Notes
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[1]
Les auteurs préfèrent l’utilisation de mots neutres écrits en couleurs comme condition contrôle, à l’utilisation de rectangles de couleur car les mots neutres font intervenir la dimension écrite. De plus, par rapport à une condition contrôle qui consisterait en une suite de lettres, par exemple, les mots neutres vont entraîner un coût de traitement supplémentaire (appelé coût de lexicalité). En utilisant des mots neutres, les stimuli contrôles seront donc équivalents aux stimuli expérimentaux.
-
[2]
Les épreuves qui ont été utilisées dans la batterie diagnostique pour évaluer la lecture et l’orthographe sont les tâches de lecture et de dictée de mots réguliers, irréguliers et de pseudomots de la Batterie Phonolec (Plaza, Robert-Jahier, Gatignol, & Oudry, 2008), les tâches de lecture du texte narratif et de dictée de texte de l’Evalad (Pech-Georgel & George, 2011), ainsi que la lecture du texte sans signification de l’Alouette (Lefavrais, 1967, 2005).
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[3]
Étant donné la taille de nos échantillons et les conditions de normalité et d’homogénéité de variance parfois non respectées, nous avons opté pour des tests non-paramétriques pour la comparaison de nos groupes (Test U de Mann-Withney et Test exact de Fisher).
Introduction
1Si les étudiants dyslexiques sont parvenus à atteindre un niveau d’enseignement supérieur, c’est qu’ils ont réussi à développer certaines compétences en compréhension écrite nécessaires à la réussite de leur parcours scolaire, malgré la persistance de difficultés de lecture. La compréhension écrite est un processus complexe qui fait intervenir, outre les habiletés spécifiques au traitement des textes écrits comme le décodage ou les stratégies de lecture de textes, des habiletés de compréhension orale impliquant le vocabulaire, les connaissances morphologiques et syntaxiques, les compétences pragmatiques ou encore les connaissances générales. Elle fait également intervenir la mémoire verbale (notamment la mémoire de travail), les capacités de raisonnement, de planification, d’organisation, de flexibilité cognitive, et est donc étroitement liée avec les fonctions exécutives (Cutting & Scarborough, 2012 ; Spencer, Richmond, & Cutting, 2020). Ces différentes composantes peuvent être envisagées comme autant de sources de difficultés ou, à l’inverse, comme de potentielles habiletés compensatoires sur lesquelles les lecteurs présentant des difficultés de lecture pourraient s’appuyer (Cavalli, Colé, & Velay, 2015). La dyslexie développementale est, en effet, un trouble spécifique d’apprentissage qui « se manifeste par des difficultés persistantes dans l’identification rapide et précise de mots écrits familiers, dans le décodage de séquences non familières de lettres et dans la production de l’orthographe correcte des mots » (Poncelet, 2009, p. 170). La dyslexie peut donc avoir un impact sur la compréhension en lecture mais elle se distingue des troubles de la compréhension écrite dus à de faibles habiletés en compréhension orale (profils de « mauvais compreneurs ») (Snowling, 2013). La dyslexie est un trouble neurodéveloppemental qui interfère dans les apprentissages scolaires et les activités de la vie quotidienne nécessitant la lecture, et qui ne s’explique pas par une déficience intellectuelle, un trouble sensoriel, un autre trouble neurologique ou mental, une maîtrise insuffisante de la langue de scolarisation ou encore un manque d’opportunité d’apprentissage (American Psychiatric Association, 2013).
2Les études menées chez les adultes dyslexiques mettent en évidence la persistance de difficultés en lecture, en orthographe et au niveau des processus phonologiques, notamment (Bruck, 1990, 1992 ; Callens, Tops, & Brysbaert, 2012 ; Hatcher, Snowling, & Griffiths, 2002 ; Martin et al., 2010 ; Swanson & Hsieh, 2009). Ceci suggère des représentations phonologiques et orthographiques et / ou un accès à ces représentations de faible qualité. Or, selon l’hypothèse de qualité lexicale (Perfetti, 2007), la qualité des représentations phonologiques, orthographiques et sémantiques a un impact sur les compétences en lecture, et notamment la compréhension. On peut dès lors supposer que les étudiants dyslexiques ont réussi à développer certains mécanismes de compensation, leur permettant de dépasser ou du moins de contourner leurs difficultés (Gallagher, Laxon, Armstrong, & Frith, 1996 ; Lefly & Pennington, 1991). De bonnes compétences langagières, par exemple, pourraient jouer un rôle de compensation dans le développement de la lecture (Snowling, Gallagher, & Frith, 2003). Plus précisément, un système sémantique de bonne qualité pourrait être un de ces leviers (Cavalli et al., 2016 ; Schiff, Cohen, Marton, & Sasson, 2019 ; van der Kleij, Groen, Segers, & Verhoeven, 2019 ; van Rijthoven, Kleemans, Segers, & Verhoeven, 2018). Si la littérature sur la dyslexie à l’âge adulte s’est fortement enrichie ces dernières décennies, peu d’études, comme nous le verrons par la suite, se sont penchées sur la qualité des représentations sémantiques des étudiants dyslexiques, et plus particulièrement l’accès à ces représentations sémantiques en situation de lecture.
3Dans la présente étude, nous nous intéressons à un aspect particulier de la qualité lexicale : l’automaticité d’accès. Pour assurer une lecture fluide, une représentation de bonne qualité doit être bien connectée aux autres représentations, s’activer rapidement et de manière automatique (Perfetti, 2007). Pour évaluer cet aspect, les paradigmes d’interférence sont particulièrement intéressants puisqu’on suscite chez l’individu l’activation de représentations qui viennent interférer avec la tâche demandée. L’interférence est alors le reflet d’une activation automatique. Un premier objectif de notre étude est, plus spécifiquement, d’évaluer l’activation automatique des représentations sémantiques en lecture chez les étudiants dyslexiques via une tâche Stroop sémantique (Augustinova & Ferrand, 2014a ; Augustinova, Flaudias, & Ferrand, 2010). Dans cette tâche, les participants doivent dénommer le plus vite possible la couleur de l’encre dans laquelle des mots sont écrits, sans faire attention au sens de ces mots. Parmi ceux-ci, des mots associés sémantiquement à une couleur incongruente (e.g., « ciel » écrit en vert) créent un conflit sémantique si le lecteur ne peut s’empêcher de lire le mot et d’accéder aux représentations sémantiques associées (dans l’exemple ci-dessus, le mot « ciel » est associé sémantiquement à la couleur bleue). Si la tâche Stroop d’origine (Stroop, 1935), qui nécessite de dénommer la couleur dans laquelle des noms de couleurs sont écrits (e.g., « vert » écrit en bleu), a déjà été proposée à des adultes dyslexiques, notamment dans le cadre de l’évaluation des fonctions exécutives, à notre connaissance, aucune étude n’a utilisé la tâche Stroop sémantique. Un deuxième objectif de notre étude est donc de contraster l’effet d’interférence du Stroop sémantique, reflétant l’activation de représentations sémantiques, et l’effet d’interférence classiquement observé dans la tâche Stroop classique, dans le but de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents qui posent problème en cas de dyslexie.
4Nous allons d’abord nous intéresser à la tâche de dénomination rapide automatisée puisque la tâche Stroop nécessite de dénommer rapidement des couleurs et qu’une planche de dénomination rapide de rectangle de couleurs est généralement utilisée comme condition contrôle dans cette tâche. Nous décrirons ensuite la tâche Stroop en tant que telle et les résultats obtenus dans la population dyslexique. Enfin, nous verrons en quoi la tâche Stroop sémantique se démarque de la tâche Stroop d’origine et quel éclairage cette tâche peut nous apporter dans le cadre de la présente étude.
Dénomination rapide automatisée et lecture
5La dénomination rapide automatisée (DRA) réfère au temps nécessaire à un individu pour dénommer un ensemble de symboles très familiers, comme des couleurs, des objets, des chiffres ou des lettres présentés à plusieurs reprises dans un ordre aléatoire sur une page (Jones, Snowling, & Moll, 2016 ; Kirby, Georgiou, Martinussen, & Parrila, 2010). Cette mesure est un des prédicteurs les plus importants du développement de la lecture et ce, particulièrement en ce qui concerne la vitesse de lecture (Araújo, Reis, Petersson, & Faísca, 2015 ; Denckla & Cutting, 1999 ; Furnes, Elwér, Samuelsson, Olson, & Byrne, 2019 ; Furnes & Samuelsson, 2011 ; Georgiou, Aro, Liao, & Parrila, 2016 ; Kirby et al., 2010 ; Landerl et al., 2013 ; Landerl & Wimmer, 2008 ; Mano, Williamson, Pae, & Osmon, 2015 ; Torppa et al., 2013 ; van den Bos, Zijlstra, & Lutje Spelberg, 2002 ; Vander Stappen & Van Reybroeck, 2018). Par ailleurs, les études montrent un ralentissement dans les tâches de DRA, tant chez les enfants dyslexiques (Bexkens, van den Wildenberg, & Tijms, 2015 ; Willburger, Fussenegger, Moll, Wood, & Landerl, 2008) que chez les adultes dyslexiques (Beidas, Khateb, & Breznitz, 2013 ; Jones, Branigan, & Kelly, 2009). Dans le cadre de l’hypothèse d’un déficit phonologique comme origine causale de la dyslexie, cette faiblesse en DRA peut être interprétée comme résultant de difficultés d’accès rapide et de récupération des représentations phonologiques en mémoire à long terme (Wagner, Torgesen, Laughon, Simmons, & Rashotte, 1993). En effet, les difficultés phonologiques sont, pour de nombreux auteurs, à la base des difficultés des personnes dyslexiques (Ramus, 2003 ; Vellutino, Fletcher, Snowling, & Scanlon, 2004) et ces difficultés phonologiques persistent chez les adultes (Bruck, 1992 ; Snowling, Nation, Gallagher, & Frith, 1997). Cependant, si la DRA est un prédicteur du développement de la lecture au même titre que la conscience phonologique, les données semblent converger vers le fait que ces deux compétences auraient des effets indépendants sur le développement du langage écrit : la dénomination rapide serait davantage associée à la vitesse de lecture tandis que la conscience phonologique serait davantage liée à la précision de lecture et à l’orthographe (Landerl & Wimmer, 2008 ; Moll et al., 2014 ; Vander Stappen & Van Reybroeck, 2018 ; Wolff, 2014). Si la DRA est un facteur indépendant des processus phonologiques, on peut se demander quels sont les processus sous-jacents qui expliqueraient le lien entre cette tâche et la lecture. Cette question fait encore débat à l’heure actuelle (Furnes et al., 2019). Selon, Kirby et al. (2010), il existe plusieurs explications théoriques qui, plutôt que d’être vues comme mutuellement exclusives, doivent être chacune considérées comme une pièce d’un puzzle. Dans leur revue de littérature, Kirby et al. (2010) ainsi que Norton et Wolf (2012) évoquent différentes explications qui réfèrent aux processus cognitifs, verbaux, attentionnels et visuels dont on a besoin pour lire les mots de manière fluide et efficace (e.g., mouvements oculaires séquentiels, récupération d’informations phonologiques, prononciation des stimuli, vitesse de traitement, capacités de synchronisation et d’intégration, inhibition des items précédents).
