Notes
-
[1]
Audition de Mme Sonya Jougla, in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Rapport fait au nom de la commission d’enquête parlementaire, Documents d’information de l’A.N., n° 3507, 2006, p. 21.
-
[2]
L’alinéa 1er de cette disposition prévoit que « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ».
-
[3]
M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », D. 1996, n° 32, chron., p. 273.
-
[4]
C. civ., art. 375-1, al. 2nd.
-
[5]
C. civ., art. 375-2.
-
[6]
C. civ., art. 375-3.
-
[7]
À ce sujet, v. not. M. HUYETTE, « Les sectes et l’enfermement des mineurs », D. 2007, n° 10, chron., p. 682 et s.
-
[8]
Le principe de la légalité des délits et des peines est protégé en droit interne par l’article 111-3 du Code pénal et l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais également à l’échelon international, par l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) ainsi que l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
-
[9]
M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », art. préc., p. 271.
-
[10]
P. BOINOT, « Sectes religieuses et droit pénal », RSC, 1983, n° 3, p. 411.
-
[11]
B. BOULOC, Droit pénal général, 19ème éd., Dalloz, 2005, p. 5.
-
[12]
H. SCHULZ, « Le gourou d’une secte réunionnaise a été arrêté », Le Monde, 7 août 2007, p. 8.
-
[13]
Selon que le mineur est auteur ou victime d’une infraction, les intérêts en présence ne seront pas nécessairement similaires mais l’idée de protection est commune (v. J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », RSC, 2000, n° 1, p. 81 et s.).
-
[14]
MIVILUDES, Rapport au Premier ministre, 2005, p. 15.
-
[15]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, C.N.R.S. éditions, 2000, p. 14.
-
[16]
Le terme de « croyance », bien qu’il soit fréquemment placé à côté des notions de religion et de pensée dans le champ des libertés publiques, revêt en réalité une acception plus vaste qui peut lui permettre de comprendre, entre autres, les religions (v. P. ROBERT, Dictionnaire de la langue française, V° Croyance).
-
[17]
Ph. GONI, Les témoins de Jéhovah : Pratique cultuelle et loi du 9 décembre 1905, L’Harmattan, 2004, p. 36.
-
[18]
P. ROBERT, Dictionnaire de la langue française, V° Religion.
-
[19]
Ibid, V° Secte.
-
[20]
J. PRADEL, « La religion face au droit criminel », in Mélanges Albert Chavanne, Litec, 1990, p. 149.
-
[21]
G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme, 7ème éd., A. Colin, 2005, p. 417.
-
[22]
J. CARBONNIER, note sous Nîmes, 10 juin 1967, D. 1969, p. 369.
-
[23]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 19.
-
[24]
A. GEST, J. GUYARD, Les sectes en France, Rapport fait au nom de la commission d’enquête parlementaire, Documents d’information de l’A.N., n° 2468, 1995, 127 pages.
-
[25]
La qualification de « secte » ou de « mouvement sectaire » employée par la liste, qui était celle établie par la Direction centrale des renseignements généraux, n’avait en aucun cas valeur normative (v. N. GUILLET, Liberté de religion et mouvements à caractère sectaire, préf. G. KOUBI, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, T. 235, 2003, p. 510).
-
[26]
Par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le 5ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ainsi que l’article 2 de la Constitution de 1958.
-
[27]
Notamment par les articles 9 alinéa 1er et 14 de la CESDH, ainsi que par l’article 18 du PIDCP.
-
[28]
J. ROBERT, « La liberté de religion, de pensée et de croyance », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, Th. REVET (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 13ème éd., Dalloz, 2007, n° 451, p. 370.
-
[29]
G. FENECH, Rapport tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Rapport fait au nom de la commission d’enquête parlementaire, Documents d’information de l’A.N., n° 3179, 2006, p. 8.
-
[30]
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public institué par la loi ».
-
[31]
J. ROBERT, « La liberté de religion, de pensée et de croyance », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, Th. REVET (dir.), Libertés et droits fondamentaux, op. cit., n° 453, p. 371.
-
[32]
F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 13ème éd., Economica, 2006, p. 407.
-
[33]
Paris, 4 décembre 1912, D. 1914, 2, p. 213.
-
[34]
V. not. Montpellier, 29 juin 1992, Jurisdata n° 034435 ; TGI Paris, 9 février 1994, Jurisdata n° 041425 ; Montpellier, 6 juin 1994, Jurisdata n° 034187.
-
[35]
Montpellier, 3 janvier 1994, Jurisdata n° 926073, inédit. Dans le même sens, v. Montpellier, 6 novembre 2001, Jurisdata n° 005439, inédit.
-
[36]
V. not. Paris, 25 mars 1996, Jurisdata n° 020719, cité par V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 22, où la cour d’appel considéra que « la discrimination religieuse suppose l’appartenance vraie ou supposée à une religion. En l’occurrence, l’Eglise de scientologie ne présente pas de caractère religieux. Elle a en effet été présentée comme étant une secte par un rapport de l’Assemblée nationale et la notion de secte est exclusive de celle de religion ».
-
[37]
Lyon, 28 juillet 1997, D. 1997, IR p. 197 ; Gaz. Pal. 8-9 août 1997, som. p. 17.
-
[38]
Cass. crim., 30 juin 1999, D. 2000, n° 31, jur., p. 655, note B. GIARD.
-
[39]
CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c/ Grèce, Série A, n° 260-A ; RSC, 1994, p. 367, chron. R. KOERING-JOULIN ; R.T.D.H. 1994, p. 144, obs. F. RIGAUX.
-
[40]
CEDH, 22 décembre 2005, Paturel c/ France, Req. n° 54968/00. § 31.
-
[41]
V. FORTIER, « Le juge, gardien du pluralisme confessionnel », R.R.J. 2006-3, p. 1150.
-
[42]
Pour de plus amples développements à propos de la distinction entre droit à la sécurité et droit à la sûreté, v. not. D. THOMAS, « L’évolution de la procédure pénale française contemporaine : la tentation sécuritaire », in Mélanges Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 53 et s.
-
[43]
G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme, op. cit., p. 421.
-
[44]
Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, J.O. 13 juin 2001, p. 9337. Pour une présentation de la loi, v. A. DORSNER-DOLIVET, « Loi sur les sectes », D. 2002, n° 13, chron., p. 1086 et s.
-
[45]
J. DANET, « Le droit pénal et la procédure pénale sous le paradigme de l’insécurité », cette revue, 2003, n° 25, p.38.
-
[46]
V. FORTIER, « L’encadrement législatif du phénomène sectaire en France », R.D.C. 51/1, 2001, p. 23.
-
[47]
C. pén., art. 223-15-2 : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende ». -
[48]
Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001, art. 19.
-
[49]
Etaient notamment concernés les atteintes volontaires à la vie, les actes de torture et de barbarie, les violences volontaires constitutives d’un crime ou d’un délit, les menaces, le viol et autres agressions sexuelles, l’exercice illégal de la médecine, l’abandon de famille et les infractions de mises en péril des mineurs. Une telle extension du champ de la responsabilité pénale des personnes morales a néanmoins été rendue largement obsolète par la disparition, avec la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004, du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales (v. not. M.-C. SORDINO, « La disparition du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales : une fin espérée…adoptée dans la plus grande discrétion », Gaz. Pal. 10-11 septembre 2004, p. 2842 et s.).
-
[50]
A. GEST, J. GUYARD, Les sectes en France, op. cit.
-
[51]
Pour une étude approfondie, v. G.-X. BOURIN, Contribution à l’étude du délit de manipulation mentale préjudiciable, préf. Ch. LAZERGES, P.U.A.M., 2005, 301 pages.
-
[52]
V. sur ce point, les observations de Reynald Ottenhof, note sous Cass. crim., 19 avril 2005, RSC, 2006, n° 2, p. 325 et s.
-
[53]
V. FORTIER, « L’encadrement législatif du phénomène sectaire en France », art. préc., p. 29.
-
[54]
Ch. LAZERGES, « De la fonction déclarative de la loi pénale », RSC, 2004, n° 1, p. 196.
-
[55]
Ibid, p. 194.
-
[56]
Ce qui a amené le professeur Philippe Conte à considérer qu’« il en résulte un hybride pour le moins curieux, protégeant un bien juridique difficile à cerner » (Ph. CONTE, Droit pénal spécial, 3ème éd., Litec, 2007, p. 154).
-
[57]
Cour de cassation, Rapport annuel, 2005, p. 17. Le rapport considère dès lors qu’« exiger que ces deux conditions soient cumulativement réunies apparaît redondant dans l’hypothèse où la situation est apparente (car elle devient alors nécessairement connue de l’auteur) et superflu lorsqu’elle est connue de l’auteur (car on ne voit pas quel est alors l’intérêt d’exiger qu’elle soit, au surplus, apparente). En outre, une telle rédaction peut susciter des difficultés de preuve de l’infraction, de nature à atténuer singulièrement l’efficacité attendue de cette incrimination dont la nouvelle rédaction visait, notamment, à permettre de poursuivre les pressions dont sont victimes les adeptes des sectes ». Il est donc proposé de substituer aux mots « dont la vulnérabilité est apparente et connue de son auteur » les mots « apparente ou connue de son auteur ».
-
[58]
MIVILUDES, Rapport au Premier ministre, 2006, p. 28.
-
[59]
Ch. LAZERGES, « De la fonction déclarative de la loi pénale », art. préc., p. 197.
-
[60]
G. DI MARINO, « Le recours aux objectifs de la loi pénale dans son application », RSC, 1991, n° 3, p. 505.
-
[61]
G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 101.
-
[62]
Ce que confirmera l’analyse de la pratique jurisprudentielle (cf. infra).
-
[63]
Dans un sens opposé, v. A. GARAY, L’activisme anti-sectes de l’assistance à l’amalgame, The Edwin Mellen Press, 1999, p. 109. L’auteur considère que « face à une notion aussi controversée que celle de manipulation mentale, il ne faut pas se résigner à une casuistique empirique mais emprunter les poteaux indicateurs de la règle de droit considérée comme la traduction d’un consensus social et une balise régulatrice de la société ».
-
[64]
Le contrôle de la CEDH s’attache en particulier à la qualité des lois depuis 1984 (CEDH, 2 août 1984, Malone c/ Royaume-Uni, Req. n° 8691/79, § 66 et 67).
-
[65]
Bien qu’il y ait fort à parier qu’en ces temps de pluie législative, une telle recommandation ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau…
-
[66]
C. GOYARD, « Les dispositifs spécifiques de protection contre les dérives sectaires », in Mélanges Gérard Cohen-Jonathan, vol. II, Bruylant, 2004, p. 868.
-
[67]
En ce sens, M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », art. préc., p. 271.
-
[68]
Circulaire du 29 février 1996 relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire, J.O. 5 mars 1996, p. 3409, citée in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 100.
-
[69]
J. PRADEL, « La religion face au droit criminel », art. préc., p. 152.
-
[70]
M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », art. préc., p. 272.
-
[71]
Qui ne feront pas l’objet de la présente étude.
-
[72]
Qu’il soit volontaire (C. pén., art. 221-1 à 221-4) ou non (C. pén., art. 221-6).
-
[73]
C. pén., art. 222-1 à 222-6. Pour un exemple d’application, v. Cass. crim., 3 septembre 1996, Dr. pén. 1997, 4, obs. M. VERON ; Gaz. Pal. 1997, 1, chron. crim. 20. En l’espèce, des tortures avaient été infligées à une dame afin de la désenvoûter. Ces traitements (flagellation, ingurgitation d’eau salée, étouffement…) qui ont entraîné la mort de la victime, étaient censés s’adresser au « démon logé en elle ». Le mobile d’inspiration religieuse de l’accusé ne pouvait, selon la Cour, ôter à de tels actes leur caractère d’actes de torture et de barbarie.
-
[74]
Là aussi, qu’elles soient volontaires (C. pén., art. 222-7 à 222-14) ou non (C. pén., art. 222-19).
