Le 15 septembre 2021, le Guatemala, El Salvador, le Honduras, le Nicaragua et le Costa Rica ont célébré le bicentenaire de leur indépendance de l’Espagne, deux cents ans après que les dirigeants de la ville de Guatemala ont publié un acte invitant les résidents à décider la possible séparation de la madre patria. Cet acte n’a pas réussi, ni immédiatement ni à long terme, à produire le résultat unificateur souhaité : une république centraméricaine. Après de nombreuses autres déclarations et actes, il en résulta une annexion de deux ans au Mexique, suivie d’une fédération centraméricaine tendue et conflictuelle (1825-1839) dont les cinq États d’origine émergèrent en tant qu’États-nations souverains dès les années 1840. Depuis lors, les gouvernements et les peuples d’Amérique centrale ont éprouvé une double conscience d’être des ressortissants de leur pays d’origine et des membres d’une communauté régionale dont l’union politique n’était pas qu’un souvenir mais, pour certains, une aspiration.
Cette double conscience a été un défi pour les historiens et l’historiographie de la formation de l’État-nation en Amérique centrale. Beaucoup d’encre a été répandue pour raconter l’histoire de l’indépendance de l’isthme du point de vue d’un seul pays ou d’une fédération fracturée. Une attention égale a été consacrée aux programmes politiques, économiques et religieux des élites, dit « conservateurs » et « libéraux », aux divisions raciales et de classe au sein de la population et à l’ingérence britannique, française, puis nord-américaine dans les affaires intérieures…