Sous un gouvernement qui se qualifie lui-même de « sérénissime », le conflit ne peut exister. Le régime vénitien semble offrir une stabilité politique exceptionnelle dans l’espace italien des débuts de l’époque moderne. Ce mythe de la sereine Venise a été largement étudié par les historiens et les historiennes. Évidemment, les tensions et la crainte de la révolte ou de la conjuration traversent l’histoire vénitienne, mais l’absence de révolte populaire de l’ampleur, par exemple, de celle des Ciompi à Florence demeure. Plutôt que de chercher à expliquer cette absence par l’exceptionnalité vénitienne, l’ouvrage propose une autre voie : replacer le cas de Venise dans une réflexion politique plus large, celle de la participation populaire à la vie politique, qui passe par des contestations larvées ou ouvertes, par une participation informelle active, par des discours et des actions qui, s’ils ne se déroulent pas au Grand Conseil, n’en sont pas moins politiques.
Pour explorer ces pistes, Maartje van Gelder et Claire Judde de Larivière ont rassemblé une dizaine de chercheurs et de chercheuses, d’origine et de génération diverses. Cette collaboration de long cours, puisqu’elle a débuté en 2015 à l’occasion d’un atelier tenu à Amsterdam et s’est poursuivie à différentes occasions, permet de donner une réelle cohérence à l’ensemble du volume, qui couvre une période s’étendant de la fin du Moyen Âge jusqu’au xviiie siècle. Autour de questionnements élaborés en commun, les chapitres offrent une vue kaléidoscopique de la question, chacun résonant étroitement avec les autres dans un livre véritablement pensé de manière collective…