-
[75]
C. pén., art. 222-23 à 222-26.
-
[76]
C. pén., art. 222-27 à 222-33.
-
[77]
C. pén., art. 224-1 à 224-5, ainsi que l’a illustré l’affaire déjà citée d’enlèvement d’un enfant de 12 ans par le mouvement dénommé « Cœur douloureux et immaculé de Marie » sur l’île de la Réunion.
-
[78]
C. pén., art. 225-4-1 à 225-4-7.
-
[79]
C. pén., art. 225-5 à 225-9. Cette infraction vise des mouvements sectaires tels que la « Famille de l’Amour » (anciennement dénommée « les Enfants de Dieu »), qui pratique le « flirty fishing », c’est-à-dire la prostitution des enfants dans le but de recruter de nouveaux adeptes, en général influents socialement ou fortunés.
-
[80]
C. pén., art. 223-13, al. 1er. L’alinéa second porte les peines à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque la victime de l’infraction est un mineur de 15 ans.
-
[81]
C. pén., art. 223-6, al. 1 et 2.
-
[82]
C.S.P., art. L. 4161-5.
-
[83]
C.S.P., art. L. 4223-1.
-
[84]
Paris, 17 mars 2006, Jurisdata n° 2006-304465.
-
[85]
Ph. CONTE, Droit pénal spécial, op. cit., p. 65.
-
[86]
C. pén., art. 227-1 et 227-2.
-
[87]
C. pén., art. 227-15 et 227-16. Dans l’affaire précitée (Paris, 17 mars 2006), les mères des enfants victimes du régime alimentaire prescrit par la présidente de l’association, bien qu’elles prétendaient n’avoir pas eu conscience de la dangerosité du régime pour leur santé, ont été condamnées du chef de privation de soins ou d’aliments envers un mineur de 15 ans.
-
[88]
C. pén., art. 227-25 et 227-26.
-
[89]
C. pén., art. 227-17.
-
[90]
C. pén., art. 227-18 (provocation à l’usage de stupéfiants), 227-19 (provocation à la consommation d’alcool) 227-21 (provocation directe à la consommation d’un crime ou d’un délit grave) et 227-22 (corruption de mineur).
-
[91]
C. pén., art. 227-5 à 227-11.
-
[92]
C. pén., art. 227-17-1.
-
[93]
Et par la même occasion, l’infraction visée à l’article 19 de la loi du 12 juin 2001.
-
[94]
Les articles 227-18, 227-19, 227-20 ou encore 227-21 du Code pénal en sont des exemples.
-
[95]
P. COUVRAT, « Livre II – Les infractions contre les personnes dans le nouveau code pénal », RSC, 1993, n° 3, p.476.
-
[96]
Rappelons que les personnes morales sont désormais punissables pour l’ensemble de ces infractions. La plupart des sectes étant constituées sous forme d’associations, elles sont donc pénalement responsables lorsque les infractions précédemment citées ont été commises, pour leur compte, par leurs représentants.
-
[97]
R. KOERING-JOULIN, « Activités sectaires et droit pénal », in F. MESSNER (dir.), Les « sectes » et le droit en France, P.U.F., 1999, p. 208.
-
[98]
B. COTTE, in La procédure pénale en quête de cohérence, Actes du cycle de conférences organisé à Paris du 19 janvier au 22 juin 2006 sous l’égide de la Cour de cassation, Dalloz, 2007, p. 20.
-
[99]
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, J.O. 16 juin 2000, p. 9038.
-
[100]
A. D’HAUTEVILLE, « Le droit des victimes », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, Th. REVET (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 13ème éd., Dalloz, 2007, n° 780, p. 644.
-
[101]
Circulaire CRIM 2001-07 F1 du 14 mai 2001, Présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes relatives aux victimes, B.O. minist. Justice, n° 82, § 3.2.2.1.
-
[102]
Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, J.O. 7 août 2004, p. 14040.
-
[103]
Pour le moment, seul l’article 511-1-2 du Code pénal est visé. Il prévoit qu’« est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 d’amende le fait, par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir, de provoquer autrui à se prêter à un prélèvement de cellules ou de gamètes, dans le but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée.
Est punie des mêmes peines la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de l’eugénisme ou du clonage reproductif ». -
[104]
Même si, à l’époque de la circulaire, elle visait la « dépendance » psychologique ou physique et non la « sujétion » du même ordre.
-
[105]
Cette action civile n’était déjà pas subordonnée à l’accord de la victime.
-
[106]
Puisque l’article 2-17 du Code de procédure pénale vise « toute association se proposant par ses statuts de défendre et d’assister l’individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs », sous la seule condition qu’elle soit reconnue d’utilité publique et régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits.
-
[107]
Ce qui s’assimilerait plutôt à un soutien indirect de l’action publique.
-
[108]
S. GUINCHARD, J. BUISSON, Procédure pénale, 4ème éd., Litec, 2008, p. 611. Pour une critique de l’ouverture de l’action civile aux associations habilitées par le législateur, v. P. MAISTRE DU CHAMBON, « Ultime complainte pour sauver l’action publique », in Mélanges Raymond Gassin, P.U.A.M., 2007, p. 283 et s. L’auteur considère qu’ « à côté des victimes-parties civiles apparaissent curieusement, toujours plus nombreuses, des parties civiles non-victimes » (p. 285).
-
[109]
Rennes, 12 juillet 2005, cité in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 101.
-
[110]
Comme l’avait déjà décidé le tribunal correctionnel de Nantes par un jugement en date du 25 novembre 2004.
-
[111]
Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu.
-
[112]
Association de défense des familles et de l’individu.
-
[113]
À noter que dans le cadre d’une information ouverte contre un ancien Témoin de Jéhovah, pour viol commis sur une mineure de 15 ans, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la chambre de l’instruction qui avait déclaré recevable la constitution de partie civile de l’UNADFI, aux motifs notamment que « l’objet statutaire de l’UNADFI n’est pas d’exercer directement l’action civile au titre de l’article 2-17 du Code de procédure pénale mais seulement de réunir, de coordonner et d’animer les différentes associations locales (ADFI) qui ont seules pour vocation de défendre les familles et les individus » (Cass. crim., 7 décembre 2005, n° 05-81312, inédit).
-
[114]
C. pr. pén., art. 7.
-
[115]
C. pr. pén., art. 8.
-
[116]
C. pr. pén., art. 9.
-
[117]
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, J.O. 10 mars 2004, art. 47.
-
[118]
Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, J.O. 5 avril 2006, art. 16-VI.
-
[119]
Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, art. 14.
-
[120]
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 72-II.
-
[121]
Notons que dans une affaire qui avait donné lieu à une application tout autre de l’article 313-4, devenu l’article 223-15-2 du Code pénal (l’abus de faiblesse ne prévoyait pas encore le cas d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique ; il s’agissait en l’espèce d’un couple de personnes dont la particulière vulnérabilité, due à une maladie, était connue de l’auteur des faits), la Cour de cassation a même été amenée à préciser que le point de départ de la prescription de l’action publique concernant ce délit ne se situe pas au jour où la victime a été en mesure d’avoir connaissance des conséquences des faits poursuivis (Cass. crim., 27 mai 2004, Bull. crim. 2004, n° 141 ; Rev. sc. crim. 2004, n° 4, p. 881, obs. Y. MAYAUD ; ibid, p. 886, obs. R. OTTENHOF ; Dr. pén. 2004, comm. 130, obs. M. VERON. En ce sens, v. également Cass. crim., 5 octobre 2004, Bull. crim. 2004, n° 233 ; Dr. pén. 2005, comm. 1, obs. M. VERON ; AJ pénal 2005, p. 71, obs. J. LEBLOIS-HAPPE).
-
[122]
G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 106.
-
[123]
Ibid, p. 108.
-
[124]
Puisque cette loi, contrairement à ce que prévoit son intitulé, ne peut prétendre s’intéresser aux seuls mouvements sectaires « par le canal de la définition trop imprécise de la poursuite d’activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique » (A. DORSNER-DOLIVET, « Loi sur les sectes », art. préc., p. 1096).
-
[125]
Cf. supra.
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[126]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 37.
-
[127]
MIVILUDES, Rapport au Premier ministre, 2006, op. cit., p. 232.
-
[128]
Rennes, 12 juillet 2005, cité in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 101 et s.
-
[129]
L’article 223-15-2 du Code pénal punit en effet l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
-
[130]
Pour rappel, l’une des victimes s’était suicidée et les deux autres avaient fait des tentatives de suicide.
-
[131]
A. DORSNER-DOLIVET, « La loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 relative aux sectes », J.C.P. G 2001, n° 48, act., p. 2182.
-
[132]
N’est-ce pas là en définitive toute la difficulté pour rendre opérante la protection des mineurs contre les dérives sectaires ? (Cf. infra).
-
[133]
Cass. crim., 9 décembre 1998, n° 98-85840, inédit.
-
[134]
Lyon, 24 janvier 2002, Jurisdata n° 2002-02401.
-
[135]
Rennes, 18 février 1993, J.C.P. G 1994, II, n° 22210, note J.-Y. CHEVALLIER.
-
[136]
Cass. crim., 11 juillet 1994, Bull. crim. 1994, n° 269 ; J.C.P. G 1995, II, n° 22441, note F. EUDIER.
-
[137]
Montpellier, 7 mars 2001, Jurisdata n° 146508.
-
[138]
Cass. crim., 17 octobre 2001, D. 2002, n° 9, jur., p. 751, note M. HUYETTE.
-
[139]
M. HUYETTE, note précitée sous Cass. crim., 17 octobre 2001, p. 752.
-
[140]
Dans l’arrêt rendu le 11 juillet 1994, la Cour de cassation avait bien précisé que le délit n’exigeait pas que le manque de direction ait eu pour effet de porter atteinte d’une manière irréversible à la santé, la moralité ou la sécurité de l’enfant.
-
[141]
L’adjectif « grave » a, du reste, été retiré de l’article 227-17 du Code pénal par la loi du 9 septembre 2002 (Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, J.O. 10 septembre 2002, art. 27).
-
[142]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 32.
-
[143]
C. pén., art. 111-4.
-
[144]
M. HUYETTE, note précitée sous Cass. crim., 17 octobre 2001, p. 753.
-
[145]
Ch. LAZERGES, Introduction à la politique criminelle, L’Harmattan, 2000, p. 81.
-
[146]
À cet égard, le concept de « dérive sectaire », contenu depuis le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 dans l’intitulé même de la MIVILUDES (« mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires »), qui a succédé à la MILS (« mission interministérielle de lutte contre les sectes »), paraît significatif du choix opéré aujourd’hui dans la lutte contre les seuls débordements imputables aux mouvements visés. Bien qu’il soit dénué de toute portée juridique et ne résolve pas le problème de la distinction entre secte et religion, ce concept présente au moins le mérite d’avoir « objectivé » la démarche affichée par les pouvoirs publics dans le domaine sectaire.
-
[147]
Circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires, J.O. 1er juin 2005, p. 9751.
-
[148]
J. DANET, Justice pénale, le tournant, Gallimard, coll. « Le Monde Actuel », 2006, p. 20.
1« Jusqu’à aujourd’hui, les enfants victimes de secte restaient les grands oubliés de la société et des professionnels chargés de la protection de l’enfance en danger. Peut-être parce qu’il est encore plus difficile de préserver un enfant de la croyance de ses parents que de leurs coups ou de leur sexualité incestueuse. Peut-être aussi parce que la contrainte qu’imposent les parents en immergeant leur enfant dans une secte est parfaitement légale ».
2Tels sont les mots employés par une psychologue lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire « relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs [1] », et qui mettent en lumière la complexité de la situation du mineur plongé au cœur d’une secte. Abrité derrière la liberté de religion, de pensée et de croyance, dont disposent les parents dans leurs choix éducatifs pour l’enfant, le phénomène sectaire place en effet, par son caractère ambigu, dans une position délicate celui qui tente d’en saisir les contours.
