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Article de revue

Nouvelles technologies et liberté d’expression : le droit pénal (perdu) entre adaptation et innovation

Pages 55 à 75

Notes

  • [1]
    Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, Loi relative à la liberté de communication ; Rec. Cons. const. 1986, p. 141 ; Cons. const., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC : AJDA 2009, p. 1132 ; D. 2009. p. 1770, obs. J.-M. Bruguière ; RFDA 2009, p. 1269, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010, p. 97, obs. H. Périnet-Marquet.
  • [2]
    Conv. EDH, art. 10 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière » ; CEDH, 7 déc. 1976, n° 5493/72, Handyside c/ Royaume-Uni ; N. Le Bonniec, La Cour européenne des droits de l’homme face aux nouvelles technologies de l’information et de communication numériques, Revue des droits et libertés fondamentaux 2018, n° 5.
  • [3]
    CEDH 7 déc. 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, § 49, GACEDH, n° 7.
  • [4]
    L’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à l’épreuve d’internet, Rapp. d’information fait au nom de la commission des lois du Sénat, 6 juill. 2016 ; Projet de loi Egalité et citoyenneté, modifié en première lecture par le Sénat, 18 oct. 2016, art. 37 et s).
  • [5]
    Sur la question : I. Soskin, Les nouvelles formes d’atteintes à la "réputation" et à "l’image" de la personne dans l’environnement numérique, Legipresse 2016, n° 336, p. 145.
  • [6]
    E. Derieux, Lutte contre le terrorisme et droit de la communication, Legipresse 201, p. 685 ; Ph. Segur, Le terrorisme et les libertés sur l’internet : AJDA 2015, p. 160.
  • [7]
    CEDH, gr. ch., 16 juin 2015, n° 64569/09, Delfi AS c/ Estonie, RTD eur. 2016. 341, obs. F. BenoîtRohmer. Sur cette question, v. M. Afroukh, La liberté d’expression face aux discours haineux en ligne dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Dalloz IP/IT 2017. 575 ; H. Oberdorff, La liberté d’expression à l’ère numérique en Europe, Politeia, 2017, n° 31, p. 193.
  • [8]
    Sur la question, A. Granchet, La liberté d’expression face au défi numérique et sécuritaire, Légipresse 2015, n° 33, p. 648.
  • [9]
    Si, toutefois, la teneur du message ne vise pas un tiers (car, si tel est le cas, la non^constitution de l’infraction est conditionnée au fait que le message est transmis dans les conditions de la confidentialité (Cass. crim., 12 juill. 1972, Bull. crim. 1972, n° 241 ; Cass. crim., 26 janv. 1993, Bull. crim. 1993, n° 41 ; Cass. crim., 17 janv. 1995, Dr. pén. 1995, comm. 120, M. Véron ; Cass. crim., 30 mai 2007, n° 06-86.326 ; Cass. crim., 24 mai 2011, n° 10-85.184, Comm. com. électr. 2011, comm. 92, A. Lepage ; Cass. crim., 11 avr. 2012, n° 11-87.688, Bull. crim. 2012, n° 89 ; Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-84.042 ; Cass. crim., 14 oct. 2014, n° 13-85.512.
  • [10]
    Cass. crim., 6 janv. 2015, n° 13-87885.
  • [11]
    Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-80353.
  • [12]
    Cass. crim., 28 avr. 2009, n° 08-85249.
  • [13]
    Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 14-87605.
  • [14]
    Cass. crim., 12 mai 2015, n° 14-80.430.
  • [15]
    Cass. crim., 21 juin 2016, n° 15-82.529.
  • [16]
    En droit du travail, v. CA Besançon, 15 nov. 2011, n° 10/02642 : CCE, 2012, n° 4, 2012 : « qu’il s’en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré, au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu’il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son « mur ».
  • [17]
    Cass. civ. 1ère, 10 avr. 2013, n° 11-19530, JCP G, n° 17, p. 816, obs. L. Marino ; RLDI 2013, n° 93, p. 47, obs. J. de Romanet et L. Costes ; A. Lepage, « La notion de communauté d’intérêts à l’épreuve des réseaux sociaux », CCE, 2013, n° 7, p. 43.
  • [18]
    Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 15-86.916 ; Cass. crim., 14 mars 2017, n° 15-85.512 ; V. également CA Montpellier, ch. 1 D, 15 juin 2017, n° 16/06872.
  • [19]
    C. pén., art. 223-13 al. 1er : « Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide ».
  • [20]
    CA Rennes, 22 juin 2010.
  • [21]
    Cass. crim., 18 oct. 2016, n° 15-86.317.
  • [22]
    Cass. civ. 1ère, 17 mars 2018, n° 17-11316.
  • [23]
    Cass. crim., 13 déc. 2016, n° 16-80.812 ; Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 14-87.605 ; Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-81.093 ; Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-80.353 ; Cass. crim., 7 juin 2016, n° 15-83.746 ; Cass. crim., 21 juin 2016, n° 14-88.470 ; V. encore, sur le site legalis, TGI Paris, 17e ch. corr., 18 févr. 2016, le procureur de la République, S. c/ R. et B.).
  • [24]
    Depuis la réforme par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le délai de prescription en matière délictuelle est de 6 ans.
  • [25]
    Cass. crim., 11 juill. 1889, DP 1890, 1, p. 237 ; S. 1889, 1, p. 349 ; Cass. crim., 28 mars et 26 avr. 1890, DP 1890, 1, p. 453 ; Cass. crim., 26 sept. 1907, Bull. crim. 1907, n° 410 ; DP 1911, 1, p. 270 ; S. 1910, 1, p. 521, note Roux ; Cass. crim., 17 janv. 1924, Bull. crim. 1924, n° 31 ; Cass. crim., 1er juill. 1953, D. 1953, jurispr. p. 574, rapp. Patin ; Cass. crim., 5 janv. 1974, Bull. crim. 1974, n° 4.
  • [26]
    Cass. crim., 30 janv. 2001, Bull. crim. 2001, n° 28, p. 75 ; Cass. crim., 16 oct. 2001, Bull. crim. 2001, n° 211 ; Cass. crim., 27 nov. 2001, Bull. crim. 2001, n° 246.
  • [27]
    Cass. crim., 2 oct. 2012, n° 12-80.419.
  • [28]
    Cass. crim., 2 nov. 2016, n° 15-87163.
  • [29]
    Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 15-83439.
  • [30]
    Dans ce sens, B. Auroy et E. Stella, La liberté d’expression face aux réseaux sociaux, Dr. pénal 2017, n° 6, ét. 13.
  • [31]
    Cass. crim., 10 avril 2018, n° 17-82814.
  • [32]
    L. Saenko, Le nouveau délit d’identité numérique, RLDI 2011, n° 72, p. 63.
  • [33]
    C. pén., art. 434-23.
  • [34]
    Cass. crim., 16 nov. 2016, n° 16-80.207, Dr. pén. 2016, comm. 20, obs. Ph. Conte ; CCE 2016, comm. 6 obs. A. Lepage.
  • [35]
    A.-S. Chavent-Leclère, Le renouveau des infractions sexuelles à l’ère d’internet, Mélanges Mayaud, Dalloz 2017, p. 341 ; V. Cantat-Lampin, Les atteintes à la personne par le biais des communications électroniques, Une réponse imparfaite du droit pénal, ibid., p. 305 ;
  • [36]
    C. pén., art. 222-24 8°.
  • [37]
    C. pén., art. 222-28 6°.
  • [38]
    C. pén., art. 227-26 4°, qui prévoit une peine de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
  • [39]
    C. pén., art. 222-27.
  • [40]
    C. pén., art. 222-22-1.
  • [41]
    C. pén., art. 113-2.
  • [42]
    C. pén., art. 113-2 al. 2.
  • [43]
    C. pén., art. 113-6.
  • [44]
    C. pén., art. 113-7.
  • [45]
    Pour les critiques, v. les observations de M. Francillon, La compétence pénale territoriale française à l’épreuve de la cybercrimalité, Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz, 2017.
  • [46]
    M. Quéméner, Présentation de l’avis sur la lutte contre les discours de haine sur internet de la CNCDH, RDLI 2015, n° 113, p. 46.
  • [47]
    Sur ce texte, v. A. Lepage, Un an de droit pénal des nouvelles technologies (Octobre 2014-Octobre 2015), Dr. pén. 2015, n° 12, p. 15.
  • [48]
    Le régime procédural n’étant plus du tout le même (en termes de prescription de l’action publique, etc.).
  • [49]
    TGI Paris, 18 mars 2015.
  • [50]
    CA Paris, 21 juin 2016.
  • [51]
    Cass., crim., 25 avr. 2017, n° 16-83.331.
  • [52]
    Cons. constit, 18 mai 2018, déc. n° 2018-706 QPC - M. Jean-Marc R.
  • [53]
    A. Lepage, Un an de droit pénal du numérique (Octobre 2016-Septembre 2017), Dr. pén. 2017, n° 12, p. 23.
  • [54]
    Cons. const., déc. n° 2016-611 QPC, du 10 février 2017.
  • [55]
    Cons. const., déc. n° 2017-682 QPC, du 15 décembre 2017 ; Sur la question, v. X. Latour, La lutte contre les sites djihadistes et la liberté de communication, JCP A 2018, n° 7, p. 38.
  • [56]
    G. de Martino, Vers une généralisation de la privatisation de la justice sur internet ? Legipresse 2014, n° 318, p. 387.
  • [57]
    C. proc. pén., art. 706-23. E. Dreyer, Le blocage de l’accès aux sites terroristes (…), JCP G 2015, p. 423.
  • [58]
    Sur la question, M. Quéméner, De la haine au terrorisme : analyse des évolutions législatives, Dalloz IP/IT 2017. 579 ; Ph. Segur, Le terrorisme et les libertés sur l’internet : AJDA 2015, p. 160E.

