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Article de revue

Les femmes soumises à la traite des êtres humains adhèrent-elles à l'exploitation ? Une mauvaise formulation pour un vrai problème. Étude réalisée auprès de Nigérianes sexuellement exploitées en France

Pages 103 à 121

Notes

  • [1]
    Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies de lutte contre la traite des êtres humains, Palerme, 15 novembre 2000, Recueil des traités, vol. 2225, n° 39574 ; Convention du Conseil de l’Europe consacrée à la lutte contre la traite des êtres humains, Varsovie, 16 mai 2005, Série des Traités du Conseil de l’Europe, n°197 ; directive 2004/81/CE du 29 avril 2004 ; directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 (ayant remplacé la décision-cadre 2002/629/JAI du 19/07/2002).
  • [2]
    Ce texte a été élaboré à partir d’entretiens réalisés dans le cadre du contrat « Autonomie et protection – Le cas des femmes nigérianes soumises à des faits de traite des êtres humains » conclu avec le GIP – Mission Droit, Recherche Justice -.
  • [3]
    R. ANDRIJASEVIC, « La traite des femmes d’Europe de l’Est en Italie. Analyse critique des représentations », Revue européenne des migrations internationales, 21, (1), 2005, p. 160 ; F. GUILLEMAUT, « Victimes de trafic ou actrices d’un processus migratoire ? Saisir la voix des femmes migrantes prostituées par la recherche-action », Terrains et travaux, 1 (10), 2006, pp. 157-176 ; « Sexe, juju et migrations. Regard anthropologique sur les processus migratoires de femmes africaines en France », Recherches sociologiques et anthropologiques, 1, 2008, pp. 10-25. Certains auteurs ont consacré leurs recherches à l’analyse de l’appréhension politique et juridique de la traite. M. JAKSIC, « État de littérature. Déconstruire pour dénoncer : la traite des êtres humains en débat », Critique internationale, 2011/4, n° 53, pp. 169-182 ; « Figures de la victimes de la traite des êtres humains, de la victime idéale à la victime coupable », Cahiers internationaux de sociologie, n° 124, 2008, pp. 127-146 ; C. NIEWENHUYS et A. PECOUD, « Campagnes d’information et traite des êtres humains à l’Est de l’Europe », Espace, populations, sociétés, 2, 2008, pp. 319-330 ; C. ARADAU, « The perverse politics of four letter Words: Risk, and Pity in the securisation of human trafficking », Millenium ; Journal of international studies, 33, (2), 2004, pp. 251-277 ; M. DARLEY, « Le statut de la victime dans la lutte contre la traite des femmes », Critique internationale, 30, janvier-mars 2006, p. 108 ; N. RAGARU, « Du bon usage de la traite des êtres humains, controverses autour d’un problème social et d’une qualification juridique », Genèses 2007/1 (n° 66).
  • [4]
    D. M. HUGHES, « The “Natasha” Trade: The Transnational Shadow Market of Trafficking in Women », Journal of International Affairs, 53 (2), ete 2000, p. 625-651 ; S. JEFFREYS, The Industrial Vagina: The Political Economy of the Global Sex Trade, New York, Routledge, 2009 ; R. POULIN (dir.), La mondialisation des industries du sexe, Paris, Imago, 2005 ; E. AGHATISE, « Réalités et cadre légal de la traite de Nigérianes et d’Européennes de l’Est de l’Italie », in Prostitution : la mondialisation incarnée. Points de vue du Sud, (Dir.) R. POULIN, Alternatives Sud, vol. XII, 2005, 3, 2005, p. 140.
  • [5]
    F. GUILLEMAUT, « Victimes de trafic ou actrices d’un processus migratoire ? Saisir la voix des femmes migrantes prostituées par la recherche-action », op. cit. ; « Sexe, juju et migrations. Regard anthropologique sur les processus migratoires de femmes africaines en France », op. cit.
  • [6]
    M. DARLEY, « Le statut de victime dans la lutte contre la traite des femmes », op. cit. p. 119.
  • [7]
    En droit pénal, le principe est l’indifférence du consentement de la victime sur la qualification des faits -, X. PIN, Le consentement en matière pénale, L.G.D.J., n° 36, 2002.
  • [8]
    UNESCO, « Human trafficking in Nigeria, root causes and recommandations », policy paper, SHS/CCT/2006/PI/H/2, Paris, 2006, p. 34, accessible à l’adresse www.unesdoc.unesco.org/images/0014/001478/147844e.pdf. Ce document donne une proportion de 92 % de Nigérianes originaires d’Edo State parmi les personnes exploitées. Selon l’ONUDC, ce seraient 94 % des personnes exploitées sexuellement en Europe qui seraient originaires d’Edo state, ONUDC, ARONOWITZ, « Measures to combat trafficking in human beings in Togo », 2006, p. 30, accessible à l’adresse www.unodc.org/documents/human-trafficking/ht_research_report_nigeria.pdf. Un rapport du Nap tip cité par B.U. MBERU, (« Nigéria: multiple forms of mobility in Africa’s demographic giant », article publié à l’adresse : www.migrationinformation.org/Profiles/display.cfm?ID=788) indique que 10 000 personnes seraient exploitées par an depuis le Nigéria.
  • [9]
    Parmi les 14 personnes ayant donné leur appartenance ethnique, 9 sont Edo, 4 Urhobo et 1 Ibo. Parmi celles qui n’ont pas donné leur origine ethnique, 1 venait de l’État de Delta. Il est donc probable qu’elle était Urhobo. Néanmoins l’appartenance ethnique ne coïncide pas nécessairement avec la région d’origine.
  • [10]
    Difficulté à obtenir l’accord des jeunes femmes, entretiens avortés, personnes qui se présentent mais qui restent quasiment muettes et dont les propos ne sont pas exploitables, personnes au contraire très loquaces mais dont on découvre en cours d’entretien qu’elles n’ont pas été recrutées dans l’État d’Edo…
  • [11]
    Ces biais sont liés notamment au fait que les personnes rencontrées, « sélectionnées » par des associations ne sont pas représentatives de l’ensemble des personnes exploitées en France mais simplement de celles qui ont pu créer un lien de confiance avec de telles structures.
  • [12]
    R. DOREY, « La relation d’emprise », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 24, 1981, Gallimard, pp. 117-141.
  • [13]
    R. PERRONE et M. NANNINI, Violence et abus sexuel dans la famille, ESF Editeur, Issy les Moulineaux, 2006, p. 130.
  • [14]
    Une jeune femme rencontrée dans un autre contexte que l’étude évoquée indique très clairement : « dans notre culture, les filles ne posent pas de questions aux femmes plus âgées, parce que c’est comme leur manquer de respect. Donc moi, je ne pouvais pas poser de questions et je le savais très bien, et ma mère n’a pas voulu poser de questions non plus parce qu’on est pauvres et qu’on ne pouvait pas se permettre de poser trop de questions à des gens riches, qui ont de l’argent et des enfants en Europe. On ne voulait pas et on ne pouvait pas se permettre d’agacer la femme qui me proposait de venir en Europe ». Sur ce point, voir également V. SIMONI, « I swear on oath », Serments d’allégeance, coercitions et stratégies migratoires chez les femmes nigérianes de Bénin City, à paraître dans un collectif dirigé par l’auteur de ces lignes aux Éditions Karthala.
  • [15]
    R. PERRONE et M. NANNINI, Violence et abus sexuel dans la famille, ESF Editeur, Issy les Moulineaux, 2006, p. 130.
  • [16]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin/malade, op. cit., p. 64.
  • [17]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 123. Voir également T. NATHAN, L’influence qui guérit, Odile Jacob poches, 2001, p. 274.
  • [18]
    La dette s’élève à une somme de l’ordre de 30 à 60 000 €, mais au-delà, la somme effectivement payée peut être plus importante en raison des « faux frais » (location de la place sur le trottoir, prix du récépissé de demande d’asile ou du faux certificat de naissance …).
  • [19]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit. p. 128.
  • [20]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit. p. 128.
  • [21]
    C. GOER et D. PRATTEN, « The politics of plunder: the rhetorics of order and disorder in southern Nigeria », African affairs, 2003, n° 102, pp. 211-240, part. p. 232 et s.
  • [22]
    UNESCO, Human trafficking in Nigeria, root causes and recommandations, op. cit. ; UNICRI, PRINA F., 2003, op. cit. p. 35 et s. Ayelala, particulièrement respectée au sud-ouest du Nigéria, était une esclave qui fut sacrifiée dans le cadre d’un accord destiné à trancher un conflit entre deux régions ennemies. L’accord prévoyait qu’à compter de la mort de l’esclave les deux parties cesseraient de s’opposer et de se vouloir du mal. Avant son sacrifice, Ayelala a dit qu’elle veillerait à ce que l’accord soit respecté. D. KOHLAGEN, Les ancêtres dans la pensée juridique africaine, Étude appliquée aux sociétés du Golfe du Bénin, Mémoire de DEA « Études africaines », 1999-2000, sous la direction de C. KUYU, accessible à l’adresse suivante : www.dhdi.free.fr/recherches/etudesdiverses/memoires/kohlhagenmemoir.pdf
  • [23]
    Certains acteurs de terrain indiquent que 80 % des jeunes femmes arrivant seraient passées par ce temple. Entretien, Paris, 8 novembre 2010.
  • [24]
    Des éléments extraits du vase sont souvent introduits dans la plaie.
  • [25]
    Ogun est un personnage mythique de la société Yoruba notamment qui a utilisé sa hache pour ouvrir la route aux autres dieux lorsqu’ils sont venus habiter la terre. Il protège les voyageurs. En ce sens, D. KOHLAGEN, Les ancêtres dans la pensée juridique africaine, Étude appliquée aux sociétés du Golfe du bénin, op. cit.
  • [26]
    C. GORE et D. PRATTEN, op. cit.
  • [27]
    Selon certaines sources (OIM, CARLING, 2006, op. cit. p. 28), la jeune fille pourrait emporter ce « package » en Europe. Ce point ne ressort malheureusement pas des entretiens réalisés, mais les services de police rapportent souvent avoir trouvé ces éléments lors des perquisitions dans des appartements, sans pouvoir dire s’ils appartenaient alors aux Madams ou aux personnes exploitées.
  • [28]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin/malade, op. cit., p. 65.
  • [29]
    Trois des vingt-deux personnes ont indiqué avoir été violées au cours du transport.
  • [30]
    Une a été violée à son arrivée dans le pays par son proxénète homme.
  • [31]
    Les relations avec les clients peuvent être assimilées à des formes de viols, lorsque la fille n’y adhère pas. La contrainte ne vient pas alors du client, mais de la Madam.
  • [32]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 124.
  • [33]
    T. NATHAN, Le sperme du diable, op. cit., p. 110 et 116.
  • [34]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin-malade, op. cit., p. 65.
  • [35]
    Ibid., p. 56.
  • [36]
    M. MAUSS, Essai sur le don, PUF, collection Quadrige, 2007, p. 87.
  • [37]
    B-J. NKENE, « De la migration à la crise identitaire : quelle citoyenneté pour les migrants Igbo au Cameroun », in L. SINDJOUN (Dir.), État, individus et réseaux dans les migrations africaines, KARTHALA, 2004, p. 237.
  • [38]
    Pour une analyse des formes de protection à l’œuvre chez les prostituées trans et péruviennes, voir P. de MONTVALON, « Trans, migrante et prostituée : anthropologie des résistances possibles », Cahiers de l’URMIS, n° 14, 2012, à paraître.
  • [39]
    PERRONE et NANNINI, op. cit., p. 131.
  • [40]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin/malade, op. cit., p. 75.
  • [41]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 136.
  • [42]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 122.
  • [43]
    « Le juju est très puissant. Il peut tuer. Parfois, j’ai peur ».
  • [44]
    Office français de protection des réfugiés et des apatrides.
  • [45]
    Sur cette question, Amnesty international, Ils tuent à leur gré, AFR/44/038/2009, 2009 ; Amnesty international, Nigéria, « Pour qui vient le bourreau ? », AFR/44/020/2008, 2008. Voir également entretien n° 9.
  • [46]
    Entretien n° 9.
  • [47]
    Code de l’entrée et du séjour des étrangers en France.
  • [48]
    Le principe du conditionnement de la protection résulte notamment de la Directive 2004/81/CE du 29/04/2004, JO L. 261/19 du 06/08/2004.
  • [49]
    Art. L. 316-1 du CESEDA.
  • [50]
    Aussi, la Commission nationale consultative des droits de l’homme préconise d’abroger les infractions concurrençant la traite et de conserver uniquement l’article 225-4-1 du Code pénal en simplifiant sa rédaction. CNCDH, J. VERNIER, La traite et l’exploitation des êtres humains en France, La documentation française, 2010, p. 66.
  • [51]
    Art. 225-12-5 et s. du Code pénal.
  • [52]
    Art. L. 622-1 du CESEDA.
  • [53]
    Art. 225-13 et 14 du Code pénal.
  • [54]
    Cette procédure, prévue par l’article 706-58 du Code de procédure pénale, permet au juge d’instruction ou au procureur de la République, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, d’entendre une personne sans que son identité n’apparaisse en procédure.
  • [55]
    Article R316-1 du CESEDA. Ces droits comprennent le bénéfice de l’article L. 316-1 du CESEDA, les mesures d’accueil, d’hébergement et de protection réservées aux victimes de traite, et l’octroi de l’aide juridictionnelle en cas de procédure.
  • [56]
    N° IMIM0900054C, op. cit.
  • [57]
    A. SPIRE, « Accueillir ou reconduire, Enquête sur les guichets d’immigration », Raisons d’agir, 2008, p. 81.
  • [58]
    « Vous avez toujours la possibilité d’envisager la délivrance à ces victimes d’un titre de séjour en dérogeant à l’obligation de témoignage ou de dépôt de plainte… ».
  • [59]
    Sur ce point, C.E. (fr.), 18 décembre 2002, Mme Duvignères, Lebon, p. 463, conclusions Fombeur, AJDA. 2003, p. 487 note Donnat et Casas ; RFDA, 2003, p. 510 note Petit. Sur cette distinction, voir B. SEILLER, « Acte administratif – I Identification », Répertoire du contentieux administratif, Dall., Mise à jour janvier 2010. L’arrêt du 18 décembre 2002 est explicite : « L’interprétation que par voie, notamment de circulaires (…) l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir, lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire (…) doivent être regardées comme faisant grief ».
  • [60]
    Alinéa 4 : « Des places en centres d’hébergement et de réinsertion social sont ouvertes à l’accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des conditions sécurisantes ».
  • [61]
    Il faudrait en fait là encore préciser quel critère permet de caractériser l’existence d’une “coopération” : témoignage, dépôt de plainte, témoignage anonyme, témoignage informel ?
  • [62]
    Les informations recueillies viennent néanmoins uniquement des services de police et des associations, puisque la préfecture n’a pas donné suite à notre demande de rendez-vous.
  • [63]
    Les amis du bus des femmes, entretien 8 novembre 2010.
  • [64]
    Circulaire, op. cit., p. 5.
  • [65]
    Entretien, BRP Paris, 5 janvier 2011.
  • [66]
    A. SPIRE, op. cit., p. 67.
  • [67]
    Entretien, Préfecture de Rhône Alpes, par téléphone, 2 mai 2011.
  • [68]
    Entretien Forum des réfugiés, Lyon, 10 mai 2011 ; Brigade des mœurs, Lyon, 10 mai 2011 ; Amicale du Nid, Lyon, 11 mai 2011.
  • [69]
    Entretien, Gendarmerie, par téléphone, 4 mai 2011.
  • [70]
    Entretien, Préfecture, Bordeaux, juillet 2010.
  • [71]
    Cette réponse nous a été opposée sur Paris, Marseille, Bordeaux, Lyon et Nice.