3Les activités de certains mouvements sectaires appellent néanmoins une réponse judiciaire dès l’instant où elles sont susceptibles de mettre en péril un mineur. Cette réponse judiciaire peut prendre la forme d’une mesure d’assistance éducative lorsque, traduisant un contentieux à caractère familial, les agissements en cause caractérisent un danger au sens de l’article 375 du Code civil [2]. Il est des cas où l’appartenance des parents à une secte entraîne la négation de l’existence des droits propres des enfants, qui sont totalement soumis à la volonté et à l’emprise des adultes [3]. Il revient alors au juge des enfants, compétent pour tout ce qui concerne l’assistance éducative, d’examiner les conséquences de l’appartenance sectaire des parents sur la cellule familiale. En fonction des éléments dont il dispose, le juge des enfants, qui doit toujours se prononcer en stricte considération de l’intérêt de l’enfant [4], peut décider de subordonner le maintien de ce dernier dans son milieu familial à des obligations particulières, telles que fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d’éducation [5], voire d’éloigner l’enfant de ses parents [6]. Le mécanisme civil de protection des mineurs n’est toutefois pas la seule réponse judiciaire existante [7] et, face aux pratiques sectaires dangereuses, le droit français prévoit également la possibilité d’intervenir par la voie pénale.
4Le droit pénal, plus encore que le droit civil, est ici contraint, car le principe de légalité des délits et des peines [8], garantie contre l’arbitraire, interdit de se satisfaire de définitions incertaines et de faire découler la sanction « de la seule étrangeté des idées, de leur caractère déroutant pour ceux qui ne s’y réfèrent pas ou d’un mode de vie auquel la majorité des citoyens n’adhère pas » [9]. Il est donc indispensable d’aller au-delà des jugements critiques, qui n’ont qu’une valeur subjective [10], si l’on veut parvenir à distinguer objectivement les pratiques sectaires licites – pour lesquelles la tolérance s’impose – des autres. Seuls les actes transgressifs sont condamnables et peuvent en conséquence relever du droit pénal, dont la mission est de sanctionner les abus, dès lors qu’ils sont prévus et punis par la loi pénale à raison du trouble qu’ils causent à l’ordre social [11].
5Comme en témoigne l’actualité, avec la médiatisation d’une récente affaire d’enlèvement d’un enfant de 12 ans, orchestré par le gourou d’un mouvement dénommé « Cœur douloureux et immaculé de Marie » sur l’île de la Réunion [12], l’appréhension des sectes se pose en des termes encore plus sensibles lorsqu’un mineur est concerné. Bénéficiant en droit français d’un traitement tenant compte de sa vulnérabilité, le mineur, qu’il soit auteur ou victime d’infractions [13], doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des organes judiciaires. Pour certains mouvements sectaires, l’enfant est considéré comme une cible de choix. « Au cœur des préoccupations des dirigeants sectaires, il représente l’avenir, le développement potentiel du groupe, il est malléable et sans défense, on croit pouvoir le formater [14] ».
6En cas d’atteinte à sa personne commise dans le cadre d’une pratique sectaire, on saisit la redoutable complexité de la situation soumise à l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle aux termes de l’article 66 de la Constitution, pour qui il ne saurait y avoir de bonnes ou de mauvaises religions, de croyances fondées et d’autres pas [15]. Si la vulnérabilité de l’enfant, prise en compte par le droit pénal français, requiert une attention particulière des pouvoirs publics, la liberté de religion, de pensée et de croyance mérite également une très haute protection.
7Comment, dès lors, concilier ces deux impératifs ? Quelle politique criminelle faut-il observer à l’égard des sectes pour protéger efficacement l’enfant, sans toutefois violer la liberté de religion, de pensée et de croyance ?
8Que convient-il de réprimer ? Tout mouvement sectaire, au risque, à tout le moins, de porter atteinte, illégitimement, à la liberté de religion, de pensée et de croyance ? Ou les dérives sectaires, au risque, cette fois, de laisser commettre des abus contre les mineurs ?
9Si la première hypothèse est séduisante en ce qu’elle pourrait permettre d’assurer préventivement la sécurité du mineur, elle conduit à mettre en place une politique criminelle élargie à l’encadrement pénal des mouvements sectaires, dont l’opportunité paraît douteuse (I). Quant à la seconde hypothèse, elle implique, en limitant la politique criminelle à la répression des dérives sectaires, de s’interroger sur l’arsenal pénal existant pour en mesurer l’efficacité au regard de la protection du mineur (II).
I – Une politique criminelle élargie à l’encadrement pénal des mouvements sectaires
10Depuis la loi du 9 décembre 1905 portant séparation des Églises et de l’État, le domaine des croyances [16] est placé en droit français sous un régime de liberté. En sus du principe de neutralité religieuse de l’État, ce régime juridique tend à assurer une égalité de traitement entre toutes les croyances.
11Dans la mesure où les mouvements sectaires bénéficient d’un tel régime (A), ils se prêtent mal à un quelconque encadrement juridique qui pourrait laisser penser que la nature de leur croyance est mise en cause. En dépit des avertissements visant à préserver le droit pénal de tout encadrement en la matière, le législateur a tenté d’adopter une législation spécifique aux mouvements sectaires, sans succès (B).
A – Un régime de liberté
12En garantissant à toutes les croyances une liberté d’exercice et de manifestation, le législateur n’a pas entendu distinguer juridiquement les mouvements sectaires des autres groupements à vocation religieuse ou spirituelle. Cela n’a pas empêché la présence récurrente de controverses autour de la place à conférer aux sectes au sein du domaine des croyances (1). Souvent assimilées à une « chasse aux sorcières » [17], de telles polémiques n’ont toutefois pas affecté la jurisprudence, qui s’est efforcée de rejeter toute distinction entre secte et religion (2).
1 – La place controversée des sectes dans le domaine des croyances
13Le terme « religion », bien qu’il soit vaste par nature, peut être défini comme « un ensemble d’actes rituels liés à la conception d’un domaine sacré distinct du profane, et destinés à mettre l’âme humaine en rapport avec Dieu [18] ». Une « secte » est définie quant à elle comme un « groupe organisé de personnes qui ont la même doctrine au sein d’une religion [19] ». De ces définitions, il ne ressort a priori aucun signe d’une quelconque caractéristique illégale ou illicite rattachée au terme « secte ». Au mieux, et ce critère est discutable, peut-on y voir une différence d’ordre quantitatif, la secte se présentant comme l’expression d’une croyance minoritaire là où la religion prétend rassembler de larges communautés [20]. Les « religions » ne seraient au fond rien d’autre que des sectes qui ont réussi [21]. Toujours est-il qu’il n’existe actuellement pas de définition juridique des sectes, ce qui conduit à poser la question de l’opportunité d’en rechercher une, dès lors que, comme l’écrivait le Doyen Carbonnier, une fois identifiés les groupes dont la mauvaise foi est évidente, « ce qui subsiste des sectes n’est pas d’une autre substance que ce que l’on appelle religion : il s’agit toujours de relier collectivement les hommes aux dieux par des croyances et par des cultes [22] ».
14Pourtant, ancré dans la conscience collective comme un vocable à connotation péjorative, le terme « secte » fait figure d’épouvantail au sein de l’ensemble hétéroclite que composent les croyances. « Concept stigmatisant, véhiculant une image fortement négative, le mot “secte” devient aujourd’hui synonyme de déviance dangereuse [23] ». Il est frappant de constater que le législateur a lui-même succombé au tumulte des passions véhiculées par les sectes, en dressant dans un rapport en date du 22 décembre 1995 une liste des « mouvements pouvant, à l’aune des critères définis, être qualifiés de sectaires [24] » et qui servit ensuite de fondement pour le moins contestable [25] à des actions en justice menées contre certains des mouvements listés. Une telle déformation du sens attaché au terme « secte » paraît malvenue à l’heure où la laïcité française peine à préserver sa légitimité, et s’il n’est point question de dénier ici le caractère dangereux de certains mouvements qualifiés de « sectaires », il importe de redonner au terme son sens véritable afin d’éviter tout procès d’intention, par nature contraire aux principes fondamentaux reconnus en droit français.
15De ces principes, l’État est en effet garant car il a pour mission de veiller au respect de la liberté de religion, de pensée et de croyance. Cette liberté fondamentale a été consacrée aux plans interne [26] et international [27], garantissant à chacun le droit de choisir sa religion, d’en changer à tout moment, d’en fonder de nouvelles ou de ne pas en avoir. Elle inclut toutes les croyances, parmi lesquelles celles professées par les mouvements sectaires. L’État « indifférent » n’a donc pas à se demander ce qu’est une religion puisque, par principe, il n’en professe ni n’en connaît aucune [28]. Ces considérations avaient d’ailleurs amené les auteurs du rapport parlementaire de 1995 à reconnaître l’impossibilité juridique de poser les critères permettant de définir les formes sociales que peut revêtir l’exercice d’une croyance religieuse, a fortiori de distinguer une Église d’une secte. Plus récemment, le rapport tendant à la création de la commission d’enquête parlementaire présidée par Georges Fenech a concédé qu’il n’existait pas de définition juridique des sectes, en raison des difficultés que cela soulèverait au regard des principes de liberté religieuse et de laïcité [29].
16En conséquence du principe de la neutralité et dans le respect de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [30], l’État ne saurait non plus pratiquer la moindre discrimination à l’égard de tel ou tel mouvement religieux ni favoriser telle ou telle propagande qui pourrait nuire à l’un d’eux, dans la mesure, bien entendu, où chacun respecte, dans sa manifestation sociale, les prescriptions étatiques de l’ordre public [31]. En d’autres termes, si la démocratie ne peut discriminer, elle ne peut pour autant laisser ceux qui la menacent agir impunément.
17C’est seulement dans cette dernière hypothèse, lorsque l’ordre public est troublé, qu’il est légitime de dénoncer les pratiques de certaines communautés qui, sous couvert de la liberté de religion, de pensée et de croyance, constituent en réalité des infractions graves et d’autant plus inacceptables qu’elles visent des mineurs. Il n’est alors nullement question d’appréhender les mouvements en tant que tels, mais dans leurs seuls actes délictueux. Afin d’éviter toute condamnation hâtive des mouvements visés par l’intermédiaire de la seule désignation de « sectes », et alors même qu’il n’existe aucun critère satisfaisant permettant de les distinguer des « religions », il faut donc garder à l’esprit le principe selon lequel le fait générateur de la responsabilité pénale demeure l’infraction [32].
18Face à de telles considérations, qui reflètent finalement l’impossibilité d’accorder une place particulière aux sectes au sein du vaste domaine des croyances, le rejet de toute distinction entre secte et religion est un signal fort venu de la jurisprudence, qui a tôt fait d’adopter la prudence plutôt que la témérité dans l’approche contentieuse du phénomène sectaire.
2 – Le rejet par la jurisprudence de toute distinction entre secte et religion
19Dès 1912, les juges du fond ont été amenés à préciser que « toutes les croyances religieuses sont essentiellement respectables, pourvu qu’elles soient sincères et de bonne foi, et il n’appartient pas à des juges civils, quelles que soient d’ailleurs leurs opinions ou croyances personnelles, de les railler, critiquer ou condamner [33] ». De telles précautions, qui valent naturellement aussi pour le juge pénal, ont, depuis, connu une application rigoureuse et constante en jurisprudence. Afin d’éviter toute intrusion dans le domaine des consciences, les magistrats s’efforcent de juger les seules conséquences illégales de la pratique d’une croyance.
20Parmi de nombreuses décisions en ce sens [34], il est possible de citer un arrêt de la cour d’appel de Montpellier dans une affaire impliquant un mineur : « On ne saurait admettre qu’un parent se prévale de l’adhésion de l’autre aux Témoins de Jéhovah pour admettre de plano que l’enfant commun doive être soustrait à l’influence de l’autre ; en décider autrement reviendrait à permettre que des particuliers agissant isolément ou en groupe de pression, qualifient de secte tout groupe minoritaire au sein d’une religion ou d’une philosophie, fassent admettre comme un principe que toute secte est condamnable et en fasse tirer une conclusion d’interdiction ou d’opprobre. Une telle démarche conduit consciemment ou non au totalitarisme en menaçant la liberté de conscience d’une minorité [35] ». Bien qu’elle ait connu quelques zones d’ombre [36], l’évolution jurisprudentielle, particulièrement à travers le contrôle opéré par la Cour de cassation, témoigne d’un respect du principe de neutralité qu’il convient de souligner au regard des passions que peuvent générer les mouvements sectaires.
