Notes
-
[1]
Ch. Lazerges, « Médiation pénale, justice pénale et politique criminelle », Rev. sc. crim. 1997, n° 1, pp. 186.
-
[2]
Sont visés au titre des alternatives aux poursuites à l’article 41-1 du CPP, le rappel à la loi, le classement sous condition de régularisation ou de réparation, la médiation pénale, l’injonction de soins, l’orientation sanitaire et sociale, l’éloignement du partenaire violent…
-
[3]
Art. 41-2 du CPP.
-
[4]
Art. 41-1-1 du CPP, issu de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014.
-
[5]
Art. 495 et s. du CPP.
-
[6]
Art. 495-7 et s. du CPP.
-
[7]
J. Danet, R. Brizais, S. Lorvellec, « La célérité de la réponse pénale », in J. Danet (coord.), La réponse pénale – Dix ans de traitement des délits, Presses Universitaires de Rennes, 2013, pp. 255-296.
-
[8]
G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Quadrige, PUF.
-
[9]
DC 76-70 du 2 décembre 1976 ; V. aussi Ass. Plén. 30 juin 1995, Bull. n°4.
-
[10]
Circulaire du 23 mai 2014 de présentation des dispositions de procédure pénale applicables le 2 juin 2014 de la loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, NOR : JUSD1412016C, part. p. 3.
-
[11]
F. Saint-Pierre, « La nature juridique des droits de la défense dans le procès pénal », D. 2007. 260.
-
[12]
J.-P. Jean, « Le système de justice pénale évalué à l’aune de ses résultats », in M. Massé, J.-P. Jean, A. Giudicelli (dir.), Un droit pénal post-moderne ? Mise en perspective des évolutions et ruptures contemporaines, Paris, PUF, 2009, p. 247 à 280, part. p. 279 et 280.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
CRIM 2004-03 e5/16-03-04, nor : jusd0430045c.
-
[15]
On avance de manière plus prudente en 1999 qu’en 2004…
-
[16]
A. Coche, « La justice pénale sans audience, une justice en enfer », D. 2008.2180.
-
[17]
Art. 495-3 al. 3 du CPP.
-
[18]
Vols simples, filouteries, destructions ou dégradations de biens, vente à la sauvette…
-
[19]
Circulaire du 20 mars 2012 présentant les dispositions de la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles étendant les d’ordonnance pénale et de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité NOR : JUSD1208381C, part. p. 2 et 6.
-
[20]
C. Viennot, Le procès pénal accéléré – Etude des transformations du jugement pénal, Préface P. Poncela, Dalloz, NBT, Vol. 120, 2012, 605 p., part. p. 359 et suivantes.
-
[21]
Décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001 ; A. Bureau, Les premières applications de la composition pénale dans le ressort de la Cour d’appel de Poitiers, Mémoire de D.E.A. de droit pénal et de sciences criminelles, sous la direction de A. Giudicelli, Recherche subventionnée par le GIP « Mission de Recherche Droit et Justice », Poitiers, 2003. S. Grunvald, J. Danet, Une première évaluation de la composition pénale, Rapport final janvier 2004.
-
[22]
Circulaire du 20 mars 2012, NOR : JUSD1208381C. V. not. J. Danet, S. Grunvald et C. Saas, « Traiter versus juger ? Quel rituel ? », in J. Danet (coord.), La réponse pénale – Dix ans de traitement des délits, op. cit., pp. 343-361.
-
[23]
L’âge d’or de la justice pénale et l’audience classique parée de toutes ses vertus sont évidemment des figures idéales, donc utopiques, de notre système judiciaire.
-
[24]
Art. 495-3 al. 3 du CPP.
-
[25]
J.-D. Régnault, « Composition pénale : l’exemple du tribunal de Cambrai », AJPénal, n° 2, 2003, pp. 55-58.
-
[26]
Le terme est curieux, le suspect étant informé, de manière passive, de ses droits.
-
[27]
J. Blackstock, E. Cape, J. Hodgson, A. Ogodorova, T. Spronken (dir.), Inside Police Custody – An Empirical Account of Suspects’ Rights in Four Jurisdictions, Intersentia, 2014.
-
[28]
Pour une analyse contraire, v. E. Vergès, « Construire la norme en procédure pénale : une étude des techniques juridiques à travers un cas symptomatique, la géolocalisation », Chronique législative – Procédure pénale, Rev. sc. crim. n° 3, 2014.
-
[29]
En 2013, la faible part de composition pénale chez les mineurs (1% des affaires poursuivables, d’après Infostat Justice, février 2015, n° 133) par rapport aux majeurs (5% des affaires poursuivables d’après les chiffres-clés de la Justice de 2014) pourrait s’expliquer par ce qui peut être perçu comme une contrainte.
-
[30]
Ph. Milburn, Ch. Mouhanna, V. Perrocheau, « Controverses et compromis dans la mise en place de la composition pénale », APC, n° 27, 2005, pp. 151-165, part. p. 162.
-
[31]
C. Viennot, Le procès pénal accéléré – Etude des transformations du jugement pénal, op. cit., part. p. 411 et s.
-
[32]
J.-P. Jean, « Le système de justice pénale évalué à l’aune de ses résultats », op. cit., part. p. 277.
-
[33]
V. contra F. Saint-Pierre, « La nature juridique des droits de la défense dans le procès pénal », D. 2007. 260.
-
[34]
CourEDH, Artico c. Italie, 13 mai 1980.
-
[35]
P. Poncela, « Quand le procureur compose avec la peine », Rev. sc. crim. n° 3, 2002, pp. 139-143 ; V. Perrocheau, « La composition pénale et la comparution sur reconnaissance de culpabilité : quelles limites à l’omnipotence du parquet ? », Droit et soc., n° 74, 2010, pp. 55-71 ; C. Saas, « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du procureur », Rev. sc. crim. n°4, 2004, pp. 827-842.