1Cela n’est plus un secret pour personne, les nouvelles technologies ont changé, sinon le monde, au moins la façon de l’appréhender. Les rapports humains, sociaux comme économiques, amoureux comme amicaux : tous, grâce ou à cause d’elles, ont subi de profondes et durables mutations. A priori assez positives, au demeurant, car les nouvelles technologies de la première génération (celles dont on dit qu’elles réunissent les ordinateurs, les imprimantes et les photocopieuses, la téléphonie fixe puis mobile, etc.) portaient en elles la promesse d’un monde fait de progrès et de facilités ; la promesse d’un monde où le labeur des uns serait allégé par l’ingéniosité des autres. Le pari paraît avoir été admirablement relevé tant les nouvelles technologies ont su participer au développement économique des pays qui les ont adoptées, au redéploiement des forces sectorielles voire, même, au renversement de certains acquis – sociaux comme économiques. Quant aux nouvelles technologies de la seconde génération (celles des réseaux), elles promettaient un fait monde de communication immédiate, d’informations libres ; un monde où la culture et le savoir seraient, enfin, à la portée de tous. Sur ce point aussi, le défi fut incontestablement relevé, les nouvelles technologies ayant réussi la prouesse de mutualiser les forces créatrices du monde entier au profit, pour une fois, de tous les hommes.

2Sur le papier, donc, ce nouveau monde numérique a tout d’idyllique : plus de guerre, plus d’inégalités sociales entre les individus ; uniquement de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Dans ce nouvel éden, la liberté d’expression, valeur suprême de l’ère contemporaine, a de toute évidence su se faire une place de choix. Car grâce à elle, le numérique a réussi à colmater, fut-ce en apparence, les fissures d’une société devenue trop égoïste et individualiste. Des réseaux dits “sociaux” firent alors leur apparition, formant des communautés virtuelles où les membres peuvent enfin s’exprimer librement, en toute quiétude, donnant ainsi leur avis sur tout, sur tous, et tout le temps. Dans l’imaginaire collectif, ce sont alors de véritables sociétés parallèles à la société réelle qui prenaient leur essor. Comment ne pas les appeler ainsi (des sociétés ?) lorsque, sur les 7,5 milliards d’habitants que compte notre planète, près de 3 milliards s’avèrent y être actifs (soit presque 40 % de la population mondiale) ? Le plus curieux (et sans doute le plus dangereux) est sans doute que ces nouvelles sociétés virtuelles fonctionnent avec leurs propres codes, leurs propres règles : il faut y jouer un rôle actif pour ne pas être oublié ; il faut montrer qu’on aime pour pouvoir être aimé en retour, etc. Le monde numérique n’est donc pas qu’un monde altruiste (bien qu’il le soit certainement). Il est aussi un monde dur, brutal, où rien n’est gratuit et où les hommes, sans procès aucun et par la volonté arbitraire d’une poignée d’entre eux qui aiment à transformer, dans la plus grande des inconsciences, la liberté en tyrannie, risquent à tout moment l’excommunication. Une sorte de retour en arrière dans le présent du futur, en somme.

3Quoi qu’il en soit, malgré leurs vices et leurs vertus, les nouvelles technologies ont indéniablement donné un second souffle à la liberté d’expression. Rappelons pour mémoire que les textes qui la consacrent sont importants, qu’il s’agisse de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme – qui a valeur constitutionnelle [1] – ou, au niveau européen, de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH) [2]. Rappelons encore que c’est sans surprise que dans son célèbre arrêt Handyside, la Cour européenne des droits de l’homme a défini la liberté d’expression comme « l’un des fondements essentiels [d’une société démocratique], l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun »[3] ? Conscient de l’importance de cette liberté dans une société démocratique, le droit contemporain semble donc tout faire pour à la fois susciter le recours aux nouvelles technologies tout en en encadrant l’utilisation. Ainsi, après la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; après la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique – sans compter les textes spéciaux –, la question s’est portée sur les rapports que les nouvelles technologies entretiennent avec la matière répressive, avec la peine. Le problème, disons-le, est épineux. Car de par ses origines archaïques, le pénal est un droit matériel par excellence, qui s’est forgé avec les siècles dans l’évidence et les difficultés du monde réel. Pourtant, le numérique y occupe aujourd’hui une place grandissante, surtout si l’on fait référence à la liberté de s’exprimer. C’est qu’en effet, par le vœu de la Cour de cassation – qui refuse de les sanctionner par les règles de la responsabilité civile –, les abus de la liberté d’expression tombent en théorie sous le coup des dispositions pénales de la loi du 29 juillet de 1881 sur la liberté de la presse. Or, est-il opportun d’appliquer cette loi lorsque de tels abus sont commis dans le monde numérique [4] ? Si la question mérite d’être posée, c’est qu’à la différence des abus commis au XIXe siècle par voie de presse “classique”, les abus de la liberté d’expression ont pris avec le numérique une autre dimension, une autre ampleur. Ouverts sur le monde, intéressants tout le monde, ces abus peuvent, sous couvert de la liberté d’expression de leurs auteurs, causer à ceux qu’ils visent des dommages très graves. Les faits n’en témoignent-ils pas ? Les raids numériques et les lynchages publics ne sont-ils pas devenus légion sur les réseaux sociaux ? Lesdites réseaux ne sont-ils pas, alors, devenus le contraire de ce qu’ils étaient censés être : des lieux de haine plus que des lieux de paix ? Peut-être bien. Car un regard objectif sur la situation montre bien que, sur ces réseaux, de plus en plus de personnes doivent affronter des torrents d’insultes et des menaces en tout genre uniquement pour ce qu’elles disent, ce qu’elles font ou ce qu’elles sont[5]. Bref, avec le numérique, la liberté d’expression est devenue – aussi, mais pas que – un instrument de la peur, peut-être même de la terreur. Plus grave encore, elle peut parfois servir de relais à des ambitions criminelles autrement plus coupables, comme lorsqu’elle sert à faire l’apologie d’actes terroristes, par exemple [6]. La Cour européenne des droits de l’homme elle-même ne nie pas cette sombre réalité lorsqu’elle considère que « des propos clairement illicites, notamment des propos diffamatoires, haineux ou appelant à la violence, peuvent être diffusés comme jamais auparavant dans le monde entier, en quelques secondes, et parfois demeurer en ligne pendant fort longtemps »[7].

4En somme, support des choses les plus belles, la liberté d’expression, parce que revigorée par les nouvelles technologies, l’est également devenue des choses les plus laides. Avec les réseaux sociaux, la haine et le harcèlement, qui étaient autrefois ralentis par la pression naturelle du corps social, se sont libérés en s’appuyant sur une liberté qui n’était pourtant pas faite pour cela [8]. Mais en mesure-t-on exactement les conséqiences ? A-t-on déjà vu une liberté si utilisée qu’elle en est devenue son propre ennemi ? La liberté d’expression “numérique” ne s’est-elle pas transformée en une sur-liberté, une contre-liberté ? Il est difficile de répondre à cette question. Car lorsqu’on évoque les dérives provoquées par les nouvelles technologies en termes de liberté d’expression, on pourrait être tenté de considérer que le droit pénal s’est montré fébrile, voire totalement désintéressé face à ce phénomène. Ce sentiment pourrait néanmoins se révéler faux – voire injuste – au regard de l’extraordinaire réactivité dont, ces dernières années, à tort ou à raison, le juge et le législateur ont su faire preuve. En effet, l’analyse de ce contentieux grandissant révèle que le droit répressif a su exploiter à plein son arsenal existant (notamment issu de la loi du 29 juillet 1881), tout en le complétant en cas de besoin. Entre les nouvelles technologies et la liberté d’expression, le pénal, au risque de se perdre dans la quête d’une fonction qu’il n’a peut-être plus, a donc fait le choix de l’adaptation (I) puis de l’innovation (II).

