Couverture de ANNOR_672

Article de revue

La statue du Juif errant de Victor-Edmond Leharivel-Durocher à Flers (Orne), 1877-1941

Pages 119 à 142

Notes

  • [1]
    Cet article doit beaucoup à Chantal Meyer-Plantureux qui m’a encouragée à l’écrire, m’a donné documents et conseils et a accepté d’en relire la première version. Merci également à la Médiathèque de Flers, à Jean-Pascal Foucher, directeur des Archives départementales de l’Orne, à Johanna Allouch, conservateur du Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d’Alençon, à Marie-Laure Gerault, à Béatrice Tupinier du département des Sculptures du xixe siècle du Louvre, à Aude Pessey-Lux et à François Blanchetière (conservateur, Musée Rodin) pour leurs conseils et pour les documents qu’ils m’ont permis de consulter. Enfin, je remercie les experts qui m’ont permis d’améliorer cet article.
    La graphie italique est utilisée pour les œuvres d’art, statues, œuvres littéraires… et la graphie normale est utilisée quand il s’agit du personnage de légende. Le trait d’union entre Juif et errant est gardé quand il existe dans les citations.
  • [2]
    A.-H. Hoog, « L’ami du peuple ou ‘le Juif Errant’ d’Eugène Sue », dans Le Juif errant, un témoin du temps, Catalogue de l’exposition du MAHJ, 2001, p. 109.
  • [3]
    Le Juif errant : un témoin du temps, catalogue d’exposition (Paris, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, octobre 2001-février 2002), Paris, A. Brio, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 2001.
  • [4]
    En 1228, un moine de Saint Albans, en Angleterre, rapporte qu’un archevêque arménien en visite dans son abbaye a affirmé qu’il a eu à sa table Cartaphile, ancien portier du prétoire de Pilate. Celui-ci lui a raconté qu’il avait frappé Jésus dans le dos en lui disant : « Va plus vite Jésus, va que tardes-tu ? », à quoi Jésus aurait répondu : « Moi je vais et toi tu attendras jusqu’à ce que je revienne ». Il avait 30 ans au moment de la Passion du Christ et chaque fois qu’il atteignait cent ans il redevenait un homme de 30 ans.
  • [5]
    Comme Jésus montait au Calvaire il demanda au cordonnier de pouvoir se reposer un moment dans sa maison. Le cordonnier le repoussa brutalement, Jésus le regarda fixement et lui dit : « Je m’arrêterai et me reposerai, mais toi tu marcheras jusqu’au Jugement dernier. » À ces mots, Ashaver quitte sa famille et sa maison, puis commence une errance sans fin.
  • [6]
    Kurtze Beschriebung und Erzehlung von einem Juden mit namen Ahasverus, Bautzen, Wolffgang Suchnach, 1602. Certains traits du personnage doivent être notés. Il s’appelle Ashaver, il est vieux et pauvre. Il n’accepte les aumônes que pour les distribuer aux pauvres. Où qu’il soit il parle la langue du pays.
  • [7]
    J.-H. Chamfleury, Histoire de l’Imagerie Populaire, Paris, E. Dentu, 1869, p. 63.
  • [8]
    Le Juif errant, poème de Béranger (1831) mis en musique par Gounod en 1860 ; Ahasverus, le mystère poétique d’Edgar Quinet (1833) ; Le Juif Errant, les Jésuites et le peuple, d’Eugène Sue. Feuilleton de juin 1844 à août 1845 dans le Constitutionnel, puis publié par Paulin (1845). Adaptation théâtrale puis opéra de Halévy en 1852. Isaac Laquedem ou le roman du Juif Errant d’Alexandre Dumas publié en feuilleton par le Constitutionnel à partir de décembre 1852, censuré après 1 000 pages.
  • [9]
    N. Savy, Les Juifs des Romantiques, Paris, Belin, 2010, p. 113.
  • [10]
    A.-H. Hoog, « L’ami du peuple… », op. cit., p. 111-113.
  • [11]
    R. I. Cohen, « Images et contexte du Juif errant depuis le mythe médiéval jusqu’à la métaphore moderne », dans Le Juif errant, un témoin du temps, op. cit., 2001, p. 13-31.
  • [12]
    B. Blumenkranz, Le Juif médiéval au miroir de l’art chrétien, Paris, Études augustiniennes, 1966. Dans cet ouvrage, l’auteur montre que très tôt au xiiie et xive siècle, l’on trouve déjà le nez courbé comme caractéristique physionomique des Juifs. Il cite pour exemple (p. 33) un ouvrage encyclopédique anglais des environs de 1350, à l’initiale I, l’article Iudei dans lequel trois Juifs sont représentés d’une manière caricaturale, avec le nez crochu bien en avant et la barbe en pointe. Il rapporte également (p. 98) l’exemple d’une bible allemande du xiiie siècle, où l’image d’un personnage dont le nez crochu, l’œil allongé et la barbe ne laissent aucun doute sur son appartenance juive.
  • [13]
    Le terme antisémitisme aurait été employé la première fois par Wilhelm Marr, publiciste allemand de la seconde moitié du xixe siècle, auteur d’un pamphlet anti-juif en 1879. Selon le Trésor de la langue française, le mot « antisémite » est attesté depuis 1890. En dépit de l’étymologie du terme qui suggère que l’antisémitisme est dirigé contre tous les peuples sémites, Juifs et Arabes, dans son acception commune, il signifie « une attitude d’hostilité à l’égard des minorités juives, quel que soit le motif de cette hostilité, « religieux », « racial » ou « ethnique ». (Sources consultées le 24/11/2016 : https://www.phdn.org/antisem/antisemitismelemot.html et dictionnaire.education/fr/antisemitisme.)
  • [14]
    C. Philipon et L. Huart, Parodie du Juif Errant, Bruxelles, Société Belge de Librairie, 1845.
  • [15]
    R. I. Cohen, « Images et contexte… », op. cit.
  • [16]
    Victor-Edmond Leharivel-Durocher est né le 20 novembre 1816 à Chanu (Orne) et il y est décédé le 9 octobre 1878. Sa vie et sa carrière sont décrites dans les biographies écrites par les contemporains du sculpteur : C.-P. de Chennevières-Pointel, V. Le Harivel-Durocher, Bellême, Imprimerie Levayer, 1898, 72 p. ; G. Levavasseur, Notice biographique sur Le Harivel-Durocher, sculpteur, Caen, Imprimerie F. Le Blanc-Hardel, 1879 ; E. de Robillard de Beaurepaire, Notice biographique sur Le Harivel-Durocher, Caen, Imprimerie F. Le Blanc-Hardel, 1879.
  • [17]
    L’œuvre n’est mentionnée ni dans l’ouvrage d’Henry Jouin, La sculpture au salon de 1877, Paris, Plon, 1878, ni dans les deux comptes-rendus de la Gazette des Beaux-Arts. Elle est simplement mentionnée dans Le Petit Parisien du 7 avril 1877 (n° 178) : « Un Juif errant de M. Leharivel Durocher ».
  • [18]
    A. de Liesville, IV Les artistes normands au Salon de 1877, Paris, Honoré Champion, 1877, p. 26. Alfred de Liesville (1876-1885), érudit normand, fut entre autres critique d’art pour les salons de 1875 à 1879 où il rend compte du travail des artistes normands.
  • [19]
    B. Blumenkranz, Le Juif médiéval au miroir de l’art chrétien…, op. cit.
  • [20]
    Ibid., p. 25.
  • [21]
    A.-H. Hoog, « L’ami du peuple… », op. cit., p. 123.
  • [22]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel Durocher “Sculpteur normand par excellence” 1816-1878 », dans Que l’angélus sonne ! Les églises du xixe siècle dans l’Orne, Direction des Archives départementales, Alençon, 2001, p. 66-75.
  • [23]
    Sainte Geneviève, et sainte Théodechilde.
  • [24]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel Durocher… », op. cit.
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    G. Planche, « Salon de 1857. La Sculpture », Revue des deux mondes, t. 10, 1857, p. 819.
  • [27]
    C.-P. de Chennevières-Pointel, V. Le Harivel-Durocher, op. cit.
  • [28]
    Ibid., de Chennevières cite à l’appui de cette idée : « les néo-grecs, les Gérôme, les Toulmouche, les Aubert, et particulièrement Hamon, pour lequel il avait beaucoup d’amitié ».
  • [29]
    E. de Robillard de Beaurepaire, Notice biographique…, op. cit.
  • [30]
    Théodochilde est présentée au Salon de 1878.
  • [31]
    Jésus faisant envoler des oiseaux.
  • [32]
    Le groupe monumental de deux mètres de haut se compose d’une Vierge debout en pied étendant ses bras protecteurs sur une femme et son enfant recroquevillés sur la gauche et sur un vieillard tenant une béquille sur la droite.
  • [33]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel… », op. cit., p. 72.
  • [34]
    G. Levavasseur, Notice biographique…, op. cit.
  • [35]
    E. de Robillard de Beaurepaire, Notice biographique…, op. cit.
  • [36]
    M.-F. Rouart, Le mythe du Juif errant dans l’Europe du xixe siècle, Mayenne, Éditions José Corti, 1988, p. 99.
  • [37]
    C.-P. de Chennevières-Pointel, V. Le Harivel-Durocher, op. cit.
  • [38]
    Les documents auxquels je fais référence dans cette partie se trouvent dans le dossier 35 (Dossier par département) associé à la fiche F/21/4391 et le dossier 12 (Dossier par artiste) associé à la cote F/21/233, consultés aux Archives nationales, site de Pierrefitte sur Seine.
  • [39]
    À la réception de la lettre « une œuvre » a été souligné en bleu et il a été noté en bleu dans la marge, « on prend note 24/5. »
  • [40]
    Le maire sait probablement que d’une part de Chennevières est un partisan de la décentralisation culturelle, notamment vers la Normandie et que d’autre part il a toujours soutenu Leharivel (son ami) par des commandes au nom de l’État.
  • [41]
    M. Agulhon, « Imagerie civique et décor urbain », Ethnologie Française, 1975, p. 33-56.
  • [42]
    Ibid., p. 36.
  • [43]
    Elle sera ensuite déposée au Musée de Grenoble en 1888.
  • [44]
    Le moulage demandé était probablement destiné au musée ouvert en 1874.
  • [45]
    M. Agulhon, « Les transformations du regard sur la statuaire publique », dans La Statuaire publique au xixe siècle, Paris, Ed. du patrimoine, 2005, p. 18-23.
  • [46]
    Le socle restera nu sans inscription.
  • [47]
    Journal de Flers du 9 mars 1881.
  • [48]
    M.-F. Rouart, Le mythe du Juif errant…, op. cit., p. 99, d’après G. Sylvain, Images et traditions juives, Paris, Astrid, 1980, p. 19.
  • [49]
    Un sonnet de G.-G. Mauviel intitulé Le souffre-douleur décrit les dégradations que subissait régulièrement la statue.
  • [50]
    Dans aucune de nos recherches nous n’avons trouvé mention de ce point.
  • [51]
    « Le spécimen d’humanité décrépite exposé aux regards des passants dans le square du théâtre, sous la forme d’une statue du Juif-Errant, offrait ce matin un aspect tout nouveau et beaucoup plus attrayant. Des noctambules, aussi pudiques que farceurs, avaient recouvert la choquante nudité du vieux Juif d’un vêtement complet : pantalon, blouse et chapeau. Jamais dans sa vie errante et dans son existence de statue, notre macrobite n’obtint un tel succès des passants et des habitants. Et la police, avisée du fait, vint elle-même commettre un outrage aux bonnes mœurs en enlevant les habits du Juif errant. »
  • [52]
    Il sera ainsi proposé par un élu local de retirer de la bibliothèque tous les livres de Zola, ce qui ne sera finalement pas mis en œuvre.
  • [53]
    Exemples d’autres sujets de ces poèmes, Fête-Dieu et À ma petite fille.
  • [54]
    Courrier de Flers, 30 juin 1895.
  • [55]
    Des monuments commémoratifs de la guerre franco-allemande de 1870 furent financés et érigés par la Société nationale du Souvenir Français (association créée en 1887).
  • [56]
    Une souscription avait été lancée auprès des « Flérois » en 1910. La réalisation avait pris du retard, à la fin de l’année 1913 il était annoncé qu’un monument pourrait être inauguré en septembre 1914.
  • [57]
    Le 30 août 1919, « le conseil décide qu’un monument sera érigé sur l’une des places de la ville afin de perpétuer le souvenir des enfants de Flers tombés au Champ d’Honneur pendant la guerre 1914-1919 et celle de 1870-1871. » Le 31 août 1920, le président du Comité en charge de l’érection d’un monument commémoratif demande à la Ville de s’associer financièrement au projet. Le conseil vote à l’unanimité une subvention de 10 000 francs. Le 7 avril 1921, le conseil nomme « une Commission municipale pour le choix de l’emplacement du futur monument aux soldats morts pour la France ».
  • [58]
    E. Luis, « Heurs et malheurs des monuments Augier et Bancel à Valence », dans La Statuaire publique au xixe siècle, op. cit., p. 148-157.
  • [59]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel Durocher… », op. cit., p. 69.
  • [60]
    Liberté Normande du 21 octobre 1923.
  • [61]
    Celui-ci sera inauguré le 14 octobre 1923.
  • [62]
    Le Réveil de Flers, 10 décembre 1922
  • [63]
    P. Desvois, Poèmes et Proses du terroir, Flers, Imp. Sauvegrain, 1978 (Médiathèque de Flers, FN 1401)
  • [64]
    M. Agulhon, « Les transformations du regard… », op. cit., p. 18-23.
  • [65]
    « Les personnes ayant déposé des métaux non ferreux au centre de ramassage de l’Hôtel-de-Ville et possédant des reçus numérotés de 1 à 108 sont informées qu’elles peuvent se présenter à la Recette Municipale, 40 rue de Messei, munies de leur récépissé, pour obtenir le montant de l’indemnité qui leur est due. Les paiements des autres reçus auront lieu à des dates ultérieures. » Journal de Flers du 22 octobre 1941.
  • [66]
    Député, bienfaiteur de Flers.
  • [67]
    Cette statue allégorique personnifiant la Reconnaissance exprimait l’hommage de Flers à l’ancien député de l’Orne. Le monument était constitué d’un buste de Jules Gévelot et d’une statue allégorique lui rendant hommage.
  • [68]
    En Normandie, nom d’un petit tombereau à porter le fumier sur les terres (http://www.dico-definitions.com/dictionnaire/definition/13224/Hotte.php#Uu12AGbXGc6u2s9p.99). Ce titre se réfère au fait que les statues ont été transportées dans un tombereau.
  • [69]
    Il le sera en 1966 : la ville passe commande au sculpteur caennais Gérard d’Anjou pour remplacer celui qui a été fondu (source : Fonds Debuisson. Communication écrite de Madame Esnault, Musée de Flers, 4 octobre 2002).
  • [70]
    Ouest-France du 12 mars 1951.
  • [71]
    Guides Bleus, Normandie 1919.
  • [72]
    C. Bertho-Lavenir, « La statuaire publique dans les guides de voyage », dans La Statuaire Publique au xixe siècle, op. cit., p. 56.
  • [73]
    Journal de Flers, 11 juin 1919.
  • [74]
    Ainsi la carte en couleurs : 162. FLERS - Square Delaunay- Statue du Juif errant- Bronze de Leharivel-Durocher. Sur la carte on voit le juif sur son piédestal (l’air misérable) mais au milieu des arbustes. On voit également les deux hexagones en granit. La carte postale a obtenu un prix en 1904. Elle a servi à une correspondance envoyée le 16 août 1908 (Propriété du MAHJ).
  • [75]
    Collection privée.
  • [76]
    communication personnelle.
  • [77]
    Ce dossier est signé Michel Prigent.
  • [78]
    Orne Combattante, 21 avril 2011
  • [79]
    Le rédacteur de l’article M. Tomas Richardson en réponse à mes questions m’avait envoyé un courriel (19 octobre 2015) où il précisait : « cet article avait été écrit dans le cadre d’une série en lien avec Marcel Perrin, un Flérien qui livrait ses souvenirs de jeunesse à Flers. Il avait voulu parler du Juif Errant. »

