès à l’institution du mariage, le législateur a estimé que la différence entre les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples de personnes de même sexe ne justifiait plus que ces derniers ne puissent accéder au statut et à la protection juridique attachés au mariage ; il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en matière de mariage, de cette différence de situation » [39].

63Cette logique de raisonnement est bien expliquée par le Conseil constitutionnel lui-même, dans le « commentaire » qu’il délivre en même temps que la décision sur son site internet. Derrière l’argument de la différence intrinsèque de situation entre les couples hétérosexuels et homosexuels, justifiant, selon les requérants, une différence de traitement, le Conseil a vu une atteinte à la « légitimité du législateur pour décider d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe » (commentaire, p. 18). Et le Conseil de développer ainsi son raisonnement et sa justification d’une compétence exclusive du législateur pour légiférer en ce domaine :

64Or, le Conseil avait implicitement mais nécessairement admis une telle légitimité dans sa décision précitée du 28 janvier 2011 sur les dispositions interdisant le mariage entre personnes de même sexe. Le Conseil a jugé, s’agissant du principe d’égalité :

65

« qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté » [40].

66De façon plus générale, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante pour souligner la compétence du Parlement sur ces sujets de société. Il en est allé successivement ainsi pour l’interruption volontaire de grossesse (n° 74-54 DC du 15 janvier 1975) [41], pour la sélection des embryons (n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994) [42], pour les greffes auto-géniques (n° 2012-249 QPC du 16 mai 2012) [43], pour l’adoption par des couples homosexuels (n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010) [44] ou pour le mariage homosexuel (n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011) [45].

67

Le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel de cette dernière décision notait :
« Le Conseil a donc jugé, en octobre 2010, qu’il en va de l’"homoparentalité" comme il en allait, en janvier 1975, de l’interruption volontaire de grossesse ou, en juillet 1994, de la sélection des embryons : cette question constitue l’archétype de la question de société dont la réponse, en France, appartient au législateur. »

68En janvier 2011, s’agissant de la demande des couples de personnes de même sexe d’accéder au statut du mariage, le Conseil constitutionnel avait confirmé sa jurisprudence respectueuse de la compétence du législateur [46].

69Ainsi, la question de l’ouverture de l’institution du mariage pour des « couples homosexuels » est une « question de société » relevant de la libre appréciation du législateur et qui ne soulève pas de problème de constitutionnalité.

70Le Conseil constitutionnel utilise là une formule habituelle dans sa jurisprudence qui exprime le self-restraint du contrôle de constitutionnalité, interdisant au juge de se transformer en législateur et qui lui impose d’assurer un contrôle de la constitutionnalité de la loi respectant la volonté légitime du législateur. Cette formule est bien connue, souvent utilisée par le Conseil, et résume en quelque sorte à elle seule l’exercice et les limites du contrôle de constitutionnalité :

71

« Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen » [47].

72Pour le Conseil constitutionnel, les « questions de société » n’ont pas d’ancrage constitutionnel, ce qu’il faut comprendre comme le constat de l’absence d’une règle constitutionnelle d’ordre public qui viendrait exercer son influence sur les mœurs. Il n’y a pas, en droit constitutionnel français contemporain, d’ordre des mœurs, composante de l’ordre public, qui trouverait sa source dans la Constitution.

73Est-ce à dire alors que la Constitution ne peut pas comporter de « valeurs » exprimant l’état moral et civique d’une société à un moment donné ? Le paradoxe est justement que la Constitution contient de nombreuses « valeurs » telles que la liberté, l’égalité, la propriété, ou encore le droit de résistance à l’oppression, qui fondent à la fois l’ordre juridique et la société politique et auxquelles on peut conférer la qualité de règles d’ordre public constitutionnel [48].

74On ne comprend pas alors cette exclusion de la Constitution concernant certaines normes sociales : pourquoi certaines normes morales et sociales pourraient se voir reconnaître une valeur constitutionnelle et d’autres non ? Il s’agit en réalité d’un choix discrétionnaire du constituant sur lequel il n’y a rien à dire. Le constituant doit pouvoir fixer librement le contenu de la Constitution et délimiter le périmètre des droits fondamentaux.

