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Article de revue

Le duc de Morny et le port de commerce de Trouville-Deauville

Pages 73 à 92

Notes

  • [*]
    Docteur en histoire, CRHQ, Université de Caen Normandie. Je tiens à adresser mes remerciements à Mme Laurence Montel, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Poitiers, ses conseils avisés m’ont permis de transformer cet article, tiré d’un mémoire de Master, en communication à usage de la communauté historienne comme des passionnés de Deauville et aussi du duc de Morny, le fondateur de cette ville.
  • [1]
    M. Carmona, Morny, le vice empereur, Paris, Fayard, 2005, p. 357. Expression qui signifie « aller nager dans la mer », elle est utilisée par cet auteur au sujet du duc de Morny, mais elle est valable pour toutes les personnes qui pratiquaient les bains de mer à l’époque.
  • [2]
    Il s’agit de la belle-fille du roi Charles X.
  • [3]
    Il s’agit du « Salon de peinture et de sculpture » qui expose les œuvres des artistes agréés par l’Académie des Beaux-Arts.
  • [4]
    B. Marnot, Les grands ports de commerce français et la mondialisation au xixe siècle, Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 2011, p. 468.
  • [5]
    Ce problème concerne tous les ports de cette côte. À la même époque, les ingénieurs des Ponts et Chaussées sont confrontés aux mêmes difficultés concernant la baie de l’Orne alors qu’un canal, qui débouche dans la mer dans cette baie, est en cours de construction entre Caen et la mer. Ils doivent sécuriser la baie pour favoriser le trafic de cette nouvelle voie navigable destinée à favoriser l’activité portuaire de Caen.
  • [6]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville son histoire, Grenoble, Roissard, 1952, p. 95.
  • [7]
    Une jetée en estacade est une jetée à claire-voie, formée de grands pieux et établie dans un port ou un cours d’eau pour former un passage. La construction à claire-voie permet de faciliter le mouvement du sable.
  • [8]
    Arch. dép. Calvados, S 1503.
  • [9]
    Arch. dép. Calvados, S 1503.
  • [10]
    Adjudication au rabais : « adjudication faite au profit de celui des concurrents qui offre la plus forte diminution sur le prix auquel l’administration a évalué l’entreprise. Ce mode s’applique aux marchés de fournitures et de travaux ». La grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une Société de savants et de gens de lettres, M. Berthelot (dir.) et al., Paris, H. Lamirault, (1885-1902), 31 t., t. 1, p. 578.
  • [11]
    Mauger et Castor sont des entrepreneurs normands en vue. Ils sont beaux-frères, originaires de Douvres-la-Délivrande.
  • [12]
    Arch. dép. Calvados, Z 2205.
  • [13]
    Lais sur une plage : terrains que la mer ou les cours d’eau laissent à découvert en se retirant.
  • [14]
    Arch. dép. Calvados, Z 2205.
  • [15]
    J. Bayle, Ports et plages de la côte fleurie, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1997, p. 60.
  • [16]
    Arch. dép. Calvados, Z 2209.
  • [17]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [18]
    Il réside à Honfleur. Il a travaillé pour le port de Trouville entre 1845 et 1877.
  • [19]
    Arch. dép. Calvados, S 1467.
  • [20]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [21]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville son histoire, op. cit., p. 86.
  • [22]
    Il est maire de Trouville entre 1855 et 1865.
  • [23]
    Architecte renommé, disciple du baron Haussmann. Il construit de nombreuses villas à Trouville, dont la sienne et celle de Joseph Olliffe, le médecin du duc de Morny. Il s’y installe l’été. Il devient membre du conseil municipal à compter de 1849. Il travaille aux côtés du comte d’Hautpoul, maire entre 1846 et 1852, puis aux côtés de son successeur, le baron Clary. Il sera le premier maire de Deauville.
  • [24]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [25]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [26]
    Il s’agit de Lucien Charles Joseph Napoléon Murat (1803-1878), né de l’union entre Joachim Murat, roi de Naples et maréchal d’empire, et Caroline Bonaparte, sœur de l’empereur. Il s’intéresse au projet car il séjourne à Trouville où il est propriétaire d’une villa.
  • [27]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [28]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [29]
    A. Vigarié, Ports de commerce et vie littorale, Paris, Hachette, collection Université, 1979, p. 38.
  • [30]
    Arch. dép. Calvados, Z 2199.
  • [31]
    Arch. dép. Calvados, Z 2199.
  • [32]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [33]
    G. Désert (dir.), Atlas historique et statistique de la Normandie Occidentale à l’époque contemporaine, 3 vol., vol. III, Les communications, Condé-sur-Noireau, éd. Charles Corlet, 2000, p. 188.
  • [34]
    P. Dupré, Histoire économique de la côte du Calvados 1830-1939, Des activités traditionnelles au tourisme, Thèse de troisième cycle en histoire contemporaine réalisée sous la direction du Professeur Gabriel Désert, Université de Caen, 1980, vol. 1, p. 114.
  • [35]
    P. Dupré, dans sa thèse évoquée ci-dessus, présente le port de Trouville comme un port de refuge « en raison de l’éloignement », Histoire économique de la côte du Calvados…, op. cit., vol. 1, p. 77.
  • [36]
    Le 25 juin 1860 (le même jour que pour le bassin à flot de Trouville) l’Empereur prend également un arrêté pour des travaux dans le port de Honfleur pour un montant de 715 000 francs, dépense également affectée à la deuxième section du budget, sur le même chapitre que les travaux pour le port de Trouville. Faut-il voir un lien entre cette remarque des élus d’Honfleur et cette décision ? Rien ne permet de l’affirmer.
  • [37]
    Arch. dép. Calvados, S 1507 (extrait du procès-verbal des travaux de la Commission nautique).
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Arch. dép. Calvados, Z 2199.
  • [40]
    En outre, ce paragraphe donne un aperçu des cultures pratiquées à l’époque dans l’arrière-pays trouvillais.
  • [41]
    L’argument de la Chambre de Commerce au sujet du chemin de fer est donc fort tendancieux.
  • [42]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [43]
    Nous n’avons trouvé aucune trace de ce calque aux Archives départementales.
  • [44]
    À l’époque, l’agent-voyer est une personne chargée de gérer les biens communaux.
  • [45]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville son histoire…, op. cit., p. 139.
  • [46]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [47]
    En 2013, d’après le recensement réalisé tous les cinq ans, Trouville comptait 4 728 habitants.
  • [48]
    M. Hérubel, Les ports maritimes, Paris, Presses universitaires de France, collection Que Sais-je, 1943, p. 19.
  • [49]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [50]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [51]
    M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, « L’aristocratie et la bourgeoisie au bord de la mer. La dynamique urbaine de Deauville », Genèses, 16 juin 1994, p. 69-70.
  • [52]
    F. Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », dans Morny et l’invention de Deauville, Armand Colin, CID Deauville, 2010, p. 78.
  • [53]
    R. Deliencourt, « Le duc de Morny et le nouveau Deauville », Le Pays d’Auge, n° 12, décembre 1961, p. 1.
  • [54]
    J.-M. Rouart, Morny. Un voluptueux au pouvoir, Paris, Gallimard, 1995, p. 234.
  • [55]
    G. Grohte, Le duc de Morny, traduit de l’allemand par Raymond Albeck, Paris, Fayard, 1967, p. 132. Cette biographie, bien que très ancienne, fait toujours autorité.
  • [56]
    Ibid., p. 264.
  • [57]
    Ibid., p. 265.
  • [58]
    N. Stoskopf, Les patrons du Second Empire, Paris, Éditions Cénomane, 2002, p. 143.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    L. Duhault, « Richesse des archives municipales de Deauville », dans Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 65.
  • [61]
    Arch. nat., 116 AP 2-3. Fonds de correspondance du duc de Morny.
  • [62]
    Arch. nat., F/14/7178 extrait d’un mémoire de Olliffe et Donon au sujet du bassin à flot.
  • [63]
    Durant leur règne, à partir de l’année 1856, Napoléon III et l’impératrice prirent l’habitude de recevoir une centaine d’invités pour une semaine au château de Compiègne durant l’automne. Beaucoup de personnalités en vue du régime participèrent à ces réceptions qui prirent le nom de « séries » ou encore de « Compiègne ». L’avantage de ces réceptions est que la vie y était beaucoup plus détendue et l’étiquette réduite au minimum. (Ces explications sont tirées d’un article de J.-M. Moulin, conservateur en chef du palais de Compiègne, « La Cour à Compiègne sous le Second Empire », Revue du souvenir napoléonien, [en ligne], n° 300, 1978, p. 17 à 23, disponible sur http://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/la-cour-a-compiegne-sous-le-second-empire, consultation du 26/10/2016).
  • [64]
    Il s’agit de Jules Hunebelle (avec un seul N), entrepreneur, engagé dans le projet de création de Deauville.
  • [65]
    Arch. nat., 116 AP 2-3, Fonds de correspondance du duc de Morny.
  • [66]
    Il s’agit du banquier Armand Donon, présenté plus haut.
  • [67]
    Il s’agit de la Loi du 3 mai 1841, intitulée : Expropriation pour cause d’utilité publique. Autorité de la justice. Enquête administrative. Avertissement. Privilèges et hypothèques. Règlement des indemnités.
  • [68]
    Document transmis directement à l’auteur par les Archives nationales. Référence du carton non indiquée.
  • [69]
    Arch. nat., 116 AP 2-3. Fonds de correspondance du duc de Morny, extrait d’un courrier adressé par le duc à Armand Donon.
  • [70]
    G. Grothe, Le duc de Morny…, op. cit., p. 266.
  • [71]
    M. Carmona, Morny le vice-empereur…, op. cit., p. 360.
  • [72]
    Cf. supra.
  • [73]
    M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, « L’aristocratie et la bourgeoisie au bord de la mer… », op. cit., p. 73.
  • [74]
    B. Marnot, Les grands ports de commerce français…, opcit., p. 63.
  • [75]
    Ibid., p. 64.
  • [76]
    Ibid.
  • [77]
    Ibid.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    Arch. dép. Calvados, O 989.
  • [80]
    Ibid., p. 82.
  • [81]
    Ibid.
  • [82]
    Arch. dép. Calvados, S 1504.
  • [83]
    F. Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », op. cit., p. 84.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    Ibid.
  • [86]
    A. Carrino et B. Salvemini, « De l’instabilité du concept de port : le Sud de l’Italie face à Marseille (1710-1846) », dans L. Dumond, S. Durand et J. Thomas, Les ports dans l’Europe méditerranéenne. Trafics et circulation xvie-xxie siècle, Actes du colloque tenu à Montpellier les 19 et 20 mars 2004 en hommage à Louis Dermigny (1916-1974), Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2007, p. 267.
  • [87]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville et son histoire, op. cit., p. 139.
  • [88]
    Ibid., p. 140.
  • [89]
    G. Désert (dir.), Atlas historique et statistique de la Normandie occidentale…, op. cit., p. 184.
  • [90]
    J. Pelluet, L’Évolution d’un port majeur de l’estuaire de la Seine au XIXe (1800-1914) : L’exemple de Honfleur entre permanences et reconversions, mémoire de master 2, en Histoire contemporaine, Université de Caen, sous la direction de Jean-Louis Lenhof, 2013, p. 32.
  • [91]
    D. Hébert, « L’architecture de la villégiature à Deauville sous le Second Empire », dans Morny et l’invention de Deauville, op. cit, p. 94.
  • [92]
    G. Grohte, op. cit., p. 266.
  • [93]
    Ibid.
  • [94]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville et son histoire, t. II, de 1914 à 1937, op. cit., p. 97.