1La traite des êtres humains suscite depuis une vingtaine d’années une mobilisation importante des autorités publiques et acteurs de la société civile. On entend par traite des agissements exploitant une volonté, voire une nécessité migratoire : un acte (recrutement, transport, transfert...), un moyen (violence, menace, tromperie...) et un but, l’exploitation de la personne. De nombreuses actions ont été conduites par les institutions internationales et une quantité importante de textes a été adoptée tant à l’échelle locale que régionale ou internationale pour lutter contre ce phénomène [1]. Pourtant les difficultés rencontrées restent considérables.

2Alors que, en France, les victimes qui coopèrent avec les autorités de justice peuvent accéder à un certain nombre de droits, dont un titre de séjour, une quantité négligeable d’entre elles accepte de coopérer. A l’origine de ce travail [2], l’hypothèse a été formulée que l’adhésion de la personne exploitée aux faits pourrait expliquer ce constat. L’étiquette de « victime » apposée sur les femmes soumises à des faits de traite ne devait-elle pas être remise en question ? Est-ce que leur adhésion aux faits subis pourrait expliquer qu’elles soient rétives à toute offre de protection ? Le faible nombre de personnes dénonçant révèle-t-il l’acceptation des conditions de vie – et notamment la pratique de la prostitution ? comme prix à payer pour pouvoir migrer, ou au contraire leur totale soumission à la puissance de ceux qui les exploitent ? Des chercheurs soulignent qu’un certain nombre de parcours sont le résultat d’une stratégie migratoire [3]. Mais d’autres, à l’inverse, considèrent les migrantes dans un contexte de traite comme des femmes dupées, trompées, dépossédées de toute faculté de choix [4].

3A l’issue de cette recherche, apparaît la nécessité de formuler la difficulté autrement. L’analyse des récits des personnes rencontrées révèle que chacune de ces options comprend une part de vérité.

4Il semble en effet évident que le désir de migrer est un ressort extrêmement puissant de la traite des êtres humains. En ce sens, on rejoindra Françoise Guillemaut lorsqu’elle affirme que les victimes de traite sont actrices d’un processus migratoire [5]. Les personnes rencontrées n’ont pas été séquestrées, enlevées ou droguées pour venir en Europe. Elles étaient candidates à la migration. Il semble tout aussi évident, à l’instar de ce qu’affirme Mathilde Darley, que ces femmes sont capables de mettre en œuvre « non seulement des tactiques de survie mais aussi parfois de réelles stratégies d’autonomie qui leur permettent d’échapper au contrôle des trafiquants et auxquelles elles doivent leur salut [6] ». Pourtant, on ne peut pas davantage nier que les conditions de vie des femmes migrant dans le cadre de la traite évoquent ce que le langage courant qualifie d’esclavage – on reviendra sur ce point dans la description des pratiques d’emprise –.

5Aussi, afin de sortir de la dichotomie entre adhésion ou non adhésion aux faits de traite, ou encore entre autonomie et aliénation, la focale sera déplacée vers les agissements des auteurs en mettant en évidence l’existence de stratégies destinées à porter atteinte à la qualité de sujet des victimes. Appliquant une logique classique en droit pénal [7], nous nous interrogerons non pas sur l’adhésion de la victime aux faits subis mais sur les agissements des auteurs.