1À notre connaissance, la statue du Juif errant[1] de Victor-Edmond Leharivel-Durocher à Flers (1877) et celle du monument à Eugène Sue érigé à Annecy en 1906 ont été les deux seules représentations sculptées du Juif errant au xixe siècle, alors que les œuvres littéraires et picturales dédiées à cette figure faisaient florès à cette époque, particulièrement en France. Ce choix iconographique à Flers, qui peut paraître surprenant, s’explique par le contexte dans lequel l’œuvre a été réalisée et par sa place dans les œuvres du sculpteur. La réception de la statue à Flers mérite également que l’on s’y attarde, les réactions qu’elle a suscitées étant délicates à comprendre dans une période marquée par l’antisémitisme.

Contexte de la réalisation de l’œuvre

Iconographie du Juif errant, figure de légende médiévale

2La légende du Juif errant a constitué du Moyen Âge à la première moitié du xxe siècle une partie vivante et dynamique de l’imaginaire chrétien en Occident [2]. C’est en effet une légende chrétienne médiévale qui est à l’origine de la figure du Juif errant, comme l’attestent les manuscrits présentés lors de l’exposition, Le Juif errant, un témoin du temps, organisée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) en 2001-2002 [3]. Qu’il soit nommé Cartaphilus le portier [4] ou Ahashverus le cordonnier [5], celui-ci aurait défié Jésus sur le chemin de croix en le poussant par derrière avec le poing ou en refusant de le laisser se reposer dans sa maison et aurait été condamné par décret divin soit à attendre, soit à parcourir la terre sans pouvoir s’arrêter jusqu’au jour du Jugement dernier. Cette légende a connu de grands développements populaires surtout à partir du xviie siècle par la publication et la diffusion de livrets de colportage, comme celui intitulé Courte Description et Histoire d’un Juif nommé Ahasvérus (anonyme allemand, 1602) [6]. La figure du Juif errant était donc largement connue sous l’Ancien Régime à travers la littérature de colportage qui en codifiait les représentations imagées. Tantôt marcheur solitaire de profil, il évoque la linéarité du temps, tantôt en pied et de face, il figure l’humble et sage converti.

3Il connaît un immense regain de popularité au xixe siècle. Il est connu de tous par son portrait, tiré à partir de 1822 par Pellerin en images d’Épinal, diffusé à des millions d’exemplaires. Celui-ci orne les intérieurs les plus humbles. En effet, sous la monarchie de Juillet, le Juif errant est un des deux thèmes les plus fameux de l’imagerie avec celui de Napoléon. Pour Jules-Husson Champfleury,

4

« … L’image d’Ahasverus, entre toutes, a été la plus populaire de celles qui ont fait gémir les presses d’Épinal, de Metz et de Nancy. Partout depuis le commencement de ce siècle, le Juif-errant a décoré la cabane du pauvre, ayant pour pendant Napoléon. Il semble que le peuple donnait une place égale dans son esprit à ces deux grands marcheurs » [7].

5Il est également l’objet de nombreuses œuvres littéraires [8]. Le romantisme en fait une figure héroïque jeune, Eugène Sue (1845) dans son roman républicain lui attribue un rôle positif. Selon Nicole Savy :

6

« Le sens du récit a changé au cours du siècle, mais le Juif errant garde son ambivalence fondamentale : il est à la fois celui qui est d’ailleurs et d’un autre temps, et celui qui est familier à tous aujourd’hui : puni pour son égoïsme et racheté pour son humanité » [9].

7Il n’est plus le représentant du peuple déicide. Il représente l’humanité souffrante, l’espérance dans la liberté et le progrès. « Ainsi à l’organisation malveillante des jésuites est opposée l’action du Juif errant, qui, comme le peuple, a connu la chute et l’expiation et qui travaille à sa propre rédemption. » [10].