1Après la Révolution et le Premier Empire, la France retrouve un régime monarchique resté dans l’histoire sous le nom de la Restauration. La fin des guerres napoléoniennes amène la levée du blocus continental. Les ports normands recommencent à commercer entre eux ainsi qu’avec l’Angleterre. Parmi ces ports, celui de Trouville, qui pratique la pêche et le cabotage, retrouve une certaine activité. Dans la décennie 1840, il traite, en moyenne annuelle, 7 400 tonneaux de marchandises sur les 2 221 000 de l’ensemble des ports normands, c’est donc un port modeste qui représente moins de 1 % du mouvement portuaire régional. En dehors de la pêche, son commerce repose sur le bois, les produits alimentaires et la houille qui vient d’Angleterre. De nombreux ports de l’Ouest de la France (une quarantaine) lui envoient des marchandises, mais la majeure partie de celles qui le quittent partent vers Rouen et Le Havre. Le Havre s’impose alors comme le grand port français dans le domaine du commerce international. Le contexte économique est favorable : la France est engagée dans la Révolution industrielle, favorisée par des découvertes, porteuses de progrès techniques, avec la maîtrise de l’énergie conjuguant charbon et vapeur. Toutes ces évolutions encouragent un essor industriel stimulé par une croissance démographique génératrice d’accroissement des marchés.

2La Restauration voit aussi l’émergence du tourisme balnéaire. Les médecins considèrent que les bains dans les eaux fraîches de la Manche sont favorables au corps et à la santé, on parle « d’aller à la lame » [1]. Mais qui donc « va à la lame » ? Les aristocrates (à la suite de la duchesse de Berry [2]), les pairs, les députés, les artistes, les écrivains comme Gustave Flaubert et enfin les Anglais. C’est ainsi que Trouville émerge, comme station balnéaire, dans les années 1840, grâce au peintre Charles Mozin. Il découvre le port en 1825 et fait connaître la station grâce à ses toiles qu’il présente au Salon [3].

3À l’époque, seul le port de Trouville, sur la rive droite de la Touques, existe. La rive gauche n’est qu’un marais au bord duquel est implanté le village de Deauville qui compte 113 habitants. Le marais sépare Deauville de la mer et de la Touques, c’est pourquoi le village n’a aucune dimension maritime. Rien ne peut laisser présager l’opportunité que représentera, dans l’avenir, ce marais pour Deauville. Le développement commercial appelle une amélioration du port de Trouville. Il n’est qu’un port d’échouage sur la Touques. Son usage est de plus en plus difficile avec la vaporisation progressive des navires, raison pour laquelle le conseil municipal cherche à adapter son port aux évolutions de la navigation. Grâce aux artistes qui valorisent Trouville à Paris, pendant l’hiver, les bourgeois en vue commencent à fréquenter la nouvelle station balnéaire. Le duc de Morny, demi-frère de l’empereur Napoléon III, découvre Trouville grâce à son médecin, Joseph Olliffe. Adepte de la pratique des bains de mer, il comprend le parti qu’il peut tirer du marais grâce à son entregent et à son sens des affaires. Il conçoit, avec ses associés, un projet de développement pour Deauville qui cherche à mêler tourisme balnéaire et commerce maritime. Dès lors, comment concilier d’une part la dimension touristique prise par Trouville ainsi que l’opportunité que peut représenter le marais de Deauville et d’autre part la dimension commerciale d’un port que les édiles de Trouville cherchent à développer ?

4Pour apporter une réponse à cette question, nous présenterons dans un premier temps les différents aménagements réalisés dans le port de Trouville. Nous évoquerons, dans un second temps, les activités touristiques de Deauville et de Trouville face à la vie économique générée par le bassin à flot. Enfin, nous nous demanderons si Deauville peut aussi se définir comme une ville portuaire.

Les aménagements du port de Trouville

Les estacades

5Le mérite d’une politique d’équipement portuaire revient à la Monarchie de Juillet. Elle met en œuvre deux plans successifs entre 1837 et 1839 puis entre 1844 et 1846 [4]. Ensuite, les vingt années du Second Empire sont marquées par une forte croissance économique qui facilite les affaires, grâce notamment au traité de libre-échange entre la France et la Grande-Bretagne négocié par le ministre Eugène Rouher et signé le 23 janvier 1860. Cette croissance appelle de nouveaux ports, plus profonds et plus importants, pour accueillir les navires à vapeur qui supplantent peu à peu les voiliers. C’est dans ce cadre « porteur » que se situe la décision puis la réalisation du bassin à flot de Trouville. Dans les années 1840, l’accès au port de Trouville est difficile, voire périlleux, en raison des méandres de la Touques et d’un problème récurrent d’ensablement qui gêne considérablement l’activité maritime [5]. Le trafic est pourtant loin d’être négligeable. En 1837, 100 bateaux fréquentent le port pour une jauge totale de 2 500 tonneaux [6]. Un règlement de police de 1845, édicté par le maire de Trouville, donne un bon aperçu de la situation du port avec les bases de son mouvement commercial. Nous en reproduisons les extraits les plus significatifs.