I – L’adaptation

5Face aux abus de liberté d’expression réalisés via les nouvelles technologies, le droit positif, comme un roseau qui se tort mais qui ne se rompt pas, a tenu bon. Il s’est adapté. La chose ne paraissait pourtant pas acquise tant les nouvelles technologiques, partout où elles se développèrent, ont eu l’art de bousculer violemment l’ordre établi – fut-ce par les siècles. La raison s’en trouve dans le fait que lesdites technologies sont des pourfendeurs féroces de nouveauté(s). Combien de professions, de savoir-faire, d’acquis, ont-elles terrassé depuis leur avènement − et, en contrepartie, combien d’autres lui doivent leur naissance) ? Déconstruire le passé pour reconstruire l’avenir : voici l’effet typique des nouvelles technologies sur le monde des hommes. Dans cette tourmente (à l’arrière-goût tout révolutionnaire), la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, avec ces célèbres incriminations que sont la diffamation et l’injure, sont des phares qui ont résisté aux vents violents de la tempête numérique ; des totems indestructibles, imputrescibles, sur lesquels ni le temps ni les affres de l’économie digitale ne semblent avoir eu de prises. Stables, fiables, ces délits − pourtant écrits pour tout autre chose − ont donc su s’adapter à ce nouveau monde. C’est donc sans surprise que, autant sur le fond (A) que sur la forme (B), ces derniers parviennent à capter une grande partie des abus de la liberté d’expression commis par la voie numérique.

A – Le fond

6En suscitant un grand mouvement de libéralisation de la parole, les nouvelles technologies ne pouvaient faire autrement que susciter des abus qui, naturellement, vont avec. Dans la loi mythique de 1881, ces abus sont principalement appréhendés par les délits de diffamation et d’injure, tous deux respectivement définis comme « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » et comme « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ». Bien entendu, les diffamations ou injures publiques de la fin XIXe siècle, lorsqu’elles étaient écrites, étaient essentiellement émises par voie de presse. Mais l’apparition d’un écrit d’un nouveau genre un siècle plus tard, un écrit numérisé, n’a pas empêché les magistrats d’appliquer vigoureusement lesdites infractions à ces situations nouvelles. Il ne faut toutefois pas nier que la nature numérique du support du message litigieux peut emporter certaines difficultés de qualification, notamment quant au caractère privé ou public de l’infraction. Clairement, c’est là le prix à payer entre le monde d’hier et celui d’aujourd’hui : alors qu’une injure contenue dans une lettre manuscrite transmise par l’auteur à son destinataire avait, au XIXe siècle, peu de chance d’être connue du reste du monde, le message électronique, lui, a beaucoup plus de chance de l’être – volontairement comme involontairement, du reste.

7Comment, alors, faire la part des choses ? Pour y arriver, la jurisprudence a eu le cran d’importer dans le contentieux des nouvelles technologies le critère qu’elle utilisait jusqu’alors en droit commun de la presse : celui de la communauté d’intérêts. Ainsi, serait public le propos envoyé à un groupe de personnes ne formant pas entre elles une communauté d’intérêts, et serait non public celui qui serait transmis à un groupe de personnes formant entre elles une telle communauté. Si la jurisprudence définit ledit critère comme « un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations et des objectifs partagés, formant une entité suffisamment fermée pour ne pas être perçue comme des tiers par rapport à l’auteur des propos mis en cause », il n’en reste pas moins que son application à la matière numérique, avec tous les supports qu’elle présente – et qui ne cessent d’évoluer -, a suscité quelques doutes. L’un des premiers secteurs dans lequel la question a pu se poser est l’un de ceux qui est apparu le plus vite avec l’internet commercial, à savoir les forums de discussion. En l’espèce, sur un forum de vieilles voitures légendaires, un passionné avait donné son avis sur une société spécialisée dans la restauration des modèles en question. Il avait écrit la chose suivante : « pour avoir vu de plus près plusieurs deuches restaurées chez lui et vendues au prix fort, c’est du travail bâclé comme c’est pas permis ». La diffamation, à la supposer établie, avait-elle ici un caractère public ? Le tribunal ne l’avait pas considéré, mettant en avant le fait que seules les personnes inscrites à ce forum via un nom d’utilisateur et un mot de passe y avait accès. La jurisprudence eu se poser cette même question à propos du messager électronique injurieux ou diffamant. Si un tel message est transmis à une seule personne, il ne fait pas de doute que l’infraction n’aura pas de caractère public [9]. Mais si celui-ci est envoyé à plusieurs personnes (ce que le numérique, par rapport aux lettres manuscrites, permet d’un simple clic), les juges devront identiquement appliquer le critère de la communauté d’intérêt pour savoir si l’infraction est publique ou non. Ainsi, dans une affaire que la Cour de cassation a eu à traiter, une personne avait adressé à un nombre très important de personnes, d’entreprises, d’institutions publiques, etc., un message électronique dans lequel elle imputait à une personne expressément dénommée des faits très graves (de pédophilie, de voyeurisme au préjudice d’enfants, de détention d’images pornographiques prohibées, etc.). Lesdits destinataires n’étant pas liés entre eux pas une communauté d’intérêts, la haute juridiction a pu considérer que le délit de diffamation publique était en l’espèce constituée [10]. Il en est allé de même du message électronique largement diffusé et qui, à propos d’un homme politique parfaitement identifié, contenait le message suivant – au ton faussement interrogatif : « peut-il nous dire quel est le sénateur qui s’est fait remettre un chèque par une entreprise dans sa mairie et qui est accusé de collusion avec un promoteur immobilier lui ayant versé des fonds au Maroc par le biais d’une société luxembourgeoise ? »[11]. La détermination du caractère public ou privé du message électronique peut toutefois être beaucoup plus ardue. Ainsi de cet arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 28 avril 2009, où le secrétaire général d’un Syndicat avait adressé un message électronique à un certain nombre de personnalités politiques appartenant tant au parti socialiste qu’au syndicat en question. Le message n’était pas anodin, puisque son auteur y émettait des critiques sur l’attitude d’un homme qui avait la spécificité d’être la fois le président de la fédération nationale en question et un membre du parti politique précité. La question de la communauté d’intérêts liant les récipiendaires du message litigieux était donc délicate : une approche politique de l’ensemble amènerait à considérer qu’elle existe ; une approche juridique, non. C’est cette seconde approche qu’ont adoptés les juges du fond, en cela confirmés par la Cour de cassation. Au terme d’une motivation limpide, la haute juridiction a considéré que « si les destinataires du courrier électronique incriminé peuvent avoir des intérêts communs, ils font partie de groupements qui constituent des entités distinctes, ne partageant pas nécessairement les mêmes objectifs et ayant des domaines d’action différents ») [12].

8Si le cas de la diffamation publique commise par un message électrique peut donc être problématique, celles du message posté sur un site internet, lui, en apparence, l’est moins. C’est qu’en effet, le site internet étant par principe ouvert à tous, les personnes qui prennent l’initiative de le consulter ne forment pas entre elles, par principe, une communauté d’intérêts. C’est sans doute pour cette raison que la liberté d’expression resurgit avec d’autant plus de force dans ce contentieux particulier : le fait d’exprimer son opinion sur un site internet, même de façon particulière agressive – voire virulente –, n’est-il pas susceptible d’être justifié par la liberté de s’exprimer ? Internet ne sert-il justement pas à cela, à donner à son opinion, quelle qu’elle soit, l’écho le plus fort ? La réponse à cette question dépend en réalité des propos ou des éléments contenus dans le message. Si le message publié sur un tel site comporte l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur, alors il s’agira d’une diffamation au sens de la loi de 1881 [13]. Et si ce dernier consiste en une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, alors il s’agira d’une injure. Le caractère numérique du support sur lequel le message est exprimé ne saurait changer cet état de fait. Dans ce sens, a pu être qualifié d’injure publique le fait, après le décès en service d’un fonctionnaire de police, d’avoir publié sur le site internet d’un journal local les propos suivants : « hommage à celui qui l’a tué pour nous avoir évité des PV abusifs, un de moins c’est toujours ça », « la police ne vaut pas mieux que les criminels » et « elle n’a que la loi de son côté, la protégeant de la responsabilité de ses exactions, pas la morale ». Pour la haute juridiction en effet, la Cour d’appel « a exactement apprécié le sens et la portée des écrits litigieux, excédant les limites admissibles de la liberté d’expression, et caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu’intentionnel, le délit d’injure publique envers une administration publique (…) »[14]. Une difficulté toute similaire peut se présenter avec l’humour et la satire : peuvent-ils, en tant que supports à la liberté d’expression, neutraliser la qualification d’injure dès lors que le message qui les illustre est publié sur site internet ? Encore une fois, la haute juridiction ne fait aucune différence entre le monde réel et le monde numérique, et se refuse à concevoir l’internet comme une zone de jeux où tout serait permis. Ainsi, celle-ci n’a pas hésité à censurer la relaxe qu’avait prononcée une Cour d’appel qui n’avait pas vu d’injure publique dans le message publié par une personne sur deux sites et dont, sous couvert d’une satire tout à fait surfaite, elle y avait exprimé que : « Patin, Pétain, potin, putain la honte ! Ou quand l’AFER donne envie de vomir… ». La cassation fut prononcée au visa de l’article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, la haute juridiction prenant bien le soin de souligner que « le caractère injurieux excédait les limites autorisées par l’humour et la satire »[15].