-
[36]
J.-P. Jean, « Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal », AJP n° 12/2006, pp. 473-480.
-
[37]
Cet objectif de rationalisation est fréquemment mis en avant dans les travaux parlementaires, mais aussi par les magistrats.
-
[38]
CEDH, 2e section, 13 octobre 2009, Dayanan c/ Turquie, D. 2009, p. 2897, note J. Renucci ; D. Roets, « Du droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue : bis repetita placent… », Rev. sc. crim. 2010.231 ; C. Saas, « Défendre en garde à vue : une révolution… de papier ? », AJP, n° 1/2010, p. 27 à 30.
-
[39]
Circulaire du 23 mai 2014, NOR : JUSD1412016C ; part. p. 2.
-
[40]
V. également la procédure de « petit dépôt » (art. 803-3 du CPP), de la retenue douanière (art. 67 F du code des douanes), de la retenue suite à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (art. 695-27 du CPP).
-
[41]
Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011.
-
[42]
Circulaire du 23 mai 2014, NOR : JUSD1412016C
-
[43]
Art. 393 al. 4 du CPP.
-
[44]
Un peu plus de 1 300 000 en 2013 d’après les chiffres-clés de la Justice de 2014.
-
[45]
Refonder le ministère public, Rapport de la commission de modernisation de l’action publique, présidée par J.-L. Nadal, novembre 2013, 124 p., part. proposition n° 48, Avis sur la refondation de l’enquête pénale, CNCDH, Assemblée plénière, 29 avril 2014, part. p. 3 ; contra Rapport sur la procédure pénale, J. Beaume, juillet 2014, part. p. 73 et suivantes.
-
[46]
E. Allain, Défèrement au parquet : de nouveaux droits mais avec un avocat gratuit ?, Dalloz Actu, 6 juin 2014 ; V. le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui prévoit que la rémunération de l’avocat s’élèvera à 46 euros.
-
[47]
J. Danet, Défendre – Pour une défense pénale critique, Dalloz, 2ème éd., 2004, 270 p., part. p. 249 et suivantes.
-
[48]
« Je vous demande de privilégier, le recours à la procédure hors débat contradictoire en milieu fermé comme en milieu ouvert et de ne requérir l’organisation d’un débat contradictoire que dans les cas où les éléments contenus dans le dossier du juge de l’application des peines se révèlent insuffisants à éclairer la situation du condamné ou que le projet d’aménagement de peine est inadapté. A cette fin, des protocoles d’accord pourront être élaborés au niveau local entre les magistrats du parquet, les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation afin de préciser les modalités d’application de l’aménagement de peine hors débat contradictoire (conditions de transmission des dossiers du parquet au juge de l’application des peines, critères prédéfinis…). » Circulaire du 19 septembre 2012 de politique pénale de Mme le garde des sceaux, NOR : JUSD1235192C, JORF n° 0243 du 18 octobre 2012, p. 16225.
-
[49]
Tel est le cas à Alençon.
-
[50]
J. Danet, Défendre – Pour une défense pénale critique, op. cit., part. p. 260.
1Les droits de la défense et les alternatives aux poursuites sont bien plus fréquemment opposés qu’associés, souvent pour déplorer que les secondes n’aient pu prospérer de manière aussi forte au cours des quinze dernières années qu’au détriment du respect des premiers. Sans contribuer à une discussion déjà fort nourrie, il convient de préciser ce que recouvrent ces deux notions, avant d’envisager leur association en termes de politique criminelle, de « stratégie de gestion du phénomène criminel » [1].
2D’une part, les alternatives aux poursuites sont ici conçues au sens – peut-être excessivement – large du terme et recouvrent tant les modalités de la troisième voie stricto sensu [2], que la composition pénale [3], la transaction pénale [4], l’ordonnance pénale [5] et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité [6]. Sont donc envisagés tous les canaux procéduraux qui, se déployant entre le classement sans suite et le renvoi ordinaire devant une juridiction statuant au terme de débats contradictoires se déroulant en audience publique, ont permis de systématiser la réponse pénale. Depuis la formalisation de la médiation pénale par la loi du 4 janvier 1993, les alternatives aux poursuites, au sens large, n’ont cessé de se multiplier et de recevoir un champ d’application ratione materiae et ratione personae de plus en plus étendu. La justice pénale peut ainsi traiter plus, mais pas toujours forcément plus vite [7], des affaires relevant pour certaines de contentieux de masse, délestant ainsi les audiences classiques consacrées aux formes les plus graves de la délinquance.
3D’autre part, les droits de la défense, garantis par de nombreux textes, peuvent être définis comme « l’ensemble des prérogatives qui garantissent à la personne mise en cause la possibilité d’assurer effectivement sa défense dans le procès pénal » [8]. Sont plus particulièrement concernés le droit à être informé de la nature et de la cause de l’accusation, la possibilité de se défendre soi-même ou d’être défendu par un avocat, le respect du contradictoire et le droit de ne pas s’auto-incriminer.
