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Article de revue

Un trafic à la frontière du légal : le transit d’armes polonaises destinées aux républicains espagnols par le port de Honfleur (1937-1938)

Pages 153 à 171

Notes

  • [1]
    G. Howson, Arms for Spain : The Untold Story of the Spanish Civil War, Londres, John Murray, 1998, p. 279-303.
  • [2]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades de la mer, Paris, Grasset, 1979.
  • [3]
    Á. Viñas (dir.), Al servicio de la República. Diplomáticos y guerra civil, Madrid, Marcial Pons, 2010.
  • [4]
    G. Howson, Arms…, op. cit.
  • [5]
    Á. Viñas, La soledad de la República. El abandono de las democracias y el viraje hacia la Unión Soviética, Barcelone, Crítica, 2006. De nombreux autres ouvrages d’Ángel Viñas ont été consacrés à cette question, notamment aux rapports entretenus entre l’Espagne républicaine et l’URSS.
  • [6]
    B. Bennassar, La Guerre d’Espagne et ses lendemains, Paris, Perrin, 2006, p. 131.
  • [7]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 29-32.
  • [8]
    J. A. Farré, « Francia y la guerra civil española : Los límites de una politica », Espacio, Tiempo y Forma, Serie V, Ha Contemporánea, t. V, 1992, p. 172-177.
  • [9]
    H. Thomas, La guerre d’Espagne, Paris, Laffont, 1961, p. 233.
  • [10]
    J. A. Farré, « Francia… », op. cit., p. 172-176.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Arch. nat., 19940496/34, dossier 697.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147, Rapport du ministre des Finances adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 9 juin 1937.
  • [16]
    Cette notion « d’apparence légale » est développée par Gaston Cusin, haut fonctionnaire chargé de faciliter le trafic d’armes en faveur de la République espagnole. Voir « Témoignages recueillis », dans D. Blumé, Contribution à l’histoire politique de la non-intervention, Paris, J. Enfer, 1978, p. 86.
  • [17]
    C. Thiébaut, « Léon Blum, Alexis Léger et la décision de non-intervention en Espagne », dans J. Sagnes, S. Caucanas, Les Français et la guerre d’Espagne : actes du colloque tenu à Perpignan les 28, 29 et 30 septembre 1989, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2008, p. 26.
  • [18]
    S. Farré, « Le Comité de Londres et la politique de non-intervention durant la guerre civile espagnole (1936-1939 », dans Prévention, Gestion et sorties des conflits, Genève, Institut européen de l’Université de Genève, 2006, p. 211.
  • [19]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 116-117.
  • [20]
    S. Farré, « Le Comité… », op. cit., p. 212.
  • [21]
    Article du journal Le Populaire daté du 15 octobre 1945, cité dans L’œuvre de Léon Blum, du 6 février 1934 au Front populaire. Les lois sociales de 1936. La guerre d’Espagne. 1934-1937, Paris, Albin Michel, 1964.
  • [22]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 105-108.
  • [23]
    Plusieurs dates ont été avancées concernant le début de la non-intervention « relâchée ». Nous pouvons retenir celles indiquées par Léon Blum en 1947 ou celle avancée par Ricardo Miralles. Quant à René Quatrefages, il fait débuter la non-intervention relâchée dès novembre 1936, mais cela reste difficile à vérifier. Cf. Assemblée nationale, Les événements survenus en France de 1933 à 1945 : Témoignages et documents recueillis par la Commission d’enquête parlementaire, Paris, Presses universitaires de France, vol. 3, 1952 ; R. Quatrefages, « La politique française de non-intervention et le soutien matériel à la République espagnole pendant la guerre civile (1936-1939) », dans J.-P. Etienvre, R. Quatrefages, Les armées espagnoles et françaises : modernisation et réforme entre les deux guerres mondiales : colloque organisé à la Casa de Velázquez les 1, 2 et 3 décembre, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 21-22 ; R. Miralles, « El Duro… », op. cit., p. 132-133.
  • [24]
    R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 132.
  • [25]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 110-111.
  • [26]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Article du journal Paris-Midi daté du 1er juillet 1937.
  • [27]
    Service Historique de la Défense, GR 7N² 3022. Article du journal Le Matin daté du 16 avril 1938.
  • [28]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 110-111.
  • [29]
    Arch. nat., 200010216/297, dossier 13595.
  • [30]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 174-187.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    D. W. Pike, Les Français et la guerre d’Espagne, Paris, Presses universitaires de France, 1975, p. 251.
  • [33]
    Arch. nat., F7 14722., dossier 011259.
  • [34]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 106-107.
  • [35]
    Ibid., p. 75-78.
  • [36]
    Ibid., p. 107.
  • [37]
    Ibid., p. 106-107.
  • [38]
    Ibid., p. 106.
  • [39]
    Ibid., p 110.
  • [40]
    Ibid., p. 260-275.
  • [41]
    Ibid., p. 108-109.
  • [42]
    Surtout du trinitrotoluène, aussi connu sous le nom de TNT.
  • [43]
    Cf. tableau en annexe.
  • [44]
    C’est-à-dire un navire pour lequel le contrôle et la propriété réelle ne se situent pas dans le pays d’immatriculation.
  • [45]
    J.-F. Berdah, La démocratie…, op. cit., p. 296-297.
  • [46]
    Service Historique de la Défense, GR 7N² 2518, dossier 2. Note d’information des services de l’État-Major des Armées, 2e Bureau, à Alger le 27 octobre 1936.
  • [47]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport du commissaire divisionnaire de police spéciale du Havre, le 8 février 1938.
  • [48]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 58-60.
  • [49]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 235.
  • [50]
    C’est en tous cas ce qui est expliqué par Léon Blum le 23 juillet 1947 devant la commission d’enquête parlementaire. Cf. Assemblée Nationale, Les événements…, op. cit., p. 215.
  • [51]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 275-276.
  • [52]
    R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 125-133.
  • [53]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 206.
  • [54]
    Ibid., p. 110-113.
  • [55]
    Ibid., p. 63.
  • [56]
    Arch. Préf. Police, GA 52-209 779. Rapport de la direction de la Police judiciaire, à Paris le 12 janvier 1940.
  • [57]
    Arch. Préf. Police, GA 52-209 779. Note d’information, à Paris le 2 avril 1952.
  • [58]
    Pour les deux autres livraisons, c’est la nature du matériel qui est maquillée, on parle alors de « machines agricoles » ou de conserves. Cf. tableau en annexe.
  • [59]
    E. Lobjeois, Le Mexique et l’Espagne, 1936-1952 : la guerre civile, l’exil, la République et Franco, Thèse de doctorat, Université Paris Diderot (Paris 7), 2002, p. 12-24.
  • [60]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 197-199.
  • [61]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Rapport du préfet des Bouches-du-Rhône adressé au ministre de l’Intérieur et à la direction générale des services de police administrative, à Marseille le 10 juin 1937.
  • [62]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à Caen le 15 septembre 1937.
  • [63]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport au préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à Caen le 11 avril 1938.
  • [64]
    Pierre Cot a par exemple insisté sur cette idée (« J’ai fait tout ce que j’ai pu pour utiliser les faibles droits que nous nous étions réservé [sic ?] ») devant la Commission d’enquête parlementaire (Cf. Assemblée nationale, Les événements…, op. cit., p. 263). Néanmoins, seuls quelques témoignages fournis a posteriori nous renseignent sur la façon dont ces actions semi-légales sont appréhendées par les autorités.
  • [65]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Note du directeur des renseignements généraux, le 17 juin 1937 à Paris.
  • [66]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du commissaire spécial de Sète adressé au préfet de l’Hérault, à Sète le 17 août 1937.
  • [67]
    Service Historique de la Défense, GR 7 NN 2132. Note de la police criminelle, le 30 octobre 1937 à Paris.
  • [68]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 265.
    - Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86CPCOM/146. Rapport du ministre de la marine adressé au ministre des Affaires étrangères, le 6 avril 1937.
  • [69]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Note du directeur des renseignements généraux, le 17 juin 1937 à Paris.
  • [70]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur (direction générale de la sûreté nationale) et l’inspection générale des Services de police criminelle, à Caen le 30 août 1937.
  • [71]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à la direction générale de la Sûreté nationale, et à l’inspection des services de police criminelle, à Caen le 11 janvier 1938.
  • [72]
    Ibid. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à la direction du personnel et de l’administration générale et aux affaires politiques (2e Bureau), à Caen le 7 mars 1938.
  • [73]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Calvados, le 26 août 1937.
  • [74]
    Arch. nat., 20010216/275, dossier 12227.
  • [75]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur et à la direction générale de la Sûreté nationale, à Caen le 15 avril 1938.
  • [76]
    R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 139-143.
  • [77]
    Arch nat., 19940496/54, dossier 1449. Lettre du préfet du Calvados adressée au ministre de l’Intérieur, à Caen le 2 août 1937.
  • [78]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du receveur principal des douanes à Caen adressé au préfet du Calvados, à Caen le 24 juin 1937.
  • [79]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Lettre du préfet du Calvados adressée au ministre de l’Intérieur (Direction générale de la Sûreté nationale) et à l’inspection générale des services de police criminelle, à Caen le 30 août 1937.
  • [80]
    Le ministre de l’Intérieur demande tout de même au préfet de s’« assurer que les pièces accompagnant ce chargement font bien apparaître que sa destination n’est pas frauduleuse ». Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur adressée au préfet du Calvados (cabinet), le 26 août 1937.
  • [81]
    Pierre Cot en fait très bien état pour l’aide aéronautique dont il avait la charge. Cf. P. Cot, Le Procès de la République, New-York, Éditions de la maison française, t. 2, 1944, p. 331-332.
  • [82]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur (direction générale de la sûreté nationale), à Caen le 15 septembre 1937.
  • [83]
    Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur adressée au préfet du Calvados (cabinet), le 26 août 1937.
  • [84]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/146. Lettre du ministre des Affaires étrangères adressée au ministre des Finances, sans date.
  • [85]
    Ibid. Lettre du ministre des Finances adressée au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 23 avril 1937.
  • [86]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du ministre des Finances adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 9 juin 1937.
  • [87]
    Un échange à propos d’un envoi d’armes en Espagne sous couverture légale donna lieu à ce constat. Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/146. Rapport du ministre de la Marine adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 20 octobre 1936.
  • [88]
    Les sommes déposées en acquit-à-caution ne furent pas restituées après la découverte par les autorités de la destination frauduleuse des navires. Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du ministre du ministre des Finances adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 25 novembre 1937.
  • [89]
    « This did not prove easy in pratice ». G. Howson, Arms…, op. cit., p. 103.
  • [90]
    L’historien espagnol parle de « débil sistema de fronterizo de “puertas abitertas” » pour l’ouverture des frontières françaises en 1938. R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 136.
  • [91]
    Ibid., p. 122-154.
  • [92]
    Ibid.
  • [93]
    « En realidad, fue bien poco y por más que se la quira reconsiderar o reevaluar afectó siempre a cantidades cuasi insignificantes ». Ibid., p. 133.
  • [94]
    Á. Viñas, La soledad…, op. cit.
  • [95]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 137-152.
  • [96]
    La question reste ouverte, car l’exemple du préfet des Pyrénées-Orientales Raoul Didkowski montre que des versions très contradictoires peuvent s’opposer sur le sujet : entre soutien et refus d’aider le trafic. Cf. G. Bonet, « Didkowski », dans G. Bonet (dir.), Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises, t. 1, Pézilla-la-Rivière, Publications de l’olivier, 2011, p. 366-369.