9Enfin, le dernier support numérique sur lequel la jurisprudence a été amené amener à se prononcer est celui des réseaux sociaux, notamment Facebook. On se souvient que, pour savoir si ledit réseau créait entre ses membre une communauté d’intérêt ou pas (et si, alors, le propos injurieux ou diffamant qui y était posté était public ou non), la jurisprudence sociale avait considéré que le réseau en question était un espace public par principe, qui ne devenait privé que par exception, précisément lorsque l’utilisateur paramétrait son profil dans ce sens [16]. C’est cette position qu’ a manifestement validé la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 10 avril 2013 : « après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme X… tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d’intérêts » [17]. La chose est si cohérente aujourd’hui qu’elle est implicitement admise par la chambre criminelle [18]. Les infractions contenues dans la loi du 29 juillet 1881 sont-elles toutefois les seules à pouvoir s’appliquer aux abus de la liberté d’expression commis dans le monde numérique ? La réponse est négative. Pensons par exemple à la provocation au suicide telle qu’elle est réprimée par l’article 223-13 du code pénal [19] : est-elle applicable lorsque, par le biais de messages électroniques ou d’une discussion engagée sur un forum de discussion, une personne en incite une autre à mettre fin à ses jours ? La Cour de cassation a pu répondre par la positive. En l’espèce, une jeune fille de 16 ans s’était suicidée par ingestion de médicaments et de drogues après avoir eu de nombreux échanges numériques avec un individu, auquel la jeune femme avait fait part de son projet. L’homme en question lui ayant fourni de nombreux conseils pour réussir son acte, il a été déclaré coupable [20]. La solution ne paraît pas choquant, dès lors que le caractère numérique du lieu d’échanges ne nuit en rien à la qualité juridique de la provocation (laquelle n’est plus réservée à un rapport humain direct – cette époque est révolue).

10On le voit, en s’adaptant aux nouvelles technologies, le droit positif de fond a su capter le contentieux naissant des abus de liberté d’expression commis par le biais. Il en va de même des règles de forme.

B – La forme

11Le vœu de la jurisprudence de traiter les abus de la liberté d’expression commis via des nouvelles technologies à l’égal de ceux qui le sont plus traditionnellement se manifeste également sur un terrain procédural. En effet, lorsqu’une injure ou une diffamation est commise de cette façon, la haute juridiction exige que les règles de procédure, fussent-elles spéciales à la matière de la presse, soit respectées de la même façon que si les délits avaient été commis par voie de presse classique. Pour s’en convaincre, on peut faire référence à l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, dont on sait qu’il prescrit, à peine de nullité, que les faits soient qualifiés dès la citation. La jurisprudence insiste pour que ce texte s’applique avec toute sa rigueur lorsque l’infractions de presse est commise sur internet. C’est ce qui ressort de cet arrêt du 18 octobre 2016, dans lequel la haute juridiction n’a pas hésité à prononcer la cassation au motif que « les citations, qui indiquent qu’il est reproché à la prévenue le délit de diffamation publique à l’auteur d’un blog pour plusieurs parties de deux articles publiés sur celui-ci et reproduit intégralement les passages incriminés de ces articles, tout en se référant à certains de ces passages en indiquant qu’ils sont contenus, eux, non dans lesdits articles, mais dans les commentaires publiés par la prévenue sous ceux-ci et à une date ultérieure s’agissant de l’un d’eux, étaient de nature à créer une incertitude dans l’esprit de la prévenue quant à l’étendue des faits dont elle devait répondre et ne satisfont pas aux exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 »[21]. Une même exigence se constate dans un arrêt du 7 février 2018, à propos d’un enseignement chercheur qui avait diffusé sur son compte Facebook des propos imputant au doyen de sa faculté – et accessoirement président de son université − des comportements académiquement coupables. Alors que, pour rejeter la demande d’annulation de l’assignation, la Cour d’appel avait retenu que l’enseignement chercheur « connaissait les éléments qui lui étaient imputés à titre de diffamation et ceux qui l’étaient à titre d’injure, qu’il a pu organiser sa défense en fonction des fondements juridiques invoqués et que les faits qualifiés d’injure n’ont pas été compris dans les propos considérés comme diffamatoires », la haute juridiction a prononcé la censure : « Qu’en statuant ainsi, alors que les mêmes passages des mêmes écrits se trouvaient poursuivis sous deux qualifications différentes et que ce cumul de qualifications était de nature à créer pour (l’auteur présumé) une incertitude préjudiciable à sa défense, de sorte que l’assignation était nulle en son entier, la cour d’appel a violé (l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) »[22]. Du reste, la volonté de la Cour de cassation de soumettre les nouvelles technologies à la lettre procédurale de la loi du 29 juillet 1881 se manifeste également par le fait qu’elle leur applique, avec la même rigueur, les exceptions ressortissantes du débat d’intérêt général ou de la bonne foi [23].

12Mais, plus que tout autre, c’est la question de la prescription de l’action publique qui illustre cette idée. Voici un point procédural sur lequel, contre vent et marrées (et ils furent de très forte intensité), la règle n’a jamais cédé. Rappelons pour mémoire que, en marge du droit commun [24], le délai de prescription de l’action publique en matière de diffamation ou d’injure est soumis à un délai trimestriel. C’est là le régime dicté par l’article 65 de la loi de 1881, selon lequel : « L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait ». Ce court délai s’explique par la volonté d’empêcher l’auteur d’un propos injurieux ou diffamant d’être poursuivi trop longtemps après les avoir tenus. Comment la liberté d’expression pourrait-elle être effective dans le cas contraire ? Mais il s’explique aussi par le mode de publication en vigueur à l’époque de la loi : chaque publication papier écartant le souvenir du contenu de celle de la veille – ainsi va l’information… −, le propos litigieux n’avait nul besoin d’être poursuivi des années plus tard. A quoi bon ? C’est là la raison d’être de la jurisprudence classique, selon laquelle, en matière d’infractions de presse, le point de départ du délai trimestriel doit être fixé au jour de la première publication [25]. En droit, la chose paraît tout à fait cohérente dès lors que les délits en question constituent effectivement des infractions à la nature instantanée. Mais il n’en reste pas moins que la solution pourrait étonner − voire choquer − au vu des caractéristiques mêmes du monde numérique. Ce dernier ne s’inscrit- il pas dans un continuum éternel où les choses, en plus de ne mourir jamais, ressuscite à l’infini si tel est le cas ? L’opportunité du maintien de la prescription trimestrielle pour les infractions de presse commise sur internet se pose alors. Car ce qui, hier, tombait dans le néant de l’indifférence collective en très peu de temps, peut, aujourd’hui, demeurer au centre de tout. Et ce longtemps. Très longtemps. C’est cette lecture assez réaliste des choses qu’avait fait le législateur à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Le texte prévoyait que « la prescription acquise dans les conditions prévues par l’article 65 de ladite loi est applicable à la reproduction d’une publication sur un service de communication au public en ligne dès lors que le contenu est le même sur le support informatique et sur le support papier » et que « Dans le cas contraire, l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par ladite loi se prescriront après le délai prévu par l’article 65 de ladite loi à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message susceptible de déclencher l’une de ces actions ». L’idée était donc de créer deux régimes prescriptifs distincts, selon que l’infraction était commise sur support papier (uniquement) ou sur support papier et numérique (à la fois). Dans le premier cas, la prescription commençait classiquement à courir au jour de la première publiquement tandis que, dans le second, le délai aurait commencé à courir au moment où la mise à disposition du public du message en question avait pris fin. Le Conseil constitutionnel ne l’a toutefois pas entendu de cette oreille, puisqu’il y a vu dans ce double régime une cause d’inconstitutionnalité, ce qui a incité le législateur a laissé les choses en l’état – et, la jurisprudence, à interpréter strictement la loi. De ce fait, même lorsque le propos diffamatoire dérive sur internet des années durant, la prescription trimestrielle de l’action publique commence à courir invariablement au jour de la première publication [26]. C’est à partir de là que les réelles difficultés d’interprétation sont apparues. Puisque – comme en droit commun de la presse – tout tourne désormais autour de la publication, la question s’est en effet assez vite posée de savoir quand et à quelle occasion il pouvait y avoir republication. La question était cruciale car, si nouvelle publication il y avait, une nouvelle infraction était consommée et un nouveau délai de prescription commençait à courir. La Cour de cassation n’a pas attendu bien longtemps avant de se saisir de ce problème. Ainsi, dans un arrêt du 6 janvier 2009, alors qu’une Cour d’appel avait considéré « qu’en créant un nouveau mode d’accès au site existant, plus accessible par une adresse plus courte et donc plus simple que la dénomination initiale », le prévenu avait « renouvel(é) la mise à disposition desdits textes dans des conditions assimilables à une réédition », réalisant ainsi un « nouvel acte de publication » alors interruptif de la prescription, la Cour de cassation prononça la censure : « attendu qu’en statuant ainsi, alors que la simple adjonction d’une seconde adresse pour accéder à un site existant ne saurait caractériser un nouvel acte de publication de textes figurant déjà à l’identique sur ce site, la Cour d’appel a méconnu (l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881) ». La question s’est identiquement posée avec les hyperliens (ou liens hypertextes), ces raccourcis numériques qui permettent, en cliquant dessus, d’accéder à une nouvelle page internet. En termes de prescription de l’action publique, la question qui se pose est alors redoutable : publier sur internet une texte contenant un lien hypertexte dont la destination serait un autre texte contenant un propos diffamatoire ou injurieux constitue-t-il une nouvelle publication au sens de la loi de 1881 ? On sait qu’en droit commun de la presse, il est admis que « la reproduction dans un écrit rendu public d’un texte déjà publié est elle-même constitutive d’infraction, et que le point de départ de la prescription, lorsqu’il s’agit d’une publication nouvelle, est fixé au jour de cette publication »[27]. Mais l’analogie avec le monde numérique est-elle permise ? La chambre criminelle de la Cour de cassation l’a considéré. Dans un arrêt du 2 septembre 2016, après avoir rappelé les motifs sus-évoqués, elle a soulevé que « l’insertion, sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement (à l’écrit diffamant), précédemment publié, caractérise une telle reproduction »[28]. En d’autres termes, le lien hypertexte a pour effet d’intégrer implicitement le contenu litigieux dans le contenu initial – et qui est saint. S’agissant d’une nouvelle publication, le délai de prescription commence alors à courir de nouveau. Après le lien hypertexte, c’est à la question de la réactivation du site contenant un propos litigieux que la jurisprudence a dû apporter une réponse. La question, encore, est ardue : la réactivation d’un site d’un internet contenant un propos diffamatoire, et qui avait été désactivé, constitue-t-il une nouvelle publication qui, consommant une nouvelle infraction, refait partir un point de départ du délai de prescription ? Alors qu’une Cour d’appel, saisie pour l’occasion à la phase d’instruction, avait répondu à cette question par la négative, la Cour de cassation, elle, a répondu positivement [29]. Cette position est intéressante en ce qu’elle en dit long sur ce que signifie – ou ne signifie plus, plutôt – le terme de publication dans le monde numérique. En quoi la réactivation d’un site désactivé constitue-t-il juridiquement un tel acte ? Transposé au monde réel, cette situation ne revient-elle finalement à remettre sur la table un journal jeté à la poubelle ? Est-ce là vraiment une nouvelle publication ? On peut s’interroger. La question du relais d’information est tout aussi fondamental. La personne qui retweet un tweet diffamatoire se rend-t-elle coupable de diffamation ? Même chose pour la personne qui partage un tel contenu sur Facebook ou qui le « like » ? A lire la lettre de l’article 29, alinéa 1er, de la loi sur la presse (qui évoque la publication « par voie de reproduction »), la réponse paraît positive [30]. Sur un autre terrain, un dernier exemple achèvera de nous convaincre de la complexité de cette question. En l’espèce, une société éditrice d’une revue s’était constituée partie civile le 16 février 2016 du chef de diffamation publique envers un particulier en raison de la publication, entre les 7 et 12 novembre 2015, sur un célèbre site d’encyclopédie collaborative, d’un article la visant et qui, selon elle, porterait atteinte à son honneur et à sa réputation. Pour considérer les faits prescrits, le juge d’instruction − qui finira par ordonner le non-lieu à poursuivre −, considéra que la publication incriminée avait été mise pour la première fois à la disposition des internautes le 9 novembre 2015, et que l’un des suspects était intervenu le 16 décembre de la même année (donc moins de trois après) afin de déplacer le contenu litigieux de l’onglet « historique » vers l’onglet « article ». La question était donc fameuse ! Ce seul « déplacement » était-il constitutif d’un nouvel acte de publication, consommant une nouvelle infraction ? Le juge instructeur ne l’a pas admis. Pour lui, ce seul « déplacement » sans publication d’un contenu nouveau ne pouvait être considéré comme interruptif de prescription dès lors que ce sont des contenus identiques qui étaient maintenus sur le même support internet. La cassation sera malgré tout prononcée au visa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 [31]. Même si, comme le précédent, cet arrêt est rendu à la phase d’instruction, l’appréciation extrêmement large qu’il fait de la notion de publication retient l’attention.

