Notes
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[1]
Avocat, M. Saint-Germain fut député de l’Algérie (1889-1898), sénateur (1900-1920) inscrit au groupe de la Gauche progressiste et vice-président du Sénat (1915-1919).
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[2]
Olivier Le Cour Grandmaison, L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.
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[3]
Il s’agit plutôt d’un intergroupe créé en 1892 pour réunir les députés les plus engagés dans la défense de la construction impériale.
-
[4]
Louis-Charles Royer est l’auteur d’une œuvre prolifique et beaucoup lue. Son roman, La Maîtresse noir e (1928), fut publié à 400 000 exemplaires. Quant à Roland Dorgelès, il s’est fait connaître, entre autres, grâce au succès de Sur l a route mandarine (1925 et 80 000 exemplaires).
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[5]
Joseph Barthélemy et Paul Duez. Traité de droit constitutionnel (1933), Paris, Economica, 1985, p. 283. (Souligné par nous.) Barthélemy (1874-1945) fut professeur à la Faculté de droit de Paris et à l’École libre des sciences politiques, membre de l’Institut et président de l’Académie des Sciences morales et politiques. A partir de 1911, il fut aussi député, administrateur du journal Le Temps et garde des Sceaux sous le régime de Vichy (1941-1943). Duez (1888-1947) était professeur à la faculté de droit de l’université de Lille et membre de l’Institut international de droit public.
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[6]
Jules Ferry. « Discours du 28 juillet 1885. » in Discours et opinions, publiés par P. Robiquet, A. Colin, 1896, tome 5, p. 220.
« L’œuvre de la colonisation française a été l’œuvre de la IIIe République !
Nous devons l’affirmer bien haut. »
1Au tournant du XIXe siècle, les républicains favorables aux conquêtes coloniales ont réussi là où leurs prédécesseurs avaient échoué. Entre 1871 et 1913, les colonies sont passées de moins d’1 million de kilomètres carrés à 13 millions environ. Quant aux populations « indigènes », elles ont progressé de 7 à plus de 48 millions pour atteindre 70 millions en 1938. Extraordinaire expansion géographique et démographique. Elle est sans précédent dans l’histoire du pays qui s’est trouvé confronté à des tâches nouvelles auxquelles il n’était pas préparé. De là, des réformes multiples qui, fin XIXe, ont profondément affecté les institutions et la société métropolitaines ainsi que de nombreuses disciplines universitaires.
La construction de la République impériale
2Les conséquences de cette situation inédite pour l’État, plusieurs grandes écoles puis l’ensemble de l’Instruction publique, sont aussi importantes à l’époque qu’elles sont trop souvent négligées de nos jours. En quelques années, le pays s’est en effet doté de structures ad hoc vouées à la domination des territoires et des « indigènes » conquis, et de divers établissements nationaux – l’Alliance française en 1883 par exemple – dédiés en tout ou partie à l’outre-mer. En témoigne aussi la formation, fin décembre 1878, d’une Commission supérieure des colonies chargée de présenter au gouvernement des réformes institutionnelles destinées à faire de la France une véritable métropole. Trois ans plus tard, plusieurs propositions de cette Commission sont appliquées ; le prouve la mise en place du Conseil supérieur des colonies (1883). De plus, un secrétariat d’État aux colonies voit le jour (1882) avant que ne lui succède un véritable ministère (1894) dont la création sanctionne l’importance toujours plus grande des possessions « exotiques. » La construction impériale est aussi à l’origine d’une discipline juridique nouvelle : la législation coloniale. Elle est intégrée aux cours des facultés de droit en août 1905 alors que se multiplient thèses et manuels consacrés à cette matière complexe et changeante parce que soumise à un prurit législatif et réglementaire incessant dont les origines sont la raison d’État, le régime des décrets et les particularités de l’ordre public colonial.
3Pour faire face aux tâches multiples liées à l’avènement de la « Plus Grande France », créer de nouveaux organismes est nécessaire mais pas suffisant. Il faut disposer aussi des hommes capables d’assumer les premières et de diriger la seconde. Former ce personnel qualifié, tel est le rôle de l’École coloniale fondée le 22 novembre 1889. Peu après, les cursus de l’École libre des sciences politiques – aujourd’hui Sciences Po – et de Polytechnique sont modifiés afin d’associer ces deux établissements à cette mission essentielle : fournir à la République devenue impériale les cadres dont elle a besoin. En médecine également des spécialités et des établissements nouveaux sont créés [2]. Quant à la géographie et à l’histoire coloniales, elles complètent la liste des cours dispensés à la Sorbonne. En quelques décennies, l’ensemble du système d’enseignement a donc été réformé pour répondre aux nécessités de l’expansion française.
4Cette dynamique, qui s’étend sur une cinquantaine d’années, a transformé aussi la vie politique : en attestent la multiplication des débats relatifs à l’empire puis la création d’un puissant « parti colonial [3] ». À cela s’ajoute l’essor rapide de plusieurs disciplines – l’anthropologie physique et l’ethnologie – et sous-disciplines importantes comme la sociologie coloniale, la psychologie des peuples « indigènes » ou encore la science politique. Il faut y ajouter les fictions consacrées à l’outre-mer. Souvent apologétiques, elles rencontrent bientôt un succès populaire qui débouche sur la constitution d’un nouveau champ littéraire animé par des figures célèbres. À preuve, Louis-Charles Royer et Roland Dorgelès, par exemple, dont les romans sont tirés à des dizaines voire à des centaines de milliers d’exemplaires [4].