Interférence Stroop et inhibition
6L’inhibition se définit comme la capacité à supprimer des informations obsolètes et à ignorer les informations non pertinentes pour aider à maintenir les objectifs poursuivis et les stimuli pertinents (Christopher et al., 2012). Un des tests les plus utilisés pour évaluer la capacité des individus à gérer une information interférente est la tâche Stroop (Stroop, 1935) dans laquelle il est nécessaire d’inhiber une réponse automatique, en l’occurrence la lecture du mot lui-même. Cette tâche a déjà été proposée dans plusieurs études à des enfants, des adolescents et des adultes dyslexiques, indiquant systématiquement une interférence plus importante chez ceux-ci par rapport aux participants sans trouble de la lecture (Everatt, Warner, Miles, & Thomson, 1997 ; Faccioli, Peru, Rubini, & Tassinari, 2008 ; Helland & Asbjørnsen, 2000 ; Kapoula et al., 2010 ; Protopapas, Archonti, & Skaloumbakas, 2007 ; Proulx & Elmasry, 2015). Les auteurs s’accordent sur le fait que ces résultats apportent la preuve que la lecture est un processus automatique même pour les individus dyslexiques (Faccioli et al., 2008). Selon certains auteurs, l’effet d’interférence plus important objectivé chez les enfants et les adultes dyslexiques refléterait une lecture plus lente et moins efficace, qui retarderait le processus d’inhibition et par conséquent la dénomination de la couleur (Jones et al., 2016 ; Mano et al., 2015). D’autres concluent, de manière plus générale, à des difficultés d’inhibition de la réponse dominante, en l’occurrence la lecture (Reiter, Tucha, & Lange, 2005). La tâche Stroop nécessite en effet des capacités d’inhibition et des processus attentionnels qui seraient déficients chez les individus dyslexiques (Kapoula et al., 2010 ; Proulx & Elmasry, 2015). Cette dernière hypothèse est corroborée par le fait qu’un déficit exécutif n’a pas été mis uniquement en évidence via la tâche Stroop, en cas de dyslexie, mais également dans d’autres épreuves évaluant l’inhibition et d’autres aspects des fonctions exécutives, tels que la mémoire de travail, la flexibilité cognitive, la mise à jour, la résolution de problème ou encore la fluence verbale (Brosnan et al., 2002 ; de Jong et al., 2009 ; Doyle, Smeaton, Roche, & Boran, 2018 ; Helland & Asbjørnsen, 2000 ; Horowitz-Kraus, 2014 ; Marzocchi et al., 2008 ; Moura, Simões, & Pereira, 2015 ; Reiter et al., 2005 ; Shanahan et al., 2006 ; Smith-Spark, Henry, Messer, Edvardsdottir, & Ziecik, 2016 ; Swanson & Ashbaker, 2000 ; Willcutt, Pennington, Olson, Chhabildas, & Hulslander, 2005). Mais si un déficit exécutif est fréquemment observé, certaines données de la littérature sont contradictoires (Beidas et al., 2013 ; Doyle et al., 2018 ; Langer, Benjamin, Becker, & Gaab, 2019 ; Reiter et al., 2005) et le lien entre fonctions exécutives et dyslexie n’est pas encore clair à l’heure actuelle. Ceci peut en partie s’expliquer par la variété des tâches utilisées, et par conséquent les différences en termes de processus sous-jacents et de degré de complexité de ces différentes tâches (Langer et al., 2019 ; Wang, Tasi, & Yang, 2012), et par les différences dans les critères de sélection des participants (Booth, Boyle, & Kelly, 2010).
7La tâche Stroop, elle-même, met en jeu différents processus tels que l’attention sélective, le système exécutif dont l’inhibition et la capacité à maintenir les instructions de la tâche (Augustinova et al., 2015). De plus, elle fait intervenir les habiletés linguistiques, les processus de lecture et de dénomination orale étant impliqués. Selon Augustinova et al. (2015), l’interférence Stroop est un phénomène composite car l’incongruence de couleur entraîne deux conflits : un conflit précoce, de stimulus, et un conflit tardif, de réponse. Le conflit précoce constitue une première source d’interférence de nature sémantique, due au traitement conjoint de deux stimuli, l’un étant pertinent à traiter (la couleur de l’encre) et l’autre étant un distracteur à ignorer (le mot écrit). Ce premier conflit découle de l’automaticité de l’accès à la représentation sémantique du mot écrit qui ne peut être empêchée ou contrôlée. La seconde source d’interférence est consécutive au fait que ces deux stimuli génèrent chacun une activité motrice distincte, créant dès lors un conflit de réponse. Cette interférence est donc composite puisqu’elle émane de deux conflits distincts, même s’ils ne sont pas indépendants. Les travaux d’Augustinova et Ferrand (Augustinova et al., 2015 ; Augustinova & Ferrand, 2012, 2014b ; Augustinova et al., 2010) indiquent que le conflit sémantique est automatique, alors que le conflit de réponse est contrôlable, au point de pouvoir être éliminé. Si l’effet Stroop mesure les capacités d’inhibition, c’est donc bien de l’inhibition de la réponse qu’il s’agit, puisque la lecture elle-même n’est pas contrôlable dans la tâche Stroop. Pour pouvoir mesurer précisément la capacité d’inhibition de la réponse, il est nécessaire de distinguer les contributions respectives des deux conflits. C’est pourquoi ces mêmes auteurs proposent l’utilisation d’une version modifiée du paradigme d’origine, la tâche Stroop sémantique.
Tâche Stroop sémantique et conflit sémantique
8Dans le paradigme Stroop sémantique (Augustinova & Ferrand, 2014a ; Klein, 1964), la tâche à réaliser est identique à celle de la tâche Stroop d’origine, si ce n’est qu’elle contient, en plus des noms de couleurs (e.g., « bleu » écrit en vert), des mots neutres (e.g., « pont » écrit en vert) et des mots associés sémantiquement à une couleur incongruente (e.g., « ciel » écrit en vert). Contrairement à la tâche Stroop d’origine, dans laquelle la lecture du mot « bleu » entraîne, en plus d’un conflit sémantique, l’activation d’une représentation articulatoire interférant avec la dénomination de la couleur du mot (écrit en vert), dans le cas des mots sémantiquement associés à une couleur, le conflit de réponse n’est qu’une conséquence directe du conflit sémantique. En effet, la représentation articulatoire du mot « ciel » n’entraînera pas une interférence plus importante que celle d’un mot neutre tel que « pont ». Un conflit de réponse ne sera présent que via l’activation de la représentation sémantique du mot « ciel » (associé à la couleur bleue). Le conflit sémantique peut donc être calculé en soustrayant le temps de dénomination des mots neutres (e.g., « pont ») [1] écrits en couleur au temps de dénomination des mots associés sémantiquement (e.g., « ciel »). Le conflit de réponse, quant à lui, peut être obtenu en soustrayant l’interférence sémantique (e.g., « ciel » moins « pont ») de l’interférence Stroop « classique » (e.g., « bleu » moins « pont »). Ce paradigme apporte donc notamment des pistes intéressantes quant à l’évaluation de l’automaticité de l’accès aux représentations sémantiques des mots écrits.
Accès automatique aux représentations sémantiques en lecture
9La question de l’accès sémantique en lecture en cas de dyslexie peut se poser dans le cadre d’une réflexion plus large concernant la qualité des représentations sémantiques chez les étudiants dyslexiques. Les quelques études qui ont évalué le vocabulaire chez les étudiants dyslexiques rapportent tantôt des performances identiques à celles des étudiants normolecteurs (Hatcher et al., 2002 ; Warmington, Stothard, & Snowling, 2013), tantôt des performances inférieures (Ransby & Swanson, 2003 ; Snowling et al., 1997). Cavalli et al. (2016) sont les seuls, à notre connaissance, qui ont réalisé une étude chez des étudiants dyslexiques francophones en distinguant l’étendue et la profondeur du vocabulaire (quantité de mots connus versus précision et richesse des traits sémantiques des mots connus). Ils ont observé que les étudiants dyslexiques présentaient des compétences similaires à celles des étudiants normolecteurs en ce qui concerne l’étendue du vocabulaire, tandis que leurs scores aux épreuves évaluant la profondeur du vocabulaire dépassaient les performances obtenues par les étudiants sans trouble de la lecture. Ces résultats suggèrent donc que les compétences sémantiques seraient bien développées chez les étudiants dyslexiques et concordent avec l’hypothèse selon laquelle de telles compétences pourraient être un des mécanismes de compensation mis en œuvre par les étudiants dyslexiques. Ces observations rejoignent également les résultats obtenus précédemment par Rose et Rouhani (2012) chez des adolescents dyslexiques anglophones, chez qui le vocabulaire et la mémoire de travail ressortaient comme étant des prédicteurs importants de la fluence de lecture à l’oral.