13Lorsqu’une diffamation ou une injure est commise par le biais des nouvelles technologies, le législateur n’a pas jugé bon de les sanctionner par la création d’un nouveau corpus de règles, mais par celui, ancien, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. C’est comme si, finalement, contraint et forcé, le monde d’aujourd’hui avait été contraint de s’adapter à celui d’hier ; à ses incriminations comme à ses règles procédurales. Un premier sentiment pourrait amener à s’en étonner, voire à s’en offusquer : après tout, la communication du XXe siècle ? Une réponse négative semble s’imposer tant, contrairement à cette seconde, la première est démocratisée et individualiste (l’homme au centre de son propre univers numérique) – là où la première était réservée à des professionnels soucieux d’informer le plus grand nombre sur les enjeux d’un monde qui, à défaut de mondialisation, était encore nouveau. Toutefois, tirer si tôt un bilan si négatif serait à la fois erroné et injuste. Car le législateur contemporain semble avoir pris acte des nouveaux dangers de la liberté d’expression. Il est clair que de nos jours, celle-ci n’est plus seulement utilisée pour exprimer sa pensée ou ses opinions. Parfois, elle l’est aussi dans un but autre, plus dangereux, plus perfide. Le droit pénal contemporain, loin de se contenter de s’adapter, a alors voulu innover.

I – L’innovation

14L’innovation est indéniablement le second visage du droit pénal confronté aux affres de la liberté d’expression utilisée via les nouvelles technologies. C’est qu’en effet, il ne s’agit plus ici pour lui d’appréhender les excès d’une liberté prenant la forme – finalement assez primaire – de propos excessifs, dépassant le degré de tolérance habituel et acceptable pour tout un chacun. Après tout, en matière de diffamation ou d’injure, il n’y pas plus grave qu’une atteinte à l’honneur, pourrait-on se dire. L’hypothèse étudiée ici est bien plus grave, et la mission du législateur plus délicate. Car il s’agit pour lui d’identifier les manifestations d’une liberté d’expression détournée, manipulée. Cette mission, insistons, est en elle-même très difficile : comment séparer le bon grain de l’ivraie ? Comment distinguer la liberté d’expression utilisée à bon escient (le fut-elle de façon excessive) de celle qui l’est à des fins autrement coupables (à savoir terroristes, de harcèlement ou de prédations sexuelles) ? Ici, la liberté d’expression n’est plus une fin mais un moyen ; un moyen de réaliser des actes bien plus graves que ceux que le législateur du XIXe siècle avait imaginés. Doit-elle alors justifier la haine qu’elle permet de répandre ? Pour répondre par la négative – et au prix d’efforts assez importants (A) –, le législateur, conscient des imperfections du droit commun de la presse, a fait le choix d’innover. Mais attention aux risques que cette escalade répressive est susceptible d’engendrer (B).

A – Les efforts

15L’une des premières innovations auxquelles le législateur français a procédé a été de consacrer un délit spécial d’usurpation d’identité numérique. Depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 (dite loi LOPPSI II), le code pénal est en effet doté d’un nouvel article 226-4-1, aux termes duquel : « Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 d’amende ». Ce texte – dont on pouvait raisonnablement douter de la réelle utilité [32] – avait pour ambition de mieux protéger la réputation des individus dont la tranquillité, l’honneur et la considération pouvaient très facilement être mis à mal par l’usurpation de leur identité dans le monde numérique. Il faut admettre que le problème était sérieux car, dès lors que l’auteur a agi sous couvert d’un pseudonyme – ce qui généralement le cas sur le réseau internet –, il devient très difficile de trouver sa réelle identité et, donc, d’engager des poursuites contre lui. D’où l’intérêt du texte qui, contrairement à l’usurpation d’identité classique [33], peut porter non seulement sur le nom, mais aussi sur « une ou plusieurs données de toute nature permettant (d’identifier la victime) ». Sous cette lecture, l’utilisation d’un logo, d’un dessin, d’une photo, d’un pseudonyme ou de l’adresse mail de la victime peut valablement constituer la matérialité de l’infraction dès lors qu’elle permet de l’identifier. On soulignera également le souci du législateur de permettre une anticipation de la répression puisque le délit, étant de nature formelle, peut être constitué du moment que l’usurpation d’identité est réalisée « en vue » de troubler le quotidien paisible de la victime, sans qu’il ne soit besoin que cela soit effectivement le cas. Le délit d’usurpation d’identité numérique a donc un intérêt apparent : à certaines conditions, il permet de réprimer ce qui pourrait s’assimiler à des tentatives de diffamation ou d’injure, lesquelles ne sont naturellement pas punissables au sens de la loi de 1881. La Cour de cassation, en tout cas, a été saisie assez rapidement de ce contentieux nouveau à l’occasion d’un arrêt rendu par elle le 16 novembre 2016 [34]. En l’espèce, un prévenu avait créé un faux site imitant le site officiel de la maire du septième arrondissement de Paris. Il y reproduisait une photographie de la victime ainsi que des éléments caractéristiques de son site officiel. Pour prononcer le rejet du pourvoi porté contre l’arrêt de condamnation, la haute juridiction a considéré : « qu’en l’état de ces énonciations, desquelles il résulte que le prévenu a usurpé l’identité d’un tiers en vue de porter atteinte à son honneur ou sa considération, infraction exclusive de l’application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie ». La référence à l’article 10 de la Conv. EDH est ici fameuse puisqu’elle a pour effet de priver l’infraction de l’article 226-4-1 du code pénal de la justification tirée du débat d’intérêt général (la liberté d’expression, en effet, ne saurait tout justifier).