6Sera en effet démontrée la mise en œuvre par les auteurs de l’infraction de traite de stratégies visant à créer un contexte de soumission, de sujétion, voire d’emprise, susceptible d’altérer la liberté ou le libre arbitre des victimes. A partir de là, le fait que celles que nous persistons à qualifier de victimes au sens pénal aient eu la volonté de migrer et que certaines puissent conserver, à l’issue des faits subis, une réelle autonomie semble secondaire. La complexité et le perfectionnement des stratégies des auteurs expliquent semble-t-il les difficultés rencontrées dans la lutte contre la traite et remettent en question la pertinence du conditionnement de la protection des victimes à leur aptitude à dénoncer ceux qui les exploitent. L’étude de l’interaction entre la victime et l’auteur permet donc de déduire un certain nombre d’éléments quant à la réponse juridique devant être apportée à la traite.

7Le sujet a été abordé exclusivement sous l’angle de la traite des femmes nigérianes et plus précisément de celles recrutées aux alentours de Bénin City (ou plus largement dans l’État d’Edo). Ce choix géographique s’explique par l’origine de la majorité des femmes parmi celles sexuellement exploitées en Europe [8] mais également par la vitalité des pratiques de sorcellerie, qualifiées de « juju », dans cette région. Cette exigence méthodologique n’a été que partiellement respectée [9], en raison des obstacles rencontrés [10].

8Vingt-deux personnes ayant été soumises à des faits de traite ont été rencontrées dans cinq villes (Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice et Paris). Les enquêtes ont été menées par une psychologue travaillant depuis plusieurs années au contact des victimes de traite des êtres humains dans le cadre d’une approche d’ethnopsychiatrie. Elle a utilisé une grille d’entretiens. Les échanges n’ont pas été enregistrés mais simplement retranscrits sur la base de notes. L’ensemble des thèmes n’a pas pu être abordé systématiquement. En effet, certaines filles ne nous ont octroyé qu’un temps limité qu’elles ont déterminé dès le début de l’entretien ; d’autres ont explicitement refusé certaines questions ; enfin, nous avons nous-mêmes filtré certains aspects lorsqu’il était manifeste que la personne était trop vulnérable (pleurs ou manifestations importantes d’émotivité…). Ces difficultés expliquent que rares sont les thèmes abordés avec la totalité des personnes rencontrées.

9Il doit enfin être précisé que les personnes rencontrées ne sont pas représentatives de l’ensemble des victimes de traite, mais uniquement des personnes ayant adhéré à un suivi proposé par une association.

10En outre, des enquêtes ont été réalisées auprès des acteurs du droit (préfecture, avocats, magistrats, police, acteurs associatifs), dans les cinq villes précitées outre Grenoble, suivant les mêmes modalités que celles énoncées précédemment, à ceci près qu’ils ont été effectués par l’auteur de ces lignes et non par la psychologue.

11Malgré les limites énoncées, le matériau recueilli est riche, grâce précisément au filtre des associations qui ont orienté des personnes capables de raconter et d’analyser leurs parcours. La plupart des personnes a parlé librement de sujets réputés tabous (« juju », violences, montant de la dette…). Avant de revenir sur les stratégies d’emprise mises en œuvre, il convient d’identifier les personnes impliquées dans le recrutement avant même la rencontre de la Madam – nom donné à la proxénète nigériane ? : le rabatteur, la personne relais et le passeur.

12Le rabatteur joue un rôle d’intermédiaire. Il met la potentielle victime en contact avec la personne relais, qui se charge du contrat et organise le transfert vers le pays de destination. L’adhésion de la jeune femme au projet repose dans la majeure partie des cas sur une relation de confiance avec ce rabatteur. Or cette relation de confiance fera obstacle dans un premier temps à toute prise de distance avec la Madam.

13La « personne relais » qui se trouve au Nigéria prend en charge le projet migratoire. Elle évoque généralement la dette, participe au rituel et organise le voyage. Elle peut avoir un lien de famille avec la Madam d’Europe ? dans deux des récits, c’était sa mère biologique -. Dans la majeure partie des cas, elle expose directement le projet à la famille de la jeune fille, ce qui crée une pression supplémentaire au moment où la future victime est tentée de rompre sa promesse.

14Le « trolley » ou passeur achemine la personne vers l’Europe. Il n’est pas nécessairement impliqué dans l’exploitation à proprement parler, mais uniquement dans la dimension migratoire. Il ne travaille pas uniquement pour des Madams. Dans certains cas néanmoins, c’est la personne relais au Nigéria, voire la Madam qui conduit elle-même la personne vers l’Europe. Si les femmes ont un rôle essentiel dans la traite nigériane, la fonction de passeur reste majoritairement masculine.

15Le principal facteur de vulnérabilité apparu dans les entretiens est l’existence d’une rupture familiale (décès d’un parent, perte de contact avec un des parents, violence conduisant à la fuite du cercle familial). En revanche, aucun critère socio-économique n’apparaît signifiant (profession des parents, niveau de scolarisation, la profession exercée avant le départ). En raison du faible nombre de personnes rencontrées et de l’existence de certains biais [11], ces données sont à manier avec précaution, même si des tendances assez claires semblent s’en dégager. Dans le cadre du présent article nous n’aborderons que la relation entre la victime et l’auteur des faits de traite afin d’en déduire un certain nombre d’éléments quant à la réponse juridique apportée à cette pratique criminelle.

16La mise en évidence des stratégies d’emprise (I), permettra de remettre en cause le rôle central attribué à la coopération de la victime comme critère d’accès à une protection (II).

I – La stratégie d’emprise

17Les entretiens avec les victimes ont mis au jour l’existence de stratégies d’emprise exercées par les Madams. « L’emprise traduit (…) une tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d’autrui, c’est-à-dire à la réduction de l’altérité, de toute différence, à l’abolition de toute spécificité ; la visée étant de ramener l’autre à la fonction et au statut d’objet entièrement assimilable » [12]. L’emprise ne vise donc rien d’autre que l’objectalisation de la personne. Les mécanismes observés seront étudiés à partir de travaux définissant les relations incestueuses intra-familiales [13], mais l’analyse peut parfaitement être transposée aux relations entre les jeunes femmes exploitées et leurs Madams. L’inégalité entre un parent (ou plus largement un adulte) et un enfant peut être mise en miroir avec la différence d’âge d’une part, et la différence de position sociale et économique, d’autre part (le simple fait d’avoir voyagé en Europe semble suffire à assurer une certaine reconnaissance sociale) [14].

18L’identification des moyens mis en œuvre pour instaurer cette emprise (A) précèdera l’analyse de ses effets (B).

A – Les moyens mis en œuvre pour altérer la liberté de la victime

19On peut distinguer trois phases dans l’emprise : l’effraction (1), la captation (2) et la programmation (3). En d’autres termes, « l’effraction consiste à s’installer sur le territoire de la proie, la captation sert à apprivoiser et à mettre la proie en cage, la programmation, à la dresser, à lui apprendre à ne pas sortir, même avec la porte ouverte et à devenir volontairement captive » [15].

1 – L’effraction

20L’effraction renvoie à « la pénétration par la force, l’incursion au-delà des limites d’un territoire ; elle représente le préalable à l’envahissement et à l’annexion, c’est le début de la prise de possession » [16]. Des auteurs précisent que « l’effraction laisse la clôture individuelle béante, le sujet sans défense (…) L’effraction initie donc la possession, elle la prépare, elle en est le préalable » [17]. De telles pratiques peuvent notamment être identifiées dans l’enrôlement dans des mouvements sectaires.

21Dans la majeure partie des cas, les nigérianes sexuellement exploitées étaient désireuses de migrer et se sont endettées pour y parvenir. La candidate à la migration et celle qui l’aide dans ce projet concluent donc un contrat qui constitue l’un des éléments fondamentaux de la relation d’emprise. Il porte principalement sur le paiement d’une dette [18], la non-révélation des faits et le fait d’obéir à la personne qui apportera son aide une fois en Europe. Pourtant, certaines personnes disent avoir ignoré l’existence d’une dette. Ainsi, une jeune femme indique : « J’ai juré que je n’essaierai jamais de m’enfuir de chez la personne qui m’accueillerait, que je n’irai jamais dénoncer et que je ne parlerai jamais à la police de mon histoire (…) ». Il est difficile de comprendre la portée de ce serment : sans savoir qu’elle devrait rembourser une dette en se prostituant, elle s’est prétendument engagée à ne pas dénoncer et à ne pas quitter celui qui la faisait venir… Pourtant, par ailleurs, cette personne a pleinement adhéré à l’entretien et n’a pas cherché à esquiver les questions. On peut donc penser que le serment fausse ses réponses. A moins précisément que la difficulté que nous éprouvons à comprendre le contenu de la promesse ne soit précisément la preuve de l’emprise ? Certains auteurs précisent en effet : « Dans la relation abusive, la parole est fondamentalement un outil… Elle n’est plus vecteur de communication-confirmation mais simple moyen de capture. Dans ce contexte, tout comme les paroles du sorcier dans les sociétés traditionnelles, elles sont incompréhensibles, résistent à la première lecture et au décodage » [19]. On ne peut donc pas exclure que la personne se soit trouvée dans un tel contexte de confusion qu’elle n’ait pas été à même d’identifier le sens de son serment.

22L’ambiguïté des mots est une dimension centrale de l’emprise : « les mots peuvent être employés de façon confuse, en faisant référence à plusieurs champs sémantiques différents : aimer peut être aimer comme père, comme amant, tendrement, sexuellement… sans qu’on puisse différencier de quel champ il est question dans ce contexte » [20]. Or, les filles s’engagent à payer une dette sans connaître la valeur de l’euro. Certaines croient qu’elles vont faire des babysittings ou travailler dans un supermarché, aucune n’imagine en tous cas les conditions de la prostitution en Europe (le froid, la violence de la rue, les horaires,…) et toutes croient qu’une fois la dette acquittée elles pourront rester librement en France avec un travail déclaré… Le contrat est donc truffé d’ambiguïtés. Les mots sont chargés de double sens brouillant les repères des victimes.