8Fondées sur le poème mélodramatique et très populaire de Pierre-Jean de Béranger (1831) avec des ajouts en vers de Pierre Dupont, les douze gravures de Gustave Doré (1856) présentent l’errance d’Ashaver à travers les tempêtes comme une punition de son injustice envers un homme souffrant. Selon Richard I. Cohen [11], comme les livrets de colportage et les images d’Épinal, ces représentations peuvent être considérées comme de simples efforts pour transmettre une légende populaire et n’auraient pas répandu des idées antijuives. En revanche, on peut s’interroger sur la motivation du jeune Doré qui dessina quelques années plus tôt une caricature en couleurs signée Dumont sc[ulpsit] (1852), représentant un Juif errant au nez fortement crochu, à la bouche déformée, la barbe et la chevelure en bataille et aux jambes osseuses [12]. Cette caricature semble montrer une intention franchement antisémite [13] à un moment où l’image du Juif errant était extrêmement positive après la publication du roman d’Eugène Sue. D’ailleurs, Cham, exaspéré par le succès populaire du Juif errant de Sue, qui aspire au changement social, avait réalisé en 1845 des dessins satiriques reflétant une pensée antisémite [14]. L’un d’eux représente un personnage pourvu d’une longue barbe hirsute et des cheveux longs. De profil, tenant son bâton dans la main droite, il tend en marchant sa bourse sur laquelle est indiqué « 5 sous » à un personnage effrayé qui descend d’un fiacre. Ce dessin insiste sur le caractère marginal et dangereux de l’itinérant. Toutefois, si, pendant la seconde moitié du xixe siècle, la figure du Juif errant peut être reprise par des caricatures antisémites, les images publiées entre 1810 et 1850 ne semblent pas traduire une position antijuive : elles utilisent l’image d’un Juif historique, contemporain du Christ, prise entre un moment fondateur – le blasphème – et une fin attendue – le Jugement. Elles pourraient être l’expression d’une morale sur le temps qui passe, ou l’allégorie de l’énigme du temps. Malgré le déferlement des caricatures liées à l’affaire Dreyfus, le Juif errant n’est pas devenu un élément central de l’iconographie française antisémite et fut peu utilisé pour plaider en faveur d’une position antidreyfusarde [15]. Au xixe siècle, des artistes appartenant à des milieux dont la culture et les convictions étaient différentes, sans doute intrigués par ce personnage de légende, ont utilisé différents moyens pour le représenter (images d’Épinal, dessins, peintures, poèmes, romans populaires, opéras). Toutefois, alors que la statuaire publique connaît un important développement à cette époque, le thème du Juif errant n’a pas du tout été un thème familier pour la sculpture. Il n’y a aucune œuvre sculptée sur ce thème avant celle que Leharivel-Durocher présente au Salon en 1877.

Le Juif errant de Leharivel-Durocher [16]

9Malgré le thème original de la sculpture, seul exemplaire connu avant celui du monument à Eugène Sue, le plâtre ne retient pas l’attention d’autres critiques [17] qu’Alfred de Liesville, qui note :

10

« Le Juif-errant de M. Leharivel-Durocher, péniblement appuyé sur son bâton et portant une longue barbe ondulante, est compris de façon inattendue et curieuse » [18].

11Il est reproduit en bronze l’année suivante à la demande du directeur des Beaux-Arts (Charles-Philippe de Chennevières-Pointel), pour être offert à la ville de Flers. La statue en plâtre ayant disparu, celle en bronze ayant été récupérée et probablement fondue en 1941 (voir infra), nous la décrivons à partir de reproductions sur des cartes postales (fig. 1). La statue représente un homme adulte à la haute silhouette. Il est musculeux, porte une très longue barbe. La barbe est l’attribut physique qui, selon Bernhard Blumenkranz, distingue le plus souvent les Juifs des non-Juifs dans l’iconographie médiévale [19]. Seuls deux accessoires vestimentaires constituent sa parure : une sorte de pagne ceint ses hanches et un bonnet le coiffe dont on ne distingue pas très bien la forme. Ce n’est pas, semble-t-il, le chapeau pointu que les Juifs étaient contraints de porter au Moyen Âge, mais plutôt une calotte ou un bonnet que l’on trouve également dans les représentations des Juifs à cette époque [20]. Le personnage est de face, mais il marche, en témoigne son pied droit levé. Il s’appuie de ses deux mains sur son bâton. On remarque également sur son côté gauche une bourse. Le Juif errant de Leharivel n’est pas comme celui de la statue érigée pour le monument en honneur d’Eugène Sue, à Annecy : un Juif errant conquérant emmenant le peuple, derrière lui (fig. 2). Il est en revanche conforme à la description que l’on trouve dans les livrets de colportage : un homme âgé, de haute stature, portant une très longue barbe, dont les traits sont marqués par la fatigue de l’errance et la pauvreté de sa condition. Selon Anne-Hélène Hoog, Le Juif errant de Leharivel-Durocher serait fidèle aux représentations catholiques et conservatrices du milieu du xixe siècle :

12

« … l’image dominante du Juif errant est désormais celle qui enferme le personnage légendaire dans un répertoire étroit et banal, celui de l’illustration et du récit des contes et légendes et de la rhétorique iconographique catholique et conservatrice où il se trouve paradoxalement dépouillé de la dimension tragique et surnaturelle de son histoire » [21].

Fig. 1

Carte postale datant des années 1900

Fig. 1

Carte postale datant des années 1900

Albert Buisson, Libraire-Journaux.
Fig. 2

Monument à Eugène Sue – Annecy

Fig. 2

Monument à Eugène Sue – Annecy

13La question se pose de savoir comment se situe le Juif errant dans la carrière du sculpteur. Il faut rappeler que c’est une de ses toutes dernières œuvres. Elle est exposée au Salon de 1877, un an avant sa mort. Leharivel-Durocher a participé régulièrement au Salon depuis 1846 et y a présenté de nombreuses sculptures d’inspiration chrétienne. En 1853, il expose la Sainte Patronne de Paris « petit chef d’œuvre qui restera comme le type le plus délicat de sa manière » [22]. Selon Aude Pessey-Lux cette sculpture religieuse ayant assuré la notoriété de Leharivel et lancé sa carrière, la ville de Paris le charge de sculpter deux statues en pierre destinées à orner l’église Sainte-Clotilde [23]. La commande la plus importante confiée à Leharivel-Durocher consiste en la décoration complète de la chapelle du Petit séminaire de Sées. La sculpture Les litanies de la Vierge est appréciée par les contemporains du sculpteur qui y dénotent « un sens mystique très élevé » et la qualifient de « prière de pierre » [24].

14L’œuvre de Leharivel-Derocher ne se limite pas à des sculptures religieuses. Ainsi, il présente le plâtre Être et paraître ou la Comédie humaine au Salon de 1857, qui lui vaut une médaille de deuxième classe. Le marbre qu’il expose au Salon de 1861 est alors acquis par l’État pour être placé au Musée du Luxembourg, le musée des artistes vivants. Être et paraître confirme la reconnaissance officielle de Leharivel-Durocher. Pessey-Lux note :

15

« L’originalité de Le Harivel-Durocher est marquée par la diversité : il réalise des créations profanes, d’autres religieuses, exécute des sculptures monumentales, d’autres intimistes, en travaillant aussi bien le bas-relief que la ronde-bosse » [25].

16D’ailleurs, certains critiques regrettent la variété des thèmes que le sculpteur a abordés. Gustave Planche constate dès 1857 que :

17

« Monsieur Leharivel-Durocher connu pour ses compositions naïves […] aborde tous les sujets avec un courage quelque peu aventureux […]. Je voudrais que cet auteur comprît la nécessité de se concentrer sur un genre déterminé. Il éparpille ce qu’il sait et ne tire pas parti de son savoir » [26].

18Selon de Chennevières, Leharivel, n’ayant jamais vu l’Italie, subit deux influences en France. En premier lieu, celle de l’art chrétien, qu’il rajeunit par un sentiment pieux et sincère :

19

« … de là sa sainte Geneviève, et sa sainte Théodechilde de Sainte-Clotilde, de là ses Vierges mystiques, de là la décoration du Petit Séminaire de Séez… » [27].

20L’autre influence est celle d’un certain groupe d’artistes de son quartier, principalement des peintres « dont l’ingéniosité et la délicatesse d’invention l’attiraient de préférence aux banalités académiques ».

21

« … de là l’autre part de son œuvre : le Colin-Maillard, Être et Paraître, les Miracles de l’Enfant-Jésus, la Jeune fille et l’amour, et finalement son Juif-errant » [28].

22Chennevières voit dans le premier groupe d’œuvres « les émotions élevées et recueillies de la sculpture religieuse » et dans le second « les imaginations familières et gracieuses offrant un sens ingénieux et comme anecdotique ». Il peut paraître étonnant que les deux œuvres, les Miracles de l’Enfant-Jésus et le Juif errant, dont on pense qu’elles sont d’inspiration chrétienne, soient citées dans le second groupe.

23Leharivel est un artiste reconnu (fig. 3), sa production témoigne de la diversité de son inspiration, mêlant œuvres religieuses et profanes. Mais, pour certains :

24

« Il n’y a pas à s’y méprendre, l’auteur de la Comédie Humaine, du Colin-Maillard, du tombeau de Visconti… du monument Mézeray est avant tout un sculpteur religieux […] Le terrain religieux est le vrai terrain de Le Harivel, c’est là qu’il déploie ses meilleures et ses plus touchantes inspirations. […] les œuvres religieuses de Leharivel, sont l’œuvre non seulement d’un artiste éminent, mais encore d’un fidèle convaincu. L’inspiration vraie et sincère y jaillit de source, naturellement et sans effort » [29].