21Pour dénier aux juridictions du fond toute compétence pour qualifier un mouvement de secte ou de religion, la Chambre criminelle de la Cour de cassation n’hésite pas à rappeler à l’ordre les juges qui s’aventureraient au-delà de ce que le contrôle de la loi autorise. Tel fut le cas de la cour d’appel de Lyon qui, dans un arrêt célèbre du 28 juillet 1997, avait retenu que « dans la mesure où une religion peut se définir par la coïncidence de deux éléments, un élément objectif, l’existence d’une communauté, même réduite, et un élément subjectif, une foi commune, l’Église de scientologie peut revendiquer le titre de religion [37] ». La juridiction suprême, par un arrêt du 30 juin 1999, mais sans casser la décision de la cour d’appel sur la relaxe des prévenus, fit abstraction du « motif inopérant mais surabondant, dépourvu en l’espèce de toute portée juridique, relatif à la qualité de religion prêtée à l’Église de scientologie [38] ».
22À l’échelon européen, la Cour européenne des droits de l’homme, après avoir consacré le caractère primordial de la liberté de pensée, de conscience et de religion [39], a récemment réaffirmé son attachement à la position adoptée par les juridictions internes, considérant que « la Cour n’est pas appelée à juger de la légitimité de la lutte menée contre certains mouvements qualifiés de “secte”, ni sur ses modalités, même si certaines dérives contraires aux valeurs qui sous-tendent la Convention peuvent justifier le recours à des mesures spécifiques de la part des États membres [40] ». Elle a ainsi refusé de s’immiscer dans le débat relatif à une définition juridique des sectes, tout en admettant que les mouvements puissent faire l’objet, dans leurs dérives, de dispositions juridiques (ce qui vaut notamment au plan pénal).
23En rejetant toute distinction entre secte et religion, le juge se préserve finalement de tout rôle créateur de la norme juridique en même temps qu’il participe très nettement au pluralisme confessionnel [41]. Mais surtout, le refus jurisprudentiel de distinguer entre secte et religion sonne comme un rappel dissuasif de toute tentative de définition juridique du phénomène sectaire, du moins tant que le législateur n’en aura pas pris l’initiative. À défaut d’une telle définition, il n’est pas permis de se fonder sur la vulnérabilité d’un mineur victime d’une secte pour adopter une législation plus protectrice, sans risquer de porter consécutivement atteinte aux libertés et droits fondamentaux.
24La loi du 12 juin 2001 servira à cet égard d’exemple topique de tentative infructueuse de législation spécifique aux mouvements sectaires.
B – Une tentative infructueuse de législation spécifique aux mouvements sectaires
25Compte tenu des obstacles inhérents à l’appréhension du phénomène sectaire, le choix d’un encadrement pénal des mouvements sectaires peut paraître inopportun pour le législateur. Comment en effet concevoir un traitement pénal dirigé contre certains groupements revendiquant l’exercice d’une croyance, bien que celle-ci soit alors qualifiée de « sectaire », sans rompre le principe d’égalité de traitement entre toutes les croyances ? À une époque où le droit pénal et la procédure pénale semblent exagérément tendus vers la réalisation du droit à la sécurité, laquelle s’effectue nécessairement au détriment du droit à la sûreté [42], peut-on s’en remettre à une réponse spéciale dans le domaine des sectes, après s’être efforcé de démontrer la fragilité de la distinction entre secte et religion ? Il paraît à l’évidence hasardeux sinon périlleux de s’engager dans une telle voie, qui conduirait, selon certains auteurs [43], à nier la « nature religieuse » des sectes.
26C’est pourtant le pari qu’ont tenté les parlementaires, à l’initiative de Catherine Picard et Nicolas About, en adoptant la loi du 12 juin 2001, « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales [44] ». Dans un contexte qui voyait la lutte contre l’insécurité devenir le paradigme au sein duquel se construit le débat législatif, politique ou scientifique [45], cette loi est apparue comme le symbole d’une lutte « anti-secte [46] ». À ce titre, elle a créé le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un mineur ou d’une personne vulnérable [47] ainsi que le délit de diffusion de messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion des personnes morales s’adonnant en réalité à de telles pratiques [48]. La loi du 12 juin 2001 a également étendu le champ de la responsabilité pénale des personnes morales à ces infractions ainsi qu’à celles pouvant concerner, aux yeux du législateur, les mouvements sectaires [49].
27En 1995, le rapport parlementaire Guest-Guyard était arrivé à la conclusion qu’il n’était ni utile ni opportun de bouleverser l’édifice juridique existant, car la loi prévoyait un arsenal important permettant de sanctionner les abus qui pourraient être commis sous couvert de l’exercice de la liberté religieuse [50]. Passant outre de telles recommandations, le champ pénal a été renforcé par la loi « About-Picard » du 12 juin 2001, notamment avec le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, destiné à sanctionner le viol psychique sous couvert d’une expression plus neutre que celle de « délit de manipulation mentale [51] » initialement avancée.
28L’apport de cette incrimination, au contenu duquel la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis du 21 septembre 2000, ne s’est pas opposée, doit néanmoins être relativisé. Il a essentiellement consisté pour le législateur à abroger l’article 313-4 du Code pénal, qui sanctionnait l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse au titre des atteintes aux biens (livre III du Code pénal), pour le transférer dans une nouvelle section du livre II consacré aux crimes et délits contre les personnes. L’intérêt supposé d’un tel transfert était de substituer à la protection du patrimoine, la protection de la personne à raison de sa particulière vulnérabilité au sein de l’article 223-15-2 du Code pénal [52]. Il semble toutefois que ce ne soit pas suffisant pour considérer que cette disposition pénale instaure un régime spécifique aux dérives sectaires. En effet, contrairement à l’intitulé précité de la loi du 12 juin 2001, l’article 223-15-2 du Code pénal ne reprend pas l’expression de « mouvements sectaires ». Il se contente d’ajouter au nombre des victimes celles qui sont en « état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer leur jugement ». La loi n’est pas alors restreinte aux seules sectes et par là même est résolu le problème de leur définition, le titre du texte législatif étant quant à lui réduit à un simple « effet d’annonce [53] ». Dans le même sens, le professeur Christine Lazerges estime qu’ « il y a fort à parier que la loi pénale aura une visée déclarative outre ses fonctions classiques [54] ».
29Ces « fonctions classiques » de la loi pénale, à la fois pédagogique, expressive et répressive [55], méritent-elles pour autant d’être attachées au délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse ? Il est permis d’en douter tant le contenu de l’incrimination, qui vise de nombreuses situations [56], se révèle incertain au regard des exigences du principe de légalité des délits et des peines. Dans son rapport annuel de 2005, la Cour de cassation a ainsi relevé une contradiction entre le texte créé par la loi About-Picard et la « pratique » du Code pénal, puisque l’article 223-15-2 exige, pour que le délit soit constitué, que la minorité ou la particulière vulnérabilité de la victime soit « apparente et connue de son auteur » alors que le Code pénal, dans la rédaction de l’ancien article 313-4 ou encore lorsqu’il érige la vulnérabilité de la victime en circonstance aggravante de l’infraction, exige seulement qu’elle soit « apparente ou connue de son auteur [57] ». Le rapport rendu par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) en 2006 observe, quant à lui, que « ce qui rend l’application de cette loi complexe, c’est notamment l’enchevêtrement de deux types de preuves et divers types d’expertises différents [58] ». Enfin, la constitution de l’infraction dans son élément matériel suppose de parvenir à définir un processus, l’action d’assujettir, puis un résultat, l’état de sujétion, toutes choses très délicates mêlant obligatoirement interprétation in abstracto et in concreto [59].
30La crainte de l’arbitraire est dès lors grande pour le pénaliste qui doit, plus que tout autre juriste, être un fervent légaliste et n’admettre qu’avec la plus extrême prudence tout ce qui pourrait le distraire de cette voie [60]. Elle est d’une certaine façon confirmée par la pratique judiciaire, puisque depuis l’entrée en vigueur de la loi « About-Picard », le Ministère de la justice n’a recensé qu’une vingtaine de procédures engagées sur le fondement de l’article 223-15-2 du Code pénal [61].
31Alors qu’elle présentait dans l’esprit du législateur l’avantage de surmonter les difficultés liées au consentement donné par les adeptes d’un mouvement sectaire à tous les agissements qui leur sont demandés, l’incrimination « phare » de la loi du 12 juin 2001 ne semble pas avoir eu l’effet escompté sur les dérives sectaires [62]. À travers elle, c’est finalement tout le dispositif édicté par cette loi (puisqu’il est fortement lié à la qualification de ce délit) qui paraît avoir échoué dans sa prise en compte affichée de la spécificité des groupements sectaires. Loin d’être surprenante, cette faillite s’explique en grande partie par la fragilité des soubassements du régime mis en place par le législateur. L’absence de définition juridique d’un mouvement sectaire constitue en effet un obstacle majeur à l’efficience d’un régime qui se veut spécifique. Elle conduit dès lors, si une incrimination est créée, à mettre en péril tant le principe de légalité des délits et des peines que la liberté de pensée, de croyances et de religions. Le législateur ne doit donc pas prendre le risque d’incriminer des comportements dont la dangerosité demeure incertaine [63], notamment au regard des exigences de précision et de clarté imposées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme [64].
32Partant d’un tel constat, l’acharnement législatif, pour compréhensible qu’il soit face à la détresse liée à la situation de certains mineurs victimes de mouvements sectaires, n’en constitue pas moins l’écueil à éviter en priorité [65]. On ne saurait en inférer qu’il est permis d’ignorer les conséquences désastreuses que peut entraîner l’emprise d’un mouvement sectaire sur ses adeptes, a fortiori lorsqu’elle s’exerce sur des mineurs. Il s’agit en réalité de prendre conscience qu’à défaut de pouvoir appréhender directement les mouvements à caractère sectaire, la répression doit porter sur les dérives habituelles et continues, lorsqu’elles sont manifestes et persistantes, de certains mouvements qui s’abritent sous le masque d’une religion ou invoquent la liberté de croyance en exerçant une emprise psychologique irrésistible sur les individus qu’ils ont su attirer et séduire [66].
33En d’autres termes, il convient de privilégier la répression des seules dérives sectaires, d’autant que les dispositions légales actuellement en vigueur permettent suffisamment d’affirmer l’existence d’une protection pénale applicable aux mineurs [67].
II – Une politique criminelle limitee a la repression des derives sectaires
34Porter l’attention du droit pénal sur les dérives sectaires plutôt que sur les mouvements sectaires ne procède pas d’une démarche singulière. Comme il a déjà été rappelé, le droit pénal s’intéresse aux actes avant de sanctionner les personnes. En application du principe de légalité, il n’intervient qu’à la condition que l’acte dénoncé entre dans les dispositions prévues par un texte d’incrimination, lequel doit être assorti d’une peine. Le souci d’adopter une démarche objective est donc indispensable pour mener à bien la nécessaire répression des agissements sectaires abusifs visant les mineurs.
35Au regard des fondements de la répression (A), il importe de réaffirmer que le droit pénal applicable est en mesure de réaliser cette mission, même si sa mise en œuvre peut s’avérer difficile (B).
A – Les fondements de la répression
36La lecture du droit positif va permettre d’entrevoir les instruments répressifs susceptibles de répondre aux dérives sectaires, confirmant ainsi l’intérêt d’abandonner la voie d’un encadrement pénal spécifique aux mouvements sectaires. Comme le précisait déjà en 1996 une circulaire du ministère de la Justice relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire, et conformément aux recommandations des précédents rapports parlementaires, « la lutte contre les dangers liés à ce phénomène doit reposer sur une application plus stricte du droit existant, elle-même liée à une perception plus aiguë de la réalité des risques occasionnés par l’existence et l’activité des organisations en cause [68] ».
37Cela est d’autant plus vrai s’agissant de la protection dont fait l’objet le mineur au plan du droit pénal de fond (1) comme du droit pénal de forme (2).
