Dans le roman de Jorge Amado Dona Flor et ses deux maris (1966), le défunt époux de l’héroïne revient la hanter après ses secondes noces. Dans le cas de Páscoa, femme noire, esclave, originaire de Massangano en Angola où elle a été mariée, arrivée en 1686, à l’âge de vingt-six ans, à Salvador de Bahia au Brésil où elle a épousé un autre homme, le passé ressurgit sous les traits des inquisiteurs de Lisbonne devant lesquels elle comparaît en 1700 pour répondre de sa première union. L’ouvrage est avant tout fondé sur une source : le procès que le Saint-Office de Lisbonne a intenté à cette femme, Páscoa Vieira, sous l’accusation du crime de bigamie, à partir de juillet 1693. La numérisation des fonds de l’Inquisition portugaise conservés à l’Arquivo Nacional da Torre do Tombo (Lisbonne) en a facilité l’accès, ces documents étant précieux pour retracer l’histoire des dissidences religieuses et de leur répression. L’originalité majeure de Páscoa et ses deux maris est de mettre en lumière, à partir de ces sources inquisitoriales et à travers une étude de cas, un aspect important de l’histoire de l’esclavage : le mariage des esclaves et ses enjeux pour la société coloniale.
La composition du livre est chronologique, suivant les étapes de la procédure judiciaire. La dénonciation de Páscoa par son maître enclenche une longue enquête qui se déploie à l’échelle de l’Atlantique : depuis l’Angola, où des témoignages sont recueillis sur la première union de Páscoa, à Lisbonne ensuite, où Páscoa est conduite, en passant par Salvador, où elle s’efforce d’être disculpée par une contre-enquête…