6

« Considérant que malgré les difficultés actuelles de son entrée, le port de Trouville prend chaque année de l’importance, que le nombre de bateaux pêcheurs ou marchands qui lui sont propres ainsi que le nombre de navires anglais chargés de houille et celui des navires norvégiens chargés de bois ont pris un accroissement considérable, qu’enfin un paquebot à vapeur du service postal et du transport de voyageurs entre Le Havre et Trouville est établi quotidiennement depuis le premier juin dernier.
Considérant d’un autre côté que par l’indifférence et la négligence de certains patrons ou maîtres, quelques navires obstruent l’entrée du port et la libre jouissance du chenal dans les marées de morte-eau en poussant leur course jusqu’à ce qu’ils prennent terre et dérivent ensuite par le travers de la rivière.
Considérant que dès à présent et sans attendre la construction des jetées en estacades [7] qui doivent améliorer le port, il est nécessaire de prescrire des mesures d’ordre et de police soit pour l’entrée et la sortie du port, soit pour que les navires de toute nature et le commerce puissent en jouir sans dommage pour eux et sans inconvénient pour la libre circulation ; que si le maître de port est dans l’impossibilité de faire entendre, même avec un porte-voix à l’entrée du port dont aujourd’hui aucune jetée ne le rapproche suffisamment. Les infractions aux mesures de police à cet égard, n’en seront pas moins possible à constater par des procès-verbaux et ensuite punissables d’après les lois et règlements en vigueur » [8].

7Ce règlement mentionne le contenu du trafic du port : la houille, qui vient d’Angleterre, et le bois du Nord, en complément de la pêche. La croissance de l’activité provoque la création d’aménagements, décidés à cette période. En 1846, l’ingénieur des Ponts et Chaussées du port de Honfleur, qui a sous sa responsabilité le port de Trouville, rappelle à son supérieur l’ingénieur en chef qu’il faut lancer les travaux du port de Trouville [9]. Le 22 mai 1846, une adjudication au rabais [10] est déclenchée. Elle reçoit l’accord du ministre le 6 juillet suivant. Souscrite par les entrepreneurs Mauger et Castor [11], elle doit trouver un financement. Un courrier du 27 mars 1847 adressé par le préfet du Calvados au sous-préfet de Pont-l’Évêque (arrondissement dont dépend Trouville) autorise le conseil municipal à s’imposer extraordinairement en cinq annuités égales la somme de 3 000 francs applicables aux estacades à l’embouchure de la Touques [12]. Les estacades sont construites en 1847, sur des longueurs différentes, en raison de problèmes d’ensablement. Le choix d’une estacade a été retenu afin de ne pas modifier les mouvements de sable et d’éviter l’émergence de lais [13] sur la plage de Trouville, susceptibles de perturber les bains de mer. Un autre courrier, daté du 20 janvier 1848, révèle que le financement de ces estacades est également assuré par une souscription des pêcheurs. Cette dernière est cependant difficile à rassembler. Plusieurs années après la fin des travaux, certains marins n’ont toujours pas versé leur contribution [14].

8La remarque concernant les lais sur la plage est intéressante, elle signifie que, dès cette époque, Trouville a une activité balnéaire, qui peut entrer en conflit avec l’activité commerciale du port et ses exigences. Comme nous l’avons dit plus haut, Trouville a été découverte par le peintre Charles Mozin. Derrière lui viennent des artistes, comme Alexandre Dumas, à compter de 1829. Trouville devient peu à peu une plage à la mode. Une affiche (non datée) la désigne comme la plus belle plage du monde [15].

9La croissance du trafic amène le préfet à prendre un arrêté, le 25 juillet 1849, d’établissement d’un maître haleur qui « doit se tenir à toutes les marées sur la jetée ouest pour les bateaux entrants et sur la jetée est pour les bateaux sortants » [16].

10Le 11 mai 1850, le conseil municipal souhaite prolonger les estacades de 30 formes, soit 90 mètres, dans la mesure où elles s’arrêtent sur le sommet d’un banc de sable où, au moindre vent, la mer est agitée au point de rendre la passe incertaine et dangereuse [17]. Le port serait ainsi rendu « plus fiable et plus sûr ». Le ministre refuse au motif que la souscription des marins pour les estacades n’a jamais été honorée. Le préfet propose de percevoir des droits d’amarrage sur les bâtiments qui fréquentent le port. Cette proposition, qui émane du conseil municipal, est également rejetée. En 1852, l’ingénieur des Ponts et Chaussées Célinski [18] fait une nouvelle proposition. Elle est encore refusée par le ministre.

11Cette décennie 1840 a marqué les premières évolutions de Trouville. Le port, commercial, commence à évoluer avec la construction des estacades ; parallèlement, la station de Trouville commence à s’affirmer. Dès la fin de l’année 1841, le conseil municipal a obtenu de l’État la concession de sa plage pour les bains de mer. Cette autorisation est officialisée par l’administration le 27 décembre 1841, elle est valable pour 9 ans. En 1845, le conseil municipal adjuge au sieur Mignot, pour cinq ans, l’activité de bains de mer pour un montant annuel de cinq mille francs [19]. Fleurissent alors les affiches qui vantent Trouville et sa plage. Dès cette même année 1845, les programmes vantant les bains de mer de Trouville sont connus jusqu’à Paris. En 1852, un courrier du maire, daté du 22 avril et adressé au sous-préfet de Pont-l’Évêque, nous apprend que les bains de mer se font depuis « nombre d’années » [20].

12L’aménagement des estacades ne suffit pas pour faire face au développement du port. Dès les années 1845-1846, le conseil municipal de Trouville, en même temps qu’il décide la construction des estacades, propose le creusement d’un bassin à flot de cent mètres de côté [21].

13C’est la délibération du conseil municipal du 14 juin 1855, présidé par le baron Clary [22] et dont le secrétariat est assuré par l’architecte Desle-François Breney [23], qui constitue en quelque sorte l’acte fondateur du bassin à flot. Elle stipule : « Tous les membres du conseil municipal et la généralité des habitants de la commune expriment le désir qu’en vue du prochain établissement du chemin de fer à Trouville, diverses améliorations soient faites dans le port de cette commune » [24]. Le conseil demande au préfet « qu’il put obtenir de monseigneur le ministre des Travaux publics l’ordonnance qui devra autoriser monsieur Albert Tostain, ingénieur en chef du département, à faire les études nécessaires à l’exécution de ce projet tel qu’il sera proposé par la commission municipale » [25]. Le 18 novembre 1855, le préfet informe le ministre des Travaux publics que l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées a étudié une proposition, soumise par le prince Murat [26] et le baron Clary, pour améliorer et développer le port de Trouville [27]. Ce courrier constitue le second acte du projet pour l’amélioration du port de Trouville. Il l’annonce et recommande même la rentabilité future de l’opération. À ses yeux, le nouveau port sera utile à la pêche (« vous reconnaîtrez toute l’importance de Trouville comme port de pêche, son heureuse situation à l’embouchure d’une rivière navigable »), au commerce (« déjà des navires de commerce fréquentent ce port et des bateaux à vapeur font le service régulier avec Le Havre ») et même aux bains de mer (« Trouville a une plage magnifique qui attire chaque année dans la saison des bains de nombreux étrangers. Ainsi la plage comme le port sont donc des moyens puissants de développement qui trouveraient une heureuse satisfaction dans l’exécution du bassin à flot ») [28]. L’argumentation, habile, touche tous les aspects de la vie trouvillaise, et surtout, elle veut favoriser une forme de convergence entre l’activité commerciale et l’activité touristique autour des bains de mer. Le 30 novembre 1855, le préfet informe le conseil municipal que le projet a été transmis au ministre. L’essor des chemins de fer facilite les communications intérieures et la diffusion sur le territoire de marchandises qui arrivent par bateau. La révolution du fer, du charbon et de la vapeur provoque une transformation des navires et des courants commerciaux qui nécessite un aménagement du port. Cette situation est celle de très nombreux ports français [29].