1Petite ville portuaire, Honfleur semble bien éloignée de la guerre civile qui oppose les républicains espagnols aux insurgés franquistes. Pourtant, durant une courte période de ce conflit qui dure de juillet 1936 à avril 1939, la ville normande est un point névralgique du trafic d’armes semi-légal destiné à alimenter la République espagnole en matériel de guerre. C’est en effet par le port honfleurais que transite du matériel militaire de provenance polonaise sous le regard plus ou moins complaisant des autorités françaises. Naturellement, Honfleur n’est pas le seul port concerné par des opérations de même type. Aussi, d’une manière générale, le trafic d’armes destiné au conflit espagnol n’est pas exclusivement maritime, ni même d’origine polonaise. Cependant, il n’en reste pas moins singulier puisqu’il ne provient pas de la Russie soviétique, première pourvoyeuse d’armes de la République espagnole durant le conflit [1].

2Les études consacrées au trafic d’armes durant la guerre d’Espagne évoquent le rôle de France-Navigation [2], une compagnie communiste dédiée au trafic illégal ou encore celui des diplomates dans cette mission [3]. Certaines synthèses permettent aussi de faire le point sur les trafics de toutes provenances [4] et d’autres sur les stratégies républicaines sur la scène internationale [5]. Les études sont donc nombreuses et cet article ne vise pas à en établir la (longue) liste. Son but est de proposer un regard nouveau sur le rôle que put jouer un port secondaire dans le trafic illégal. La ville et le port de Honfleur accueillirent en effet un phénomène qui fut d’abord prohibé puis toléré par les autorités françaises et c’est ainsi la politique dite de « non-intervention » dans les affaires espagnoles qui sera observée à travers cet exemple singulier. Le trafic observé à Honfleur correspond-t-il aux représentations traditionnelles de l’historiographie française à propos de l’aide matérielle apportée à la République espagnole ? En filigrane de cette question, il s’agit de voir si ce trafic a été entrepris avec l’aide appuyée de l’État français et s’il avait des motivations essentiellement politiques.

3Pour y répondre, nous avons mobilisé les archives policières, militaires et diplomatiques et, grâce aux apports d’une historiographie principalement étrangère, l’histoire de ce trafic d’armes à Honfleur peut être étudié. Après la présentation du cadre contextuel, nous analyserons les raisons du choix du port honfleurais comme lieu du trafic à travers l’étude des cargaisons transportées en remontant leur trajet depuis leur fournisseur polonais, puis l’attitude des autorités françaises afin de mieux comprendre ce que fut leur position à l’égard de ce trafic officiellement interdit.

La France et la guerre d’Espagne : le projet de non-intervention

4Lorsque le conflit éclate, à la mi-juillet 1936, la République espagnole est un État de droit ayant légalement la liberté d’acheter des armes. Face à elle, les insurgés – appelés nationalistes ou franquistes – comptent l’emporter rapidement après le putsch qu’ils ont mis en œuvre mais celui-ci, qui était censé rétablir l’ordre dans un pays secoué par les troubles sociaux et politiques, s’enlise rapidement, notamment en raison d’une résistance populaire sous-estimée. Principalement conduite par les organisations politiques et syndicales de gauche, elle permet à la République de conserver la majorité des grandes villes. Au total, le coup d’État qui se veut rapide devient, à partir du mois de novembre suivant, une longue guerre de position.

5La République espagnole, qui doit faire face au soulèvement d’une majorité de ses troupes, est de surcroît sous-armée pour affronter l’épreuve d’un long conflit. En effet, l’Espagne, pays neutre, n’avait pas participé à la Première Guerre mondiale. Elle avait donc pu s’enrichir au point de devenir la quatrième réserve d’or mondiale au début du conflit [6] mais, malgré le rôle joué par l’armée dans la Péninsule, elle n’avait pas de matériel de guerre, ni en quantité, ni de qualité [7]. Pour faire face matériellement au soulèvement militaire de juillet 1936, le Frente Popular espagnol espère pouvoir compter sur le soutien du Front populaire français dirigé par Léon Blum. Malgré les similarités entre les deux gouvernements, et après de nombreuses hésitations, le gouvernement français finit par reculer et ne pas répondre favorablement à la demande espagnole [8]. Refusant officiellement dans un premier temps de satisfaire une demande pourtant inscrite dans les clauses d’un traité commercial franco-espagnol signé en 1935 [9], le gouvernement français fait ensuite la promotion d’une non-intervention dans le conflit espagnol [10].

