Notes
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[1]
L’entretien structuré (ES) est en tout point identique à l’EC, exception faite des consignes cognitives qui, elles, sont exclues du protocole. L’ES conserve ainsi le cadre général d’audition de l’EC (c’est-à-dire, prise de contact, transfert de contrôle, droit de dire « je ne sais pas », etc.).
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[2]
Afin que toutes les conditions expérimentales puissent être appréciées les unes par rapport aux autres, 6 comparaisons par paires étaient nécessaires. Une correction de l’alpha a donc été effectuée. Ne seront, de fait, considérées comme significatives que les analyses dont la probabilité d’erreur est inférieure à 0,008 et, comme tendancielles, les analyses dont la probabilité d’erreur est inférieure à 0,016.
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[3]
Taux d’exactitude = nombre d’informations correctes / (nombre d’informations correctes + d’erreurs + d’affabulations).
1En 2008, l’Observatoire National de l’Enfance en Danger (Oned) alertait sur le « chiffre noir » de l’enfance en danger, par le biais d’une note visant à estimer la part de la population française ayant été victimes, dans le cadre familial, de violences durant l’enfance. Cette note, basée sur différentes enquêtes de victimation, souligne l’importance du caractère répétitif des violences sexuelles dont ont pu être victimes, durant leur enfance, les personnes interrogées (par ex. l’enquête événement de Vie et Santé, réalisée entre 2005 et 2006, auprès de 10 000 adultes révèle que 0,6 % des hommes et 3,3 % des femmes interrogées pourraient avoir vécu des violences sexuelles de manière durable durant leur enfance). Parallèlement à ce constat, force est de constater qu’une difficulté majeure entoure les révélations de tels actes dès lors qu’elles sont formulées par un enfant, en particulier lorsque celui-ci est très jeune. Car, en effet, de part la précarité des éléments de preuves (par ex. preuves physiques et/ou matérielles, aveux du mis-en-cause), ces affaires présentent la singularité de ne reposer, pour l’essentiel, que sur le témoignage de la jeune victime. Or, les témoignages d’enfants sont plus pauvres que celui des adultes (Saywitz, 2002). De plus, de sérieuses réserves quant à leur fiabilité sont émises de la part des professionnels de la justice, lesquels reprochent aux enfants une trop grande suggestibilité. L’enjeu est alors d’optimiser le recueil de la parole de l’enfant lors de son audition, que celui-ci ait été témoin d’un événement unique ou répété dans le temps, et cela, tout en limitant les risques de distorsion et de contamination de son témoignage par l’adulte. Or, une technique d’audition prometteuse, l’Entretien Cognitif (EC), pourrait permettre de répondre à cet enjeu. Toutefois, malgré l’importance de la question, tant d’un point de vue appliqué que théorique, aucune recherche n’a, à notre connaissance, tenté de mettre en lien l’EC et la familiarité de l’événement sur les témoignages d’enfants d’âge préscolaire et sur leur suggestibilité. Il s’agit des principaux objectifs de l’étude présentée.
L’Entretien Cognitif auprès des enfants
2À l’instar d’autres protocoles d’audition pensés pour améliorer le recueil de la parole de l’enfant (par ex. le NICHD, l’Entretien de Yuille, ou encore l’Entretien Structuré), l’EC se compose d’un cadre général d’audition visant à favoriser la communication entre l’enquêteur et l’enfant, et cela, en transférant notamment le contrôle de l’audition au jeune témoin (par ex. l’enquêteur précise qu’il ne dispose d’aucune information sur les événements pour lesquels l’enfant témoigne) (Fisher, Geiselman, Raymond, Jurkewich, & Warhaftig, 1987). Cependant, l’originalité de l’EC réside dans l’utilisation de quatre mnémotechniques, présentées au témoin avant chaque tentative de rappel libre des faits et ayant pour objectif de l’aider à récupérer ses souvenirs en mémoire. Ces mnémotechniques ont été élaborées à partir de la littérature scientifique en psychologie, et en particulier de principes généralement acceptés concernant le fonctionnement de la mémoire épisodique. Ce système de mémoire, sollicité dans le cadre de témoignages oculaires (Tulving, 1983), permet à un individu de « voyager mentalement dans un temps subjectif, permettant ainsi de retourner vers le passé et de revivre, grâce à la conscience autonoétique, ses propres expériences antérieures » (Tulving, 2002, p. 5). Selon Tulving, deux principes peuvent aider un individu dans cet acte dit de récupération de la mémoire épisodique : l’encodage spécifique (Tulving & Thomson, 1973) et la multiplicité des chemins d’accès en mémoire (Tulving, 1974). Selon le premier principe, la restitution d’un souvenir est facilitée lorsque le contexte de récupération est proche du contexte d’encodage de l’événement. Ce principe est à la base des deux premières mnémotechniques de l’EC 1. la recontextualisation mentale (RC) : le témoin est invité à reconstruire mentalement le contexte physique et personnel présent au moment de l’événement criminel, et 2. l’hypermnésie (HY) : le témoin est invité à rappeler le maximum de détails sans se soucier de leur importance ou de leur entière exactitude. Selon le second principe, l’accès au souvenir peut également être facilité en empruntant différentes voies de récupération. La multiplicité des chemins d’accès est reprise dans les mnémotechniques dites 3. de changement d’ordre (CO) : le témoin est invité à rappeler l’événement dans un ordre chronologique inhabituel (par ex. de la fin de l’événement jusqu’au début de celui-ci), et 4. de changement de perspective (CP) : il doit relater l’événement cible selon la perspective d’une autre personne présente sur les lieux ou selon un autre angle de vue. Les habiletés cognitives des enfants n’étant pas identiques à celles des adultes, l’application de l’EC auprès de cette population a nécessité une adaptation à la fois du cadre général d’audition (Milne & Bull, 1999) (par ex. possibilité pour l’enfant de souligner à l’interrogateur qu’il ne comprend pas une consigne ou une question), mais aussi de certaines consignes cognitives (Saywitz, Geiselman, & Bornstein, 1992). Dans le protocole français, les consignes de changement d’ordre et de perspective, jugées trop complexes et suggestives pour les enfants (par ex. Cronin, Memon, Eaves, Küpper, & Bull, 1992 ; Geiselman & Padilla, 1988), ont ainsi été supprimées au profit d’une consigne nouvelle et originale : le rappel indicé (RI) (Verkampt & Ginet, 2009). Cette consigne prend la forme d’un indice de récupération non suggestif (Lamb, Orbach, Warren, Esplin, & Hershkowitz, 2007 ; Tulving, 1983) (c’est-à-dire, « Et que s’est-il passé juste après ça ? », « ça » renvoyant à la toute dernière information fournie par l’enfant) et permet aux jeunes enfants de structurer leur récit durant l’audition (Fivush, 1993 ; Fivush & Shukat, 1995).
3Les diverses études ayant éprouvé l’efficacité de l’EC auprès de jeunes et très jeunes enfants ont toutes mises en évidence un net bénéfice de cette technique d’audition, cela non seulement en terme de quantité d’informations rapportées, mais également en terme de qualité des récits. L’EC a ainsi permis à de jeunes témoins de rappeler entre 21 % (Geiselman & Padilla, 1988) et 57 % (Verkampt & Ginet, 2009 étude 2) d’informations correctes en plus, comparativement à un entretien standard de police ou un entretien structuré [1]. En France, l’efficacité de la consigne du rappel indicé a, par ailleurs, clairement été démontrée (Verkampt & Ginet, 2009 étude 2). Au niveau des informations incorrectes, certaines recherches ont conduit à mettre en évidence une augmentation des erreurs (par ex. McCauley & Fisher, 1995 ; Memon, Wark, Bull, & Köhnken, 1997) et des affabulations avec l’EC (par ex. Hayes & Delamothe, 1997). Cet effet reste cependant marginal et ne nuit pas à l’exactitude des témoignages enfantins produits avec ce protocole d’audition (pour une méta-analyse, voir Köhnken, Milne, Memon, & Bull, 1999). Enfin, résultat extrêmement important d’un point de vue appliqué, les enfants auditionnés à l’aide de l’EC se montrent moins suggestibles aux informations suggérées avant, comme pendant, l’audition (par ex. Memon, Holley, Wark, Bull, & Köhnken, 1996 ; Milne & Bull, 2003 ; Milne, Bull, Köehnken, & Memon, 1995) et cela, même lorsqu’ils appartiennent à une tranche d’âge réputée pour être particulièrement suggestible (4-5 ans) (Holliday 2003a, 2003b ; Holliday & Albon, 2004 ; Verkampt & Ginet, 2009). Dans la littérature, cette moindre vulnérabilité aux suggestions, observée suite à l’emploi de l’EC, est appelée « l’effet Geiselman ».