Fig. 3

Photo de Leharivel-Durocher dans le Recueil, Portraits d’artistes, école française (1860-1870)

Fig. 3

Photo de Leharivel-Durocher dans le Recueil, Portraits d’artistes, école française (1860-1870)

Source Gallica, BNF

25La statue du Juif errant était-elle une œuvre religieuse à part ? Ne disposant d’aucune archive (lettre, description du projet de statue), nous ne pouvons faire que des hypothèses sur le choix de sculpter un Juif errant. Il semble que Leharivel ait voulu mobiliser une figure mythique issue de la tradition chrétienne. Le fait qu’il présente la statue au Salon témoigne de l’intérêt qu’il lui accorde. Elle est son avant-dernière œuvre [30]. Les sculptures de saintes, saints et même de Jésus [31] ne représentent jamais des personnages souffrants comme l’est le Juif errant. Pessey-Lux voit dans le groupe monumental de Notre-Dame de Bon Secours[32] un possible changement dans la sculpture de Leharivel :

26

« Les attitudes implorantes et les traits réalistes des deux personnages contrastent avec l’évocation lisse et académique de la Vierge. On sent à ce tournant du dernier quart du xixe siècle, une transcription hésitant entre une douceur impersonnelle et une interprétation plus saisissante. Cette orientation nouvelle de Le Harivel-Durocher se confirme dans le Juif errant exposé au Salon de 1877 » [33].

27On peut s’interroger sur les raisons d’une telle évolution. Dans la biographie écrite par Gustave Levavasseur [34], celui-ci estime l’œuvre du sculpteur vieillissant n’est pas moins bonne que ses œuvres antérieures comme les tragédies du « vieux » Corneille ne sont pas plus mauvaises que celles qu’il a écrites quand il était plus jeune. L’article nécrologique de l’Écho de l’Orne (Journal d’Alençon) du 17 octobre 1878 reprend cette comparaison :

28

« Flers peut contempler avec une respectueuse tristesse, mais avec un reste de juste admiration le Juif Errant, qui fut son œuvre suprême et devant laquelle, toute comparaison gardée, on pense à une tragédie de la vieillesse de Corneille ».

29Dans la même veine, Eugène de Robillard de Beaurepaire [35] décrivant les œuvres de Leharivel situées dans différentes villes écrit :

30

« Flers, Le Juif-Errant, personnage efflanqué qui rappelle peut-être un peu trop le type des images d’Épinal, mais que l’on ne peut regarder sans attendrissement, tant il porte l’empreinte de la lassitude et des tristesses des dernières années ».

31On peut finalement considérer que le Juif errant tient une place à part dans les œuvres de Leharivel-Durocher. Elle est d’inspiration chrétienne, mais elle évoque en même temps la vieillesse, ce qui en fait une œuvre moins impersonnelle que nombre de ses sculptures religieuses. C’est peut-être la raison pour laquelle de Chennevières classait cette œuvre avec Colin Maillard ou Être et Paraître comme le fruit de l’imagination et les qualifiait d’anecdotiques (voir ci-dessus). Le personnage peu vêtu porte une bourse sur son côté, il semble marcher péniblement appuyé sur son bâton. Cela en fait-il pour autant une œuvre antijuive comme semble le suggérer Marie-France Rouart [36] ? Le sculpteur était un catholique, mais probablement modéré, ses amis le décrivent en effet comme « … très humain et très accommodant, tout en gardant la droiture et la franchise de la plus inflexible honnêteté, d’une religion à la fois débonnaire et élevée » [37].

32Il est donc difficile d’imaginer que le Juif errant voulait stigmatiser celui qui avait maltraité le Christ et à travers lui le peuple juif. Ceci ne signifie pas que la statue ne sera pas la cible d’actions et de pamphlets relevant de pensées antisémites après son installation à Flers.

La vie controversée de la statue à Flers

Attribution de la statue [38]

33Louis Toussaint, maire de Flers (1854-1880), écrit le 3 mai 1877 au ministre de l’Instruction Publique la lettre suivante pour lui demander la copie d’une œuvre de Leharivel-Durocher :

34

« M. Leharivel-Durocher, sculpteur distingué est né près de la ville de Flers dans la commune de Chanu. Les relations avec les habitants de notre ville ont commencé dès son plus jeune âge et se sont continuées des plus intimes jusqu’à ce jour. Il peut donc être considéré, à bon droit, comme citoyen de la ville de Flers.
Le conseil municipal, dans sa dernière séance du 23 avril, m’a chargé de vous transmettre l’expression de son plus vif désir de posséder une œuvre [39] d’un homme qui lui est si sympathique, dont il a suivi le succès avec tant d’intérêt et de vous prier de bien vouloir accorder à la ville de Flers une reproduction d’une des statues de cet éminent artiste et qui appartiennent à l’État. Être et Paraître qui est le chef d’œuvre de M. Leharivel pourrait être placée dans le jardin public ou sur une des places publiques de la ville ».

35Puis dans une lettre, datée du 15 mai 1877, le maire prie Chennevières, alors directeur des Beaux-Arts, d’appuyer la demande qu’il vient de faire auprès du ministre d’accorder une œuvre de Leharivel à la ville de Flers [40].

36Les choses vont aller vite. Par un arrêté daté du 27 juin 1877, le sculpteur est chargé par Chennevières d’exécuter en bronze la statue intitulée le Juif errant d’après le modèle qu’il a présenté au salon au début de l’année. Pour « tous ses frais », il lui est alloué une somme de 5 500 francs. Il est informé que la statue est destinée à la Ville de Flers. Leharivel accepte la proposition le 9 juillet. Le maire de Flers remercie, au nom du conseil municipal réuni le 17 juillet, le ministre du « don qu’il a bien voulu faire en faveur de la ville ». Le 9 octobre, le préfet et le maire sont avertis que « la statue sera par exception expédiée aux frais de l’administration des Beaux-Arts ». Lors du conseil municipal du 25 octobre, le maire communique les lettres du directeur des Beaux-Arts et du sous-préfet annonçant le don fait par l’État de la statue. Il ajoute, ce qu’il est intéressant de noter :

37

« … qu’il a demandé à l’auteur son avis sur l’endroit le plus convenable où devait être placée sa statue, qu’il lui indique soit le jardin public du Champ de Foire, soit la place de la Ferrière ; qu’il n’a pas reçu de réponse. Il invite le conseil à lui indiquer l’emplacement qu’il préfère pour y faire placer cette statue ».

38Enfin, la statue arrive à Flers le 12 novembre 1877, comme en témoigne la lettre du maire de Flers à de Chennevières :

39

« … je m’empresse de vous informer que la statue en bronze de M. Leharivel-Durocher, ‘le Juif errant’ accordée par M. le ministre à la ville de Flers pour la décoration de l’une des places publiques de cette ville est arrivée hier franco et en bon état. Je vous adresse le récépissé… ».

40Le désir de la ville de posséder une œuvre décorative d’un sculpteur ayant une attache locale et connu du monde artistique est à l’origine de la demande du maire et du conseil municipal au ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. Flers est la ville la plus proche de Chanu, lieu de naissance et de mort de Leharivel-Durocher. Ce dernier avait organisé à Flers une exposition lors de la réunion de l’Association normande en 1868. De plus, des liens existaient entre les notables de la ville et le sculpteur. Ainsi, l’on sait que l’exemplaire unique en marbre de Sainte Geneviève a été la propriété de Julien Salles (1829-1915), « l’un de ses meilleurs et de ses plus fidèles amis », qui sera maire de Flers de 1898 à 1915. D’autre part, dans la description des œuvres de Leharivel-Durocher données au Musée d’Alençon, on trouve le buste de Louis Toussaint avec la mention que la maladie n’avait pas permis à Leharivel d’achever la sculpture.

41Au milieu du xixe siècle, Flers n’était encore qu’une petite bourgade, mais s’était beaucoup agrandie avec le développement de l’industrie cotonnière et était devenue une ville de plus de 10 000 habitants. À Flers, un musée avait été créé en 1874, mais les places de la ville n’étaient décorées d’aucun monument alors que, selon Maurice Agulhon [41], « une mutation urbaine suscite un décor neuf ». Une place, un carrefour appelle un objet décoratif central : une statue, une colonne, etc.

42Sur intervention de Chennevières déjà, de nombreuses villes de la région possédaient une œuvre de Leharivel-Durocher : Bellême, le Colin Maillard ; Argentan, le monument Mézeray ; Bayeux, la statue d’Arcisse de Caumont. Les Flériens ont alors eu, comme leurs « contemporains, conscience de cette promotion de la sculpture et […] spécialement des statues de plein air représentant des personnages en pied » [42]. C’est pourquoi, ils émettent le souhait qu’une statue de Leharivel-Durocher décore l’une des places publiques de la ville et font la demande d’une copie de Être et Paraître au ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. C’était l’une des œuvres les plus connues de Leharivel, acquise par l’État et placée au Musée du Luxembourg en 1861 [43]. Chennevières à qui le dossier est confié accorde à Flers la statue en bronze le Juif errant. Pour un monument public, on préfère souvent le bronze, jugé moins sensible aux intempéries que le marbre. La statue Colin-Maillard avait également été coulée en bronze pour être érigée à Bellême. Le maire et le conseil municipal de Flers acceptent le don du Juif errant, mais aucun indice ne nous permet de savoir si celui-ci satisfait leurs vœux ou si des réticences ont été émises. En effet, la statue n’est pas décorative comme Colin-Maillard, et ne célèbre pas un « grand homme » comme le monument Mézeray ou la statue d’Arcisse de Caumont. Les représentants de la ville ont-ils été déconcertés par le don de cette œuvre difficile ? Nous n’avons aucun élément qui permet de l’affirmer. Toutefois, au conseil municipal du 16 août 1878, ils autorisent à nouveau le maire à traiter pour obtenir le moulage d’une des statues décoratives connues de Leharivel, soit le Colin-Maillard, la Comédie Humaine (autre nom d’Être et Paraître) ou la Jeune fille et l’amour[44].