10Cependant, le peu d’études d’imagerie cérébrale qui ont exploré spécifiquement les compétences sémantiques chez les adultes dyslexiques ne rapportent pas toujours des éléments en faveur de processus sémantiques particulièrement développés et efficients chez ces derniers (Helenius, Salmelin, Service, & Connolly, 1999 ; Rüsseler, Becker, Johannes, & Münte, 2007). Dans une étude utilisant une technique d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, Paz-Alonsoa et al. (2018) ont toutefois observé chez des adultes dyslexiques une hypoactivation des régions cérébrales de l’hémisphère gauche associées aux processus phonologiques, orthographiques et sémantiques liés à la lecture mais des connexions fonctionnelles plus fortes entre ces différentes régions que chez les lecteurs sans trouble de la lecture. Cette connectivité plus importante peut être interprétée comme reflétant des mécanismes compensatoires permettant de surmonter les déficits dans les processus de lecture.
11Outre l’effet Stroop (décrit ci-dessus), l’effet d’amorçage sémantique a particulièrement intéressé les auteurs qui se sont penchés sur la problématique de l’activation sémantique (Neely & Kahan, 2001). Dans ce dernier paradigme, une personne doit prononcer un mot cible ou réaliser une tâche de décision lexicale après qu’une amorce sémantiquement associée ou non à la cible (e.g., « médecin » versus « rideau » pour la cible INFIRMIÈRE) ait été présentée durant un temps généralement assez court (Neely & Kahan, 2001). Les résultats montrent, chez le lecteur expert, une facilitation (temps de réaction plus court et/ou taux de réponses correctes plus important) quand l’amorce est associée à la cible par rapport aux amorces non associées. Cavalli et al. (2017) ont employé ce paradigme chez des étudiants dyslexiques francophones, en s’intéressant plus particulièrement aux morphèmes. L’hypothèse de ces auteurs est que les mécanismes de compensation ne s’appuient pas sur la sémantique en soi mais sur les morphèmes qui permettent un lien direct entre la forme et le sens. Les morphèmes se définissent en effet comme les plus petites unités de sens et possèdent des propriétés orthographiques, liées à la forme (ensemble de graphèmes dont ils sont constitués) et des propriétés sémantiques (connaissances sémantiques associées). Ils ont utilisé un paradigme d’amorçage durant une tâche de décision lexicale et ont enregistré l’activité cérébrale des participants en réalisant une magnétoencéphalographie (MEG). Les résultats comportementaux indiquent que les étudiants dyslexiques se reposent davantage sur les propriétés morpho-sémantiques que les étudiants normolecteurs. Par ailleurs, au niveau cérébral, leurs résultats montrent une réorganisation des réseaux liés à la lecture chez les étudiants dyslexiques, chez qui l’information morphologique était activée plus fortement et plus précocement dans les régions frontales, reflétant la contribution des processus sémantiques. Leurs résultats mettent en évidence le fait que les étudiants dyslexiques se basent sur les propriétés sémantiques des morphèmes avant leurs propriétés orthographiques, l’inverse étant observé chez les étudiants sans trouble de la lecture. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Quémart et Casalis (2013) auprès d’enfants dyslexiques francophones via un paradigme d’amorçage masqué, chez qui le traitement morphologique des mots écrits était principalement influencé par les propriétés sémantiques des morphèmes, contrairement aux enfants normolecteurs qui étaient essentiellement influencés par les propriétés orthographiques. Cela suggère, selon ces auteurs, la présence de compétences sémantiques préservées qui permettraient aux individus dyslexiques de développer des représentations d’un niveau morpho-sémantique.
12Prises dans leur ensemble, les données de la littérature nous indiquent donc que, malgré que les compétences sémantiques puissent être un moyen de compensation chez les étudiants dyslexiques, l’implication du système sémantique et le rôle de ces compétences en lien avec la lecture ne sont pas encore clairs à l’heure actuelle.
Hypothèses et prédictions
13Dans cette étude, nous avons créé une tâche Stroop sémantique en nous basant sur les précédents travaux ayant utilisé ce type de tâche (Augustinova & Ferrand, 2014a ; Augustinova et al., 2010 ; Klein, 1964). Dans ce paradigme, nous avons ajouté à la variable sémantique (mot associé sémantiquement à une couleur versus mot non associé à une couleur), la variable fréquence (mots plus ou moins fréquents) pour évaluer l’impact de la qualité lexicale (les mots les plus fréquents étant supposés d’une meilleure qualité) sur l’accès aux représentations sémantiques. Par ailleurs, pour pouvoir distinguer le conflit de stimulus du conflit de réponse, nous avons également proposé aux participants une planche Stroop classique. Enfin, nous avons opté pour une réponse orale, qui favorise l’interférence (Augustinova et al., 2015), et nous avons utilisé un format papier (présentation sérielle des items sous forme de planches), classiquement utilisé dans la pratique clinique et également proposé dans des études antérieures à des individus dyslexiques (Helland & Asbjørnsen, 2000 ; Kapoula et al., 2010 ; Protopapas et al., 2007 ; Proulx & Elmasry, 2015) pour faciliter la comparaison de nos résultats avec ces dernières.
14Nous prédisons que les étudiants dyslexiques seront plus lents que les étudiants normolecteurs à la planche contrôle de dénomination de rectangles de couleur comme observé dans les études précédentes (Beidas et al., 2013 ; Jones et al., 2009) et qu’ils seront aussi plus lents à la planche de lecture de noms de couleurs, vu leurs difficultés persistantes en lecture. Nous prédisons également que les résultats obtenus à ces deux planches seront corrélés, la dénomination rapide automatisée étant un prédicteur important de la vitesse de lecture (Vander Stappen & Van Reybroeck, 2018). Pour les planches Stroop sémantique, nous prédisons un effet d’interférence sémantique chez tous les étudiants (Augustinova & Ferrand, 2014a). En nous basant sur l’hypothèse selon laquelle des représentations sémantiques préservées seraient un levier sur lequel les étudiants dyslexiques peuvent s’appuyer pour compenser leurs difficultés de lecture (Cavalli et al., 2016 ; van der Kleij et al., 2019 ; van Rijthoven et al., 2018), nous prédisons un effet sémantique identique, voire plus important chez les étudiants dyslexiques que chez les étudiants normolecteurs. En outre, nous attendons un effet de fréquence chez tous les étudiants en partant du postulat que les mots de plus haute fréquence bénéficient d’une meilleure qualité lexicale (Perfetti, 2007) et mèneront donc à une activation plus forte et plus rapide des représentations sémantiques interférentes. De manière assez similaire, Klein (1964) a observé, dans un paradigme de type Stroop, des temps de dénomination plus élevés quand les items étaient des mots rares, par rapport à des mots familiers. Enfin, en accord avec les études précédentes (Proulx & Elmasry, 2015), nous prédisons une interférence Stroop « classique » plus importante chez les étudiants dyslexiques en formulant l’hypothèse de plus grandes difficultés d’inhibition du conflit de réponse, lié à l’activation de deux représentations articulatoires différentes.
Méthode
Participants
15Au total, 51 étudiants ont participé à l’étude : 22 étudiants dyslexiques (DD) ayant reçu un diagnostic dans l’enfance et 29 étudiants normolecteurs (NL). Aucun participant ne présente de trouble de la vision non corrigé ou n’est daltonien. Aucun ne présente non plus ni trouble neurologique, ni trouble sensoriel, ni trouble attentionnel. Tous les participants sont francophones et sont inscrits dans un programme de bachelier dans l’enseignement supérieur. Les participants ont été recrutés dans des domaines d’études variés. Chaque participant a reçu une compensation financière pour sa participation à la présente étude.
16Les étudiants dyslexiques ont tous bénéficié d’une évaluation complète du langage écrit, dans le cadre d’une demande de conseils et/ou d’aménagements de leur cursus dans l’enseignement supérieur. Cette évaluation a été réalisée par une orthophoniste aux Consultations psychologiques spécialisées à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et a mis en évidence, pour chacun d’entre eux, la persistance de difficultés en lecture et en orthographe. À la suite de cette évaluation, les étudiants dyslexiques ont été recontactés pour participer à cette étude. Les étudiants normolecteurs ont été recrutés par le biais d’un appel à participation posté sur une plateforme internet de l’université. Ils ne rapportent, quant à eux, aucune plainte en langage écrit et aucun trouble d’apprentissage attesté. L’expérimentation décrite dans cet article fait partie d’une étude plus large dans laquelle la même batterie diagnostique que celle proposée aux étudiants dyslexiques, composée de différents tests standardisés, a été administrée à tous les participants normolecteurs. Ceci avait pour but d’évaluer, entre autres, leurs compétences en lecture et en orthographe [2]. Au total, les participants ont été testés individuellement durant deux sessions d’approximativement 1h30 chacune.