4Bien que ces recherches aient montré une efficacité certaine de l’EC sur les témoignages enfantins, ces conclusions ne reposent, toutefois, que sur des études dans lesquelles les enfants n’étaient exposés qu’une seule fois à l’événement cible. Outre le fait que cela réduise le champ d’application de l’EC, cette limite soulève une question théorique importante (Mantwill & Andres, 1990), à savoir : l’EC ne serait-il efficace que pour des souvenirs relevant de la sphère épisodique de la mémoire autobiographique ? En effet, deux des consignes de l’EC, réputées par ailleurs comme les plus puissantes du protocole (c’est-à-dire, recontextualisation mentale et hypermnésie ; Milne & Bull, 2002), reposent sur l’hypothèse de l’encodage spécifique (c’est-à-dire, la restitution d’un événement est facilitée lorsque le contexte du rappel est proche du contexte d’encodage). Comme le soulignent Mantwill, Köhnken, et Aschermann (1995), cette stratégie suppose donc qu’un événement spécifique apparaisse dans un contexte spatial et temporel précis (sphère épisodique de la mémoire autobiographique), stratégie qui pourrait s’avérer plus délicate lorsque les faits se sont répétés dans le temps. L’EC peut-il, dès lors, aider au rappel d’un épisode bien particulier au sein de faits récurrents, faits pour lesquels les jeunes témoins ont développé un ensemble de connaissances schématiques (ou script) ?
Influence de la répétition des faits sur les témoignages d’enfants préscolaires
5Lorsqu’un événement est répété dans le temps, comme c’est le cas dans certaines violences psychologiques, physiques et/ou sexuelles dont sont victimes les enfants, une partie des actions et détails va rester inchangée d’une répétition à l’autre. Ces éléments sont communément appelés les détails fixes de l’événement. En revanche, une autre partie des éléments peut changer d’une fois sur l’autre. Ce sont les détails spécifiques, ou encore appelés les variations. Dans le cadre d’une enquête policière, ces dernières informations vont s’avérer réellement importantes, notamment pour permettre aux enquêteurs de spécifier un épisode bien précis (c’est-à-dire, épisode cible) ou pour confronter l’alibi du mis-en-cause (Powell & McMeeken, 1998).
6De nombreux travaux ont montré que les enfants ayant été exposés à maintes reprises à un même événement parvenaient à produire des comptes rendus plus riches que les enfants n’ayant vécu qu’une seule fois l’événement mais peinaient, en revanche, à décrire l’épisode cible sur lequel portait leur audition (par ex. Pearse, Powell, & Thomson, 2003 ; Price & Connolly, 2007). Ainsi, les enfants témoins de faits répétés, particulièrement les plus jeunes d’entre eux (Powell, Thomson, & Dietze, 1997), mentionnent surtout les éléments communs à chaque occurrence de l’événement (c’est-à-dire, détails fixes) (Hudson, 1990 ; Powell & Thomson, 1996 ; pour une revue, voir Roberts & Powell, 2001). En outre, en raison d’un déclin rapide de la source temporelle des informations vécues (Powell et al., 1997), leurs déclarations sont également marquées par de nombreuses confusions (c’est-à-dire, éléments qui bien qu’ayant été vécus ne se rattachent pas à l’épisode cible sur lequel les enfants sont entendus) (par ex. Powell, Roberts, Ceci, & Hembrooke, 1999 ; Price & Connolly, 2004, 2007). Enfin, certains auteurs ont montré que les enfants exposés à plusieurs reprises à un même événement se montraient plus vulnérables aux suggestions lorsque celles-ci portaient sur des éléments ayant varié plutôt que sur des éléments restés fixes tout au long des répétitions (par ex. Connolly & Lindsay, 2001 ; Price & Connolly, 2004). De tels effets peuvent être compris par l’étude du fonctionnement de la mémoire autobiographique (c’est-à-dire, sous-système de la mémoire épisodique où sont stockés les souvenirs d’événements personnellement vécus, survenus à un moment et à un endroit spécifique ; Kopelman & Kapur, 2002) mais aussi par celle des théories des scripts.
7Comme abordé précédemment, la mémoire autobiographique se composerait de deux sphères distinctes : une sphère épisodique et une sphère sémantique (Tulving, Schacter, McLachlan, & Moscovitch, 1988). Les souvenirs d’événements spécifiques, rattachés à un contexte spatial et temporel, seraient stockés dans la composante épisodique de la mémoire autobiographique. En revanche, tout souvenir général d’un événement, découlant de nombreuses expériences d’événements similaires, appartiendrait à la composante sémantique de la mémoire autobiographique. Il s’agirait, en somme, de la mémoire des scénarios que nous développons au gré de nos expériences (Van Gijseghem, 1997). Certaines des informations vécues par l’individu et contenues, pendant un temps, dans la composante épisodique, tendraient ainsi à se décontextualiser --- soit en raison du passage du temps, soit en raison de la répétition d’événements similaires (Baddeley & Wilson, 1986) ; passant de cette façon à la composante sémantique de la mémoire autobiographique. Ceci permet d’expliquer pourquoi les jeunes témoins de faits récurrents effectuent leur récit selon une logique de scénario (Van Gijseghem, 1997) : les faits sont relatés comme un tout général composé certes d’éléments vécus lors de l’épisode sur lequel porte l’audition, mais également de bribes d’éléments vécus, en réalité, lors d’expériences passées similaires.
8Néanmoins, afin de mieux appréhender les difficultés que peuvent éprouver les enfants à restituer aux enquêteurs les éléments s’étant écartés de ce scénario (ou script), il est également nécessaire de prendre en considération la fréquence des variations, ainsi que le moment où elles surviennent dans la séquence répétée (Hudson, Fivush, & Kuebli, 1992). En effet, si chaque épisode contient une variation (c’est-à-dire, variations récurrentes sur un objet, et/ou une action, tout au long de 4 sessions de jeux par exemple), les jeunes enfants vont intégrer les différentes variations dans le script, en les représentant sous forme d’un espace « ouvert » et d’une liste d’options (voir le modèle Script-Pointer-Plus-Tag ; Nakamura, Graesser, Zimmerman, & Riha, 1985 ; Smith & Graesser, 1981). L’intégration des variations dans le script va, de ce fait, faciliter leur rappel. Toutefois, cela se fait au prix d’une difficulté à replacer la variation dans l’épisode précis où elle a été rencontrée (Hudson, 1990 ; Kuebli, 1990). En revanche, si les plus jeunes enfants (d’âge préscolaire) ne rencontrent qu’une seule variation (c’est-à-dire, variation unique sur un objet, et/ou une action, survenant lors de la 3e session d’une série de 4 sessions de jeux, par exemple), ils vont alors éprouver plus de difficultés à intégrer dans leur script cette variation mineure par rapport à leurs aînés. En extrapolant, il est tout à fait possible d’envisager que cette variation entre en compétition avec l’élément fixe correspondant, bien représenté dans le script et donc bien plus accessible. Cela étant, toutes les variations, dites uniques, d’un événement ne souffrent pas de la même difficulté de rappel. Selon certains chercheurs, leur rappel dépendrait, en effet, du moment où elles sont vécues. À ce titre, il est désormais admis que la survenue d’une variation unique lors de l’ultime session (vs. lors d’une session plus ancienne) facilite sa restitution ultérieure par le jeune témoin (Farrar & Goodman, 1990, étude 2).
9En somme, les enfants d’âge préscolaire présentent des difficultés pour restituer des détails propres à un épisode spécifique (variations) d’un événement familier, particulièrement lorsque la variation ne survient qu’une seule fois. Toutefois, cela ne signifie pas que leurs souvenirs de cette catégorie de détails soient irrévocablement perdus. Il est, en effet, possible de faciliter le rappel d’un épisode particulier en fournissant aux enfants des indices de récupération appropriés (Hudson et al., 1992). Puisque chaque épisode se distingue toujours par un certain nombre d’éléments singuliers ; le fait d’utiliser ces détails épisodiques (notamment contextuels et temporels) comme indices de récupération pourrait permettre aux enfants de discriminer un épisode spécifique parmi d’autres similaires et améliorerait, de ce fait, leur rappel (par ex. Pearse, Powell, & Thomson, 2003 ; Price & Goodman, 1990). Outre une amélioration observée sur le récit des enfants, Powell et Roberts (2002) ont montré que des indices fournis sous la forme de questions ouvertes (par ex. « Que racontait l’histoire ? » vs « Était-ce l’histoire de Super Chat ? ») permettaient également aux enfants de rapporter moins d’informations erronées leur ayant été suggérées peu de temps auparavant.