Installation et réception de la statue

43L’œuvre est d’abord installée au jardin public du Champ de Foire sur un piédestal provisoire dont le conseil municipal du 24 novembre 1877 a autorisé la construction, comme le rapporte le Journal de Flers du 5 décembre 1877 sans commentaire. Il faut attendre ensuite le conseil municipal du 17 juin 1879 pour qu’un point soit à nouveau dédié à la statue. Il est décidé de construire un piédestal, non provisoire cette fois, pour une somme de 146,38 francs. Il était fréquent de jucher la statue d’un grand homme sur un socle, pour que sa stature élevée le fasse voir de loin [45]. Le Juif errant n’était pas un grand homme à proprement parler, mais monté sur le piédestal [46] et placé au centre du square Delaunay en février 1881, il était mis en valeur. Ce programme décoratif n’est pas forcément compris de toute la population. Il est étonnant de constater qu’il n’y a pas d’inauguration pour fêter l’installation de la statue, peut-être parce que le sculpteur était décédé depuis plus de deux ans, peut-être également parce qu’il était difficile d’accepter l’idée que cette statue embellissait l’endroit où elle se trouvait. Pendant les quarante et un ans de sa présence dans le square, elle suscite des réactions controversées et le plus souvent négatives, rapportées par la presse locale. Ainsi, peu de temps après l’installation de la statue commençait une polémique. Le Journal de Flers du 2 mars 1881 écrivait :

44

« Sur la demande faite par les propriétaires entourant le square Delaunay, le conseil autorise M. le maire à faire placer au milieu du rond-point la statue du Juif-Errant qui est actuellement au milieu du jardin public ».

45Or, le Journal de Flers publie la semaine suivante la lettre d’un propriétaire qui proteste contre le transfert de la statue du Jardin public au square Delaunay en ces termes :

46

« En ma qualité de propriétaire d’immeubles bordant le square Delaunay je viens vous prier, Monsieur le Rédacteur, de faire connaître à vos lecteurs que moi, et au moins sept autres propriétaires d’immeubles en façade sur ce square, nous sommes complètement étrangers à cette singulière demande (du transfert) et que nous prions l’Administration municipale de laisser la statue du Juif-Errant à l’ombre des massifs d’arbustes qui l’entourent en ce moment au Jardin public, plutôt que de la transporter au milieu d’un square qu’elle serait loin de décorer convenablement… » [47].

47La statue ne semble pas bien acceptée par la population, comme en témoigne le libelle cité par Marie-France Rouart [48] :

48

« Des gens de Flers ce n’est point l’emblème ;
Du Juif fuyard ils n’ont rien hérité.
Nul n’a maudit leur propre activité
Ils n’aiment l’or qu’autant qu’il faut qu’on l’aime ».

49Elle est fréquemment la cible de dégradations que décrit le Courrier de Flers du 20 janvier 1884.

50

« … Dans la nuit de dimanche à lundi, des personnes malintentionnées, – ou mieux des jeunes gens en goguette, – se sont avisés de lui faire faire un demi-tour à gauche !!!… Ce n’est pas la première fois que l’on se livre, à son endroit, à des espiègleries analogues. Après avoir été transporté du champ de foire à sa place actuelle, nous avons vu le monument, pendant quelque temps, servir de cible aux gamins des écoles. Ils lui jetaient en s’amusant des boules de terre boueuse… Le dos, un moment, en était tout beurré. M. le Commissaire de police fut obligé d’y mettre le holà [49]. Dans la nuit du 14 juillet dernier, des loustics avaient jugé plaisant de l’habiller ; on le vit le lendemain de la fête affublé d’une vieille blaude ».

51Dans le reste de l’article, l’auteur (article non signé) essaie d’expliquer avec quelque ironie pourquoi cette statue ne plaît à personne, il s’amuse de la pudibonderie de ses concitoyens, mais en même temps, il juge que l’œuvre est celle d’un artiste dont le talent s’éteint.

52

« Ce pauvre Juif errant semble ne plaire à personne… Les habitants du quartier ont fait maintenant des démarches pour le faire partir de là, et quelques personnes d’une pudeur farouche vont jusqu’à lui reprocher sa nudité. […] Tartufferie ou cant ! …
[…] la pose du sujet est grotesque. Il ne lui manque qu’un bouquet de bruyère au bout de son bâton pour avoir tout à fait l’aspect d’un vulgaire cantonnier. Aussi les rapins, lors de son apparition au salon l’avaient-ils surnommé irrévérencieusement : Le balayeur[50].
[…] Quoi qu’il en soit, un nouvel essor de sa part n’est plus à craindre, et le voilà désormais condamné à l’immobilité, car, pour éviter qu’il soit repris de velléités de voyage, notre administration municipale vient de le faire boulonner ».

53Vingt ans plus tard, le Courrier de Flers (1903) dans un article très bref et ironique relate une nouvelle fois que l’on s’en est pris à la statue du Juif errant : on l’avait habillé. Mais selon le rédacteur, la statue n’offre pas au passant un spectacle attrayant [51]. Placé au centre d’une place à la croisée de plusieurs rues, proche du théâtre, surélevé sur son piédestal, il est évident que le personnage avait un public très important, plus ou moins familier de sa légende. Il faisait naître l’humour, les sarcasmes, il était parfois l’objet de dégradations. Mais ces réactions ou ces actes ne semblent pas avoir eu un caractère antisémite avéré. D’ailleurs, ils ne sont pas plus fréquents pendant l’affaire Dreyfus, alors que les journaux locaux défendent une position antidreyfusarde, particulièrement au début de l’année 1898 [52].

54La statue a subi de nombreux outrages, mais elle suscitait également l’affection et l’étonnement. Quelques voix se sont parfois même élevées en sa faveur. Deux documents nous en apportent la preuve : un poème publié dans le Journal de Flers le 25 mai 1887 et l’article rédigé par un journaliste du Courrier de Flers le 30 juin 1895. Le poème intitulé le Juif Errant est le premier d’une série de six poèmes publiés chaque semaine jusqu’à fin juin [53]. Ces poèmes ne sont pas signés. À la fin de celui dédié à la statue du Juif errant, il est écrit Square Delaunay, 10 mai 1887. Il serait trop long de citer les quinze strophes de quatre vers qui constituent le poème. Nous avons fait un choix arbitraire de trois strophes qui nous paraissent montrer un certain attendrissement, voire un attachement pour cette statue :

55

« Un jour, sans qu’on sût trop comment
Un passant t’offrit pour coiffure
Un vase… horreur ! tu fus clément
Et tu pardonnas cette injure.
Solide comme un bloc d’airain
Sur le socle que ton pied foule
Tu passeras toujours serein,
Et toujours dominant la foule.
Allons, nous te saluons tous
Dans une attitude civile ;
Bonhomme, n’es-tu pas chez nous
Le plus haut perché de la ville ? »

56Le rédacteur de l’article intitulé « Lettre du Juif Errant » au Courrier de Flers[54], indigné du sort qui est fait à la statue, lui donne la parole. Là encore, nous ne citerons que quelques passages de ce très long article :

57

« Quand votre illustre compatriote, Leharivel-Durocher, conçut le projet de me couler en bronze, il n’entrait pas dans sa pensée que le piédestal sur lequel repose ma triste figure deviendrait un pilori où, sans respect pour son œuvre, je serais accablé d’outrages… Il faut convenir aussi que c’est une singulière idée qu’on a eue d’exposer mon pauvre corps décrépit en spectacle aux étrangers qui s’esclaffent à ma vénérable barbe et à ces écoliers qui passent par là tous les jours… Il existe un musée à Flers, il n’est pas riche encore. Est-ce que ce n’est pas le droit et le devoir du zélé conservateur de me réclamer et de m’offrir un modeste coin. S’il ne le fait pas pour moi, qu’il le fasse au moins pour la mémoire de l’aimable statuaire dont il fut l’ami… Et la place vide que je laisserai en m’en allant comment la comblera-t-on ? … Deux messieurs qui se promenaient sur le square causaient entre eux du Souvenir Français et disaient : “La vraie place du monument projeté est bien ici” ».

58Le rédacteur montre que l’on respecte l’œuvre d’un compatriote, mais qu’on préfère voir sur la place un monument plus « national ». Il propose au travers des remarques attribuées à la statue qu’elle soit déposée au Musée de Flers et qu’elle soit remplacée au square par un monument du Souvenir Français [55]. Ce monument en projet dès 1895, ne sera jamais réalisé [56].

Le Juif errant cède sa place au monument aux Morts

59Après la Première Guerre mondiale, à Flers comme dans de très nombreuses municipalités, il est décidé d’ériger un Monument à la mémoire des soldats morts pour la Patrie [57]. Le conseil municipal du 21 mai 1921 approuve le choix de l’emplacement du futur monument, le square Delaunay, le don du terrain, et le règlement du concours. Le conseil du 18 février 1922 ratifie les décisions du jury du concours et « décide que la statue du Juif errant actuellement au square Delaunay, emplacement du futur monument, sera transportée dans le jardin public du Champ de Foire ».

60Selon Emmanuel Luis [58], le déplacement des statues pour laisser place aux monuments aux Morts est un phénomène assez général de l’après Première Guerre mondiale : « des municipalités substituèrent des monuments aux Morts aux bustes et statues de grands hommes sur les places les plus en vue de leurs communes. ». C’est une manière symbolique de faire comprendre que le monument aux Morts doit devenir le premier monument et bénéficier de l’emplacement le plus favorable. Le Juif errant de Flers n’est pas l’unique cas en Normandie. À Argentan, le monument Mézeray est transféré en 1923 du parc des Lautour (aujourd’hui rue Léandre) près de l’église Saint-Martin pour laisser place au monument aux Morts de 1914-1918 [59]. Le journaliste qui rapporte l’inauguration du monument aux Morts de Flers écrit : « il s’élève dans le square Delaunay qui lui donne un cadre propre à le faire valoir » [60]. Ceci nous amène à la réflexion suivante : le Juif errant n’a pas été déplacé parce qu’il ne plaisait ni aux riverains du square ni à une partie de la population flérienne. Bien que ce fût une œuvre dont la réception était difficile, elle n’a pas été cachée aux citoyens et aux visiteurs de la ville. Pendant quarante ans, au contraire, elle a été à la vue de tous. Au mois de décembre 1922, elle est remplacée par le monument aux Morts [61] et retrouve sa place au jardin public où elle avait été placée à son arrivée à Flers et y était restée pendant deux ans. Son déménagement donne lieu aux commentaires suivants :

61

« Le Juif errant a repris son bâton de voyageur, c’est sa destinée de ne pas avoir de demeure fixe. Jeudi matin, on l’a descendu de son piédestal. Beaucoup ont profité de ce qu’il était abordable pour aller lui serrer la main et lui souhaiter bon voyage » [62].