6Le retrait français puise ses racines dans de multiples facteurs sur lesquels il est difficile de revenir de façon exhaustive. La peur d’une « sale guerre » qui peut embraser l’Europe et le manque de préparation d’un gouvernement de Front populaire élu pour « le pain, la paix, la liberté » en sont des raisons. Par-dessus tout, la prise de connaissance par l’opinion – à la suite des révélations du journaliste Henri de Kérillis- d’une première aide provoque de grands remous dans l’opinion publique [11]. Poussé d’un côté par les radicaux menaçant de faire éclater la coalition gouvernementale et de l’autre par le Quai d’Orsay qui défend une ligne conforme aux visions anglaises, le Front populaire décide de mettre en place et de promouvoir une politique de non-intervention dans les affaires espagnoles [12]. Le projet, adopté par la France au début du mois d’août 1936, est rejoint par 27 pays avant la fin du même mois, dont l’Allemagne, l’Italie ou encore l’URSS. Le plan européen de non-intervention interdit à un État légal – la République espagnole – le droit de se fournir en armes. Par conséquent, toute assistance de troupes était interdite aux deux belligérants.

7Réuni à Londres à partir de septembre 1936, le comité de non-intervention a pour objectif de noter le matériel prohibé et surtout de dépasser les obstacles juridiques entre les différents pays. Pour ce faire, l’avis aux exportateurs qui liste le matériel soumis à l’embargo s’appuie sur un récent décret relatif à l’exportation des armes. Ce dernier, daté du 3 septembre, se place dans la droite ligne de la Société des Nations en faisant du contrôle du trafic d’armes une des clés de la paix mondiale [13]. Parmi les onze articles du décret, l’article 3 vise à ce que le gouvernement destinataire approuve l’envoi d’armements et l’article 4 fait appel à une déclaration des exportateurs [14]. Quant au numéro 5, il doit permettre de garantir l’arrivée du matériel militaire et sa non-réexpédition à l’aide d’un acquit-à-caution. Délivré après la remise d’un certificat du consul du pays importateur, cet acquit-à-caution stipule que le matériel est bien arrivé dans ce pays et qu’il ne sera pas réexpédié. Il doit être délivré dans les 3 mois suivant l’arrivée du matériel.

8Le socle de la non-intervention est donc construit sur une faille juridique car la bonne foi des pays destinataires et des exportateurs sert de garantie. En outre, le système de transit international, réglé par la conférence de Barcelone d’avril 1921, empêche un État de s’opposer à un transit même s’il le juge suspect [15]. Ce n’est qu’après le constat d’une faute que les services de douanes peuvent mettre en place des sanctions financières. Ce système juridique, bien fragile en raison de la confiance accordée aux différentes parties, sépare de facto le trafic en trois catégories distinctes : un trafic légal, qui respecte les conditions précédemment énoncées ; un trafic d’« apparence légale [16] » qui détourne les exigences du décret ; et un trafic illégal qui, lui, échappe totalement aux règles.

9Aux difficultés propres au système juridique de non-intervention s’ajoutent également des difficultés extérieures. Le Comité nouvellement créé afin de mettre en place la non-intervention dans les affaires espagnoles était un triomphe flagrant du « briandisme » français, conduite diplomatique qui privilégie le recours systématique à la négociation plus que la confrontation [17]. Preuve en est qu’aucune sanction n’était prévue en cas de violation de la règle par un pays faisant partie du comité [18]. Cette volonté de ne pas contraindre les participants du comité a notamment comme conséquence d’alourdir des négociations stratégiquement minées par l’Allemagne nazie ou encore par l’Italie fasciste [19]. Il faut par exemple huit mois et demi pour mettre en place un plan de contrôle maritime et terrestre du trafic des armes et des envois de volontaires. Un mois et demi plus tard, le plan de contrôle vole en éclat à la suite des incidents provoqués par les flottes allemandes et italiennes participant au contrôle maritime [20]. Le plan de contrôle terrestre international, projet ambitieux mis en place le long de la frontière pyrénéenne, ne survit pas longtemps aux déboires de son pendant méditerranéen et atlantique. En juillet 1937, c’en est officieusement fini de la non-intervention.

Des armes polonaises à Honfleur

10La non-intervention mise en place dans le conflit espagnol empêche la République espagnole de se fournir légalement en armes sans pour autant empêcher le camp franquiste d’être discrètement appuyé en hommes et en matériel par l’Allemagne et l’Italie. Par conséquent, dès le début du conflit, le gouvernement espagnol a dû développer des stratégies d’achats pour se procurer l’armement nécessaire clandestinement.

11Dans cette entreprise, l’URSS fut la première pourvoyeuse d’armes. D’après les témoignages d’anciens membres du Front populaire français, l’État français a été un des principaux complices de cette pratique illégale. Léon Blum, ancien président du Conseil du Front populaire, le déclare dès 1938 et en dit davantage dans le journal Le Populaire daté du 15 octobre 1945 :

12

« Nous avons fourni des armes sans le dire et surtout, nos disponibilités d’alors étant bien faibles, nous en avons fait passer. Nous avons pratiqué la “non-intervention relâchée”, ce qui veut dire que nous avons organisé presque officiellement la contrebande. Cette organisation a fonctionné pendant toute la durée du gouvernement du Front Populaire et lui a même survécu assez longuement [21] ».

13À la tête de cette organisation, l’ancien douanier Gaston Cusin, personnage de l’ombre qui profite de postes officiels pour coordonner l’aide à l’Espagne républicaine, faisant le lien entre les différents ministères concernés, les douanes ou encore les préfets [22]. Ainsi après l’échec des plans de contrôle terrestre et maritime, l’État français relâche officieusement la non-intervention tout en la défendant officiellement [23].

14Honfleur, dans le contexte propre au « relâchement » de la non-intervention, occupe une place importante pour le transit des armes de guerre destinées aux républicains espagnols. Port de refuge à l’abri des regards, il voit en l’espace de quelques mois des milliers de tonnes d’armes et de munitions être déchargées sur ses quais.

15La localisation de la France est en effet favorable à la contrebande destinée à la République espagnole. La France partage avec l’Espagne la frontière pyrénéenne qui offre peu de lieu de transit d’importance mais de nombreuses embouchures frontalières difficiles à contrôler. Il faut ajouter à cela un accès maritime commode et rapide entre les ports méditerranéens français et espagnols. La surveillance de Gibraltar par la flotte insurgée espagnole finit par faire de ce passage préférentiel une route obligée [24]. De surcroît, la France a également des frontières communes avec l’Allemagne, la Belgique ou la Suisse qui sont tous de grands producteurs et exportateurs d’armes. Enfin, la prise de l’enclave basque par les nationalistes espagnols à partir des mois d’avril et juin 1937 coupe définitivement à la République espagnole tout accès à l’Atlantique. Elle doit donc s’en remettre à des livraisons d’armes via ses ports méditerranéens ou la frontière pyrénéenne. Dans les deux cas, la France joue un rôle crucial, malgré sa position officielle de non-intervention dans les affaires espagnoles.

16La position géographique de Honfleur, élément décisif s’il en est, n’explique pas pourquoi ce port a été préféré à des ports de plus grande importance comme Bordeaux ou Le Havre. Il faut en effet que les autorités sur place – portuaires, préfectorales et douanières en premier lieu – se soient montrées prêtes à accueillir des navires chargés d’armes dont la destination n’échappe à personne. Honfleur semble être un lieu privilégié pour cette raison [25]. Durant quelques mois, la solution d’urgence devient celle de prédilection.

17Honfleur jouit d’un certain calme vis-à-vis des autres ports atlantiques comme Bordeaux ou Le Havre, ce qui profite aux activités qui se situent à la frontière du légal. Dans le petit port du Calvados, certains journalistes font seulement état de chargements mystérieux [26], ou de la découverte d’un canon dans une caisse renfermant du matériel agricole [27]. Si on peut naturellement penser que la taille des grands ports français peut permettre un certain anonymat aux chargements, il n’en est rien. Les deux principaux ports d’entrée – Le Havre et Bordeaux – comme le principal port de sortie – Marseille – sont en effet à cette époque de véritables nids d’espions antirépublicains [28]. Bien que les insurgés espagnols soient approvisionnés en armes et en hommes par les puissances allemandes et italiennes, ils ont constitué un réseau d’espionnage autour des centres névralgiques du trafic d’armes sur le territoire français [29]. Celui-ci jouit de l’aide de militants des extrêmes droites françaises bien décidés à empêcher toute fournitures militaires aux « rouges » d’Espagne.