16Dans un autre registre, le législateur a également fait le choix d’innover en érigeant l’utilisation des réseaux de communications électroniques en ligne en modalité, soit constitutives soit aggravantes, de certaines infractions. Il en va ainsi pour les agressions sexuelles [35]. En effet, lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits « grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique », le viol est passible d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle [36] et les agressions autres que le viol de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende [37]. On trouve au demeurant un régime identique pour les atteintes sexuelles contre mineurs de 15 ans – punies plus sévèrement si le majeur a utilisé les nouvelles technologies pour prendre attache avec sa victime [38] − ou pour le délit de corruption de mineurs [39]. Parfois, cependant, le recours au moyen de communication électronique est proprement constitutif de l’infraction, comme c’est le cas avec les propositions sexuelles faites à un mineur, passibles d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsque la proposition est réalisée via un moyen de communication électronique [40]. Dans tous les cas, on doit admettre que ces précisions sont fort réalistes. Car il n’est un secret pour personne pour le réseaux internet, via les blogs, les forums et autres applications à la mode dont la jeunesse est férue, est devenu un outil de prédilection pour les prédateurs sexuels à la recherche de leur victime. L’anonymat numérique, encore, leur permet de facilement prendre contact, d’engager la conversation sous couvert de banalités et, ainsi, de créer un lien de confiance. Il est donc parfaitement cohérent que la liberté de communication, en ce qu’elle est le corolaire de la liberté d’expression, ne soit pas appelée au soutien de pareilles pratiques et, mieux, que la loi punisse d’avantage le fait d’y avoir recours.

17Ce combat mené contre les dérives numériques de la liberté d’expression a-t-il toutefois un sens si la loi pénale française est insusceptible de s’appliquer à de tels faits ? Là encore, pour contrer les effets juridiquement néfastes de la nature transnationale du réseau internet, le législateur a dû intervenir. Rappelons pour mémoire que, selon le principe de territorialité de la loi pénale qui préside à son application géographique, « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République »[41]. La loi prévoit toutefois certaines exceptions, notamment lorsqu’ « un (des) faits constitutifs (de l’infraction) a eu lieu sur ce territoire »[42], ou que, à des conditions différentes, l’auteur [43] ou la victime [44] sont de nationalité française. Ce régime est-il toutefois applicable aux infractions commises via internet, notamment lorsqu’un propos diffamatoire ou injurieux est publié sur un site étranger par une personne étrangère et à l’encontre d’une personne étrangère ? La loi pénale française – et, par-delà, les juridictions pénales françaises – sont-elles compétentes à s’appliquer du simple fait que ledit propos est accessible en France et que la victime s’y trouve ? La Cour de cassation, qui a eu à se saisir de cette difficulté, a répondu à cette problématique par la négative. En l’espèce, une personne de nationalité étrangère avait diffusé sur un site internet américain un propos considéré diffamatoire par les victimes – également de nationalité étrangère. Ces dernières étant domiciliés en France, et le site y étant accessible, elles saisirent les juridictions françaises pour diffamation publique commise envers un particulier. Les premiers juges, qui s’étaient déclarés incompétents, furent confirmés en cause d’appel au motif que « ni les propos, en langue anglaise, qui visent des personnes de nationalité japonaise et/ ou américaine domiciliées au Japon et portent sur des événements qui se sont déroulés dans ce pays, ni le site internet américain sur lequel ils ont été mis en ligne par une personne qui n’était pas de nationalité française, ne sont orientés vers le public français, peu important que ce site soit accessible depuis le territoire national ». La Cour de cassation sera du même avis, quoique pour des motifs quelque peu différents. En effet, pour rejeter le pourvoi, celle-ci considéra qu’« en l’absence de tout critère rattachant au territoire de la République les propos incriminés, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérisait pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître ». Au titre des critères de rattachement au territoire français, la haute juridiction rejette donc le critère de l’accessibilité : ce n’est pas parce que le propos diffamatoire est accessible depuis le territoire français que, fatalement, les juridictions pénales françaises sont compétentes. Très rigoureuse, cette position a incité le législateur à intervenir pour mieux prendre en compte les spécificités d’internet dans l’application du droit pénal français dans l’espace. Ainsi créé par loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, le nouvel article 113-2 du code pénal dispose désormais que « Tout crime ou tout délit réalisé au moyen d’un réseau de communication électronique, lorsqu’il est tenté ou commis au préjudice d’une personne physique résidant sur le territoire de la République ou d’une personne morale dont le siège se situe sur le territoire de la République, est réputé commis sur le territoire de la République ». Le législateur a donc fait choix d’un texte ouvert : dès lors que le crime ou le délit est « réalisé » (le terme est au demeurant assez curieux…) au moyen d’un réseau de communication électronique et que sa victime, personne physique, « réside » sur le territoire français, alors l’infraction est « réputée » commise sur le territoire. Face à l’espace sans limite des réseaux informatiques, la fiction juridique, quoiqu’imparfaite [45], était sans doute la seule solution.

18On le voit, cette lucidité législative vise à éviter que la liberté d’expression pratiquée dans le monde numérique ne devienne le support légal d’une délinquance qui, naturellement, ne l’est pas. Même libre, l’expression numérique, en effet, ne doit pas servir à nuire à la réputation d’autrui ou à faciliter la commission d’infractions, de quelque nature qu’elles soient. L’admettre, serait fermer les yeux sur une réalité bien triste. C’est pourquoi on ne peut que se réjouir de ce que le législateur contemporain ait pris acte des drames qui se jouent aujourd’hui derrière la liberté d’expression dans son acception numérique : sans limite, sans tutelle, celle-ci permet, voire incite, le déversement de torrents de haine qu’il est impossible de contrôler et à la violence émotionnelle desquels il est difficile de résister. Toujours sous couvert de liberté d’expression, ces réseaux numériques permettent de réaliser impunément des lynchages collectifs, des propagations de rumeurs infâmes, du doxxing (c’est-à-dire de la divulgation d’informations personnelles sur le Web), du revenge porn, même. Alors ? Le numérique a-t-il transformé la liberté d’expression en une liberté de la haine [46] ? Naturellement, il serait aussi faux qu’exagéré d’apporter à cette question une intransigeante réponse positive. Mais l’on est tout de même forcé de constater que les réseaux numériques, sans doute à cause de la faiblesse de la réponse pénale, sont devenus un lieu de violences généralisées. Pourtant, quoiqu’issue du monde virtuel, cette violence, elle, est bien réelle. La victime (en construction à plus forte raison) n’y reste pas indifférente. Sur elle, les dégâts de ce laisser-aller expressif peuvent être colossaux. Il faut donc se réjouir de ce que la règle de droit se soit saisie de la question du cyber harcèlement. Comment ? Commençons par citer la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, qui a érigé le fait de harceler moralement quelqu’un en utilisant un service de communication au public en ligne en une circonstance aggravante de la pénalité prévue pour le harcèlement classique. L’article 222-33-2-2 4° du code pénal dispose désormais que « Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende lorsque ces faits, commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne, « ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail ». Ce délit vient donc en complément des infractions de presse, dont la qualification, c’est vrai, était mal aisée en cas de moqueries mal intentionnées, de stigmatisations répétées commises sur les réseaux sociaux. De plus, l’avantage du texte est de n’avoir aucun égard pour le caractère public ou privé des propos harcelants. Les lynchages collectifs commis sur des réseaux fermés, punissables d’une simple contravention en cas d’application de la loi de 1881, le sont désormais de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. De plus, les choses ne semblent pas figées en la matière puisque le président de la République a annoncé à la fin de l’année 2017 la mise en place d’un système de signalement en ligne pour les victimes de harcèlement et de discriminations. Grâce à ce dispositif, la victime pourrait semble-t-il être accompagnée depuis son domicile. En tout cas, l’état du droit a sensiblement changé puisque la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes contient des dispositions intéressantes visant à mettre un terme aux raids numériques à caractère sexuel. Le texte, d’abord, modifie l’article 222-33 du code pénal, c’est-à-dire la disposition qui incrimine le harcèlement sexuel en conditionnant sa constitution au caractère répété des propos ou des comportements de l’auteur. La loi vise ainsi à permettre la qualification de l’infraction en l’absence de toute répétition « lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles » ou « lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ». Ce nouveau délit de harcèlement sexuel, théoriquement puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, le serait alors à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende « si les faits sont commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ». De même, la loi nouvelle a modifié l’article 222-33-2-2 du code pénal (relatif, lui, au harcèlement moral) afin que la circonstance aggravante constituée par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne soit complétée par les mots suivants : « (…) ou par le biais d’un support numérique ou électronique ». Le renforcement de l’arsenal répressif n’est pas anodin puisque l’envoie d’un seul message pourra désormais tomber sous le coup de la loi. Légiférer dans ce domaine n’est toutefois pas chose évidente. En témoigne la proposition de loi organique relative à la lutte contre les fausses informations (les fake news) déposée à l’Assemblée nationale le 26 juillet 2018 et qui connait un destin pour le moins agité. Certes, tout le monde s’accorde sur le caractère inadapté de la loi de 1881 quant aux informations fausses qui se développent de façon virale sur internet (« Comment délivrer une citation directe à l’encontre d’un individu anonyme ? Comment obliger à une requête en identification, comment contraindre au déréférencement, voire au retrait, un hébergeur sans représentation nationale en France ? », peut-on lire dans le Rapport législatif). Mais le texte rencontre une forte opposition, sur fond de la liberté d’expression, justement. Rien ne garantit, donc, qu’il ira au bout de son processus legislatif.