62Il semble que la « vie » de la statue ait été plus calme au jardin public. Nous n’avons pas trouvé d’articles faisant état de dégradations. Un poème écrit par Pierre Desvois, enfant dans l’entre-deux-guerres, témoigne de la présence de la statue au jardin. La dernière strophe commence par « Hélas ! le Juif a disparu » [63].

63

Strophes, 5, 6, 7 :
5. Au grand rond, en fin de journée
À la statue du Juif errant,
Nous parlions de nos randonnées
Aux pieds du marcheur aberrant
6. Sa longue barbe faisait rire,
Son grand bâton de route aussi,
Il marchait vraiment sans sourire,
Portant en lui bien des soucis.
7. Hélas ! le Juif a disparu,
Le jardin lui-même a changé,
Nos jeux ne sont plus dans la rue,
Comme le juif on est âgé. »

Disparition lors de la campagne de récupération des métaux non ferreux en 1941

64Maurice Agulhon rappelle que le parc des monuments publics a subi des évolutions importantes au xxe siècle, d’abord du fait de l’« immense commande de sculptures représentée par les monuments aux Morts de 1914-1918, mais surtout lors de l’Occupation et du régime de Vichy avec les enlèvements de statues » [64]. Par la loi du 11 octobre 1941, le maréchal Pétain lançait en France occupée la « campagne de récupération des métaux non ferreux ». Les habitants eux-mêmes participent à cette campagne puisque le Journal de Flers du 22 octobre publie une courte information indiquant aux personnes qui ont déposé des métaux qu’elles pourront recevoir de l’argent en contrepartie de leur dépôt [65]. Dans la campagne générale, le choix des statues à récupérer est fonction de ce qu’elles représentent, ce choix révèle selon Agulhon un souci d’épurer un panthéon de rue jugé trop progressiste. À Flers, c’était plutôt le thème du Juif errant qui destinait la statue à disparaître. Mais, en fait, il ne fut pas le seul, il est parti en même temps que le buste de Jules Gévelot[66]. La Reconnaissance[67] ne figurant pas sur le bordereau transmis par les autorités est cachée par Monsieur Lajoye pendant trois ans et replacée en novembre 1944 dans la cour de l’hôtel de ville à côté du socle vide où se trouvait le buste de Jules Gévelot. J’ai consulté les archives des délibérations du conseil municipal pour l’année 1941 et n’ai trouvé aucune mention du bordereau. Bien que surveillée, la presse locale exprima la protestation des Flériens dans l’article du Journal de Flers du 10 décembre 1941 intitulé « À la hotte [68] ! » :

65

« … L’on a descendu de leur socle et de leur stèle les statues et attributs du monument Gévelot et la statue du Juif errant… Devant ce spectacle, le plus détaché des Flériens demeure éberlué et sent qu’il y a là matière à ironie… Notons cependant que des moulages doivent être pris des œuvres sacrifiées ».

66Le départ du Juif errant est considéré comme une perte au même titre que celle du buste de Jules Gévelot. Le 21 janvier 1942, le Journal de Flers publie un article dans lequel il est indiqué que les statues métalliques récupérées pourront être remplacées par des statues de pierre si les municipalités en font la demande et après avis du représentant du Secrétariat général des Beaux-Arts dans les commissions départementales. Là encore on ne trouve aucune trace de cette information dans les délibérations du conseil municipal.

67À la fin de la guerre, un article du journal Ouest-France du 21 novembre 1944 rappelle ces faits : « Il faut considérer comme perdus le buste du député et la statue du Juif errant, probablement fondus, et dont nous ne possédons aucun moulage ». En 1949, une statue de Barré, le Réveil, acquise par la commune, est placée sur le socle du Juif errant resté vide. Un article d’Ouest-France du 12 mars 1951 s’interroge sur la possibilité de revoir les statues. Le journaliste pose la même question pour les deux statues :

68

« Souhaitons que la ville, fidèle à son passé, fasse valoir ses droits dans ce domaine (obligation par l’État de remplacer les effigies détruites) et prenne à cœur de réparer l’injure faite à l’artiste et au parlementaire bas-normands ».

69Il est intéressant de noter que pour le Juif errant, c’est la mémoire du sculpteur qui est rappelée et non la statue elle-même. Dans un contexte post-Shoah, il était sans doute difficile d’en demander une reproduction. D’ailleurs, un article postérieur d’Ouest-France (7 février 1964) intitulé « Quand nos statues… allaient à la fonte » rapporte qu’à cette date de 1964, le buste de Jules Gévelot n’a toujours pas été remplacé [69], mais n’évoque plus alors le remplacement de la statue du Juif errant.

Le Juif errant : une figure de Flers

70Quand la municipalité a demandé, au début de l’année 1877, une copie d’une œuvre de Leharivel-Durocher au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts soutenue par Chennevières, il est vrai que Flers ne possédait pas de statue comme d’autres villes de même importance de la région. Ceci est d’ailleurs rappelé dans l’article d’Ouest-France (1951) mentionné ci-dessus :

71

« Notre ville, jusqu’en 1940, n’avait que très discrètement cédé à la manie de statufier… Flers donc, sans parler de son monument aux Morts, n’avait de statues qu’au Champ de Foire [le Juif errant] et au Parc [le groupe du député Jules Gévelot] » [70].

72La statue tant décriée faisait en quelque sorte partie du patrimoine de la ville. Érigée sur une place très en vue, sa destination première était d’embellir la ville, puis elle fut confrontée à deux événements historiques, l’érection de monuments aux Morts après la première guerre mondiale et l’envoi à la fonte des métaux non ferreux en 1941. Comme pour d’autres œuvres de Leharivel-Durocher, Saint Martin, bas-relief à la porte principale de l’église de Condé-sur-Noireau, la statue en marbre d’Arcisse de Caumont dans le jardin public de Bayeux, il y est fait référence dans le guide de Normandie (1919) à la rubrique Flers :

73

« … Filatures, teinture et blanchiment du coton et du fil tissage… Si l’on ne veut voir que le château, qui est la seule curiosité de Flers, on s’y rendra directement de la gare… [puis est indiqué un autre itinéraire]. De la place du Marché, la rue Jules Gévelot conduit à la place ou square Delaunay, ornée d’une statue du Juif errant par le Harivel-Durocher ; à g. théâtre. Continuant au-delà du square la rue Jules Gévelot, on prend la 1ere à g. rue du château » [71].

74Selon Catherine Bertho-Lavenir [72], dans les textes d’un guide de ce type, « les statues servent uniquement de repères topographiques dans un cheminement entièrement déterminé par d’autres considérations ». Deux points peuvent être notés dans cette description. D’une part, le square est sur un itinéraire qui conduit au château. Un certain nombre de visiteurs de Flers empruntaient ce chemin, passaient devant la statue signalée par le guide, et la remarquaient sans doute. D’autre part, le théâtre est proche du square, elle était donc une figure très familière pour les spectateurs du théâtre. En témoigne l’anecdote suivante. Au milieu de la saison théâtrale de l’année 1919, le directeur présente une revue qu’il a écrite et intitulée Flers… moi ça ! Le succès ne se dément pas pendant trois représentations. Cette revue, composée d’une suite de tableaux, est « amusante et ne lance pas de méchantes pointes ». Le Juif errant y tient une place importante :

75

« Au 2e tableau (le parc de Flers), nous assistons à la promenade des Flériens sous les ombrages séculaires connus de tous, et défilent devant nos yeux la filature d’andouille… le démobilisé… la demoiselle des PTT et d’autres faits locaux. Nous avons remarqué la complaisance de notre national Juif errant, consentant pour plaire aux auteurs de la revue, à quitter le square Delaunay pour s’installer près de la grille du parc. Ce numéro, interprété par M.P. Fleuriot obtint un égal succès aux trois représentations et nous nous joignons à tous les spectateurs pour constater la parfaite réalisation du bronze ornant la place du Théâtre [73] ».

Fig. 4

Tableau descriptif d’exemplaires de cartes postales avec la statue du Juif errant

Fig. 4
Titre Editeur-libraire Correspondance Commentaires FLERS (Orne) – Le Juif Errant. 1. Albert Buisson 2. Albert Buisson, Libraire-Journaux, Nouvelle série Un envoi à Mantes, à une date non connue. Il a existé au moins deux séries de cette carte. Il est en effet spécifié « nouvelle série » sur un des exemplaires retrouvés (fig. 1) FLERS. – Le « Juif errant ». Édition des Magasins Réunis La carte montre la statue au Jardin public du Champ de Foire. La photo est donc postérieure à 1922. FLERS. – Statue du Juif errant. Photo qui montre des personnages à l’entrée du square derrière la statue. FLERS – Le Juif Errant au square Delaunay. Legoupil édit. Flers Inscrit sur la carte : « Correspondance militaire du 1er-1-16 ». Texte au verso, impossible de lire la date sur le timbre. Il y a plusieurs exemplaires de cette carte : 1. Fonds Dubuisson, Documentation du Musée du Louvre. 2. Propriété du avec correspondance.
Fig. 4
LA NORMANDIE. 4. FLERS – Statue du Juif-errant-Bronze de Le Harivel-Durocher Levasseur 1er exemplaire : sur le piédestal est écrit : « Le grand père des as de la 12eme. Un bon poteau qui ne s’en faisait pas ». De plus, au verso de la carte un texte, probablement d’un soldat en permission, pourrait se continuer sur une autre feuille. 2e exemplaire : sur la carte « Votre petit [mot illisible] ». Adresse au dos : Fresnay sur Sarthe. Plusieurs exemplaires de cette carte ont été retrouvés : deux exemplaires avec correspondances (voir ci-contre) et un sans correspondance. 162. – FLERS – Square Delaunay. – Statue du Juif-Errant – Bronze de Leharivel-Durocher. J. Alleaume- Morel, édit., Flers. Datée du 2 novembre 1906 à destination de Mortagne. Deux exemplaires : 1. Un colorisé a remporté une médaille de bronze en 1904 2. Un en noir et blanc avec correspondance FLERS-DE- L’ORNE – Le Square Delaunay, devant le théâtre. Statue du Juif-Errant Maison Jeanne d’Arc, Flers. Carte affranchie avec un timbre vert à 5 centimes (25-7-11). On aperçoit le rez-de-chaussée du théâtre, les étages étant cachés par les arbres du square. Quatre personnes semblent regarder la statue que l’on distingue à peine. FLERS – Le Square Delaunay. A. Buisson (?) masqué par le nom de la collection. Tampon Chinon (destinataire) avec date du 7-8-05 Il n’est pas fait mention de la statue. Carte colorisée. 10. FLERS – Le Square Delaunay. – LL. Il n’y a pas d’autre indication, ni de correspondance. FLERS – Le Square Delaunay Maison des Magasins Réunis - édit. Flers. C’est le square qui est vraiment présenté avec deux enfants. La statue n’est absolument pas mise en valeur. 17. FLERS – Square du Champ de Foire Cette carte illustre le poème de Pierre Desvois.

