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Article de revue

D’une Année à l’autre : la sociologie religieuse durkheimienne en marche

Pages 77 à 102

Notes

  • [1]
    Le titre de cet article emprunte une expression de Philippe Besnard (1998 : 20).
  • [2]
    Voir sur cette question l’analyse et la critique d'Alain Testart (1998 : 166-174).
  • [3]
    À noter que ce « Mémoire », a constitué une première version du premier chapitre du premier livre des Formes élémentaires. Pour une présentation plus systématique des similitudes et des différences entre ces deux textes, voir Achimastos (2015 : 16-20).
  • [4]
    Nous ne devons pas oublier que l’évolutionnisme, ainsi que la méthode génétique qui en résulte, comme il est d’usage de l’appeler, sont une constante de la sociologie durkheimienne. Il était donc logique que l’argumentation se concentre, dans le cas précis, sur la recherche anthropologique.
  • [5]
    Si Durkheim avait exprimé ailleurs cette idée, c’est la première fois qu’il conceptualise cette distinction.
  • [6]
    La critique s’adresse au représentant par excellence de l’anthropologie sociale de son époque, à savoir J. G. Frazer (Durkheim, 2015 : 63). Voir aussi sur cette question Frederico Rosa (2003 : 3, 35-44).
  • [7]
    Face à l’anthropologie frazérienne, Durkheim adopta une double stratégie. D’un côté, il y trouve une source fiable de documentation ; de l’autre, il se sert de Frazer comme d’un adversaire utile pour se dresser contre l’empirisme anthropologique.
  • [8]
    Durkheim ne s’est pas contenté de ces seules observations. Il a suivi tout le cheminement de la pensée de Hubert et Mauss et, quelques mois plus tard, dans une longue lettre à son neveu, il lui a exposé en détail le projet sur la question qu’il avait en tête, en rappelant : « Mais pourquoi le sacrifice a-t-il lieu dans les banquets où les groupes sont réunis ? N’est-ce pas que c’est la vie du groupe qu’il s’agit d’entretenir ? Et la réunion même fait que le groupe prend davantage le sentiment de lui-même, se sent plus fort, en meilleure santé. L’illusion mystique est ainsi fondée en matière ; le rite n’est mensonge que si on ne considère que la formule. Il est réellement efficace » (Lettre datée du 15 juin 1898 [Durkheim, 1998 : 145]). Voir aussi les lettres envoyées en juin-juillet 1898 (ibid., p. 153-154), juillet 1898 (ibid., p. 157-159, 161-163), le 4 août 1898 (ibid., p. 173-174).
  • [9]
    Le titre est dû à Durkheim. Vers la fin de 1898, dans une lettre à son neveu, il écrit : « J’ai envoyé à Alcan le sommaire de L’Année. J’ai intitulé votre mémoire : « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice ». Si le mot vous parait inutile vous le supprimerez. Mais comme annonce cela ne me paraît pas mal » (Durkheim, 1998 : 181).
  • [10]
    Environ un mois après, il note dans une autre lettre à Mauss : « Je termine le dépouillement de Spencer et Gillen en ce qui me concerne. Cela fera encore un gros morceau pour vous » (Durkheim, 1998 : 226).
  • [11]
    Notons ici que tant la recherche des anthropologues australiens que leur thèse sur le totémisme ont fait l’objet de nombreux débats avec Frazer lui-même, bien des années avant leur publication (Marett & Penniman, 1932). Ce fait n’était certes pas connu de Durkheim à ce moment-là. On trouvera les articles de Frazer (1899a, b) dans les références bibliographiques situées à la fin de notre article.
  • [12]
    On peut voir une remarquable présentation de l’article, très condensée et claire, dans la notice introductive de Jean Duvignaud, au cinquième volume de L’Année (Durkheim, 1969 : 312-313).
  • [13]
    Pour le débat entre Durkheim et Frazer sur la question du totémisme, voir Myron Achimastos (2012).
  • [14]
    Le fait auquel se réfère Durkheim est l’endogamie présumée qui caractérisait la tribu des Aruntas de l’Australie centrale.
  • [15]
    Il convient de noter la relation ambivalente des trois hommes. Durkheim, dans une lettre à son neveu (avril ou mai 1901), lui rappelle : « Frazer se plaint que tu ne lui aies pas écrit à propos du Golden Bough deuxième édition » (Durkheim, 1998 : 282).
  • [16]
    Nous sommes en 1902, mais dix ans plus tard, Durkheim lui-même introduit Les Formes élémentaires en employant exactement le même schéma : « Pour pouvoir rechercher quelle est la religion la plus primitive et la plus simple que nous fasse connaître l’observation, il nous faut tout d’abord définir ce qu’il convient d’entendre par religion […] pour n’avoir pas pris cette précaution, un savant, auquel la science comparée des religions doit pourtant beaucoup, M. Frazer, n’a pas su reconnaître le caractère profondément religieux des croyances et des rites qui seront étudiés plus loin » (Durkheim, 2015 : 63).
  • [17]
    Il s’agit du titre provisoire choisi par lui-même, dans une lettre adressée à son neveu, et datée de février 1902 : « Pourras-tu faire avec moi d’ici au mois d’août environ, un article sur Les Classifications primitives des choses (titre approximatif et provisoire) ? » (Durkheim, 1998 : 318). L’idée de base est lancée à la même époque : « que la hiérarchie logique soit un reflet d’une hiérarchie sociale » (lettre datée de février-mars 1902, ibid., p. 320).
  • [18]
    D’ailleurs, Durkheim, par la suite, maintiendra cette conception puisque cet article constituera le troisième chapitre du premier livre des Formes élémentaires. Pour la comparaison de l’essai avec le chapitre correspondant du magnum opus de Durkheim, voir Myron Achimastos (2015 : 20-23). À noter également que l’essai de Hubert et Mauss sur la magie se termine par les phrases suivantes : « notre travail n’est pas seulement, comme nous le disions au début, un chapitre de sociologie religieuse, mais c’est encore une contribution à l’étude des représentations collectives » (Hubert & Mauss, 1904a : 146).
  • [19]
    Notons les expressions-mêmes de Hubert et Mauss : « La notion de mana est du même ordre que la notion du sacré […] La notion de mana, comme la notion du sacré, n’est en dernière analyse que l’espèce de catégorie de la pensée collective » (Hubert & Mauss, 1904a : 119, 122).
  • [20]
    Il écrit à Mauss vers la fin de 1905 : « Il faut que je voie Schoolcraft […] D’ailleurs tout cela n’est pour moi qu’une occasion de me donner la culture que je rêve depuis longtemps de me donner » (Durkheim, 1998 : 372). Probablement Durkheim se réfère-t-il à l’œuvre en six volumes de H. R. Schoolcraft (1850-1857).
  • [21]
    Il s’agit du concept fameux de l’« effervescence sociale » (Durkheim, 2015 : 314 sq.).
  • [22]
    L’analyse durkheimienne des cérémonies du deuil coïncide avec les thèses de Hertz. Ce dernier écrit : « Quand un homme meurt, la société ne perd pas seulement une unité ; elle est atteinte dans le principe même de sa vie, dans sa foi en elle-même » (Hertz, 1907 : 124). Voir aussi Durkheim (2015 : 540).
  • [23]
    Notre intention n’est pas d’aborder ici les aspects de la réflexion de Mauss. Nous soulignons la dimension politique évidente de son travail, qui, on le sait, l’a souvent impliqué dans des polémiques avec son oncle.
  • [24]
    Voir dans la même ligne d’argumentation Maurice Godelier (1996).
  • [25]
    Il convient de noter que René Maunier, auteur de l’article et contemporain de Durkheim, était collaborateur de la revue concurrente dirigée par René Worms, la Revue internationale de sociologie. Il y avait publié son compte-rendu sur les Formes élémentaires dont nous rappelons les dernières phrases caractéristiques : « Connaître et expliquer les faits, plutôt que les juger ; partant, reconnaître leur nécessité, en quelque contradiction qu’ils puissent être avec nos idéaux ; telle est la règle de méthode essentielle de la science positive : règle, dont on peut dire qu’avant l’auteur du présent livre elle n’avait jamais été appliquée complètement à l’étude des phénomènes religieux. Et c’est là, la véritable importance de cet ouvrage, indépendamment des conclusions particulières auxquelles il aboutit. » (Maunier, 1913 : 276).
  • [26]
    Philippe Besnard (1998 : 10-13) présente, d’une manière précise, les sections que contient L’Année.
  • [27]
    Il suffit de consulter le Tableau 2, comme formulé dans l’« Introduction de l’éditeur » (Achimastos, 2015 : 32) et de le comparer avec ce que Durkheim lui-même a publié dans L’Année (Durkheim, 2015 : 607 sqq.) pour avoir une idée de la contribution décisive de Mauss.
  • [28]
    Rappelons ici que la partie des comptes-rendus du deuxième tome est manquante puisque l’édition s’arrête brusquement en page 192. Nous avons néanmoins intégré dans notre perspective ce que Jennifer Mergy (2004 : 10-27) a ajouté à nos connaissances, aussi sur les comptes-rendus de la Section 2 de L’Année, Deuxième série, t. 2 (ibid., p. 104-192).
  • [29]
    Notons que Mauss donne ce nom à la rubrique XII de la Deuxième série de L’Année.
  • [30]
    Pour des raisons évidentes, nous numérotons les rubriques et mentionnons leur contenu en ayant pour point de départ le classement du premier tome ; nous montrons, par la suite, les différenciations et les ajouts (Tableau 2).
  • [31]
    Voir le Tableau 2 dans Myron Achimastos (2015 : 32).
  • [32]
    À partir de 1901, la « Magie » devient une rubrique distincte.
  • [33]
    Bien que nous ne puissions, en aucun cas, prétendre que Durkheim ait en tête le titre du travail qu’il publiera neuf ans plus tard, cet intitulé est néanmoins caractéristique de la façon dont la démarche de sa pensée affecte ses collaborateurs.
  • [34]
    Cet extrait s’inscrit directement à la suite des pensées avancées par Mauss et Hubert depuis 1902 au sujet du remaniement des rubriques de la Section 2.
  • [35]
    Dans le même tome, Mauss signe le compte-rendu du deuxième livre de Spencer et Gillen. Sans exercer de critique directe sur les questions soulevées par Durkheim dans son article sur le totémisme, Mauss rappelle le caractère totémique des cérémonies et leur contenu religieux (Mauss, 1905b).
  • [36]
    Voir au chapitre 9 du deuxième livre des Formes élémentaires (Durkheim, 2015 : 411 sqq.).
  • [37]
    Nous disons « quasiment » car la différence est que Mauss, exprimant exactement la position qu’il avait formulée à partir de 1905, modifie le nombre grammatical de la première sous-unité qui passe du singulier (« A. Le système totémique ») au pluriel (« A. Les systèmes totémiques »). Le pluriel a, dans ce cas, une signification décisive.
  • [38]
    Voir Strehlow (1907-1908) et Eylmann (1908), et aussi Durkheim & Mauss (1910), Mauss (1910). Pour la grande importance accordée par Durkheim, en particulier au premier, dans les Formes élémentaires, voir Myron Achimastos (2019, à paraître). En outre, le livre du second ethnographe allemand est une source importante malgré la sévère critique de Mauss (1910 : 81 sqq.) et la position réservée de Durkheim (2015 : 343, note 4 ; 400, note 7). Ce dernier, pour documenter ses thèses dans les Formes élémentaires, ne se réfèrera à Eylmann pas moins de 28 fois, « honneur » que n’ont pas nombre d’ethnographes et anthropologues connus. Certes, cela ne signifie pas que Durkheim ne puisera pas également de documentation dans la deuxième sous-unité qui comprend des comptes-rendus d’œuvres se référant au totémisme hors de l’Australie. D’ailleurs, lui-même justifie, dans le quatrième chapitre du premier livre des Formes élémentaires, les raisons de son choix (Durkheim, 2015 : 149-154). Il n’hésite pas à présenter, sous sa signature, les critiques qui relevaient dans le passé de la compétence exclusive de son neveu (Durkheim, 1910).
  • [39]
    Cela s’est avéré dans les Formes élémentaires dont le troisième livre qui leur est consacré occupe une place importante dans l’œuvre (plus de 160 pages). D’ailleurs, Durkheim lui-même, dans sa « Conclusion », affirme clairement le rôle central du culte pour expliquer la religion (Durkheim, 2015 : 558-559). Paoletti (2012 : 306) aboutit à des conclusions un peu différentes quant aux origines de la pensée durkheimienne : « au début du xxe siècle, l’analyse durkheimienne de la religion s’enrichit de l’étude des rites et des choses sacrées, qui vont s’ajouter aux croyances dans la composition des phénomènes religieux ».
De L’Année sociologique va se dégager une théorie qui, exactement opposée au matérialisme historique si grossier et si simpliste malgré sa tendance objectiviste, fera de la religion, et non plus de l’économie, la matrice des faits sociaux.
Lettre à Mauss datée de juin 1897 (Durkheim, 1998 : 71)

1Lors du lancement du projet de L’Année sociologique, il est évident qu’Émile Durkheim avait trouvé en Marcel Mauss non seulement le premier parmi ses proches collaborateurs, mais aussi celui qui allait porter le fardeau de la documentation ayant trait au domaine de la sociologie religieuse. La tâche s’annonçait lourde et Durkheim n’a pas manqué l’occasion d’encourager Mauss lorsque ce dernier s’est montré réticent. Dans une lettre qu’il lui adresse, dans la matinée du 17 juin 1897, il lui donne également des conseils sur la constitution d’un objet de science à définir :

2

Suppose que la sociologie religieuse existe véritablement, nous n’aurions pas, n’est-ce pas, à rendre compte de tous les travaux dont tu parles. Une étude sur l’Église dans l’Empire romain avant l’an 170, ou sur le péché dans saint Paul ne saurait être présentée comme un travail de sociologie. Cette sociologie religieuse, qui est à faire, nous ne pouvons pas évidemment la faire, mais nous pouvons aider à la faire, et même avancer en procédant de la manière suivante. Une science n’existe que quand elle se pose des problèmes. Or, dès à présent, de ce qui existe de sociologie religieuse, et des travaux d’histoire qui s’en rapprochent le plus, se dégagent un certain nombre de problèmes qui peuvent être posés. Les faire connaître aux sociologues et aux gens qui s’occupent de sociologie, voilà déjà un premier service. Mais nous pouvons faire quelque chose de plus. En groupant ensemble les ouvrages qui sont de nature à faire avancer les questions, à les éclairer, en présentant de ces ouvrages des analyses qui en dégagent tout le résidu, on constituerait progressivement la matière de cette sociologie religieuse à créer. Le seul rapprochement de ces travaux serait par lui-même instructif. Enfin, troisième service, le recensement, comme tu dis, pourrait n’être pas passif et, tout en rendant compte de chaque livre individuellement, il pourrait aider à dégager ce qui paraît résulter des travaux rapprochés. Ce qui nous mettrait plus près de la sociologie religieuse (Durkheim, 1998 : 69).

3Ce long extrait marque le début d’une aventure qui allait aboutir à la publication des Formes élémentaires de la vie religieuse. Les deux protagonistes, l’oncle et le neveu, unissent leurs forces et se servent désormais d’une nouvelle revue afin d’explorer les limites et le contenu d’un nouveau champ scientifique, à savoir la sociologie religieuse.

4Les propos de Durkheim, mis en exergue, révèlent la stratégie qu’il avait adoptée tout au long de cette aventure. L’achèvement du Suicide a constitué un tournant dans son itinéraire de chercheur. Le lancement de L’Année allait ainsi jouer un rôle central dans sa tentative de bâtir une science sociale autre. En encourageant de nouveau son neveu à consacrer de son temps pour la mise en chantier de L’Année, il exprime clairement ses attentes sur ce que cette revue devrait ajouter à sa propre façon de comprendre la vie sociale : « L’Année sociologique, dit-il, doit marquer une orientation. Au fond, cette importance sociologique du phénomène religieux est l’aboutissement de tout ce que j’ai fait » (ibid., p. 91). Tout porte à croire que ces attentes ne devaient pas rester dans l’intimité de ces deux hommes. Dans la « Préface » du deuxième tome de L’Année, Durkheim les répète en employant cette fois un vocabulaire plus précis :

5

En tête de ces analyses, on trouvera, cette année comme l’an dernier, celles qui concernent la sociologie religieuse. On s’est étonné de l’espèce de primauté que nous avons ainsi accordée à cette sorte de phénomènes ; mais c’est qu’ils sont le germe dont tous les autres – ou, tout au moins, presque tous les autres – sont dérivés. La religion contient en elle, dès le principe, mais à l’état confus, tous les éléments qui, en se dissociant, en se déterminant, en se combinant de mille manières avec eux-mêmes, ont donné naissance aux diverses manifestations de la vie collective (Durkheim, 1899a : IV).

6En lançant L’Année, Durkheim espérait de plus réaliser une double avancée : rejoindre les anthropologues dans leur dialogue sur le totémisme et, en même temps, se différencier de leur empirisme traditionnel en consolidant les termes d’analyse sociologique du phénomène religieux.

7Or, dans le présent article, l’analyse des « Mémoires originaux » relatifs à la sociologie religieuse et contenus dans la première partie de L’Année nous servira de guide afin de révéler cette prise de position durkheimienne. En tant que penseur d’envergure, Durkheim ne bâtit pas ses analyses sur du vide. Celles-ci sont au contraire le fruit des débats scientifiques qu’il mène avec tous ceux qu’il choisit comme interlocuteurs privilégiés.

8Si les « Mémoires originaux » font apparaître la stratégie durkheimienne dans la constitution de la sociologie religieuse, les rubriques de la « Section 2 » de L’Année nous fournissent des renseignements sur sa réalisation. Ainsi, la seconde partie de cet article s’appuie sur les rubriques recensant les livres mobilisés pour la formation de la problématique durkheimienne sur la religion.

Les « Mémoires originaux » : la stratégie durkheimienne mise en place

9Commençons par une remarque sur les contributions à L’Année qui font partie des « Mémoires originaux » : il est plus qu’évident qu’ils donnaient le ton à l’ensemble de la revue. Il est d’ailleurs significatif que des vingt-deux « Mémoires originaux » contenus dans la Première série de la revue, dix sont intégrés, directement ou indirectement, à la Sociologie religieuse. Quant à la Deuxième série de la revue, deux sur cinq des « Mémoires originaux » ont pour objet l’étude sociologique de la religion.

10Consacré à l’explication de l’inceste, le premier « Mémoire original » porte la signature de Durkheim (1898b) et, malgré la critique dont il pourrait faire l’objet [2], il lui permet d’atteindre son objectif, à savoir de traiter une question qui animait à cette époque le débat anthropologique. Il est vrai que son explication du phénomène par la représentation mystique du sang peut s’avouer problématique. Et, pourtant, cela ne l’a pas empêché de devenir, comme interlocuteur, l’égal des anthropologues.

11Dans le titre du deuxième « Mémoire » [3], Durkheim rend explicite son intention de définir les phénomènes religieux (Durkheim, 1899b). Si, jusqu’à ce moment-là, il considérait la recherche anthropologique comme précieuse du fait qu’elle lui fournissait la documentation indispensable sur ce sujet [4], il lui restait encore des pas à faire avant d’établir les règles d’une approche sociologique du phénomène en question. Allant au-delà de l’idée de dieu, Durkheim définit la religion comme le fondement des idées et des pratiques sociales [5]. Cette fois, ses analyses passent par les recherches des indologues sur le bouddhisme, cette « religion sans dieu » (ibid., p. 11). Bien entendu, dans ce « Mémoire », la critique envers l’empirisme anthropologique n’est pas encore lancée. On le sait, elle atteindra son point culminant dès la première page du premier chapitre des Formes élémentaires[6]. Et pourtant, vouloir définir les phénomènes religieux implique déjà de s’écarter des tendances empiristes des anthropologues. L’usage des données puisées dans le Golden Bough de James George Frazer suit cette orientation [7].

12Un autre « Mémoire » d’importance théorique majeure fait partie de ce même deuxième tome de L’Année. Il s’agit du fruit de la recherche sur le sacrifice qu’Henri Hubert et Marcel Mauss avaient commencée avant que ne paraisse le premier tome de la revue (Hubert & Mauss, 1899). Ainsi, il ressort de la correspondance entre Mauss et Durkheim que ce dernier leur a proposé d’affiner leur analyse et de rendre plus clairs les points qui diffèrent de l’interprétation du sacrifice proposée Frazer :

13

Hubert m’a envoyé votre plan, qui, dans son ensemble, m’a paru très savoureux. Il y a pourtant un point où je ne vois pas clair. L’idée générale, si je ne me trompe pas, est bien la suivante. Il y a, outre la communion sacrificielle, un sacrifice expiatoire. Mais l’un et l’autre ne sont pas des entités distinctes, mais des aspects différents, et, plus tard, des développements différents, d’un même phénomène initiatique les contenant les deux. C’est la consécration ou sacrifice. Jusque-là, je vois clairement la marche de la théorie et je t’ai dit que j’étais arrivé au même résultat de mon côté. Voici où je vois moins bien. La fonction de consécration serait l’entretien, le renouvellement perpétuel de la vie sous toutes ses formes. Mais, 1/comment la consécration, sous sa forme expiatoire, produit-elle ce résultat ? Ceci m’échappe. Dans le fait de mettre à mort le violateur d’un tabou qu’y-a-t-il qui soit de nature à assurer le renouvellement de l’énergie vitale ? 2/Là où le sacrifice a incontestablement cette fonction, n’est-ce pas sous la forme de communion avec Dieu, et par elle seulement, que se renouvelle la vie ? À quelle autre source pourrait-elle s’alimenter ? En d’autres termes, je crains que vous ne vous éloigniez de Frazer pour y revenir ; la fonction que vous assignez aussi au sacrifice en général ne s’appliquant pas à toutes les variétés du sacrifice, et ne le réalisant que sous la modalité dont Frazer a fait tout le sacrifice. Comme cela me tracasse, je voudrais que tu m’écrives le plus tôt possible (Durkheim, 1998 : 97-98) [8].

14Bien que le projet dont parle Durkheim ne soit pas connu, on peut supposer que ses suggestions ont été acceptées. Leur but, répétons-le, est de rendre visible la ligne distinctive qui sépare les catégories analytiques de la sociologie de celles qui ont été forgées par Robertson Smith et James George Frazer. La société est ainsi insérée, en tant que concept fondamental, dans l’explication des phénomènes, en particulier religieux, tels que le sacrifice. Dans leurs conclusions, Hubert et Mauss soulignent la distinction entre le sacré et le profane, tout en favorisant la différenciation prévue par Durkheim quant à l’idée de la religion selon Frazer : « La fonction du sacrifice […] est une fonction sociale parce que le sacrifice se rapporte à des choses sociales » (Hubert & Mauss, 1899 : 137) [9].

15Il faut ajouter ici que la publication du deuxième tome de L’Année coïncide avec une rupture dans la pensée de Durkheim, due à la parution du premier ouvrage de Spencer et Gillen, The Native Tribes of Central Australia (Spencer & Gillen, 1899). En juin 1899, il écrit à son neveu : « Je travaille pour l’instant sur un ouvrage considérable sur les tribus de l’Australie centrale » (Durkheim, 1998 : 223) [10]. La documentation anthropologique, nécessaire à la promotion de la sociologie de la religion, commence à occuper une place importante dans son temps de recherche. La même année, Frazer modifie sa théorie du totémisme en valorisant les nouvelles données fournies par Spencer et Gillen [11]. Il suffit de lire la recension que Mauss (1900b) a consacrée à deux articles de Frazer et aussi les remarques qu’y apporte Durkheim (1998 : 241-242, lettre datée de janvier 1900) pour constater comment cette nouvelle position de l’anthropologue écossais a pesé dans leur pensée.

16Dans un premier temps, Durkheim hésitait à affronter directement Frazer, Spencer et Gillen, car cela exigeait de sa part une avancée dans des champs scientifiques encore peu explorés. D’ailleurs, le fardeau qui lui incombait pour mener à bien la coordination, les corrections et la supervision de L’Année le mettait à l’épreuve. Alors que le cinquième tome de la revue était déjà engagé, il écrivait à Mauss, au mois de mars 1901 : « Je ne songeais guère à faire un grand article sur le totémisme. Je recule même devant la discussion de Spencer et Gillen. Je suis vraiment à bout » (ibid., p. 279). Rapidement, il se ressaisit. Ainsi, peu de temps après, il annonce à son neveu que l’article sur le totémisme est presque prêt.

17

Mon mémoire sur les Aruntas est virtuellement prêt. Je suis content de ce que j’ai trouvé. Ma théorie des classes australiennes semble bien confirmée par tout ce que j’ai vu. C’est la première fois depuis longtemps que j’ai fait quelque chose avec plaisir. Frazer est détestable (ibid., p. 282).

18Durkheim était sûr de ses thèses : « La théorie de Frazer ne tient pas debout » (ibid., p. 286). Il ajoute même par la suite de nouvelles données : « Mon travail sur Spencer et Gillen s’est allongé ! » (ibid., p. 288).

19L’article sur le totémisme, publié en 1902 dans le cinquième tome, en tant qu’unique « Mémoire original » (Durkheim, 1902), est un carrefour pour le parcours ultérieur de Durkheim. Bien qu'il ne comporte pas d'hypothèses théoriques avancées, ce texte fera pourtant date au sein de la sociologie religieuse durkheimienne [12], puisque le totémisme, et les débats correspondants, se trouvent, à présent, à l’ordre du jour. L’objectif de l’article est clair : il tente de renverser les nouvelles thèses de Frazer sur le totémisme australien [13]. Outre la riche documentation puisée dans Spencer et Gillen, Durkheim forge une autre conception de la science, distincte de l’empirisme anthropologique de Frazer :

20

Il est une règle de méthode qu’il est nécessaire de rappeler au début de cette étude […] quand une proposition a pour elle l’autorité d’une expérience aussi étendue, il est contraire à toute méthode d’y renoncer trop facilement, sur la simple découverte d’un fait qui paraît la contredire (ibid., p. 88 sq.) [14].

21Dans le même volume de la revue, Durkheim a confié à Mauss le compte-rendu de la deuxième édition de The Golden Bough (Mauss, 1902) [15]. Ainsi, le changement de position de Frazer, qui met l’accent sur la priorité, temporelle et logique, de la magie par rapport à la religion, fait aussi l’objet d’une critique de la part de Mauss. Annonçant qu’il reviendra avec un texte plus étendu sur la question de la magie – il sera publié dans L’Année deux ans plus tard – Mauss enrichit en quelque sorte l’argument de Durkheim :

22

Il est cependant une objection des plus graves que nous devons signaler tout de suite. Il est tout à fait inexact que nous trouvions chez les Aruntas un stade purement magique des rites. Partout nous trouvons chez eux des choses sacrées, interdites, « religieuses » sur lesquelles portent les rites. M. Frazer n’est arrivé, croyons-nous, à sa théorie de la magie, que par suite d’une définition insuffisante des phénomènes religieux (Mauss, 1902 : 213) [16].

23Lors de la préparation du volume suivant de L’Année, Durkheim prend la décision de signer avec son neveu un Mémoire portant sur les classifications primitives des choses (Durkheim & Mauss, 1903) [17]. Son but est de mieux travailler le concept des représentations collectives pour montrer qu’elles ne constituent pas une forme autonome du symbolique, mais qu’elles sont inextricablement liées à l’organisation sociale. La méthode génétique exigeait de porter un regard rétrospectif sur l’histoire des systèmes sociaux primitifs. Mauss y contribua en fournissant les données nécessaires. Bien que ce Mémoire fasse partie des textes essentiels de la sociologie durkheimienne de la connaissance, il n’en contient pas moins l’idée fondamentale selon laquelle le clan se constitue au moyen des symboles religieux qui unifient le monde social et le monde naturel [18].

24Néanmoins, aussi utile que soit le concept des représentations collectives pour Durkheim, son objectif principal était de mettre en avant la priorité de la religion sur la magie. Déjà, dès le début de 1902, avant même la publication du cinquième tome de L’Année, il s’adresse à Mauss et à Hubert pour les inciter à se lancer dans la rédaction de l’article (Durkheim, 1998 : 311 sq., 318). L’Esquisse générale d’une théorie de la magie paraîtra finalement dans le septième volume de la revue, en 1904 (Hubert & Mauss, 1904a). D’abord, Durkheim souscrit à la thèse suivant laquelle les pouvoirs religieux et magiques ne sont pas radicalement séparés dans la pratique sociale. En d’autres termes, cela signifiait que la magie et la religion tiennent, par définition, de la société, et qu’elles sont également des phénomènes sociaux. De plus, Durkheim regardait, non moins qu’eux, les pratiques magiques comme des formes d’une action sociale individualisée qui sont issues de la collectivité, voire de la religion. Enfin, les recherches menées par Hubert et Mauss lui fournissaient la documentation nécessaire afin de mieux développer son idée d’un pouvoir social impersonnel, tel qu’il l’a analysé dans les Formes élémentaires, sur la base de la notion de mana (Durkheim, 2015 : 276 sqq.) [19].

25En 1904, Spencer et Gillen ont publié leur deuxième ouvrage, The Northern Tribes of Central Australia. Durkheim se sent obligé de répondre (Durkheim, 1905) non seulement parce que les deux anthropologues avaient exercé une critique à son égard (Spencer & Gillen, 1904 : 121, note 1) mais surtout parce qu’ils avaient observé dans certaines tribus de l’Australie un système à huit classes matrimoniales. De cette observation, on aurait pu tirer la conclusion que l’organisation sociale australienne avait des origines diverses. Or de telles conclusions n’étaient pas compatibles avec la thèse de Durkheim qui affirmait la primauté d’un système utérin dans la reproduction sociale. Dans son analyse, le sociologue français soutient qu’au lieu des quatre systèmes de reproduction supposés exister en Australie, selon Spencer et Gillen, nous avons essentiellement un système unifié qui ne se différencie que par le moment historique où le système patrilinéaire succède au système utérin.

26Au cours des années suivantes, Durkheim ne rédige aucun autre article pour L’Année. Il enrichit sa culture anthropologique [20] et prépare les Formes élémentaires. Toutefois, jusqu’en 1913, année où est publié le douzième et dernier volume de L’Année, sont présentés trois autres « Mémoires originaux » qui s’intègrent, ne serait-ce que partiellement, à la sociologie de la religion. En 1906, Mauss et son ami Beuchat (1906 : 93) publient un article bien documenté soulignant que les deux saisons qui marquent la vie quotidienne des Eskimos sont « la concentration de l’hiver et la dispersion de l’été ». Ces deux formes opposées de la vie et du rythme social ont pour effet que :

27

La religion des Eskimos passe par le même rythme que leur organisation. Il y a, pour ainsi dire, une religion d’été et une religion d’hiver, ou plutôt il n’y a pas religion d’été […] Au contraire, l’établissement d’hiver vit, pour ainsi dire, dans un état d’exaltation religieuse (ibid., p. 96 sq.).

28À l’aide de cette expérience des Eskimos, Durkheim cimente sa thèse, développée in extenso dans Les Formes élémentaires, suivant laquelle la vie sociale des tribus australiennes est également divisée en deux périodes ; la période des grandes fêtes religieuses qui favorisent la concentration sociale et la période de la vie quotidienne, caractérisée par la dispersion sociale. Par ce schéma bipolaire, Durkheim arrive à confirmer son explication fondamentale de la naissance des représentations religieuses, à savoir la naissance de la religion [21].

29À la suite de la décision de publier la revue tous les trois ans en y incluant exclusivement des comptes-rendus, les deux derniers « Mémoires originaux » ont paru en 1907. Le premier, dont la relation à la sociologie de la religion est indirecte, suit l’esprit de la thèse durkheimienne sur la magie. L’auteur soutient que les pratiques magiques sont liées à des délits privés : « L’intervention magique la plus nettement caractérisée se rencontre dans la matière des délits privés et dans celles des conventions » (Huvelin, 1907 : 38). Le second « Mémoire », signé par Robert Hertz, est un essai très bien documenté qui se fonde sur le concept des représentations collectives pour étudier le phénomène de la mort. Il est plus qu’évident que Hertz s’inscrit pleinement dans la perspective durkheimienne et, à son tour, il fournit à Durkheim les données nécessaires pour étudier les cérémonies du deuil [22].

30La sociologie de la religion continue d’occuper une place tout aussi importante dans la revue lorsque Mauss s’engage à en prendre la direction. Son travail sur le don, publié dans le premier volume de la Deuxième série, est certainement l’un des plus importants de son œuvre. Mauss demeure fidèle à la tradition durkheimienne tout en prenant des distances. La notion introduite de « faits sociaux totaux » [23] met en évidence l’échange symbolique comme pratique fondamentale du lien social et met l’accent sur la dimension politique que Mauss intègre dans le regard du sociologue, dans le souci de la science :

31

Il est inutile d’aller chercher bien loin quel est le bien et le bonheur. Il est là, dans la paix imposée, dans le travail bien rythmé, en commun et solitaire alternativement, dans la richesse amassée puis redistribuée, dans le respect mutuel et la générosité réciproque que l’éducation enseigne (Mauss, 1925a : 185 sq.) [24].

32Le deuxième article, inclus dans le second volume de la revue, porte sur les échanges rituels en Afrique du Nord et s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de Mauss. En fait il s’agit d’une véritable tentative d’appliquer ses idées [25].

La Section 2 de L’Année : les charges confiées à Mauss

33Dans la Première série de L’Année, la Sociologie religieuse, l’une des sept sections de la revue (il y en avait seulement six dans le premier tome), suit la Sociologie générale [26]. Mauss et Hubert sont chargés de la section. Hertz les rejoint à partir de 1905. Cependant, c’est Mauss qui, en dehors de la codirection de la section, assume la tâche d’y contribuer par la plupart des comptes-rendus. Il s’agit d’un travail non seulement pesant mais aussi précieux dans la mesure où il a alimenté la rédaction des Formes élémentaires[27].

34Des « protagonistes » de la Section 2, passons à sa structure. Comme le suggère Durkheim à Mauss en 1897, le contenu de la section devait chaque fois se décider suivant la disponibilité des sources à recenser. Par ailleurs, il lui indique une première répartition des comptes-rendus aux rubriques suivantes :

35

Généralités, Le sacrifice, Le culte négatif, La prière, Les mythes, Les rites funéraires – Le culte domestique, Ouvrages d’ensemble sur les cultes primitifs, Ouvrages d’ensemble sur les croyances primitives. Lettre datée de juin 1897 (Durkheim, 1998 : 69).

36Cette première répartition correspond à peine à la structure qu’allait prendre, au fil du temps, la Section 2. Elle est pourtant instructive au moins sur un point : elle met en avant, et cela dès le premier instant, l’intérêt pour l’étude des sociétés primitives et l’intention d’approfondir les cérémonies, le culte, les mythes. Pour des raisons de clarté, notons que Mauss a suivi dans la Deuxième série de la revue, quant à la structure, le modèle des deux derniers tomes de la Première série [28].

37Les raisons des modifications dans la structure de la Section 2 et celles du changement des appellations des rubriques n’ont toujours pas été expliquées. La seule fois que Mauss et Hubert tentent de justifier leurs interventions et de faire connaître les causes qui les y ont menés a lieu en 1902, année de la parution du cinquième tome de la revue. Dans leur importante notice introductive à la Section 2, ils soutiennent que les livres recensés devraient idéalement être répartis dans les quatre rubriques suivantes :

38

1o Représentations religieuses ; on y rangerait les notions qui dominent la vie religieuse et celles qui s’y élaborent, les croyances, les mythes et les dogmes. 2o Pratiques religieuses ; à savoir les modes d’action et les règles de conduite déterminées par les notions ou les croyances étudiées préalablement ; les diverses sortes de rites manuels ou verbaux et les conditions de leur accomplissement. La distinction de ces deux premières rubriques correspondrait à la classification usuelle des faits en mouvement et en représentation. 3o Organisation religieuse ; ou régime des groupements constitués dans lesquels fonctionnent les notions ou les pratiques examinées dans les chapitres précédents (hiérarchie, églises, ordres de religieux, sociétés secrètes, etc.) ; on côtoierait ici la morphologie et le droit et l’on rencontrerait des interférences de phénomènes qui relèvent de la sociologie générale, car les sociétés religieuses n’échappent ni aux conditions de la vie normale des sociétés, ni à la concurrence des autres forces sociales. 4o Systèmes religieux ; on s’occuperait dans cette section des groupes naturels de faits appartenant aux trois catégories précédentes, à savoir des religions particulières ou des ensembles de religions présentant des traits essentiels communs (totémisme, polythéisme, etc.) et l’on s’efforcerait de déterminer la caractéristique générale des unes et des autres (Hubert & Mauss, 1902 : 189 sq.).

39Toutefois, les directeurs de la Section 2 regrettent de ne pas pouvoir adopter leur répartition idéale : « Les faits et les livres, disent-ils, ne se prêtent pas encore à la simplicité de cette classification » (ibid., p. 190). Cette phrase justifie peut-être une série de changements déjà effectués l’année précédente. C’est par exemple le cas pour le nouveau titre de la rubrique II : « Formes élémentaires de la vie religieuse ». Il en est de même pour les changements des années antérieures : une rubrique distincte prend le nom de « Magie », une autre est consacrée aux croyances et aux pratiques concernant les morts et une nouvelle unité, « Contes », s’ajoute à la rubrique des « Représentations religieuses » (ibid.)

40De ce qui précède, on pourrait légitimement relever quelles sont les rubriques les plus significatives pour la documentation de la sociologie religieuse durkheimienne. Tout d’abord, les deux premières rubriques nommées « Idéaux » font partie de la Section 2. La première à partir de 1901 et la deuxième, cachée sous l’appellation de « Rituel », à partir de 1898. Par ailleurs, ces deux rubriques renvoient directement aux titres des deuxième et troisième livres des Formes élémentaires : croyances élémentaires et principales attitudes rituelles. Le nom de la quatrième rubrique intitulée « Idéal » (Systèmes religieux) correspond exactement au nom donné à la rubrique II à partir 1905.

41À ces trois rubriques, on doit en ajouter une quatrième : la « Magie ». Au fil du temps, elle constitua le champ de controverse entre Durkheim et Frazer. Quant à la troisième rubrique nommée « Idéal » (L’organisation religieuse), on doit remarquer que sur un plan général elle joue un certain rôle dans la sociologie religieuse. Pourtant, nous n’allons pas nous en occuper parce que, dans les rubriques de la Section 2 consacrées à l’organisation religieuse, nous n’avons trouvé aucun livre qui allait servir à Durkheim comme source de documentation pour ses analyses sur les Formes élémentaires[29].

Rubrique II « Religions primitives en général »

42L’histoire de la deuxième rubrique est d’un intérêt particulier pour nous [30]. Et cela parce que dans ses colonnes se regroupent la plupart des recensions des œuvres qui fournissent à Durkheim la documentation dont il avait besoin pour les Formes élémentaires[31]. De ce point de vue, il n’est pas étonnant que les modifications apportées à son titre et à sa structure nous informent sur l’évolution de la problématique durkheimienne si l’on met parallèlement en avant les apports de Mauss, de Hubert et par la suite de Hertz.

43« Religions primitives en général » est le titre que porte la rubrique pendant les deux premières années de la revue. À partir de 1900, la rubrique connaît les premières modifications importantes : elle s’articule autour des « Phénomènes religieux élémentaires » ; son ancien titre est donné à sa première unité ; deux autres nouvelles unités, la « Magie » et les « Superstitions populaires » s’y ajoutent alors qu’en 1899 elles composaient une rubrique distincte [32].

44En 1902, et l’année suivante, le titre de la rubrique change et devient exactement identique à celui du magnum opus de Durkheim : « Formes élémentaires de la vie religieuse » [33].

45De 1904 à 1907, le titre de la rubrique est changé de nouveau en « Systèmes religieux ». Dans leur notice introductive à la rubrique, Mauss et Hubert s’expliquent sur les deux raisons de ce changement. La première, et la plus formelle, consiste en leur idée d’adapter la structure de cette rubrique à celle des autres sections qui étaient consacrées à l’étude systématique d’un aspect de la vie sociale (cf. systèmes économiques, systèmes juridiques). La seconde, et certes la plus significative, renvoie à leur double intention de considérer comme également instructives les formes primitives et modernes de la religion et, ainsi, d’intégrer au champ sociologique les recherches ethnographiques sur les religions primitives :

46

Les systèmes religieux, considérés dans leur ensemble, constituent donc la matière de recherches sociologiques spéciales. Cependant nous avons hésité jusqu’à présent à réunir sous un seul chef les livres qui se prêtent à des pareilles études. La raison en est que les religions dites primitives sont rarement étudiées, quant à leur ensemble, d’une manière systématique, par les ethnographes qui nous les font connaître. Nous avions donc renoncé à les présenter sous cet aspect. Et cependant, elles constituent, elles aussi, des systèmes, et il y a grand intérêt à étudier ces systèmes comme tels, ainsi qu’à ne pas les séparer radicalement des autres, plus développés, qui se sont formés au-dessus de systèmes simples disparus (Hubert & Mauss, 1904b : 217 sq.) [34].

47En 1905, une nouvelle notice introductive est ajoutée à la rubrique. Mauss s’y exprime sur l’importance du totémisme. Il remarque :

48

L’histoire des sociétés ne suit pas un développement unilinéaire. Nombreuses sont les évolutions qui ne s’achèvent pas, nombreux les phénomènes qui disparaissent, nombreuses les soudures qui s’opèrent. Il importe, par suite, de ne pas se hâter de voir dans tout culte rendu à une espèce animale ou végétale un reste du totémisme (Mauss, 1905a : 238) [35].

49Cet extrait anticipe la remarque que Durkheim allait intégrer dans les Formes élémentaires pour consolider sa thèse suivant laquelle le totémisme ne constitue pas une étape inévitable dans l’évolution de toutes les sociétés (Durkheim, 2015 : 151, note 1).

50De ce qui précède, nous pouvons légitimement supposer que les modifications de la rubrique pendant les années 1902-1905 montrent à quel point Durkheim avait progressé dans ses recherches sur la religion. Plus exactement, l’usage ou l’éclaircissement des termes tels que « Système », « Totémisme » ou « Formes élémentaires » est la preuve du fait que, depuis cette époque-là, il était en train de forger une terminologie propre.

51Au cours des années 1906-1907, la rubrique II demeure inchangée. Dans l’avant-dernier tome de la revue (1910), son titre subit encore un changement. L’impact des Formes élémentaires – rappelons que, à cette époque-là, Durkheim était en train de les rédiger – y est perceptible. Ainsi, en 1910, le titre devient « Systèmes religieux des sociétés inférieures ». Les unités qui composent la rubrique sont au nombre de trois : « A. Le système totémique » – ce titre renvoie directement au sous-titre des Formes élémentaires – « B. Systèmes religieux à totémisme évolué » et « C. Systèmes religieux tribaux ». Ces trois unités correspondent à la classification des faits religieux dans des catégories suggérées par Durkheim et affichent sa logique évolutionniste. Ainsi, l’unité B renvoie aux analyses de Durkheim sur l’évolution des systèmes totémiques. Ces derniers, de leur phase première de culte impersonnel, passent au culte des « Grands Dieux » [36]. Quant à l’unité C, elle implique que la religion, dans une phase ultérieure de son évolution, déborde les limites de la société clanique. En 1913, dans le dernier tome de la Première série de L’Année, une nouvelle unité s’ajoute. Son titre, « Systèmes religieux primitifs décomposés », a aussi une forte connotation évolutionniste. À partir de 1913, et dans la Deuxième série de la revue, ces quatre unités et le titre de la rubrique II restent quasiment les mêmes [37].

52À cet égard, il convient de noter qu’en 1910, pour la première fois dans la petite histoire de la revue, Durkheim lui-même appose son nom à côté de celui de son neveu dans la Section 2 de L’Année. Durkheim et Mauss cosignent en tant que responsables de la première sous-unité. Il ne pouvait en être autrement, puisque les trois comptes-rendus qu’elle contient concernent le totémisme australien, notamment quant aux livres, dont deux sont des éléments essentiels de la documentation des Formes élémentaires[38].

Rubrique III « La Magie »

53Les trois premières années de la revue constituent une période pendant laquelle toutes ses rubriques sont en train de se former. En 1899, deuxième année de parution de la revue, la rubrique prend le nom de « Magie, sorcellerie et superstitions populaires », alors que dans L’Année suivante le terme de « sorcellerie » est supprimé et les termes « magie » et « superstitions populaires » sont intégrés comme titres des sous-unités à la rubrique « Phénomènes religieux élémentaires ». Dans les Années qui suivent, la rubrique change de place dans la Section mais elle ne connaît aucune modification de son contenu (Tableau 2).

54Notons que, en 1898, on ne trouve aucune trace de la rubrique dans L’Année. Ce serait une erreur de notre part de considérer cette absence comme une coïncidence ou comme une simple omission. Et cela parce que l’intérêt de Durkheim pour l’étude de la magie ne se manifeste qu’après 1899.

55Dans les pages de cette rubrique a été reproduite l’opposition de Durkheim à Frazer sur le rapport entre la religion et la magie. Mauss, dans son compte-rendu d’un article de Frazer sur certaines tribus de l’Australie centrale, ne manque de noter :

56

Il nous semble qu’il y a dans toute la théorie de M. Frazer sur ces faits, un malentendu de principe. Il définit magiques des cérémonies qui « ne comportent pas appel à une divinité par le moyen de prière et de sacrifice, et qui sont supposées produire l’effet désiré sans l’intervention d’aucun pouvoir spirituel supérieur ». En somme, la magie, c’est l’absence de religion, et la religion c’est le sacrifice et la prière. Libre à M. Frazer d’admettre cette définition, mais il ne prouve pas qu’elle soit fondée dans les choses (Mauss, 1903 : 191).

Rubrique VI « Le rituel »

57Cette rubrique demeure inchangée dans les deux séries de L’Année. Certes, cela n’est pas seulement dû au fait que l’intérêt ethnographique soit tourné vers les cérémonies primitives. On le sait, Durkheim, dès le début de sa carrière, considère le culte et ses rites comme des composantes fondamentales des religions [39]. Cela est bien indiqué par Hubert dans la courte introduction à la rubrique :

58

Un acte religieux est une unité compréhensive, une synthèse d’éléments divers qui s’analysent à la longue. Tout d’abord, en tant que rite, il implique, par définition, la collaboration de toute la société dans laquelle il se passe ; le rite porte en soi la notion de son efficacité et la raison de son observance. En second lieu, tout acte religieux met en branle les choses sacrées. C’est pour cette raison que, quelle [que] soit sa spécialisation, son retentissement doit être universel (Hubert, 1902a : 247).

59Les sous-titres de la rubrique ne restent pas identiques au fil du temps. Leur changement est imposé par le contenu des livres recensés. Il est peut-être nécessaire de signaler que la sous-unité « Objets et lieux de culte », qui y figure sporadiquement jusqu’en 1907 et aussi dans les deux tomes de la Deuxième série, devient en 1905, 1910 et 1913 une rubrique distincte. Ni le nombre, ni le contenu des livres à recenser ne saurait expliquer pourquoi cette nouvelle sous-rubrique devait occuper une place à part dans la structure de la Section 2.

60Mais, dans les pages de cette rubrique sont passés en revue quelques textes anthropologiques importants dont Durkheim avait besoin pour sa documentation. Ainsi, en 1906, Mauss fait la recension d’une série d’articles de Konrad Preuss (Mauss, 1906b) dont Durkheim se servira d’une manière exemplaire dans les Formes élémentaires (Durkheim, 2015 : 293). À plusieurs reprises, il approuvera le bon travail effectué par l’ethnographe allemand (ibid., p. 327, 374 et surtout p. 433 sq., 447).

Rubrique VII « Les représentations religieuses »

61On le sait, Durkheim avait, au moins dès 1898, introduit les « représentations sociales » comme un concept pivotal de ses analyses (Durkheim, 1898a). Néanmoins, dans les trois premiers tomes de la revue, ce sont d’autres termes qu’il utilise pour nommer la rubrique dont l’objet est les idées religieuses, à savoir les mythes, les traditions et les croyances populaires. Ce n’est qu’à partir de 1901, et malgré le changement des unités qui la composent, que la rubrique consacrée aux « Représentations religieuses » se transforme en noyau principal de la Section 2. Dans la Deuxième série de L’Année les choses ne changeront point.

62Hubert, dans une courte introduction à la rubrique et dans le cadre du remaniement de sa structure en 1902, mettait au point quelques éléments essentiels du concept de représentations religieuses :

63

Il s’agit de savoir ce que le fait d’entrer dans un système dit religieux ajoute à la notion des êtres, des phénomènes, des choses, de noter ce que les concepts primordiaux, les représentations traditionnelles, le sens des relations qui unissent les parties (nous parlons à la fois des hommes et du monde), ajoutent aux données immédiates de l’observation individuelle (Hubert, 1902b : 269).

64Aussi, Mauss et Hubert procèderont à des recensions des textes que Durkheim utilisera dans Les Formes élémentaires plus d’une fois. Nous nous référons surtout au travail de l’archéologue italien Augusto Negrioli (Hubert, 1902c), à l’article d’Alfred W. Howitt et O. Siebert sur la tribu australienne des Dieri (Mauss, 1906a), mais aussi à l’essai de Hubert sur la représentation du temps et de l’espace dans la religion et dans la magie (Mauss, 1907; Durkheim, 2015 : 48, 89, 386 sq., 406, 457).

Quelques pensées en conclusion

65Dans ce qui précède, il est montré que L’Année est un des piliers centraux de la sociologie durkheimienne. Non seulement la sociologie de la religion s’y affirme comme une discipline nécessaire à l’explication des phénomènes sociaux, mais, là encore, s’y affiche clairement la stratégie durkheimienne de constitution de la sociologie et, pour ce qui nous intéresse ici, de la sociologie de la religion.

66Un coup d’œil sur le tableau 1 est suffisant pour nous en faire comprendre les enjeux majeurs.

Tableau 1. – Mémoires originaux dans L’Année sociologique : stratégie et conceptualisation durkheimienne

Mémoires originauxConceptualisation durkheimienne
1898Durkheim, « La prohibition de l’inceste et ses origines »Durkheim et l’anthropologieL’exogamie religieuse et le totémismeLe sacré et le profane (1)
1899Durkheim, « De la définition des phénomènes religieux »Durkheim : La science de la sociologie et l’anthropologieLa définition provisoire de l’objet scientifiqueLe sacré et le profane (2)
1899Hubert & Mauss, « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice »Durkheim critique de Robertson Smith et de FrazerLa SociétéLe sacré et le profane (3)
1902Durkheim, « Sur le totémisme »Le totémisme de Durkheim et le totémisme de FrazerL’explication sociologique de la reproduction sociale et le couple magie/religion (1)
1903Durkheim & Mauss, « De quelques formes primitives de classification.Contribution à l’étude des représentations collectives »La sociologie de la connaissance et la sociologie religieuseSociété et représentations collectives (1)
1904Hubert & Mauss, « Esquisse d’une théorie générale de la magie »Affrontement de Durkheim et FrazerSociété/Individu et le couple magie/religion (2)
1905Durkheim, « Sur l’organisation matrimoniale des sociétés australiennes »Durkheim versus Spencer et Gillen et à l’arrière-plan FrazerL’explication sociologique des classes matrimoniales
1906Mauss & Beuchat, « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimo. Étude de morphologie sociale »Société profane et société religieuse, voire sacréeL’effervescence sociale et la genèse de la religion
1907Huvelin, « Magie et droit individuel »Droit et ReligionSociété/Individu et le couple magie/religion (3)
1907Hertz, « Contribution à une étude sur la représentation collective de la mort »Durkheim et les cérémonies du deuilSociété et représentations collectives (2)
1925Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques »Mauss et Durkheim en opposition partielleL’échange symbolique et les faits sociaux totauxLe politique dans la science de la Sociologie

Tableau 1. – Mémoires originaux dans L’Année sociologique : stratégie et conceptualisation durkheimienne

Note : les numéros entre parenthèses renvoient à la phase d’élaboration des concepts.

67Si les « Mémoires originaux » font apparaître la stratégie durkheimienne de constitution de la sociologie religieuse, les rubriques choisies de la « Section 2 » nous fournissent des renseignements sur sa mise en œuvre. Cette remarque n’est pas en elle-même suffisante pour nous indiquer que les changements opérés dans le contenu de ces rubriques reflètent l’évolution de la pensée des « protagonistes » de la Section sur la sociologie de la religion. C’est pourquoi nous prenons ci-dessous le soin de présenter un tableau où s’affichent les rubriques qui révèlent comment se déploie la stratégie d’élaboration de la sociologie religieuse durkheimienne.

Tableau 2. – L’Année sociologique, Section 2 : « Sociologie religieuse » : rubriques significatives de la stratégie durkheimienne

Rubrique II Rubrique III Rubrique VI Rubrique VII
1898-1899 : Religions primitives1899 : Magie, sorcellerie et superstitions populaires1898, 1900 : Le rituel1898 : Mythes
1900-1901 : Phénomènes religieux élémentaires1900 : Phénomènes religieux élémentaires
A. Religions primitives en général
B. Magie
C. Superstitions populaires
1899 : Le rituel (sacrifices, prières, mystères, etc.)1899 : Mythes, légendes, croyances populaires
1902-1903 : Formes élémentaires de la vie religieuse1901-1913, 1925-1927 : La Magie1901 : Le rituelA. Cérémonies. Rites manuels
B. Rites verbaux (la prière, le charme)
C. Les fêtes ; le calendrier religieux
1900 : Traditions et croyancesA. Mythes
B. Légendes et contes
C. Dogmes
1904-1907 : Systèmes religieux
A. Religions des sociétés inférieures
1902 : Le rituel
A. Le calendrier, l’année liturgique
B. Cérémonies complètes, rites manuels
C. Lieux de culte
1901 : Représentations religieuses
A. La conception des dieux et des autres êtres religieux (1. Les dieux ; 2. Les saints ; 3. Les démons)
B. Mythes, légendes, contes
C. Dogmes
1907-1913 : Systèmes religieux des sociétés inférieuresA. Le système totémique 1903-1913, 1925-1927 : Le rituel
A. Le calendrier religieux, les fêtes
B. Cérémonies complètes, rites manuels
C. Rites oraux
D. Objets et lieux de culte
1902-1913, 1925-1927 : Représentations religieuses
A. Représentations religieuses d’êtres ou de phénomènes naturels
B. Représentations des êtres religieux (esprits, dieux, saints, démons)
C. Les mythes
D. Les contes
E. Les dogmes

Tableau 2. – L’Année sociologique, Section 2 : « Sociologie religieuse » : rubriques significatives de la stratégie durkheimienne

68Une dernière remarque : notre article ne prétend pas à l’exhaustivité. Notre intention était plutôt d’esquisser les grandes lignes d’une approche qui permettrait, à l’avenir, une recherche plus approfondie tant sur les données contenues dans L’Année que sur les orientations de Durkheim, de Mauss et de leurs collaborateurs, lors de la constitution de la sociologie durkheimienne de la religion.

Bibliographie

Références bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : Durkheim, Sociologie religieuse, Mauss, Totémisme, Frazer

Date de mise en ligne : 18/04/2019.

https://doi.org/10.3917/anso.191.0077

Notes

  • [1]
    Le titre de cet article emprunte une expression de Philippe Besnard (1998 : 20).
  • [2]
    Voir sur cette question l’analyse et la critique d'Alain Testart (1998 : 166-174).
  • [3]
    À noter que ce « Mémoire », a constitué une première version du premier chapitre du premier livre des Formes élémentaires. Pour une présentation plus systématique des similitudes et des différences entre ces deux textes, voir Achimastos (2015 : 16-20).
  • [4]
    Nous ne devons pas oublier que l’évolutionnisme, ainsi que la méthode génétique qui en résulte, comme il est d’usage de l’appeler, sont une constante de la sociologie durkheimienne. Il était donc logique que l’argumentation se concentre, dans le cas précis, sur la recherche anthropologique.
  • [5]
    Si Durkheim avait exprimé ailleurs cette idée, c’est la première fois qu’il conceptualise cette distinction.
  • [6]
    La critique s’adresse au représentant par excellence de l’anthropologie sociale de son époque, à savoir J. G. Frazer (Durkheim, 2015 : 63). Voir aussi sur cette question Frederico Rosa (2003 : 3, 35-44).
  • [7]
    Face à l’anthropologie frazérienne, Durkheim adopta une double stratégie. D’un côté, il y trouve une source fiable de documentation ; de l’autre, il se sert de Frazer comme d’un adversaire utile pour se dresser contre l’empirisme anthropologique.
  • [8]
    Durkheim ne s’est pas contenté de ces seules observations. Il a suivi tout le cheminement de la pensée de Hubert et Mauss et, quelques mois plus tard, dans une longue lettre à son neveu, il lui a exposé en détail le projet sur la question qu’il avait en tête, en rappelant : « Mais pourquoi le sacrifice a-t-il lieu dans les banquets où les groupes sont réunis ? N’est-ce pas que c’est la vie du groupe qu’il s’agit d’entretenir ? Et la réunion même fait que le groupe prend davantage le sentiment de lui-même, se sent plus fort, en meilleure santé. L’illusion mystique est ainsi fondée en matière ; le rite n’est mensonge que si on ne considère que la formule. Il est réellement efficace » (Lettre datée du 15 juin 1898 [Durkheim, 1998 : 145]). Voir aussi les lettres envoyées en juin-juillet 1898 (ibid., p. 153-154), juillet 1898 (ibid., p. 157-159, 161-163), le 4 août 1898 (ibid., p. 173-174).
  • [9]
    Le titre est dû à Durkheim. Vers la fin de 1898, dans une lettre à son neveu, il écrit : « J’ai envoyé à Alcan le sommaire de L’Année. J’ai intitulé votre mémoire : « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice ». Si le mot vous parait inutile vous le supprimerez. Mais comme annonce cela ne me paraît pas mal » (Durkheim, 1998 : 181).
  • [10]
    Environ un mois après, il note dans une autre lettre à Mauss : « Je termine le dépouillement de Spencer et Gillen en ce qui me concerne. Cela fera encore un gros morceau pour vous » (Durkheim, 1998 : 226).
  • [11]
    Notons ici que tant la recherche des anthropologues australiens que leur thèse sur le totémisme ont fait l’objet de nombreux débats avec Frazer lui-même, bien des années avant leur publication (Marett & Penniman, 1932). Ce fait n’était certes pas connu de Durkheim à ce moment-là. On trouvera les articles de Frazer (1899a, b) dans les références bibliographiques situées à la fin de notre article.
  • [12]
    On peut voir une remarquable présentation de l’article, très condensée et claire, dans la notice introductive de Jean Duvignaud, au cinquième volume de L’Année (Durkheim, 1969 : 312-313).
  • [13]
    Pour le débat entre Durkheim et Frazer sur la question du totémisme, voir Myron Achimastos (2012).
  • [14]
    Le fait auquel se réfère Durkheim est l’endogamie présumée qui caractérisait la tribu des Aruntas de l’Australie centrale.
  • [15]
    Il convient de noter la relation ambivalente des trois hommes. Durkheim, dans une lettre à son neveu (avril ou mai 1901), lui rappelle : « Frazer se plaint que tu ne lui aies pas écrit à propos du Golden Bough deuxième édition » (Durkheim, 1998 : 282).
  • [16]
    Nous sommes en 1902, mais dix ans plus tard, Durkheim lui-même introduit Les Formes élémentaires en employant exactement le même schéma : « Pour pouvoir rechercher quelle est la religion la plus primitive et la plus simple que nous fasse connaître l’observation, il nous faut tout d’abord définir ce qu’il convient d’entendre par religion […] pour n’avoir pas pris cette précaution, un savant, auquel la science comparée des religions doit pourtant beaucoup, M. Frazer, n’a pas su reconnaître le caractère profondément religieux des croyances et des rites qui seront étudiés plus loin » (Durkheim, 2015 : 63).
  • [17]
    Il s’agit du titre provisoire choisi par lui-même, dans une lettre adressée à son neveu, et datée de février 1902 : « Pourras-tu faire avec moi d’ici au mois d’août environ, un article sur Les Classifications primitives des choses (titre approximatif et provisoire) ? » (Durkheim, 1998 : 318). L’idée de base est lancée à la même époque : « que la hiérarchie logique soit un reflet d’une hiérarchie sociale » (lettre datée de février-mars 1902, ibid., p. 320).
  • [18]
    D’ailleurs, Durkheim, par la suite, maintiendra cette conception puisque cet article constituera le troisième chapitre du premier livre des Formes élémentaires. Pour la comparaison de l’essai avec le chapitre correspondant du magnum opus de Durkheim, voir Myron Achimastos (2015 : 20-23). À noter également que l’essai de Hubert et Mauss sur la magie se termine par les phrases suivantes : « notre travail n’est pas seulement, comme nous le disions au début, un chapitre de sociologie religieuse, mais c’est encore une contribution à l’étude des représentations collectives » (Hubert & Mauss, 1904a : 146).
  • [19]
    Notons les expressions-mêmes de Hubert et Mauss : « La notion de mana est du même ordre que la notion du sacré […] La notion de mana, comme la notion du sacré, n’est en dernière analyse que l’espèce de catégorie de la pensée collective » (Hubert & Mauss, 1904a : 119, 122).
  • [20]
    Il écrit à Mauss vers la fin de 1905 : « Il faut que je voie Schoolcraft […] D’ailleurs tout cela n’est pour moi qu’une occasion de me donner la culture que je rêve depuis longtemps de me donner » (Durkheim, 1998 : 372). Probablement Durkheim se réfère-t-il à l’œuvre en six volumes de H. R. Schoolcraft (1850-1857).
  • [21]
    Il s’agit du concept fameux de l’« effervescence sociale » (Durkheim, 2015 : 314 sq.).
  • [22]
    L’analyse durkheimienne des cérémonies du deuil coïncide avec les thèses de Hertz. Ce dernier écrit : « Quand un homme meurt, la société ne perd pas seulement une unité ; elle est atteinte dans le principe même de sa vie, dans sa foi en elle-même » (Hertz, 1907 : 124). Voir aussi Durkheim (2015 : 540).
  • [23]
    Notre intention n’est pas d’aborder ici les aspects de la réflexion de Mauss. Nous soulignons la dimension politique évidente de son travail, qui, on le sait, l’a souvent impliqué dans des polémiques avec son oncle.
  • [24]
    Voir dans la même ligne d’argumentation Maurice Godelier (1996).
  • [25]
    Il convient de noter que René Maunier, auteur de l’article et contemporain de Durkheim, était collaborateur de la revue concurrente dirigée par René Worms, la Revue internationale de sociologie. Il y avait publié son compte-rendu sur les Formes élémentaires dont nous rappelons les dernières phrases caractéristiques : « Connaître et expliquer les faits, plutôt que les juger ; partant, reconnaître leur nécessité, en quelque contradiction qu’ils puissent être avec nos idéaux ; telle est la règle de méthode essentielle de la science positive : règle, dont on peut dire qu’avant l’auteur du présent livre elle n’avait jamais été appliquée complètement à l’étude des phénomènes religieux. Et c’est là, la véritable importance de cet ouvrage, indépendamment des conclusions particulières auxquelles il aboutit. » (Maunier, 1913 : 276).
  • [26]
    Philippe Besnard (1998 : 10-13) présente, d’une manière précise, les sections que contient L’Année.
  • [27]
    Il suffit de consulter le Tableau 2, comme formulé dans l’« Introduction de l’éditeur » (Achimastos, 2015 : 32) et de le comparer avec ce que Durkheim lui-même a publié dans L’Année (Durkheim, 2015 : 607 sqq.) pour avoir une idée de la contribution décisive de Mauss.
  • [28]
    Rappelons ici que la partie des comptes-rendus du deuxième tome est manquante puisque l’édition s’arrête brusquement en page 192. Nous avons néanmoins intégré dans notre perspective ce que Jennifer Mergy (2004 : 10-27) a ajouté à nos connaissances, aussi sur les comptes-rendus de la Section 2 de L’Année, Deuxième série, t. 2 (ibid., p. 104-192).
  • [29]
    Notons que Mauss donne ce nom à la rubrique XII de la Deuxième série de L’Année.
  • [30]
    Pour des raisons évidentes, nous numérotons les rubriques et mentionnons leur contenu en ayant pour point de départ le classement du premier tome ; nous montrons, par la suite, les différenciations et les ajouts (Tableau 2).
  • [31]
    Voir le Tableau 2 dans Myron Achimastos (2015 : 32).
  • [32]
    À partir de 1901, la « Magie » devient une rubrique distincte.
  • [33]
    Bien que nous ne puissions, en aucun cas, prétendre que Durkheim ait en tête le titre du travail qu’il publiera neuf ans plus tard, cet intitulé est néanmoins caractéristique de la façon dont la démarche de sa pensée affecte ses collaborateurs.
  • [34]
    Cet extrait s’inscrit directement à la suite des pensées avancées par Mauss et Hubert depuis 1902 au sujet du remaniement des rubriques de la Section 2.
  • [35]
    Dans le même tome, Mauss signe le compte-rendu du deuxième livre de Spencer et Gillen. Sans exercer de critique directe sur les questions soulevées par Durkheim dans son article sur le totémisme, Mauss rappelle le caractère totémique des cérémonies et leur contenu religieux (Mauss, 1905b).
  • [36]
    Voir au chapitre 9 du deuxième livre des Formes élémentaires (Durkheim, 2015 : 411 sqq.).
  • [37]
    Nous disons « quasiment » car la différence est que Mauss, exprimant exactement la position qu’il avait formulée à partir de 1905, modifie le nombre grammatical de la première sous-unité qui passe du singulier (« A. Le système totémique ») au pluriel (« A. Les systèmes totémiques »). Le pluriel a, dans ce cas, une signification décisive.
  • [38]
    Voir Strehlow (1907-1908) et Eylmann (1908), et aussi Durkheim & Mauss (1910), Mauss (1910). Pour la grande importance accordée par Durkheim, en particulier au premier, dans les Formes élémentaires, voir Myron Achimastos (2019, à paraître). En outre, le livre du second ethnographe allemand est une source importante malgré la sévère critique de Mauss (1910 : 81 sqq.) et la position réservée de Durkheim (2015 : 343, note 4 ; 400, note 7). Ce dernier, pour documenter ses thèses dans les Formes élémentaires, ne se réfèrera à Eylmann pas moins de 28 fois, « honneur » que n’ont pas nombre d’ethnographes et anthropologues connus. Certes, cela ne signifie pas que Durkheim ne puisera pas également de documentation dans la deuxième sous-unité qui comprend des comptes-rendus d’œuvres se référant au totémisme hors de l’Australie. D’ailleurs, lui-même justifie, dans le quatrième chapitre du premier livre des Formes élémentaires, les raisons de son choix (Durkheim, 2015 : 149-154). Il n’hésite pas à présenter, sous sa signature, les critiques qui relevaient dans le passé de la compétence exclusive de son neveu (Durkheim, 1910).
  • [39]
    Cela s’est avéré dans les Formes élémentaires dont le troisième livre qui leur est consacré occupe une place importante dans l’œuvre (plus de 160 pages). D’ailleurs, Durkheim lui-même, dans sa « Conclusion », affirme clairement le rôle central du culte pour expliquer la religion (Durkheim, 2015 : 558-559). Paoletti (2012 : 306) aboutit à des conclusions un peu différentes quant aux origines de la pensée durkheimienne : « au début du xxe siècle, l’analyse durkheimienne de la religion s’enrichit de l’étude des rites et des choses sacrées, qui vont s’ajouter aux croyances dans la composition des phénomènes religieux ».
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