10Au vu de ces considérations théoriques, nous formulons l’hypothèse que, exposés à plusieurs reprises à un événement (vs une seule reprise), les enfants devraient restituer plus d’informations correctes, particulièrement des éléments fixes. Les variations, quant à elles, devraient être moins bien rappelées en condition de répétition. Plus précisément, les enfants devraient présenter plus de difficultés à rappeler les variations uniques (vs variations récurrentes). Par ailleurs, ils devraient commettre également plus de confusions entre les différentes occurrences. Enfin, concernant la vulnérabilité des enfants aux suggestions effectuées par l’interrogateur, les enfants exposés plusieurs fois à un événement et interrogés sur un épisode précis devraient se montrer davantage suggestibles aux questions induisant des informations erronées, cela relativement aux enfants n’ayant vécu qu’une seule fois l’événement. Pour autant, l’utilisation de l’EC devrait pouvoir atténuer, voir annuler, ces effets négatifs de la répétition sur les témoignages enfantins. Plus précisément, la consigne de recontextualisation mentale devrait permettre aux enfants de générer des détails épisodiques, et notamment contextuels, lesquels pourraient alors faciliter la discrimination d’un épisode particulier parmi d’autres similaires. Par conséquent, nous formulons l’hypothèse que, interrogés sur un épisode précis, les enfants exposés à plusieurs reprises à un événement devraient restituer davantage d’informations correctes lorsqu’ils sont ultérieurement interrogés avec l’EC (vs un ES). Cet effet bénéfique devrait être marqué tant pour les détails fixes que pour les variations, que celles-ci soient uniques ou récurrentes. Cette augmentation des informations correctes ne devrait pas s’accompagner d’une augmentation des erreurs et des affabulations. Par ailleurs, si l’EC aide effectivement ces enfants à discriminer une occurrence particulière ; il devrait alors également permettre de limiter les confusions possibles entre les diverses occurrences. Parallèlement à cela, et conformément aux précédentes études sur l’EC, nous formulons l’hypothèse que ce bénéfice observé auprès des enfants exposés à plusieurs reprises à un événement (c’est-à-dire, plus d’informations correctes, moins d’erreurs et d’affabulations) devrait être également observé auprès des enfants exposés à un événement unique. Enfin, concernant la plus grande vulnérabilité aux suggestions des enfants exposés plusieurs fois à un événement, cet effet devrait être limité, voir inversé, dès lors qu’ils sont au préalable interrogés avec le protocole de l’EC (« Effet Geiselman »). À nouveau, conformément aux précédentes recherches menées sur l’EC, l’effet positif de ce protocole d’audition sur la suggestibilité des enfants devrait également être retrouvé parmi les enfants exposés seulement à un événement unique.
Méthode
Participants
11Initialement, 71 enfants participaient à cette recherche. Les résultats de sept enfants n’ont pas été comptabilisés en raison de l’absence de compréhension des consignes. Soixante-quatre enfants (31 filles et 33 garçons), âgés de 4 à 5 ans (M = 4,8 ans ; rang = 4 ans et un mois à 5 ans et 7 mois), faisaient donc partie de l’échantillon final. Ceux-ci étaient aléatoirement répartis dans quatre groupes expérimentaux indépendants : 2 (répétition vs sans répétition) × 2 (EC vs ES). Les effectifs pour chacun de ces groupes étaient les suivants : EC-répétition (n = 11), EC-sans répétition (n = 19), ES-répétition (n = 22), ES-sans répétition (n = 12). Les enfants étaient tous scolarisés dans les écoles maternelles de la région Auvergne (France). L’accord parental avait été requis pour leur participation.
Matériel
12L’événement cible auquel participaient les enfants était un atelier de peinture. Durant cet atelier, divers détails relatifs aux personnes, aux actions, aux objets, et aux lieux étaient fixés préalablement dans le cadre d’un scénario précis. Trois autres catégories de détails ont également été spécifiées. Les détails fixes concernaient des détails systématiquement répétés d’une session à l’autre (par ex. l’expérimentatrice porte toujours un pansement sur le nez durant les quatre ateliers). Les détails variables récurrents concernaient des détails dont les caractéristiques étaient modifiées d’une session à l’autre (par ex. les enfants imitent le cri d’un âne lors du premier atelier, puis d’un chien au deuxième atelier, etc.). Les détails variables uniques concernaient des détails systématiquement répétés durant les trois premières sessions et modifiés durant la quatrième session (par ex. la couleur du tablier de l’expérimentatrice était verte durant les trois premiers ateliers et blanche pour le dernier). Quatre détails de chaque catégorie (fixes, variables récurrents et variables uniques) étaient ainsi manipulés.
13Les enfants étaient par la suite interrogés à l’aide de l’un des deux protocoles suivants (cf. la procédure pour une description détaillée) : 1. un entretien structuré (ES) utilisé comme entretien contrôle et 2. un entretien cognitif composé des consignes de recontextualisation mentale, d’hypermnésie et de rappel indicé (cf. Annexe I pour les protocoles d’entretien). Deux questionnaires étaient enfin utilisés afin de mesurer la vulnérabilité des enfants aux questions dirigées. Chaque questionnaire comprenait ainsi 18 questions : six questions neutres, six questions dirigées vraies et enfin six questions dirigées fausses (cf. Annexe II).
Procédure
14Trois assistantes de recherches, toutes étudiantes en psychologie, menaient l’ensemble des entretiens. Toutes les trois étaient formées à la passation des deux types d’entretien (c’est-à-dire, lecture des théories de base de l’ES et de l’EC, visionnage d’un film mettant en scène des enquêteurs de police entraînés à l’application de l’EC, une mise en pratique, et enfin, un jeu de rôle avec feedbacks du formateur).
15L’expérience se déroulait en deux phases, à savoir : une phase d’encodage - durant laquelle les enfants participaient soit à quatre ateliers de peinture (condition de répétition) (n = 33) soit à un seul atelier de peinture (condition sans répétition) (n = 31) ; et une phase de rappel durant laquelle les enfants étaient répartis, de façon aléatoire, dans l’une des conditions d’audition suivantes : ES (n = 34) et EC (n = 30).
16Durant la phase d’encodage (Phase 1), la moitié des enfants participait à quatre ateliers de peinture se déroulant à trois jours d’intervalle les uns des autres. Lors de chaque session, les enfants étaient conduits par groupe de 4 dans une salle à l’écart de leurs camarades de classe. Deux expérimentatrices, inconnues des élèves, animaient l’atelier. L’une des expérimentatrices (« Mme Marguerite ») animait les ateliers de peinture en suivant un scénario préétabli ; tandis que l’autre expérimentatrice (« Mme Pomme ») filmait le déroulement de ces ateliers. Les enfants étaient invités à participer en exécutant certains mouvements et en peignant un masque. Une fois l’atelier achevé, l’expérimentatrice principale donnait une consigne de discrétion aux enfants. Les quatre sessions d’atelier étaient identiques, hormis les détails variables récurrents (différents entre chaque session) et les détails variables uniques (qui ne variaient qu’à la quatrième session). L’autre moitié des enfants n’assistait qu’à une seule session de l’atelier, qui correspondait à la dernière session pour les enfants ayant assisté aux quatre ateliers.
17Deux jours après la dernière session de l’atelier de peinture (Phase 2), une expérimentatrice, inconnue des enfants, les interrogeait soit à l’aide d’un EC, soit à l’aide d’un ES. L’entretien ne portait que sur la dernière session de l’atelier de peinture (dernière session pour les enfants répartis dans la condition de répétition, et unique session pour les enfants répartis dans la condition sans répétition). Chaque entretien se décomposait en trois parties : 1. une prise de contact entre l’expérimentatrice et l’enfant ; 2. deux rappels libres sans interruption de la part de l’expérimentatrice, et ce, conformément aux recommandations de Fisher et al. (1987) ; et enfin 3. la clôture de l’entretien. Dans la mesure où l’expérimentatrice avait pour consigne de lire ces différentes parties à haute voix, les enfants recevaient tous les mêmes instructions. Les entretiens étaient enregistrés, puis intégralement retranscrits. Tel que l’ont recommandé Davies et Westcott (1999, p. 20), chaque entretien débutait par une prise de contact et un transfert de contrôle de l’entretien de l’expérimentatrice au jeune enfant. Ainsi, l’expérimentatrice mentionnait à l’enfant qu’elle ne disposait d’aucune information sur ce qu’il avait fait lors de l’atelier de peinture. En outre, elle lui expliquait qu’il avait tout à fait le droit de lui répondre « je ne sais pas » ou « je ne comprends pas ». Enfin, il était stipulé à l’enfant qu’il avait également le droit de corriger l’expérimentatrice si cette dernière se trompait.