Tableau descriptif d’exemplaires de cartes postales avec la statue du Juif errant

76La statue était bien un élément de la richesse artistique de la ville, en témoignent les nombreuses cartes postales éditées à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle. Il est intéressant de noter d’une part qu’il y a plusieurs éditeurs de ces cartes postales qui peuvent d’ailleurs être des libraires (fig. 4 tableau) et, d’autre part que les diverses cartes portent des titres différents : celles qui insistent sur la statue privilégient le titre Juif errant (fig. 1), d’autres montrent le lieu, le square Delaunay avec la statue, d’autres enfin en font une curiosité de la Normandie. Les cartes elles-mêmes peuvent être considérées comme des œuvres artistiques ; les éditeurs les présentent, en effet, à des concours [74]. Ces cartes étaient destinées à être achetées par des visiteurs de la ville, puisque nombre d’entre elles font état d’une correspondance à destination de la famille ou des amis. Elles représentent majoritairement le Juif errant au square Delaunay, mais deux exemplaires le montrent au jardin public. Il est étonnant de constater que le double hexagone est encore présent dans la très petite partie conservée du jardin public au Champ de Foire (fig. 5 et 6) [75]. En revanche, le socle a disparu. Il fut le support de la statue Le Réveil de Barré lorsqu’elle était dans le jardin du château, mais celle-ci fut déplacée à plusieurs reprises. Elle est maintenant dans une des cours du Centre Jean Chaudeurge sur un nouveau socle [76]. Un dossier paru dans Ouest France les 30 et 31 juillet 1983 [77] ravive la mémoire de Leharivel-Durocher et de ses œuvres. La photo de la statue du Juif errant y est en bonne place et l’œuvre est considérée comme « la dernière grande œuvre » du sculpteur. En 2011, paraît un article dans le journal L’Orne Combattante intitulé Amour et désamours du Juif errant[78]. Cet article a été écrit à partir des souvenirs que gardait un habitant de Flers de la statue [79]. C’est le dernier témoignage connu sur le Juif errant.

Fig. 5

Le Juif errant au Square Delaunay (MAHJ)

Fig. 5

Le Juif errant au Square Delaunay (MAHJ)

Fig. 6

Le double hexagone au Jardin public du Champ de Foire

Fig. 6

Le double hexagone au Jardin public du Champ de Foire

(photo V. Huet-Pouthas, 2016)

Mots-clés éditeurs : Leharivel-Durocher, square Delaunay, statue en bronze, le Juif-errant, cartes postales, Flers

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Date de mise en ligne : 14/03/2018

