Pour qui s’intéresse à l’histoire de longue durée de la citoyenneté européenne, l’infamie est un sujet fascinant en ce qu’il associe une dimension archaïque et une extrême modernité à une série d’interrogations mal résolues. Le riche ouvrage de Clément Bur vient contribuer à ce sujet de façon décisive. Savoir ce qu’est précisément un « infâme » demeure, en réalité, d’une redoutable complexité. Car l’infamie, si la Morale la proclame, édicte des disqualifications publiques qui dévaluent la bonne réputation du sujet et restreignent ses droits ; si le Droit l’applique aux termes de procédures plus formelles aboutissant à des condamnations pas nécessairement plus dévastatrices, la Littérature incarne l’infamie dans des figures sociales (le voleur, le bourreau, l’aristocrate perverti, etc.) auxquelles, à partir du xviiie siècle, elle offre un droit d’asile permanent. Sujet multidisciplinaire par excellence, la connaissance de l’infamie gagne à opérer le retour aux sources proposé par C. Bur. Née du droit romain, l’infamie doit y être replongée, jurisprudence et textes compris (là est l’une des grandes nouveautés du livre), pour abandonner les « généralisations abusives » dont cette notion est trop souvent l’objet à cause de la négligence de la célèbre et provocante formule de Claude Nicolet : « Nous sommes tous des citoyens romains. »
En matière d’infamie, la simplicité de certaines définitions (« une peine provenant de l’application d’un texte juridique et constituée d’un lot d’incapacités dans les différents aspects de la vie civile » [p…