1 – La protection du mineur en droit pénal de fond
38Conséquence directe de la laïcité, le droit pénal est par principe indifférent à l’égard de la religion [69]. Il se peut néanmoins qu’une infraction soit commise à l’occasion de l’exercice d’une activité religieuse. Ce qui prévaut alors, c’est l’atteinte à l’ordre public qu’il est impérieux de faire cesser sans considération pour le mobile couvrant la pratique incriminée, fusse-t-il d’inspiration « sectaire », comme l’enseigne le droit pénal.
39S’agissant des mineurs, les principales dérives sectaires répertoriées par les pouvoirs publics consistent dans l’embrigadement, la rupture avec l’environnement d’origine, la déstabilisation mentale, les violences physiques ou encore l’esclavagisme sexuel. Il faut insister une nouvelle fois sur le fait qu’il ne s’agit d’intervenir que lorsqu’il y a « dérapage grave [70] ». Par le biais de ses dispositions ordinaires, le droit pénal permet alors de sanctionner les différents abus constatés, tantôt directement, tantôt de manière détournée avec les sanctions prévues par les législations sociale, fiscale ou commerciale [71].
40Lorsqu’il intervient directement, le droit pénal, au-delà du cas d’homicide [72], protège en premier lieu et de manière générale, l’intégrité physique de la personne, en distinguant les atteintes effectives, des risques pour l’intégrité physique. Au titre des atteintes effectives à l’intégrité physique de la personne, le Code pénal permet de réprimer en particulier les actes de torture et de barbarie [73], les violences [74], le viol [75] et les autres agressions sexuelles [76], la séquestration ou l’enlèvement [77], la traite des êtres humains [78] ou encore le proxénétisme [79], et ce, quel que soit l’âge de la victime. La peine encourue pour la plupart de ces infractions est toutefois aggravée par le biais de circonstances aggravantes tenant à la minorité de la victime (mineur de 15 ans ou personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, lorsque le mineur est âgé de 15 à 18 ans) ou à la qualité de l’auteur de l’infraction (notamment s’il s’agit d’une personne titulaire de l’autorité parentale).
41S’agissant du risque pour l’intégrité physique de la personne, le Code pénal sanctionne la provocation au suicide [80], le refus d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de la personne ainsi que le refus de porter assistance à une personne en péril [81]. Cette dernière infraction pourrait être retenue à l’encontre des mouvements sectaires qui refusent le recours à la médecine conventionnelle.
42Par ailleurs, de tels groupements s’exposeraient à des poursuites pour exercice illégal de la médecine [82] ou de la pharmacie [83] dès lors que, se prétendant dotés de pouvoirs de guérison, ils prôneraient le recours à des médecines parallèles. La cour d’appel de Paris a ainsi condamné, le 17 mars 2006 [84], pour exercice illégal de la médecine, la présidente d’une association accueillant des mères de famille de manière permanente ou occasionnelle avec leurs enfants, car elle modifiait des prescriptions médicales en imposant une posologie plus importante ou en interdisant de prendre des médicaments prescrits par un médecin, préconisait des traitements médicaux et conseillait des examens biologiques. La prévenue, qui reconnaissait être à l’origine d’un régime alimentaire prescrit aux personnes résidant au sein de la communauté et qui s’était révélé totalement inapproprié pour les nourrissons et les jeunes enfants au point de compromettre leur santé, prétendait n’avoir donné que des conseils aux membres de la communauté, ces derniers restant selon elle libres d’adopter ou non le régime alimentaire. La cour d’appel de Paris a considéré que le régime en question était en réalité imposé aux membres de l’association, composée de femmes psychologiquement fragiles, vivant en autarcie et qui étaient entièrement soumises à la prévenue, la considérant comme une « seconde mère ».
43En second lieu et de manière spéciale, le Code pénal réprime plusieurs actes qui menacent « plus ou moins immédiatement [85] » l’enfant. Lorsque le mineur a moins de 15 ans, sont punis le délaissement de mineur [86], la privation d’aliments ou de soins de nature à compromettre sa santé [87] et les atteintes sexuelles sans contrainte [88]. Le Code pénal vise aussi, quel que soit l’âge du mineur, l’abandon matériel et moral par son père ou sa mère [89] et diverses incitations à des comportements dangereux pour sa santé [90]. Il faut également évoquer les atteintes à l’exercice de l’autorité parentale [91] et l’infraction à la législation sur l’obligation scolaire [92]. Enfin, le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse [93], qui compte le mineur parmi les victimes énumérées au sein du texte d’incrimination, peut être ajouté à la liste des infractions si on lui dénie la spécificité « sectaire » à laquelle prétendait le législateur.
44Cette lecture rapide des dispositions du Code pénal protégeant l’intégrité physique de la personne met en évidence l’importance de la qualité de mineur victime de 15 ans, puisqu’elle est, d’une part, une circonstance aggravante incontournable de nombreuses infractions, y compris celles spécifiques aux mineurs de 18 ans [94] et, d’autre part, un élément constitutif de certaines autres infractions [95]. Mais surtout, un tel rappel des dispositions du Code pénal démontre que le droit positif prévoit un arsenal répressif d’autant plus à même de répondre aux dérives sectaires émanant de personnes physiques ou morales [96] que les victimes sont mineures. Au lieu d’imaginer de nouvelles infractions difficiles à transcrire en langage juridique, il semble donc préférable d’utiliser à plein rendement l’arsenal législatif existant [97].
45Il convient désormais de s’attacher aux dispositions du Code de procédure pénale permettant de faire face à de telles dérives.
2 – La protection du mineur en procédure pénale
46À l’instar du droit pénal de fond, le procès pénal de droit commun ne connaît pas de dérogations tenant aux dérives sectaires. La remarque revêt une signification particulière à l’heure où le législateur est tenté de multiplier les régimes spéciaux, bien souvent dérogatoires au droit commun procédural, dès lors qu’un fait divers heurte l’opinion publique. La loi de procédure pénale, devenue essentiellement réactive, s’est, en se stratifiant, peu à peu effritée [98] au point qu’il est devenu plus raisonnable d’admettre l’existence, non pas d’un procès pénal, mais de plusieurs procédures pénales aux régimes juridiques différents.
47L’absence de spécificité procédurale n’est toutefois guère surprenante dans le domaine sectaire, car elle se présente, là encore, comme le corollaire de l’impossibilité pour le législateur de définir juridiquement un tel phénomène. Il est néanmoins possible de considérer que, d’une façon tantôt directe, tantôt indirecte, le procès pénal offre lui aussi une protection particulière aux mineurs victimes de dérives sectaires.
48De façon directe, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes [99] a ouvert la voie de l’action civile aux associations luttant contre les groupements à caractère sectaire, pour les infractions visées par l’article 2-17 du Code de procédure pénale. Dans le procès pénal, l’intérêt vindicatif est aussi celui du groupement qui agit sur la base d’une atteinte à un intérêt collectif dont il a la charge [100]. À ce titre, la circulaire du 14 mai 2001 présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 précise que « le législateur a retenu les infractions dont il estimait qu’elles pouvaient être commises dans le cadre d’un mouvement sectaire à l’encontre de ses membres [101] ».
49Cela n’a pas empêché la liste limitative des infractions de s’allonger rapidement avec la loi du 12 juin 2001, qui a modifié la rédaction de l’article 2-17 du Code de procédure pénale afin qu’elle corresponde à la nouvelle définition du délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Aujourd’hui, « toute association reconnue d’utilité publique régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de défendre et d’assister l’individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs peut, à l’occasion d’actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d’un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter une sujétion psychologique ou physique, exercer les droits reconnus à la partie civile » en ce qui concerne les infractions énumérées par ledit article 2-17. Au nombre de celles-ci figurent notamment le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse et, depuis la loi du 6 août 2004 [102], les infractions contre l’espèce humaine [103].
50S’agissant des « actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d’un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter une sujétion psychologique ou physique », il est permis de n’être pas totalement convaincu par la circulaire du 14 mai 2001 lorsqu’elle explique que l’expression consacrée [104] constitue une « définition juridiquement plus précise de ce que recouvre le mot “secte” ». Toujours est-il qu’avec la suppression, par la loi du 12 juin 2001, de la condition de recevabilité de l’action civile tenant à mise en œuvre préalable de l’action publique par la partie lésée ou le ministère public [105], la possibilité désormais largement ouverte aux associations habilitées de se constituer partie civile [106] permet de renforcer considérablement les moyens d’une répression directe des dérives sectaires. Lorsqu’elles sont habilitées à agir par voie d’action et non d’intervention [107], ces associations apparaissent en effet comme de véritables substituts extérieurs du procureur de la République [108].
51Leur présence peut ici être considérée comme opportune dans la mesure où ces associations peuvent aider les victimes fragiles et déstabilisées, qui n’osent pas elles-mêmes se constituer partie civile, notamment par crainte de représailles. À cet égard, il est intéressant de souligner l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 12 juillet 2005 [109] – même si les victimes n’étaient pas mineures – qui est venu confirmer la première condamnation prononcée en application de l’article 223-15-2 du Code pénal. L’affaire mettait en cause l’un des fondateurs de la secte apocalyptique « Néo Phare », qui se considérait comme « la résurrection du Christ ». Après son annonce d’une fin du monde imminente, un des adhérents de la secte s’était suicidé et deux autres avaient fait des tentatives de suicide. L’individu fut donc condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement assortie du sursis et de 10 000 euros d’amende [110] au terme d’une procédure qui avait été déclenchée par une plainte avec constitution de partie civile déposée par les parents du jeune adulte qui s’était suicidé, l’UNADFI [111] et l’ADFI [112] locale s’étant également constituées partie civile [113].
52En agissant indirectement sur le plan procédural, plus particulièrement à travers la modulation de la prescription de l’action publique, le législateur parvient ensuite à aggraver la situation de l’auteur de certaines infractions jugées particulièrement graves. Alors que la durée des délais de prescription de droit commun est fonction de la nature de l’infraction (dix ans pour les crimes [114], trois ans pour les délits [115] et un an pour les contraventions [116]), la vulnérabilité du mineur et l’émotion collective générée par la commission de graves infractions sur de jeunes enfants ont conduit le législateur à prévoir des délais de prescription dérogatoires au droit commun en certaines hypothèses. Ces dérogations au droit commun procédural n’ont pas pour origine la lutte contre les dérives sectaires, mais elles peuvent très bien trouver à s’y appliquer puisque les infractions concernées sont susceptibles d’être imputées à certains mouvements sectaires.
53Ainsi, par combinaison des articles 7 alinéa 3 et 706-47 du Code de procédure pénale, les crimes de meurtre ou d’assassinat de mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie et de viol, de proxénétisme [117] et de violences sur mineur ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente [118], se prescrivent par vingt ans. Par combinaison des articles 8 alinéa 2 et 706-47 du Code de procédure pénale, les délits d’agression sexuelle, d’atteinte sexuelle sans violence et de violences sur mineur ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours [119] se prescrivent par vingt ans et les autres délits d’atteinte sexuelle, de corruption de mineur ou de recours à la prostitution de mineur se prescrivent par dix ans [120]. Enfin, le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, s’agissant de ces crimes et délits, qu’à partir de la majorité de la victime, mineure au moment des faits.
54Remarquons que le délit d’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse introduit par la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, n’a pas fait l’objet d’un traitement spécial en matière de prescription de l’action publique [121]. Le rapport rendu par la commission d’enquête parlementaire, le 12 décembre 2006, estime que le délai de droit commun de trois ans peut sembler très court compte tenu, d’une part, de la nécessité d’un temps de « reconstruction » psychologique après la sortie de la secte, d’autre part, de la quasi-impossibilité pour un mineur sous emprise sectaire de dénoncer des faits dont il est victime [122]. La commission d’enquête parlementaire préconise donc que le délai de prescription de l’action publique du délit mentionné à l’article 223-15-2 du Code pénal soit porté à dix ans lorsqu’il est commis contre des mineurs dans le cadre de mouvements à caractère sectaire, et qu’il ne commence à courir qu’à partir de la majorité de ces victimes [123].
