1L’envie de s’engager au service d’une cause ou d’un idéal est une caractéristique forte de la jeunesse de notre pays. Lorsque je rencontre des jeunes dans les missions locales comme dans les grandes écoles, dans les lycées comme dans les centres d’apprentissage, tous me disent la même chose : “oui, je veux m’engager, oui je veux donner de mon temps pour les autres”. Or, jusqu’à présent, aucun dispositif ne permettait de répondre de façon satisfaisante à ce besoin d’engagement : manque de moyens, complexité, absence de valorisation, il y avait plus d’obstacles sur la route de l’engagement que de voies d’entrée attractives.
Les deux mots d’une haute ambition
2C’est ce qui change aujourd’hui avec la création du Service civique, adopté par le Parlement au départ d’un très large consensus. Le terme de “service civique” est porteur d’une très haute ambition pour notre Nation, pour notre société et pour notre jeunesse. Le nouveau dispositif que nous allons mettre en œuvre permettra de reconnaître, après une longue éclipse, que notre pays a besoin d’engagement, et plus particulièrement de l’engagement des jeunes. Il permettra de donner une nouvelle jeunesse au creuset républicain et d’offrir de nouvelles perspectives à la jeunesse d’aujourd’hui et de demain.
3Certains trouveront dans la création du service civique la réparation de la disparition du service militaire. D’autres considèreront que le service civique est le prolongement de formes d’engagement qui existaient avant 1995. Nous ne créons pas le service civique par nostalgie mais parce que nous croyons en l’avenir. Le service civique est un acte de confiance dans la capacité de notre jeunesse à servir l’intérêt général. D’ailleurs, personne ne peut rester indifférent devant la création, au sein du code du service national, d’un nouveau chapitre consacré au service civique et le symbole n’est pas neutre. Il donne un poids à cette ambition et signifie que désormais il y aura une autre manière de servir sa Nation, de servir sa patrie, de servir la société, par un engagement volontaire reconnu, encouragé, valorisé.
Une réponse que chacun pourra faire sienne
4Si au cours de ces derniers mois, notre pays avait débattu de ce que c’est que d’être un citoyen dans notre pays, nul doute qu’il aurait considéré le service civique comme un instrument privilégié pour faire partager au plus grand nombre la grandeur et la servitude de la citoyenneté. Quand on analyse les maux de notre société, les déficits de notre cohésion sociale, la perte de sens, la crainte du déclassement, les difficultés à trouver les raisons de vivre ensemble, le magma des incompréhensions et le brasier des intolérances, on devrait naturellement répondre “service civique”.
5Notre pays a l’art de se déchirer sur les questions qui devraient l’unir, de polémiquer sur les sujets identitaires, de laisser les uns et les autres se disputer le monopole du bien commun. Le service civique est, lui, une réponse qui a vocation à rassembler, à réunir, à mobiliser, à transcender les clivages. Aux défis que nous traversons, il est une réponse appropriée, que personne ne pourra s’approprier, mais que chacun pourra faire sienne.
6Nous ne sommes pas les premiers à mettre sur le métier l’ouvrage du service civique pour les jeunes. Il y a quatre ans, la création d’un service civil avait suscité l’enthousiasme pour être la réponse aux incendies dans les banlieues. Mais, faute de crédits, faute de volonté politique réelle, faute de constance de l’Etat, cette réponse a fait long feu.
Le civisme, c’est pour tous
7Certains auraient voulu que le service civique soit obligatoire pour les jeunes. Avec des arguments forts. Le civisme, c’est pour tous. Si le service civique est un apprentissage de la citoyenneté, nul ne doit se soustraire à cet apprentissage. Si le service civique est volontaire, n’y-a-t-il pas un risque que les volontaires soient celles et ceux qui ont déjà l’opportunité de construire leur propre parcours et qui sont, parmi les jeunes, les plus privilégiés ? Un service civique pour les futurs officiers de la Nation, rien pour l’innombrable troupe des fantassins de la République. Et le service civique volontaire est-il compatible avec l’objectif de mixité et de cohésion sociale ? Si on reconnaît le rôle intégrateur de la conscription, n’était-ce pas son caractère général, obligatoire qui en était la raison ?
8Obligatoire ? La question a été longuement et passionnément débattue au Sénat. Nous avons retenu le principe d’un service civique volontaire. Pourquoi volontaire ? Parce qu’une société qui ne sait pas procurer un emploi à ces jeunes ne saurait les contraindre à accomplir un service civique. Une société qui ne se montre pas suffisamment solidaire, pas suffisamment engagée vis-à-vis de la jeunesse, ne saurait exiger d’eux une solidarité spécifique et un engagement particulier. Que la question se repose quand la situation des jeunes sera normalisée, pourquoi pas ?