Le bassin à flot

14Le 7 mars 1856, le ministre des Travaux publics autorise le préfet à entamer une procédure publique d’engagement du projet avec les « enquêtes et les procédures prescrites ». Il précise toutefois : « l’utilité du projet ne [paraît] pas telle qu’il y ait lieu d’y appliquer les fonds du Trésor Public ». La procédure s’engage rapidement. Dès le 11 avril, le baron Clary adresse au sous-préfet la liste des membres de la commission d’enquête qui doit statuer sur l’utilité publique du projet. Le 30 avril, le préfet transmet l’affiche annonçant l’enquête publique qui débute le 5 mai et qui se termine le 27 du même mois par une réunion de la commission à la sous-préfecture de Pont-l’Évêque. Pour siéger à cette commission, le baron Clary invite le prince Murat, l’ancien député Cordier, un propriétaire, M. Petit, un négociant, M. Dubosq, un commerçant et l’officier de port [30]. Y siègent également, de droit, le sous-préfet, les ingénieurs des Ponts et Chaussées, des représentants du génie militaire, de la marine et de la douane, tous admis avec voix consultative [31].

15La Chambre de Commerce de Honfleur, qui siège dans la commission d’enquête, émet une série d’arguments contre la construction d’un bassin à flot à Trouville [32]. Elle affirme que la navigation n’y a pas augmenté depuis l’époque des derniers travaux de 1850, ce qui est faux comme en témoignent les travaux de Gabriel Désert, même s’il est vrai que le tonnage traité à Trouville ne représente encore qu’un dixième de celui traité à Honfleur [33]. Elle considère que le port de Trouville n’a aucun avenir en tant que port de commerce parce qu’il est trop proche de ceux de Caen et de Honfleur, lesquels sont alors bien reliés aux centres de production et de fabrication par le chemin de fer. De plus, son amélioration est jugée problématique en raison des difficultés liées à l’ensablement. L’argument est recevable, mais il s’applique à tous les ports de cette côte [34]. Enfin, elle reproche à Trouville de ne pas être « un port de refuge » [35], et elle conclut que « l’intérêt général ne gagnera rien en investissant à Trouville, en outre on privera d’autres ports du Calvados » [36].

16La commission nautique, composée d’hommes de la mer de Trouville, se fondant sur leur expertise pratique, et qui « ont notamment examiné les plans et parcouru les localités aux heures des marées pour se rendre compte des mouvements des eaux et des obstacles ou avantages que la Touques pouvait offrir à la manœuvre des bateaux [affirme] que le port de Trouville est susceptible d’un assez grand développement maritime et commercial pour nécessiter l’établissement d’un bassin à flot » [37]. En outre, le lieutenant de vaisseau qui a présidé cette commission précise : « La commission s’est d’autant mieux fondée à faire prévaloir les opinions émises dans ce rapport […] qu’elles résultent d’une série d’observations personnelles, faites à bord de l’aviso à vapeur, l’Avril, pendant les étés de 1851, 1852 et 1853 » [38].

17Le 23 juin 1856, le sous-préfet prend un arrêté déclarant le bassin à flot d’utilité publique [39]. Il précise que le projet a reçu de nombreux avis positifs et aucun avis contraire. Bien que la Chambre de Commerce de Honfleur y soit hostile, il insiste sur « les faits matériels et les données statistiques commerciales dont l’inexactitude a été démontrée dans le rapport du secrétaire de la commission d’enquête ». Il affirme que « les populations de la vallée d’Auge […] y ont le plus grand intérêt pour l’écoulement ou la réception des produits de leurs industries et de leurs manufactures alors que l’état du chenal de la Touques n’offre au navire de commerce qu’un échouage difficile et incommode […]. Le port de Trouville est destiné à acquérir une importance pour l’export des produits de la vallée d’Auge, les alcools, les beurres, les œufs, le bétail, les fromages, et pour l’import les cotons, les bois du Nord, la houille employée dans les villes manufacturières voisines et que cela apportera des avantages dans le pays » [40]. Enfin, les douanes et l’Inscription maritime constatant un développement progressif du mouvement commercial de Trouville, il affirme qu’il « est certain que le mouvement s’accroîtrait, dans une proportion considérable, si le port était doté d’un bassin à flot relié au centre de la France par un chemin de fer aussi projeté » [41].

18Le 12 juillet 1856, l’ingénieur en chef du service des ports et du canal de Caen à la mer adresse au ministre et au préfet le dossier d’enquête et le rapport de l’ingénieur ordinaire en charge du projet. Le rapport doit être agréé par la commission mixte des Travaux publics qui dépend du ministre. Elle rend un avis favorable, non sans formuler quelques remarques et recommandations techniques relatives notamment au système d’écluse (particulièrement important car il contribue au désensablement du chenal), ainsi qu’aux chantiers de construction navale « à établir en amont du port, sur celle des deux rives de la Touques qui ne sera pas occupée par la gare du chemin de fer qui est projeté de Honfleur à Trouville » [42] . Le ministre, Eugène Rouher, en informe le préfet le 28 janvier 1857.

19Le projet étant accepté dans son principe, il est à construire et à chiffrer. Un calque [43] est adressé dans ce sens au préfet le 3 février 1857. Il fait l’objet d’un refus, dès le 27 mars, en raison d’un coût trop élevé : cinq millions de francs ! Le préfet exige un nouveau projet avec « d’autres voies et moyens ». Il propose l’aide de l’ingénieur en chef. M. Lefèvre, agent-voyer [44], élabore une nouvelle ébauche avec « un bassin à flot, pris sur le terrain de Deauville, avec bassin de retenue, prévu dans le bras gauche de la Touques, en partie comblé, et après redressement du cours de la rivière » [45]. Ces propositions servent de base au projet adressé, au début de 1859, au ministre. Le budget est ramené de cinq millions de francs à deux millions quatre cent mille francs. La construction des murs de quai de la Touques, d’un pont tournant sur l’écluse du bassin et la rectification du lit de la Touques sont abandonnées. La longueur du bassin est diminuée. L’auteur conclut : « le projet procurerait déjà des avantages considérables et pour l’accroissement de notre population maritime et pour le commerce du pays » [46]. L’ingénieur apporte de nouveaux arguments : un service journalier de bateaux fonctionne avec Le Havre, ce qui sous-entend que des baigneurs étrangers viennent passer la saison à Trouville, le port du Havre étant une porte océane. Des navires caboteurs apportent à Trouville des matériaux divers, des navires étrangers arrivent avec des chargements de houille, et les armements de pêche ne cessent de se développer. De plus, le chemin de fer de Pont-l’Évêque à Trouville, dont l’ouverture est prévue pour le mois de mai 1863, « donnera bien plus d’activité et de mouvement commercial au port ». Trouville sera en relation directe, non seulement avec les villes voisines de Lisieux, Bernay, Mézidon et Caen, mais également avec Alençon, Le Mans, Tours et Paris. Enfin, la population de 4 200 habitants [47] s’élève à 8 000 pendant la saison. Les arguments de l’ingénieur en chef reflètent les grandes évolutions portuaires de l’époque : « Le renouveau portuaire a partout coïncidé avec l’apparition du chemin de fer et des machines à vapeur » [48].

20Le ministre oppose un nouveau refus le 25 juin 1859 [49], estimant qu’« eu égard aux circonstances actuelles, il n’est pas possible de songer à un projet de bassin à flot à Trouville » [50]. L’argument est discutable, il semble faire référence au soutien que l’Empereur apporte aux Italiens dans leur guerre d’émancipation contre l’Autriche en vue de constituer leur unité, mais il n’a aucun lien avec la politique portuaire. Le projet est cependant bloqué.