4Lorsqu’on envisage les liens entre les droits de la défense et les alternatives aux poursuites en termes de politique criminelle, plusieurs pistes, assez générales, de réflexion apparaissent. On peut tout d’abord se demander si l’évolution des droits de la défense, dans un sens de plus en plus garantiste, notamment sous l’effet des textes et des jurisprudences européens, a pu avoir une incidence sur le choix de recourir aux alternatives aux poursuites de façon plus soutenue. Figurent dans les travaux parlementaires et les circulaires des indices permettant de croire à une telle déviation de contentieux vers des procédures moins garantistes. Ce premier mouvement d’esquive de droits de la défense renforcés dans le canal procédural ordinaire est ancien. En effet, depuis la loi Constans du 8 décembre 1897, et la reconnaissance par le Conseil constitutionnel des droits de la défense comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République en 1976 [9], le renforcement des droits de la défense n’a cessé de progresser dans les textes. Toutefois, échapper à ces derniers a été un souci constant de nombreux acteurs policiers ou judiciaires. Les actes de naissance de la garde à vue, puis de l’audition libre, sont marqués par le renforcement antérieur des droits de la défense respectivement dans le cadre d’une information judiciaire et de la garde à vue. Encore récemment, la circulaire du 23 mai 2014 minore la loi du 27 mai 2014 en précisant que « la notification de ses droits à un suspect entendu librement ne doit intervenir que si celui-ci fait l’objet d’une audition formelle, donnant lieu à un procès-verbal d’audition signé par la personne. Les dispositions de l’article 61-1 ne sont donc pas applicables en cas de simple recueil des éventuelles déclarations d’une personne. » [10]
5Cette stratégie de l’esquive est par ailleurs assez bien mise en évidence par la considération de la construction en parallèle des droits de la défense et des alternatives aux poursuites, à partir des premières lois de 1993 [11]. La transaction, consacrée en 2014 comme une voie de dérivation à part entière située en amont des alternatives aux poursuites et de la composition pénale, s’accompagne d’un respect très minimaliste et formel des droits de la défense, au moment même où on renforce ces derniers lors du défèrement. Certes, ce ne sont pas nécessairement les mêmes dossiers qui sont susceptibles de faire l’objet à la fois d’une transaction et d’un défèrement, mais l’élasticité des contraintes apparaît comme le signe d’une politique criminelle pragmatique. En effet, la hausse des affaires soumises à la justice pénale ne permettant pas, à moyens quasi-constants, un traitement uniforme par le biais d’un canal ordinaire garantiste, des procédures différenciées apparaissent. Ainsi, Jean-Paul Jean distingue « trois modèles de procédure pénale simultanément en action » [12]. Le premier, réservé aux infractions les plus graves, est placé sous le sceau du respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, sous réserve du principe de proportionnalité qui permet aux Etats signataires d’esquiver encore des contraintes trop lourdes en matière de stupéfiants, de criminalité organisée, de terrorisme… Le deuxième modèle est celui de la « justice pénale applicable aux contentieux de masse et à la délinquance quotidienne » [13], incluant les alternatives aux poursuites, la comparution immédiate, la citation directe, ainsi que les modes simplifiés et négociés de jugement. Le troisième serait celui d’une justice pénale automatisée, visant des contentieux de masse à l’instar de celui de la circulation routière.
6En miroir, une deuxième piste de réflexion affleure : les choix de gestion du phénomène criminel ont-ils pu avoir une incidence sur les droits de la défense, et peut-être, en filigrane, une incidence sur la nature de ces droits et leur exercice par les avocats ? En effet, les droits de la défense apparaissent, dans les alternatives aux poursuites, plus formels que substantiels. Leur exercice, qui peut être collectivisé, induit également une évolution des missions que doit assumer un avocat.
7Dans un troisième temps, on peut se demander si l’évolution des droits de la défense au sein des alternatives aux poursuites n’a pas rejailli sur la nature et l’exercice des droits de la défense pénale au cœur des procédures plus classiques. A travers l’apparition ou, au contraire, le délaissement des droits de la défense lors de temps forts procéduraux s’opère un nivellement apparent des droits de la défense au sein de l’ensemble des modes de traitement des infractions ou peut-être une recomposition des jalons marquant le continuum de la réponse pénale.
8Ces trois mouvements renvoient certainement à une seule et même question qui est celle des rapports réciproques ou dialectiques entre les deux notions de droits de la défense et les alternatives aux poursuites au soutien d’une politique criminelle pragmatique. Pragmatique au regard du flux des dossiers à traiter, pragmatique au regard des contraintes supra-nationales, pragmatique au regard des pratiques. Seuls les deux derniers mouvements seront étudiés de manière approfondie, celui de l’esquive ayant déjà été analysé par ailleurs. Sera donc envisagé, dans un premier temps, le mouvement de dispersion des droits de la défense au sein des alternatives aux poursuites, permis par une élasticité des textes et induisant une redéfinition de la nature et de l’exercice des droits de la défense (I). Le mouvement de continuité entre les droits de la défense dans les alternatives aux poursuites et dans une procédure classique sera ensuite présenté, en insistant sur l’importance reconnue ou méconnue de certaines étapes, parfois nouvelles, de la procédure (II).
I – La dispersion des droits de la défense au sein des alternatives aux poursuites
9La circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 16 mars 2004 relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur [14] consacre aux droits de la défense une place particulière : « La place et le rôle de la défense dans les procédures alternatives aux poursuites méritent une attention toute particulière. […] les principes généraux interdisent tout traitement différencié de mesures qui sont des réponses pénales quant au respect des droits de la défense. Une solution contraire conduirait à empêcher l’exercice de tels droits dans la mise en œuvre de mesures alors même que l’assistance d’un avocat est possible dans le cadre d’instances non judiciaires, notamment disciplinaires. L’ouverture des droits de la défense se justifie d’autant plus que ces mesures doivent être ordonnées selon des conditions procédurales précises et ne peuvent, en tout état de cause, être considérées comme dépourvues de portée juridique, notamment en terme de responsabilité civile. Compte tenu de ces observations, je vous demande de faire respecter ces principes, étant précisé qu’il convient, dans une démarche pragmatique, que les procureurs de la République se rapprochent des barreaux pour déterminer toutes les modalités utiles, notamment quant à la consultation des dossiers et à l’assistance des mis en cause et des victimes. »
10La ligne de conduite est affichée clairement. L’élasticité des droits de la défense apparaît comme la marque d’une politique criminelle pragmatique (A), qui induit un basculement des droits de la défense dans les alternatives aux poursuites vers une nature plus formelle que substantielle (B). L’exercice de ces droits est également assez différent, les avocats intervenant désormais plus comme conseils que comme défenseurs (C).