17Bien que les 29 étudiants normolecteurs ne rapportent aucun trouble d’apprentissage, certains d’entre eux ont obtenu des scores particulièrement faibles aux épreuves de lecture et d’orthographe (inférieurs à -1.5 écarts-types (ET) voire inférieurs à -2 ET par rapport aux normes des tests étalonnés). Ces performances particulièrement faibles nous ont menées à éliminer les étudiants les plus faibles du groupe de normolecteurs. Pour ce faire, nous avons dû fixer un score seuil comme critère d’exclusion ; or les seuils ne sont pas toujours constants dans la littérature (Ramus, 2003) (e.g., -1, -1.5, -1.65, -2 ET). Comme il peut arriver qu’un individu sans trouble de la lecture obtienne, de manière exceptionnelle, une performance anormale à une tâche, nous avons choisi d’éliminer les étudiants ayant obtenu au moins deux scores inférieurs à -1.5 ET aux épreuves de lecture et d’orthographe, par rapport à l’ensemble du groupe contrôle. Le groupe d’étudiants normolecteurs s’élève donc finalement à 22 participants. Nous avons vérifié a posteriori que ce groupe était apparié avec le groupe d’étudiants dyslexiques. Nous n’observons pas de différence significative entre les groupes en termes d’âge (U = 204.00, p = .372) [3], d’année d’étude dans l’enseignement supérieur (p = .838) et de niveau socioéconomique (SSE) (U = 212.00, p = .432). Les groupes sont également appariés en genre et en latéralité manuelle. Les caractéristiques des participants se trouvent dans le Tableau I.
Tableau I. Caractéristiques des participants : étudiants normolecteurs et étudiants dyslexiques.
Table I. Characteristics of participants: normal readers and dyslexic students.
Étudiants normolecteurs (n = 22) | Étudiants dyslexiques (n = 22) | ||
Genre | Nombre de femmes / hommes | 15 / 7 | 15 / 7 |
Âge chronologique | Moyenne (ET) | 21.6 (2.6) | 20.8 (1.0) |
Année d’étude | Nombre d’étudiants en 1e / 2e / 3e année | 9 / 10 / 3 | 11 / 9 / 2 |
Latéralité | Nombre de droitiers / gauchers | 21 / 1 | 20 / 2 |
SSE a | Moyenne (ET) | 4.27 (0.88) | 4.50 (0.67) |
Tableau I. Caractéristiques des participants : étudiants normolecteurs et étudiants dyslexiques.
a Le SSE correspond au niveau d’étude le plus élevé des parents (1 = enseignement primaire ; 5 = universitaire).Table I. Characteristics of participants: normal readers and dyslexic students.
18Le niveau moyen d’efficience en lecture de texte des étudiants normolecteurs et dyslexiques, ainsi que leurs scores aux tâches évaluant la compréhension écrite, la conscience phonémique et le vocabulaire sont repris dans le Tableau II. L’efficience en lecture de texte a été évaluée grâce à l’épreuve de l’Alouette (Lefavrais, 1967, 2005). La sensibilité et la spécificité de cette tâche, qui prend en compte la vitesse et la précision de lecture, ont déjà été démontrées dans la littérature chez les adultes francophones (Cavalli et al., 2018). L’épreuve de compréhension de textes académiques (ECTA ; Muñoz Valenzuela, 2010) consiste en la lecture de petits textes issus d’articles scientifiques, suivis de questions à choix multiple (questions littérales, d’inférences et de vocabulaire en contexte). Les participants sont chronométrés mais la consigne est de prendre le temps nécessaire pour obtenir le meilleur score possible. La conscience phonologique a été évaluée grâce à une épreuve d’élision phonémique chronométrée (Phonolec ; Plaza, Robert-Jahier, Gatignol, & Oudry, 2008). Une épreuve de choix de synonymes, issue de l’Échelle de vocabulaire Mill Hill (Raven & Deltour, 1993), a également été proposée. Cette tâche, de complexité croissante, contient certains mots très rares (e.g. goélette, spécieux, analogie, haranguer, comminatoire, diligent, dissolu) et apporte donc une information en termes d’étendue du vocabulaire des participants. Les scores des étudiants dyslexiques (Tableau II) sont significativement inférieurs à ceux des étudiants normolecteurs en ce qui concerne le décodage (efficience en lecture de texte) et la conscience phonémique (vitesse de réponse), mais également le vocabulaire (étendue). Ceci contraste avec un niveau de compréhension écrite qui ne diffère pas significativement de celui des étudiants normolecteurs dans une tâche où il n’y a pas de contrainte temporelle.
Tableau II. Moyenne (et écarts-types) des scores en lecture de texte, compréhension écrite, conscience phonémique et vocabulaire, et tests U de Mann-Withney.
Table II. Means (and standard deviations) of scores in text reading, reading comprehension, phonological awareness and vocabulary, and Mann-Withney U Tests.
Étudiants normolecteurs (n = 22) | Étudiants dyslexiques (n = 22) | Test U | Taille d’effet a | |
Efficience en lecture de texte (Alouette) | 583.84 (86.02) | 390.53 (55.08) | U = 7.50 p = .000 | r = .83 |
Compréhension écrite (ECTA) : Temps (en sec.) | 1514.14 (426.59) | 2214.23 (621.11) | U = 83.00 p = .000 | r = .56 |
Compréhension écrite (ECTA) : Réponses Correctes (Max. 26) | 17.14 (2.01) | 16.82 (2.70) | U = 221.50 p = .626 | |
Élision phonémique (Phonolec) : Temps (en sec.) | 17.81 (4.03) | 24.95 (6.91) | U = 94.00 p = .001 | r = .52 |
Élision phonémique (Phonolec) : Réponses Correctes (Max. 15) | 13.68 (1.67) | 13.00 (1.38) | U = 166.00 p = .067 | |
Vocabulaire (Mill Hill) : Réponses Correctes (Max. 34) | 25.09 (4.24) | 22.05 (3.51) | U = 138.50 p = .015 | r = .37 |
Tableau II. Moyenne (et écarts-types) des scores en lecture de texte, compréhension écrite, conscience phonémique et vocabulaire, et tests U de Mann-Withney.
a En cas de différence significative entre les groupes, une taille d’effet (TE) est rapportée (r = z / racine (N)). Dans le cadre d’analyses non paramétriques, Field (2018) recommande l’utilisation de cette mesure qui est comprise entre 0 (aucun effet) et 1 (effet parfait) (r = .10 : petit effet ; r = .30 : effet moyen ; r = .50 : effet important).Table II. Means (and standard deviations) of scores in text reading, reading comprehension, phonological awareness and vocabulary, and Mann-Withney U Tests.
Matériel
19Sept planches en format papier ont été proposées à chaque participant (format A4). Sur chacune d’entre elles, 60 stimuli étaient présentés (5 colonnes x 12 lignes). Les items étaient à chaque fois proposés en proportion égale et répartis dans un ordre semi-aléatoire, la même couleur ou le même mot n’étant jamais présenté deux fois d’affilée.
- (1) Planche de dénomination rapide de rectangles de couleur : 60 rectangles colorés en jaune, rouge, bleu ou vert (15 rectangles de chaque couleur).
- (2) Planche de lecture de noms de couleurs : 60 noms de couleurs (« jaune », « rouge », « bleu », « vert ») écrits à l’encre noire en caractère « Courier New » (taille 16).
- (3 à 6) Planches du Stroop sémantique : 4 planches sur lesquels des mots étaient écrits en caractère « Courier New » (taille 16) en couleur (jaune, rouge, bleu ou vert). Les mots proposés étaient différents pour chacune de ces quatre planches, leurs caractéristiques sont reprises dans le Tableau III. Ces mots varient par le fait d’être associés sémantiquement ou non à une couleur, respectivement S+ et S- (e.g., « ciel » versus « pont ») et par le fait d’être plus ou moins fréquents, respectivement F+ et F- (e.g., « herbe » versus « trèfle »). Contrairement aux études précédentes réalisées chez le lecteur expert, nous n’avons pas utilisé de mots commençant par les lettres r, b, v, j (respectivement les premières lettres des noms de couleurs : rouge, bleu, vert et jaune) pour éviter un effet facilitateur (dans la situation où un item présenté dans la couleur jaune, par exemple, commencerait par la lettre « j »). Nous avons contrôlé la longueur des mots des différentes planches (nombre de syllabes et de lettres). Les items des quatre planches sont tous des noms courts (entre 4 et 6 lettres), concrets et imageables. De plus, les mots sélectionnés présentent des conversions orthophonologiques consistantes, facilitant ainsi leur identification écrite. Ces mots, dont on a vérifié après la passation de la tâche expérimentale qu’ils étaient connus par l’ensemble des participants, varient en fréquence (de 0.54 à 24.93 par million d’occurrences pour les mots moins fréquents et de 74.59 à 461.55 pour les mots plus fréquents). Pour l’ensemble des planches, chaque couleur et chaque mot était présenté en proportion égale (15 fois). Les mots associés sémantiquement à une couleur étaient systématiquement présentés dans une couleur incongruente (e.g., tomate n’était jamais présenté en rouge).
- (7) Planche du Stroop classique : 60 noms de couleurs (« jaune », « rouge », « bleu », « vert ») écrits dans une couleur incongruente (jaune, rouge, bleu ou vert), en caractère « Courier New » (taille 16).
Tableau III. Caractéristiques des items des planches du Stroop sémantique et du Stroop classique (planches 3 à 7).
Table III. Characteristics of items of the semantic Stroop task and the classic Stroop task (sets 3 to 7): items, number of characters, number of syllables and frequency.
Planches du Stroop sémantique | Planche du Stroop classique | ||||
Planche F‑S- | Planche F+S- | Planche F-S+ | Planche F+S+ | ||
Items | Tarte Hélice Gourde Divan | Livre Maison Table Pont | Trèfle Frite Tomate Océan | Herbe Soleil Cœur Ciel | Vert Jaune Rouge Bleu |
Nombre de lettres M [Min. ; Max.] | 5.5 [5 ; 6] | 5 [4 ; 6] | 5.5 [5 ; 6] | 5 [4 ; 6] | 4.5 [4 ; 5] |
Nombre de syllabes M [Min. ; Max.] | 1.5 [1 ; 2] | 1.25 [1 ; 2] | 1.75 [1 ; 3] | 1.25 [1 ; 2] | 1 [1;1] |
Fréquence livre (Lexique 3) a M [Min. ; Max.] | 9.20 [2.36 ; 21.55] | 257.25 [74.59 ; 461.55] | 8.85 [0.54 ; 24.93] | 274.17 [86.08 ; 380.07] | 107.65 [59.12 ; 195.27] |
Tableau III. Caractéristiques des items des planches du Stroop sémantique et du Stroop classique (planches 3 à 7).
a Fréquence du mot par million d’occurrences dans un corpus de livres : < 5 = très rare, < 10 = rare, > 20 = fréquent > 50 = très fréquent.Table III. Characteristics of items of the semantic Stroop task and the classic Stroop task (sets 3 to 7): items, number of characters, number of syllables and frequency.