https://doi.org/10.3917/annor.672.0119

Notes

  • [1]
    Cet article doit beaucoup à Chantal Meyer-Plantureux qui m’a encouragée à l’écrire, m’a donné documents et conseils et a accepté d’en relire la première version. Merci également à la Médiathèque de Flers, à Jean-Pascal Foucher, directeur des Archives départementales de l’Orne, à Johanna Allouch, conservateur du Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d’Alençon, à Marie-Laure Gerault, à Béatrice Tupinier du département des Sculptures du xixe siècle du Louvre, à Aude Pessey-Lux et à François Blanchetière (conservateur, Musée Rodin) pour leurs conseils et pour les documents qu’ils m’ont permis de consulter. Enfin, je remercie les experts qui m’ont permis d’améliorer cet article.
    La graphie italique est utilisée pour les œuvres d’art, statues, œuvres littéraires… et la graphie normale est utilisée quand il s’agit du personnage de légende. Le trait d’union entre Juif et errant est gardé quand il existe dans les citations.
  • [2]
    A.-H. Hoog, « L’ami du peuple ou ‘le Juif Errant’ d’Eugène Sue », dans Le Juif errant, un témoin du temps, Catalogue de l’exposition du MAHJ, 2001, p. 109.
  • [3]
    Le Juif errant : un témoin du temps, catalogue d’exposition (Paris, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, octobre 2001-février 2002), Paris, A. Brio, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 2001.
  • [4]
    En 1228, un moine de Saint Albans, en Angleterre, rapporte qu’un archevêque arménien en visite dans son abbaye a affirmé qu’il a eu à sa table Cartaphile, ancien portier du prétoire de Pilate. Celui-ci lui a raconté qu’il avait frappé Jésus dans le dos en lui disant : « Va plus vite Jésus, va que tardes-tu ? », à quoi Jésus aurait répondu : « Moi je vais et toi tu attendras jusqu’à ce que je revienne ». Il avait 30 ans au moment de la Passion du Christ et chaque fois qu’il atteignait cent ans il redevenait un homme de 30 ans.
  • [5]
    Comme Jésus montait au Calvaire il demanda au cordonnier de pouvoir se reposer un moment dans sa maison. Le cordonnier le repoussa brutalement, Jésus le regarda fixement et lui dit : « Je m’arrêterai et me reposerai, mais toi tu marcheras jusqu’au Jugement dernier. » À ces mots, Ashaver quitte sa famille et sa maison, puis commence une errance sans fin.
  • [6]
    Kurtze Beschriebung und Erzehlung von einem Juden mit namen Ahasverus, Bautzen, Wolffgang Suchnach, 1602. Certains traits du personnage doivent être notés. Il s’appelle Ashaver, il est vieux et pauvre. Il n’accepte les aumônes que pour les distribuer aux pauvres. Où qu’il soit il parle la langue du pays.
  • [7]
    J.-H. Chamfleury, Histoire de l’Imagerie Populaire, Paris, E. Dentu, 1869, p. 63.
  • [8]
    Le Juif errant, poème de Béranger (1831) mis en musique par Gounod en 1860 ; Ahasverus, le mystère poétique d’Edgar Quinet (1833) ; Le Juif Errant, les Jésuites et le peuple, d’Eugène Sue. Feuilleton de juin 1844 à août 1845 dans le Constitutionnel, puis publié par Paulin (1845). Adaptation théâtrale puis opéra de Halévy en 1852. Isaac Laquedem ou le roman du Juif Errant d’Alexandre Dumas publié en feuilleton par le Constitutionnel à partir de décembre 1852, censuré après 1 000 pages.
  • [9]
    N. Savy, Les Juifs des Romantiques, Paris, Belin, 2010, p. 113.
  • [10]
    A.-H. Hoog, « L’ami du peuple… », op. cit., p. 111-113.
  • [11]
    R. I. Cohen, « Images et contexte du Juif errant depuis le mythe médiéval jusqu’à la métaphore moderne », dans Le Juif errant, un témoin du temps, op. cit., 2001, p. 13-31.
  • [12]
    B. Blumenkranz, Le Juif médiéval au miroir de l’art chrétien, Paris, Études augustiniennes, 1966. Dans cet ouvrage, l’auteur montre que très tôt au xiiie et xive siècle, l’on trouve déjà le nez courbé comme caractéristique physionomique des Juifs. Il cite pour exemple (p. 33) un ouvrage encyclopédique anglais des environs de 1350, à l’initiale I, l’article Iudei dans lequel trois Juifs sont représentés d’une manière caricaturale, avec le nez crochu bien en avant et la barbe en pointe. Il rapporte également (p. 98) l’exemple d’une bible allemande du xiiie siècle, où l’image d’un personnage dont le nez crochu, l’œil allongé et la barbe ne laissent aucun doute sur son appartenance juive.
  • [13]
    Le terme antisémitisme aurait été employé la première fois par Wilhelm Marr, publiciste allemand de la seconde moitié du xixe siècle, auteur d’un pamphlet anti-juif en 1879. Selon le Trésor de la langue française, le mot « antisémite » est attesté depuis 1890. En dépit de l’étymologie du terme qui suggère que l’antisémitisme est dirigé contre tous les peuples sémites, Juifs et Arabes, dans son acception commune, il signifie « une attitude d’hostilité à l’égard des minorités juives, quel que soit le motif de cette hostilité, « religieux », « racial » ou « ethnique ». (Sources consultées le 24/11/2016 : https://www.phdn.org/antisem/antisemitismelemot.html et dictionnaire.education/fr/antisemitisme.)
  • [14]
    C. Philipon et L. Huart, Parodie du Juif Errant, Bruxelles, Société Belge de Librairie, 1845.
  • [15]
    R. I. Cohen, « Images et contexte… », op. cit.
  • [16]
    Victor-Edmond Leharivel-Durocher est né le 20 novembre 1816 à Chanu (Orne) et il y est décédé le 9 octobre 1878. Sa vie et sa carrière sont décrites dans les biographies écrites par les contemporains du sculpteur : C.-P. de Chennevières-Pointel, V. Le Harivel-Durocher, Bellême, Imprimerie Levayer, 1898, 72 p. ; G. Levavasseur, Notice biographique sur Le Harivel-Durocher, sculpteur, Caen, Imprimerie F. Le Blanc-Hardel, 1879 ; E. de Robillard de Beaurepaire, Notice biographique sur Le Harivel-Durocher, Caen, Imprimerie F. Le Blanc-Hardel, 1879.
  • [17]
    L’œuvre n’est mentionnée ni dans l’ouvrage d’Henry Jouin, La sculpture au salon de 1877, Paris, Plon, 1878, ni dans les deux comptes-rendus de la Gazette des Beaux-Arts. Elle est simplement mentionnée dans Le Petit Parisien du 7 avril 1877 (n° 178) : « Un Juif errant de M. Leharivel Durocher ».
  • [18]
    A. de Liesville, IV Les artistes normands au Salon de 1877, Paris, Honoré Champion, 1877, p. 26. Alfred de Liesville (1876-1885), érudit normand, fut entre autres critique d’art pour les salons de 1875 à 1879 où il rend compte du travail des artistes normands.
  • [19]
    B. Blumenkranz, Le Juif médiéval au miroir de l’art chrétien…, op. cit.
  • [20]
    Ibid., p. 25.
  • [21]
    A.-H. Hoog, « L’ami du peuple… », op. cit., p. 123.
  • [22]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel Durocher “Sculpteur normand par excellence” 1816-1878 », dans Que l’angélus sonne ! Les églises du xixe siècle dans l’Orne, Direction des Archives départementales, Alençon, 2001, p. 66-75.
  • [23]
    Sainte Geneviève, et sainte Théodechilde.
  • [24]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel Durocher… », op. cit.
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    G. Planche, « Salon de 1857. La Sculpture », Revue des deux mondes, t. 10, 1857, p. 819.
  • [27]
    C.-P. de Chennevières-Pointel, V. Le Harivel-Durocher, op. cit.
  • [28]
    Ibid., de Chennevières cite à l’appui de cette idée : « les néo-grecs, les Gérôme, les Toulmouche, les Aubert, et particulièrement Hamon, pour lequel il avait beaucoup d’amitié ».
  • [29]
    E. de Robillard de Beaurepaire, Notice biographique…, op. cit.
  • [30]
    Théodochilde est présentée au Salon de 1878.
  • [31]
    Jésus faisant envoler des oiseaux.
  • [32]
    Le groupe monumental de deux mètres de haut se compose d’une Vierge debout en pied étendant ses bras protecteurs sur une femme et son enfant recroquevillés sur la gauche et sur un vieillard tenant une béquille sur la droite.
  • [33]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel… », op. cit., p. 72.
  • [34]
    G. Levavasseur, Notice biographique…, op. cit.
  • [35]
    E. de Robillard de Beaurepaire, Notice biographique…, op. cit.
  • [36]
    M.-F. Rouart, Le mythe du Juif errant dans l’Europe du xixe siècle, Mayenne, Éditions José Corti, 1988, p. 99.
  • [37]
    C.-P. de Chennevières-Pointel, V. Le Harivel-Durocher, op. cit.
  • [38]
    Les documents auxquels je fais référence dans cette partie se trouvent dans le dossier 35 (Dossier par département) associé à la fiche F/21/4391 et le dossier 12 (Dossier par artiste) associé à la cote F/21/233, consultés aux Archives nationales, site de Pierrefitte sur Seine.
  • [39]
    À la réception de la lettre « une œuvre » a été souligné en bleu et il a été noté en bleu dans la marge, « on prend note 24/5. »
  • [40]
    Le maire sait probablement que d’une part de Chennevières est un partisan de la décentralisation culturelle, notamment vers la Normandie et que d’autre part il a toujours soutenu Leharivel (son ami) par des commandes au nom de l’État.
  • [41]
    M. Agulhon, « Imagerie civique et décor urbain », Ethnologie Française, 1975, p. 33-56.
  • [42]
    Ibid., p. 36.
  • [43]
    Elle sera ensuite déposée au Musée de Grenoble en 1888.
  • [44]
    Le moulage demandé était probablement destiné au musée ouvert en 1874.
  • [45]
    M. Agulhon, « Les transformations du regard sur la statuaire publique », dans La Statuaire publique au xixe siècle, Paris, Ed. du patrimoine, 2005, p. 18-23.
  • [46]
    Le socle restera nu sans inscription.
  • [47]
    Journal de Flers du 9 mars 1881.
  • [48]
    M.-F. Rouart, Le mythe du Juif errant…, op. cit., p. 99, d’après G. Sylvain, Images et traditions juives, Paris, Astrid, 1980, p. 19.
  • [49]
    Un sonnet de G.-G. Mauviel intitulé Le souffre-douleur décrit les dégradations que subissait régulièrement la statue.
  • [50]
    Dans aucune de nos recherches nous n’avons trouvé mention de ce point.
  • [51]
    « Le spécimen d’humanité décrépite exposé aux regards des passants dans le square du théâtre, sous la forme d’une statue du Juif-Errant, offrait ce matin un aspect tout nouveau et beaucoup plus attrayant. Des noctambules, aussi pudiques que farceurs, avaient recouvert la choquante nudité du vieux Juif d’un vêtement complet : pantalon, blouse et chapeau. Jamais dans sa vie errante et dans son existence de statue, notre macrobite n’obtint un tel succès des passants et des habitants. Et la police, avisée du fait, vint elle-même commettre un outrage aux bonnes mœurs en enlevant les habits du Juif errant. »
  • [52]
    Il sera ainsi proposé par un élu local de retirer de la bibliothèque tous les livres de Zola, ce qui ne sera finalement pas mis en œuvre.
  • [53]
    Exemples d’autres sujets de ces poèmes, Fête-Dieu et À ma petite fille.
  • [54]
    Courrier de Flers, 30 juin 1895.
  • [55]
    Des monuments commémoratifs de la guerre franco-allemande de 1870 furent financés et érigés par la Société nationale du Souvenir Français (association créée en 1887).
  • [56]
    Une souscription avait été lancée auprès des « Flérois » en 1910. La réalisation avait pris du retard, à la fin de l’année 1913 il était annoncé qu’un monument pourrait être inauguré en septembre 1914.
  • [57]
    Le 30 août 1919, « le conseil décide qu’un monument sera érigé sur l’une des places de la ville afin de perpétuer le souvenir des enfants de Flers tombés au Champ d’Honneur pendant la guerre 1914-1919 et celle de 1870-1871. » Le 31 août 1920, le président du Comité en charge de l’érection d’un monument commémoratif demande à la Ville de s’associer financièrement au projet. Le conseil vote à l’unanimité une subvention de 10 000 francs. Le 7 avril 1921, le conseil nomme « une Commission municipale pour le choix de l’emplacement du futur monument aux soldats morts pour la France ».
  • [58]
    E. Luis, « Heurs et malheurs des monuments Augier et Bancel à Valence », dans La Statuaire publique au xixe siècle, op. cit., p. 148-157.
  • [59]
    A. Pessey-Lux, « Victor Le Harivel Durocher… », op. cit., p. 69.
  • [60]
    Liberté Normande du 21 octobre 1923.
  • [61]
    Celui-ci sera inauguré le 14 octobre 1923.
  • [62]
    Le Réveil de Flers, 10 décembre 1922
  • [63]
    P. Desvois, Poèmes et Proses du terroir, Flers, Imp. Sauvegrain, 1978 (Médiathèque de Flers, FN 1401)
  • [64]
    M. Agulhon, « Les transformations du regard… », op. cit., p. 18-23.
  • [65]
    « Les personnes ayant déposé des métaux non ferreux au centre de ramassage de l’Hôtel-de-Ville et possédant des reçus numérotés de 1 à 108 sont informées qu’elles peuvent se présenter à la Recette Municipale, 40 rue de Messei, munies de leur récépissé, pour obtenir le montant de l’indemnité qui leur est due. Les paiements des autres reçus auront lieu à des dates ultérieures. » Journal de Flers du 22 octobre 1941.
  • [66]
    Député, bienfaiteur de Flers.
  • [67]
    Cette statue allégorique personnifiant la Reconnaissance exprimait l’hommage de Flers à l’ancien député de l’Orne. Le monument était constitué d’un buste de Jules Gévelot et d’une statue allégorique lui rendant hommage.
  • [68]
    En Normandie, nom d’un petit tombereau à porter le fumier sur les terres (http://www.dico-definitions.com/dictionnaire/definition/13224/Hotte.php#Uu12AGbXGc6u2s9p.99). Ce titre se réfère au fait que les statues ont été transportées dans un tombereau.
  • [69]
    Il le sera en 1966 : la ville passe commande au sculpteur caennais Gérard d’Anjou pour remplacer celui qui a été fondu (source : Fonds Debuisson. Communication écrite de Madame Esnault, Musée de Flers, 4 octobre 2002).
  • [70]
    Ouest-France du 12 mars 1951.
  • [71]
    Guides Bleus, Normandie 1919.
  • [72]
    C. Bertho-Lavenir, « La statuaire publique dans les guides de voyage », dans La Statuaire Publique au xixe siècle, op. cit., p. 56.
  • [73]
    Journal de Flers, 11 juin 1919.
  • [74]
    Ainsi la carte en couleurs : 162. FLERS - Square Delaunay- Statue du Juif errant- Bronze de Leharivel-Durocher. Sur la carte on voit le juif sur son piédestal (l’air misérable) mais au milieu des arbustes. On voit également les deux hexagones en granit. La carte postale a obtenu un prix en 1904. Elle a servi à une correspondance envoyée le 16 août 1908 (Propriété du MAHJ).
  • [75]
    Collection privée.
  • [76]
    communication personnelle.
  • [77]
    Ce dossier est signé Michel Prigent.
  • [78]
    Orne Combattante, 21 avril 2011
  • [79]
    Le rédacteur de l’article M. Tomas Richardson en réponse à mes questions m’avait envoyé un courriel (19 octobre 2015) où il précisait : « cet article avait été écrit dans le cadre d’une série en lien avec Marcel Perrin, un Flérien qui livrait ses souvenirs de jeunesse à Flers. Il avait voulu parler du Juif Errant. »

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