21Dans le même temps, Deauville, le village situé aux confins des marais, fait l’objet d’un vaste projet de développement.

Tourisme et Commerce à Trouville et Deauville

22Comme nous l’avons évoqué plus haut, Trouville est à la fois un port de pêche et une station en vogue dont la population double durant la saison. Or « les grandes familles de l’aristocratie et de la bourgeoisie privilégient l’entre-soi. Elles aiment à vivre entre elles, dans des espaces hors du commun qu’elles conçoivent et façonnent à leur image […]. Elles créent leur habitat ex nihilo sur des terres vierges […]. Il est d’autres lieux où elles se trouvent rassemblées en des ensembles collectifs qui recréent d’une certaine façon les ghettos du Gotha des grandes cités. Il s’agit des lieux de villégiature que la haute société a toujours su se ménager comme elle fut à l’origine des beaux quartiers parisiens, elle construisit des “stations”, qu’elles soient thermales, balnéaires ou de sports d’hiver » [51]. Le modeste port de pêche de Trouville peut-il assurer cet entre-soi ? Le docteur Olliffe, propriétaire à Trouville depuis 1844, et le duc de Morny vont lui préférer Deauville. Ils connaissent le projet de bassin à flot. Ils savent également que la propriété des deux marais, sur la rive gauche de la Touques, là où le bassin à flot doit être construit, vient de faire l’objet d’une longue procédure conclue par un arrêt de la Cour de Cassation daté du 14 mars 1859 [52] qui en reconnaît la « pleine propriété » au village de Deauville (113 habitants) [53].

23Dans la biographie qu’il consacre au duc de Morny, Michel Rouart écrit à propos de la fondation de Deauville : « La création de Deauville fut la dernière toquade de Morny. C’est son médecin le docteur Olliffe […] qui attira son attention sur ce petit village de Normandie et lui fit entrevoir les perspectives d’une vaste opération immobilière. Mais là encore Morny dépassa les limites d’une froide spéculation. L’idée de créer une ville de loisirs à partir de la vogue pour les bains de mer enthousiasma ce bâtisseur qui avait toujours été un adepte de l’hydrothérapie. Il en conçut les plans, dessina un hippodrome et alla jusqu’à prévoir la construction d’un port de commerce qui put concurrencer les ports anglais » [54]. Lorsqu’il se lance dans le projet, le duc de Morny est un personnage puissant. Dans le domaine politique, il préside le Corps Législatif, depuis le 12 novembre 1854. Il est également un entrepreneur et un homme d’affaires connu. Propriétaire d’une sucrerie dans le Puy-de-Dôme, il s’est également intéressé au chemin de fer. Un mot à son sujet court le monde de la finance, « un mot célèbre qui décidait des participations et faisait des miracles “le fameux Morny est dans l’affaire” » [55]. Par ailleurs, le duc cherche à attirer « partie de la haute volée internationale » [56] qui passe ses étés dans les stations en vogue de Baden-Baden ou de Karlbad en Bohême. Il conçoit « l’idée hardie de transformer le village voisin en un ressort du luxe qui concurrencerait Baden-Baden » [57]. Il sollicite le financier Armand Donon, un important banquier de l’ère impériale. Après avoir gagné beaucoup d’argent en spéculant sur la rente au moment du coup d’État du 2 décembre 1851, ce banquier fonde la maison Donon, Aubry, Gauthier et Cie qui finance les affaires de Morny dans le Puy-de-Dôme dont il devient un véritable associé [58]. Ainsi quand « Morny était dans l’affaire […] c’est Donon qui la traitait soit par l’intermédiaire de sa banque soit à titre privé » [59]. Deauville et son port n’échappent pas à la règle. Entre avril et août 1859, l’architecte Breney, au nom du docteur Olliffe et d’Armand Donon, propose à la municipalité de Deauville d’acheter la totalité des marais pour la somme de 800 000 francs. Le 31 août 1859, le conseil municipal de Deauville accepte l’offre, qui doit néanmoins faire l’objet d’une enquête publique. La vente est définitivement acceptée le 29 septembre 1859 [60]. Ce projet d’achat préoccupe également le duc de Morny. Il y fait référence en post-scriptum dans un courrier adressé à Armand Donon durant le mois d’octobre 1859, depuis sa résidence d’été de Nades : « Pour l’affaire de Trouville comment pourrez-vous régler avec la commune vos termes de paiement si vous n’êtes pas convenus d’avance ? Répondez-moi sur tout ceci et songez à quel point cela est grave » [61]. Parallèlement, Olliffe et Donon adressent au ministre Rouher, en charge du projet de bassin à flot pour Trouville, un mémoire dans lequel ils proposent de prêter cinq millions de francs au gouvernement au taux de 5 % et de donner des terrains pour creuser le bassin à flot. Ils écrivent : « L’exécution d’un bassin à flot avec ponts et quais a été reconnue par le gouvernement, après toutes les formalités d’usage nécessaires à la prospérité de Trouville, et c’est sur une partie de nos terrains que le bassin à flot doit être créé ». La suite du mémoire est un argumentaire pour expliquer au ministre la nécessité de faire vite, pour le bien de Trouville. Puis les deux auteurs formulent une proposition : « Dans cette pensée, nous avons formé une association pour offrir au gouvernement la somme de cinq millions estimée par ses ingénieurs, nécessaires pour l’exécution des dépenses que le gouvernement ferait à son compte ». Ils proposent un prêt avec remboursement sur cinq à dix ans et concluent : « nous mettons à la disposition du gouvernement les terrains nécessaires aux travaux à entreprendre » [62]. On ignore comment ce mémoire est reçu au ministère chargé des Travaux publics, d’autant qu’il reprend le projet d’un bassin à flot avec un budget de cinq millions de francs que le ministre a rejeté en 1857. Finalement, le duc décide de présenter le projet à l’empereur au cours d’un entretien qui a lieu en novembre 1859 au château de Compiègne, probablement au cours d’une série [63]. Il y fait référence dans un écrit qu’il adresse à Armand Donon le 24 novembre 1859 : « J’ai eu une audience, j’ai trouvé l’Empereur comme je le trouve toujours quand il n’est livré qu’à lui-même, bon, patient, juste, éclairé […]. Après cela j’ai parlé de Trouville, sans égal, veuillez chercher la combinaison de soumission des travaux en deux ans avec les conditions d’échange des terrains nécessaires pour le bassin à flot et ceux appartenant à l’État, les dunes, etc. Faites cela en règle et remettez-le moi le plus tôt possible avec les remboursements. Si vous les faites en 8 ou 10 ans, vous rendrez la chose encore plus facile et aux yeux du ministre économe d’argent à la fois. Voyez Olliffe et Hunnebelle [64] pour mieux vous entendre » [65]. Ce courrier montre l’intérêt que les promoteurs de Deauville, et en particulier Morny, portent à l’aménagement d’un bassin à flot. Ce bassin rentre dans leur vision globale pour Deauville. L’intervention est efficace. Six mois plus tard, le 28 juin 1860, paraît le décret d’utilité publique, signé par Napoléon III et son ministre Eugène Rouher.

24Nous reproduisons ci-dessous ce texte fondateur du bassin de Trouville.

25

« Article 1er. Il sera procédé à l’exécution des travaux nécessaires pour l’établissement d’un bassin à flot, au port de Trouville (Calvados), conformément aux dispositions générales du plan réduit, portant la date du 8 juin 1859, suivant lequel ledit bassin ne sera creusé, quant à présent, que sur une longueur de cent cinquante mètres ; la dépense renfermée dans le chiffre de deux millions quatre cent mille francs (2 400 000 f) sera imputée pour une somme de deux millions cent mille francs, sur la deuxième section du budget, chapitre XXXIX (ports maritimes) et sur la subvention de trois cent mille francs à fournir par les sieurs Douan [66] et Olliffe, conformément à l’engagement du 21 mai 1860.
2. Les travaux mentionnés dans l’article qui précède sont déclarés d’utilité publique. L’administration est autorisée à faire l’acquisition des terrains nécessaires pour la mise à exécution de ces travaux, conformément aux dispositions de la loi du 3 mai 1841 [67]. (Paris, 25 juin 1860) » [68].