Procédure
21Les participants ont été testés individuellement. Ils étaient assis à une table en face de l’expérimentatrice. Les planches étaient posées l’une après l’autre devant eux. Pour chaque planche, les participants devaient dénommer ou lire l’ensemble des items sans s’arrêter (en procédant de gauche à droite, et de haut en bas). Les participants étaient enregistrés au moyen d’un dictaphone (Olympus VN-5500PC®). Le temps de réponse a été mesuré en analysant le fichier sonore via le logiciel Audacity®.
- (1) Planche de dénomination rapide de rectangles de couleur : Il était demandé aux participants de nommer le plus vite possible la couleur de chaque rectangle de couleur, sans faire d’erreur. Avant de commencer l’épreuve en tant que telle, un entraînement était réalisé verticalement, avec la première colonne de la planche (le reste de la feuille restait alors caché).
- (2) Planche de lecture de noms de couleurs : Les participants devaient lire à voix haute les noms de couleurs le plus vite possible, sans faire d’erreurs.
- (3 à 6) Planches du Stroop sémantique : Il était demandé aux participants de dénommer la couleur des mots, sans faire attention aux mots présentés. La consigne était d’aller le plus vite possible, sans faire d’erreurs. Pour éviter qu’un effet de fatigue ne biaise les résultats obtenus pour chacune des planches, nous avons fait varier l’ordre de présentation des planches, proposées en 3e, 4e, 5e ou 6e position.
- (7) Planche du Stroop classique : la consigne était identique à celle des planches du Stroop sémantique.
Résultats
23Pour chaque participant, un temps de réponse a été calculé par planche (celui-ci correspond donc au temps mis pour dénommer l’ensemble des 60 items de chaque planche). Le nombre d’erreurs a également été comptabilisé (en ne prenant pas en compte les hésitations et autocorrections qui pénalisent déjà le temps de réponse). L’ensemble des analyses statistiques a été réalisé avec le logiciel IBM SPSS Statistics 25.
Dénomination rapide de couleurs et lecture chronométrée
24Les temps de réponse obtenus par les participants à la dénomination rapide de rectangles de couleur et à la lecture chronométrée de noms de couleurs se trouvent dans le Tableau IV. Seuls deux participants ont commis une erreur de dénomination (dont un étudiant dyslexique) et deux étudiants dyslexiques ont commis une erreur de lecture. Vu les faibles taux d’erreurs, nous avons réalisé nos analyses uniquement sur les temps de réponse. Les étudiants dyslexiques sont significativement plus lents que les étudiants normolecteurs, tant en dénomination rapide de rectangles de couleur qu’en lecture de noms de couleurs (ps = .000) (voir Tableau IV). Ils mettent, en moyenne, plus de 4 secondes de plus que les étudiants normolecteurs à chacune de ces planches. Par ailleurs, sur l’ensemble des 44 participants, l’analyse des coefficients de corrélation nous indique une corrélation positive significative entre ces deux planches (rs=.782, p = .000). Les temps de dénomination rapide et de lecture chronométrée sont également corrélés négativement avec le score d’efficience de lecture de l’Alouette (respectivement rs= -.576 et rs= -.743, p = .000).
Tableau IV. Scores (en secondes) aux tâches de dénomination rapide de rectangles de couleur et de lecture chronométrée de noms de couleurs (moyennes, écarts-types et tests U de Mann-Withney).
Table IV. Scores (in seconds) at the rapid color naming task and the timed color words reading (means, standard deviations and Mann-Withney U Tests).
Étudiants normolecteurs (n = 22) | Étudiants dyslexiques (n = 22) | TestU | Taille d’effet | |
Dénomination rapide de rectangles de couleur | 29.02 (4.32) | 33.88 (4.15) | U = 91.00 p = .000 | r = .53 |
Lecture chronométrée de noms de couleurs | 22.00 (2.78) | 26.44 (3.01) | U = 58.50 p = .000 | r = .65 |
Tableau IV. Scores (en secondes) aux tâches de dénomination rapide de rectangles de couleur et de lecture chronométrée de noms de couleurs (moyennes, écarts-types et tests U de Mann-Withney).
Table IV. Scores (in seconds) at the rapid color naming task and the timed color words reading (means, standard deviations and Mann-Withney U Tests).
Tâche Stroop sémantique
25Un modèle linéaire mixte a été utilisé pour analyser les temps de réponse des participants à chacune des quatre planches de la tâche Stroop sémantique (F-S- ; F+S- ; F-S+ ; F+S+), en intégrant comme effets fixes principaux le Groupe (étudiants normolecteurs versus étudiants dyslexiques), le Type d’items (neutres versus associés sémantiquement à une couleur), la Fréquence des items (plus ou moins fréquents) et l’Ordre des planches (présentées en position 3, 4, 5 ou 6). Les interactions entre ces différentes variables ont aussi été incluses dans le modèle (Groupe x Type d’items ; Groupe x Fréquence ; Groupe x Ordre ; Types d’items x Fréquence ; Types d’items x Ordre ; Fréquence x Ordre). La vitesse de dénomination de couleurs a également été introduite en covariée. Un intercept aléatoire pour les participants a été inclus au modèle afin de prendre en compte le fait que nous disposons de plusieurs observations par individu. Une seule valeur extrême, obtenue par un sujet dyslexique, a été retirée des données (soit 0.57 % des données). Les résultats sont présentés dans le Tableau V. L’effet de l’Ordre est significatif. Nous interprétons cet effet comme un effet de fatigue qui crée un ralentissement de la vitesse de dénomination de planche en planche (en moyenne, respectivement 40.91 sec. ; 42.41 sec. ; 43.85 sec. ; 45.29 sec.). L’effet du Type d’items et l’effet de Fréquence sont également significatifs. Les planches comprenant des items associés sémantiquement à une couleur induisent des temps de réponse plus longs (M = 43.77 sec.) que les items neutres (M = 42.46 sec.). Les participants sont également plus lents pour dénommer les couleurs des mots plus fréquents (M = 43.64 sec.) que des mots moins fréquents (M = 42.60 sec.). L’effet du Groupe, quant à lui, n’est pas significatif. Les étudiants dyslexiques sont significativement plus lents que les étudiants normolecteurs dès la première planche de dénomination de rectangles de couleur. La dénomination rapide de rectangles de couleur a été introduite comme covariée dans notre modèle et a un effet significatif, indiquant que les participants plus lents à la dénomination rapide de rectangles de couleur sont également plus lents au Stroop sémantique. Enfin, notons qu’aucune interaction n’est significative. Cela nous indique notamment que l’effet sémantique (Type d’items), l’effet de Fréquence et l’effet de l’Ordre des planches ne varient pas significativement en fonction du Groupe (étudiants normolecteurs versus étudiants dyslexiques). Par ailleurs, l’effet sémantique ne varie pas significativement en fonction de la Fréquence des mots ou de l’Ordre des planches : en d’autres termes, la variation du temps de réponse entre les items associés sémantiquement ou non à une couleur reste stable quels que soient leur fréquence ou l’ordre dans lequel les planches sont présentées.
Tableau V. Tâche Stroop sémantique : modèle linéaire mixte.
Table V. Semantic Stroop task: Mixed linear model.
Modèle linéaire mixte | F | df1 | df2 | p |
Modèle corrigé | 9.577 | 19 | 155 | .000 |
Temps de dénomination rapide de couleurs | 83.740 | 1 | 155 | .000 |
Groupe | 0.315 | 1 | 155 | .576 |
Ordre | 17.410 | 3 | 155 | .000 |
Type d’items | 8.389 | 1 | 155 | .004 |
Fréquence | 5.217 | 1 | 155 | .024 |
Groupe*Ordre | 1.316 | 3 | 155 | .271 |
Groupe*Type d’items | 0.098 | 1 | 155 | .754 |
Groupe*Fréquence | 0.136 | 1 | 155 | .713 |
Ordre*Type d’items | 0.652 | 3 | 155 | .583 |
Ordre*Fréquence | 0.057 | 3 | 155 | .982 |
Type d’items*Fréquence | 0.398 | 1 | 155 | .529 |
Tableau V. Tâche Stroop sémantique : modèle linéaire mixte.
Note. Les effets significatifs (p < .05) sont indiqués en gras.Table V. Semantic Stroop task: Mixed linear model.
26Notons que très peu d’erreurs non corrigées ont été produites par les participants. Seuls deux étudiants normolecteurs ont commis une erreur. Les étudiants dyslexiques font davantage d’erreurs : 11 erreurs sont relevées au total, sur les 4 planches (soit sur les 240 items à dénommer).
Tâche Stroop classique
27À la planche d’interférence du Stroop classique, les étudiants dyslexiques sont plus lents (M = 72.47 sec., ET = 13.69 sec.) que les étudiants normolecteurs (M = 59.93 sec., ET = 11.32 sec.). Ils mettent, en moyenne, plus de 12 secondes de plus à cette planche et ils réalisent également davantage d’erreurs non corrigées. En effet, seuls deux étudiants normolecteurs produisent deux erreurs chacun, tandis que 7 étudiants dyslexiques commettent une erreur chacun, et deux autres étudiants dyslexiques commettent, l’un 2 erreurs et l’autre, 3 erreurs. La différence entre les groupes est significative pour la vitesse, U = 103.50, p = .001 (r = .49), et pour la précision, U = 171.00, p = .028 (r = .33).
