Notes
-
[1]
Institut des Hautes Etudes Judiciaires.
-
[2]
Antoine Garapon, Sylvie Perdriolle, Boris Bernabé, Juges et Procureurs du XXIe siècle, janvier 2014, Odile Jacob, 130 pages.
-
[3]
Après-demain, La justice en perspectives, N° 30 (NF), juillet 2014.
-
[4]
Sylvie Perdriolle, « L’office du juge au cœur des transformations démocratiques », Après-demain, N° 30 (NF), p. 13-15.
-
[5]
Nathalie Chapon, « De la poétique de la médiation », Après-demain, N° 30 (NF), p. 27-30.
-
[6]
cf. Livre V du Code de procédure civile et décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amaible des différends.
-
[7]
Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Cette directive concerne les litiges transfrontaliers, mais selon son considérant n° 7 « rien ne devrait empêcher les États membres de les appliquer également aux processus de médiation interne ».
-
[8]
Articles L.1245-2, L.1451-1 et L.1454-5 du Code du travail.
-
[9]
Articles 83 et 84 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le 19 février 2015 après mise en œuvre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
1Pour contribuer à l’élaboration de son projet de « Justice au XXIe siècle », la Garde des Sceaux a suscité un colloque qui s’est tenu les 10 et 11 janvier 2014, à l’UNESCO. L’IHEJ [1] a produit, à cette occasion, un rapport intitulé « La prudence et l’autorité – l’office du juge au XXIe siècle » [2] La synthèse de ce rapport contient les importantes considérations suivantes :
« Nous suggérons donc de renverser la perspective : donner à chacun la capacité de conduire le règlement du litige ; la règle doit être de proposer chaque fois un conseil, une transaction ou une médiation, le traitement juridictionnel devant être l’exception. De tels modes de résolution redonneront aux citoyens de la capacité et leur permettront de devenir davantage acteurs du règlement du conflit et partie prenante de la solution qui sera trouvée. Il ne s’agit pas d’abandonner les personnes à leur sort, c’est-à-dire des arrangements entre soi, mais d’organiser un dégradé d’interventions : une première ligne est constituée par une offre sérieuse de règlement amiable des différends, le juge n’intervenant que comme recours. Médiation et conciliation doivent être considérées comme les premiers moyens de justice : ce ne sont pas des modes infra ou extra judiciaires mais des modes infra juridictionnels, la concorde étant la première mission de justice. Une dimension symbolique subsiste, mais elle ne passe plus nécessairement par le rituel de l’audience.
[…]
Une démocratie mature doit apporter sa pleine reconnaissance à des modes de résolution des différends qui ne sont pas “alternatifs” mais qui sont premiers. Identifier la vitalité possible des acteurs sociaux peut redonner force à des solutions plus horizontales, moins verticales. »
3Entre autres, le concept de médiation comme régulateur de la vie en société a, sinon acquis ses lettres de noblesse, été élevé au rang de « moyen premier ».
4Après-demain a récemment consacré un dossier à « La justice en perspectives » [3]. Ce numéro contient deux articles qui traitent de la médiation : celui de Sylvie Perdriolle qui place « l’office du juge au cœur des transformations démocratiques » [4], et celui de Nathalie Chapon qui traite, de manière surprenante et séduisante, « de la poétique de la médiation » [5].
5Le rôle de la médiation dans la régulation sociale est donc dorénavant un sujet de réflexion, mais aussi une matière du droit en général, et du droit du travail en particulier.
Les « MARC »
6Avant d’illustrer cette affirmation, il paraît utile de définir ce qu’il est convenu d’appeler les modes alternatifs de résolution des conflits, les « MARC » :
- la négociation, qui consiste à réunir les parties pour échanger des arguments et déboucher sur un accord fondé sur un ou plusieurs compromis ;
- la conciliation, qui est conduite par une tierce personne qui tente de convaincre les parties à un conflit de s’entendre, fut-ce en en proposant les termes de l’accord recherché ;
- l’arbitrage, qui est une forme de justice privée dans laquelle deux parties en conflit désignent un ou plusieurs tiers qui, à l’issue de la procédure, énonceront les termes de la sortie du conflit ;
- la médiation, qui est un processus structuré dont l’objectif est de permettre aux parties à un conflit d’en sortir selon des termes élaborés, formalisés et garantis par ces seules parties, grâce à l’intervention d’un tiers – le médiateur – qui a un rôle de facilitateur.
Droit du travail et médiation
7La médiation (du moins son appellation) est intégrée par plusieurs chapitres du droit :
- droit de la famille ;
- droit pénal ;
- droit civil [6] ;
- droit commercial ;
- droit du travail.
8Par définition, ces matières du droit sont distinctes, mais pas séparées, et encore moins isolées. A titre d’exemple, les relations du travail sont régies par le Code du travail, mais aussi par le Code civil et le Code pénal. Le droit européen participe de cette coexistence [7].