18Pour les enfants auditionnés avec l’ES, l’expérimentatrice introduisait le premier rappel libre par une consigne permettant de contrôler un effet de motivation pouvant être observé avec l’EC (Memon, Cronin, Eaves, & Bull, 1996) (« J’aimerais que tu me racontes le plus de choses possible »). Lorsque l’enfant indiquait ne plus se souvenir d’autres détails, ou lorsqu’il le montrait en ne rapportant pas d’autres informations pendant une minute, il était invité à répéter son récit, à nouveau à l’aide d’une consigne destinée à maintenir le niveau de motivation de l’enfant (« tu vas voir qu’en répétant, tu vas peut-être te souvenir de choses que tu n’as pas dites tout à l’heure »). À la fin de ce second rappel libre, l’expérimentatrice résumait les propos de l’enfant, tout en invitant ce dernier à la corriger en cas d’erreurs, ainsi qu’à compléter le compte-rendu par de nouvelles informations s’il le souhaitait.
19L’EC était similaire à l’ES, exception faite des mnémotechniques, lesquelles étaient présentées aux enfants afin de préparer leurs rappels libres (phase 2). Ainsi, une fois la prise de contact établie, l’expérimentatrice présentait à l’enfant la consigne de recontextualisation mentale (physique et émotionnelle) de l’événement (RC). Notons que traditionnellement, et en particulier chez l’adulte, la recontextualisation mentale consiste à demander au participant de repenser mentalement les lieux et les émotions ressenties durant les faits. Chez l’enfant, et bien qu’il ne s’agisse pas là d’un rappel libre à proprement parlé, il est cependant recommandé de faire verbaliser cette consigne afin de s’assurer qu’il l’applique correctement (par ex. Larsson & Lamb, 2009). Dans la présente étude, l’expérimentatrice invitait donc l’enfant à décrire à haute voix les lieux dans lesquels avait eu lieu l’atelier, les personnes présentes, les sons entendus, et ses sensations. Ensuite, l’expérimentatrice présentait la consigne d’hypermnésie (HY). Il était ici demandé à l’enfant de tout rapporter, y compris les détails qui pourraient ne pas lui sembler importants. L’enfant procédait ensuite à son premier rappel libre de l’atelier de peinture. Lorsqu’il indiquait ne plus se souvenir d’autres détails, ou lorsqu’il le montrait en ne rapportant pas d’autres informations pendant une minute, l’expérimentatrice présentait alors la troisième mnémotechnique, le rappel indicé (RI). Au travers de cette consigne, elle invitait l’enfant à raconter une nouvelle fois l’atelier en le guidant, durant son récit, par un indice de récupération non-suggestif « Et juste après ça, qu’est-ce qu’il s’est passé ? » (« ça » renvoyant à la toute dernière information mentionnée par l’enfant). À la fin de ce second rappel libre, l’expérimentatrice résumait les propos de l’enfant, tout en invitant ce dernier à la corriger en cas d’erreur, ainsi qu’à compléter le compte-rendu par de nouvelles informations s’il le souhaitait.
20Une fois la phase de rappels libres conduite, l’expérimentatrice posait une série de 18 questions spécifiques à l’enfant. Parmi ces 18 questions, 12 étaient formulées de façon dirigée, c’est-à-dire de manière à influencer l’enfant en lui suggérant un élément d’information (par ex. « la gommette, elle était bien de couleur verte, c’est bien ça ? »). Parmi ces douze questions dirigées, six permettaient de suggérer des éléments d’information erronés, c’est-à-dire ne s’étant pas produits durant l’atelier cible mais lors d’un atelier précédent, et les six autres questions permettaient de suggérer des éléments d’information exacts, c’est-à-dire s’étant réellement produits durant l’atelier cible. Enfin, les six questions restantes étaient formulées de manière neutre (par ex. « Tu peux me raconter comment tu as fait pour peindre le tigre ? »). Notons que deux questionnaires différents étaient construits afin de contrebalancer le caractère exact ou erroné des questions dirigées posées.
Cotation
21Trois assistantes de recherches retranscrivaient les rappels libres des enfants, à partir des enregistrements audio effectués lors des entretiens. Une expérimentatrice élaborait ensuite une grille de cotation où chaque détail de l’atelier de peinture, rapporté par les enfants, était consigné et valait un point.
22Par ailleurs, une information était considérée comme « correcte » si elle était identique à l’information ayant eu lieu lors du dernier atelier. Une information était cotée comme « erreur » lorsqu’elle était présente durant l’atelier, mais modifiée dans son contenu lors du rappel (par ex. l’enfant se souvient d’un tablier, mais se trompe sur sa forme). Une information était cotée comme « affabulation » lorsque l’information rapportée par l’enfant n’était présente ni lors du dernier l’atelier de peinture ni lors des précédents ateliers (par ex. l’enfant se souvient que Mme Marguerite portait un bijou alors que, dans les faits, cette dernière n’en portait jamais). Puis, pour les récits effectués par les enfants appartenant à la condition de répétition, une information était cotée comme « confusion » lorsqu’elle faisait référence à un précédent atelier mais était erronément rattachée au dernier atelier de peinture. Notons que les informations répétées par l’enfant, que ce soit au cours d’un même rappel libre ou au travers des deux différents rappels, n’étaient cotées qu’une seule fois. Enfin, concernant particulièrement la cotation des informations recueillies à l’aide de l’EC, seules les informations relatives à l’environnement physique et aux émotions de l’enfant étaient prises en compte au cours de la verbalisation de la recontextualisation mentale. De ce fait, les détails sur le déroulement de l’atelier n’étaient cotés que si l’enfant les mentionnait lors des rappels libres, c’est-à-dire après que les consignes d’hypermnésie et du rappel indicé lui aient été présentées.
23Afin de réduire au maximum le caractère subjectif de la cotation, six entretiens ont été cotés indépendamment par une autre étudiante en psychologie. Un indice inter-coteur fut, de fait, calculé pour le nombre total d’informations correctes, d’erreurs et d’affabulations, avec respectivement : r(4) = 0,90, p < 0,05, r(4) = 0,82, p < 0,05, r(4) = 1, p < 0,001.
24Une seconde grille était ensuite créée afin de coter les réponses aux questions dirigées. En accord avec Milne et Bull (2003) et Milne et al. (1995), lorsque l’enfant répondait « oui » à une question dirigée vraie, sa réponse était cotée comme une soumission correcte. Lorsqu’il répondait « oui » à une question dirigée fausse, sa réponse était cotée comme une soumission erronée. En revanche, lorsque l’enfant répondait « non » à une question dirigée vraie, sa réponse était considérée comme une « résistance erronée », et lorsqu’il répondait « non » à une question dirigée fausse, comme une « résistance correcte ». Le nombre de réponses « je ne sais pas » était également comptabilisé.
Résultats
25Au vu de la taille de notre échantillon, et en considérant que les groupes expérimentaux ont des tailles différentes, une série d’analyses d’homogénéité des variances et de normalité des populations a été conduite sur les différentes VDs, grâce au test de Levene et au test de Kolmogorov-Smirnov. Les conditions d’applications des tests paramétriques n’étant manifestement pas remplies, les différences entre les groupes en termes d’entretien (EC vs. ES) et de répétition de l’événement (répétition vs sans répétition) ont été analysées grâce au test χ2 de Kruskal-Wallis, avec un alpha de 0,05. Les comparaisons par paires ont, quant à elles, étaient analysées grâce au test Z de Mann-Whitney, avec une correction de l’alpha à 0,008 [2].
Effets de l’EC et de la répétition sur les rappels libres
26Une série d’analyses par le test χ2 de Kruskal-Wallis a été conduite pour analyser l’influence de la répétition de l’événement et du type d’entretien sur le rappel des informations correctes, des erreurs, des affabulations, des confusions et enfin sur le taux d’exactitude [3] des témoignages recueillis au cours des rappels libres. Concernant les confusions, les analyses portaient uniquement sur les enfants ayant vécu l’événement de façon répétée. Les résultats sont présentés dans le tableau I.
