GEORGES PICQUART - Dreyfusard, proscrit, ministre par Christian Vigouroux - Lauréat du Prix Seligmann 2009, Editions Dalloz-Sirey
1Après-demain s’était déjà fait l’écho de ce livre remarquable dans son numéro 11. Nous tenons à rappeler ici les mérites de Georges Picquart.
2Christian Vigouroux est conseiller d’Etat, professeur associé à l’Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines. Il a été notamment directeur du cabinet du ministre de l’Intérieur en 1990 et du Garde des Sceaux en 1997. Il est l’auteur de “Déontologie des fonctions publiques”, Dalloz, 2006.
3Bien que l’histoire n’ait pas retenu le nom de Georges Picquart qui est pourtant l’un de ceux qui ont le plus contribué à faire établir l’innocence de Dreyfus, l’auteur a tenu à lui rendre hommage. Affecté à la tête des services secrets six mois après la condamnation de ce dernier, il s’aperçoit très vite que les documents qui ont permis d’établir sa culpabilité ne sont pas de la main du condamné. Son supérieur hiérarchique informé de sa découverte estime “qu’il est inutile de perdre son temps à se préoccuper du sort de ce juif”. Le lieutenant colonel Picquart scandalisé par cette réaction s’indigne et affirme qu’il ne gardera pas ce secret pour lui à une époque où les fonctionnaires sont paralysés par la peur de déplaire et la crainte de perdre leur place. Avec un courage incroyable, compte tenu des risques pour sa carrière, il va s’engager pour rétablir la vérité et deviendra le plus fervent défenseur de Dreyfus. Ses chefs, l’Etat major, les ministres jusqu’au Président de la République s’irritent de son comportement qu’ils prennent pour un entêtement orgueilleux. Fort de ses certitudes, ce fonctionnaire courageux et intègre qui connaît l’exactitude des faits ne renoncera pas, malgré les pressions qu’il subit.
L’ironie du sort
4Ambitieux, déterminé, stratège, laïc, secret, mélomane, polyglotte, curieux de tout, ironique, rejetant les réflexes antisémites que son milieu lui avait légués, mais aussi hautain, égocentrique et rancunier, Picquart reste une figure significative de celles que la IIIème République a su produire pour construire un Etat de droit.
5Sa carrière est néanmoins brisée. Dans un premier temps il sera exilé, puis banni de l’armée pendant dix ans. Emprisonné pendant un an, sans jugement, il ne cède toujours pas et il lutte sans répit pour sa réintégration dans l’armée et la réhabilitation de Dreyfus par un retournement saisissant qui soulève l’indignation des anti-Dreyfusards, il deviendra ministre de la guerre de Clemenceau.
6Ce livre est un hommage à cet officier qui eut le courage de prendre la parole pour faire prévaloir la vérité. Il nous montre qu’il est toujours possible, quand on est courageux de ne pas subir les pressions et de faire éclater la vérité. Malgré l’exil, le bannissement de l’armée pendant dix ans, l’emprisonnement pendant un an, il est resté l’un des principaux défenseurs de Dreyfus abandonné de tous. Que son courage serve d’exemple à tous ceux qui pourraient être amenés à choisir entre leur carrière et leur conscience.