23Mais ce n’est pas à proprement parler le contrat qui caractérise l’effraction, mais plutôt les rituels dans le cadre desquels il est formulé. A Benin City, la création de lieux de culte n’est pas interdite [21]. De ce fait, de nombreuses personnalités charismatiques sont enregistrées comme traditional ou native doctors, créant des lieux consacrés à un ancêtre afin d’attirer des fidèles. Actuellement, les temples consacrés au culte d’Ayelala [22] reçoivent de nombreuses personnes exploitées par la suite en Europe [23].

24« J’étais habillée en rouge, des habits serrés. Ils m’ont coupé les ongles, m’ont pris des cheveux, des poils pubiens. Ils m’ont fait des scarifications sur tout le corps. Le prêtre menait le rituel d’initiation. Il m’a donné quelque chose à mâcher et à boire. Il y a eu des incantations que je devais répéter. Ils ont pris ma culotte. Ils m’ont fermé les yeux et m’ont amenée dans une pièce où il y avait un autel avec des vieilles choses, des créatures. Ils ont fait des incantations. Ensuite, ils m’ont donné quelque chose à boire avec de l’alcool. C’était amer ».

25Les éléments humains que donne la jeune femme sont versés dans une sorte de grand vase dans lequel baignent des matières animales, de l’alcool, du sang et d’autres substances non clairement identifiées. L’ingestion des « aliments » issus de ce vase tout comme les scarifications [24] introduisent dans la future victime la marque de sa promesse. La fille est prévenue : « Si tu ne paies pas, la chose que tu prends va te tuer ». Par ailleurs, un sachet peut être remis à la jeune femme. Il comprend des éléments représentant la loyauté, le pouvoir du Dieu Ogun [25] et la beauté [26] (éléments humains des deux parties, noix de kola, pièces de métal et savon) et concrétise l’accord [27]. Le rituel est pratiqué devant témoins, dont la présence confirme l’importance de la dimension sociale du rite et de l’engagement.

26A un premier niveau d’analyse, la dimension effractive du rituel ressort avec évidence : l’« effraction consiste à s’installer sur le territoire de sa proie ». L’ingestion et les scarifications préparent ainsi l’emprise. Or, les conséquences de cette effraction sont considérables : « La brèche une fois ouverte ne se refermera pas facilement, l’effraction laisse la clôture individuelle béante, le sujet sans défense. Une personne non possédée se sent entière, pleine et pure, avec des limites marquant sa différence à autrui. Avec l’effraction, le sorcier montre à la victime que son enveloppe est percée et qu’elle ne peut plus maintenir la différenciation entre soi et l’autre » [28].

27Or, l’effraction survient au moment même où la victime promet qu’elle remboursera, qu’elle restera fidèle à celle qui l’exploite et qu’elle ne dénoncera pas. Avant même l’exploitation, tout est fait pour empêcher le sujet de résister. Non seulement la future victime s’est engagée, mais la frontière entre elle et celui ou celle qui va l’exploiter est devenue étanche.

28Au-delà, l’existence de viols (au cours du transport [29], à l’arrivée dans le pays [30], ou dans le cadre de la pratique prostitutionnelle [31]) renforce ou aggrave cette effraction. Lorsque la jeune femme est vierge, l’aspect traumatique n’en est que plus important [32].

29C’est donc sur la base de la fragilisation de la personne suite à l’effraction, que les agissements pouvant relever de la captation vont être accomplis.

2 – La captation

30La captation renvoie à l’appropriation de l’autre pour gagner sa confiance, fixer son attention et le priver de sa liberté [33]. « La captation désigne la prise de possession, l’action de s’emparer physiquement de quelque chose, et, en psychologie, la tendance qu’ont certains sujets à chercher à s’accaparer de façon exclusive une personne, son affection [34] ». Le discours de la Madam et la souscription d’une dette s’inscrivent dans cette captation.

31Le serment donne accès à un monde symbolique qui dépasse le sujet. Or, ce monde symbolique est particulièrement confus en ce qu’il renvoie à un monde dont les représentations ne sont pas encore là, ce qui empêche toute prise de distance. De la même manière, le recours par la Madam à l’injonction de conformité à l’arrivée dans le pays de destination entretient cette confusion quant à la nature des actes subis. « [Elle] donne à la victime l’impression que la relation, telle qu’elle est définie par l’instigateur, est normale et qu’il n’a pas d’autre choix que de l’accepter. La victime doit se soumettre au système de croyance de l’instigateur. La victime ne peut pas proposer d’alternative à cette réalité imposée, sa conviction qu’elle ne peut pas changer la situation est « confortée par des réflexions sur son anormalité, incapacité ou pathologie ». Les capacités critiques de la victime sont débordées [35] ». Or, lorsqu’on demande aux personnes rencontrées si elles ne sont pas méfiées, pourquoi elles ne se sont pas révoltées, elles répondent fréquemment qu’elles n’avaient jamais vu de « blancs » et qu’elles ne savaient pas comment on vivait en France. On leur a donc fait croire, dans un premier temps que les conditions de contrainte auxquelles elles étaient soumises constituaient la norme en Europe…

32Durant cette phase de captation, la Madam use fréquemment de moyens de séduction, donnant le plus longtemps possible une apparence d’altruisme à des relations guidées par le seul profit économique : « Au Nigéria, (…) elle m’a donné de la nourriture, des vêtements, de la protection vis-à-vis de la police. Elle m’a hébergée chez elle ». La victime intègre donc l’idée que la Madam lui « offre » la possibilité d’avoir une vie nouvelle.

33Or, recevoir crée une dette [36]. Telle est la pierre angulaire sur laquelle les Madams construisent la relation. La Madam (ou ceux qui sont à son service) s’occupe du visa, du passeport, du transport, et à l’arrivée de la demande d’asile, de l’hébergement, de la nourriture et de la tenue de travail, à charge pour l’« aidée » de rembourser. Les solidarités familiales ou communautaires sont un soutien fondamental dans les parcours de migration [37]. Il est difficile de migrer seul et plus encore lorsque l’on arrive illégalement. Les Madams utilisent cette « solidarité » communautaire pour ancrer l’emprise : en se rendant indispensables elles transmettent l’idée qu’elles sont les seules sur lesquelles les victimes peuvent compter [38]. Cette entraide est donc la contre-partie plus ou moins explicite de la dette.

34Au-delà, l’emprise enferme la victime dans un mode de relation tellement intégré qu’il peut sembler avoir été choisi par la victime. C’est la programmation.

3 – La programmation

35La programmation implique la création chez la victime d’un réflexe l’empêchant de se libérer de l’instigateur : il s’agit d’« introduire des instructions dans le cerveau de l’autre pour induire des comportements prédéfinis afin d’activer ultérieurement des conduites adaptées à une situation ou un scénario anticipés » [39]. Dans le cadre de la traite, la programmation résulte principalement des violences.

36Si l’apprentissage implique une participation du sujet, la programmation résulte d’une action qui lui est extérieure. La soumission à des violences physiques répétées crée un mécanisme d’« impuissance apprise ». Elle « se produit lorsque les agressions sont imprévisibles et incontrôlables et que la situation semble immuable et inextricable. La victime n’a plus la capacité d’anticiper, elle est démotivée, se sent incompétente et vulnérable » [40].

37Les vingt-et-une personnes ayant abordé cette question disent avoir subi des coups ou des menaces de coups. Parmi elles, dix-sept disent avoir été physiquement battues : câble, ceinture, balais, jet d’assiettes, menaces avec un fer à repasser brûlant à la main.

38En outre, la prostitution en elle-même constitue pour beaucoup de filles une forme de violence : « La prostitution, ce n’est pas bien. J’étais une esclave » ; « Ton corps est pour quelqu’un de spécial ; il n’est pas pour tout le monde » ; « Pour moi, c’est violent » ; « Pour moi et pour ma famille la prostitution est un grand péché » ; « Je ne peux pas dire que j’aie été violée, mais quand on est vierge et qu’on doit coucher avec des clients, on peut dire que c’est une forme de viol » ; « Chaque client est une violence. ». Les représentations négatives associées à la prostitution accroissent la vulnérabilité de la personne dans sa relation à la Madam.

39Ce contexte neutralise toute velléité de résistance de la victime : même si la possibilité matérielle lui en est donnée, la personne programmée ne peut se libérer. C’est pourquoi les personnes exploitées ont souvent le plus grand mal à se saisir des opportunités proposées, se trouvant dans une sortie de sidération. On trouve cette sidération de la pensée dans le discours des personnes : « Tout ce qu’elle disait était dans ma tête. Je crois qu’elle ne voulait pas que j’aie ma propre vie. Elle voulait que je sois son esclave. J’ai fait des choses parce qu’elle m’a dit de les faire, mais je ne pensais pas par moi-même. J’avais peur ». Une autre affirme : « A l’époque je faisais ce qu’elle me disait de faire, c’est tout ».

40Dans un premier temps tout au moins, la personne ne se révolte pas, mais agit même en fonction d’injonctions qu’elle a intériorisées. Le mode de relation empêche donc la personne de s’affranchir de l’exploitation.

B – Les effets du mode de relation instauré

41Les agissements de la Madam faisant obstacle à la rupture du lien engendrent une perception dévalorisée (1) et l’altération de la capacité du sujet à être auteur de ses actes (2).

1 – Perception dévalorisée du sujet

42La perception qu’a la victime d’elle-même n’a pas été explicitement intégrée dans la grille d’entretiens. Pourtant, l’auto-dévalorisation, la honte et la somatisation en lien avec les faits subis ressortent de manière flagrante chez les personnes rencontrées.