28Pour obtenir l’effet d’interférence du Stroop classique (cumulant le conflit sémantique et le conflit de réponse), on soustrait le temps de dénomination rapide de rectangles de couleur au temps de dénomination de la planche d’interférence. L’effet d’interférence est significativement plus élevé chez les étudiants dyslexiques (M = 38.59, ET = 10.90) que chez les étudiants normolecteurs (M = 30.91, ET = 9.17), U = 137.00, p = .014 (r = .37). Il est intéressant de contraster ce résultat avec l’interférence moyenne des quatre planches du Stroop sémantique (F-S-, F+S-, F-S+ et F+S+), pour lesquelles nous n’observons pas de différence significative entre les étudiants dyslexiques (M = 12.28, ET = 4.53) et les étudiants normolecteurs (M = 11.25, ET = 4.12), U = 217.00, p = .557 (voir Figure 1).
Figure 1. Moyennes (et écarts-types) des temps de réponse (en secondes) par planche et effets d’interférence.
Figure 1. Means (and standard deviations) of response times (in seconds) in normal readers (dark grey) and dyslexic students (light grey) for rapid color naming, semantic Stroop task and classic Stroop task, and interference effects.
Figure 1. Moyennes (et écarts-types) des temps de réponse (en secondes) par planche et effets d’interférence.
Figure 1. Means (and standard deviations) of response times (in seconds) in normal readers (dark grey) and dyslexic students (light grey) for rapid color naming, semantic Stroop task and classic Stroop task, and interference effects.
29Pour obtenir une estimation de l’ampleur de l’interférence liée au conflit de réponse uniquement, il nous faut soustraire l’interférence sémantique (planches F-S+ et F+S+) de l’interférence du Stroop classique (Augustinova & Ferrand, 2014a). Pour ce faire, nous avons soustrait, pour chaque participant, le temps de dénomination rapide de couleurs aux temps obtenus à chacune des quatre planches du Stroop sémantique, obtenant ainsi un temps d’interférence par planche. Chaque planche n’a pas été proposée le même nombre de fois dans chaque ordre de présentation. C’est pourquoi nous avons calculé, pour chaque groupe (étudiants normolecteurs versus étudiants dyslexiques), l’interférence moyenne pour chacune des planches en prenant en compte chaque position de manière proportionnelle (Tableau VI). L’interférence liée au conflit de réponse, calculée en soustrayant l’interférence sémantique moyenne issue des planches F-S+ et F+S+ de l’interférence du Stroop classique, s’élève, en moyenne, à 19.03 secondes chez les étudiants normolecteurs et à 25.54 secondes chez les étudiants dyslexiques, soit une différence de 6.51 secondes, en défaveur des étudiants dyslexiques.
Tableau VI. Effet d’interférence moyen par planche pour chaque groupe de participants (en secondes).
Table VI. Average interference effect for each set of items for each group of participants (in seconds).
Planche F-S- | Planche F+S- | Planche F-S+ | Planche F+S+ | Planche Stroop classique | |
Étudiants normolecteurs | 10.02 sec. | 10.99 sec. | 11.13 sec. | 12.63 sec. | 30.91 sec. |
Étudiants dyslexiques | 11.12sec. | 12.12 sec. | 12.28 sec. | 13.81 sec. | 38.59 sec. |
Tableau VI. Effet d’interférence moyen par planche pour chaque groupe de participants (en secondes).
Note. Le temps d’interférence est calculé en soustrayant le temps moyen de dénomination de rectangles de couleur au temps moyen de dénomination de chaque planche.Table VI. Average interference effect for each set of items for each group of participants (in seconds).
Discussion
30Pour rappel, un premier objectif de cette étude était d’évaluer l’automaticité d’accès aux représentations sémantiques en lecture chez les étudiants dyslexiques. Dans ce but, 22 étudiants ayant reçu un diagnostic de dyslexie dans l’enfance ont été recrutés. Un groupe contrôle de 22 étudiants sans trouble de la lecture, ni plaintes en langage écrit, a également été constitué. Tous les participants ont réalisé une tâche de dénomination rapide de couleurs, comprenant notamment des planches interférentes de type Stroop sémantique et une planche de type Stroop classique. L’intérêt de la tâche Stroop sémantique est d’évaluer l’accès automatique aux représentations sémantiques via le conflit sémantique induit par les mots associés à une couleur incongruente (e.g., « ciel » écrit en vert) (Augustinova et al., 2015 ; Augustinova et al., 2010). La comparaison des planches Stroop sémantique et Stroop classique nous permet également de répondre à notre deuxième objectif : distinguer les interférences créées par le conflit sémantique et le conflit de réponse (engendré par l’activation d’une représentation articulatoire interférente) pour mieux comprendre les processus qui peuvent poser problème aux étudiants dyslexiques lors de la réalisation de cette dernière tâche (e.g., Proulx & Elmasry, 2015).
Dénomination rapide de couleurs et lecture chronométrée
31Comme nous le prédisions, les résultats indiquent un ralentissement significatif de la vitesse de lecture de noms de couleurs et de la vitesse de dénomination rapide de couleurs chez les étudiants dyslexiques par rapport au groupe contrôle. Ces résultats étaient attendus au regard de la littérature, d’une part parce que la vitesse de lecture de mots reste déficitaire chez les adultes dyslexiques (e.g., Bruck, 1990 ; Callens, Tops, & Brysbaert, 2012) et d’autre part, parce que les études antérieures rapportent des temps de dénomination rapide plus longs chez les adultes dyslexiques (e.g., Jones et al., 2009). Par ailleurs, en accord avec nos prédictions, le temps de réponse à ces deux planches est corrélé avec l’efficience en lecture de texte de l’Alouette (Lefavrais, 1967, 2005). La dénomination rapide automatisée (DRA) est en effet un des prédicteurs les plus importants du développement de la lecture et ce, particulièrement en ce qui concerne la vitesse de lecture (e.g., Denckla & Cutting, 1999 ; Vander Stappen & Van Reybroeck, 2018). Si la question des mécanismes sous-jacents à la DRA fait encore débat à l’heure actuelle (Furnes et al., 2019), les auteurs s’accordent sur le fait que cette tâche met en œuvre un ensemble de processus cognitifs, verbaux, attentionnels et visuels dont on a besoin pour lire (Kirby et al., 2010 ; Norton & Wolf, 2012). Nos résultats sont donc cohérents avec l’ensemble des études soulignant le lien entre la tâche de DRA et la dyslexie développementale (e.g., Beidas et al., 2013 ; Wolf & Bowers, 1999).
Tâche Stroop sémantique
32Nous attendions un ralentissement global des temps de dénomination à toutes les planches du Stroop sémantique chez les étudiants dyslexiques, dû au fait qu’ils mettent significativement plus de temps en situation de dénomination rapide de couleurs. Ceci est confirmé par le fait que la vitesse de dénomination des planches du Stroop sémantique (planches F-S-, F+S-, F-S+ et F+S+) corrèle positivement avec la vitesse de dénomination rapide des rectangles de couleur. Quand le temps de dénomination rapide de couleurs est intégré dans le modèle linéaire mixte, on ne trouve pas d’effet de groupe significatif (étudiants dyslexiques versus étudiants normolecteurs) : le temps de dénomination de couleurs semble donc expliquer la différence significative de vitesse observée entre les deux groupes aux planches de Stroop sémantique.
33En accord avec nos prédictions, les résultats mettent en évidence un effet du type d’items (neutres versus associés sémantiquement) et de la fréquence des items sur le temps de dénomination : les participants (étudiants dyslexiques et normolecteurs) mettent plus de temps pour dénommer la couleur des items associés sémantiquement à une couleur incongruente, et ils mettent également davantage de temps lorsque les items sont plus fréquents. Ces résultats concordent avec les travaux d’Augustinova et Ferrand (Augustinova et al., 2015 ; Augustinova & Ferrand, 2012, 2014b ; Augustinova et al., 2010) qui ont montré, via une tâche Stroop sémantique proposée à des adultes sans trouble de la lecture, la présence d’une interférence de nature sémantique, liée à un conflit précoce entre stimuli. L’effet de fréquence, quant à lui, avait déjà été observé par Klein (1964) chez le lecteur expert ; les temps de dénomination de couleurs étaient plus importants quand les items présentés étaient des mots familiers par rapport aux mots rares, reflétant une interférence plus importante. Notons que, dans notre étude, nous étions face à de nombreuses contraintes (appariement de mots courts, concrets, imageables, associés sémantiquement à une couleur spécifique) limitant les possibilités de sélectionner des mots de très faible fréquence (voir Tableau III pour plus de détails). Nous sommes néanmoins parvenues à créer des sets d’items variant à la fois en termes de type de mots (neutre vs associés sémantiquement) et de fréquence (plus ou moins fréquents), ce qui, à notre connaissance, n’avait pas encore été réalisé auparavant. Il est intéressant de constater que le temps de dénomination de couleurs est plus important pour les mots associés sémantiquement quand ils sont plus fréquents que quand ils sont moins fréquents. Les représentations lexicales des mots plus fréquents étant supposées être de meilleure qualité (Perfetti, 2007), les résultats suggèrent que la qualité lexicale des mots a un impact sur l’accès à leurs représentations sémantiques et, par conséquent, sur le conflit sémantique qui en résulte, via une activation plus forte et/ou plus rapide des représentations sémantiques interférentes.