18L’espionnage franquiste, dans sa triple dimension – mission d’information ; politique de sabotage ; détournement de navires – est très dissuasif. Les renseignements recueillis lors de la prise d’information peuvent être transmis aux unités militaires antirépublicaines (allemandes, italiennes ou franquistes) ou au Comité de non-intervention [30]. Ainsi, les convois ont la possibilité d’être détruits en mer ou arraisonnés. Certains sont même sabotés ou détruits en France par des groupuscules antirépublicains [31]. Dans certains cas, les renseignements recueillis servent à créer une pression médiatique ou diplomatique.

19Les espions antirépublicains ont agi à plusieurs reprises en France. En septembre 1937, il y eut la désastreuse mission du commandant Troncoso destinée à détourner un sous-marin républicain dans le port de Brest [32]. En décembre de la même année, une opération du même type a lieu dans le port du Havre. Des militants franquistes et des militants d’extrême-droite français parviennent presque à détourner le torpilleur républicain José Luis Diaz stationné dans le port normand [33]. Pour toutes ces raisons, Honfleur fut une sorte de refuge de l’illégalité, bien que les expéditeurs des cargaisons ne se soient jamais affranchis des contraintes légales.

20Ainsi, durant la période de « relâchement » de la non-intervention, et au plus fort des livraisons polonaises, le port honfleurais est devenu un centre d’accueil privilégié par lequel passent sept convois d’armes polonaises identifiés comme ayant transité sur le territoire français à destination de la République espagnole (voir tableau annexe). Il s’agit maintenant de comprendre quelles étaient ces armes, et comment ont-elles pu parvenir en Espagne via Honfleur.

Des armes polonaises en Espagne : les contours d’une opération contre-nature

21La cession d’armes polonaises à l’Espagne républicaine peut a priori surprendre. En effet, si la Pologne est un régime autoritaire d’extrême droite, elle a besoin de liquider ses anciens stocks d’armements pour faire place neuve à du matériel militaire de meilleure qualité [34]. Cette alliance contre-nature – celle d’une République espagnole dirigée par un Front populaire avec un régime d’extrême droite – répond avant tout à une logique de marché.

22La mise en place d’un embargo international semble avoir eu un effet contraire à ses objectifs : loin de faire cesser la vente d’armes, il a seulement rendu leur acheminement plus difficile tout en produisant un effet d’inflation pour des armes de moins bonne qualité. Pour beaucoup, il s’agit d’armes déclassées à un moment où les grandes puissances entreprennent une politique de réarmement. Les représentants espagnols, non aguerris aux achats d’armes, sont prêts à payer le prix fort pour des armes parfois réformées, non calibrées, sans même avoir la garantie d’être livrés [35]. Il faut des armes, rapidement et auprès de ceux qui sont prêts à leur en céder.

23Différents pays, dont la Pologne, sont en mesure de fournir à l’Espagne républicaine des stocks de matériel militaire d’importance. Pourtant, la Pologne a décidé en premier d’un embargo unilatéral pour la vente d’armes à destination de ce conflit [36]. L’État détient néanmoins un stock considérable de matériel de guerre qui date pour la plupart du conflit contre la Russie en 1919-1920 [37]. Un syndicat d’exportation d’industries de guerre – le SEPEWE – avait été fondé pour vendre ce matériel [38]. L’objectif de cette organisation étatique était de vendre les surplus militaires afin de réinvestir dans le réarmement du pays en vue d’un nouveau conflit. Le conflit espagnol, et l’arrivée sur le marché d’un nouvel acheteur ayant de grandes ressources, laisse apparaître à Jozef Beck, le dirigeant du régime du « renouveau moral », la possibilité de se débarrasser d’un stock d’armes obsolète à très bon prix. Celles-ci sont vendues 30 à 40 % plus cher que les prix habituels [39], au mépris du caractère fermement anti-communiste du régime. De fait, au moins 36 livraisons furent expédiées à destination de l’Espagne [40] et, parmi elles, une partie passe par la France. Le cas de la Pologne – second fournisseur de la République espagnole derrière l’URSS – démontre à lui seul que l’aide à l’Espagne républicaine ne fut pas seulement une affaire « de gauche ».

24Parmi les livraisons qui transitent par le port de Honfleur, on vérifie la mauvaise qualité des armes que l’historien Gerald Howson a mis en lumière [41]. Les munitions et obus sont datés et ont des calibres différents – 37, 75, 77 ou 155 mm. Ils ne sont pas forcément chargés ou amorcés. Pour cette raison, les cargaisons sont aussi composées d’explosifs [42]. Il faut y ajouter les pièces d’artilleries, qui datent essentiellement des années 1910, des armes de tous types – mitrailleuses légères, fusils, etc. – datant elles aussi du premier conflit mondial, et des pièces détachées d’armement.

25Il est difficile d’estimer exactement la qualité du matériel ayant transité dans le port honfleurais. Cette lacune, due au caractère semi-clandestin des opérations, n’empêche pas de constater le caractère hétéroclite des chargements : 950 tonnes de TNT, 485 000 obus tous types confondus, 16 millions de cartouches, 7 canons Krupp et des canons de 155 mm en nombre non spécifié. À cela il faut ajouter 2 376 tonnes de matériel de guerre (poudre, cartouches, machines et pièces détachées) et un nombre non spécifié d’obus [43].

26Au total, on lit bien que les armes et le matériel de guerre transitant par le port de Honfleur sont de natures très diverses mais essentiellement composés d’explosifs, d’obus et de munitions. On n’en connaît pas la teneur exacte, mais on sait qu’il y a très peu de pièces d’artillerie, de matériel d’aviation ou de fusils, des armements faisant pourtant cruellement défaut à une République espagnole sous-armée. Quant aux pièces d’artillerie, elles datent bien souvent de la Première Guerre mondiale. L’envoi de ces commandes, rendu très difficile par la non-intervention, est l’objet d’un montage très précaire.

27En premier lieu, malgré la relative sûreté de l’itinéraire depuis le port militaire de Gdynia (Pologne) jusqu’à un port français de la façade atlantique, quasiment aucun armateur ne veut prendre part aux opérations. Pour y faire face, la République espagnole doit recourir à des pavillons de complaisance [44]. Ces derniers sont, excepté pour le Tiiu, tous panaméens. Ce constat fait aussi sens à l’échelle française. Les navires, acquis par les autorités républicaines chargées des achats d’armes, passaient sous le pavillon d’un pays n’ayant pas adhéré au pacte de non-intervention, à l’instar du Panama [45]. Ainsi, les pays membres du comité sont démunis face à ce trafic.

28Pour échapper à la surveillance du comité de non-intervention, certains navires changent définitivement de nom. D’autres peuvent aussi le faire en mer, conjointement à un changement de pavillon, afin d’échapper à un éventuel arraisonnement de la flotte franquiste [46]. Le Scotia, qui a effectué une première livraison le 21 novembre 1937 dans le port de Honfleur, revient par exemple dans le port du Havre sous le nom du Diana au mois de février 1938 [47].

29Suffisant pour échapper au plan de non-intervention, le recours à des pavillons de complaisance ne garantit pas la fiabilité des équipages. Plusieurs détournements de navires sont réalisés avec la connivence des équipages. Pour y remédier, une compagnie française contrôlée par les communistes fut mise sur pieds : France-Navigation [48]. Fondée grâce à des fonds du gouvernement espagnol en avril 1937, cette compagnie a acquis de nombreux navires destinés à approvisionner la République espagnole, tout particulièrement en armement [49]. Surtout, cette société est tolérée par le Front populaire qui accepte de fermer les yeux sur ses agissements pour l’aider ensuite dans ses activités clandestines [50]. Le rôle de France-Navigation se vérifie par ailleurs car, parmi les sept navires ayant déchargé leurs armes à Honfleur, on remarque que trois appartiennent à celle-ci : l’Al Racou, le Ploubazlanec, et le Bougaroni. L’efficacité de la compagnie fut telle que le transit d’armes de provenance soviétique lui est confié durant les mois suivant. Parmi les navires de France-Navigation chargés d’armes destinés au conflit espagnol, seul le Jaron – qui doit décharger les siennes dans le port honfleurais – est détourné en haute mer [51]. Si les affaires de détournement concernant les autres compagnies sont plus nombreuses, cela n’empêche pas les navires de ces dernières de convoyer des armes jusqu’à Honfleur et pour d’autres de se charger de la sortie du matériel dans un port français de Méditerranée.