Nombre moyen (et écart-type) d’informations rappelées selon la répétition de l’événement et le type d’entretien
Table I. Mean number (and standard deviation) for recalled information by repetition and interview
Nombre moyen (et écart-type) d’informations rappelées selon la répétition de l’événement et le type d’entretien
Table I. Mean number (and standard deviation) for recalled information by repetition and interview
27Les analyses révèlent une différence significative entre les groupes d’enfants (EC-répétition ; EC-sans répétition ; ES-répétition ; ES-sans répétition) sur le rappel d’informations correctes, χ2(3) = 14,31, p < 0,01. Les comparaisons par paires indiquent, en effet, que les enfants entendus avec l’EC rapportent significativement plus d’informations correctes que les enfants entendus avec l’ES, Z = -3,325, p < 0,008. Aucun effet de la répétition de l’événement n’est observé sur le rappel de ces informations, Z = -0,336, n.s. Plus précisément, en condition de répétition, les enfants interrogés avec l’EC restituent significativement plus d’éléments corrects que les enfants interrogés avec l’ES, Z = -3,229, p < 0,008. Ce bénéfice de l’EC sur l’ES n’est, toutefois, pas retrouvé parmi les enfants appartenant à la condition sans répétition, Z = -1,725, n.s. Pourtant, l’EC ne semble pas avoir permis aux enfants appartenant à la condition de répétition de rappeler plus d’informations correctes que les enfants appartenant à la condition sans répétition, Z = -1,939, n.s. Enfin, cette absence d’influence du protocole d’entretien, entre la condition de répétition et la condition sans répétition, est également observée avec l’ES, Z = -0,036, n.s.
28Aucune différence n’est, en revanche, observée entre les groupes concernant les erreurs et les affabulations produites au cours des rappels libres, avec respectivement : χ2(3) = 03,70, n.s et χ2(3) = 04,23, n.s. Aucune différence significative concernant le taux d’exactitude n’est relevée entre les quatre groupes d’enfants considérés, χ2(3) = 07,32, n.s. Enfin, concernant les confusions avec d’autres ateliers, aucun effet de l’entretien n’est observé parmi les enfants appartenant à la condition de répétition, Z = -0,305, n.s.
Effets de l’EC et de la répétition sur la restitution des détails fixes, variables récurrents et variables uniques lors des rappels libres
29Une série d’analyses par le test χ2 de Kruskal-Wallis a été conduite pour analyser l’influence de la répétition de l’événement et du type d’entretien sur le rappel correct et erroné des détails fixes, variables uniques et variables récurrents. En raison du faible nombre d’affabulations produites par les enfants, cette variable ne fut pas incluse dans les analyses statistiques. Les résultats sont présentés dans le tableau II.
Nombre moyen (et écart-type) d’informations fixes (max.4), de variations uniques (max.4) et de variations récurrentes (max.4) rappelées selon la répétition et l’entretien
Table II. Mean number (and standard deviation) of fixed details (out of 4), unique variations (out of 4) and recurrent variations (out of 4) recalled by repetition and interview
Nombre moyen (et écart-type) d’informations fixes (max.4), de variations uniques (max.4) et de variations récurrentes (max.4) rappelées selon la répétition et l’entretien
Table II. Mean number (and standard deviation) of fixed details (out of 4), unique variations (out of 4) and recurrent variations (out of 4) recalled by repetition and interview
30Les analyses statistiques révèlent une différence significative entre les groupes d’enfants pour le rappel correct des détails fixes, des variations uniques et des variations récurrentes, avec respectivement : χ2(3) = 11,71, p < 0,01 ; χ2(3) = 14,96, p < 0,01 ; χ2(3) = 07,99, p < 0,05. Les comparaisons par paires n’indiquent aucun effet du type d’entretien sur le rappel correct de ces trois types d’informations (fixes : Z = -02,06, n.s ; variations uniques : Z = -01,16, n.s ; variations récurrentes : Z = -00,24, n.s). En revanche, un effet de la répétition de l’événement est relevé sur la restitution correcte des variations uniques, Z = -02,88, p < 0,008, et récurrentes, Z = -02,47, p < 0,016. En effet, comme l’illustre le tableau II, les enfants ayant répété l’événement ont correctement rappelé plus de variations uniques, et ont également eu tendance à restituer plus de variations récurrentes, que les enfants n’ayant pas répété l’événement. En outre, bien que les enfants appartenant à la condition de répétition ne restituent pas davantage de détails fixes corrects que ceux de la condition sans répétition (Z = -01,07, n.s) ; une différence sur le rappel de ces éléments est observée entre les enfants répartis dans la condition de répétition, en fonction de l’entretien avec lequel ils ont été interrogés, Z = -02,95, p < 0,008. Ainsi, comme l’illustre le tableau II, en condition de répétition, les enfants entendus par la suite avec l’EC restituent correctement plus d’informations fixes (M = 1,91 ; SD = 1,37) que les enfants entendus avec l’ES (M = 0,68 ; SD = 1,17), ce qui n’est pas le cas en condition sans répétition (Z = -00,65, n.s). De plus, les comparaisons par paires montrent que l’EC a permis aux enfants appartenant à la condition sans répétition de rappeler presque autant de détails fixes, que les enfants appartenant à la condition de répétition et entendus avec l’EC également, Z = -01,768, n.s. Parallèlement à cela, alors que les données semblent indiquer que l’EC a bien permis aux enfants ayant répété l’événement de rappeler plus de variations uniques et récurrentes, que les enfants n’ayant pas répété l’événement ; cette influence positive de l’EC n’est, cependant, retrouvée que pour les variations uniques (Z = -03,085, p < 0,008) (avec pour les variations récurrentes : Z = -2,356, n.s.). Enfin, avec l’ES, les enfants appartenant à la condition de répétition ont restitué autant de détails fixes (Z = -02,281, n.s.), de variations uniques (Z = -01,546, n.s.) et récurrentes (Z = -01,320, n.s.), que ne l’ont fait les enfants appartenant à la condition sans répétition.
31Concernant les erreurs commises lors du rappel de ces trois types de détails, une différence entre les enfants est observée uniquement sur le rappel des variations uniques : χ2(3) = 10,72, p < 0,05. À ce titre, aucun effet de l’entretien n’est relevé concernant le rappel erroné des variations uniques, Z = -0,45, n.s. Toutefois, les enfants appartenant à la condition de répétition commettent significativement plus d’erreurs lors du rappel de ces variations que ne le font les enfants appartenant à la condition sans répétition, Z = -02,88, p < 0,008. De plus, les erreurs commises par les enfants exposés plusieurs fois à l’événement ne diffèrent pas en fonction de l’entretien (Z = -01,26, n.s). De la même façon, aucun effet de l’entretien n’est observé sur les erreurs commises par les enfants exposés seulement une fois à l’événement (Z = -0,79, n.s.). Enfin, parmi les enfants entendus avec l’EC, ceux appartenant à la condition de répétition commettent significativement plus d’erreurs sur ces détails variables uniques (Z = -02,65, p < 0,008), que les enfants appartenant à la condition sans répétition. Cette différence entre les enfants de la condition de répétition et ceux de la condition sans répétition n’est pas retrouvée avec l’ES, Z = -01,75, n.s.
Nombre de questions auxquelles les enfants résistent ou se soumettent
32Une série d’analyses par le test χ2 de Kruskal-Wallis a été conduite sur le nombre de réponses de résistance ou de soumission exprimées par les enfants aux questions dirigées. Une analyse indépendante des réponses aux questions dirigées vraies et erronées a été effectuée. Les résultats sont présentés dans le tableau III.
Nombre moyen (et écart-type) des réponses aux questions dirigées vraies (max. 6) et fausses (max. 6) selon la répétition et l’entretien
Table III. Mean number (and standard deviation) of responses on leading (out of 6) and misleading (out of 6) questions by repetition and interview
Nombre moyen (et écart-type) des réponses aux questions dirigées vraies (max. 6) et fausses (max. 6) selon la répétition et l’entretien
Table III. Mean number (and standard deviation) of responses on leading (out of 6) and misleading (out of 6) questions by repetition and interview
Réponses aux questions dirigées fausses (QDF)
33La résistance des enfants aux QDF diffère significativement en fonction des groupes auxquels ils appartiennent, χ2(3) = 07,79, p < 0,05. Les comparaisons par paires indiquent que ni le type d’entretien, ni la répétition de l’événement n’ont eu d’influence sur la résistance aux QDF, avec respectivement : Z = -1,746, n.s. et Z = -1,272, n.s. En revanche, en condition de répétition, les enfants ayant été interrogés avec l’EC ont tendance à résister davantage aux QDF que les enfants ayant été interrogés avec l’ES, Z = -2,405, p < 0,016. Ce bénéfice de l’EC sur la résistance aux QDF n’est, cependant, pas retrouvée parmi les enfants appartenant à la condition sans répétition, Z = -0,415, n.s. Enfin, les enfants ayant vécu l’événement plusieurs fois ne se sont pas montrés plus résistants aux QDF que ne l’ont fait les enfants ayant vécu l’événement une seule fois, cela qu’ils aient été entendus avec l’EC (Z = -0,808, n.s.) ou l’ES (Z = -2,071, n.s.).