34Enfin, nous prédisions un effet d’interférence sémantique identique, voire plus important chez les étudiants dyslexiques que chez les étudiants sans trouble de la lecture, en formulant l’hypothèse que des représentations sémantiques préservées seraient un levier sur lequel les individus dyslexiques pourraient s’appuyer pour compenser leurs difficultés de lecture (Cavalli et al., 2016 ; van der Kleij et al., 2019 ; van Rijthoven et al., 2018). Nos résultats ne mettent pas en évidence de différence significative entre les étudiants dyslexiques et les étudiants sans trouble de la lecture pour l’effet sémantique et l’effet de fréquence. Cela indique, d’une part, que chez les étudiants dyslexiques, la lecture et l’accès aux représentations sémantiques est un processus automatique et irrépressible, comme chez le lecteur expert. D’autre part, cela suggère un accès préservé aux représentations sémantiques en lecture chez les étudiants dyslexiques. À l’heure actuelle, les études ne nous fournissent pas encore de réponse claire quant au rôle des compétences sémantiques en lecture chez les adultes dyslexiques. Certaines études apportent néanmoins des arguments en faveur de l’hypothèse selon laquelle la richesse du réseau sémantique et les connexions des représentations sémantiques pourraient être un des mécanismes compensatoires de lecture chez les étudiants dyslexiques. En effet, de meilleures compétences aux épreuves évaluant la profondeur du vocabulaire sont observées chez les étudiants dyslexiques par rapport aux étudiants normolecteurs (Cavalli et al., 2016). Par ailleurs, certains résultats indiquent la présence de connexions fonctionnelles plus fortes (Paz-Alonsoa et al., 2018) et d’une réorganisation des réseaux neuronaux liés à la lecture reflétant la contribution plus importante des processus morpho-sémantiques chez les étudiants dyslexiques (Cavalli et al., 2017).
35Cet accès préservé aux représentations sémantiques en lecture, mis en évidence chez les étudiants dyslexiques de notre étude, contraste avec les performances significativement inférieures à celles des étudiants normolecteurs observées à l’épreuve de choix de synonymes du Mill Hill (Raven & Deltour, 1993). Cette dernière épreuve, qui fait intervenir certains mots très rares, apporte une information concernant l’étendue du vocabulaire des participants. Nos résultats concordent avec les études antérieures dans lesquelles les étudiants dyslexiques obtiennent tantôt des résultats inférieurs à ceux des étudiants normolecteurs aux épreuves évaluant le vocabulaire (Ransby & Swanson, 2003 ; Snowling, Nation, Gallagher, & Frith, 1997), tantôt des résultats similaires (Hatcher, Snowling, & Griffiths, 2002 ; Warmington, Stothard, & Snowling, 2013). Ils renforcent l’hypothèse selon laquelle, ce ne serait pas l’étendue du vocabulaire, mais plutôt la richesse du réseau sémantique et les connexions à ces représentations, qui seraient un possible moyen de compensation pour les étudiants dyslexiques (Cavalli et al., 2016 ; Paz-Alonsoa et al., 2018).
Tâche Stroop classique
36En accord avec les études précédentes (e.g., Proulx & Elmasry, 2015), nous prédisions une interférence Stroop « classique » plus importante chez les étudiants dyslexiques. Nos résultats confirment un temps de dénomination de couleurs significativement plus élevé chez les étudiants dyslexiques, lorsqu’ils sont face à des noms de couleurs incongruents (e.g., « bleu » écrit en vert), même quand le temps de dénomination rapide de couleurs est contrôlé. Les étudiants dyslexiques font également significativement plus d’erreurs non corrigées que les étudiants sans trouble de la lecture.
37La tâche Stroop a longtemps été considérée comme mesurant la capacité à inhiber la lecture d’un mot écrit, ce qui, actuellement, est remis en question (pour un état de la question, voir Augustinova et al., 2015 et Augustinova & Ferrand, 2014b). Initialement considérée comme un phénomène unitaire, l’interférence Stroop apparaît désormais comme un phénomène composite qui cumule un conflit sémantique et un conflit de réponse. Contrairement au confit sémantique (incontrôlable et automatique), le conflit de réponse est contrôlable au point de pouvoir être éliminé. En effet, certaines manipulations de la tâche (par exemple, colorer une seule lettre du nom de couleur en une couleur incongruente) réduisent voire éliminent le conflit de réponse (Augustinova et al., 2015 ; Augustinova & Ferrand, 2012, 2014b ; Augustinova et al., 2010). Au vu du caractère stable du conflit sémantique (insensible à ce type de manipulation), ce n’est pas l’inhibition de la lecture elle-même qui est évaluée dans la tâche Stroop mais bien l’inhibition de la réponse émanant de la lecture. À elle seule, la tâche Stroop ne permet pas de distinguer les deux conflits, ce que la tâche de Stroop sémantique rend possible, comme nous l’avons vu précédemment. Grâce à la conjonction de ces deux paradigmes, nos résultats mettent en lumière des difficultés à inhiber l’interférence émanant d’un conflit de réponse chez les étudiants dyslexiques (la différence moyenne d’interférence entre les deux groupes s’élevant à plus de 6 secondes), contrastant avec un conflit sémantique ne différant pas significativement de celui observé chez les étudiants normolecteurs aux planches du Stroop sémantique. Deux hypothèses peuvent être formulées quant à l’origine de cette difficulté d’inhibition du conflit de réponse, l’une renvoie aux compétences d’inhibition en tant que telle et l’autre, à la nature des unités à inhiber.
38La première hypothèse se réfère aux études qui apportent des éléments en faveur d’un déficit des fonctions exécutives, et notamment des compétences d’inhibition, chez les adultes dyslexiques (e.g., Smith-Spark et al., 2016). Certaines études ont mis en évidence des difficultés chez ces derniers dans des tâches nécessitant d’inhiber une réponse motrice face à un stimulus nouveau (e.g. variantes du test Go/noGo) (Smith-Spark et al., 2016) ou encore d’identifier des formes sans traiter l’environnement qui parasite l’image (Brosnan et al., 2002). Les difficultés d’inhibition du conflit de réponse mises en évidence dans notre étude pourraient donc être dues à des difficultés plus générales d’inhibition, qui ressurgiraient dans la tâche Stroop classique lorsqu’il est nécessaire d’inhiber une réponse interférente (Kapoula et al., 2010 ; Proulx & Elmasry, 2015). Un argument en faveur de cette hypothèse est le nombre d’erreurs non corrigées qui est significativement plus important chez les étudiants dyslexiques dans notre étude. En effet, le nombre plus important d’erreurs à la tâche Stroop peut être interprété comme l’incapacité à inhiber une réponse dominante inadéquate (Reiter et al., 2005).
39La seconde hypothèse fait référence au déficit phonologique des étudiants dyslexiques (e.g. Ramus, 2003). En effet, les étudiants dyslexiques de notre étude sont significativement plus lents que les étudiants normolecteurs à l’épreuve d’élision phonémique, évaluant les processus phonologiques. Certains auteurs suggèrent que ce déficit phonologique se situerait au niveau de l’accès aux représentations phonologiques (Ramus & Szenkovits, 2008) ou toucherait les processus phonologiques aux étapes de sortie (Hulme & Snowling, 1992). De même, l’étude de Jones et al. (2016), utilisant une tâche de DRA associée à un paradigme de type Stroop, indique que les étapes précoces d’activation lexicale sont automatiques chez les étudiants dyslexiques et que la reconnaissance des cibles se déroule dans un décours temporel similaire à celui observé chez les lecteurs sans trouble de la lecture. Par contre, leurs résultats mettent en évidence un déficit dans les étapes de sortie, impliquant les représentations phonologiques menant à l’articulation. Le conflit de réponse du Stroop classique met en jeu des représentations phonologiques de sortie. Ce serait donc l’activation plus lente de ces représentations qui retarderait le processus d’inhibition du distracteur et, par conséquent, la résolution du conflit de réponse. De cela, découlerait le temps plus important mis par les étudiants dyslexiques pour dénommer la couleur des noms de couleurs incongruents. Le problème viendrait, selon cette hypothèse, de la nature des unités à inhiber et non pas à la gestion de l’interférence elle-même. Plusieurs études apportent des éléments en faveur de cette hypothèse. Par exemple, une étude récente (Langer et al., 2019) indique, chez des enfants présentant un trouble de la lecture, un déficit dans les tâches évaluant les fonctions exécutives qui requièrent une entrée ou une sortie verbale (e.g., mémoire de travail verbale) mais pas dans les tâches non verbales (e.g., go/no-go). D’autres études ont également observé, chez les enfants avec trouble de la lecture, des difficultés d’inhibition uniquement quand la tâche impliquait de la lecture (Roe et al., 2018 ; Van Reybroeck & De Rom, 2019). De même, dans leur étude, Wang, Tasi, et Yang (2012) distinguent l’inhibition de graphiques, de nombres et de mots, et leurs résultats indiquent que les difficultés les plus importantes des enfants dyslexiques se situent au niveau de l’inhibition des mots. Enfin, Wang et Yang (2015) ont contrasté différentes tâches d’inhibition. Les enfants dyslexiques ont montré une interférence particulièrement importante à la tâche Stroop mot-couleur par rapport aux enfants sans difficultés de lecture. Par contre, leurs performances étaient équivalentes à celles du groupe contrôle lorsque le stimulus à inhiber était un stimulus non verbal ou lorsque la tâche nécessitait une réponse manuelle (que les stimuli à inhiber soient verbaux ou non verbaux). Selon ces auteurs, les résultats peuvent notamment s’expliquer par la différence de niveau d’interférence entre les tâches ; la tâche Stroop est particulièrement complexe car la lecture est une activité extrêmement fréquente en comparaison à la dénomination de couleurs et les distracteurs sont des noms de couleurs très fréquents. Par ailleurs, un autre élément distinctif entre leurs tâches était la modalité verbale de la réponse dans la tâche Stroop mot-couleur, nécessitant la récupération de la forme phonologique des mots et l’inhibition de la réponse verbale incongruente.