26Le duc et ses associés sont parvenus à faire de deux projets distincts, le creusement du bassin à flot et le lancement d’une station balnéaire, un seul programme de création d’une ville tournée vers les loisirs comme vers le commerce. Le duc fait de nouveau référence à Deauville dans un courrier adressé à Armand Donon, depuis Nades, probablement en 1864 : « Le bassin à flot sera acteur, le commerce vous viendra forcément. Je le sais par l’homme qui fait tous les grands transports de houille anglaise pour la maison [suit le nom illisible de cette maison] et qui a l’œil sur Trouville auquel il croit au plus grand avenir commercial que nous ne nous le figurons. Il étudie pour savoir s’il ne nous proposera pas d’acheter en plus les terrains avoisinants le bassin à flot. N’allons pas échouer au port, cachons nos plaies… » [69]. Tous ces courriers montrent l’intérêt que le duc porte, non seulement à la fondation de la station balnéaire, mais également au bassin à flot et à sa future activité commerciale.

27Gerda Grohte et Michel Carmona, qui comptent parmi les meilleurs biographes de Morny, évoquent un double projet grandiose. Outre la rivale de Baden-Baden, Deauville doit être « un port commercial pourvu de tous les avantages de la technique moderne […] Deauville aurait un double caractère, celui de quelques autres villes françaises et anglaises, il serait à la fois bain et port de mer. Pour utiliser à plein le port, il [Morny] imagine une nouvelle ligne de chemin de fer, de Deauville-Trouville à Bordeaux, l’une des plus longues de France, prophétisant que les marchandises anglaises constitueraient le gros des transports de cette voie. La longue route des cargos britanniques vers la Méditerranée suit les côtes françaises et espagnoles : il s’agissait de la raccourcir en débarquant les marchandises à Deauville pour les transporter par fer à Bordeaux » [70]. Quant à Michel Carmona il écrit : « Curieusement, “l’autoroute des estuaires” que les autorités françaises ont inscrite, au tournant du xxie siècle, dans les programmes d’infrastructures du pays reprend la même idée… » [71].

28Ces textes affirment deux éléments importants. Ils attestent le lien entre la réalisation concrète du bassin à flot, dont l’idée a été lancée par le conseil municipal de Trouville, et le duc de Morny. Ils accréditent également la vision, voulue par le duc, d’un projet double de port commercial et de ville balnéaire, qui ne doivent faire qu’un. En tout état de cause, la conception présentée par le duc correspond au portrait que ses biographes dressent de lui, un entrepreneur et un aristocrate, proche de l’empereur, qui appartient à la “haute société” du régime impérial, de par ses liens familiaux avec l’empereur et de par ses responsabilités au sein du régime.

29L’architecte de Deauville, Desle-François Breney, prend-il en compte le rêve du duc dans la conception architecturale de Deauville ? Le défi est de taille. Il faut concilier la vision aristocratique et le port commercial inséré dans son milieu économique, comme le sous-préfet l’avait montré dans son arrêté du 23 juin 1856 [72]. Il faut prendre en compte les données géographiques du port comme les attentes des grandes familles qui veulent prioritairement « s’offrir un habitat et un environnement qui soient propices à l’épanouissement du mode de vie aristocratique et grand bourgeois » [73].

Deauville, ville portuaire ?

30Dans son ouvrage Les grands ports de commerce français et la mondialisation au xixe siècle, Bruno Marnot indique les nécessités auxquelles les ports doivent se soumettre pour s’adapter aux évolutions de la seconde moitié du xixe siècle. Il explique que « trois séries de facteurs externes ont entraîné une transformation sans précédent des espaces portuaires » [74]. Ces facteurs concernent « l’augmentation des volumes de magasinage » [75] pour le trafic des pondéreux, qui existe à Trouville, avec les importations de houille anglaise, l’amélioration « des accès portuaires » [76] avec la conception « d’emplacements pour les acheminements terrestres » [77], enfin la création d’installations susceptibles de permettre « de réduire au maximum les inconvénients de la rupture de charge » [78]. Concrètement, l’architecte Desle-François Breney doit répondre aux règles de création d’une ville de loisirs en bord de mer avec son casino et ses accès à la plage pour « aller à la lame » et aux exigences de développement d’un port de commerce avec ses terre-pleins et ses installations techniques pour la manipulation de ces marchandises, ses hangars pour leur stockage, ses voies d’accès pour leur transfert vers son arrière-pays ou pour leur expédition vers des clients au-delà des mers.

31Une gravure présente le plan conçu en 1859 par l’architecte (Fig. 1).

Fig. 1
Fig. 1
Plan général des terrains de Deauville[79]

32Son plan présente une ville conçue autour de deux espaces. Le premier, destiné à la vie balnéaire et aux loisirs, est construit autour « d’un plan en damier suivant la disposition du front de mer entre la digue promenade appelée “terrasse” et la grande avenue, future avenue Impériale, est-ouest » [80]. Le second cherche à aménager l’espace sur « les bords de la Touques dont le cours est rectifié, [et qui] sont dédiés aux équipements ferroviaires à l’aboutissement de la ligne Paris-Lisieux, et portuaires avec un avant-port et deux bassins en eau […]. Cet espace est essentiellement destiné aux activités économiques et commerciales » [81].

33Desle-François Breney intervient dans la construction du bassin comme l’atteste un rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées daté du 18 février 1862 qui précise que l’architecte « veut un alignement du quai au couchant à l’ouest et les rues et avenues déboucheront sur le quai du bassin à flot » [82]. Cependant, même si ce plan prévoit deux bassins plus grands que celui qui sera creusé, la disposition retenue, comme les constructions réalisées, semblent répondre aux impératifs d’une ville de villégiature. Elle privilégie une structure urbanistique organisée à partir du bord de mer avec ses bains et de son casino, conçu comme une sorte d’élément central de la ville autour duquel la vie s’organise. Une vie dans une cité balnéaire où « les deux pôles de loisirs et de convivialité que sont le front de mer (ensemble mer-plage-digue et casino) et l’hippodrome » [83] dominent face aux aménagements économiques et commerciaux qui « semblent surtout destinés à l’approvisionnement local à l’heure où le cabotage est relancé par la reprise économique des côtes normandes » [84], les infrastructures de transport et de commerce ayant pour objet de faire de Deauville une « vraie ville » [85]. Il est vrai « qu’au beau milieu du xixe siècle le lien entre le port et la ville reste encore incertain » [86].

34Le projet final ne retient qu’un seul bassin à flot, et non deux, comme envisagé par Desle-François Breney. Les travaux s’étalent entre 1862 et 1866. Le nouveau bassin, « pris sur le terrain de Deauville » [87], mesure 300 mètres de long sur 80 mètres de large, avec une profondeur de 8,20 mètres. Il est doté d’une écluse pour permettre le maintien au minimum de 4 à 4,5 mètres d’eau. Il est inauguré le 1er août 1866. Le duc est mort depuis un an. Dans son discours officiel, le préfet « rappelle le rôle joué par le duc de Morny dans cette nouvelle entreprise, glorifie sa mémoire » [88].

35L’impact sur le trafic de l’ouverture du bassin est immédiat, comme le montre un diagramme réalisé sans doute par l’ingénieur ordinaire du port (Fig. 2).

Fig. 2
Fig. 2
Diagramme de l’activité commerciale du bassin à flot de Deauville, 1862-1872 (Arch. dép. Calvados, S 1503)

36Ce diagramme illustre l’influence de l’ouverture du bassin sur l’activité portuaire. Le trafic général, en tonnes de marchandises transportées, est multiplié par 3,3 en quatre ans, il passe de 16 100 tonnes en 1865 (la dernière année complète sans le bassin) à plus de 52 500 tonnes en 1869 [89]. Les mouvements de navigation (en tonneaux de jauge) connaissent la même évolution. Le diagramme montre que la navigation française de toute nature, comme la navigation étrangère à vapeur profitent du changement. A contrario, la navigation française à la voile reste quasiment stable entre 1862 et 1872. Le changement favorise le commerce extérieur du port avec l’Angleterre, pour la houille, et avec les pays nordiques, pour le bois, et l’activité de cabotage avec les ports français voisins et particulièrement Le Havre. En revanche, la pêche ne semble pas être concernée par le changement, à cette époque, elle se pratique encore beaucoup à la voile, son trafic est stable avec une légère tendance à la baisse. L’ouverture du bassin à flot donne un réel avantage à l’activité commerciale du port de Trouville - Deauville conformément au rêve du duc. Le trafic du port décolle.