9En droit du travail, la médiation est juridiquement présente à l’occasion de trois circonstances :
- un conflit collectif ou individuel ;
- la dénonciation d’un harcèlement moral ;
- la dénonciation d’un harcèlement sexuel.
10Dans le domaine des conflits collectifs, la loi dispose que ceux-ci peuvent être soumis à une procédure de conciliation (art. L.2522-1 et s. du Code du travail). En cas d’échec de cette conciliation, les parties peuvent convenir d’avoir recours à une procédure de médiation (art. L.2523-1 et s. du Code du travail) ou à une procédure d’arbitrage (art. L.2524-1 et s. du Code du travail).
11L’ensemble de ces démarches peut être prévu par des accords collectifs. À défaut, il est possible d’avoir recours à une commission régionale ou nationale de conciliation. Ainsi, la procédure de médiation peut être engagée par le président de la commission de conciliation (art. L.2523-1 du Code du travail). Le médiateur peut être choisi par les parties ou, à défaut, être désigné sur une liste de personnes reconnues compétentes établie par l’administration.
12On relèvera toutefois que le concept de médiateur, tel qu’il est décrit par le Code du travail, crée la confusion des termes et peut être une source de difficulté pour le développement de cette pratique. En effet l’art. L.2523-11 donne de larges pouvoirs au médiateur : enquêtes, auditions, accès à des documents utiles à sa mission. De plus (art. L.2524-4), le médiateur est habilité à rechercher la conciliation et, en cas d’échec, à formuler des recommandations motivées en vue du règlement du litige (art. L.2523-5). Cela signifie que le médiateur, tel que défini par le Code du travail, est habilité à formuler des propositions en vue du règlement des termes au litige. Ce qui est contraire à la définition de la médiation telle que nous l’entendons.
13Si cette procédure peut avoir son utilité, elle ne modifie pas fondamentalement la nature des relations entre les parties. Le compromis éventuellement admis modifie les conséquences du conflit, pas les causes. Ceci explique que des conflits apparaissent à intervalles réguliers dans certaines entreprises, quand ils ne sont pas considérés comme un mode « normal » de « dialogue. ».
14Les conflits individuels du travail sont judiciairement traités devant les conseils de prud’hommes. Devant ces juridictions spéciales, la procédure de conciliation est obligatoire, à quelques exceptions près [8]. Le taux de réussite de cette phase est très faible, ne serait-ce que parce que les données du conflit ne sont pas fondamentalement modifiées par le seul fait de la comparution devant le conciliateur.
15Le projet de loi « Macron » comporte plusieurs dispositions visant à modifier la procédure prud’homale [9]. Toutefois, ces dispositions, même si elles visent à favoriser les règlements amiables, visent moins à innover dans le domaine de la sortie de conflit qu’à réduire les délais dont tout le monde s’accorde à considérer qu’ils sont trop longs.
16La possibilité du recours à une médiation est enfin offerte par les dispositions du Code du travail relatives à la répression du harcèlement moral et du harcèlement sexuel. La mise en œuvre de cette procédure relève en tout état de cause de l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur.
17Le terme de « sortie du conflit » est préféré, dans cet article, à celui de « résolution du conflit ». En effet, si le conflit est inévitable, a fortiori dans le mode du travail, ce qui importe c’est moins de rechercher une solution à tout conflit qu’à faire en sorte que les parties à ce conflit en sortent apaisées, fut-ce après avoir décidé de rompre sur la base d’un constat librement dressé et partagé. En l’occurrence, le terme « librement » se réfère moins aux empêchements de faire et de dire qu’au poids des émotions, des ressentis et des conflits en soi qui, parfois, conduisent à adopter un comportement rationnellement inexplicable. Ces facteurs priment si la prise de conscience des obstacles à une vision émancipée des causes d’un conflit n’a pas été favorisée par l’intervention d’un tiers formé à cet effet, qui accomplit sa mission dans le strict respect de règles de neutralité, d’impartialité et de confidentialité.
Notes
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[1]
Institut des Hautes Etudes Judiciaires.
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[2]
Antoine Garapon, Sylvie Perdriolle, Boris Bernabé, Juges et Procureurs du XXIe siècle, janvier 2014, Odile Jacob, 130 pages.
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[3]
Après-demain, La justice en perspectives, N° 30 (NF), juillet 2014.
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[4]
Sylvie Perdriolle, « L’office du juge au cœur des transformations démocratiques », Après-demain, N° 30 (NF), p. 13-15.
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[5]
Nathalie Chapon, « De la poétique de la médiation », Après-demain, N° 30 (NF), p. 27-30.
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[6]
cf. Livre V du Code de procédure civile et décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amaible des différends.
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[7]
Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Cette directive concerne les litiges transfrontaliers, mais selon son considérant n° 7 « rien ne devrait empêcher les États membres de les appliquer également aux processus de médiation interne ».
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[8]
Articles L.1245-2, L.1451-1 et L.1454-5 du Code du travail.
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[9]
Articles 83 et 84 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le 19 février 2015 après mise en œuvre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.