30La bonne sortie du matériel déchargé est aussi une question cruciale. En principe, une fois acheminé en France, il transite sous le régime international jusqu’à un autre port français pouvant toucher l’Espagne depuis la mer Méditerranée. Ce système ne peut être sanctionné si les normes en vigueur sont en apparence respectées. Par ailleurs, lorsque les besoins espagnols se font plus pressants et, surtout, lorsque le gouvernement français « relâche » la non-intervention, des armes sont directement envoyées par voie terrestre ou par voie ferrée vers les points de passages frontaliers pyrénéens. La cargaison du Virginia, qui décharge son matériel à Honfleur en avril 1938, en fait partie. Dans l’ensemble, le transit sur le territoire français dépend néanmoins très étroitement de la couverture légale ayant permis l’opération.

31Couvrir légalement le trafic des armes est un enjeu qui oblige l’Espagne républicaine et les pays exportateurs à user de différentes précautions. Le recours à des intermédiaires pour ne pas compromettre ces deux parties, à des États tiers capables d’attester la réception de la marchandise et à des transitaires loyaux constitue trois mesures essentielles.

32En premier lieu, la République espagnole s’est chargée de monter des commissions d’achats successives qui dépendent étroitement de l’ambassade espagnole et du gouvernement républicain [52]. Celles-ci peuvent d’une part bénéficier de l’immunité diplomatique et profiter de la localisation de l’ambassade – Paris – pour collaborer avec les milieux économiques et industriels et, d’autre part, se charger des transferts financiers grâce aux grandes banques parisiennes [53]. Les achats d’armes polonaises restent peu connus. On sait que le SEPEWE aurait dépêché certains de ses intermédiaires pour ces opérations, et que certaines de celles-ci auraient été réalisées par le biais de l’ambassade espagnole à Prague [54]. Qualifiés d’« affairistes », souvent proches des milieux fascistes ou nazis, les intermédiaires profitent de leur position pour toucher d’énormes commissions. Stefan Czarnecki est un de ces personnages clés dont le rôle est souvent tu. Agent du fabriquant fasciste autrichien Fritz Mandl à Paris [55], Czarnecki est impliqué dans de nombreux convois d’armes arrivés à Honfleur. Sa carrière semble par ailleurs avoir été couronnée de succès. Il commence par des ventes officielles puis entreprend des ventes irrégulières -notamment à la Chine et à l’Espagne [56]. En 1952, un rapport de la préfecture de Police fait le point sur sa situation :

33

« Si avant la guerre, la situation de Czarnecki était celle d’un aventurier avec tous les aléas que cela comporte, il est incontestable que depuis 1948 cet homme, aux activités plus ou moins occultes, a acquis une importance considérable. Il passe pour être l’un des plus grands trafiquants d’armes du monde, et de disposer d’une fortune considérable [57]».

34En second lieu, des États tiers complètent le travail des intermédiaires tels que Czarnecki en attestant recevoir les marchandises qui sont en réalité destinées à l’Espagne républicaine. Dans le cadre du système d’acquit-à-caution, un consul doit garantir la bonne arrivée dans un pays importateur et non dans un pays tiers. En ce sens, l’Espagne peut compter sur le soutien de différents pays et de leurs consuls, notamment de la Grèce et du Mexique [58]. Alors que dans le dernier cas, cet appui est fourni dans un esprit de « solidarité » politique [59], la Grèce dirigée par un gouvernement d’inspiration fasciste l’a fait dans une optique financière [60]. Le rôle des consuls est primordial car ils permettent de réaliser les opérations dans un apparent respect des règles juridiques. Cependant, leurs motivations pour une telle pratique restent assez mal connues. On sait, hors des livraisons honfleuraises, que leur rôle peut dépasser celui d’agent d’exécution. À Marseille, le consul du Mexique qui se charge de confirmer l’arrivée de la marchandise à Veracruz est aussi le consignataire des navires républicains en France [61]. Un agent devant garantir que les armes ne sont pas allées en Espagne est donc également chargé du transport de marchandises vers ce pays.

35Enfin, il faut ajouter à ce complexe montage le rôle occupé par les transitaires. Ces agents économiques sont chargés de prendre en charge le transit des marchandises. Au même titre que pour les pavillons de complaisance, il est important pour les services républicains de pouvoir compter sur leur fiabilité. Quelques-uns, comme la maison Bernier de Honfleur, se chargent du transit avec de plus grosses maisons parisiennes largement impliquées dans le trafic semi-légal destiné à l’Espagne, en l’occurrence les maisons Freich Prim [62] et Aget [63].

Le « relâchement » de la non-intervention à Honfleur

36La période de transit d’armes à Honfleur correspondrait à celle du « relâchement » de la non-intervention. Seulement, si on sait que les autorités françaises jouent sur les minces marges de manœuvres juridiques dont elles disposent, on ne sait pas toujours comment cela peut se traduire localement [64]. Si relâchement il y a à l’échelle française, quelle est sa traduction concrète dans le port normand ?

37Un indice difficile à saisir est l’absence de surveillance du phénomène. Les spécialistes ont prouvé que de nombreux mois après le début du conflit – notamment en 1938 – l’État français a fermé les yeux sur le trafic d’armes de provenance soviétique. C’est le cas pour les voyages entrepris par France-Navigation depuis l’URSS. À l’inverse, dans le cadre des armes de provenance polonaise, l’État encadre les opérations et les surveille également. Il semble aussi peu probable qu’une bienveillance totale à l’égard de ce trafic ait existé. Si le trafic est autorisé, c’est parce que son montage juridique est suffisamment solide.

38La recherche de bonne conformité des opérations de transit et d’exportation des armes et de munitions est le fil conducteur des rapports de police. Le Tiiu, arrivé à Honfleur le 23 juin 1937, a par exemple pu décharger son matériel de guerre malgré les soupçons qui entourent son activité [65]. Seulement, les soupçons ne semblent pas suffisants pour empêcher le déroulement des opérations. Interpellé sur ce point, le commissaire spécial de Sète remarque à propos d’un chargement d’armes polonaises ayant transité en France depuis Bordeaux que « ce n’est qu’au point de sortie de France que la douane devra exiger la justification de l’origine et connaître le pays destinataire [66] ».

39Par conséquent, des vérifications minutieuses sont effectuées sur les navires susceptibles de transporter des armements. Après son départ de Gdynia pour toucher Honfleur, alors que cette destination n’est encore que de l’ordre du « probable », le Ploubazlanec est signalé par une note d’information du 5e Bureau à toutes les sources d’autorités susceptibles d’être intéressées : les préfets de Rouen, Lille, Arras, Nantes et Caen ; les Affaires étrangères ; le ministère de la Guerre ; et le 2e Bureau. En clair, il faudra « vérifier sérieusement [la] cargaison et tenir informé [67] ».

40Tout semble indiquer aux autorités que les navires venant à Honfleur durant cette période pour y décharger du matériel militaire se prêtent au trafic d’armes avec l’Espagne. Les deux premiers navires de provenance polonaise ayant touché des ports français sans pour autant y décharger de la marchandise – l’Andra et le Tinge – ont été aperçus déchargeant des armes sur les côtes basques [68]. De plus, dès juin 1937, le commissaire de police spéciale du Havre fait savoir que le Tiiu et le Scotia, deux navires qui déchargeront leurs armes à Honfleur, sont « susceptibles de se livrer au trafic des armes [69] ». Il en va de même pour le Ploubazlanec, un navire de la compagnie France-Navigation ayant déjà « fait d’assez nombreux voyages en Espagne, pour y transporter des vivres et des réfugiés [70] ». En janvier 1938, le Bougaroni, lui aussi de la compagnie France-Navigation, décharge ses marchandises en transit international pour Marseille. Le préfet du Calvados prévient à ce propos qu’en plus des machines agricoles et des jambons, une déclaration en douane jusqu’alors inconnue signale la présence de 4 000 obus non chargés [71]. Le navire Virginia, qui touche Honfleur pour la première fois, est sujet à un commentaire du préfet local :

41

« Il est vraisemblable que la destination définitive est la même que des cargaisons analogues débarquées à Honfleur ces derniers mois, dans les mêmes conditions et avec le même transitaire français [72] ».

42La destination véritable des cargaisons ne semble donc pas inconnue des autorités. D’autant plus qu’il faut composer avec les réactions de l’opinion publique et les articles de presse sur ce sujet.