L’impérialisation de la République
5Pour rendre compte de ces processus divers, nous avons forgé le concept d’impérialisation de la IIIe République. L’État et les domaines mentionnés ne sont pas les seuls concernés. En effet, l’impérialisation des enseignements, la mobilisation des personnels de l’Instruction publique chargés de promouvoir la « Plus Grande France » auprès des élèves, l’instrumentalisation à des fins identiques de certains secteurs de la culture, les expositions coloniales – notamment celle de 1931 à Vincennes –, le recours à une véritable « propagande », dont les promoteurs ne taisent ni le nom, ni les fonctions, ont pour but l’impérialisation souhaitée de la société civile et l’avènement d’une « véritable mentalité coloniale. »
6En ce qui concerne les pouvoirs publics, ces changements conduisent à la construction d’un État impérial républicain indispensable à l’existence d’une métropole puissante. « À l’exemple de l’Angleterre », cet État combine des institutions organisées « sur le mode libéral » dans l’Hexagone et un ordre « autoritaire » fondé sur « l’inégalité des races » et l’assujettissement des « indigènes » comme le prouve leur statut de « sujets [5] » français privés des droits et libertés élémentaires et soumis, qui plus est, à des dispositions répressives et discriminatoires.
7Pour Jules Ferry et de nombreux républicains qui le soutiennent, l’empire a parfois été conçu comme une ressource électorale précieuse. Auprès des citoyens, elle leur permet de vanter les projets ambitieux pour lesquels ils se sont battus et d’affronter dans de bonnes conditions leurs suffrages. « Dites que vous avez voulu une France grande en toutes choses, (…) grande par les arts et la paix, par la politique coloniale, dites cela franchement » et chacun « vous comprendra. » Le pays « n’a jamais tenu rigueur à ceux qui ont voulu passionnément sa grandeur matérielle, morale et intellectuelle [6] » déclare le fondateur de l’École laïque à la Chambre des députés. Tout au long de la IIIe République comme à la Libération, les colonies ont été une source de fierté, de puissance et d’union nationales. Elles ont nourri le mythe d’un pays qui, fidèle à lui-même, aurait toujours été au service de la civilisation et de son rayonnement universel.
8Aujourd’hui, de nombreux dirigeants politiques de droite, le plus souvent, de gauche parfois, puisent encore dans ce passé mythifié arguments, prestige et conviction que la grandeur de la nation hier est le gage de sa grandeur présente. La loi indigne du 23 février 2005 en témoigne puisqu’une majorité a voté une législation qui établit une version officielle et positive de l’histoire coloniale. Rappelons que cette loi n’a jamais été abrogée et que son article 1er est ainsi rédigé : « La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochin. » Pour les amateurs d’exception française, en voilà une remarquable mais sinistre au regard des principes libéraux supposés limiter les pouvoirs de la puissance publique. En effet, ce pays est le seul État démocratique et la seule ancienne puissance impériale européenne où des dispositions législatives qualifient de la sorte cette histoire. Épilogue d’un combat politique désormais dépassé ? Prologue plutôt puisque Nicolas Sarkozy déclarait, le 7 février 2007, lors d’un meeting à Toulon tenu au cours de la campagne pour les élections présidentielles : « Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, (…), le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Égypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. » Neuf ans plus tard, en août 2016, dans des circonstances similaires, François Fillon affirmait : « Non, la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord. » Sur ce point comme sur plusieurs autres, la droite dite républicaine pense et parle depuis longtemps maintenant comme les dirigeant•e•s du Rassemblement national. Terrible involution.
Notes
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[1]
Avocat, M. Saint-Germain fut député de l’Algérie (1889-1898), sénateur (1900-1920) inscrit au groupe de la Gauche progressiste et vice-président du Sénat (1915-1919).
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[2]
Olivier Le Cour Grandmaison, L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.
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[3]
Il s’agit plutôt d’un intergroupe créé en 1892 pour réunir les députés les plus engagés dans la défense de la construction impériale.
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[4]
Louis-Charles Royer est l’auteur d’une œuvre prolifique et beaucoup lue. Son roman, La Maîtresse noir e (1928), fut publié à 400 000 exemplaires. Quant à Roland Dorgelès, il s’est fait connaître, entre autres, grâce au succès de Sur l a route mandarine (1925 et 80 000 exemplaires).
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[5]
Joseph Barthélemy et Paul Duez. Traité de droit constitutionnel (1933), Paris, Economica, 1985, p. 283. (Souligné par nous.) Barthélemy (1874-1945) fut professeur à la Faculté de droit de Paris et à l’École libre des sciences politiques, membre de l’Institut et président de l’Académie des Sciences morales et politiques. A partir de 1911, il fut aussi député, administrateur du journal Le Temps et garde des Sceaux sous le régime de Vichy (1941-1943). Duez (1888-1947) était professeur à la faculté de droit de l’université de Lille et membre de l’Institut international de droit public.
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[6]
Jules Ferry. « Discours du 28 juillet 1885. » in Discours et opinions, publiés par P. Robiquet, A. Colin, 1896, tome 5, p. 220.