75La position de la justice constitutionnelle est moins commode. Le juge constitutionnel possède un pouvoir d’interprétation de la Constitution qui est considérable. Et on constate qu’il fait, dans l’exercice de ce pouvoir d’interprétation, des choix quasiment discrétionnaires, sauf à être contredit par la suite par le constituant, venant briser une jurisprudence constitutionnelle par le mécanisme de la révision.

76Mais on ne saisit pas clairement la logique de choix qui est celle du juge constitutionnel. Pourquoi telle règle peut-elle se voir reconnaître le caractère d’ordre public de règle constitutionnelle alors qu’à d’autres ce caractère est refusé ? La question se déplace inévitablement vers celle, plus controversée, de la qualité argumentative de la décision rendue par la juridiction constitutionnelle [49].

77Or, il serait justement très utile que le juge constitutionnel nous éclaire plus nettement sur ce qui peut faire qu’une règle de droit a un caractère d’ordre public et peut se voir reconnaître par voie de conséquence une valeur constitutionnelle. Il faut bien reconnaître que, sur ce point, la faiblesse argumentative des décisions du Conseil constitutionnel français ressort comparativement à celle du juge constitutionnel allemand, italien ou, dans un système juridique fort différent il est vrai, américain.

Conclusion

L’ordre public, une recherche d’harmonie

78« Un rocher, il nous faut un rocher », disait Jean Carbonnier, dans son « Exorde » au colloque consacré à L’ordre public à la fin du xxe siècle[50].

79Serait-ce cela, l’ordre public ? Un rocher, contre lequel se briseraient toutes les tentatives centrifuges des citoyens, des groupes sociaux et du communautarisme au sein de la société ? En ce sens, la Constitution peut être cette règle fondamentale d’ordre public qui rassemble et protège contre la désagrégation de la société.

80François Terré constate que si « ordre et désordre. Leur coexistence est naturelle », « l’ordre ne serait qu’un désordre dominé », mais aussi que « l’ordre public va de pair avec une préoccupation d’harmonie » [51]. L’ordre public comme recherche de l’harmonie, à mille lieues d’une conception répressive ou étriquée.

81Comme le rappelle encore François Terré, « l’ordre public est d’abord celui d’un peuple qui s’affirme et se perpétue malgré les vicissitudes, les aventures, les heurs et les malheurs de son histoire » [52]. N’est-ce pas la fonction majeure de la Constitution ?


Mots-clés éditeurs : proportionnalité, norme d’habilitation, conciliation de normes, Conseil constitutionnel, Constitution, ordre public, contrôle de constitutionnalité