55Ces deux types de mesures procédurales, qui renforcent d’un côté le soutien de la victime mineure constituée ou non partie civile et aggravent, de l’autre, la situation de l’auteur par l’allongement de la prescription de l’action publique dans la plupart des infractions traduisant des dérives sectaires, participent en définitive d’une procédure pénale indépendante du phénomène sectaire, même lorsqu’ils s’inspirent de la loi controversée du 12 juin 2001 [124]. Ils confortent ainsi l’idée selon laquelle toute tentative de législation spécifique aux sectes est dépourvue d’utilité réelle.
56La lutte contre les dérives sectaires doit être menée à partir de l’arsenal pénal existant, dont l’applicabilité à la victime mineure n’est pas contestable. C’est au stade de sa mise en œuvre, lorsque le juge pénal est amené à statuer sur une infraction traduisant de telles dérives, que des difficultés peuvent véritablement surgir.
B – La mise en œuvre de la répression
57S’il est certain que le juge pénal dispose d’un arsenal suffisant pour appréhender les dérives sectaires, en particulier lorsqu’elles mettent en péril un mineur, l’application d’une telle protection pénale soulève certaines difficultés. En effet, le juge doit ajuster en permanence la liberté de croyance, de religion et de pensée de tous les groupements, les exigences de l’ordre public et le respect des droits de la victime mineure. La répression des dérives sectaires suppose donc la plus grande prudence du juge pénal, de surcroît en l’absence de définition juridique des sectes.
58Ainsi s’explique la nécessité de fonder toute intervention judiciaire sur des critères objectifs, afin ne pas entacher d’arbitraire la condamnation éventuelle d’un mouvement à caractère sectaire. Retenir les seules dérives sectaires constituait un préalable indispensable à une telle démarche, mais il faut ensuite parvenir à la rendre effective. Le rejet de toute distinction entre secte et religion [125] contribue indéniablement à la qualité objective de la démarche judiciaire. On ne peut que saluer les décisions qui insistent ainsi sur la nécessaire impartialité du juge et, partant, sur l’abstention de tout jugement de valeur [126]. Cependant, une fois ces recommandations faites, le juge pénal parvient-il réellement à conserver une attitude neutre lorsqu’il est confronté aux agissements délictueux d’un mouvement sectaire mettant en péril un mineur ?
59Malgré les regrets émis par la MIVILUDES à ce propos [127], il convient tout d’abord d’apprécier la réticence dont a fait preuve, jusqu’à présent, l’autorité judiciaire pour prendre en compte l’état de sujétion mentale prévu par le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Ce critère ne manque pas d’instaurer un risque sensible d’arbitraire dans le travail d’appréciation du juge pénal, d’où la rareté, semble-t-il, des applications jurisprudentielles. L’arrêt précité du 12 juillet 2005, rendu par la cour d’appel de Rennes, a néanmoins admis l’état de sujétion psychologique relevé à partir d’éléments tels que l’ascendant constaté du « gourou » sur la personne des victimes, la dégradation de leur état psychique ou encore l’acceptation de comportements de soumission qui résultaient de pressions graves ou répétées ou de techniques propres à altérer leur jugement (scènes de transe, communication prétendue avec l’au-delà, séances d’initiation plus ou moins humiliantes, etc. [128]). Rappelons toutefois que le critère de sujétion psychologique ou physique ne constitue pas une condition à la qualification du délit lorsque la victime est mineure [129]. Dans l’arrêt susvisé, la volonté de conduire les personnes concernées à des actes gravement préjudiciables [130] reposait, quant à elle, sur la rupture de leurs relations familiales, affectives et professionnelles. Le caractère gravement préjudiciable de l’acte ou de l’abstention, qui doit être démontré quel que soit l’âge de la victime, conduit inévitablement à une appréciation très subjective de la part du juge. Comme le fait valoir, à titre d’exemple, le professeur Annick Dorsner-Dolivet, les règles actuellement respectées par certaines congrégations religieuses – jeûne, pauvreté, chasteté, obéissance… – pourraient, elles aussi, un jour être considérées comme gravement préjudiciables à l’individu [131], en particulier lorsqu’elles sont imposées à un mineur. Compte tenu des nombreuses incertitudes déjà relevées autour des éléments constitutifs de l’article 223-15-2 du Code pénal et des risques subséquents en cas d’application, l’attitude frileuse du juge pénal confirme ainsi les doutes sur l’efficacité d’une incrimination qui ne répond pas suffisamment aux gages de clarté et de précision requis par les standards du droit pénal.
60S’agissant ensuite des autres infractions prévues par l’arsenal répressif, il peut être intéressant d’observer si leur application jurisprudentielle au contentieux « à caractère sectaire » révèle un certain malaise du juge pénal. Il ne paraît pas nécessaire de s’attarder sur le cas des atteintes effectives à l’intégrité physique du mineur selon que l’auteur de violences, agressions sexuelles ou autre séquestration appartient à un mouvement sectaire ou non. La gravité inhérente à de tels agissements, si tant est qu’ils soient portés à la connaissance de l’autorité judiciaire [132], permet de sanctionner les pratiques incriminées, indépendamment de tout « caractère sectaire ». Ainsi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a validé, le 9 décembre 1998 [133], l’arrêt de la chambre d’accusation qui, pour fonder sa décision de mise en accusation d’une personne pour viols et agressions sexuelles aggravés, a notamment considéré qu’il n’était pas nécessaire de constater l’existence d’une secte pour caractériser l’autorité dont était investi l’accusé auprès des jeunes qui désiraient entrer dans la « famille » ou le « royaume », ni l’absence de consentement. Selon la chambre d’accusation, « il convenait seulement de rechercher si les agissements de l’accusé à l’égard de chacun des garçons ont entraîné une absence de consentement réel aux relations sexuelles et s’il s’est comporté objectivement comme une personne ayant autorité sur eux ». Autrement dit, le juge pénal ne risque pas de voir l’objectivité de son appréciation sérieusement remise en cause lorsque le danger qui concerne un mineur est avéré.
61Ce cas de figure se retrouve également en cas d’atteintes au sens moral de l’enfant, telles que la corruption de mineur prévue par l’article 227-22 du Code pénal. L’arrêt de la cour d’appel de Lyon rendu le 24 janvier 2002 [134] en servira d’illustration. En l’espèce, sous couvert d’hédonisme, le groupe raëlien, auquel appartenaient les prévenus, incitait en permanence des mineurs à avoir, dès l’âge de 15 ans, des relations sexuelles complètes avec les dirigeants du mouvement. Devant cette situation, la cour d’appel a estimé que les faits commis par les prévenus déclarés coupables présentaient une gravité insuffisamment prise en compte par le tribunal, dans la mesure où, prenant prétexte d’activités religieuses, les intéressés avaient utilisé leur appartenance au mouvement raëlien pour corrompre systématiquement de jeunes adolescentes introduites dans le groupe en raison de l’aveuglement de leurs parents. Ajoutant que « les prévenus ne pouvaient soutenir qu’ils seraient victimes d’intolérance à l’égard des adeptes d’une religion minoritaire dès lors que leurs agissements sont manifestement contraires à la loi pénale », les juges du second degré ont ensuite aggravé la condamnation, en prononçant des peines d’emprisonnement, pour partie sans sursis, à l’encontre des principaux acteurs du système de corruption des mineurs.
62Mais au-delà de ces infractions caractérisant un danger avéré pour le mineur, l’attitude neutre du juge semble bien plus difficile à conserver dans le cadre d’infractions visant le seul risque pour l’intégrité physique de l’enfant. Le juge pénal doit en effet évaluer la gravité de la menace avec la plus grande vigilance, afin de ne pas donner l’impression de condamner sans appel le mouvement sectaire qui en est à l’origine. En ce qu’il suppose la preuve d’une compromission de la santé, de la sécurité, de la moralité ou de l’éducation du mineur, le délit de soustraction aux obligations parentales légales (article 227-17 du Code pénal) offre a priori un exemple significatif de la rude tâche qui incombe alors au juge. Cette infraction avait été retenue par la cour d’appel de Rennes, le 18 février 1993 [135], à l’égard de parents qui avaient décidé d’envoyer, seul, leur fils de six ans dans une école en Inde gérée par les adeptes du mouvement sectaire Sahaja Yoga, de telle sorte qu’ils étaient dans l’impossibilité de s’assurer de la santé de leur enfant ou de contrôler l’enseignement qui lui était prodigué. La Cour de cassation avait ensuite rejeté le pourvoi formé par les parents condamnés, considérant que la cour d’appel n’avait pas mis en cause la liberté du choix éducatif des parents, mais les conditions dans lesquelles ce choix avait été exercé, notamment par la démonstration de l’existence chez le mineur de graves dégradations psychiques [136]. Ce délit n’a pas été retenu, dans une affaire pourtant similaire, par la cour d’appel de Montpellier le 7 mars 2001 [137]. Dans cette espèce, les juges du fond ont relaxé les parents poursuivis, après avoir relevé que l’enfant revenu auprès de ses parents ne présentait aucun trouble et était socialement bien intégré. La Chambre criminelle a par la suite validé cette décision [138], accréditant l’idée selon laquelle l’article 227-17 du Code pénal ne peut finalement s’appliquer qu’en cas de dégradation de l’état du mineur effective et démontrée [139]. Ce faisant, la juridiction suprême semble toutefois avoir consacré une condition qu’elle excluait auparavant [140] et, surtout, que ne prévoyait pas la lettre du texte d’incrimination. Alors que le texte « se contentait » de la preuve d’une compromission grave du mineur [141], la Cour de cassation exige désormais la démonstration de la réalisation effective d’un dommage. Cette interprétation, qui rend plus difficile la qualification du délit de soustraction aux obligations parentales légales, peut donner à penser que, devant le risque de subjectivisme lié à la preuve d’un « simple » péril pour l’enfant en proie à un mouvement sectaire, la Cour de cassation a prudemment exhorté les juges du fond à démontrer l’existence d’un danger avéré. Ainsi se manifeste l’embarras dans lequel peut se trouver le juge pénal pour réprimer objectivement les dérives sectaires, ce qu’exploitent avec habilité certains mouvements sectaires remarquablement organisés pour se protéger de toute accusation.
63S’il apparaît en fin de compte que le Code pénal peut être appliqué à de nombreuses dérives sectaires, indépendamment de leur caractère spécifiquement sectaire, il y a parfois des divergences d’appréciation des agissements en cause qui conduisent, selon le cas, à la relaxe ou à la condamnation, et qui révèlent une part incontournable de subjectivité dont ce contentieux est porteur. Au fond, « chaque magistrat a sa propre axiologie, son échelle de valeurs à l’aune desquelles il mesure la gravité des termes utilisés [142] ». Bien que difficilement admissible devant l’exigence d’interprétation stricte des lois pénales [143], cette affirmation n’en constitue pas moins une réalité qui ne fait qu’accentuer les doutes sur l’efficacité de la protection du mineur contre les dérives sectaires.
64Serait-il pour autant raisonnable de faire supporter au droit pénal le poids de tous les maux affectant la protection du mineur contre les dérives sectaires ? Tous les comportements susceptibles d’être considérés comme non admis par une société à un moment donné ne donnent pas forcément lieu à une incrimination ni à une poursuite [144]. La véritable difficulté consistant en fait à pouvoir intervenir alors même que le danger demeure potentiel, se pose nécessairement la question de l’appréciation de la mission de prévention contre les dérives sectaires, laquelle tient avant tout à l’action des pouvoirs publics – en particulier celle de la MIVILUDES – et dans une certaine mesure aussi, à la compétence du juge civil à travers l’assistance éducative judiciaire. Les mesures de protection civile applicables à l’enfance en danger permettent en effet d’agir là où l’intervention du droit pénal peut paraître prématurée. « Avec l’assistance éducative, on est en présence d’un projet législatif de politique criminelle ne passant pas par le droit pénal, consistant en réponses étatiques non pénales à la situation de danger ou de déviance [145] », ce qui n’empêche en rien de conjuguer ces deux mécanismes de protection judiciaire, mais conduit en revanche à remettre en cause la tentation récurrente du législateur de privilégier la seule voie pénale.