A – L’élasticité des droits de la défense
11Il règne une assez grande liberté, tant du côté du législateur, que de la Chancellerie pour détailler le panel et les modalités d’exercice des droits de la défense au sein des alternatives aux poursuites. Ces deux acteurs se montrent, tour à tour, précis et dirigistes ou assez flous, voire silencieux.
12Cette diversité n’est certainement pas liée à l’intérêt plus ou moins grand porté à telle ou telle procédure, mais peut-être à la période à laquelle les textes ont été élaborés [15] et aussi, plus certainement, à la manière dont l’alternative est conçue et dont les enjeux – nature et quantum de la sanction, existence d’une voie de recours, premier terme de la récidive, inscription au casier judiciaire – sont perçus, à tort ou à raison.
13Au sein des alternatives aux poursuites stricto sensu, les droits de la défense sont la plupart du temps oblitérés ou réduits à leur plus stricte expression. Seules la composition pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l’ordonnance pénale délictuelle dépareillent. Dans une procédure d’ordonnance pénale délictuelle ne permettant pas le recours à une peine d’emprisonnement [16], l’exercice des droits de la défense va se limiter, en principe, à la notification de la décision et à l’indication de la possibilité de former opposition [17]. Initialement destinée à traiter principalement le contentieux de la circulation routière, répétitif et quantitativement très important, puis du contentieux de masse concernant des faits mineurs, simples et établis [18], l’ordonnance pénale délictuelle ne paraît pas devoir, aux yeux du législateur, respecter davantage les droits de la défense. Tout contentieux susceptible de provoquer des contestations ou des débats sur le fond est écarté du champ d’application de l’ordonnance pénale, qui exclut toute discussion contradictoire [19]. Toutefois, l’exercice d’une voie de recours permettra de regagner la garantie de tous les droits de la défense devant une juridiction indépendante et impartiale [20].
14En matière de composition pénale, le respect des droits de la défense est en théorie possible, mais les textes offrent tant de flexibilité qu’en pratique, il ne l’est que rarement [21]. Pourtant, la composition pénale est une voie particulièrement complexe à appréhender : délits punis de cinq ans d’emprisonnement, validation par le juge du siège en l’absence de l’intéressé et donc de la défense, mesures inscrites au casier judiciaire, ne constituant pas le premier terme de la récidive mais permettant à la partie lésée de demander réparation…
15Les enjeux en termes de répression sont les plus sérieux dans le cas d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui peut désormais faire suite à une information judiciaire. Assimilée à une forme simplifiée de jugement, cette procédure rend obligatoire la présence de l’avocat à tous les stades, d’autant plus que son champ d’application a été étendu à tous les délits, sous réserve des précisions des articles 495-7 et 495-16 du code de procédure pénale. La circulaire d’application de la loi du 13 décembre 2011 préconise l’extension de la CRPC aux cas de petits trafiquants ou de primo-trafiquants de stupéfiants, réservant l’audience classique aux clients habitués, ainsi qu’à la corruption [22].
16Ces garanties variables ont également une incidence sur la nature et l’exercice des droits de la défense.
B – Les droits de la défense en voie de procéduralisation
17Le renoncement à garantir, au sein des procédures alternatives, les droits de la défense de manière si ce n’est identique au moins similaire à la protection dont ils sont censés bénéficier au prévenu dans une procédure classique [23] n’a pas toujours été accueilli purement et simplement par les praticiens. Ces derniers ont parfois eu recours à des procédés, prévus ou non par le texte légal, permettant de restaurer un semblant de droits de la défense. Ainsi, ont été développées des audiences de notification collective des ordonnances pénales délictuelles, dont tout le mécanisme consiste pourtant à faire l’impasse, sauf opposition, sur l’audience et le respect des droits de la défense [24]. De même, en matière de composition pénale, certaines juridictions ont imaginé de conduire des audiences collectives de présentation de la décision de mise en œuvre d’une composition pénale, en en expliquant les modalités au public concerné avant de l’appliquer de manière individualisée [25]. Il n’est alors pas fait mention de la présence d’un défenseur ; il s’agit plutôt d’un dispositif à visée explicative, pédagogique. S’en suit une forme de collectivisation de la garantie des droits de la défense, à travers la bouche du représentant du ministère public.
18De plus, et la conception des textes européens n’est pas étrangère à cette évolution, l’accent est souvent davantage porté sur la notification des droits que sur leur garantie effective. La remise, en application de l’article 803-6 du code de procédure pénale, d’une lettre standardisée de « déclaration de droits » [26], en constitue un bel exemple [27]. La politique criminelle se montre ici aussi sous des atours pragmatiques, en se soumettant a minima aux exigences du droit de l’Union toutes procédures confondues, et par conséquent aussi pour les alternatives aux poursuites, dès lors qu’il y a privation de liberté.
19La formalisation ou la procéduralisation du droit à un avocat pourrait avoir pour conséquence d’appauvrir ce droit, en le privant progressivement de sa substance [28]. Sur le terrain de l’effectivité, cela paraît être le cas en matière de médiation pénale, où l’avocat est assez mal accueilli, ainsi qu’en matière de composition pénale où la présence de l’avocat n’est plus obligatoire que pour ses destinataires les plus vulnérables que sont les mineurs [29]. Pour rendre effective la présence de l’avocat, l’organisation de permanences apparaîtrait beaucoup performante [30].