37Parallèlement, le port de Honfleur, qui avait tant craint cette création, n’est pas impacté par l’ouverture du bassin à flot (Fig. 3).

Fig. 3
Fig. 3
Évolution du trafic maritime au port de Honfleur au milieu du xixe siècle[90]

38D’après ce graphique, à la même époque, le trafic portuaire de Honfleur est en progression constante, il passe de 102 000 tonneaux en 1854 à 296 000 tonneaux en 1869, à la suite de la création d’un troisième bassin, ouvert à la navigation en 1848. D’après la courbe, en 1865, ses mouvements de marchandises sont en pleine ascension. La mise en service du bassin de Trouville-Deauville en août 1866 ne semble pas réellement contrarier cette ascension.

Conclusion

39La révolution des transports, la proximité avec Paris comme avec l’Angleterre, le boom économique du Second Empire ainsi que son œuvre dans le domaine portuaire, une période faste pour le commerce avec l’Angleterre, l’opportunité d’un marais à acheter, des hommes entreprenants, dont le duc de Morny, ont contribué à faire germer l’idée et surtout à faire prendre la décision de creuser un bassin à flot afin de faciliter l’accès des navires dans le port de Trouville en améliorant le chenal et en luttant contre ses bancs de sable. Le rêve du « Morny entrepreneur » s’est réalisé. Le trafic commercial du port est multiplié par trois, même si le nouveau bassin à flot n’a pas permis de concurrencer le port du Havre. Quant au port de Honfleur, qui avait tant craint l’émergence de ce concurrent, son trafic n’en a pas souffert.

40En revanche les choix architecturaux et organisationnels – pris dès le début des années 1860 – ont-ils permis de faire la synthèse dont avait rêvé le duc, à savoir construire une ville-port de commerce et de villégiature pour la haute société européenne ? Dans ce domaine, la réponse est beaucoup plus nuancée. Les choix répondent plus à la création d’une ville de loisirs, où le bord de mer constitue la référence pour sa construction avec un hippodrome et un casino. Les cabines de bains sont installées sur la plage dès l’année 1864 [91]. La construction du casino, au milieu du front de mer, est voulue, par l’architecte, pour en faire un des centres de la vie deauvillaise. En revanche, l’option, proposée par Desle-François Breney, de creuser deux bassins à flot, n’est pas retenue.

41Lorsque le duc disparaît en mars 1865, Deauville a conquis sa place chez les aristocrates, les financiers, les bourgeois, les hommes politiques. Les premières villas, construites par « l’aristocratie de la naissance et de l’argent » sortent très vite de terre [92]. La liste des noms de ceux qui investissent à Deauville montre que la station balnéaire de dimension internationale s’affirme très vite ; en revanche, même si le port commercial décolle, la synthèse rêvée par le duc ne se fait pas. La double conception semble vite oubliée après la mort du duc comme l’écrit Gerda Grohte : « Ils [les associés et banquiers du duc] n’étaient guère enthousiastes. Allait-on souiller, profaner, l’exclusivisme aristocratique de cette magnifique perle d’élevage à peine détachée de son coquillage natal ? » [93].

42Pourtant, le temps a en un sens donné raison à Morny pour ce qui concerne l’intérêt de construire un bassin à flot en même temps que Deauville. Après la Grande Guerre, le bassin devient une des composantes de l’attrac- tivité de Deauville avec le développement du yachtisme. Les plus grands et les plus luxueux yachts le fréquentent, tel celui de l’Américain M. Macombert, avec son yacht le Crusader, ou encore le Cutty Stark du duc de Westminster [94] qui manœuvrent difficilement dans le bassin en raison de sa longueur. Après la Seconde Guerre mondiale, le trafic commercial disparaît au profit de cette activité devenue une des composantes de la villégiature de luxe.


Mots-clés éditeurs : siècle, Trouville, e, Morny, trafic commercial ports normands, Honfleur, Deauville, loisirs et villégiature de luxe, xix