43« Je pense que je ne suis pas une personne normale, comme les autres. Je voudrais ne plus avoir cette idée dans la tête. C’est une honte pour moi. Je sais que ça se passe dans la tête, que les gens ne savent pas que je suis une prostituée, mais c’est plus fort que moi ». Ce sentiment peut résulter de l’emprise : « Dans la plupart des cas, l’abuseur ne ressentant aucune culpabilité, le sentiment d’incongruence de la situation est entièrement supporté par la victime : si l’abuseur ne montre aucun doute sur la normalité de sa conduite, c’est en conséquence la victime la seule coupable (…). La honte est la manifestation de la difficulté de l’abusée à discerner clairement les responsabilités des protagonistes » [41]. L’absence de culpabilité de l’abuseur engendre la honte de la victime. Ce sentiment est accru par le bouleversement des repères : « je n’avais jamais vu de blancs, je pensais donc que ce qui m’arrivait était normal… ». Le changement de cadre culturel facilite la banalisation par la Madam de son comportement.

44En outre, l’irrégularité au regard du séjour accroît le pouvoir exercé. De très nombreuses jeunes femmes refusent de se tourner vers la police par peur d’être expulsées. Or, cette peur est entretenue par la Madam, les associations, les clients… Les victimes peuvent donc en déduire que les violences, les menaces, la privation de liberté sont en Europe moins graves que l’irrégularité au regard du séjour. Or, si précisément le fait de dénoncer des faits de traite donne accès à une protection, le caractère restrictif et on le verra aléatoire des critères de régularisation font que les victimes de traite sont avant tout coupables de séjour irrégulier. Leurs repères sont donc gravement perturbés ce qui les empêche de « discerner la responsabilité de chacun des protagonistes ». La soumission devient de ce fait le seul rôle stable qui leur soit accessible.

45Au-delà, de nombreuses jeunes femmes souffrent physiquement de cette relation. Sept des personnes rencontrées évoquent spontanément des douleurs somatiques ou des troubles du sommeil.

46Tant la honte que la somatisation sont probablement accrues par le fait que l’activité pratiquée est la prostitution. Les représentations culturelles du pays d’origine et l’image renvoyée dans le pays de destination sont péjoratives. Néanmoins, nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments pour analyser plus précisément cet aspect de la question.

47De manière plus flagrante encore que la dévalorisation, l’altération de la capacité à être sujet de ses actes est apparue spontanément dans les entretiens.

2 – Altération de la capacité à être sujet de ses actes

48La difficulté des victimes de la traite à être sujets assure aux Madams une relative impunité puisqu’elle fait obstacle à la dénonciation. Sentiments de non appartenance, peur et absence de choix ont un effet paralysant.

49S’il est difficile de généraliser à partir d’extraits de discours, les propos recueillis sont particulièrement explicites sur la question de la non-appartenance à elle-même de la personne exploitée. Ils confortent l’analyse théorique : « Dans le cas de l’emprise, la relation de domination n’est pas annoncée (…) clairement. On observe une colonisation de l’esprit de l’un par l’autre, une main mise, une invasion de territoire, un déni de l’existence, du désir chez l’autre, une négation de l’altérité et de l’ « étrangeté » de la victime. La différenciation devient floue, les frontières interindividuelles sont progressivement gommées par la victime » [42].

50Certaines jeunes femmes l’évoquent avec beaucoup d’acuité :

51« J’étais une esclave ».

52« Je ne suis pas heureuse. Je ne suis pas moi-même. (…) Elle n’est pas propriétaire de ma vie. C’est Dieu qui en est propriétaire. (…) Je ne suis pas une esclave, je suis un être humain ».

53« J’étais comme prisonnière (…). Je me sentais perdue. J’avais le sentiment que mes rêves étaient morts ».

54« J’ai pensé, « Je dois m’éloigner d’elle. Pour combien de temps encore je serai une esclave pour elle ? » (…) Tout ce qu’elle disait était dans ma tête. Maintenant, je crois qu’elle ne voulait pas que j’aie ma propre vie. Elle voulait que je sois son esclave. J’avais peur. (…) Dans ma tête il n’y avait que ses mots (…). Quand je suis arrivée en France, elle a ouvert un mauvais chemin pour moi. J’étais comme un bébé ».

55Cette soustraction de la personne à elle-même explique, au même titre que la peur et l’absence de choix, l’incapacité à solliciter une protection des autorités françaises.

56Le thème de la peur a été évoqué spontanément par une personne sur deux. A toutes les étapes de l’exploitation, des réflexes de peur ont été créés dans l’esprit des personnes exploitées, du juju[43] à la peur de la police en passant par les violences ou les menaces sur elle ou sa famille. Quel que soit son point de focalisation, cette peur est paralysante. Elle empêche la personne de raconter ce qui se passe, que ce soit devant l’OFPRA [44], la police ou les associations. Par son silence, la personne se protège d’un événement qu’elle perçoit comme pire encore que l’exploitation : l’expulsion.

57En cas de retour au pays, la victime craint d’être rejetée par sa famille ou de subir des représailles du réseau, soit parce qu’elle n’a pas fini de payer sa dette, soit parce qu’elle a dénoncé. La police nigériane est unanimement considérée comme n’étant pas à même d’assurer la moindre protection, et ce à la fois en raison des problèmes de corruption [45], mais également parce que la dimension répréhensible des faits ne ressort pas nécessairement comme telle au Nigéria.

58La prégnance du thème de la peur peut être rapprochée du discours sur l’absence de choix spontanément évoqué par huit des personnes rencontrées : absence de choix de se prostituer, de dénoncer, de s’enfuir… La négation de sa singularité et son sentiment de non appartenance convainquent la personne qu’elle ne peut faire de choix contraire à la volonté de celle qui la « possède ». « Dans ma tête il n’y avait que ses mots » [46]. Tout ce qui arrive est inévitable et la jeune femme ne perçoit aucun moyen de s’y soustraire.

59Ces éléments doivent être mis en regard avec le conditionnement de la protection. A partir du moment en effet où la personne se sent agie par une autre, il devient incohérent de soumettre le bénéfice de sa protection à sa capacité à rompre cette relation, puisque précisément elle n’est plus maître, ou ne se sent plus maître de ses faits et gestes. Aussi, le rôle central de la coopération dans les critères d’accès à la qualité de victime de traite nous semble largement contestable, voire dommageable en termes de lutte contre la traite.

II – Le rôle central de la coopération dans les critères d’accès à la qualité de victime de traite

60L’article 11 3° de la Directive 2011/36/UE impose aux États de prendre les mesures nécessaires « pour que l’octroi d’une assistance et d’une aide à une victime ne soit pas subordonné à sa volonté de coopérer dans le cadre de l’enquête, des poursuites ou du procès pénal ». Néanmoins, en l’état, le conditionnement de la protection est formellement difficilement contournable (A) et plus encore dans les faits, en raison du fort aléa qui entoure l’application des textes (B).

A – Un critère difficilement contournable formellement

61Le principal moyen d’accès à un titre de séjour pour une victime de traite des êtres humains reste la coopération avec les autorités judiciaires (L. 316-1 du CESEDA [47]). Seul le titre de séjour pour motif humanitaire de l’article L. 313-14 du même Code combiné à la « situation de détresse » de la circulaire du 5 février 2009 crée une légère entorse au conditionnement de la protection [48] (2).

1 – Le critère de la coopération avec les autorités

62Trois catégories de personnes coopérantes peuvent bénéficier de droits en lien avec des faits de traite : la personne qui a directement subi les faits (dépôt de plainte), celle qui en a eu connaissance (témoignage) et celle qui est considérée par les autorités de police comme susceptible d’entrer dans l’une ou l’autre des catégories précédentes.

63En cas de plainte[49], les faits (traite ou proxénétisme) doivent avoir été commis à l’encontre de celui qui les dénonce. Le caractère restrictif des infractions visées pose difficulté lorsque, en cas de concours, le parquet ne retient pas la traite, mais une qualification voisine [50] : recrutement d’une personne en vue de la mendicité [51], aide au séjour irrégulier [52] ou soumission à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité [53].

64L’octroi d’un titre de séjour en cas de témoignage n’est pas prévu pour le témoin anonyme [54]. Si certaines préfectures lui permettent de bénéficier de ce texte, cette solution est loin d’être uniforme. De même, aucun droit n’est octroyé aux personnes servant d’indicateurs aux autorités de police, alors que celles-ci peuvent recueillir des informations précieuses hors de toute procédure.

65Enfin, la victime présumée peut accéder à certains droits. Lorsque les services de police disposent d’éléments permettant de considérer qu’un étranger, victime de traite des êtres humains (…) est susceptible de porter plainte ou de témoigner dans une procédure pénale, ils doivent l’informer sur ses droits [55], ce qui lui donne accès si elle en exprime le souhait à une autorisation provisoire de séjour de trente jours afin d’envisager de coopérer avec les autorités compétentes.

66On ne peut que regretter l’absence de précision sur les éléments permettant d’identifier une personne comme étant une possible victime de traite, mais surtout « permettant de considérer (…) qu’elle est susceptible de porter plainte (…) ou de témoigner dans une procédure pénale… ». De ce fait, le contrôle des juridictions risque d’être particulièrement minimaliste, voire aléatoire.