65Quant aux pouvoirs publics, ils doivent eux aussi prendre toutes les précautions pour agir dans le respect des droits et libertés concernés, ce qui suppose, là encore, de concentrer les efforts de prévention sur les dérives sectaires [146]. Pour reprendre les recommandations émises par la circulaire du Premier ministre en date du 27 mai 2005 [147], chacun doit faire preuve d’une « vigilance particulière à l’égard de toute organisation qui paraît exercer une emprise dangereuse pour la liberté individuelle de ses membres, afin de pouvoir très rapidement identifier et réprimer tout agissement susceptible de recevoir une qualification pénale ou, plus généralement, semblant contraire aux lois et aux règlements ».
66Au terme de cette analyse spécifique à la protection pénale du mineur face au phénomène sectaire, on ne saurait trop insister sur le fait que l’arme pénale, l’une des plus puissantes qui soit aux mains du législateur [148], ne doit être utilisée qu’en dernier recours, pour des actes déterminés d’après des textes précis. C’est dans cette seule mesure que sera pleinement admise l’importance qu’il convient d’accorder en premier lieu à la réalisation d’une politique réfléchie de prévention contre les dérives sectaires.
Notes
-
[1]
Audition de Mme Sonya Jougla, in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Rapport fait au nom de la commission d’enquête parlementaire, Documents d’information de l’A.N., n° 3507, 2006, p. 21.
-
[2]
L’alinéa 1er de cette disposition prévoit que « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ».
-
[3]
M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », D. 1996, n° 32, chron., p. 273.
-
[4]
C. civ., art. 375-1, al. 2nd.
-
[5]
C. civ., art. 375-2.
-
[6]
C. civ., art. 375-3.
-
[7]
À ce sujet, v. not. M. HUYETTE, « Les sectes et l’enfermement des mineurs », D. 2007, n° 10, chron., p. 682 et s.
-
[8]
Le principe de la légalité des délits et des peines est protégé en droit interne par l’article 111-3 du Code pénal et l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais également à l’échelon international, par l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) ainsi que l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
-
[9]
M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », art. préc., p. 271.
-
[10]
P. BOINOT, « Sectes religieuses et droit pénal », RSC, 1983, n° 3, p. 411.
-
[11]
B. BOULOC, Droit pénal général, 19ème éd., Dalloz, 2005, p. 5.
-
[12]
H. SCHULZ, « Le gourou d’une secte réunionnaise a été arrêté », Le Monde, 7 août 2007, p. 8.
-
[13]
Selon que le mineur est auteur ou victime d’une infraction, les intérêts en présence ne seront pas nécessairement similaires mais l’idée de protection est commune (v. J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », RSC, 2000, n° 1, p. 81 et s.).
-
[14]
MIVILUDES, Rapport au Premier ministre, 2005, p. 15.
-
[15]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, C.N.R.S. éditions, 2000, p. 14.
-
[16]
Le terme de « croyance », bien qu’il soit fréquemment placé à côté des notions de religion et de pensée dans le champ des libertés publiques, revêt en réalité une acception plus vaste qui peut lui permettre de comprendre, entre autres, les religions (v. P. ROBERT, Dictionnaire de la langue française, V° Croyance).
-
[17]
Ph. GONI, Les témoins de Jéhovah : Pratique cultuelle et loi du 9 décembre 1905, L’Harmattan, 2004, p. 36.
-
[18]
P. ROBERT, Dictionnaire de la langue française, V° Religion.
-
[19]
Ibid, V° Secte.
-
[20]
J. PRADEL, « La religion face au droit criminel », in Mélanges Albert Chavanne, Litec, 1990, p. 149.
-
[21]
G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme, 7ème éd., A. Colin, 2005, p. 417.
-
[22]
J. CARBONNIER, note sous Nîmes, 10 juin 1967, D. 1969, p. 369.
-
[23]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 19.
-
[24]
A. GEST, J. GUYARD, Les sectes en France, Rapport fait au nom de la commission d’enquête parlementaire, Documents d’information de l’A.N., n° 2468, 1995, 127 pages.
-
[25]
La qualification de « secte » ou de « mouvement sectaire » employée par la liste, qui était celle établie par la Direction centrale des renseignements généraux, n’avait en aucun cas valeur normative (v. N. GUILLET, Liberté de religion et mouvements à caractère sectaire, préf. G. KOUBI, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, T. 235, 2003, p. 510).
-
[26]
Par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le 5ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ainsi que l’article 2 de la Constitution de 1958.
-
[27]
Notamment par les articles 9 alinéa 1er et 14 de la CESDH, ainsi que par l’article 18 du PIDCP.
-
[28]
J. ROBERT, « La liberté de religion, de pensée et de croyance », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, Th. REVET (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 13ème éd., Dalloz, 2007, n° 451, p. 370.
-
[29]
G. FENECH, Rapport tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Rapport fait au nom de la commission d’enquête parlementaire, Documents d’information de l’A.N., n° 3179, 2006, p. 8.
-
[30]
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public institué par la loi ».
-
[31]
J. ROBERT, « La liberté de religion, de pensée et de croyance », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, Th. REVET (dir.), Libertés et droits fondamentaux, op. cit., n° 453, p. 371.
-
[32]
F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 13ème éd., Economica, 2006, p. 407.
-
[33]
Paris, 4 décembre 1912, D. 1914, 2, p. 213.
-
[34]
V. not. Montpellier, 29 juin 1992, Jurisdata n° 034435 ; TGI Paris, 9 février 1994, Jurisdata n° 041425 ; Montpellier, 6 juin 1994, Jurisdata n° 034187.
-
[35]
Montpellier, 3 janvier 1994, Jurisdata n° 926073, inédit. Dans le même sens, v. Montpellier, 6 novembre 2001, Jurisdata n° 005439, inédit.
-
[36]
V. not. Paris, 25 mars 1996, Jurisdata n° 020719, cité par V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 22, où la cour d’appel considéra que « la discrimination religieuse suppose l’appartenance vraie ou supposée à une religion. En l’occurrence, l’Eglise de scientologie ne présente pas de caractère religieux. Elle a en effet été présentée comme étant une secte par un rapport de l’Assemblée nationale et la notion de secte est exclusive de celle de religion ».
-
[37]
Lyon, 28 juillet 1997, D. 1997, IR p. 197 ; Gaz. Pal. 8-9 août 1997, som. p. 17.
-
[38]
Cass. crim., 30 juin 1999, D. 2000, n° 31, jur., p. 655, note B. GIARD.
-
[39]
CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c/ Grèce, Série A, n° 260-A ; RSC, 1994, p. 367, chron. R. KOERING-JOULIN ; R.T.D.H. 1994, p. 144, obs. F. RIGAUX.
-
[40]
CEDH, 22 décembre 2005, Paturel c/ France, Req. n° 54968/00. § 31.
-
[41]
V. FORTIER, « Le juge, gardien du pluralisme confessionnel », R.R.J. 2006-3, p. 1150.
-
[42]
Pour de plus amples développements à propos de la distinction entre droit à la sécurité et droit à la sûreté, v. not. D. THOMAS, « L’évolution de la procédure pénale française contemporaine : la tentation sécuritaire », in Mélanges Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 53 et s.
-
[43]
G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme, op. cit., p. 421.
-
[44]
Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, J.O. 13 juin 2001, p. 9337. Pour une présentation de la loi, v. A. DORSNER-DOLIVET, « Loi sur les sectes », D. 2002, n° 13, chron., p. 1086 et s.
-
[45]
J. DANET, « Le droit pénal et la procédure pénale sous le paradigme de l’insécurité », cette revue, 2003, n° 25, p.38.
-
[46]
V. FORTIER, « L’encadrement législatif du phénomène sectaire en France », R.D.C. 51/1, 2001, p. 23.
-
[47]
C. pén., art. 223-15-2 : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende ». -
[48]
Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001, art. 19.
-
[49]
Etaient notamment concernés les atteintes volontaires à la vie, les actes de torture et de barbarie, les violences volontaires constitutives d’un crime ou d’un délit, les menaces, le viol et autres agressions sexuelles, l’exercice illégal de la médecine, l’abandon de famille et les infractions de mises en péril des mineurs. Une telle extension du champ de la responsabilité pénale des personnes morales a néanmoins été rendue largement obsolète par la disparition, avec la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004, du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales (v. not. M.-C. SORDINO, « La disparition du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales : une fin espérée…adoptée dans la plus grande discrétion », Gaz. Pal. 10-11 septembre 2004, p. 2842 et s.).
-
[50]
A. GEST, J. GUYARD, Les sectes en France, op. cit.
-
[51]
Pour une étude approfondie, v. G.-X. BOURIN, Contribution à l’étude du délit de manipulation mentale préjudiciable, préf. Ch. LAZERGES, P.U.A.M., 2005, 301 pages.
-
[52]
V. sur ce point, les observations de Reynald Ottenhof, note sous Cass. crim., 19 avril 2005, RSC, 2006, n° 2, p. 325 et s.
-
[53]
V. FORTIER, « L’encadrement législatif du phénomène sectaire en France », art. préc., p. 29.
-
[54]
Ch. LAZERGES, « De la fonction déclarative de la loi pénale », RSC, 2004, n° 1, p. 196.
-
[55]
Ibid, p. 194.
-
[56]
Ce qui a amené le professeur Philippe Conte à considérer qu’« il en résulte un hybride pour le moins curieux, protégeant un bien juridique difficile à cerner » (Ph. CONTE, Droit pénal spécial, 3ème éd., Litec, 2007, p. 154).
-
[57]
Cour de cassation, Rapport annuel, 2005, p. 17. Le rapport considère dès lors qu’« exiger que ces deux conditions soient cumulativement réunies apparaît redondant dans l’hypothèse où la situation est apparente (car elle devient alors nécessairement connue de l’auteur) et superflu lorsqu’elle est connue de l’auteur (car on ne voit pas quel est alors l’intérêt d’exiger qu’elle soit, au surplus, apparente). En outre, une telle rédaction peut susciter des difficultés de preuve de l’infraction, de nature à atténuer singulièrement l’efficacité attendue de cette incrimination dont la nouvelle rédaction visait, notamment, à permettre de poursuivre les pressions dont sont victimes les adeptes des sectes ». Il est donc proposé de substituer aux mots « dont la vulnérabilité est apparente et connue de son auteur » les mots « apparente ou connue de son auteur ».
-
[58]
MIVILUDES, Rapport au Premier ministre, 2006, p. 28.
-
[59]
Ch. LAZERGES, « De la fonction déclarative de la loi pénale », art. préc., p. 197.
-
[60]
G. DI MARINO, « Le recours aux objectifs de la loi pénale dans son application », RSC, 1991, n° 3, p. 505.
-
[61]
G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 101.
-
[62]
Ce que confirmera l’analyse de la pratique jurisprudentielle (cf. infra).
-
[63]
Dans un sens opposé, v. A. GARAY, L’activisme anti-sectes de l’assistance à l’amalgame, The Edwin Mellen Press, 1999, p. 109. L’auteur considère que « face à une notion aussi controversée que celle de manipulation mentale, il ne faut pas se résigner à une casuistique empirique mais emprunter les poteaux indicateurs de la règle de droit considérée comme la traduction d’un consensus social et une balise régulatrice de la société ».
-
[64]
Le contrôle de la CEDH s’attache en particulier à la qualité des lois depuis 1984 (CEDH, 2 août 1984, Malone c/ Royaume-Uni, Req. n° 8691/79, § 66 et 67).
-
[65]
Bien qu’il y ait fort à parier qu’en ces temps de pluie législative, une telle recommandation ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau…
-
[66]
C. GOYARD, « Les dispositifs spécifiques de protection contre les dérives sectaires », in Mélanges Gérard Cohen-Jonathan, vol. II, Bruylant, 2004, p. 868.
-
[67]
En ce sens, M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », art. préc., p. 271.
-
[68]
Circulaire du 29 février 1996 relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire, J.O. 5 mars 1996, p. 3409, citée in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 100.
-
[69]
J. PRADEL, « La religion face au droit criminel », art. préc., p. 152.
-
[70]
M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire des mineurs », art. préc., p. 272.
-
[71]
Qui ne feront pas l’objet de la présente étude.
-
[72]
Qu’il soit volontaire (C. pén., art. 221-1 à 221-4) ou non (C. pén., art. 221-6).
-
[73]
C. pén., art. 222-1 à 222-6. Pour un exemple d’application, v. Cass. crim., 3 septembre 1996, Dr. pén. 1997, 4, obs. M. VERON ; Gaz. Pal. 1997, 1, chron. crim. 20. En l’espèce, des tortures avaient été infligées à une dame afin de la désenvoûter. Ces traitements (flagellation, ingurgitation d’eau salée, étouffement…) qui ont entraîné la mort de la victime, étaient censés s’adresser au « démon logé en elle ». Le mobile d’inspiration religieuse de l’accusé ne pouvait, selon la Cour, ôter à de tels actes leur caractère d’actes de torture et de barbarie.
-
[74]
Là aussi, qu’elles soient volontaires (C. pén., art. 222-7 à 222-14) ou non (C. pén., art. 222-19).
-
[75]
C. pén., art. 222-23 à 222-26.
-
[76]
C. pén., art. 222-27 à 222-33.
-
[77]
C. pén., art. 224-1 à 224-5, ainsi que l’a illustré l’affaire déjà citée d’enlèvement d’un enfant de 12 ans par le mouvement dénommé « Cœur douloureux et immaculé de Marie » sur l’île de la Réunion.
-
[78]
C. pén., art. 225-4-1 à 225-4-7.
-
[79]
C. pén., art. 225-5 à 225-9. Cette infraction vise des mouvements sectaires tels que la « Famille de l’Amour » (anciennement dénommée « les Enfants de Dieu »), qui pratique le « flirty fishing », c’est-à-dire la prostitution des enfants dans le but de recruter de nouveaux adeptes, en général influents socialement ou fortunés.
-
[80]
C. pén., art. 223-13, al. 1er. L’alinéa second porte les peines à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque la victime de l’infraction est un mineur de 15 ans.
-
[81]
C. pén., art. 223-6, al. 1 et 2.
-
[82]
C.S.P., art. L. 4161-5.
-
[83]
C.S.P., art. L. 4223-1.
-
[84]
Paris, 17 mars 2006, Jurisdata n° 2006-304465.
-
[85]
Ph. CONTE, Droit pénal spécial, op. cit., p. 65.
-
[86]
C. pén., art. 227-1 et 227-2.
-
[87]
C. pén., art. 227-15 et 227-16. Dans l’affaire précitée (Paris, 17 mars 2006), les mères des enfants victimes du régime alimentaire prescrit par la présidente de l’association, bien qu’elles prétendaient n’avoir pas eu conscience de la dangerosité du régime pour leur santé, ont été condamnées du chef de privation de soins ou d’aliments envers un mineur de 15 ans.
-
[88]
C. pén., art. 227-25 et 227-26.
-
[89]
C. pén., art. 227-17.
-
[90]
C. pén., art. 227-18 (provocation à l’usage de stupéfiants), 227-19 (provocation à la consommation d’alcool) 227-21 (provocation directe à la consommation d’un crime ou d’un délit grave) et 227-22 (corruption de mineur).
-
[91]
C. pén., art. 227-5 à 227-11.
-
[92]
C. pén., art. 227-17-1.
-
[93]
Et par la même occasion, l’infraction visée à l’article 19 de la loi du 12 juin 2001.
-
[94]
Les articles 227-18, 227-19, 227-20 ou encore 227-21 du Code pénal en sont des exemples.
-
[95]
P. COUVRAT, « Livre II – Les infractions contre les personnes dans le nouveau code pénal », RSC, 1993, n° 3, p.476.
-
[96]
Rappelons que les personnes morales sont désormais punissables pour l’ensemble de ces infractions. La plupart des sectes étant constituées sous forme d’associations, elles sont donc pénalement responsables lorsque les infractions précédemment citées ont été commises, pour leur compte, par leurs représentants.
-
[97]
R. KOERING-JOULIN, « Activités sectaires et droit pénal », in F. MESSNER (dir.), Les « sectes » et le droit en France, P.U.F., 1999, p. 208.
-
[98]
B. COTTE, in La procédure pénale en quête de cohérence, Actes du cycle de conférences organisé à Paris du 19 janvier au 22 juin 2006 sous l’égide de la Cour de cassation, Dalloz, 2007, p. 20.
-
[99]
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, J.O. 16 juin 2000, p. 9038.
-
[100]
A. D’HAUTEVILLE, « Le droit des victimes », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, Th. REVET (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 13ème éd., Dalloz, 2007, n° 780, p. 644.
-
[101]
Circulaire CRIM 2001-07 F1 du 14 mai 2001, Présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes relatives aux victimes, B.O. minist. Justice, n° 82, § 3.2.2.1.
-
[102]
Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, J.O. 7 août 2004, p. 14040.
-
[103]
Pour le moment, seul l’article 511-1-2 du Code pénal est visé. Il prévoit qu’« est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 d’amende le fait, par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir, de provoquer autrui à se prêter à un prélèvement de cellules ou de gamètes, dans le but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée.
Est punie des mêmes peines la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de l’eugénisme ou du clonage reproductif ». -
[104]
Même si, à l’époque de la circulaire, elle visait la « dépendance » psychologique ou physique et non la « sujétion » du même ordre.
-
[105]
Cette action civile n’était déjà pas subordonnée à l’accord de la victime.
-
[106]
Puisque l’article 2-17 du Code de procédure pénale vise « toute association se proposant par ses statuts de défendre et d’assister l’individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs », sous la seule condition qu’elle soit reconnue d’utilité publique et régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits.
-
[107]
Ce qui s’assimilerait plutôt à un soutien indirect de l’action publique.
-
[108]
S. GUINCHARD, J. BUISSON, Procédure pénale, 4ème éd., Litec, 2008, p. 611. Pour une critique de l’ouverture de l’action civile aux associations habilitées par le législateur, v. P. MAISTRE DU CHAMBON, « Ultime complainte pour sauver l’action publique », in Mélanges Raymond Gassin, P.U.A.M., 2007, p. 283 et s. L’auteur considère qu’ « à côté des victimes-parties civiles apparaissent curieusement, toujours plus nombreuses, des parties civiles non-victimes » (p. 285).
-
[109]
Rennes, 12 juillet 2005, cité in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 101.
-
[110]
Comme l’avait déjà décidé le tribunal correctionnel de Nantes par un jugement en date du 25 novembre 2004.
-
[111]
Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu.
-
[112]
Association de défense des familles et de l’individu.
-
[113]
À noter que dans le cadre d’une information ouverte contre un ancien Témoin de Jéhovah, pour viol commis sur une mineure de 15 ans, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la chambre de l’instruction qui avait déclaré recevable la constitution de partie civile de l’UNADFI, aux motifs notamment que « l’objet statutaire de l’UNADFI n’est pas d’exercer directement l’action civile au titre de l’article 2-17 du Code de procédure pénale mais seulement de réunir, de coordonner et d’animer les différentes associations locales (ADFI) qui ont seules pour vocation de défendre les familles et les individus » (Cass. crim., 7 décembre 2005, n° 05-81312, inédit).
-
[114]
C. pr. pén., art. 7.
-
[115]
C. pr. pén., art. 8.
-
[116]
C. pr. pén., art. 9.
-
[117]
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, J.O. 10 mars 2004, art. 47.
-
[118]
Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, J.O. 5 avril 2006, art. 16-VI.
-
[119]
Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, art. 14.
-
[120]
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 72-II.
-
[121]
Notons que dans une affaire qui avait donné lieu à une application tout autre de l’article 313-4, devenu l’article 223-15-2 du Code pénal (l’abus de faiblesse ne prévoyait pas encore le cas d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique ; il s’agissait en l’espèce d’un couple de personnes dont la particulière vulnérabilité, due à une maladie, était connue de l’auteur des faits), la Cour de cassation a même été amenée à préciser que le point de départ de la prescription de l’action publique concernant ce délit ne se situe pas au jour où la victime a été en mesure d’avoir connaissance des conséquences des faits poursuivis (Cass. crim., 27 mai 2004, Bull. crim. 2004, n° 141 ; Rev. sc. crim. 2004, n° 4, p. 881, obs. Y. MAYAUD ; ibid, p. 886, obs. R. OTTENHOF ; Dr. pén. 2004, comm. 130, obs. M. VERON. En ce sens, v. également Cass. crim., 5 octobre 2004, Bull. crim. 2004, n° 233 ; Dr. pén. 2005, comm. 1, obs. M. VERON ; AJ pénal 2005, p. 71, obs. J. LEBLOIS-HAPPE).
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[122]
G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 106.
-
[123]
Ibid, p. 108.
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[124]
Puisque cette loi, contrairement à ce que prévoit son intitulé, ne peut prétendre s’intéresser aux seuls mouvements sectaires « par le canal de la définition trop imprécise de la poursuite d’activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique » (A. DORSNER-DOLIVET, « Loi sur les sectes », art. préc., p. 1096).
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[125]
Cf. supra.
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[126]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 37.
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[127]
MIVILUDES, Rapport au Premier ministre, 2006, op. cit., p. 232.
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[128]
Rennes, 12 juillet 2005, cité in G. FENECH, Ph. VUILQUE, L’influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, op. cit., p. 101 et s.
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[129]
L’article 223-15-2 du Code pénal punit en effet l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
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[130]
Pour rappel, l’une des victimes s’était suicidée et les deux autres avaient fait des tentatives de suicide.
-
[131]
A. DORSNER-DOLIVET, « La loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 relative aux sectes », J.C.P. G 2001, n° 48, act., p. 2182.
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[132]
N’est-ce pas là en définitive toute la difficulté pour rendre opérante la protection des mineurs contre les dérives sectaires ? (Cf. infra).
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[133]
Cass. crim., 9 décembre 1998, n° 98-85840, inédit.
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[134]
Lyon, 24 janvier 2002, Jurisdata n° 2002-02401.
-
[135]
Rennes, 18 février 1993, J.C.P. G 1994, II, n° 22210, note J.-Y. CHEVALLIER.
-
[136]
Cass. crim., 11 juillet 1994, Bull. crim. 1994, n° 269 ; J.C.P. G 1995, II, n° 22441, note F. EUDIER.
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[137]
Montpellier, 7 mars 2001, Jurisdata n° 146508.
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[138]
Cass. crim., 17 octobre 2001, D. 2002, n° 9, jur., p. 751, note M. HUYETTE.
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[139]
M. HUYETTE, note précitée sous Cass. crim., 17 octobre 2001, p. 752.
-
[140]
Dans l’arrêt rendu le 11 juillet 1994, la Cour de cassation avait bien précisé que le délit n’exigeait pas que le manque de direction ait eu pour effet de porter atteinte d’une manière irréversible à la santé, la moralité ou la sécurité de l’enfant.
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[141]
L’adjectif « grave » a, du reste, été retiré de l’article 227-17 du Code pénal par la loi du 9 septembre 2002 (Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, J.O. 10 septembre 2002, art. 27).
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[142]
V. FORTIER, Justice, religions et croyances, op. cit., p. 32.
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[143]
C. pén., art. 111-4.
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[144]
M. HUYETTE, note précitée sous Cass. crim., 17 octobre 2001, p. 753.
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[145]
Ch. LAZERGES, Introduction à la politique criminelle, L’Harmattan, 2000, p. 81.
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[146]
À cet égard, le concept de « dérive sectaire », contenu depuis le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 dans l’intitulé même de la MIVILUDES (« mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires »), qui a succédé à la MILS (« mission interministérielle de lutte contre les sectes »), paraît significatif du choix opéré aujourd’hui dans la lutte contre les seuls débordements imputables aux mouvements visés. Bien qu’il soit dénué de toute portée juridique et ne résolve pas le problème de la distinction entre secte et religion, ce concept présente au moins le mérite d’avoir « objectivé » la démarche affichée par les pouvoirs publics dans le domaine sectaire.
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[147]
Circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires, J.O. 1er juin 2005, p. 9751.
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[148]
J. DANET, Justice pénale, le tournant, Gallimard, coll. « Le Monde Actuel », 2006, p. 20.