19Les efforts pour rénover le système répressif afin de mieux appréhender les dérives provoquées par une liberté d’expression numérique totalement débridée sont donc réels. Mais n’y a-t-il aucun risque d’excès ?

B – Les excès ?

20Si les dérives de la liberté d’expression dans le monde numérique sont réelles et que, par conséquent, l’intention du législateur de vouloir y remédier est louable, il faut garder à l’esprit que ces dérives ne sont le fait que d’un petit nombre d’individus. Par conséquent, toute répression disproportionnée serait plus un poison qu’une solution. La liberté d’expression doit demeurer le principe.

21Sur le fond, le cas de l’apologie du terrorisme réalisée via le réseaux internet (notamment les réseaux sociaux) est l’occasion de nous rappeler ce principe fondamental. Contexte terroriste oblige, on se souvient que la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 avait créé un article 421-2-5 du code pénal, selon lequel « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes » est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, ces peines étant portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende « lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne »[47]. Jusqu’alors, ce fait (mais pas la circonstance aggravante) était incriminé par la loi du 29 juillet 1881, précisément par son article 24 al. 6 – naturellement abrogé par la loi nouvelle. S’il ressort du nouveau texte que seule l’apologie (et non la provocation) d’actes terroristes présente désormais un caractère de publicité, il n’en reste pas moins que le passage de cette infraction de la loi de 1881 au code pénal révèle toute l’ambition répressive du législateur [48]. Preuve de son utilité, le texte a très vite trouvé son application. Ainsi, c’est sur le fondement de l’article 421-2-5 du code pénal que M. Dieudonné M’Bala M’Bala a été condamné en première instance [49] comme en appel [50] pour avoir publié sur sa page Facebook, au soir de la marche contre le terrorisme du 11 janvier 2015 : « Sachez que ce soir, je me sens Charlie Coulibaly ». La condamnation ne saurait étonner si on veut bien se souvenir que la Cour de cassation, dans une affaire où un individu avait arboré une pancarte sur laquelle il avait inscrit « je suis Charlie » d’un côté et « je suis Kouachi » de l’autre lors d’un rassemblement en hommage aux victimes des attentats ayant frappé la France, avait considéré que « le délit d’apologie d’actes de terrorisme, prévu et réprimé par l’article [421-2-5], consiste dans le fait d’inciter publiquement à porter sur ces infractions ou leurs auteurs un jugement favorable »[51]. Quoi qu’il en soit, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a reconnu la conformité du délit d’apologie du terrorisme à la Constitution. Pour lui, « l’atteinte portée à la liberté d’expression et de communication par les dispositions contestées est nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi »[52].

22De façon parallèle – ou en miroir – de cette apologie, le législateur a créé à la faveur de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 un nouvel article 421-2-5-2 du code pénal, appréhendant, non plus l’action de l’émetteur, mais celle du récepteur. C’est ainsi que le texte, sur le modèle de la consultation de sites pédopornographiques (et sa philosophie : « qui consulte représente un risque de passer à l’action »), a voulu punir la consultation habituelle de sites terroristes [53]. Dans sa première mouture, la disposition en question réprimait ainsi de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie ». Mais le Conseil constitution ne l’a pas entendu de cette oreille. Aussi, dans sa décision n° 2016-611 QPC du 10 février 2017, ce dernier a considéré que ce délit portait effectivement atteinte à la liberté de communication compte tenu de l’absence de nécessité et de proportionnalité. Afin d’appuyer sa démonstration, le Conseil a relevé que d’autres outils juridiques pertinents existaient (telles l’association de malfaiteurs en vue de la commission d’actes de terrorisme, ou encore l’entreprise individuelle de terrorisme, ainsi que des outils procéduraux très efficaces – ainsi, relève-t-il que : « les magistrats et enquêteurs disposent de pouvoirs étendus pour procéder à des mesures d’interception de correspondances émises par voie de communication électronique, de recueil des données techniques de connexion, de sonorisation, de fixation d’images et de captation de données informatiques »). Aussi, « sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs », l’article 421-2-5-2 du Code pénal fut déclaré contraire à la Constitution [54]. Mais conscient du rôle très important joué par internet dans la promotion des actes terroristes, le législateur n’a pas voulu baisser sa garde et, à l’occasion de l’adoption de loi n° 2017-258 du 28 février 2017, a réécrit le texte en question. Sa lettre était précisément la même, à la différence près qu’on pouvait y lire in fine les mots suivants : « […] lorsque cette consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ce service ». Manifestement, le Conseil constitutionnel, saisi de nouveau, n’a pas considéré que cette précision était à même à respecter la liberté de communication. Celui-ci déclara alors une seconde fois le texte inconstitutionnel dans son arrêt du 15 décembre 2017 [55].

23Ce sentiment d’excès pourrait du reste s’imposer en termes de procédure [56]. C’est qu’en effet, conscient qu’internet est un vecteur d’acte d’apologies du terrorisme, les législateurs successifs ont créé des obligations à l’endroit des opérateurs de l’internet afin d’obtenir d’eux le retrait des messages litigieux. Le problème, c’est qu’on observe une multiplication des régimes, qui, certainement, nuit à l’efficacité du procédé. En effet, en vertu des dispositions tenant des lois numériques, on sait qu’en cas de contenu illicite ou litigieux, une demande de retrait peut être faite directement auprès de l’éditeur et qu’en l’absence de réponse de ce dernier, il est possible de demander le retrait auprès de l’hébergeur après notification. Mais, depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, le code de procédure pénale prévoit une autre procédure, qui permet au juge des référés d’ordonner, à la demande du ministère public ou de toute personne ayant intérêt à agir, l’arrêt du service de communication en ligne qui diffuse des messages appelant directement à la commission d’actes de terrorisme en cas de trouble manifestement illicite [57]. Et il ne faut pas oublier qu’il existe, en sus, une procédure de blocage administratif [58].

24En somme, il paraît opportun de souligner qu’avec le numérique, la liberté d’expression a sans doute atteint en partie ses limites. Déjà, dans le monde réel, l’efficacité de la répression que promeut la loi du 29 juillet 1881 en cas d’abus est souvent remise en question. Mais dans le monde numérique, même si les efforts d’adaptation qu’elle a réalisés sont tout à fait louables, cette efficacité est fortement soumise à caution. Car aujourd’hui, l’expression a changé, alors la liberté qui la sous-tend aussi. La violence qui l’irrigue ne doit pas être niée. Cela n’aurait, pensons-nous, aucun intérêt. Bien sûr, une réflexion sur les pistes à suivre, non juridiques, doit être soigneusement menée pour anticiper de tels abus. La libération de la parole des victimes, aidée par des campagnes de sensibilisation, sont sur ce point tout à fait cruciales. Mais la voie de la répression ne doit pas être oubliée. La volonté du législateur de vouloir l’aggraver en cas de dérives est donc tout aussi louable. Mais encore faut-il que les moyens de poursuivre les auteurs indélicats existent. A défaut de quoi, en plus d’un droit disproportionné et à la constitutionalité douteuse, l’on aura donné naissance à d’un droit pénal de papier. Un droit pénal perdu. Une fois de plus.