34La soumission des enfants aux QDF diffère significativement en fonction des groupes auxquels ils appartiennent, χ2(3) = 10,69, p < 0,05. Les comparaisons par paires indiquent que ni l’entretien ni la répétition de l’événement n’ont eu d’influence sur la soumission des enfants aux QDF, avec respectivement : Z = -1,659, n.s. ; Z = -2,303, n.s. De plus, les enfants entendus avec l’ES ne se sont pas montrés plus suggestibles que les enfants entendus avec l’EC, cela qu’ils aient vécu l’événement une (Z = -0,623, n.s) ou plusieurs fois (Z = -2,223, n.s.). Enfin, si, parmi les enfants entendus avec l’ES, ceux appartenant à la condition de répétition se soumettent davantage aux QDF que ceux appartenant à la condition sans répétition (Z = -2,830, p < 0,008) ; une telle différence n’est pas retrouvée parmi les enfants entendus avec l’EC (Z = -0,157, n.s.).
Réponses aux questions dirigées vraies (QDV)
35La résistance des enfants aux QDV diffère significativement en fonction des groupes auxquels ils appartiennent, χ2(3) = 09,97, p < 0,05. Les comparaisons par paires n’indiquent aucun effet significatif du type d’entretien et de la répétition de l’événement sur la résistance des enfants aux QDV, avec respectivement : Z = -1,762, n.s. et Z = -0,640, n.s. En revanche, comme l’indique le tableau III, en condition de répétition, les enfants entendus au préalable avec l’EC résistent davantage aux QDV, que les enfants entendus préalablement avec l’ES, Z = -3,546, p < 0,008. Un tel effet de l’EC n’est, cependant, pas retrouvé parmi les enfants appartenant à la condition sans répétition, Z = -0,126, n.s. Ainsi, les enfants ayant vécu l’événement plusieurs fois ne résistent pas davantage aux QDV que ne le font les enfants ayant vécu l’événement une seule fois, cela qu’ils aient été entendus avec l’EC (Z = -2,350, n.s.) ou l’ES (Z = -0,547, n.s.).
36La soumission des enfants aux QDV diffère significativement en fonction des groupes auxquels ils appartiennent, χ2(3) = 10,55, p < 0,05. Les comparaisons par paires n’indiquent aucun effet significatif du type d’entretien et de la répétition de l’événement sur la soumission des enfants aux QDV, avec respectivement : Z = -2,067, n.s. et Z = -0,391, n.s. En revanche, les enfants appartenant à la condition de répétition se soumettent davantage aux QDV lorsqu’ils sont entendus avec l’ES, plutôt qu’avec l’EC (Z = -3,328, p < 0,008). Ce qui n’est pas le cas des enfants appartenant à la condition sans répétition, Z = -0,291, n.s. Enfin, les enfants ayant vécu l’événement plusieurs fois ne se soumettent pas davantage aux QDV que ne le font les enfants ayant vécu l’événement une seule fois, cela qu’ils aient été entendus avec l’EC (Z = -1,865, n.s.) ou l’ES (Z = -1,673, n.s.).
Discussion et conclusion
Effets de la répétition de l’événement sur les témoignages enfantins
37L’un des objectifs de la présente étude était d’évaluer l’effet de la répétition d’un même événement sur le témoignage d’enfants d’âge préscolaire (4-5 ans). D’une façon générale, la répétition de faits quasi similaires semble avoir peu d’influences sur le récit des très jeunes participants de notre recherche. En effet, contrairement à notre hypothèse, les enfants ayant été exposés à quatre reprises à l’événement ne mentionnent pas davantage d’informations, que celles-ci soient correctes, erronées ou affabulées, comparativement aux enfants n’ayant été exposés à l’événement qu’à une seule reprise. En outre, contrairement aux travaux de Powell, Roberts, Thomson, & Ceci (2007), les enfants appartenant à la condition de répétition ne se sont pas montrés plus vulnérables aux suggestions erronées contenues dans les questions posées par la suite. Précisons, néanmoins, que dans les travaux de Powell et de ses collaborateurs, la suggestibilité des enfants était surtout marquée après qu’un lapse de temps important (c’est-à-dire, 22 jours) se soit écoulé entre les phases d’encodage et de rappel (cf., Powell et al., 2007, Expérience 2). Si, comme l’ont suggéré pendant un temps ces chercheurs, la suggestibilité enfantine peut, en partie, être modulée par le délai qui sépare l’événement de son rappel ; alors il ne peut être exclu que les performances de suggestibilité, observées dans la présente étude, eussent été différentes après un délai de rétention plus conséquent.
38Les résultats de cette recherche fournissent toutefois certaines indications relatives au rappel des détails fixes et variables. Les enfants ayant vécu plusieurs fois l’événement (c’est-à-dire, atelier de peinture) présentent, en effet, certaines difficultés à faire part de façon tout à fait exacte des éléments ayant varié une seule fois lors de la dernière occurrence (c’est-à-dire, variations uniques). Certes, ils rappellent correctement plus de ces variations uniques ; mais leur compte-rendu s’avère être également plus erroné que celui des enfants n’ayant été exposés à l’événement qu’une seule fois. Une explication possible de ce résultat pourrait être que si, après trois répétitions du même détail au cours des différentes occurrences, les enfants se sont déjà formés une représentation générale de l’événement (ou script) constitué de ce détail fixe ; alors ils se trouvent confrontés à un changement du détail en question, ce qui contredit son caractère fixe. Les enfants, pour intégrer ce détail dans le script, doivent alors commencer à se le représenter à un niveau plus générique, avec des options associées (cf. le modèle Script-Pointer-Plus-Tag). Or, pour parvenir à une telle représentation des variations uniques en mémoire, les enfants d’âge préscolaire ont besoin de davantage d’expériences que leurs aînés (Hudson et al., 1992). Dès lors, il est possible que l’augmentation des erreurs observée traduise une difficulté d’intégration dans le script de la variation de ce détail jusqu’alors fixe.
39Par ailleurs, les enfants appartenant à la condition de répétition ont restitué plus d’éléments ayant varié systématiquement d’une expérience à l’autre de l’événement (c’est-à-dire, détails variables récurrents) que les enfants n’ayant vécu l’événement qu’une seule fois. Bien qu’infirmant notre hypothèse, ce résultat concorde avec les conclusions de Kuebli (1990). Selon lui, en effet, l’expérience d’une variation qui apparaît à chaque épisode permettrait aux enfants de mieux rappeler ce qui a pu changer par la suite lors d’un épisode particulier (Farrar & Goodman, 1990).
40En revanche, si la répétition de l’événement semble avoir permis aux enfants d’élaborer un script, ces connaissances schématiques ne semblent pas les avoir aidés à restituer davantage d’éléments fixes. En effet, contrairement à ce qui est traditionnellement admis dans les divers modèles relatifs aux scripts (par ex. Smith & Graesser, 1981), les enfants ayant vécu l’événement de façon répétée n’ont pas davantage mentionné de détails fixes, et ce, comparativement aux enfants ayant vécu l’événement de façon unique. Une hypothèse possible pour rendre compte de ce résultat est que la répétition affecterait la façon dont les participants transmettraient les informations à l’interrogateur (Mantwill et al., 1995). Ainsi, les enfants ayant vécu quatre ateliers de peinture pourraient restituer les informations avec un haut degré d’abstraction, augmentant de ce fait leur critère de réponse. Ils privilégieraient donc surtout le rappel d’informations qui leur semblent pertinentes, au détriment des éléments communs à chaque occurrence de l’événement. En revanche, les enfants n’ayant vécu qu’un seul atelier de peinture seraient davantage enclins à mentionner tous les éléments dont ils se souviennent, et seraient ainsi amenés à adopter un haut niveau de résolution (abaissant alors leur critère de réponse). Selon Mantwill et collaborateurs, le fait d’inviter les témoins à relater tous les éléments d’information dont ils se souviennent serait nécessaire mais insuffisant pour permettre aux individus familiarisés avec l’événement cible d’abaisser leur critère de réponse (voir Pansky, Koriat, & Goldsmith, 2005 ; pour une description des facteurs influençant le contrôle des réponses) et de témoigner avec un degré de résolution équivalent à celui des individus non familiarisés avec cet événement. En conséquence de quoi, Mantwill et ses collaborateurs conseillent d’insister davantage, auprès des témoins de faits récurrents, sur la nécessité de mentionner à l’enquêteur toutes les informations qui leur viennent à l’esprit, en ne se concentrant pas uniquement sur les détails qui leur paraissent signifiants. Or, il s’agit précisément de l’objectif de l’une des mnémotechniques de l’EC (cf. l’hypermnésie).