Mise en ligne 18/08/2021

https://doi.org/10.3917/apd.581.0224

Notes

  • [1]
    Cité par Alain Le Pommelec, « La signification de l’ordre public en droit des contrats », in Ch.-A. Dubreuil (dir.), L’ordre public, éd. Cujas, 2013, p. 74.
  • [2]
    Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat (Les contrats contraires à l’ordre public). Étude de droit civil comparé : France, Angleterre, URSS, éd. Martot-Braine, 1953.
  • [3]
    P. Deumier, Th. Revet, V° « Ordre public » in D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, Lamy et PUF, 2003, p. 1120.
  • [4]
    « Conclusions générales » du colloque L’ordre public : Ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, M.-J. Redor (dir.), Bruylant, 2001, p. 415 et s.
  • [5]
    J. Combacau, article précité, p. 420.
  • [6]
    F. Terré, « Rapport introductif », in Th. Revet (coord. par), L’ordre public à la fin du XXe siècle, « Thèmes et commentaires » Dalloz, 1996, p. 4 ; v. aussi M. Mekki, L’intérêt général et le contrat. Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Bibl. de droit privé, tome 411, LGDJ, 2004.
  • [7]
    Id., p. 4.
  • [8]
    C’est le point de vue présenté par P. Deumier et Th. Revet, contribution précitée, p. 1120 : « L’ordre public participe des instruments juridiques par lesquels est structuré le groupe social. Il ressortit, ainsi, à un projet de type constitutionnel, car il articule les relations entre la loi nationale et la loi étrangère, entre la règle de jus cogens et les conventions particulières, entre la règle transnationale et le contrat international, entre la loi et le contrat, entre l’acte réglementaire et l’initiative individuelle. Fondant la suprématie de la norme qu’il caractérise, l’ordre public constitue, par suite, l’expression plus directe de l’autorité dans la règle de droit ».
  • [9]
    « Libertés et ordre public », présentation du Conseil constitutionnel, 8e Séminaire des Cours constitutionnelles, Erevan, 2 – 5 octobre 2003, source : site internet du Conseil constitutionnel : conseil-constitutionnel.fr, faisant référence par exemple à : C. const., n° 94-352 DC, 18 janv. 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Rec. 70, § 2 ; n° 99-411 DC, 16 juin 1999, Rec. 75, § 2.
  • [10]
    Déclaration de 1789, article 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
  • [11]
    Conseil constitutionnel, texte au Séminaire précité, p. 4.
  • [12]
    De ce point de vue, la question a déjà été largement et bien traitée par A. Roblot-Troizier, « L’ordre public dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Ch.-A. Dubreuil (dir.), L’ordre public, éd. Cujas, 2013, p. 309 et s., auquel on renvoie pour de plus amples développements.
  • [13]
    S. Roland, « L’ordre public », in Ch.-A. Dubreuil (dir.), L’ordre public, colloque précité, p. 15.
  • [14]
    C. const., n° 89-261 DC, 29 juil. 1989, Entrée et séjour des étrangers en France, § 13 ; n° 95-352 DC, 18 janv. 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, § 8.
  • [15]
    C. const., n° 80-127 DC, 19 et 20 janv. 1981, Sécurité et Liberté, § 56 ; n° 91-294 DC, 25 juil. 1991, Accord de Schengen, § 17.
  • [16]
    C. const., n° 2007-557 DC, 15 nov. 2007, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, § 11 : « l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, inclut la lutte contre la fraude ».
  • [17]
    C. const., n° 80-127 DC, 19 et 20 janv. 1981, Sécurité et Liberté, précité.
  • [18]
    C. const., n° 85-187 DC, 25 janv. 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie. Sur l’ordre public dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, outre la contribution d’A. Roblot-Troizier, in L’ordre public, Ch.-A. Dubreuil (dir.), précitée, v. aussi Ch. Vimbert, RD publ., 1994, p. 693 et s. Plus généralement : N. Jacquinot, Ordre public et Constitution, thèse, Aix-Marseille III, 2000.
  • [19]
    C. const., n° 2013-357 QPC, 29 nov. 2013, Société Wesgate Charters Ltd (Visite des navires par les agents des douanes), § 5.
  • [20]
    É. Picard, « Introduction générale », in M.-J. Redor (dir.), L’ordre public : Ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Bruylant « Droit et Justice », n° 29, 2001, p. 36. Dans ce même ouvrage v. J.-M. Larralde, « La constitutionnalisation de l’ordre public », p. 213 et s.
  • [21]
    Par ex. : C. const., n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, Rec. 252, § 78.
  • [22]
    Article 36 de la Constitution de 1958 : « L’état de siège est décrété en Conseil des ministres. Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement ».
  • [23]
    C. const., n° 85-187 DC, 25 janv. 1985, État d’urgence en Nouvelle-Calédonie, Rec. 43, § 3 et 4.
  • [24]
    C. const., n° 82-141 DC, 27 juil. 1982, Loi sur la communication audiovisuelle.
  • [25]
    Le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel, dans cette décision du 27 juillet 1982, mérite d’être reproduit : « 3. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" ;
    « 4. Considérant que l’article 34 de la Constitution dispose : "la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques" ; que cette réglementation, qui répond dans des circonstances données à la sauvegarde de l’ordre public, ne doit pas excéder ce qui est nécessaire à garantir l’exercice d’une liberté ;