43La presse et la population ne manquent pas en effet de réagir à ces opérations. En août 1937, le préfet du Calvados demande au ministre de l’Intérieur s’il ne faut pas interdire des déchargements car

44

« la population s’est émue du fait que deux navires ont récemment débarqué dans ce port des armes et des munitions à destination de la Grèce, mais qu’elle considère comme ayant été dirigées sur l’Espagne [73] ».

45Le Jour publie aussi un article le 22 novembre 1937 à propos de l’arrivée du Scotia, dans lequel il fait savoir qu’on « on feint d’ignorer la destination définitive de tout cet arsenal, mais il paraît évident qu’il sera dirigé sur l’Espagne comme chaque fois, depuis le début de la guerre d’Espagne, par les trafiquants marxistes (sic.) [74] ». On peut penser que le gouvernement prête peu d’attention aux dénonciations souvent farfelues de la presse d’extrême droite, mais l’exemple du Virginia peut laisser entendre le contraire. Alors que le navire doit officiellement décharger des machines agricoles, la rupture d’une élingue a provoqué l’ouverture d’une caisse et laissé apparaître un canon de 155 mm. Plutôt que de s’en étonner, le préfet signale seulement que L’Écho Honfleurais va publier un article à ce sujet, sans plus de commentaire [75]. Mais à cette date, en avril 1938, la France est bien plus engagée dans la voie de la « non-intervention relâchée » qu’elle ne l’était un an plus tôt [76].

46C’est pourtant bien le respect apparent des règles qui semble expliquer la position attentiste des autorités. Bien que refusée au Havre [77], l’opération de déchargement du Tiiu à Honfleur est qualifiée de « tout à fait régulière et conforme au décret réglementant le transit et l’exportation des armes et des munitions » car un « certificat du consul de Grèce à Gdynia » atteste que la marchandise est adressée à Athènes [78]. Par ailleurs, le 30 août 1937, l’arrivée de l’Al Racou et de l’Arbo – en provenance d’Hambourg avec des explosifs – est quant à elle repoussée. Le préfet explique que « les services du port d’Honfleur, laisseront également ces deux cargos procéder au débarquement de leur cargaison, une fois les pièces justificatives régulièrement produites, rien ne s’opposant du point de vue technique à leur admission dans le port [79] ». Quant au Ploubazlanec, dont le préfet souhaite empêcher le déchargement en août 1937 – en pleine période supposée de la « non-intervention relâchée » –, le ministre de l’Intérieur lui donna consigne de le faire, au prétexte que le ministre des Travaux publics ne vit aucune raison de s’y opposer [80].

47Au total, l’argument juridique semble peser de tout son poids pour les autorisations de déchargements du matériel de guerre. Données semble-t-il avec parcimonie, lesdites autorisations font l’objet d’une surveillance policière active autour des navires, peut-être afin de maintenir au mieux l’ordre public.

48La présence policière dans le port honfleurais lors des déchargements de marchandises interpelle l’opinion car, à cette époque, les accusations de collusion entre le gouvernement français et les trafiquants d’armes sont nombreuses [81]. Cependant, celle-ci paraît davantage destinée au maintien de l’ordre – mission inhérente au travail de la préfecture – qu’à une aide apportée au trafic d’armes. La nature dangereuse des cargaisons oblige à encadrer véritablement les opérations. C’est en tous cas ce qui est rappelé dans une annexe transmise par les autorités locales : un gardien du port et un de la chambre de commerce doivent être à bord ; un agent de police et un pompier doivent rester à quai ; une barrière de protection de 30 mètres doit être placée autour du navire ; les chargements doivent être précautionneux ; etc [82]. Même chose pour le Ploubazlanec à propos duquel le ministre de l’Intérieur indique que rien ne s’oppose au débarquement « sous la réserve que soient observées les formalités réglementaires et les précautions prescrites en la matière [83] ». En tout état de cause, si rien ne permet de savoir si les autorités locales veulent aider le trafic, il semble qu’elles aient fait aveu d’impuissance vis-à-vis de ce phénomène.

49En somme, il reste assez difficile de percer à jour les intentions réelles des autorités françaises, et particulièrement des autorités locales. D’une part, on peut supposer que d’aussi solides couvertures légales n’auraient pas été montées si le trafic pouvait compter sur un soutien plein et entier de l’État français. D’autre part, ce dernier ne semble pas pouvoir s’opposer légalement au trafic d’armes en transit international. Des échanges à propos de transits d’armes hors du port honfleurais en février 1937 tendent à montrer que l’État reste assez impuissant à l’égard du trafic d’armes, notamment en raison du détournement du système d’acquit-à-caution [84]. À cette date, Alexis Léger, secrétaire général du Quai d’Orsay, juge « urgent » que soit renforcé ce système. En effet, peu avant l’entrée en vigueur du plan de contrôle maritime, il ne faut pas que des transits destinés à l’Espagne soient interprétés comme une « négligence de la France [85] ». La réponse du président du conseil Léon Blum au mois d’avril suivant est négative ; elle fut complétée par celle du ministre des Finances qui lui annonce que, vu les tenants de la conférence de Barcelone du 14 avril 1921 sur le transit international, il est impossible de s’opposer à un transit en apparence régulier [86]. Tout au plus, ce n’est qu’après constatations de la fraude que les autorités peuvent agir [87]. Et cela, la France ne manque pas de le faire. Les transports entrepris par le Naukratoussa et Nepheligeretes, deux navires grecs ayant pris en charge les marchandises déchargées dans le port de Honfleur depuis les ports méditerranéens, donnent ainsi lieu à des sanctions de la part des autorités locales [88]. En juillet et octobre 1937, dates respectives des transports par ces navires, il ne semble donc pas que tous les transits d’armes aient fait l’objet de la bienveillance des autorités que certains historiens présupposent pour cette période.

50Dès lors, ces données nous invitent à remettre en question l’attitude des autorités françaises qui semble avoir été différente selon les ministères impliqués, les périodes concernées ou selon les autorités locales compétentes. Cette analyse va dans le sens de certains sur le trafic d’armes et la non-intervention relâchée. Alors que pour l’historien britannique Gerald Howson, celle-ci « s’était avérée difficile en pratique [89] », Ricardo Miralles se montre plus sévère à son égard. Jugée « faible [90] », la non-intervention relâchée n’aurait pas été un phénomène complet sur la période [91]. Celle-ci aurait d’ailleurs toujours été l’objet de nombreuses tractations [92]. En somme, toujours d’après l’historien espagnol, la non-intervention relâchée invoquée par Blum « fut bien peu et pour autant qu’on veuille la reconsidérer ou la réévaluer, elle concerna toujours des quantités quasi-insignifiantes [93] ». Aussi, dans son ouvrage La soledad de la República, Ángel Viñas explique que ce n’est qu’en raison de l’abandon des grandes démocraties – notamment la France et l’Angleterre – que l’Espagne républicaine a dû se tourner vers l’URSS pour se faire fournir des armes, au prix de sa réserve d’or et d’ingérences politiques d’une Russie soviétique qui ne défend en Espagne que ses propres intérêts [94]. En considérant cet aspect, le transit d’armes soviétiques en France ne serait pas le signe d’une aide française, mais plutôt d’un abandon. À la marge d’une aide soviétique insidieuse, les fournitures d’autres provenances semblent avoir donné lieu, comme à Honfleur, à de complexes montages pour des armements de médiocre qualité.