67Mais au-delà de ces points de discussion, c’est le principe même du conditionnement qui pose difficulté. La stratégie d’emprise dans le cadre de laquelle s’inscrit l’exploitation d’une personne dans un parcours de traite, nigériane en tous cas, repose sur une domination altérant le libre arbitre de la victime. Or, le conditionnement de l’accès à un titre de séjour ignore cette dimension de la traite. La protection n’est donc accessible qu’aux personnes les moins vulnérables. On a identifié chez les victimes un sentiment de non appartenance induisant la conviction de n’avoir pas de liberté de choix, d’être agie par une autre ou d’être en position d’esclave. Plus l’emprise sera forte, moins la victime sera à même de coopérer avec les autorités. Le titre de séjour fondé sur la coopération n’est donc accessible qu’aux personnes à même de faire les premiers pas pour sortir de la relation d’exploitation.

68Au-delà de cette faille majeure du dispositif, on peut même craindre que ce régime ne renforce l’emprise : l’irrégularité du séjour fragilise les victimes à l’égard des autorités de police et conforte le discours des Madams qui revendiquent être le seul rempart face au risque d’expulsion. Le refus de rentrer au pays s’explique non seulement par la volonté initiale de migrer mais également par le fait que le non-paiement de l’intégralité de la dette génère un risque de représailles ou d’ostracisme. Or, il est souvent vrai que la soumission à la Madam constitue la meilleure protection face au risque d’expulsion.

69Néanmoins, le conditionnement de la protection connaît une légère inflexion en raison du critère de la « situation de détresse ».

2 – La situation de détresse

70L’article 11 3° de la directive 2011/36/UE prévoit que des droits puissent être attribués aux victimes qui ne coopèreraient pas avec les autorités judiciaires. La circulaire du 5 février 2009 rend formellement le droit français conforme à cette exigence. Au-delà, l’article L. 345-1 du Code de l’action sociale et des familles peut être interprété de manière extensive comme attribuant des droits aux victimes non coopérantes, mais là encore le contenu du texte reste soumis à une large marge d’appréciation.

71La circulaire du 5 février 2009 [56] rappelle aux préfets la « possibilité » de délivrer un titre de séjour aux victimes de traite pour motif humanitaire.

72Le critère principal semble être la “situation de détresse des victimes des infractions de traite ou de proxénétisme” en situation irrégulière qui craignent des représailles sur leur personne ou des membres de leur famille. L’existence d’« efforts de réinsertion (inscription à une formation linguistique, professionnelle, exercice d’une activité professionnelle…) » est en outre évoquée.

73On identifie trois logiques : une situation de détresse relevant d’une logique humanitaire ; le danger encouru, de la protection des droits individuels et la réinsertion qui participe de la protection de l’ordre public.

74Selon que l’on fait primer l’un ou l’autre des objectifs, on obtiendra des solutions différentes dans des cas comparables, ce qui fait donc obstacle à l’universalité de la règle de droit. Cette difficulté est fréquente en matière de pouvoir d’appréciation des agents des préfectures en charge des dossiers d’étrangers : « tout le pouvoir des agents chargés d’appliquer la loi réside dans cette capacité à choisir de mettre en avant un critère et d’en occulter d’autres pour rendre légitime la décision qu’ils s’apprêtent à prendre. (…) Il en résulte d’importantes divergences d’interprétation d’un agent à l’autre » [57].

75En outre, la faible valeur normative d’une circulaire limite la portée du contrôle juridictionnel. La formulation retenue [58] montre qu’il s’agit d’une circulaire indicative qui traduit une décision, recommande, conseille et constitue donc un acte unilatéral non décisoire [59]. Contrairement à la circulaire impérative, sa non application n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours. Les critères d’attribution de la qualité de victime ne sont pas de ce fait assortis d’une réelle garantie normative. Le préfet est en situation de toute puissance dans la hiérarchisation des critères d’attribution de la qualité de victime.

76Par ailleurs, l’article L. 345-1 du Code de l’action sociale et des familles attribue des places dans des centres hébergement et d’insertion sociale aux victimes dans des conditions sécurisantes. Néanmoins, le texte ne définit pas ce qu’il faut entendre par « victime de traite » [60]. Soit seules les personnes ayant coopéré avec les autorités judiciaires doivent être considérées strictement comme victimes de traite [61], ou à l’inverse, le seul fait de se dire victime, c’est la « victime prétendue », justifie l’application de ce texte. La marge de manœuvre est donc considérable.

77Ainsi, l’incertitude formelle et l’aléa de sa garantie normative rendent le régime actuel critiquable, faisant obstacle à une application uniforme de la règle de droit et à la prévisibilité de la norme. Or, le bien fondé de ces critiques a été confirmé lors des enquêtes effectuées auprès des acteurs chargés d’appliquer les textes.

B – Un critère fluctuant dans les faits

78La diversité des sources normatives, l’importance de la marge d’appréciation et l’incertitude portant sur la raison d’être de la protection sont autant d’obstacles à la sécurité juridique.

79Pour ce qui est de l’article L. 316-1, certaines préfectures retiennent deux critères cumulatifs qui n’apparaissent pas dans le texte pour délivrer un titre de séjour : l’utilité de la participation à la procédure et l’évaluation du degré d’insertion de la personne. D’autres retiennent la seule utilité de la participation à la procédure pénale.

80Sur Paris, un dépôt de plainte exploitable et la sortie de la prostitution sont exigés [62]. Certains acteurs [63] précisent que la plainte doit donner lieu à des arrestations. Ces exigences ne résultent ni de l’article L. 316-1 du CESEDA, ni de la circulaire du 5 février 2009, qui exige simplement qu’une suite puisse être donnée aux informations fournies [64]. Des déclarations étayant un dossier pourraient en ce sens suffire à fonder l’octroi d’un titre.

81Par ailleurs, il est exigé que la personne soit en cours de réinsertion. « Ce critère implique a priori qu’elle ait un travail, mais au regard des difficultés d’emploi, le simple fait de suivre des cours d’alphabétisation peut, selon les cas, suffire » [65]. Or, on a détaillé la complexité des paramètres qui empêchaient les filles de sortir de la relation d’exploitation. Exiger d’une personne qui dénonce ceux qui l’ont exploitée qu’elle soit capable dans le même temps de s’« insérer » dans la société relève d’une réelle méconnaissance et des textes applicables – loi et circulaire – et de la situation des personnes.

82Ce critère est créé de manière arbitraire. Cette logique révèle la fonction d’« entrepreneurs de morale » : « qu’ils soient simples guichetiers ou agents d’encadrement, ils conçoivent leur activité de contrôle de l’immigration comme une mission à la fois morale, politique et civique » [66].

83Dans une stricte logique d’efficacité, il est indispensable de donner à une personne qui coopère avec les autorités les moyens de sortir de la relation de dépendance. Or, tant que la personne est en situation irrégulière, elle reste soumise à ceux qui l’ont exploitée et ne peut accéder à un hébergement, des ressources, une formation, des contacts avec d’autres personnes que celles de sa communauté d’origine, la compréhension du fonctionnement des institutions françaises et également, le moment venu, un travail déclaré. Il est donc nécessaire de procéder par étapes. Dans un premier temps le seul fait de coopérer devrait suffire à l’octroi de papiers, ce qui n’exclut pas que l’inscription de la personne dans une démarche d’insertion puisse être exigée au moment de leur renouvellement.

84Cette approche semble essentielle afin de travailler sur le risque de répétition. Une victime nigériane qui a fini de payer sa dette est, selon les règles de fonctionnement internes du réseau, destinée à devenir une Madam. Demander aux victimes de dénoncer et de prouver simultanément être insérées dans la société française, c’est les inciter à jouer un double jeu pour avoir des papiers. Plusieurs interlocuteurs ont identifié une instrumentalisation du système conduisant des jeunes femmes à dénoncer d’autres proxénètes que les leurs, à fournir de faux contrats de travail pour être régularisées et parallèlement, à faire venir de nouvelles prostituées. Cette réalité ne peut être ignorée. Fixer des conditions drastiques à la régularisation comporte le risque que la loi ne soit utilisée par les victimes à des fins autres que celles qui sont affichées.

85D’autres préfectures s’en tiennent, pour délivrer un titre de séjour, à la seule utilité de la participation à la procédure.

86Si le critère de la régularisation est réellement celui de la coopération avec les autorités judiciaires, ce seul élément doit alors fonder l’octroi d’un titre de séjour de six mois et les droits afférents, afin de permettre à la personne de créer des points d’attache dans la société française et de rompre avec le milieu l’ayant exploitée.

87En ce sens, la Préfecture de Lyon octroie un titre de séjour en examinant le rapport de police et en vérifiant le Bulletin n° 2 [67]. Seuls les dossiers présentés par les services de police sont examinés [68]. Les dossiers de renouvellement ne sont reçus que lorsque le premier titre est expiré. Cette pratique est discrétionnaire. Elle a bien souvent pour effet une interruption de l’allocation temporaire d’attente ou du suivi visant l’insertion professionnelle, voire une rupture du contrat de travail. Elle nuit donc directement aux démarches d’insertion en œuvre.

88Sur Grenoble, l’évaluation du dossier par les services de police est également centrale. Néanmoins, en 2010, alors que des dépôts de plainte avaient, ou étaient sur le point de donner lieu à des arrestations [69], la préfecture a demandé à avoir accès au contenu de la procédure. Or, une suite favorable n’a pu être donnée à cette demande en raison du secret de l’instruction. A la date à laquelle les personnes ont été rencontrées, des demandes présentées plus de six mois auparavant restaient sans réponse.

89L’intérêt apparent de l’évaluation de la demande au regard de la seule appréciation des autorités de police – par opposition à un cumul entre insertion et coopération – résulte de sa possible cohérence. En cas de dépôt de plainte exploitable, la personne devrait être assurée d’avoir des papiers. Une fois en possession de ceux-ci, elle pourrait mettre en œuvre les démarches lui permettant de redevenir actrice de sa vie.