    « 5. Considérant qu’ainsi il appartient au législateur de concilier, en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme, avec, d’une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auquel ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ».
  • [26]
    C. const., n° 89-261 DC, 28 juil. 1989, Rec. 81, § 12 : « Si la sauvegarde de l’ordre public constitue un objectif de valeur constitutionnelle, le législateur peut, s’agissant des mesures applicables au séjour des étrangers en France, décider que les modalités de mise en œuvre de cet objectif reposeront, soit sur des règles de police spécifiques aux étrangers, soit sur un régime de sanctions pénales, soit même sur une combinaison de ces deux régimes. Les diverses dispositions édictées par le législateur doivent, en tout état de cause, se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ». V. aussi C. const., n° 93-325 DC, 13 août 1993, Rec. 224.
  • [27]
    Justices, n° 3, 1996, spéc. p. 330.
  • [28]
    B. Mathieu, M. Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, LGDJ, 2002, p. 425.
  • [29]
    C. const., n° 98-401 DC, 10 juin 1998 ; n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 ; n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003.
  • [30]
    Sur ce rôle du juge v. l’étude du Rapport 2013 de la Cour de cassation, « L’ordre public » (coord. G. Drago), dont on tire certains éléments pour la présente contribution.
  • [31]
    S. Roland, « L’ordre public », colloque précité, p. 16.
  • [32]
    V. la présente contribution du président Bernard Stirn, « Ordre public et libertés publiques ».
  • [33]
    Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, JO, 26 Juillet 2015. V. Aperçu rapide par M.-H. Gozzi, « Sed quis custodiet ipso custodies », JCP G 2015, act. 961 ; R. Parizot, « Surveiller et prévenir... à quel prix ? Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement », JCP G, n° 41, 5 oct. 2015, doctr. 1077. Le président de la République a, à cette occasion, saisi pour la première fois le Conseil constitutionnel d’une loi ordinaire, ce qui veut souligner l’importance des enjeux en cause.
  • [34]
    C. const., n° 2015-713 DC, 23 juil. 2015, Loi relative au Renseignement. V. le commentaire de M. Verpeaux, « La loi sur le renseignement, entre sécurité et libertés. À propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 », JCP G, n° 38, 14 sept. 2015, doctr. 981.
  • [35]
    C. const., n° 2015-713 DC, 23 juil. 2015, § 9. Le Conseil constitutionnel avait déjà exercé un tel contrôle de la finalité des mesures administratives, dans une décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, § 6. Il avait ainsi contrôlé les finalités définies par le législateur pour la procédure de réquisition administrative de données techniques de connexion informatique, en estimant que « les réquisitions de données permises par les nouvelles dispositions constituent des mesures de police purement administrative ; qu’elles ne sont pas placées sous la direction ou la surveillance de l’autorité judiciaire, mais relèvent de la seule responsabilité du pouvoir exécutif ; qu’elles ne peuvent donc avoir d’autre finalité que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions ; que, dès lors, en indiquant qu’elles visent non seulement à prévenir les actes de terrorisme, mais encore à les réprimer, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ».
  • [36]
    C. const., n° 2003-467 DC, 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, Rec. 211, § 7 à 9 : « Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l’article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l’autorité judiciaire. Les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public ».
  • [37]
    R. Polin (dir.), L’ordre public, PUF « Politique aujourd’hui », 1996, p. 7-25, spécialement p. 7.
  • [38]
    C. const., n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
  • [39]
    C. const., n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, § 22.
  • [40]
    C. const., n° 2010-92 QPC, 28 janv. 2011, § 9.
  • [41]
    C. const., n° 74-54 DC, 15 janv. 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse.
  • [42]
    C. const., n° 94-343/344 DC, 27 juil. 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (« Bioéthique »).
  • [43]
    C. const., n° 2012-249 QPC, 16 mai 2012, Société Cryo-Save France (Prélèvement de cellules du sang de cordon ou placentaire ou de cellules du cordon ou du placenta).
  • [44]
    C. const., n° 2010-39 QPC, 6 oct. 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. (Adoption au sein d’un couple non marié).
  • [45]
    C. const., n° 2010-92 QPC, précitée.
  • [46]
    Commentaire du Conseil constitutionnel, p. 18 et 19.
  • [47]
    C. const., n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, § 14.
  • [48]
    Cf. S. Pierré-Caps, « La Constitution comme ordre de valeurs », in La Constitution et les valeurs. Mélanges Dmitri-Georges Lavroff, Dalloz, 2005, p. 283.
  • [49]
    On se permet de renvoyer à notre article « La qualité de l’argumentation constitutionnelle », RFD const., n° 102, 2015, p. 335.
  • [50]
    Op.cit., p. 1.
  • [51]
    Eod. loc., p. 8.
  • [52]
    Eod. loc., p. 11.
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