Conclusion

51Le trafic ayant lieu dans le port de Honfleur s’écarte en partie des représentations historiographiques françaises traditionnelles. Si les montages réalisés reprennent les mêmes prérequis et parfois des acteurs identiques, ces opérations s’écartent également du trafic d’armes de provenance soviétique. La qualité des armes est tout aussi médiocre et surpayée [95], mais la Pologne est quant à elle une dictature d’extrême droite faisant le choix de fournir un adversaire idéologique. Aussi, le fait que des transits de provenance soviétique aient profité d’une aide de certaines autorités françaises en 1938 ne veut pas nécessairement dire que les transits d’origine polonaise aient pu bénéficier du même traitement de faveur. Il semble justement qu’Honfleur ait pu être un « terrain d’essai » permettant au trafic semi-légal de trouver une forme assez pérenne par la suite. La complicité des autorités locales, au moins préfectorale, a dû être décisive car elle a semblé l’être dans d’autres départements à d’autres époques [96]. Tout au plus, on pourrait envisager que le préfet calvadosien a été plus enclin à accueillir ces opérations que son homologue de Seine-Maritime. D’une manière générale, la correspondance administrative laisse supposer que les autorités ont fait preuve d’impuissance face au trafic. Cette impuissance face à la « conformité apparente » est-elle un argument en trompe-l’œil pour couvrir le trafic en se déresponsabilisant ? Il est difficile de le dire. Néanmoins, quand cela fut possible, des sanctions furent prononcées à l’égard de certains transits. Si aide française à l’égard du trafic clandestin destiné au conflit espagnol il y eut, celle-ci fut timide : tout au plus les autorités – celles de Honfleur – ont encouragé un phénomène contre lequel il leur était difficile de lutter. Il n’empêche cependant que le port normand est resté durant plusieurs mois un des refuges privilégiés d’un phénomène sur lequel la part de l’ombre est encore importante.


Annexe

Les cargaisons d’armes polonaises ayant transité par le port honfleurais (1937-1938)

tableau im1
Nom du navire & pavillon Port de départ Date d’entrée en France Port d’entrée Transitaires Nature du chargement Lieu de sortie Informations complémentaires Tiiu- Lettonie (pavillon) Gdynia (Pologne) 23/06/1937 Honfleur (Calvados) Freich-Prim (Paris) Domerc et Cie (La Nouvelle) 1150 tonnes d’armes & munitions 750 tonnes d’explosifs (Canons, obusiers, obus, fusées et poudres de guerre) La Nouvelle (Aude) Destination officielle : Grèce Commanditaire : Stefan Czarnecki Ploubalzanec - France (pavillon) Gdynia (Pologne) 27/08/1937 Honfleur (Calvados) Jean Bernier (Honfleur) Freich Prim (Paris) Tissier (courtier maritime) 40 000 obus de 75 mm 16 millions de cartouches 100 tonnes de trotyl (TNT) Marseille (Bouches-du-Rhône) Destination officielle : Grèce Commanditaire : Stefan Czarnecki Le Ploubazlanec appartient à la compagnie France-Navigation Al Racou - France (pavillon) Gdynia (Pologne) 14/09/1937 Honfleur (Calvados) Jean Bernier (Honfleur) Freich Prim (Paris) Domerc et Cie (La Nouvelle) 75 500 obus de 37, 75, 77 et 155mm 7 canons Krupp 100 tonnes de trotyl (TNT) Marseille (Bouches-du-Rhône) Destination officielle : Grèce Le certificat d’exportation était non valable ; une limite de capacité du port de Honfleur a repoussé le déchargement Scotia - Panama (pavillon) Tallinn (Estonie) puis Gdynia (Pologne) 21/11/1937 Honfleur (Calvados) Inconnus 776 tonnes de matériel de guerre (Poudre, cartouches et pièces détachées) Marseille (Bouches-du-Rhône) Destination officielle : Mexique Bougaroni - France (pavillon) Gdynia (Pologne) 07/01/1938 Honfleur (Calvados) Inconnus 150 tonnes de munitions (4 000 obus non chargés) Marseille (Bouches-du-Rhône) Destination officielle : Grèce Le Bougaroni appartient à la compagnie France-Navigation
tableau im2
Virginia - Panama (pavillon) Gdynia (pologne) et Tallinn (Estonie) 06/03/1938 Honfleur (Calvados) Inconnu (Honfleur) Aget (Marseille) 1 800 tonnes de machines et conserves (Matériel militaire non spécifié) Marseille (Bouches-du-Rhône) Le commissaire de police de Honfleur pense qu’il s’agit de matériel de guerre destiné à l’Espagne. Virginia - Panama (pavillon) Gdynia (Pologne) 10/04/1938 Honfleur (Calvados) Bernier (Honfleur) Aget (Marseille) 500 tonnes de matériel de guerre (Pièces d’artillerie et mitraillettes) Cerbère (Pyrénées-Orientales) Est au départ déclaré comme du matériel agricole. La chute d’une caisse lors du déchargement à Honfleur et l’ouverture de celle-ci a montré un canon de 155 mm ; l’information a été reprise par l’Echo de Honfleur; la marchandise aurait été envoyée en Espagne par voie terrestre via Cerbère

Les cargaisons d’armes polonaises ayant transité par le port honfleurais (1937-1938)


Mots-clés éditeurs : trafic, Pologne, armes, Honfleur, guerre d’Espagne

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Date de mise en ligne : 26/06/2018