Effets de l’Entretien Cognitif sur le rappel d’événements répétés dans le temps
41Le second objectif de cette étude était d’éprouver l’efficacité de l’Entretien Cognitif comme protocole d’audition pour de jeunes témoins rendant compte d’un Événement s’étant produit une fois (c’est-à-dire, événement unique) mais aussi, et surtout, plusieurs fois (c’est-à-dire, événement répété).
42Contrairement aux récentes études menées sur l’EC auprès des enfants (par ex. Holliday, 2003a, 2003b ; Milne & Bull, 2002, 2003 ; Verkampt & Ginet, 2009), les résultats de notre recherche ne montrent pas de bénéfice de ce protocole d’audition pour le témoignage de faits ne s’étant produits qu’une seule fois, et cela malgré un gain de 66 % d’informations correctes par rapport à notre entretien contrôle (c’est-à-dire, Entretien Structuré). En revanche, un net bénéfice de l’EC sur le compte-rendu de l’épisode cible (c’est-à-dire, le dernier atelier de peinture) est observé auprès des enfants ayant vécu l’événement à plusieurs reprises. En effet, conformément à nos hypothèses, les enfants auditionnés à l’aide de l’EC effectuent des témoignages plus riches (près de 113 % d’informations correctes supplémentaires) que ne le font les enfants auditionnés avec l’ES, et ce, sans augmentation conjointe d’erreurs, d’affabulations ou de confusions entre les différentes occurrences de l’événement. Par ailleurs, ces déclarations s’avèrent être tout aussi exactes que celles des enfants auditionnés avec l’ES.
43Concernant la restitution des détails fixes et variables, les bienfaits de l’EC sont, en revanche, moins marqués. Contrairement à nos hypothèses, aucun bénéfice de l’EC n’est en effet retrouvé pour les détails variables récurrents ou uniques, et ce, relativement à l’ES. En revanche, les enfants appartenant à la condition de répétition auditionnés avec l’EC ont restitué davantage de détails fixes que ne l’ont fait les enfants auditionnés avec l’ES. Cette amélioration du report de détails fixes grâce à l’EC est particulièrement intéressante dans la mesure où, comme souligné précédemment, les participants de notre étude ayant été exposés à plusieurs reprises à l’événement négligeaient précisément le rappel de ce type d’informations. Ce résultat plaide donc en faveur d’un abaissement du critère de réponse chez les enfants auditionnés à l’aide de l’EC (voir Wright, Gabbert, Memon, & London, 2008 ; pour une discussion sur l’abaissement du critère de réponse de sujets adultes avec l’EC). En outre, cela offre un argument tendant à récuser la critique émise par Mantwill et al. (1995) à l’égard de l’EC --- critique selon laquelle les consignes cognitives basées sur le principe d’encodage spécifique (remise en contexte et hypermnésie) perdraient de leur potentiel pour le rappel de faits répétés. De plus, ce résultat démontre également que la récupération des éléments fixes représentés dans le script à un niveau générique, peut être facilitée par l’utilisation de certains indices de récupération. Il s’agit d’une piste de recherche future intéressante, puisqu’elle pose la question théorique de l’organisation en mémoire des éléments fixes du script et des caractéristiques des traces mnésiques relatives à ces invariants (par ex. ces traces présentent-elles également des caractéristiques contextuelles ?).
44Par ailleurs, parmi les enfants auditionnés à l’aide de l’EC, ceux ayant vécu l’événement de façon répétée rappellent plus de détails variables uniques, et ce, de façon correcte ou erronée, que les enfants n’ayant vécu l’événement qu’une seule fois. Or, cette différence n’est pas retrouvée chez les enfants auditionnés avec l’ES. L’influence, tant positive que négative, de la répétition sur le report des variations uniques semble donc davantage marquée chez les enfants auditionnés avec l’EC, que chez les enfants auditionnés avec l’ES. À nouveau, le fait que ces enfants aient plus rapporté de variations uniques, mais avec davantage d’erreurs associées, tendrait à plaider en faveur d’un abaissement du critère de réponse des enfants avec l’EC. Comme nous l’avons évoqué, les détails qui ne varient qu’à la dernière occurrence de l’événement sont difficiles à récupérer pour les enfants, car elles entrent en contradiction avec la première version rencontrée lors des trois premières occurrences. Le fait d’utiliser l’EC a pu pousser les enfants à mentionner ces détails, confus en mémoire, ce qui s’est accompagné d’une augmentation parallèle des erreurs. Notons toutefois que, d’un point de vue appliqué, ce type de variations présente un intérêt très important, puisque ce sont ces détails qui permettent de spécifier un épisode particulier parmi une séquence répétée. Dès lors, l’EC peut permettre aux enquêteurs de disposer de plus de détails de ce type, mais avec un risque accru d’erreurs. De plus amples recherches s’avèrent nécessaires pour confirmer cet effet, en comprendre l’origine et proposer des solutions éventuelles impliquant l’ajout ou la reformulation de certaines consignes.
Effets de l’Entretien Cognitif sur la suggestibilité dans le cadre d’un Événement répété
45Enfin, concernant la vulnérabilité des très jeunes enfants aux suggestions, l’hypothèse d’une influence positive de l’EC n’est que partiellement validée dans cette étude. En effet, contrairement à ce qui est traditionnellement observé (par ex. Holliday, 2003a, 2003b ; Memon et al., 1996 ; Verkampt & Ginet, 2009), les enfants auditionnés avec cet entretien ne se sont pas montrés, par la suite, moins vulnérables aux questions dans lesquelles l’expérimentatrice tentait de leur suggérer une information erronée (c’est-à-dire, question dirigée fausse). Ce résultat ne vaut, toutefois, que pour les enfants n’ayant vécu l’événement cible qu’une seule fois. En effet, face aux questions dirigées fausses, les enfants appartenant à la condition de répétition et auditionnés avec l’EC montrent plus de résistance que les enfants de cette même condition, mais auditionnés avec l’ES. Étonnamment ces enfants se comportent de la même façon lorsque l’information suggérée est exacte. Comment expliquer une telle résistance aux informations induites chez ces jeunes témoins auditionnés avec l’EC ?
46Notons tout d’abord que la soumission ou la résistance à une suggestion de l’interrogateur n’est pas simple pour un jeune témoin de faits récurrents. En effet, lorsque la suggestion renvoie à des détails vécus lors d’une précédente session, comme ce fut le cas dans la présente recherche, l’enfant se doit de déterminer si l’information suggérée a été vécue ou non, et si oui, d’identifier le moment précis où il l’a vécue (c’est-à-dire, lors de l’épisode cible ou lors d’un précédent épisode) (Powell et al., 2007). La difficulté surviendrait alors lorsque la source temporelle de l’information suggérée est oubliée. Car, dans un tel cas de figure, l’enfant serait forcé de répondre à la suggestion sur la base de facteurs indépendants de la séquence temporelle (par ex. saillance du contenu de la suggestion, réponse au hasard). Or, dans la mesure où l’information suggérée renvoie bien à un épisode vécu, le risque ici est que l’enfant se soumette plus volontiers à la suggestion (yes bias) (Powell et al., 2007). Pourtant, dans cette étude, lorsque les enfants sont préalablement auditionnés avec l’EC, c’est un tout autre biais de réponse qui est observé (c’est-à-dire, nay-saying bias qui renvoie à la propension accrue de réponses négatives aux questions posées). Bien que peu fréquemment rencontré auprès de très jeunes enfants, certains chercheurs ont déjà eu l’occasion de souligner l’existence d’un tel biais dans les réponses fournies par des enfants, âgés de 4-5 ans en particulier, à des questions fermées de type oui/non (par ex. Fritzley & Lee, 2003). Selon Peterson et Biggs (1997), les raisons de ce nay-saying bias peuvent tout à la fois être cognitives, sociales ou encore linguistiques (par ex. l’enfant ne comprend pas la question). Il est ainsi possible qu’en montrant une résistance aux suggestions erronées mais aussi exactes de l’expérimentatrice, les enfants aient tout simplement pu chercher à mettre un terme au questionnement et, de ce fait, à l’entretien (Peterson & Biggs, 1997). Cette hypothèse tendrait à rejoindre les conclusions formulées par Miller (1990) sur l’utilisation des ressources attentionnelles dans des tâches de rappel. En effet, lorsqu’ils sont auditionnés avec l’EC, nous pouvons supposer que les enfants fournissent davantage d’efforts pour récupérer en mémoire les informations pertinentes (c’est-à-dire, informations exactes et renvoyant à l’épisode cible) que ne le font les enfants auditionnés avec l’ES. Dans la mesure où cette tâche pourrait être fortement demandeuse en ressources attentionnelles (Miller, 1990) ; il est alors possible que lorsque commence la phase de questionnement, les enfants n’aient plus assez de ressources attentionnelles à mobiliser. Toujours en accord avec les travaux de Miller, la difficulté perçue de la tâche (c’est-à-dire, répondre à 18 questions après avoir tenté de fournir un maximum de détails lors des rappels libres) pourrait, en effet, les inciter à vouloir mettre court à l’entretien.