20Sur le terrain de l’efficacité, la présence obligatoire de l’avocat dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité peut également apparaître problématique, mais d’une autre façon. A la lecture des textes, il apparaît clairement que le prévenu peut se défendre ou être défendu par un avocat. Le droit à être assisté par un avocat est conçu, sur le papier, comme un droit subjectif, auquel il est possible de renoncer. Au sein des procédures ordinaires, seuls les majeurs incapables, les mineurs et les accusés, pour des raisons liées à la vulnérabilité des premiers et aux enjeux d’une répression plus sévère pour les seconds, doivent en principe être représentés et défendus par un avocat. Comme le souligne Camille Viennot, un ordre public de protection est alors à l’œuvre, qui s’étend aux cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité [31].
21Qu’un droit subjectif se transforme en obligation est aisément compréhensible au regard des garde-fous devant entourer l’exercice de la répression pénale dans un Etat de droit. Cela peut également constituer le signe d’un droit pénal postmoderne [32]. Pour autant, la pertinence de cet ordre public de protection en matière pénale peut être questionnée, pour le tout-venant des prévenus ayant commis des infractions peu complexes et peu discutées [33]. Cela peut être un motif de refus, par l’intéressé, de ce type d’alternatives, la présence obligatoire de l’avocat signifiant la prise en charge des frais afférents, l’octroi de l’aide juridictionnelle n’étant en rien assuré.
22La nature des droits de la défense apparaît protéiforme. La simple notification de l’existence de ces droits entraîne une formalisation du droit à un avocat sans contribuer nécessairement à l’effectivité des droits de la défense [34]. Il en va de même de leur exercice.
C – L’exercice des droits de la défense par des conseils
23Si la métamorphose des fonctions du ministère public suite au développement des alternatives aux poursuites a été analysée par la doctrine [35], seuls quelques auteurs ont pu évoquer l’évolution de la profession d’avocats, suite à l’apparition et au développement des alternatives aux poursuites. Dépassant l’attitude consistant à évaluer, le plus souvent négativement, l’apport de ces procédures à la garantie des droits de la défense, ils ont mis l’accent sur certains points, relatifs à l’orientation procédurale, à la déclaration ou reconnaissance de culpabilité et à la détermination de la peine.
24L’orientation procédurale est devenue une étape fondamentale dans toute procédure pénale, le procureur de la République jouant le rôle d’un « grand aiguilleur » [36]. Le respect des droits de la défense devrait par conséquent s’étendre à ce moment procédural. En l’état actuel des textes, tel n’est pas le cas, mais l’avocat pourra, a posteriori, émettre un avis auprès de son client quant à la pertinence de ce choix et à l’intérêt d’accepter ou au contraire de contester l’orientation retenue.
25Pourtant, avec la présence de l’avocat dès les premiers moments de la garde à vue depuis la loi du 14 avril 2011, on peut envisager que soit, d’emblée, anticipée une éventuelle proposition de composition pénale ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en rappelant à son client qu’aucune pression ou marchandage de quelque sorte que ce soit ne peut être mis en avant par un officier de police judiciaire. Expliquer les ressorts de ces procédures et de leurs enjeux fait alors partie du travail de l’avocat, dont on se demande d’ailleurs bien comment il pourra pleinement s’en acquitter, s’il n’est pas rompu à la procédure pénale et fin connaisseur des pratiques de son tribunal. Pour apprécier et informer un client de l’intérêt de tel ou tel canal procédural notamment en termes de sanctions susceptibles d’en ressortir, il faut avoir connaissance des pratiques de la juridiction quant à la nature et au quantum des peines prononcées.
26De plus, dans l’hypothèse d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, l’article 495-9 du code de procédure pénale prévoit que la présence du procureur de la République lors de l’audience d’homologation n’est pas obligatoire. Dans cette configuration, et en cas de désaccord du tribunal d’homologation, l’avocat pourrait adjoindre à la défense de son client, celle de la proposition du procureur de la République, absent de l’audience.
27A ces égards, la fonction de l’avocat est assez différente de celle qu’il assure devant une juridiction correctionnelle, plus conseiller que défendeur : conseiller pour le choix du canal procédural, conseiller pour la reconnaissance des faits, conseiller pour la nature et le quantum de peine. Le travail de défense pénale serait ainsi modifié. Ces évolutions pourraient bien se répercuter sur l’ensemble des réponses pénales.
II – La continuité des droits de la défense au sein des réponses pénales
28Sans prétendre qu’une évolution vers une unité des droits de la défense se fasse jour au sein de l’ensemble des réponses pénales, nous pouvons envisager l’émergence d’un troisième mouvement de continuité entre les droits de la défense dans les alternatives aux poursuites et dans une procédure classique, l’importance de certaines étapes de la procédure étant perceptible, ne serait-ce qu’en filigrane. Trois temps forts semblent plus particulièrement se démarquer : les « retenues » (A), le défèrement (B) et l’exécution de la peine (C). A chacune de ces étapes, une forme de nivellement s’opère, soit au bénéfice, soit au détriment des droits de la défense toutes procédures confondues. La soumission de toutes les phases de la procédure à la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales et à la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales permet par ailleurs à certaines composantes des droits de la défense d’être reconnus de manière transversale. Le droit de ne pas s’auto-incriminer en est l’illustration la plus frappante en ce qu’il doit être signifié à toutes les étapes de l’audition libre, de la garde à vue, de l’information judiciaire, du défèrement, du jugement ou de la retenue aux fins d’exécution de la sentence pénale.
A – La lente montée en puissance des droits de la défense dans les « retenues »
29Depuis les lois du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et du 27 mai 2014 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, les droits de la défense en garde à vue et en audition libre ont apparemment été renforcés, sous l’effet notamment d’une conception, parfois considérée comme extensive, de certains textes européens et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Constatons de surcroît que le renoncement à une garantie maximale des droits de la défense dans les procédures alternatives ou simplifiées, choix justifié par la nature de contentieux de masse traité par le biais de ces procédures, a eu pour effet direct de ne voir désormais traitées par le canal classique que les affaires les plus graves [37].