Mobilisation générale
9Pour autant, le service civique doit contribuer à cette intégration. En offrant un cadre et des moyens à l’engagement, la société soutient les jeunes, et les vertus prêtées à un service civique obligatoire doivent être les vertus conférées à un service civique volontaire. C’est en substance ce qu’a déclaré le Président de la République lors de son discours du 29 septembre 2009 en Avignon, lorsqu’il y a fixé les axes d’une politique pour la jeunesse : “Je veux une génération qui ait envie de s’engager et qui soit en capacité de le faire. Une génération solidaire qui se mobilise pour une cause ou pour un idéal. Une génération qui s’investisse pleinement dans la vie associative, syndicale, politique. Une génération qui ne raisonne pas seulement en termes de droits mais aussi de devoirs. Le service civique entre pleinement dans ce projet de société. Un service civique volontaire, car l’engagement est avant tout un don de soi”.
10Pour toutes ces raisons, nous devons nous mobiliser pour le service civique : l’Etat, les collectivités, les associations, les missions locales, etc. L’Etat se mobilisera, en y mettant les moyens. L’indemnité servie aux jeunes, pendant les six à douze mois de service civique, sera versée intégralement par l’Etat. Le service civique concernera d’ici 5 ans 10% d’une classe d’âge. Pour atteindre cet objectif, ce sont 500 millions d’euros qui devront être mobilisés chaque année par l’Etat. Nous avons conscience de l’importance de cet effort. Il est aussi considérable que l’enjeu.
11Les associations, les collectivités territoriales, les missions locales se mobiliseront pour accueillir, encadrer et proposer aux jeunes des missions dignes d’intérêt. Elles ont, tout au long de ces mois, manifesté leur intérêt et fait part de leur disponibilité.
Sans engagement, pas de vraie citoyenneté
12Les “seniors” seront appelés à se mobiliser, pour que leur engagement civique puisse se traduire par une contribution à l’encadrement, au tutorat et à l’accompagnement des jeunes. C’est le sens du service civique senior que de contribuer aux solidarités intergénérationnelles.
13Nous mobiliserons les intellectuels et les grandes figures qui incarnent l’engagement pour concevoir une formation citoyenne et civique de qualité, pour que chaque jeune mesure qu’il n’y a pas de citoyenneté sans engagement.
14Nous mobiliserons les universités et les écoles, pour que le service civique soit reconnu officiellement dans le parcours d’un jeune, pour qu’il puisse s’accomplir sans qu’on lui oppose les contraintes d’un cursus, qu’il puisse être valorisé dans l’obtention d’un diplôme.
15Nous mobiliserons les employeurs pour que l’accomplissement du service civique soit considéré comme un atout maître dans le parcours d’un jeune. Il y avait une époque où la première ligne du CV d’un jeune homme était “dégagé de ses obligations militaires”. Désormais, la première ligne d’un CV, d’un jeune homme ou d’une jeune femme, pourra être : “engagé dans un service civique volontaire”.
16Les jeunes se mobiliseront. Je n’ai pas de doute pour affirmer qu’ils seront présents au rendez vous du service civique et que nous pourrons évaluer le succès de ce dernier à l’aune de deux critères. Le service civique sera un succès s’il permet aux jeunes qui portent en eux une soif d’engagement, un besoin de générosité, un souci d’altruisme, de réaliser leur projet dans un tel cadre. La société a besoin d’eux, et de leur dire que devenir adulte, ce n’est pas se départir de ses idéaux de jeunesse, c’est les vivre, les faire grandir et les faire partager.
17Ce succès suppose aussi que le service civique puisse mobiliser les jeunes qui n’ont pas de projet d’avenir, qui n’ont pas conscience de leur utilité dans la société, pour lesquels le lien avec une aventure collective est abstrait. Le service civique est un message que nous leur adressons, un appel que nous leur lançons. Nous ferons tous les efforts pour que le service civique leur soit accessible et devienne pour eux une opportunité de renouer avec la passion, l’effort, l’exigence, le goût du projet collectif.
18C’est une opportunité offerte à chaque citoyen. L’objectif de mixité implique que toutes les catégories de la population puissent cohabiter, se mélanger et se rencontrer. Pour une partie de la population, un travail de pédagogie et de conviction sera nécessaire pour lever les réserves ou tout simplement faire connaître le dispositif. Nous l’entreprendrons.
19Le service civique n’est pas une simple formalité, encore moins une corvée inutile. Il sera utile aux jeunes, il sera également utile à la société toute entière. Il sera au service de causes environnementales, sociales, culturelles, citoyennes, pour la solidarité internationale et pour le développement. Une génération qui s’engage, c’est une génération qui reste marquée à jamais par le souci de l’altruisme, par la capacité de faire, par le sens du projet, par le goût de l’aventure. Voilà l’enjeu passionnant du Service civique pour les mois qui viennent.