https://doi.org/10.3917/annor.681.0153

Notes

  • [1]
    G. Howson, Arms for Spain : The Untold Story of the Spanish Civil War, Londres, John Murray, 1998, p. 279-303.
  • [2]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades de la mer, Paris, Grasset, 1979.
  • [3]
    Á. Viñas (dir.), Al servicio de la República. Diplomáticos y guerra civil, Madrid, Marcial Pons, 2010.
  • [4]
    G. Howson, Arms…, op. cit.
  • [5]
    Á. Viñas, La soledad de la República. El abandono de las democracias y el viraje hacia la Unión Soviética, Barcelone, Crítica, 2006. De nombreux autres ouvrages d’Ángel Viñas ont été consacrés à cette question, notamment aux rapports entretenus entre l’Espagne républicaine et l’URSS.
  • [6]
    B. Bennassar, La Guerre d’Espagne et ses lendemains, Paris, Perrin, 2006, p. 131.
  • [7]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 29-32.
  • [8]
    J. A. Farré, « Francia y la guerra civil española : Los límites de una politica », Espacio, Tiempo y Forma, Serie V, Ha Contemporánea, t. V, 1992, p. 172-177.
  • [9]
    H. Thomas, La guerre d’Espagne, Paris, Laffont, 1961, p. 233.
  • [10]
    J. A. Farré, « Francia… », op. cit., p. 172-176.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Arch. nat., 19940496/34, dossier 697.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147, Rapport du ministre des Finances adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 9 juin 1937.
  • [16]
    Cette notion « d’apparence légale » est développée par Gaston Cusin, haut fonctionnaire chargé de faciliter le trafic d’armes en faveur de la République espagnole. Voir « Témoignages recueillis », dans D. Blumé, Contribution à l’histoire politique de la non-intervention, Paris, J. Enfer, 1978, p. 86.
  • [17]
    C. Thiébaut, « Léon Blum, Alexis Léger et la décision de non-intervention en Espagne », dans J. Sagnes, S. Caucanas, Les Français et la guerre d’Espagne : actes du colloque tenu à Perpignan les 28, 29 et 30 septembre 1989, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2008, p. 26.
  • [18]
    S. Farré, « Le Comité de Londres et la politique de non-intervention durant la guerre civile espagnole (1936-1939 », dans Prévention, Gestion et sorties des conflits, Genève, Institut européen de l’Université de Genève, 2006, p. 211.
  • [19]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 116-117.
  • [20]
    S. Farré, « Le Comité… », op. cit., p. 212.
  • [21]
    Article du journal Le Populaire daté du 15 octobre 1945, cité dans L’œuvre de Léon Blum, du 6 février 1934 au Front populaire. Les lois sociales de 1936. La guerre d’Espagne. 1934-1937, Paris, Albin Michel, 1964.
  • [22]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 105-108.
  • [23]
    Plusieurs dates ont été avancées concernant le début de la non-intervention « relâchée ». Nous pouvons retenir celles indiquées par Léon Blum en 1947 ou celle avancée par Ricardo Miralles. Quant à René Quatrefages, il fait débuter la non-intervention relâchée dès novembre 1936, mais cela reste difficile à vérifier. Cf. Assemblée nationale, Les événements survenus en France de 1933 à 1945 : Témoignages et documents recueillis par la Commission d’enquête parlementaire, Paris, Presses universitaires de France, vol. 3, 1952 ; R. Quatrefages, « La politique française de non-intervention et le soutien matériel à la République espagnole pendant la guerre civile (1936-1939) », dans J.-P. Etienvre, R. Quatrefages, Les armées espagnoles et françaises : modernisation et réforme entre les deux guerres mondiales : colloque organisé à la Casa de Velázquez les 1, 2 et 3 décembre, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 21-22 ; R. Miralles, « El Duro… », op. cit., p. 132-133.
  • [24]
    R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 132.
  • [25]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 110-111.
  • [26]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Article du journal Paris-Midi daté du 1er juillet 1937.
  • [27]
    Service Historique de la Défense, GR 7N² 3022. Article du journal Le Matin daté du 16 avril 1938.
  • [28]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 110-111.
  • [29]
    Arch. nat., 200010216/297, dossier 13595.
  • [30]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 174-187.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    D. W. Pike, Les Français et la guerre d’Espagne, Paris, Presses universitaires de France, 1975, p. 251.
  • [33]
    Arch. nat., F7 14722., dossier 011259.
  • [34]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 106-107.
  • [35]
    Ibid., p. 75-78.
  • [36]
    Ibid., p. 107.
  • [37]
    Ibid., p. 106-107.
  • [38]
    Ibid., p. 106.
  • [39]
    Ibid., p 110.
  • [40]
    Ibid., p. 260-275.
  • [41]
    Ibid., p. 108-109.
  • [42]
    Surtout du trinitrotoluène, aussi connu sous le nom de TNT.
  • [43]
    Cf. tableau en annexe.
  • [44]
    C’est-à-dire un navire pour lequel le contrôle et la propriété réelle ne se situent pas dans le pays d’immatriculation.
  • [45]
    J.-F. Berdah, La démocratie…, op. cit., p. 296-297.
  • [46]
    Service Historique de la Défense, GR 7N² 2518, dossier 2. Note d’information des services de l’État-Major des Armées, 2e Bureau, à Alger le 27 octobre 1936.
  • [47]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport du commissaire divisionnaire de police spéciale du Havre, le 8 février 1938.
  • [48]
    D.-A. Grisoni, G. Hertzog, Les Brigades…, op. cit., p. 58-60.
  • [49]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 235.
  • [50]
    C’est en tous cas ce qui est expliqué par Léon Blum le 23 juillet 1947 devant la commission d’enquête parlementaire. Cf. Assemblée Nationale, Les événements…, op. cit., p. 215.
  • [51]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 275-276.
  • [52]
    R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 125-133.
  • [53]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 206.
  • [54]
    Ibid., p. 110-113.
  • [55]
    Ibid., p. 63.
  • [56]
    Arch. Préf. Police, GA 52-209 779. Rapport de la direction de la Police judiciaire, à Paris le 12 janvier 1940.
  • [57]
    Arch. Préf. Police, GA 52-209 779. Note d’information, à Paris le 2 avril 1952.
  • [58]
    Pour les deux autres livraisons, c’est la nature du matériel qui est maquillée, on parle alors de « machines agricoles » ou de conserves. Cf. tableau en annexe.
  • [59]
    E. Lobjeois, Le Mexique et l’Espagne, 1936-1952 : la guerre civile, l’exil, la République et Franco, Thèse de doctorat, Université Paris Diderot (Paris 7), 2002, p. 12-24.
  • [60]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 197-199.
  • [61]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Rapport du préfet des Bouches-du-Rhône adressé au ministre de l’Intérieur et à la direction générale des services de police administrative, à Marseille le 10 juin 1937.
  • [62]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à Caen le 15 septembre 1937.
  • [63]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport au préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à Caen le 11 avril 1938.
  • [64]
    Pierre Cot a par exemple insisté sur cette idée (« J’ai fait tout ce que j’ai pu pour utiliser les faibles droits que nous nous étions réservé [sic ?] ») devant la Commission d’enquête parlementaire (Cf. Assemblée nationale, Les événements…, op. cit., p. 263). Néanmoins, seuls quelques témoignages fournis a posteriori nous renseignent sur la façon dont ces actions semi-légales sont appréhendées par les autorités.
  • [65]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Note du directeur des renseignements généraux, le 17 juin 1937 à Paris.
  • [66]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du commissaire spécial de Sète adressé au préfet de l’Hérault, à Sète le 17 août 1937.
  • [67]
    Service Historique de la Défense, GR 7 NN 2132. Note de la police criminelle, le 30 octobre 1937 à Paris.
  • [68]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 265.
    - Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86CPCOM/146. Rapport du ministre de la marine adressé au ministre des Affaires étrangères, le 6 avril 1937.
  • [69]
    Arch. nat., 19940496/36, dossier 769. Note du directeur des renseignements généraux, le 17 juin 1937 à Paris.
  • [70]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur (direction générale de la sûreté nationale) et l’inspection générale des Services de police criminelle, à Caen le 30 août 1937.
  • [71]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à la direction générale de la Sûreté nationale, et à l’inspection des services de police criminelle, à Caen le 11 janvier 1938.
  • [72]
    Ibid. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur, à la direction du personnel et de l’administration générale et aux affaires politiques (2e Bureau), à Caen le 7 mars 1938.
  • [73]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Calvados, le 26 août 1937.
  • [74]
    Arch. nat., 20010216/275, dossier 12227.
  • [75]
    Arch. nat., 19940494/75, dossier 5104. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur et à la direction générale de la Sûreté nationale, à Caen le 15 avril 1938.
  • [76]
    R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 139-143.
  • [77]
    Arch nat., 19940496/54, dossier 1449. Lettre du préfet du Calvados adressée au ministre de l’Intérieur, à Caen le 2 août 1937.
  • [78]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du receveur principal des douanes à Caen adressé au préfet du Calvados, à Caen le 24 juin 1937.
  • [79]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Lettre du préfet du Calvados adressée au ministre de l’Intérieur (Direction générale de la Sûreté nationale) et à l’inspection générale des services de police criminelle, à Caen le 30 août 1937.
  • [80]
    Le ministre de l’Intérieur demande tout de même au préfet de s’« assurer que les pièces accompagnant ce chargement font bien apparaître que sa destination n’est pas frauduleuse ». Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur adressée au préfet du Calvados (cabinet), le 26 août 1937.
  • [81]
    Pierre Cot en fait très bien état pour l’aide aéronautique dont il avait la charge. Cf. P. Cot, Le Procès de la République, New-York, Éditions de la maison française, t. 2, 1944, p. 331-332.
  • [82]
    Arch. nat., 19940496/54, dossier 1449. Rapport du préfet du Calvados adressé au ministre de l’Intérieur (direction générale de la sûreté nationale), à Caen le 15 septembre 1937.
  • [83]
    Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur adressée au préfet du Calvados (cabinet), le 26 août 1937.
  • [84]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/146. Lettre du ministre des Affaires étrangères adressée au ministre des Finances, sans date.
  • [85]
    Ibid. Lettre du ministre des Finances adressée au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 23 avril 1937.
  • [86]
    Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du ministre des Finances adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 9 juin 1937.
  • [87]
    Un échange à propos d’un envoi d’armes en Espagne sous couverture légale donna lieu à ce constat. Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/146. Rapport du ministre de la Marine adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 20 octobre 1936.
  • [88]
    Les sommes déposées en acquit-à-caution ne furent pas restituées après la découverte par les autorités de la destination frauduleuse des navires. Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve, 86 CPCOM/147. Rapport du ministre du ministre des Finances adressé au ministre des Affaires étrangères, à Paris le 25 novembre 1937.
  • [89]
    « This did not prove easy in pratice ». G. Howson, Arms…, op. cit., p. 103.
  • [90]
    L’historien espagnol parle de « débil sistema de fronterizo de “puertas abitertas” » pour l’ouverture des frontières françaises en 1938. R. Miralles, « El duro… », op. cit., p. 136.
  • [91]
    Ibid., p. 122-154.
  • [92]
    Ibid.
  • [93]
    « En realidad, fue bien poco y por más que se la quira reconsiderar o reevaluar afectó siempre a cantidades cuasi insignificantes ». Ibid., p. 133.
  • [94]
    Á. Viñas, La soledad…, op. cit.
  • [95]
    G. Howson, Arms…, op. cit., p. 137-152.
  • [96]
    La question reste ouverte, car l’exemple du préfet des Pyrénées-Orientales Raoul Didkowski montre que des versions très contradictoires peuvent s’opposer sur le sujet : entre soutien et refus d’aider le trafic. Cf. G. Bonet, « Didkowski », dans G. Bonet (dir.), Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises, t. 1, Pézilla-la-Rivière, Publications de l’olivier, 2011, p. 366-369.

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