Notes

  • [1]
    Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, Loi relative à la liberté de communication ; Rec. Cons. const. 1986, p. 141 ; Cons. const., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC : AJDA 2009, p. 1132 ; D. 2009. p. 1770, obs. J.-M. Bruguière ; RFDA 2009, p. 1269, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010, p. 97, obs. H. Périnet-Marquet.
  • [2]
    Conv. EDH, art. 10 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière » ; CEDH, 7 déc. 1976, n° 5493/72, Handyside c/ Royaume-Uni ; N. Le Bonniec, La Cour européenne des droits de l’homme face aux nouvelles technologies de l’information et de communication numériques, Revue des droits et libertés fondamentaux 2018, n° 5.
  • [3]
    CEDH 7 déc. 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, § 49, GACEDH, n° 7.
  • [4]
    L’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à l’épreuve d’internet, Rapp. d’information fait au nom de la commission des lois du Sénat, 6 juill. 2016 ; Projet de loi Egalité et citoyenneté, modifié en première lecture par le Sénat, 18 oct. 2016, art. 37 et s).
  • [5]
    Sur la question : I. Soskin, Les nouvelles formes d’atteintes à la "réputation" et à "l’image" de la personne dans l’environnement numérique, Legipresse 2016, n° 336, p. 145.
  • [6]
    E. Derieux, Lutte contre le terrorisme et droit de la communication, Legipresse 201, p. 685 ; Ph. Segur, Le terrorisme et les libertés sur l’internet : AJDA 2015, p. 160.
  • [7]
    CEDH, gr. ch., 16 juin 2015, n° 64569/09, Delfi AS c/ Estonie, RTD eur. 2016. 341, obs. F. BenoîtRohmer. Sur cette question, v. M. Afroukh, La liberté d’expression face aux discours haineux en ligne dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Dalloz IP/IT 2017. 575 ; H. Oberdorff, La liberté d’expression à l’ère numérique en Europe, Politeia, 2017, n° 31, p. 193.
  • [8]
    Sur la question, A. Granchet, La liberté d’expression face au défi numérique et sécuritaire, Légipresse 2015, n° 33, p. 648.
  • [9]
    Si, toutefois, la teneur du message ne vise pas un tiers (car, si tel est le cas, la non^constitution de l’infraction est conditionnée au fait que le message est transmis dans les conditions de la confidentialité (Cass. crim., 12 juill. 1972, Bull. crim. 1972, n° 241 ; Cass. crim., 26 janv. 1993, Bull. crim. 1993, n° 41 ; Cass. crim., 17 janv. 1995, Dr. pén. 1995, comm. 120, M. Véron ; Cass. crim., 30 mai 2007, n° 06-86.326 ; Cass. crim., 24 mai 2011, n° 10-85.184, Comm. com. électr. 2011, comm. 92, A. Lepage ; Cass. crim., 11 avr. 2012, n° 11-87.688, Bull. crim. 2012, n° 89 ; Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-84.042 ; Cass. crim., 14 oct. 2014, n° 13-85.512.
  • [10]
    Cass. crim., 6 janv. 2015, n° 13-87885.
  • [11]
    Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-80353.
  • [12]
    Cass. crim., 28 avr. 2009, n° 08-85249.
  • [13]
    Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 14-87605.
  • [14]
    Cass. crim., 12 mai 2015, n° 14-80.430.
  • [15]
    Cass. crim., 21 juin 2016, n° 15-82.529.
  • [16]
    En droit du travail, v. CA Besançon, 15 nov. 2011, n° 10/02642 : CCE, 2012, n° 4, 2012 : « qu’il s’en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré, au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu’il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son « mur ».
  • [17]
    Cass. civ. 1ère, 10 avr. 2013, n° 11-19530, JCP G, n° 17, p. 816, obs. L. Marino ; RLDI 2013, n° 93, p. 47, obs. J. de Romanet et L. Costes ; A. Lepage, « La notion de communauté d’intérêts à l’épreuve des réseaux sociaux », CCE, 2013, n° 7, p. 43.
  • [18]
    Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 15-86.916 ; Cass. crim., 14 mars 2017, n° 15-85.512 ; V. également CA Montpellier, ch. 1 D, 15 juin 2017, n° 16/06872.
  • [19]
    C. pén., art. 223-13 al. 1er : « Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide ».
  • [20]
    CA Rennes, 22 juin 2010.
  • [21]
    Cass. crim., 18 oct. 2016, n° 15-86.317.
  • [22]
    Cass. civ. 1ère, 17 mars 2018, n° 17-11316.
  • [23]
    Cass. crim., 13 déc. 2016, n° 16-80.812 ; Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 14-87.605 ; Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-81.093 ; Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-80.353 ; Cass. crim., 7 juin 2016, n° 15-83.746 ; Cass. crim., 21 juin 2016, n° 14-88.470 ; V. encore, sur le site legalis, TGI Paris, 17e ch. corr., 18 févr. 2016, le procureur de la République, S. c/ R. et B.).
  • [24]
    Depuis la réforme par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le délai de prescription en matière délictuelle est de 6 ans.
  • [25]
    Cass. crim., 11 juill. 1889, DP 1890, 1, p. 237 ; S. 1889, 1, p. 349 ; Cass. crim., 28 mars et 26 avr. 1890, DP 1890, 1, p. 453 ; Cass. crim., 26 sept. 1907, Bull. crim. 1907, n° 410 ; DP 1911, 1, p. 270 ; S. 1910, 1, p. 521, note Roux ; Cass. crim., 17 janv. 1924, Bull. crim. 1924, n° 31 ; Cass. crim., 1er juill. 1953, D. 1953, jurispr. p. 574, rapp. Patin ; Cass. crim., 5 janv. 1974, Bull. crim. 1974, n° 4.
  • [26]
    Cass. crim., 30 janv. 2001, Bull. crim. 2001, n° 28, p. 75 ; Cass. crim., 16 oct. 2001, Bull. crim. 2001, n° 211 ; Cass. crim., 27 nov. 2001, Bull. crim. 2001, n° 246.
  • [27]
    Cass. crim., 2 oct. 2012, n° 12-80.419.
  • [28]
    Cass. crim., 2 nov. 2016, n° 15-87163.
  • [29]
    Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 15-83439.
  • [30]
    Dans ce sens, B. Auroy et E. Stella, La liberté d’expression face aux réseaux sociaux, Dr. pénal 2017, n° 6, ét. 13.
  • [31]
    Cass. crim., 10 avril 2018, n° 17-82814.
  • [32]
    L. Saenko, Le nouveau délit d’identité numérique, RLDI 2011, n° 72, p. 63.
  • [33]
    C. pén., art. 434-23.
  • [34]
    Cass. crim., 16 nov. 2016, n° 16-80.207, Dr. pén. 2016, comm. 20, obs. Ph. Conte ; CCE 2016, comm. 6 obs. A. Lepage.
  • [35]
    A.-S. Chavent-Leclère, Le renouveau des infractions sexuelles à l’ère d’internet, Mélanges Mayaud, Dalloz 2017, p. 341 ; V. Cantat-Lampin, Les atteintes à la personne par le biais des communications électroniques, Une réponse imparfaite du droit pénal, ibid., p. 305 ;
  • [36]
    C. pén., art. 222-24 8°.
  • [37]
    C. pén., art. 222-28 6°.
  • [38]
    C. pén., art. 227-26 4°, qui prévoit une peine de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
  • [39]
    C. pén., art. 222-27.
  • [40]
    C. pén., art. 222-22-1.
  • [41]
    C. pén., art. 113-2.
  • [42]
    C. pén., art. 113-2 al. 2.
  • [43]
    C. pén., art. 113-6.
  • [44]
    C. pén., art. 113-7.
  • [45]
    Pour les critiques, v. les observations de M. Francillon, La compétence pénale territoriale française à l’épreuve de la cybercrimalité, Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz, 2017.
  • [46]
    M. Quéméner, Présentation de l’avis sur la lutte contre les discours de haine sur internet de la CNCDH, RDLI 2015, n° 113, p. 46.
  • [47]
    Sur ce texte, v. A. Lepage, Un an de droit pénal des nouvelles technologies (Octobre 2014-Octobre 2015), Dr. pén. 2015, n° 12, p. 15.
  • [48]
    Le régime procédural n’étant plus du tout le même (en termes de prescription de l’action publique, etc.).
  • [49]
    TGI Paris, 18 mars 2015.
  • [50]
    CA Paris, 21 juin 2016.
  • [51]
    Cass., crim., 25 avr. 2017, n° 16-83.331.
  • [52]
    Cons. constit, 18 mai 2018, déc. n° 2018-706 QPC - M. Jean-Marc R.
  • [53]
    A. Lepage, Un an de droit pénal du numérique (Octobre 2016-Septembre 2017), Dr. pén. 2017, n° 12, p. 23.
  • [54]
    Cons. const., déc. n° 2016-611 QPC, du 10 février 2017.
  • [55]
    Cons. const., déc. n° 2017-682 QPC, du 15 décembre 2017 ; Sur la question, v. X. Latour, La lutte contre les sites djihadistes et la liberté de communication, JCP A 2018, n° 7, p. 38.
  • [56]
    G. de Martino, Vers une généralisation de la privatisation de la justice sur internet ? Legipresse 2014, n° 318, p. 387.
  • [57]
    C. proc. pén., art. 706-23. E. Dreyer, Le blocage de l’accès aux sites terroristes (…), JCP G 2015, p. 423.
  • [58]
    Sur la question, M. Quéméner, De la haine au terrorisme : analyse des évolutions législatives, Dalloz IP/IT 2017. 579 ; Ph. Segur, Le terrorisme et les libertés sur l’internet : AJDA 2015, p. 160E.
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