90Néanmoins, dans la pratique, ce critère semble encore appliqué de manière aléatoire, ce qui crée une insécurité juridique renforçant le risque d’emprise. Plus les critères d’accès au droit sont incertains, plus le discours de la Madam se présentant comme le seul repère stable dans le pays d’accueil, est renforcé.

91Par ailleurs, cette approche ne bénéficie qu’aux seules victimes disposant au départ des ressources les plus importantes. Seules les filles étant à même de trahir la relation à la Madam, en refusant la place d’objet qui leur est assignée, peuvent bénéficier de ce dispositif…

92Au-delà de ces deux options principales, d’autres manières d’appliquer la loi ont été identifiées. Sur Nice, les associations rencontrées disent hésiter à informer les victimes sur les possibilités de régularisation après dépôt de plainte, au regard des très nombreux refus opposés par la préfecture à des dossiers solidement étayés.

93A l’inverse, les pratiques des préfectures de Bordeaux et Marseille semblent procéder d’une appréciation plus souple que ce qui a été décrit sur Paris. Sur Bordeaux, la préfecture indique que les demandes de régularisation sont transmises par la police avec une note du parquet, ou éventuellement directement par une association qui communique alors une copie du dépôt de plainte et complète avec un rapport social [70]. Cette approche présente une réelle souplesse. Néanmoins, en l’absence d’identification formelle des critères d’accès à un titre de séjour, l’octroi ou non d’un titre dépend pour partie de relations interpersonnelles entre le fonctionnaire de la préfecture qui reçoit les dossiers et la personne qui les présente.

94D’après les rares éléments transmis quant à l’application de la procédure sur Marseille, les dossiers L. 316-1 sont présentés par les associations à condition d’avoir un avis préalable favorable de la police.

95Ces éléments révèlent un aléa considérable non seulement entre les villes, mais également au sein d’une même ville en raison du poids donné à chaque acteur.

96Quant à la Circulaire du 5 février 2009 prévoyant l’octroi d’un titre de séjour dit humanitaire justifié par la situation de détresse de la victime, elle semble très peu appliquée. A la date des entretiens, aucun des acteurs rencontrés n’a indiqué y avoir recours. Si certaines préfectures octroient ponctuellement des titres sur ce fondement, l’aléa rencontré est tel que certaines associations refusent de présenter de demandes afin de ne pas mettre la requérante dans une situation d’incertitude plus complexe encore que celle résultant l’absence de titre [71]. Interrogés par nos soins, les services du ministère de l’immigration nous ont indiqué ne pas être en mesure de nous indiquer le nombre de titres délivrés sur ce fondement.

97Enfin, l’octroi d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée de trente jours dans le cadre du délai de réflexion est marqué par les mêmes difficultés. Aucun de nos interlocuteurs n’a pratiqué ni même eu connaissance de l’octroi d’une autorisation provisoire de séjour dans le cadre du délai de réflexion.

98Ainsi, outre le caractère largement discutable du conditionnement de la protection à la coopération de la victime avec les autorités judiciaires, l’aléa qui entoure son application renforce un contexte favorisant le risque d’emprise : moins la victime est assurée de pouvoir trouver refuge auprès des autorités du pays, plus le discours de la Madam est susceptible d’avoir du poids. A défaut d’envisager une évolution proche du discutable principe du conditionnement de la protection, il semble urgent qu’intervienne une harmonisation de l’application de la loi à l’échelle locale mais également nationale. A défaut, tous les moyens qui pourront être mis en œuvre pour assurer la protection des victimes risquent de faire le jeu des réseaux en étant utilisés à une autre fin que celle à laquelle ils étaient destinés.


Date de mise en ligne : 06/12/2012.