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Mise en ligne 03/05/2017

https://doi.org/10.3917/annor.662.0073

Notes

  • [*]
    Docteur en histoire, CRHQ, Université de Caen Normandie. Je tiens à adresser mes remerciements à Mme Laurence Montel, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Poitiers, ses conseils avisés m’ont permis de transformer cet article, tiré d’un mémoire de Master, en communication à usage de la communauté historienne comme des passionnés de Deauville et aussi du duc de Morny, le fondateur de cette ville.
  • [1]
    M. Carmona, Morny, le vice empereur, Paris, Fayard, 2005, p. 357. Expression qui signifie « aller nager dans la mer », elle est utilisée par cet auteur au sujet du duc de Morny, mais elle est valable pour toutes les personnes qui pratiquaient les bains de mer à l’époque.
  • [2]
    Il s’agit de la belle-fille du roi Charles X.
  • [3]
    Il s’agit du « Salon de peinture et de sculpture » qui expose les œuvres des artistes agréés par l’Académie des Beaux-Arts.
  • [4]
    B. Marnot, Les grands ports de commerce français et la mondialisation au xixe siècle, Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 2011, p. 468.
  • [5]
    Ce problème concerne tous les ports de cette côte. À la même époque, les ingénieurs des Ponts et Chaussées sont confrontés aux mêmes difficultés concernant la baie de l’Orne alors qu’un canal, qui débouche dans la mer dans cette baie, est en cours de construction entre Caen et la mer. Ils doivent sécuriser la baie pour favoriser le trafic de cette nouvelle voie navigable destinée à favoriser l’activité portuaire de Caen.
  • [6]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville son histoire, Grenoble, Roissard, 1952, p. 95.
  • [7]
    Une jetée en estacade est une jetée à claire-voie, formée de grands pieux et établie dans un port ou un cours d’eau pour former un passage. La construction à claire-voie permet de faciliter le mouvement du sable.
  • [8]
    Arch. dép. Calvados, S 1503.
  • [9]
    Arch. dép. Calvados, S 1503.
  • [10]
    Adjudication au rabais : « adjudication faite au profit de celui des concurrents qui offre la plus forte diminution sur le prix auquel l’administration a évalué l’entreprise. Ce mode s’applique aux marchés de fournitures et de travaux ». La grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une Société de savants et de gens de lettres, M. Berthelot (dir.) et al., Paris, H. Lamirault, (1885-1902), 31 t., t. 1, p. 578.
  • [11]
    Mauger et Castor sont des entrepreneurs normands en vue. Ils sont beaux-frères, originaires de Douvres-la-Délivrande.
  • [12]
    Arch. dép. Calvados, Z 2205.
  • [13]
    Lais sur une plage : terrains que la mer ou les cours d’eau laissent à découvert en se retirant.
  • [14]
    Arch. dép. Calvados, Z 2205.
  • [15]
    J. Bayle, Ports et plages de la côte fleurie, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1997, p. 60.
  • [16]
    Arch. dép. Calvados, Z 2209.
  • [17]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [18]
    Il réside à Honfleur. Il a travaillé pour le port de Trouville entre 1845 et 1877.
  • [19]
    Arch. dép. Calvados, S 1467.
  • [20]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [21]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville son histoire, op. cit., p. 86.
  • [22]
    Il est maire de Trouville entre 1855 et 1865.
  • [23]
    Architecte renommé, disciple du baron Haussmann. Il construit de nombreuses villas à Trouville, dont la sienne et celle de Joseph Olliffe, le médecin du duc de Morny. Il s’y installe l’été. Il devient membre du conseil municipal à compter de 1849. Il travaille aux côtés du comte d’Hautpoul, maire entre 1846 et 1852, puis aux côtés de son successeur, le baron Clary. Il sera le premier maire de Deauville.
  • [24]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [25]
    Arch. dép. Calvados, Z 2201.
  • [26]
    Il s’agit de Lucien Charles Joseph Napoléon Murat (1803-1878), né de l’union entre Joachim Murat, roi de Naples et maréchal d’empire, et Caroline Bonaparte, sœur de l’empereur. Il s’intéresse au projet car il séjourne à Trouville où il est propriétaire d’une villa.
  • [27]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [28]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [29]
    A. Vigarié, Ports de commerce et vie littorale, Paris, Hachette, collection Université, 1979, p. 38.
  • [30]
    Arch. dép. Calvados, Z 2199.
  • [31]
    Arch. dép. Calvados, Z 2199.
  • [32]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [33]
    G. Désert (dir.), Atlas historique et statistique de la Normandie Occidentale à l’époque contemporaine, 3 vol., vol. III, Les communications, Condé-sur-Noireau, éd. Charles Corlet, 2000, p. 188.
  • [34]
    P. Dupré, Histoire économique de la côte du Calvados 1830-1939, Des activités traditionnelles au tourisme, Thèse de troisième cycle en histoire contemporaine réalisée sous la direction du Professeur Gabriel Désert, Université de Caen, 1980, vol. 1, p. 114.
  • [35]
    P. Dupré, dans sa thèse évoquée ci-dessus, présente le port de Trouville comme un port de refuge « en raison de l’éloignement », Histoire économique de la côte du Calvados…, op. cit., vol. 1, p. 77.
  • [36]
    Le 25 juin 1860 (le même jour que pour le bassin à flot de Trouville) l’Empereur prend également un arrêté pour des travaux dans le port de Honfleur pour un montant de 715 000 francs, dépense également affectée à la deuxième section du budget, sur le même chapitre que les travaux pour le port de Trouville. Faut-il voir un lien entre cette remarque des élus d’Honfleur et cette décision ? Rien ne permet de l’affirmer.
  • [37]
    Arch. dép. Calvados, S 1507 (extrait du procès-verbal des travaux de la Commission nautique).
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Arch. dép. Calvados, Z 2199.
  • [40]
    En outre, ce paragraphe donne un aperçu des cultures pratiquées à l’époque dans l’arrière-pays trouvillais.
  • [41]
    L’argument de la Chambre de Commerce au sujet du chemin de fer est donc fort tendancieux.
  • [42]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [43]
    Nous n’avons trouvé aucune trace de ce calque aux Archives départementales.
  • [44]
    À l’époque, l’agent-voyer est une personne chargée de gérer les biens communaux.
  • [45]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville son histoire…, op. cit., p. 139.
  • [46]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [47]
    En 2013, d’après le recensement réalisé tous les cinq ans, Trouville comptait 4 728 habitants.
  • [48]
    M. Hérubel, Les ports maritimes, Paris, Presses universitaires de France, collection Que Sais-je, 1943, p. 19.
  • [49]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [50]
    Arch. dép. Calvados, S 1469.
  • [51]
    M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, « L’aristocratie et la bourgeoisie au bord de la mer. La dynamique urbaine de Deauville », Genèses, 16 juin 1994, p. 69-70.
  • [52]
    F. Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », dans Morny et l’invention de Deauville, Armand Colin, CID Deauville, 2010, p. 78.
  • [53]
    R. Deliencourt, « Le duc de Morny et le nouveau Deauville », Le Pays d’Auge, n° 12, décembre 1961, p. 1.
  • [54]
    J.-M. Rouart, Morny. Un voluptueux au pouvoir, Paris, Gallimard, 1995, p. 234.
  • [55]
    G. Grohte, Le duc de Morny, traduit de l’allemand par Raymond Albeck, Paris, Fayard, 1967, p. 132. Cette biographie, bien que très ancienne, fait toujours autorité.
  • [56]
    Ibid., p. 264.
  • [57]
    Ibid., p. 265.
  • [58]
    N. Stoskopf, Les patrons du Second Empire, Paris, Éditions Cénomane, 2002, p. 143.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    L. Duhault, « Richesse des archives municipales de Deauville », dans Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 65.
  • [61]
    Arch. nat., 116 AP 2-3. Fonds de correspondance du duc de Morny.
  • [62]
    Arch. nat., F/14/7178 extrait d’un mémoire de Olliffe et Donon au sujet du bassin à flot.
  • [63]
    Durant leur règne, à partir de l’année 1856, Napoléon III et l’impératrice prirent l’habitude de recevoir une centaine d’invités pour une semaine au château de Compiègne durant l’automne. Beaucoup de personnalités en vue du régime participèrent à ces réceptions qui prirent le nom de « séries » ou encore de « Compiègne ». L’avantage de ces réceptions est que la vie y était beaucoup plus détendue et l’étiquette réduite au minimum. (Ces explications sont tirées d’un article de J.-M. Moulin, conservateur en chef du palais de Compiègne, « La Cour à Compiègne sous le Second Empire », Revue du souvenir napoléonien, [en ligne], n° 300, 1978, p. 17 à 23, disponible sur http://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/la-cour-a-compiegne-sous-le-second-empire, consultation du 26/10/2016).
  • [64]
    Il s’agit de Jules Hunebelle (avec un seul N), entrepreneur, engagé dans le projet de création de Deauville.
  • [65]
    Arch. nat., 116 AP 2-3, Fonds de correspondance du duc de Morny.
  • [66]
    Il s’agit du banquier Armand Donon, présenté plus haut.
  • [67]
    Il s’agit de la Loi du 3 mai 1841, intitulée : Expropriation pour cause d’utilité publique. Autorité de la justice. Enquête administrative. Avertissement. Privilèges et hypothèques. Règlement des indemnités.
  • [68]
    Document transmis directement à l’auteur par les Archives nationales. Référence du carton non indiquée.
  • [69]
    Arch. nat., 116 AP 2-3. Fonds de correspondance du duc de Morny, extrait d’un courrier adressé par le duc à Armand Donon.
  • [70]
    G. Grothe, Le duc de Morny…, op. cit., p. 266.
  • [71]
    M. Carmona, Morny le vice-empereur…, op. cit., p. 360.
  • [72]
    Cf. supra.
  • [73]
    M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, « L’aristocratie et la bourgeoisie au bord de la mer… », op. cit., p. 73.
  • [74]
    B. Marnot, Les grands ports de commerce français…, opcit., p. 63.
  • [75]
    Ibid., p. 64.
  • [76]
    Ibid.
  • [77]
    Ibid.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    Arch. dép. Calvados, O 989.
  • [80]
    Ibid., p. 82.
  • [81]
    Ibid.
  • [82]
    Arch. dép. Calvados, S 1504.
  • [83]
    F. Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », op. cit., p. 84.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    Ibid.
  • [86]
    A. Carrino et B. Salvemini, « De l’instabilité du concept de port : le Sud de l’Italie face à Marseille (1710-1846) », dans L. Dumond, S. Durand et J. Thomas, Les ports dans l’Europe méditerranéenne. Trafics et circulation xvie-xxie siècle, Actes du colloque tenu à Montpellier les 19 et 20 mars 2004 en hommage à Louis Dermigny (1916-1974), Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2007, p. 267.
  • [87]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville et son histoire, op. cit., p. 139.
  • [88]
    Ibid., p. 140.
  • [89]
    G. Désert (dir.), Atlas historique et statistique de la Normandie occidentale…, op. cit., p. 184.
  • [90]
    J. Pelluet, L’Évolution d’un port majeur de l’estuaire de la Seine au XIXe (1800-1914) : L’exemple de Honfleur entre permanences et reconversions, mémoire de master 2, en Histoire contemporaine, Université de Caen, sous la direction de Jean-Louis Lenhof, 2013, p. 32.
  • [91]
    D. Hébert, « L’architecture de la villégiature à Deauville sous le Second Empire », dans Morny et l’invention de Deauville, op. cit, p. 94.
  • [92]
    G. Grohte, op. cit., p. 266.
  • [93]
    Ibid.
  • [94]
    R. Deliencourt et J. Chennebenoist, Deauville et son histoire, t. II, de 1914 à 1937, op. cit., p. 97.
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