Couverture de APDEM_031

Article de revue

Les ressources minières, le pétrole, et après ?

Transition énergétique : vers l’utilisation des énergies renouvelables

Pages 24 à 25

Notes

  • [1]
    Kingsley Ighobor, « Ressources minières : la fin d’une malédiction ? », Afrique Renouveau, avril 2014.
  • [2]
    British Petroleum, BP Statistical Review of World Energy, juin 2014.
  • [3]
    Agence Internationale de l’Énergie, World Energy Outlook 2013, novembre 2013.
  • [4]
    Grégor Quiniou, Astrid Jarrousse, Stéphanie Mouen, « Le développement des énergies renouvelables en Afrique : un partenariat public-privé », Secteur Privé & Développement, n°18, novembre 2013, p.25-27.

Pauvreté persistante malgré l’abondance des ressources

1D’après la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), le continent abrite 54% des réserves mondiales de platine, 78% de diamants, 40% de chrome et 28% de manganèse. Des pays possédant des ressources naturelles abondantes comme la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, le Mozambique, la Mauritanie ou la Guinée, vivent malgré tout dans la pauvreté. La Guinée est dotée de certaines des réserves de minéraux les plus convoités de la planète, dont 40 milliards de tonnes de bauxite - la plus grande réserve du monde -, plus de 20 milliards de tonnes de minerai de fer, des diamants, de l’or et des quantités indéterminées d’uranium [1]. Et pourtant 55% des 11 millions d’habitants de la Guinée vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, indique la Banque africaine de développement.

2Les réserves prouvées non exploitées de pétrole sur le continent africain sont estimées à 130 milliards de barils, soit environ 8% du total mondial, et ces réserves continuent d’augmenter à mesure que l’évaluation de nouvelles découvertes progresse. Le Golfe de Guinée renferme l’un des plus grands gisements de pétrole sous-marins connus au monde, avec des réserves estimées à 24 milliards de barils de pétrole, soit 5% des réserves mondiales en offshore. En 2013, l’Afrique a produit près de 9 millions de barils de pétrole brut par jour (Mb/j), soit 10% du total dans le monde [2]. Près de 84% de cette production de pétrole provient de pays tels que le Nigéria, la Libye, l’Algérie, l’Égypte et l’Angola. Quant au gaz naturel, l’Afrique a des réserves prouvées de 502 trillions de pieds cubes (Tcf). La production annuelle de gaz naturel du continent est de 6,5 Tcf ; 90% de cette production provient du Nigéria, de la Libye, de l’Algérie et de l’Égypte. Au rythme des taux de production actuels, l’Afrique, comme continent, dispose de 70 ans de production de gaz naturel.

3En raison des prix élevés du pétrole, 108 $US le baril en 2013, et de la persistance de grandes découvertes de réserves de pétrole et de gaz, les pays africains riches en ressources peuvent être victimes de la malédiction du pétrole. Les recettes provenant de la vente du pétrole sont alors utilisées par les dirigeants pour financer des dépenses courantes et entretenir une clientèle politique nécessaire pour assurer la stabilité de régimes rarement démocratiques. On note également dans les pays concernés une baisse des activités dans les secteurs productifs tels que l’industrie et l’agriculture. Les pays les plus exposés sont l’Algérie, le Nigéria, l’Angola, la Guinée équatoriale, la Libye, le Congo, le Soudan, le Soudan du Sud, le Gabon, le Tchad et le Cameroun.

Insuffisance des capacités électriques

4La capacité installée de toute l’Afrique est de 114 000 mégawatts (MW). Elle comprend la production d’électricité de l’Afrique subsaharienne qui est de 68 000 MW. Sur ce total, l’Afrique du Sud produit à elle seule plus de 44 000 MW. Sans elle, la production électrique d’Afrique subsaharienne s’élèverait à 24 000 MW, un chiffre largement inférieur aux 40 000 MW dont a besoin l’État de New York aux États-Unis. Du fait de cette production d’électricité insuffisante, les délestages sont fréquents en Afrique, la productivité des entreprises est freinée, ce qui limite la croissance du continent. En plus, les taux d’électrification sont faibles dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. En 2010, sur une population totale de plus d’un milliard d’habitants, près de 600 millions d’Africains, soit 57% de la population, n’avaient pas accès à l’électricité. En 2035, la consommation d’énergie par habitant en Afrique n’atteindra pas le tiers de la moyenne mondiale. L’Afrique est donc le continent présentant le niveau d’insécurité énergétique le plus élevé [3].