47Cette hypothèse d’un protocole de l’EC trop coûteux cognitivement pour les jeunes enfants ayant vécu un événement répété reste à démontrer (par exemple, en envisageant une étude dans laquelle l’intérêt, l’attention et l’ennui de l’enfant sont régulièrement sondés au cours de l’entretien). Toutefois, si tel était le cas, cela représenterait sans conteste l’une des limites à l’utilisation de l’EC pour l’audition de jeunes témoins de faits récurrents. Un moyen de pallier cela pourrait alors être, d’une part de rappeler aux enfants qu’il leur est possible de répondre « je ne sais pas » et ce, juste avant que ne commence la phase de questionnement et, d’autre part, de les inciter à exprimer leur souhait de faire une pause s’ils le souhaitent ou de leur en proposer une le cas échéant.
48En conclusion, l’efficacité plus marquée de l’EC auprès des enfants appartenant à la condition de répétition est un résultat particulièrement important de cette étude car, jusqu’à présent, nulle recherche n’avait à notre connaissance répliqué les bénéfices substantiels observés avec l’EC sur le rappel d’événements uniques pour le rappel de faits répétés et, qui plus est, auprès d’une si jeune population. Par conséquent, cette recherche permet de répondre à une importante question tant théorique qu’appliquée, qui est celle de l’application de l’EC pour l’audition d’enfants témoins de faits ayant pu se répéter dans le temps. Elle ouvre la voie à des recherches futures qui pourraient prendre en compte un aspect important des témoignages d’événements criminels répétés : le traumatisme associé. Selon Anderson et Green (2001), une expérience traumatisante peut, en effet, se caractériser par un oubli plus important, notamment en raison des nombreux efforts déployés par la victime pour éviter de repenser aux faits. Conway (2001) précise ainsi que, dans des cas d’abus sexuels, les enfants pourraient davantage tenter d’oublier les faits dont ils ont été victimes lorsque l’agresseur est une personne de confiance (par ex. travailleur social), plutôt qu’un inconnu. En effet, dans la mesure où un agresseur connu de l’enfant représente un indice de récupération puissant, la seule façon de prévenir le souvenir d’un tel événement serait alors pour la jeune victime de délibérément éviter d’y repenser. Ceci permettrait d’expliquer, toujours selon Conway, pourquoi les abus répétés perpétrés par un proche pourraient être moins bien mémorisés, et donc moins bien rappelés. D’autres chercheurs ont également émis l’hypothèse que les personnes dépressives suite à un événement traumatisant adoptent des stratégies génériques en ne récupérant pas les éléments spécifiques de l’événement traumatique, afin de minimiser les affects négatifs associés à ces éléments spécifiques (Orbach, Lamb, Sternberg, William, & Dawud-Noursi, 2001). À quel point l’EC peut permettre de faciliter le rappel de tels détails spécifiques ? Quels effets secondaires son utilisation dans un tel contexte peut-elle avoir au niveau des affects ressentis par les enfants, en particulier lorsqu’ils sont victimes de violences intrafamiliales ?
49Reçu le 29 avril 2009.
Révision acceptée le 21 septembre 2009.
Annexe I : Présentation du déroulement des entretiens
Annexe II : Présentation détaillée des questionnaires utilisés en toute fin d’entretien
50Liste des questions du Questionnaire 1
- Qu’as-tu fais quand tu étais avec Mme Pomme avant que Mme Marguerite arrive ? (question neutre)
- Quand Mme Marguerite est entrée dans la salle, elle a bien tapé sur un verre ? (question dirigée vraie)
- Elle avait bien un pansement sur le nez ? (question dirigée vraie)
- Et elle portrait bien un foulard autour de la tête quand tu as peint le tigre, c’est bien ça? (question dirigée fausse)
- Comment elle était Mme Pomme? (question neutre)
- Quand Mme Pomme a présenté Mme Marguerite, elle l’a fait après avoir joué de la flûte, c’est bien ça ? (question dirigée fausse)
- Et Mme Marguerite n’a pas bu de grenadine après, c’est ça ? (question dirigée vraie)
- Et qu’est-ce que vous a donné Mme Marguerite avant de peindre? Tu peux me décrire ? (question neutre)
- La gommette était bien de couleur verte, c’est bien ça ? (question dirigée vraie)
- Et elle avait bien agrafé le papier crépon sur le bâton de bois pour fabriquer la fleur ? (question dirigée fausse)
- Et le chapeau que tu as eu, il était brillant, c’est bien ça ? (question dirigée fausse)
- Pour faire comme les vrais peintres, tu as commencé par tourner les mains, puis les pieds et enfin tu as tourné autour de la table, c’est bien ça ? (question dirigée fausse)
- Et tu as bien imité le bruit du chien ? (question dirigée fausse)
- Il y avait quoi sur la table où tu étais pour faire le masque de tigre ? (question neutre)
- Tu peux me raconter comment tu as fait pour peindre le masque de tigre ? (question neutre)
- Et quand vous avez fini de peindre le masque de tigre, qu’est-ce qui s’est passé ? (question neutre)
- C’est bien une fleur que Mme Marguerite a dessiné sur une feuille blanche, hein ? (question dirigée vraie)
- A la fin, Mme Marguerite a dit que tu ne pouvais pas en parler à tes copains et des copines, c’est bien ça ? (question dirigée vraie)
51Liste des questions du Questionnaire 2
- Qu’as-tu fais quand tu étais avec Mme Pomme avant que Mme Marguerite arrive ? (question neutre)
- Quand Mme Marguerite est entrée dans la salle, elle a bien tapé sur une assiette ? (question dirigée fausse)
- Elle avait bien un pansement bleu sur le nez ? (question dirigée fausse)
- Et elle portrait bien un foulard autour du cou quand tu as peint le tigre, c’est bien ça? (question dirigée vraie)
- Comment elle était Mme Pomme? (question neutre)
- Quand Mme Marguerite a présenté Mme Pomme, elle l’a fait après avoir joué de la flûte, c’est bien ça ? (question dirigée vraie)
- Et Mme Marguerite a bien bu de la grenadine après, c’est ça ? (question dirigée fausse)
- Et qu’est-ce que vous a donné Mme Marguerite avant de peindre? Tu peux me décrire ? (question neutre)
- La gommette était bien de couleur jaune, c’est bien ça ? (question dirigée fausse)
- Et elle avait bien agrafé le papier crépon sur la paille pour fabriquer la fleur ? (question dirigée vraie)
- Et tu n’as pas eu de chapeau, c’est bien ça ? (question dirigée vraie)
- Pour faire comme les vrais peintres, tu as commencé par tourner les mains, puis tu as tourné autour de la table et enfin tu as tourné les pieds, c’est bien ça ? (question dirigée vraie)
- Et tu as bien imité le bruit des oiseaux ? (question dirigée vraie)
- Il y avait quoi sur la table où tu étais pour faire le masque de tigre ? (question neutre)
- Tu peux me raconter comment tu as fait pour peindre le masque de tigre ? (question neutre)
- Et quand vous avez fini de peindre le masque de tigre, qu’est-ce qui s’est passé ? (question neutre)
- C’est bien un bateau que Mme Marguerite a dessiné sur une feuille blanche, hein ? (question dirigée fausse)
- A la fin, Mme Marguerite a dit que tu pouvais en parler à tes copains et des copines, c’est bien ça ? (question dirigée fausse)
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Notes
-
[1]
L’entretien structuré (ES) est en tout point identique à l’EC, exception faite des consignes cognitives qui, elles, sont exclues du protocole. L’ES conserve ainsi le cadre général d’audition de l’EC (c’est-à-dire, prise de contact, transfert de contrôle, droit de dire « je ne sais pas », etc.).
-
[2]
Afin que toutes les conditions expérimentales puissent être appréciées les unes par rapport aux autres, 6 comparaisons par paires étaient nécessaires. Une correction de l’alpha a donc été effectuée. Ne seront, de fait, considérées comme significatives que les analyses dont la probabilité d’erreur est inférieure à 0,008 et, comme tendancielles, les analyses dont la probabilité d’erreur est inférieure à 0,016.
-
[3]
Taux d’exactitude = nombre d’informations correctes / (nombre d’informations correctes + d’erreurs + d’affabulations).