https://doi.org/10.3917/apc.034.0103

Notes

  • [1]
    Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies de lutte contre la traite des êtres humains, Palerme, 15 novembre 2000, Recueil des traités, vol. 2225, n° 39574 ; Convention du Conseil de l’Europe consacrée à la lutte contre la traite des êtres humains, Varsovie, 16 mai 2005, Série des Traités du Conseil de l’Europe, n°197 ; directive 2004/81/CE du 29 avril 2004 ; directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 (ayant remplacé la décision-cadre 2002/629/JAI du 19/07/2002).
  • [2]
    Ce texte a été élaboré à partir d’entretiens réalisés dans le cadre du contrat « Autonomie et protection – Le cas des femmes nigérianes soumises à des faits de traite des êtres humains » conclu avec le GIP – Mission Droit, Recherche Justice -.
  • [3]
    R. ANDRIJASEVIC, « La traite des femmes d’Europe de l’Est en Italie. Analyse critique des représentations », Revue européenne des migrations internationales, 21, (1), 2005, p. 160 ; F. GUILLEMAUT, « Victimes de trafic ou actrices d’un processus migratoire ? Saisir la voix des femmes migrantes prostituées par la recherche-action », Terrains et travaux, 1 (10), 2006, pp. 157-176 ; « Sexe, juju et migrations. Regard anthropologique sur les processus migratoires de femmes africaines en France », Recherches sociologiques et anthropologiques, 1, 2008, pp. 10-25. Certains auteurs ont consacré leurs recherches à l’analyse de l’appréhension politique et juridique de la traite. M. JAKSIC, « État de littérature. Déconstruire pour dénoncer : la traite des êtres humains en débat », Critique internationale, 2011/4, n° 53, pp. 169-182 ; « Figures de la victimes de la traite des êtres humains, de la victime idéale à la victime coupable », Cahiers internationaux de sociologie, n° 124, 2008, pp. 127-146 ; C. NIEWENHUYS et A. PECOUD, « Campagnes d’information et traite des êtres humains à l’Est de l’Europe », Espace, populations, sociétés, 2, 2008, pp. 319-330 ; C. ARADAU, « The perverse politics of four letter Words: Risk, and Pity in the securisation of human trafficking », Millenium ; Journal of international studies, 33, (2), 2004, pp. 251-277 ; M. DARLEY, « Le statut de la victime dans la lutte contre la traite des femmes », Critique internationale, 30, janvier-mars 2006, p. 108 ; N. RAGARU, « Du bon usage de la traite des êtres humains, controverses autour d’un problème social et d’une qualification juridique », Genèses 2007/1 (n° 66).
  • [4]
    D. M. HUGHES, « The “Natasha” Trade: The Transnational Shadow Market of Trafficking in Women », Journal of International Affairs, 53 (2), ete 2000, p. 625-651 ; S. JEFFREYS, The Industrial Vagina: The Political Economy of the Global Sex Trade, New York, Routledge, 2009 ; R. POULIN (dir.), La mondialisation des industries du sexe, Paris, Imago, 2005 ; E. AGHATISE, « Réalités et cadre légal de la traite de Nigérianes et d’Européennes de l’Est de l’Italie », in Prostitution : la mondialisation incarnée. Points de vue du Sud, (Dir.) R. POULIN, Alternatives Sud, vol. XII, 2005, 3, 2005, p. 140.
  • [5]
    F. GUILLEMAUT, « Victimes de trafic ou actrices d’un processus migratoire ? Saisir la voix des femmes migrantes prostituées par la recherche-action », op. cit. ; « Sexe, juju et migrations. Regard anthropologique sur les processus migratoires de femmes africaines en France », op. cit.
  • [6]
    M. DARLEY, « Le statut de victime dans la lutte contre la traite des femmes », op. cit. p. 119.
  • [7]
    En droit pénal, le principe est l’indifférence du consentement de la victime sur la qualification des faits -, X. PIN, Le consentement en matière pénale, L.G.D.J., n° 36, 2002.
  • [8]
    UNESCO, « Human trafficking in Nigeria, root causes and recommandations », policy paper, SHS/CCT/2006/PI/H/2, Paris, 2006, p. 34, accessible à l’adresse www.unesdoc.unesco.org/images/0014/001478/147844e.pdf. Ce document donne une proportion de 92 % de Nigérianes originaires d’Edo State parmi les personnes exploitées. Selon l’ONUDC, ce seraient 94 % des personnes exploitées sexuellement en Europe qui seraient originaires d’Edo state, ONUDC, ARONOWITZ, « Measures to combat trafficking in human beings in Togo », 2006, p. 30, accessible à l’adresse www.unodc.org/documents/human-trafficking/ht_research_report_nigeria.pdf. Un rapport du Nap tip cité par B.U. MBERU, (« Nigéria: multiple forms of mobility in Africa’s demographic giant », article publié à l’adresse : www.migrationinformation.org/Profiles/display.cfm?ID=788) indique que 10 000 personnes seraient exploitées par an depuis le Nigéria.
  • [9]
    Parmi les 14 personnes ayant donné leur appartenance ethnique, 9 sont Edo, 4 Urhobo et 1 Ibo. Parmi celles qui n’ont pas donné leur origine ethnique, 1 venait de l’État de Delta. Il est donc probable qu’elle était Urhobo. Néanmoins l’appartenance ethnique ne coïncide pas nécessairement avec la région d’origine.
  • [10]
    Difficulté à obtenir l’accord des jeunes femmes, entretiens avortés, personnes qui se présentent mais qui restent quasiment muettes et dont les propos ne sont pas exploitables, personnes au contraire très loquaces mais dont on découvre en cours d’entretien qu’elles n’ont pas été recrutées dans l’État d’Edo…
  • [11]
    Ces biais sont liés notamment au fait que les personnes rencontrées, « sélectionnées » par des associations ne sont pas représentatives de l’ensemble des personnes exploitées en France mais simplement de celles qui ont pu créer un lien de confiance avec de telles structures.
  • [12]
    R. DOREY, « La relation d’emprise », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 24, 1981, Gallimard, pp. 117-141.
  • [13]
    R. PERRONE et M. NANNINI, Violence et abus sexuel dans la famille, ESF Editeur, Issy les Moulineaux, 2006, p. 130.
  • [14]
    Une jeune femme rencontrée dans un autre contexte que l’étude évoquée indique très clairement : « dans notre culture, les filles ne posent pas de questions aux femmes plus âgées, parce que c’est comme leur manquer de respect. Donc moi, je ne pouvais pas poser de questions et je le savais très bien, et ma mère n’a pas voulu poser de questions non plus parce qu’on est pauvres et qu’on ne pouvait pas se permettre de poser trop de questions à des gens riches, qui ont de l’argent et des enfants en Europe. On ne voulait pas et on ne pouvait pas se permettre d’agacer la femme qui me proposait de venir en Europe ». Sur ce point, voir également V. SIMONI, « I swear on oath », Serments d’allégeance, coercitions et stratégies migratoires chez les femmes nigérianes de Bénin City, à paraître dans un collectif dirigé par l’auteur de ces lignes aux Éditions Karthala.
  • [15]
    R. PERRONE et M. NANNINI, Violence et abus sexuel dans la famille, ESF Editeur, Issy les Moulineaux, 2006, p. 130.
  • [16]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin/malade, op. cit., p. 64.
  • [17]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 123. Voir également T. NATHAN, L’influence qui guérit, Odile Jacob poches, 2001, p. 274.
  • [18]
    La dette s’élève à une somme de l’ordre de 30 à 60 000 €, mais au-delà, la somme effectivement payée peut être plus importante en raison des « faux frais » (location de la place sur le trottoir, prix du récépissé de demande d’asile ou du faux certificat de naissance …).
  • [19]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit. p. 128.
  • [20]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit. p. 128.
  • [21]
    C. GOER et D. PRATTEN, « The politics of plunder: the rhetorics of order and disorder in southern Nigeria », African affairs, 2003, n° 102, pp. 211-240, part. p. 232 et s.
  • [22]
    UNESCO, Human trafficking in Nigeria, root causes and recommandations, op. cit. ; UNICRI, PRINA F., 2003, op. cit. p. 35 et s. Ayelala, particulièrement respectée au sud-ouest du Nigéria, était une esclave qui fut sacrifiée dans le cadre d’un accord destiné à trancher un conflit entre deux régions ennemies. L’accord prévoyait qu’à compter de la mort de l’esclave les deux parties cesseraient de s’opposer et de se vouloir du mal. Avant son sacrifice, Ayelala a dit qu’elle veillerait à ce que l’accord soit respecté. D. KOHLAGEN, Les ancêtres dans la pensée juridique africaine, Étude appliquée aux sociétés du Golfe du Bénin, Mémoire de DEA « Études africaines », 1999-2000, sous la direction de C. KUYU, accessible à l’adresse suivante : www.dhdi.free.fr/recherches/etudesdiverses/memoires/kohlhagenmemoir.pdf
  • [23]
    Certains acteurs de terrain indiquent que 80 % des jeunes femmes arrivant seraient passées par ce temple. Entretien, Paris, 8 novembre 2010.
  • [24]
    Des éléments extraits du vase sont souvent introduits dans la plaie.
  • [25]
    Ogun est un personnage mythique de la société Yoruba notamment qui a utilisé sa hache pour ouvrir la route aux autres dieux lorsqu’ils sont venus habiter la terre. Il protège les voyageurs. En ce sens, D. KOHLAGEN, Les ancêtres dans la pensée juridique africaine, Étude appliquée aux sociétés du Golfe du bénin, op. cit.
  • [26]
    C. GORE et D. PRATTEN, op. cit.
  • [27]
    Selon certaines sources (OIM, CARLING, 2006, op. cit. p. 28), la jeune fille pourrait emporter ce « package » en Europe. Ce point ne ressort malheureusement pas des entretiens réalisés, mais les services de police rapportent souvent avoir trouvé ces éléments lors des perquisitions dans des appartements, sans pouvoir dire s’ils appartenaient alors aux Madams ou aux personnes exploitées.
  • [28]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin/malade, op. cit., p. 65.
  • [29]
    Trois des vingt-deux personnes ont indiqué avoir été violées au cours du transport.
  • [30]
    Une a été violée à son arrivée dans le pays par son proxénète homme.
  • [31]
    Les relations avec les clients peuvent être assimilées à des formes de viols, lorsque la fille n’y adhère pas. La contrainte ne vient pas alors du client, mais de la Madam.
  • [32]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 124.
  • [33]
    T. NATHAN, Le sperme du diable, op. cit., p. 110 et 116.
  • [34]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin-malade, op. cit., p. 65.
  • [35]
    Ibid., p. 56.
  • [36]
    M. MAUSS, Essai sur le don, PUF, collection Quadrige, 2007, p. 87.
  • [37]
    B-J. NKENE, « De la migration à la crise identitaire : quelle citoyenneté pour les migrants Igbo au Cameroun », in L. SINDJOUN (Dir.), État, individus et réseaux dans les migrations africaines, KARTHALA, 2004, p. 237.
  • [38]
    Pour une analyse des formes de protection à l’œuvre chez les prostituées trans et péruviennes, voir P. de MONTVALON, « Trans, migrante et prostituée : anthropologie des résistances possibles », Cahiers de l’URMIS, n° 14, 2012, à paraître.
  • [39]
    PERRONE et NANNINI, op. cit., p. 131.
  • [40]
    C. ROOS, L’emprise dans la relation médecin/malade, op. cit., p. 75.
  • [41]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 136.
  • [42]
    R. PERRONE et M. NANNINI, op. cit., p. 122.
  • [43]
    « Le juju est très puissant. Il peut tuer. Parfois, j’ai peur ».
  • [44]
    Office français de protection des réfugiés et des apatrides.
  • [45]
    Sur cette question, Amnesty international, Ils tuent à leur gré, AFR/44/038/2009, 2009 ; Amnesty international, Nigéria, « Pour qui vient le bourreau ? », AFR/44/020/2008, 2008. Voir également entretien n° 9.
  • [46]
    Entretien n° 9.
  • [47]
    Code de l’entrée et du séjour des étrangers en France.
  • [48]
    Le principe du conditionnement de la protection résulte notamment de la Directive 2004/81/CE du 29/04/2004, JO L. 261/19 du 06/08/2004.
  • [49]
    Art. L. 316-1 du CESEDA.
  • [50]
    Aussi, la Commission nationale consultative des droits de l’homme préconise d’abroger les infractions concurrençant la traite et de conserver uniquement l’article 225-4-1 du Code pénal en simplifiant sa rédaction. CNCDH, J. VERNIER, La traite et l’exploitation des êtres humains en France, La documentation française, 2010, p. 66.
  • [51]
    Art. 225-12-5 et s. du Code pénal.
  • [52]
    Art. L. 622-1 du CESEDA.
  • [53]
    Art. 225-13 et 14 du Code pénal.
  • [54]
    Cette procédure, prévue par l’article 706-58 du Code de procédure pénale, permet au juge d’instruction ou au procureur de la République, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, d’entendre une personne sans que son identité n’apparaisse en procédure.
  • [55]
    Article R316-1 du CESEDA. Ces droits comprennent le bénéfice de l’article L. 316-1 du CESEDA, les mesures d’accueil, d’hébergement et de protection réservées aux victimes de traite, et l’octroi de l’aide juridictionnelle en cas de procédure.
  • [56]
    N° IMIM0900054C, op. cit.
  • [57]
    A. SPIRE, « Accueillir ou reconduire, Enquête sur les guichets d’immigration », Raisons d’agir, 2008, p. 81.
  • [58]
    « Vous avez toujours la possibilité d’envisager la délivrance à ces victimes d’un titre de séjour en dérogeant à l’obligation de témoignage ou de dépôt de plainte… ».
  • [59]
    Sur ce point, C.E. (fr.), 18 décembre 2002, Mme Duvignères, Lebon, p. 463, conclusions Fombeur, AJDA. 2003, p. 487 note Donnat et Casas ; RFDA, 2003, p. 510 note Petit. Sur cette distinction, voir B. SEILLER, « Acte administratif – I Identification », Répertoire du contentieux administratif, Dall., Mise à jour janvier 2010. L’arrêt du 18 décembre 2002 est explicite : « L’interprétation que par voie, notamment de circulaires (…) l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir, lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire (…) doivent être regardées comme faisant grief ».
  • [60]
    Alinéa 4 : « Des places en centres d’hébergement et de réinsertion social sont ouvertes à l’accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des conditions sécurisantes ».
  • [61]
    Il faudrait en fait là encore préciser quel critère permet de caractériser l’existence d’une “coopération” : témoignage, dépôt de plainte, témoignage anonyme, témoignage informel ?
  • [62]
    Les informations recueillies viennent néanmoins uniquement des services de police et des associations, puisque la préfecture n’a pas donné suite à notre demande de rendez-vous.
  • [63]
    Les amis du bus des femmes, entretien 8 novembre 2010.
  • [64]
    Circulaire, op. cit., p. 5.
  • [65]
    Entretien, BRP Paris, 5 janvier 2011.
  • [66]
    A. SPIRE, op. cit., p. 67.
  • [67]
    Entretien, Préfecture de Rhône Alpes, par téléphone, 2 mai 2011.
  • [68]
    Entretien Forum des réfugiés, Lyon, 10 mai 2011 ; Brigade des mœurs, Lyon, 10 mai 2011 ; Amicale du Nid, Lyon, 11 mai 2011.
  • [69]
    Entretien, Gendarmerie, par téléphone, 4 mai 2011.
  • [70]
    Entretien, Préfecture, Bordeaux, juillet 2010.
  • [71]
    Cette réponse nous a été opposée sur Paris, Marseille, Bordeaux, Lyon et Nice.
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