40En résumé, certaines études semblent indiquer que les difficultés d’inhibition seraient limitées aux tâches faisant intervenir des stimuli verbaux tandis que d’autres suggèrent un déficit d’inhibition plus général, ne se limitant pas au domaine phonologique / linguistique. Cependant, peu d’études ont été réalisées chez l’adulte dyslexique en comparaison aux études réalisées chez l’enfant et les différentes tâches proposées sont souvent difficilement comparables (complexité des tâches, processus cognitifs sous-jacents, etc.). Par ailleurs, les deux hypothèses, déficit d’inhibition versus déficit des processus phonologiques de sortie, ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives. On peut supposer que certains étudiants dyslexiques présentent, de manière plus ou moins marquée, des fragilités dans les compétences d’inhibition et que ces fragilités sont exacerbées quand les stimuli à inhiber sont de nature plus complexe ou quand ils sont eux-mêmes une source de difficultés (comme les représentations phonologiques de sortie, par exemple).
41La perspective multifactorielle de la dyslexie (Catts, McIlraith, Bridges, & Nielsen, 2017 ; Langer et al., 2019 ; McGrath et al., 2011 ; Menghini et al., 2010 ; Pennington, 2006) nous semble être un cadre théorique adéquat pour mieux appréhender l’hétérogénéité et la complexité des profils cognitifs des étudiants dyslexiques ainsi que les stratégies compensatoires qu’ils parviennent à mettre en place. Les modèles de déficit multiple proposent de prendre en compte le rôle de facteurs cognitifs et environnementaux additionnels, en plus du rôle largement décrit dans la littérature de la conscience phonologique et de la DRA. Ces différents facteurs auraient un rôle de facteurs de risque ou de protection, en augmentant ou en réduisant la probabilité d’apparition d’un trouble de la lecture ou de l’orthographe. Parmi les facteurs de risque et de protection qui ont déjà été cités dans la littérature, on retrouve le langage oral (et notamment le vocabulaire), les difficultés attentionnelles et l’hyperactivité (Catts et al., 2017 ; Torppa et al., 2013). Selon Pennington (2006), l’hypothèse d’un déficit multiple explique la comorbidité élevée entre certains troubles (notamment la dyslexie et le trouble attentionnel) par la présence de facteurs de risques partagés entre ceux-ci.
42Dans cette perspective, les fonctions exécutives, au même titre que les compétences sémantiques, pourraient jouer un rôle de facteur de risque ou de protection, en augmentant ou en diminuant la sévérité du profil des étudiants dyslexiques. De même, ces compétences sont impliquées dans la compréhension écrite (Cutting & Scarborough, 2012 ; Perfetti, 2007) et pourraient donc être des sources de difficultés ou, à l’inverse, des ressources potentielles permettant aux étudiants dyslexiques de pallier leurs difficultés (Cavalli, Colé, & Velay, 2015).
Limites et perspectives
43Une limite de notre étude est liée à notre population cible : des étudiants dyslexiques qui ont entamé un cursus dans l’enseignement supérieur. On peut imaginer que leur trouble est plus léger que celui des adultes dyslexiques n’ayant pas atteint un tel niveau d’enseignement ou qu’ils sont parvenus à compenser en partie leurs difficultés (Gallagher et al., 1996 ; Lefly & Pennington, 1991). Les étudiants dyslexiques de notre étude présentent en effet un niveau de compréhension écrite qui ne diffère pas significativement de celui des étudiants normolecteurs malgré un décodage qui reste déficitaire. Cette population d’étudiants dyslexiques est particulièrement intéressante dans le cadre de la présente étude puisque nous investiguons précisément les moyens de compensation qui pourraient être mis en place pour pallier les difficultés de lecture. Mais les résultats observés ne peuvent donc pas être généralisés à l’ensemble de la population des adultes dyslexiques. Par ailleurs, la méthode de recrutement doit être prise en compte. Les étudiants dyslexiques ont tous été diagnostiqués dans l’enfance et ont introduit eux-mêmes une demande d’évaluation orthophonique pour être aidés et/ou pour obtenir des aménagements durant leur parcours dans l’enseignement supérieur (e.g., temps supplémentaire aux évaluations). On peut raisonnablement imaginer que leur profil diffère de celui des étudiants dyslexiques n’ayant pas introduit de demande d’aide (e.g., plus en difficulté ou plus stressés ou plus consciencieux ou mieux suivis). Ce choix méthodologique doit être pris en compte puisqu’on sait que le profil des étudiants varie en fonction des méthodes de recrutement (Deacon, Cook, & Parrila, 2012). De plus, notre groupe d’étudiants dyslexiques compte davantage de filles que de garçons, ce qui est en contradiction avec la prévalence observée dans la dyslexie développementale (Arnett et al., 2017). Cette proportion reflète le pourcentage plus important de filles introduisant une demande d’évaluation dans le centre de consultations où les participants dyslexiques ont été recrutés. À nouveau, nous ne pouvons formuler que des hypothèses pour tenter d’expliquer ce biais de recrutement. Une première hypothèse renvoie au profil particulier de « dyslexie compensée ». Même si une prépondérance de garçons est généralement décrite en cas de dyslexie, certains auteurs ont également observé une plus grande proportion de filles que de garçons avec un profil de dyslexie compensée (Lefly & Pennington, 1991), leurs profils seraient moins sévères ou elles présenteraient moins de comorbidité, ce qui leur permettrait davantage d’atteindre un niveau d’enseignement supérieur. Il se pourrait également que la raison se trouve ailleurs, par exemple dans les stratégies qu’elles mettent en œuvre pour réussir leur parcours dans l’enseignement supérieur (e.g., demande d’aide, stratégies d’autorégulation, etc.) qui auraient pour conséquence que davantage de filles introduisent une demande d’évaluation. Chez les étudiants sans difficulté d’apprentissage, les études indiquent que les filles réussissent mieux dans l’enseignement supérieur que les garçons : il semble que cet effet du genre soit indirect et soit expliqué par les stratégies d’études employées et l’investissement dans le cursus (Dupont, De Clercq, & Galand, 2015). Il serait donc intéressant de proposer ce paradigme à des étudiants n’ayant pas introduit de demande d’aménagements dans l’enseignement supérieur, mais également à des adultes dyslexiques de tout niveau d’éducation, pour pouvoir étendre les résultats à d’autres profils d’adultes dyslexiques. Par ailleurs, il nous semble essentiel de poursuivre les recherches investiguant les différents aspects de la qualité lexicale, et notamment la richesse du réseau sémantique et les connexions aux représentations sémantiques en lecture, qui pourraient être un des mécanismes compensatoires de lecture chez les adultes dyslexiques.
44La littérature nous apporte des arguments en faveur de difficultés touchant les fonctions exécutives dans la population dyslexique mais le lien entre dyslexie et inhibition fait encore débat à l’heure actuelle (Langer et al., 2019). Nos résultats concordent avec les études rapportant un effet Stroop plus important en cas de dyslexie. Notre étude suggère que cet effet plus important résulte de difficultés à inhiber l’interférence émanant du conflit de réponse. Ceci pourrait être dû aux processus liés aux représentations phonologiques de sortie ou aux processus d’inhibition en tant que tels, ou les deux. Cependant, en l’absence d’informations complémentaires, issues de tâches évaluant l’inhibition avec du matériel non-verbal, nous ne pouvons confirmer ou d’infirmer l’hypothèse d’un déficit plus général d’inhibition dans notre échantillon. Pour mieux cerner le lien entre les compétences d’inhibition et la dyslexie, les recherches doivent donc se poursuivre, en contrastant différents types de tâches, en termes de complexité et de processus sous-jacents (e.g. nécessité ou non de décodage), de matériel (e.g., nécessitant la manipulation d’unités linguistiques ou non) et de modalité de réponse (e.g., modalité orale ou manuelle).
45De manière plus générale, une meilleure compréhension des différents facteurs cognitifs et environnementaux qui interagissent chez les étudiants dyslexiques est essentielle pour mieux appréhender la complexité de leurs profils et, par conséquent, proposer des évaluations adéquates et des programmes d’intervention pertinents.
Conclusion
46Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’accès automatique aux représentations sémantiques en lecture chez les étudiants dyslexiques, via un paradigme d’interférence, la tâche Stroop sémantique. Nos résultats indiquent un effet d’interférence sémantique qui ne diffère pas significativement de celui des étudiants sans trouble de la lecture et suggèrent donc un accès automatique et préservé aux représentations sémantiques. Ceci contraste avec l’interférence émanant du Stroop classique qui est significativement plus importante chez les étudiants dyslexiques, suggérant des difficultés d’inhibition du conflit de réponse (lié à l’activation de deux représentations articulatoires incongruentes). Ces résultats pourraient s’expliquer par des difficultés d’accès aux représentations phonologiques de sortie ou par des difficultés plus générales d’inhibition chez les étudiants dyslexiques, ces deux hypothèses n’étant pas mutuellement exclusives.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Les auteurs préfèrent l’utilisation de mots neutres écrits en couleurs comme condition contrôle, à l’utilisation de rectangles de couleur car les mots neutres font intervenir la dimension écrite. De plus, par rapport à une condition contrôle qui consisterait en une suite de lettres, par exemple, les mots neutres vont entraîner un coût de traitement supplémentaire (appelé coût de lexicalité). En utilisant des mots neutres, les stimuli contrôles seront donc équivalents aux stimuli expérimentaux.
-
[2]
Les épreuves qui ont été utilisées dans la batterie diagnostique pour évaluer la lecture et l’orthographe sont les tâches de lecture et de dictée de mots réguliers, irréguliers et de pseudomots de la Batterie Phonolec (Plaza, Robert-Jahier, Gatignol, & Oudry, 2008), les tâches de lecture du texte narratif et de dictée de texte de l’Evalad (Pech-Georgel & George, 2011), ainsi que la lecture du texte sans signification de l’Alouette (Lefavrais, 1967, 2005).
-
[3]
Étant donné la taille de nos échantillons et les conditions de normalité et d’homogénéité de variance parfois non respectées, nous avons opté pour des tests non-paramétriques pour la comparaison de nos groupes (Test U de Mann-Withney et Test exact de Fisher).