30Est-il alors possible de suggérer que l’attention portée par la Cour européenne des droits de l’homme quant au respect des droits de la défense à la phase policière du procès pénal de ces affaires les plus graves en raison de leur nature – terrorisme – ou de leurs protagonistes – mineur, incapable majeur – a touché par porosité la phase policière de toutes les procédures pénales ? Nul doute que les décisions Murray, Salduz et Dayanan [38] ont été l’occasion pour les juges strasbourgeois de rappeler que l’exercice concret et effectif des droits de la défense suppose qu’il puisse être envisagé dès les premiers instants de la procédure, moment auquel on ne sait pas encore quelle sera l’orientation choisie.
31Cela étant, l’ensemble des enquêtes de police ne se réduit pas aux seules hypothèses dans lesquelles sont diligentées une garde à vue ou une audition libre. Le nivellement ne serait donc pas uniforme. Il faut en outre souligner que l’assistance par un avocat en garde à vue est loin d’être systématiquement demandée. La nature des droits de la défense y apparaît également plus formelle que substantielle [39]. La circulaire du 23 mai 2014 en témoigne, lorsqu’elle précise que les logiciels de rédaction des procédures utilisés par les services de police (LRPPN) et les unités de gendarmerie (LRPGN) sont en cours de modification à cette fin. » Cela laissait surtout présager de l’insertion d’une formule-type au début des procès-verbaux.
32La phase post-sentencielle est aussi visée, puisque l’article 709-1-1 du Code de procédure pénale calque le régime de la retenue aux fins d’exécution de la sentence pénale sur celui des autres mesures privatives de liberté d’aller et venir. C’est en réalité peut-être moins la phase procédurale qui est ici concernée, que la nature de la mesure mise en œuvre [40]. Par capillarité, les exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation s’étendent au-delà du premier stade de l’enquête.
B – La reconnaissance des droits de la défense lors du défèrement
33Désormais, le défèrement, visé à l’article 393 du code de procédure pénale, apparaît comme un deuxième temps fort de la procédure. Assez longtemps ignorant des droits de la défense, ce temps procédural vient d’être réformé par la loi du 27 mai 2014 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. Ne visant à l’origine que les poursuites classiques, y compris sous la forme d’une comparution immédiate, l’article 393 était néanmoins aussi cité par l’article 495-7 du code de procédure pénale, ouvrant au procureur de la République la possibilité de procéder à des CRPC-défèrement. C’étaient donc toutes les affaires dans lesquelles un jugement soit ordinaire, soit rapide, soit « simplifié » était recherché – soit plus de 600 000 dossiers correctionnels en 2012 – qu’un défèrement pouvait être effectué. Pourtant, ce jalon a été dépouillé, pendant tout un temps, des droits de la défense.
34L’article 393 ne se faisait protecteur des droits de la défense qu’après le recueil des déclarations de la personne déférée. Dans une décision assez acrobatique, le Conseil constitutionnel retenait la conformité du dispositif à la Constitution, sous la seule réserve que : « cette disposition, qui ne permet pas au procureur de la République d’interroger l’intéressé, ne saurait, sans méconnaître les droits de la défense, l’autoriser à consigner les déclarations de celui-ci sur les faits qui font l’objet de la poursuite dans le procès-verbal mentionnant les formalités de la comparution » [41].
35La loi du 27 mai 2014 conçoit le défèrement comme un point nodal du continuum pénal : le Procureur de la République y retrouve toute la gamme des canaux procéduraux, en application de l’article 40-1 du code de procédure pénale [42]. C’est aussi l’entrée de l’avocat au cours du défèrement qui est intéressante, puisqu’il peut consulter sur le champ le dossier, communiquer librement avec le prévenu, faire des observations « portant notamment sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » [43]. A la lecture de l’article 393 du code de procédure pénale, il apparaît que le Procureur pourra alors lui-même procéder à un rappel à la loi ou proposer une composition pénale, en présence de l’avocat.
36Sur le papier tout au moins, le défèrement devient une véritable plate-forme d’aiguillage dont l’encadrement permet de proposer une continuité du respect des droits de la défense, toutes réponses pénales confondues. En pratique, il semble néanmoins assez peu probable que la justice pénale puisse mettre en œuvre autant de défèrements qu’il y a d’affaires poursuivables [44], réservant ce temps procédural aux affaires pour lesquelles les choix d’orientation veulent être clairement affichés.
37On peut avancer, prudemment, que le défèrement ou son absence sera un marqueur de la gravité de la procédure, avec la concentration, d’une part, de toutes les alternatives au sens strict, de l’ordonnance pénale délictuelle et de la composition pénale et, d’autre part, des autres réponses pénales, incluant la CRPC. La juridictionnalisation de la mise en état d’une affaire pénale est encore éloignée [45], d’autant que le financement de ces nouvelles interventions des avocats n’est encore que mal assuré [46]. Cette intervention représente certainement un nouveau défi en termes d’organisation et de formation pour le barreau.
C – La faiblesse des droits de la défense lors de l’exécution des peines
38Enfin, un troisième temps fort de la procédure nous paraît sensible, mais de manière certainement moins évidente, en raison notamment du moindre investissement des normes du droit pénal de l’Union en ce domaine, à l’exception notable de la retenue aux fins d’exécution de la sentence pénale.
39Alors que la juridictionnalisation des peines portait à une intervention renouvelée de la défense pénale [47], le champ a été insuffisamment investi, certainement partiellement en raison des mouvements de déjuridictionnalisation. La circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 souligne l’intérêt de procéder le plus souvent possible sans débat contradictoire [48].
40Cette tendance à écarter le débat contradictoire, et donc le droit à être défendu par un professionnel est également perceptible dans la laborieuse mise en place en place des bureaux d’exécution des peines. En effet, certaines audiences sont dites « bexées », en ce qu’elles sont immédiatement suivies pour le condamné par un passage au bureau d’exécution des peines. Le renforcement de l’effectivité de la sanction doit passer d’une part par l’immédiateté de la mise à exécution de la peine prononcée et d’autre part par la minoration de 20% de la peine d’amende prononcée. Cette formule a été préconisée pour les audiences relatives à la circulation routière et pour les audiences de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Dans certaines juridictions, l’ensemble des audiences, correctionnelles et criminelles, pour majeurs et mineurs, sont désormais « bexées », y compris en dehors des audiences de CRPC ou de contentieux de masse [49]. Un travail d’explication des peines peut être mené lors de cette étape, avant que ne soient détaillées les modalités de mise en œuvre immédiate de l’exécution de la peine qui vient d’être prononcée.
41Peut-être peut-on penser que l’exercice des droits de la défense ne présente ici qu’un intérêt très limité, le paiement immédiat de l’amende permettant de gagner un rabais de 20%. Pourtant, le délai d’appel n’étant pas expiré, une discussion sur ce terrain pourrait déjà être envisagée. De plus, lorsqu’il s’agit de la mise à exécution d’une décision de confiscation du véhicule, les méandres de la procédure requièrent un minimum d’explication. Enfin, si la date d’une convocation devant le juge de l’application des peines ou au service pénitentiaire d’insertion et de probation est remise lors du passage au bureau de l’exécution des peines, on peut penser que la présence de l’avocat prend tout son sens pour éclairer le condamné et anticiper la phase de l’application des peines.
42A notre connaissance, mais il existe peu de travaux, l’avocat est le plus souvent absent du bureau de l’exécution des peines, les condamnés y étant conduits par les huissiers d’audience. Le nivellement se fait non plus par le haut, mais par le bas. Et l’application des peines à la suite d’une audience d’OPD, de CRPC ou classique rejoint « l’application des mesures » au sein des alternatives aux poursuites et la composition pénale, avec une faible protection des droits de la défense.
43* * *
44L’analyse des apports et rapports réciproques entre les alternatives aux poursuites, au sens large, et les droits de la défense met en évidence la complexité du positionnement du conseil, mais aussi la promesse d’une défense pénale continue tout au long du processus pénal. En effet, en étant accepté dans de nombreux lieux policiers et judiciaires, l’avocat-conseil peut déployer une stratégie de défense pénale à longue vue, à condition toutefois que ses compétences techniques et sa connaissance des pratiques judiciaires soient suffisamment assurées pour conseiller sur les choix procéduraux et leurs conséquences. Cela suppose toutefois que le continuum pénal ne soit pas atomisé [50] à la faveur d’interventions successives et non coordonnées de praticiens peu ou mal rémunérés et formés.
Notes
-
[1]
Ch. Lazerges, « Médiation pénale, justice pénale et politique criminelle », Rev. sc. crim. 1997, n° 1, pp. 186.
-
[2]
Sont visés au titre des alternatives aux poursuites à l’article 41-1 du CPP, le rappel à la loi, le classement sous condition de régularisation ou de réparation, la médiation pénale, l’injonction de soins, l’orientation sanitaire et sociale, l’éloignement du partenaire violent…
-
[3]
Art. 41-2 du CPP.
-
[4]
Art. 41-1-1 du CPP, issu de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014.
-
[5]
Art. 495 et s. du CPP.
-
[6]
Art. 495-7 et s. du CPP.
-
[7]
J. Danet, R. Brizais, S. Lorvellec, « La célérité de la réponse pénale », in J. Danet (coord.), La réponse pénale – Dix ans de traitement des délits, Presses Universitaires de Rennes, 2013, pp. 255-296.
-
[8]
G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Quadrige, PUF.
-
[9]
DC 76-70 du 2 décembre 1976 ; V. aussi Ass. Plén. 30 juin 1995, Bull. n°4.
-
[10]
Circulaire du 23 mai 2014 de présentation des dispositions de procédure pénale applicables le 2 juin 2014 de la loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, NOR : JUSD1412016C, part. p. 3.
-
[11]
F. Saint-Pierre, « La nature juridique des droits de la défense dans le procès pénal », D. 2007. 260.
-
[12]
J.-P. Jean, « Le système de justice pénale évalué à l’aune de ses résultats », in M. Massé, J.-P. Jean, A. Giudicelli (dir.), Un droit pénal post-moderne ? Mise en perspective des évolutions et ruptures contemporaines, Paris, PUF, 2009, p. 247 à 280, part. p. 279 et 280.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
CRIM 2004-03 e5/16-03-04, nor : jusd0430045c.
-
[15]
On avance de manière plus prudente en 1999 qu’en 2004…
-
[16]
A. Coche, « La justice pénale sans audience, une justice en enfer », D. 2008.2180.
-
[17]
Art. 495-3 al. 3 du CPP.
-
[18]
Vols simples, filouteries, destructions ou dégradations de biens, vente à la sauvette…
-
[19]
Circulaire du 20 mars 2012 présentant les dispositions de la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles étendant les d’ordonnance pénale et de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité NOR : JUSD1208381C, part. p. 2 et 6.
-
[20]
C. Viennot, Le procès pénal accéléré – Etude des transformations du jugement pénal, Préface P. Poncela, Dalloz, NBT, Vol. 120, 2012, 605 p., part. p. 359 et suivantes.
-
[21]
Décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001 ; A. Bureau, Les premières applications de la composition pénale dans le ressort de la Cour d’appel de Poitiers, Mémoire de D.E.A. de droit pénal et de sciences criminelles, sous la direction de A. Giudicelli, Recherche subventionnée par le GIP « Mission de Recherche Droit et Justice », Poitiers, 2003. S. Grunvald, J. Danet, Une première évaluation de la composition pénale, Rapport final janvier 2004.
-
[22]
Circulaire du 20 mars 2012, NOR : JUSD1208381C. V. not. J. Danet, S. Grunvald et C. Saas, « Traiter versus juger ? Quel rituel ? », in J. Danet (coord.), La réponse pénale – Dix ans de traitement des délits, op. cit., pp. 343-361.
-
[23]
L’âge d’or de la justice pénale et l’audience classique parée de toutes ses vertus sont évidemment des figures idéales, donc utopiques, de notre système judiciaire.
-
[24]
Art. 495-3 al. 3 du CPP.
-
[25]
J.-D. Régnault, « Composition pénale : l’exemple du tribunal de Cambrai », AJPénal, n° 2, 2003, pp. 55-58.
-
[26]
Le terme est curieux, le suspect étant informé, de manière passive, de ses droits.
-
[27]
J. Blackstock, E. Cape, J. Hodgson, A. Ogodorova, T. Spronken (dir.), Inside Police Custody – An Empirical Account of Suspects’ Rights in Four Jurisdictions, Intersentia, 2014.
-
[28]
Pour une analyse contraire, v. E. Vergès, « Construire la norme en procédure pénale : une étude des techniques juridiques à travers un cas symptomatique, la géolocalisation », Chronique législative – Procédure pénale, Rev. sc. crim. n° 3, 2014.
-
[29]
En 2013, la faible part de composition pénale chez les mineurs (1% des affaires poursuivables, d’après Infostat Justice, février 2015, n° 133) par rapport aux majeurs (5% des affaires poursuivables d’après les chiffres-clés de la Justice de 2014) pourrait s’expliquer par ce qui peut être perçu comme une contrainte.
-
[30]
Ph. Milburn, Ch. Mouhanna, V. Perrocheau, « Controverses et compromis dans la mise en place de la composition pénale », APC, n° 27, 2005, pp. 151-165, part. p. 162.
-
[31]
C. Viennot, Le procès pénal accéléré – Etude des transformations du jugement pénal, op. cit., part. p. 411 et s.
-
[32]
J.-P. Jean, « Le système de justice pénale évalué à l’aune de ses résultats », op. cit., part. p. 277.
-
[33]
V. contra F. Saint-Pierre, « La nature juridique des droits de la défense dans le procès pénal », D. 2007. 260.
-
[34]
CourEDH, Artico c. Italie, 13 mai 1980.
-
[35]
P. Poncela, « Quand le procureur compose avec la peine », Rev. sc. crim. n° 3, 2002, pp. 139-143 ; V. Perrocheau, « La composition pénale et la comparution sur reconnaissance de culpabilité : quelles limites à l’omnipotence du parquet ? », Droit et soc., n° 74, 2010, pp. 55-71 ; C. Saas, « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du procureur », Rev. sc. crim. n°4, 2004, pp. 827-842.
-
[36]
J.-P. Jean, « Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal », AJP n° 12/2006, pp. 473-480.
-
[37]
Cet objectif de rationalisation est fréquemment mis en avant dans les travaux parlementaires, mais aussi par les magistrats.
-
[38]
CEDH, 2e section, 13 octobre 2009, Dayanan c/ Turquie, D. 2009, p. 2897, note J. Renucci ; D. Roets, « Du droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue : bis repetita placent… », Rev. sc. crim. 2010.231 ; C. Saas, « Défendre en garde à vue : une révolution… de papier ? », AJP, n° 1/2010, p. 27 à 30.
-
[39]
Circulaire du 23 mai 2014, NOR : JUSD1412016C ; part. p. 2.
-
[40]
V. également la procédure de « petit dépôt » (art. 803-3 du CPP), de la retenue douanière (art. 67 F du code des douanes), de la retenue suite à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (art. 695-27 du CPP).
-
[41]
Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011.
-
[42]
Circulaire du 23 mai 2014, NOR : JUSD1412016C
-
[43]
Art. 393 al. 4 du CPP.
-
[44]
Un peu plus de 1 300 000 en 2013 d’après les chiffres-clés de la Justice de 2014.
-
[45]
Refonder le ministère public, Rapport de la commission de modernisation de l’action publique, présidée par J.-L. Nadal, novembre 2013, 124 p., part. proposition n° 48, Avis sur la refondation de l’enquête pénale, CNCDH, Assemblée plénière, 29 avril 2014, part. p. 3 ; contra Rapport sur la procédure pénale, J. Beaume, juillet 2014, part. p. 73 et suivantes.
-
[46]
E. Allain, Défèrement au parquet : de nouveaux droits mais avec un avocat gratuit ?, Dalloz Actu, 6 juin 2014 ; V. le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui prévoit que la rémunération de l’avocat s’élèvera à 46 euros.
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[47]
J. Danet, Défendre – Pour une défense pénale critique, Dalloz, 2ème éd., 2004, 270 p., part. p. 249 et suivantes.
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[48]
« Je vous demande de privilégier, le recours à la procédure hors débat contradictoire en milieu fermé comme en milieu ouvert et de ne requérir l’organisation d’un débat contradictoire que dans les cas où les éléments contenus dans le dossier du juge de l’application des peines se révèlent insuffisants à éclairer la situation du condamné ou que le projet d’aménagement de peine est inadapté. A cette fin, des protocoles d’accord pourront être élaborés au niveau local entre les magistrats du parquet, les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation afin de préciser les modalités d’application de l’aménagement de peine hors débat contradictoire (conditions de transmission des dossiers du parquet au juge de l’application des peines, critères prédéfinis…). » Circulaire du 19 septembre 2012 de politique pénale de Mme le garde des sceaux, NOR : JUSD1235192C, JORF n° 0243 du 18 octobre 2012, p. 16225.
-
[49]
Tel est le cas à Alençon.
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[50]
J. Danet, Défendre – Pour une défense pénale critique, op. cit., part. p. 260.