Nécessité d’une transition énergétique

5Plus de 80% de l’énergie primaire consommée dans le monde provient des combustibles fossiles : pétrole, gaz naturel et charbon. Le pétrole et le gaz naturel représentent 56% de la fourniture d’énergie primaire et le charbon 25%. La part occupée par les énergies fossiles ne varie pratiquement pas d’ici 2030 dans le scénario de référence de l’Agence Internationale de l’Énergie. La consommation de combustibles fossiles émet des gaz à effet de serre (GES) tels que le dioxyde de carbone CO2, le méthane CH4 et le protoxyde d’azote N2O, dont les concentrations augmentent dans l’atmosphère et qui sont responsables des bouleversements climatiques que l’on observe. L’Afrique est le continent qui émet le moins de GES dans le monde, environ 4% du total, mais c’est la région la plus touchée par le changement climatique du fait de sa vulnérabilité. L’agriculture est particulièrement menacée. À l’heure actuelle, quelques 240 millions d’Africains souffrent déjà de la faim. D’ici 2050, il suffira d’une augmentation de la température de la Terre de 1,2 à 1,9 degré Celsius pour accroître le nombre d’Africains sous-alimentés de plus de 25% en Afrique centrale, 50% en Afrique de l’Est, 85% en Afrique australe et 95% en Afrique de l’Ouest.

6Dans le contexte actuel d’une demande croissante d’énergie, l’épuisement inéluctable des ressources fossiles, ainsi que le réchauffement climatique qu’elles causent, font clairement apparaître le caractère non durable du modèle énergétique en cours. Il faut donc engager une transition vers un modèle plus durable, dans lequel les énergies décarbonées auront une place prépondérante dans le mix énergétique. L’Afrique dispose d’énormes ressources en énergies renouvelables que sont la biomasse, l’énergie hydraulique, l’énergie éolienne, l’énergie solaire et la géothermie. Le potentiel hydroélectrique économiquement viable est compris entre 100 et 150 gigawatts (GW). Les ressources éoliennes sont elles aussi très importantes et exploitables, particulièrement dans les zones côtières de l’Est et du Sud de l’Afrique où la ressource est l’une des meilleures au monde. La ressource solaire est abondante en Afrique. Les estimations du solaire photovoltaïque dans l’approvisionnement énergétique de l’Afrique à l’horizon 2030 sont comprises entre 15 et 62 GW. Enfin, l’énergie géothermique est aussi prometteuse avec un potentiel estimé entre 7 et 15 GW [4].

7Ces énergies renouvelables sont aujourd’hui le meilleur moyen de lutter contre les changements climatiques observés. Elles présentent également en Afrique de réels enjeux dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et pour l’initiative Sustainable Energy for All (SE4All) des Nations Unies. Elles renforcent la sécurité énergétique, en particulier dans les pays qui ne produisent pas de pétrole, créent des emplois et contribuent à la lutte contre la pauvreté en améliorant l’accès à l’énergie, notamment dans le cas des populations rurales ou isolées. L’intérêt économique des énergies renouvelables est particulièrement perceptible si l’on tient compte des externalités environnementales liées aux énergies conventionnelles, ou lorsque les clients potentiels sont dispersés et n’ont pas déjà accès à un réseau de distribution d’électricité. L’Afrique, dont l’industrialisation est à peine naissante, a donc tout intérêt à opérer dès maintenant une transition énergétique vers ces énergies propres que sont les énergies renouvelables, en mettant sur pied une législation qui encourage la création d’industries dont le fonctionnement utilise des technologies à énergies renouvelables. L’Afrique éviterait ainsi d’accélérer l’augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre responsables des bouleversements climatiques. Cette option, bien négociée dans les forums internationaux, pourrait, par ailleurs, se transformer en une source nouvelle de financement pour le développement des pays africains, comme c’est le cas des fonds climatiques et des fonds pour les énergies durables. Les négociateurs africains devront également insister tout le temps sur l’indispensable naissance en Afrique d’une industrie de l’énergie et, plus particulièrement, d’une industrie des technologies à énergies renouvelables. Cela implique le transfert de technologies de fabrication vers l’Afrique.

Notes

  • [1]
    Kingsley Ighobor, « Ressources minières : la fin d’une malédiction ? », Afrique Renouveau, avril 2014.
  • [2]
    British Petroleum, BP Statistical Review of World Energy, juin 2014.
  • [3]
    Agence Internationale de l’Énergie, World Energy Outlook 2013, novembre 2013.
  • [4]
    Grégor Quiniou, Astrid Jarrousse, Stéphanie Mouen, « Le développement des énergies renouvelables en Afrique : un partenariat public-privé », Secteur Privé & Développement, n°18, novembre 2013, p.25-27.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.168

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions