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Article de revue

Le Japon à fronts renversés. Stoetzel versus Benedict

Pages 23 à 39

1À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon sort laminé par les pertes énormes subies dans le Pacifique et à Hiroshima et par une image de marque gravement mutilée par les compromissions avec l’idéologie nazie.

2Cependant, et à l’encontre de ce qu’une société traditionnellement ancrée dans les valeurs de hiérarchie, d’ordre et d’autorité pourrait laisser apparaître, l’occupation et l’administration américaines vont faciliter une réconciliation fondée sur l’absence d’esprit de vengeance et sur l’acceptation sans contrainte des normes démocratiques. Il s’agissait pour l’Administration américaine d’assainir sans violence le terreau idéologique du totalitarisme qui s’était si brillamment illustré dans les conquêtes militaires et dans l’esprit impérial qui en constituait la colonne vertébrale.

3C’est incontestablement auprès de la jeunesse que l’effort devait porter. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les jeunes scolarisés, bien qu’ayant pris connaissance des ravages de la guerre, n’y avaient pas pris part, à quelques exceptions près. Ensuite, les comportements et les attitudes des jeunes n’étant pas encore empesés par les traditions, il était plus facile pour l’occupant d’en modeler à sa guise les formes et les contenus, en particulier par le biais des programmes scolaires et universitaires. Enfin, l’avenir appartenant aux jeunes adolescents et postadolescents, c’est à eux qu’il reviendra d’établir et de diffuser les nouvelles valeurs démocratiques auxquelles une population adulte, déjà acquise à l’idéologie dominante et impériale japonaise, ne pourra que résister, même si une première approche donna le sentiment d’une résignation si ce n’est profonde, en tout cas de grande ampleur.

4C’est dans un tel contexte historique, social et culturel, que la sociologie et l’anthropologie vont entrer en scène.

5Aux États-Unis tout d’abord, une anthropologue de renom commence une enquête sur la jeunesse japonaise, dès 1945, année où le Japon est encore en guerre contre les États-Unis et l’Occident en général. Il faudra attendre le mois d’août pour le voir capituler suite aux bombardements nucléaires américains. Ruth Benedict, anthropologue américaine d’obédience culturaliste, va, paradoxalement et contre toutes les prescriptions disciplinaires et pédagogiques, entreprendre une étude sans faire de terrain in situ. Elle se contentera d’une double approche : auprès des Japonais vivant en Amérique tout d’abord, et dans les bibliothèques spécialisées ensuite. Comme si les choses ne suffisaient pas, elle ajouta un handicap majeur, que tout ethnologue s’efforce de surmonter dès les prémisses de l’enquête, en ne pratiquant pas la langue japonaise, ni par la parole ni par l’écriture. Le livre qui fut le fruit de l’enquête s’intitula The Chrysanthemum and the Sword et parut très vite durant l’année 1946 en anglais, traduit trois ans plus tard en japonais. Il fallut attendre 1987 pour que l’édition française voie le jour.

6Quelques années plus tard, en 1951, l’unesco commanda à un sociologue français, qui s’était fait connaître par ses études pionnières en matière de sondages et de statistiques, un rapport sur les attitudes de la jeunesse japonaise d’après-guerre. Le paradoxe veut que Jean Stoetzel, bien que peu versé dans les techniques ethnographiques, réalisa une enquête conforme en tout point aux exigences de la discipline. Non seulement il se rendit durant les années 1951 et 1952 sur le terrain au Japon qu’il parcourut du Nord au Sud, mais, en outre, il se mit à la langue qu’il finit par maîtriser honorablement.

7Le livre, qui devait synthétiser toutes ses données de terrain et les conclusions auxquelles l’auteur était parvenu, s’intitula Jeunesse sans chrysanthème ni sabre et parut en 1953. On aura remarqué la référence explicite et peu révérencieuse au titre du livre de Ruth Benedict dans la lignée duquel Jean Stoetzel entendait ne pas s’inscrire. Cependant, en dépit de cette prévention, on sera attentif à la manière souvent élégante que le sociologue français adoptera pour mettre un point d’honneur à rendre, de temps à autre, hommage à l’anthropologue américaine, hommage teinté parfois d’ironie mais aussi empreint d’une certaine sincérité, lui reconnaissant le mérite d’avoir inauguré une filiation dans la réflexion sur le Japon contemporain.

Les raisons et les méthodes de l’enquête

8D’évidence, la première différence entre les deux livres se situe au niveau des raisons qui ont motivé, chez chacun, l’enquête. Si, pour une Américaine universitaire de renom, il s’agissait de montrer que la science était en mesure de contrebalancer les effets dévastateurs sur l’opinion publique d’un Japon haï, méconnu et dont le comportement de décembre 1941 à Pearl Harbor avait suscité l’indignation et le sentiment d’une confiance trahie, il n’en fut pas de même pour Jean Stoetzel. En effet, pour ce dernier, il importait plus de se demander si, comme le prétendait Benedict, le chrysanthème était encore l’emblème de la maison impériale et si le sabre, blason de l’honneur, du courage et de la guerre, imprégnait encore les mentalités des jeunes Japonais que de réagir dans l’urgence à la fin d’un conflit auquel la France n’avait pas pris part, du moins directement. La tradition, particulièrement dans le domaine moral, pourrait-elle revenir visiter les écoles et les universités, fût-ce sous des oripeaux nouveaux ? Les jeunes « vont-ils saisir l’occasion de liberté qui leur est offerte ? » (Stoetzel, 1954, 12). « Quelles sont les attitudes des jeunes Japonais à l’égard de l’étranger ? Comment se comportent-ils en face des institutions nationales ? Quelles sont leurs caractéristiques personnelles les plus importantes et les plus significatives ? » (Stoetzel, 1954, 18.)

9Telles sont les questions que le sociologue français va se poser et tels sont les problèmes qu’il entend résoudre par cette enquête de terrain qui va se révéler être un véritable défi lancé à la distinction disciplinaire entre la sociologie et l’ethnologie.

10La seconde différence réside dans la méthode.

11Stoetzel commence par récuser les clichés culturalistes, couramment admis à l’époque où il rédige son livre, qu’il classe en deux catégories : « la psychologie des peuples » et le « caractère national » (Stoetzel, 1954, 15) qui, à ses yeux, constituent un leurre méthodologique et épistémologique. Dans les deux cas, nous sommes en présence de stéréotypes dont le caractère fort peu scientifique ne tient pas à l’objet qu’ils s’emploient à éclairer, que cet objet identifie soi-même ou les autres, mais aux méthodes utilisées que Stoetzel qualifie d’« irrationnelles, arbitraires et irresponsables » (Stoetzel, ibid.).

12À ce sujet, l’auteur de la Théorie des opinions défend une conviction peu commune pour une époque marquée encore par une vision quelque peu romantique des sciences sociales. Connaître sa propre collectivité, à partir de laquelle le chercheur parle, et connaître la collectivité des autres reviendraient au même, car dans les deux cas, nous avons affaire à une « connaissance par signes et non immédiate » (Stoetzel, ibid.).

13Par « connaissance par signes », il convient d’entendre une connaissance indirecte, par médiations multiples, anti-intuitives et procédant par strates cumulatives. Aucune présence à soi n’est en mesure de garantir une quelconque objectivité de la connaissance. Bien au contraire, la présence serait plutôt trompeuse en cela qu’elle fait croire à une transparence phénoménale de l’objet qui n’est qu’une illusion. Ainsi Stoetzel annonce-t-il qu’il procédera de la manière suivante. L’enquête sera entreprise « à plusieurs niveaux différents » et portera « sur les attitudes de plusieurs groupes de sujets fort hétérogènes, dans des domaines où les changements culturels se font spécialement sentir » (Stoetzel, 1954, 21).

14Pour le dire autrement, le chercheur opérera en croisant plusieurs paramètres, par exemple la classe d’âge et l’habitat, pour rendre compte des « types de valeurs personnelles » (ibid.). On ne retrouve les sujets autonomes que grâce à la méthode quantitative d’une part et au recoupement multitypologique de l’autre. Loin de se désintéresser des sujets individuels, Stoetzel s’emploie au contraire à s’en saisir, mais ni par intuition, ni par un accès direct dont la phénoménologie prétendait se faire le porte-parole, ni par une mystérieuse approche culturaliste qui, n’expliquant rien, mériterait plutôt d’être expliquée. L’idéal, comme chez les ethnographes, réside dans la monographie d’une petite quantité de sujets, afin que les tests puissent produire le maximum de résultats positifs. Les divers plans d’approche des réalités exotiques, comme la culture japonaise pour un Occidental, se résument finalement au niveau des « motivations, des valeurs et des mécanismes de la personne » (Stoetzel, 1954, 31).

15C’est à ce stade que Stoetzel apporte sans doute une contribution majeure aux études socioanthropologiques sur des cultures étrangères et éloignées. Et c’est aussi à ce stade que l’enquête d’opinion par sondage montre ses limites. Car rien n’empêchera les sujets sondés de s’évader dans des réponses allusives, incompréhensibles, idiosyncrasiques, fuyantes, mensongères et autocontradictoires. En revanche, face à des étrangers comme au Japon, Stoetzel prône la technique projective, qui consiste, par des batteries de tests, à repérer non pas des énonciations, toujours plus ou moins trompeuses dans des rencontres comme celles-là, mais des expressions, dont le sens est toujours « sous-jacent » et qui exigent ainsi de la part du chercheur des interprétations qui ne débordent jamais des énoncés eux-mêmes (Stoetzel, 1954, 153).

16La méthode adoptée par Ruth Benedict est tout autre. Elle consiste, pour l’essentiel, à s’efforcer de se mettre à la place de ceux sur lesquels on enquête : « emprunter le regard que l’ennemi porte sur la vie » (Benedict, 1995, 21).

17Non qu’il faille analyser « ce que nous aurions fait à leur place », puisque nous n’y sommes pas, même si nous pouvons faire comme si nous y étions. Il convient seulement d’étudier « comment les Japonais se comporteraient » (Benedict, ibid.). Il s’agit en somme d’une méthode fictionnelle comparable en tout point à celle du roman historique.

18Observons le conditionnel qui marque ici l’impossibilité pour Benedict de rendre compte d’une réalité empirique dont elle parle mais qui lui échappe, puisqu’elle en est privée par l’éloignement et l’absence. Elle parle de Japonais qui vivent à 10 000 kilomètres, en y substituant des Japonais proches. Comment alors penser l’extranéité et l’altérité ? Car les Japonais vivant aux États-Unis sont autant américains que japonais. Autrement dit, la première couche originaire de leur culture, si tant est qu’il y en ait une authentique, fut vite recouverte par des strates culturelles d’adaptation au milieu d’accueil. Comment penser ce chiasme ? Cependant, parmi ses lectures en bibliothèque, Ruth Benedict apprit beaucoup de choses très précieuses, qui, certes sans pouvoir se substituer au terrain original, n’en fournirent pas moins des informations de tout premier ordre. Et ce d’autant plus qu’elle se mit à lire des relevés d’enquête réalisés par des Japonais. Elle s’emploie alors à tenter de reconstruire un « tableau » dans lequel devaient figurer tous les éléments adéquats et jugés pertinents afin de le rendre cohérent et de lui conférer un sens. Un peu à la manière de Wittgenstein, Benedict va s’efforcer de conférer au fouillis des traits, des types et des événements une configuration qui puisse donner l’impression d’une culture bien composée, ordonnée et orientée dans un sens : « Qu’est-ce qui ne cadre pas dans le tableau ? » (Benedict, 1987, 24.) La méthode s’apparente plus à la recherche d’une cohérence que d’une correspondance à la réalité.

19Telle fut l’interrogation lancinante qui anima la lecture et les enquêtes de l’anthropologue.

L’imbroglio de la culture

20La culture servant d’arme de combat épistémologique et de concept opératoire, il apparaissait primordial que Benedict commençât par là.

21Qu’entend-elle par culture japonaise ? En fait, lorsque nous portons une attention minutieuse au texte, il s’avère que ce concept de culture présente tous les aspects d’un assemblage désordonné et souvent obscur.

22Tout d’abord, Benedict laisse entendre qu’un des traits caractéristiques de cette culture japonaise se situe dans une confiance aveugle dans la hiérarchie, qui en est la véritable cheville ouvrière (Benedict, 1987, 40). La hiérarchie en effet implique l’ordre et le respect, valeurs morales et sociales sur lesquelles nous reviendrons. Le « muga » ensuite scelle l’excellence dans l’action. Il s’agit d’une expérience qui ne « comporte aucun sentiment » réflexif ou critique sur sa propre action. Le muga est une perte de son moi (Benedict, 1987, 280), l’oubli de l’auto-observation. L’idéal réside dans cette mécanique aveugle de l’action, à force d’avoir été expérimenté. Cet état somnambulique semble s’opposer à la maîtrise de soi tant vantée par le nationalisme japonais. En fait, il n’en est rien, car, comme l’écrit Benedict (1987, 281), « leur culture ne cesse de crier à leur âme la nécessité de la circonspection ».

23Et en se débarrassant de ce fardeau de la vigilance et de la surveillance vis-à-vis de soi-même, à savoir de sa conscience, alors « s’ouvre un champ de conscience plus efficace » (Benedict, ibid.).

24En conjoignant ces deux aspects dominants, le muga et l’abolition de la conscience de soi, on confère à la culture japonaise, selon Benedict, « la puissance de la mort », avec laquelle il faut faire comme si l’on vivait (Benedict, 1987, 282). Vivez comme si vous étiez déjà mort ! Tel serait le slogan culturel du Japon.

25Paradoxalement, et en dépit d’une forte opposition entre les méthodes des deux anthropologues, Claude Lévi-Strauss n’est pas très éloigné des analyses de Benedict lorsqu’il écrit : « Le sujet japonais est centripète… il est le lieu dernier où se reflètent ses appartenances. Cette façon de construire le sujet par le dehors ressortit aussi bien à la langue, encline à éviter le pronom personnel, qu’à la structure sociale où la “conscience de soi” – en japonais, je crois, jigaishi – s’exprime dans et par le sentiment de chacun, fût-il le plus humble, de participer à une œuvre collective » (Lévi-Strauss, 2011, 51-52).

26C’est ainsi qu’on parvient à un troisième aspect essentiel de la structure de cette culture : le principe de la supériorité de l’esprit sur le corps. Dès lors que le corps « ne possède pas de lui-même les règles du bien?être » (Benedict, 1987, 261), seule la volonté, pierre angulaire de l’esprit, peut édicter un tel principe. Elle est infinie, tandis que le corps ne l’est pas. C’est pourquoi, bien qu’elles soient inéliminables, les émotions doivent être reléguées au second plan.

27Il en va de même pour le shûyô, discipline personnelle qui permet d’atteindre à la pointe extrême du goût de l’existence. Non pas un laisser-aller, mais au contraire un entraînement qui confine à l’incarnation d’une seconde nature (Benedict, 1987, 265). Il convient de penser le shûyô comme le polissage ultime du corps, qui, puisqu’on ne peut pas s’en débarrasser, doit, telle une « fine lame étincelante » (Benedict, 1987, 266) de couteau, obéir aveuglément au principe de la volonté.

28Il importe de faire observer que toute cette analyse offre deux caractéristiques qui ne laissent pas d’interroger un lecteur quelque peu averti comme Jean Stoetzel. Tout d’abord, Benedict ne parle quasiment pas des jeunes. Et, en second lieu, cette culture, lorsqu’on en interroge l’origine, s’enracine en fin de compte dans le naturel. Les attitudes des Japonais seraient « innées » (1987, 40), « le revirement d’humeur leur serait naturel » (1987, 197).

29Quant à Stoetzel, il annonce d’emblée sa conviction selon laquelle « pourvu qu’on l’aborde sous l’angle voulu, aucune culture n’est impénétrable pour une intelligence formée à n’importe quelle autre culture » (Stoetzel, 1954, 9).

30Ce n’est pas tant la culture en-soi qui intéresse Stoetzel, que la distance, toujours à réduire entre la culture de l’enquêteur et celle de l’autre. Il n’existe aucune altérité inatteignable. Il suffit de travailler, avec méthode, au rapprochement, sans édulcorer les valeurs en présence. Stoetzel est persuadé qu’il n’existe pas quelque chose qui s’appelle une culture sous la forme d’un bloc inamovible et autoréférentiel. Bien au contraire. S’il consent à rendre hommage à Ruth Benedict de s’être préoccupée des relations entre les « comportements culturels » et les « systèmes significatifs ou les configurations ou encore les Gestalten » (Stoetzel, 1954, 16) et d’avoir aperçu leurs liens formels, pour autant, les conduites culturelles doivent être abordées comme des « modèles souples, à multiples feuillets ». La recherche d’universaux culturels intéresse peu Stoetzel, dans la mesure où sa méthode quantitative de tests projectifs lui montrera seulement des « faits », toujours extrêmement variables (1954, 17). Nous sommes en présence d’une méthodologie a minima, et qui se contente la plupart du temps, fort modestement, de ne rendre compte que des résultats produits par des collectes de données sur le terrain.

31Certes, « la culture se reflète dans les conduites individuelles (Stoetzel, 1954, 229), mais ni mécaniquement ni directement. Car la réciproque est tout aussi vraie. Ce sont bien « les conduites individuelles » qui amènent la culture à « l’existence » et aux changements. On a le sentiment que Stoetzel veut dire que les conduites individuelles devancent en quelque sorte la culture qui n’en serait que la traduction différée et toujours méconnaissable. Si une telle interprétation du texte de Stoetzel était la bonne, on aurait incontestablement affaire à une conception très moderne, voire postmoderne, de la culture, qui deviendrait alors le texte a posteriori qui aurait pour fonction de synthétiser, d’interpréter, de recueillir et de reconstruire le sens final, mais toujours provisoire, des conduites individuelles dans une société donnée.

Les jeunes et l’obligation

32On a remarqué, plus haut, que les jeunes Japonais, en tant qu’objet d’études, manquaient dans le texte de Ruth Benedict, mais qu’en revanche leur présence saturait celui de Jean Stoetzel. Ce n’est sans doute pas un hasard, puisque, dans la conception de Benedict, c’est à la culture, en soi, qu’il convient de consacrer la recherche, en incluant sans doute les jeunes mais sans leur conférer un statut particulier. Stoetzel va, de son côté, mettre l’accent sur la jeunesse, non seulement en raison du mandat qu’il reçoit, mais surtout, quant au fond, parce qu’il y voit l’occasion de repérer un mouvement social et culturel, dynamique, conflictuel, autocontradictoire et souvent à contre-courant de la mentalité dominante, ancré déjà dans un futur auquel le Japon n’échappera pas. Autant c’est le Japon de demain qui intéresse Stoetzel, autant c’est le Japon d’hier qui retient l’attention de Benedict. Il n’est pas indifférent de faire observer qu’à la place des jeunes, ce sont les valeurs constitutives d’une culture immobile qui sont mises en valeur par Benedict, comme si l’histoire et la temporalité sociale n’avaient pu porter atteinte à l’intégrité d’une origine multiséculaire.

33Tout d’abord Stoetzel commence par faire remarquer que la jeunesse est rurale « dans la proportion des deux tiers » (Stoetzel, 1954, 69).

34En deuxième lieu, une autre surprise nous attend : « de 15 à 20 ans, environ la moitié des individus des deux sexes ont déjà des emplois lucratifs » (Stoetzel, 1954, 73).

35Seule une toute petite minorité continue ses études au-delà de la vingtième année. Cependant, en troisième lieu, et paradoxalement, la dépendance des jeunes vis-à-vis des familles reste considérable. Dans le même temps où cette jeunesse s’efforce de rompre avec les valeurs dominantes et les idéaux des adultes, elle accepte de bonne grâce de dépendre économiquement et socialement d’eux. C’est la raison pour laquelle Stoetzel insiste sur le caractère hétérogène de cette jeunesse qui est même loin de constituer un tout. Quant à l’amour, le sociologue note qu’il ne semble pas jouer un rôle déterminant dans les conduites, en opposition avec les déclarations de Benedict « qui a généralisé des observations qui ne valent que pour l’aristocratie ou la riche bourgeoisie » (Stoetzel, 1954, 183).

36C’est donc un tableau très contrasté et tout en nuances de la jeunesse japonaise que Stoetzel nous présente. Dans le même temps où les jeunes sont animés par une « volonté de puissance » (1954, 205), plus grande que celle des adultes, mais sur laquelle, étrangement, Stoetzel ne s’attarde pas, ils adoptent les valeurs démocratiques qu’on leur enseigne quasi exclusivement à l’école, lesquelles valeurs semblent aller à l’encontre de cette « inclination au tragique » (1954, 216) contraire aux valeurs de responsabilités et d’initiatives qui constituent le cœur de la démocratie fraîchement acquise.

37Bref, la confiance en soi s’oppose au besoin d’autrui, comme autant de caractéristiques contradictoires.

38Tout se passe comme si à l’étude de cette entité éclatée qu’est la jeunesse, chez Stoetzel, devait s’opposer chez Ruth Benedict l’étude des différentes formes que revêt l’obligation, catégorie clé qui structure et noyaute la culture japonaise tout entière.

39Le « on », pour Benedict, traduit par « obligation », semble résumer et envelopper de nombreuses attitudes à la fois, pas toujours cohérentes entre elles. Le « on » englobe « toutes les sortes de dettes d’un individu, de la plus lourde à la plus intime » (Benedict, 1987, 120).

40C’est pourquoi, à l’obligation, on peut rajouter, pour affiner la traduction, « loyauté, gentillesse et amour » (Benedict, ibid.).

41En fait, il s’agit de rendre l’idée, plurielle et très diversifiée, de « charge, de dette et de fardeau ».

42Le Japonais serait ainsi obligé, dès sa naissance, envers les adultes, les créditeurs, les anciens, les esprits des morts. La dette n’est pas toujours réelle, car elle relève souvent d’un débit non contracté. Le Japonais se sent obligé de…, car il doit à tous le fait d’être là, jouissant des bienfaits d’une société et d’une culture léguées par d’autres. Ce « on » doit se comprendre comme l’autre figure de la fidélité, laquelle lie les Japonais au-delà de la seule société. Le principe s’apparente à une conception métaphysique de la relation. On est toujours redevable même si l’on ne doit rien. Et comme le « on » n’est pas une quantité comptable et divisible, on n’a jamais fini de rembourser. C’est pourquoi il convient de penser le « on » comme une entité infinie et dont l’entièreté ne peut être échangeable contre une autre quantité équivalente. C’est le contre-don de la vie, sans qu’il y ait un don préalable et visible. La dette est d’ordre moral et existentiel.

43Le « on » se subdivise en deux parties : « le remboursement que l’on doit à ses parents, ko » et « celui que l’on doit à l’empereur, chu » (Benedict, 1987, 138).

44C’est ce type de remboursement illimité que l’on appelle gimu, autre nom pour dire le « on ». Le gimu est une forme transcendante du « on », que l’on doit, quoi qu’il arrive.

45Autre forme d’obligation que Benedict pose à la racine de la culture japonaise : le giri. À la différence du gimu, c’est contre son gré que le Japonais doit s’acquitter du giri. On peut traduire par « la voie juste » (Benedict, 1987, 158). Tout giri est envers le monde pour éviter de devoir s’excuser. En « honorant ses relations contractuelles », le Japonais ne ressentira plus la contrainte de devoir s’excuser. Le gimu, quant à lui, consiste à « remplir des obligations intimes contractées à la naissance » (Benedict, 1987, 158).

46On retrouve encore le giri dans la stratégie mise au point pour laver l’affront subi par son nom. Le terme est quelque peu contradictoire pour un Occidental dans la mesure où il inclut ce que nous avons l’habitude de séparer : gratitude, vengeance, bienveillance, mépris, fidélité, animosité. C’est une seule et même vertu, qui se module en fonction des personnes ou des institutions auxquelles elle s’adresse.

47C’est ainsi l’obligation, que ce soit sous la forme du giri ou sous celle du gimu, et quelles que soient les classes sociales, qui soude, symbolise et transcende les comportements empiriques de tous les Japonais. Telle fut en tout cas la conviction profonde de Ruth Benedict.

48Cependant, dès 1949, soit trois ans après la parution de Le Chrysanthème et le Sabre aux États-Unis et un an seulement après sa traduction en japonais, Kizameon Ariga, un sociologue japonais important spécialiste de la structure sociale japonaise, va s’attacher à récuser une grande partie des affirmations contenues dans le livre de Ruth Benedict. Ariga estime que Benedict a fait fausse route en prétendant que gimu appartient aux relations verticales et giri aux relations horizontales, car, selon lui, dans les deux cas, il s’agit en fait de giri (Ariga, 1949, 13-22, traduit du japonais par Stoetzel, communication personnelle). Quant au on, pour Ariga, il indique des obligations illimitées, dans la mesure où les familles étant peu étendues, les relations familiales sont comprises comme des relations hiérarchiques et non strictement familiales. La terminologie est donc trompeuse et Benedict s’est laissée prendre au piège du nominalisme. Elle n’explique pas l’obligation illimitée que produit le on, ni la priorité envers les échelons supérieurs de la hiérarchie. Par voie de conséquence, l’auteur de Le Chrysanthème et le Sabre ne parviendra pas à rendre compte des réticences et des obstacles à la démocratisation, lesquels reposent entièrement sur une bonne compréhension du système hiérarchique.

49On comprend mieux l’importance du giri à la lecture du livre de Stoetzel qui y consacre plusieurs pages. Il forge une hypothèse qui ne sera pas contredite par les spécialistes japonais de la question : le giri appartiendrait à la « morale traditionnelle de l’aristocratie ; par le théâtre, la littérature, les contacts sociaux, elle s’est diffusée, mais d’abord dans les villes, puis dans les campagnes, à un moindre degré » (Stoetzel, 1954, 196).

50Cette analyse éclaire mieux le phénomène de sa lente disparition, constatée par l’auteur au milieu du xxe siècle, compte tenu de l’effacement progressif des valeurs aristocratiques.

Les valeurs fondatrices

51Stoetzel reconnaît au livre de Benedict le mérite essentiel d’avoir mis en lumière ce qui constitue le cœur de l’« éthique japonaise » (Stoetzel, 1954, 63). Sans relever de ce qu’on appelle communément « un système de conduite », cette éthique n’en enferme pas moins l’« agent moral dans un réseau d’obligations et de valeurs pluralistes » (Stoetzel, ibid.).

52Il y en a essentiellement trois qu’il convient de comprendre comme autant de valeurs modulables, souples et plurielles, mais paradoxalement intangibles : l’honneur, la sincérité et la honte.

53L’honneur consiste à ne jamais se rendre, par exemple, dans des situations de combat désespéré (Benedict, 1987, 57). Cependant, les observateurs et les historiens ont relevé de nombreuses dérogations à cette prescription, y compris en temps de guerre, dont les causes et les raisons étaient nombreuses : manque de courage, maladie, refus de sacrifier la totalité d’une brigade ou d’un régiment, etc.

54La sincérité (makoto) ne peut se comprendre que dans la perspective d’une allégeance inconditionnelle à l’Empereur (chu) qui occupe l’échelon le plus élevé de la hiérarchie. Or, le chu est l’obligation la plus haute dans la hiérarchie des valeurs, puisqu’elle est liée à la personne de l’Empereur. Elle est même plus éminente que le giri, puisqu’elle n’exige rien en contrepartie de son observance. En cela, elle se situe dans le registre des valeurs antiégoïstes par excellence et elle permet de lutter contre tout type de profit.

55La honte (haji), loin de constituer une sanction majeure comme dans les sociétés où elle s’appuierait sur la culpabilité (Benedict, 1987, 253), est une vertu de remerciement et non de réparation (1987, 254). Elle n’a pas pour fonction de cultiver la religion du péché, mais de servir à s’autocorriger grâce aux regards que les autres portent sur soi. C’est dire qu’elle fait fond sur la confiance que le sujet témoigne aux autres et qu’ils sont censés lui rendre.

56Pour bien saisir ces valeurs fondatrices, il est nécessaire d’étudier le fonctionnement social de la parenté à travers la stratification des unités, des clans et des familles culminant dans cette logique hiérarchique qui découle de l’Empereur, véritable Dieu vivant.

57Les ujis sont des « unités patriarcales », appelées encore « clans » que l’on peut comprendre comme autant de « communautés de familles ayant un même ancêtre » (Stoetzel, 1954, 47).

58Chaque famille étant dominée hiérarchiquement par un chef, elle constitue en fait un modèle pour le uji qui lui aussi est coiffé par un chef. Le clan des clans est celui de l’Empereur, véritable Dieu vivant « qui a réussi à dominer les autres » (ibid.). C’est cette procession dans la hiérarchisation, depuis la famille jusqu’à l’Empire, qui servira de modèle à la « subordination des cultes » (ibid.). Ou, pour le dire autrement, c’est parce que les clans se subordonnent les uns aux autres que les cultes en font autant, l’implication n’étant pas double. « Toute la structure sociale japonaise étant ainsi dominée par la notion de hiérarchie » (Stoetzel, 1954, 56), elle se fonde in fine sur l’uji qu’il convient d’entendre ici comme « l’institution clanique de parenté ». Le groupe de même parenté est appelé dôzoku-dan, la famille étendue shizoku et l’entreprise de famille dôzoku-kaisha. Il importe de retenir ces notions car elles fonctionneront autrement chez Benedict ou chez Ariga. Au fond, Stoetzel veut nous faire saisir l’idée d’une structuration et d’une organisation de la société tout entière comme celles d’autant de familles. Cette idée centrale dans l’argumentation de Stoetzel doit s’entendre comme la conséquence d’une tripartition simultanée : « la parenté, qui provient du sang, de l’alliance, de l’adoption ou du service ; la hiérarchie conçue sur le modèle père-fils ; la participation à la protection des divinités tutélaires ou la communauté du culte » (Stoetzel, 1954, 58).

59Il convient d’entendre la relation entre ces trois idées dans un ensemble sans préséance cardinale, la parenté entraînant certes la hiérarchie mais selon un lien logique, et non pas sémantique, naturel ou encore chronologique.

60Dans le même registre de catégories, Ruth Benedict entreprendra une analyse tout autre. Elle commence par poser que les « prérogatives attachées à la génération, au sexe et à l’âge sont considérables » (Benedict, 1987, 74).

61Puis elle mettra au cœur de son argumentation tout l’univers attaché à la piété filiale qui, paradoxalement, n’inclut, selon elle, que les « ancêtres récents », dans la mesure où seul le présent importe (Benedict, 1987, 145). Mais qu’est-ce que cette piété filiale ? Elle consiste, pour Benedict, à « rembourser sa dette à ses ancêtres en transmettant à ses enfants les soins que l’on a soi-même reçus » (Benedict, 1987, 146).

62Le tout reposerait sur la notion de kami, terme traduit tantôt par « dieu », tantôt par « chef ». Il s’agit en fait du sommet de la hiérarchie, quelle que soit la chose qui se dissimule derrière le nom. Et le chu remplit la fonction de nouer le « double système de relations entre sujet et empereur » (Benedict, 1987, 153). L’originalité de cette relation repose en fait sur le lien direct qui s’établit entre l’empereur et le sujet, « sans intermédiaires », à l’instar du mécanisme qui relie la personne mystique au divin.

63Toute l’analyse bénédictienne est finalement entreprise pour parvenir à l’essentiel, tout au moins à ses yeux. En effet, les Japonais sont un peuple « soumis qui ne sait pas ce qu’est la démocratie » (Benedict, 1987, 154).

64L’obstacle majeur à la construction d’une voie démocratique reposerait ainsi sur l’obligation à « rembourser ce que l’on doit aux bienfaiteurs créanciers » (ibid.)

65Toute la société japonaise est dès lors réduite à une seule modalité qui en détermine la structure et le devenir : le contre-don ou le fait de rendre. C’est cette simplification culturaliste que Stoetzel dénoncera dans son étude qui consiste à éviter de pénétrer la subtilité des contrastes, des contradictions et du devenir dynamique.

Conclusion

66Que retenir de cet exercice comparatif ?

67Le sentiment d’étrangeté que l’on peut éprouver à la lecture des deux livres ne relève pas tant de l’objet « Japon » traité dans les deux études que du gouffre qui sépare les deux visions, à telle enseigne qu’on finit par se persuader qu’il ne s’agit pas du même pays.

68Le deuxième élément d’étonnement résulte du type d’objet que les deux chercheurs étudient. Dans le cas de Stoetzel, il s’agit nettement de prendre la catégorie des jeunes Japonais à bras le corps et d’en étudier tous les aspects possibles, en respectant scrupuleusement les résultats des tests et les échantillons prélevés. Dans le cas de Benedict, l’objet est dissous dans une généralité qui se nomme : culture japonaise et qui englobe toutes les catégories, toutes les classes d’âges, toutes les stratifications sociales et toutes les manifestations culturelles. L’objet y apparaît ainsi, dans ce dernier cas, de telle sorte que sa richesse relève du foisonnement des données, mais aussi de leur désordre. Cet « idéal-type » auquel Benedict rêve de parvenir, épousant ainsi au plus près sa thèse du modèle – échantillon (pattern) culturel, offre le spectacle d’un monde certes très dense, mais dont le faste amoindrit la précision de l’analyse et dont la somptuosité dissimule la réalité des médiations et des structures intercalaires (Bennett et Nagai, 1953, 408-409).

69En troisième lieu, les concepts employés par nos deux auteurs, bien que souvent identiques, ne sont pas traités de la même façon. Autant Stoetzel fait travailler la catégorie, qu’elle apparaisse dans la langue japonaise ou qu’elle relève du vocabulaire scientifique des sciences sociales, tant dans sa dimension extensive que dans son aspect compréhensible l’adaptant aux évolutions historiques de la société et des couches sociales étudiées, autant Benedict s’empare des notions de façon globale, groupée, enveloppante et donnant le sentiment d’un surplomb des microréalités.

70Enfin, bien qu’aucun des deux auteurs ne se prive d’interpréter, Stoetzel prend le soin méthodologique de ne le faire qu’une fois les données empiriques bien incorporées, alors que Benedict utilise le préjugé, le jugement de valeur et le flou analytique comme autant d’opérations herméneutiques d’une réalité non décantée au préalable.

71Par exemple, lorsque Benedict omet de distinguer entre ce que les « individus disent qu’ils font et ce qu’ils font dans la réalité » (Bennett et Nagai, 1953, 408), elle met en évidence les failles de son programme de modèle culturel (cultural pattern). La culture appartient-elle aux pratiques ou aux représentations ? Et les représentations se référent-elles aux pratiques dont, parfois elles sont issues, ou bien dénotent-elles d’autres pratiques ?

72Tout se passe comme si c’était un Japon immémorial, statique et toujours égal à ses valeurs fondatrices, qui se profilait derrière l’analyse de Benedict. La conception qui se dégage de la notion de culture japonaise se serait ainsi affranchie des crises, tensions et régimes d’historicité qui caractérisent pourtant toute approche anthropologique.

73Nous aurons au moins appris qu’en sciences sociales les méthodes et les enquêtes se pratiquent souvent à fronts renversés. Le sociologue quantitativiste a révélé, grâce à une approche authentiquement ethnographique, une réalité d’une grande complexité. L’anthropologue, endeuillée par l’absence de données de terrain, nous livre, quant à elle, une réflexion philosophique et abstraite d’un Japon plus rêvé que réel, plus idéalisé que présent et dont la beauté nous conduit aux confins d’une fiction inattendue.

Références bibliographiques

  • Ariga K., 1949, « La conception de Benedict sur la hiérarchie dans la structure sociale japonaise », Minzokugaku-Kenkyû Journal japonais d’ethnologie, 14, 4, 13-22 (en japonais, traduit par Stoetzel, communication personnelle).
  • Benedict R., 1987, Le Chrysanthème et le Sabre, Paris, Éd. Philippe Picquier.
  • Bennett J. W., Nagai M., 1953, « The Japanese Critique of the Methodology of Benedict’s “Chrysanthemum and the Sword” », American Anthropologist, 55, 405-411.
  • Lévi-Strauss C., 2011, L’Autre Face de la lune. Écrits sur le Japon, Paris, Éd. du Seuil, La Librairie du xxie siècle.
  • Mead M., 1973 [1959], Writings of Ruth Benedict. An Anthropologist at Work, New York, Équinox Éditions, Avon Books.
  • Mead M., 1974, Ruth Benedict, New York, Columbia University Press.
  • Stoetzel J., 1954, Jeunesse sans chrysanthème ni sabre, Paris, Plon-Unesco.

Mots-clés éditeurs : culture, valeurs, enquête, méthodes, jeunesse, Japon

Date de mise en ligne : 31/05/2012

https://doi.org/10.3917/anso.121.0023

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